Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si nous disposons dans notre pays de très bons services d'urgence, et en particulier de services d'incendie de grande qualité, nous ne pouvons rester insensibles aux 250 000 incendies domestiques annuels recensés par les compagnies d'assurance et aux 500 décès qu'ils entraînent. Il faut savoir que 70 % de ces incendies se produisent la nuit : contrairement aux idées reçues, l'odeur de fumée, loin de réveiller, produit l'effet inverse. Il est donc nécessaire de disposer d'une détection précoce. Et même si je n'ai pas assisté aux débats de la première lecture, il me semble que rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans les lieux d'habitation est une bonne idée, qui répond à un principe naturel de précaution.
L'installation de ce dispositif n'étant assujettie à aucune obligation dans notre pays, le taux d'équipement n'est que de 1 % en France alors qu'il est de plus de 90 % dans les pays qui l'ont rendue obligatoire. Ces derniers ont pu constater une baisse de 50 % du nombre de décès dus aux incendies d'habitation et une diminution dans les mêmes proportions de l'intervention des pompiers.
L'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation ne concerne que les logements construits après son entrée en vigueur. Or 96 % des décès ont lieu dans les immeubles non assujettis à cet arrêté. Dans ce contexte, cette proposition de loi est intéressante, à condition toutefois d'y intégrer certaines précautions et actions complémentaires s'inspirant des recommandations du rapport de Philippe Pelletier et de Patrick Doutreligne d'octobre 2005, comme l'a souligné Jean-Yves Le Bouillonnec.
Il faut aussi prendre en compte le fait qu'un incendie sur quatre est dû à une installation électrique défectueuse. D'après le groupe de réflexion sur la sécurité électrique dans le logement – le GRESEL –, 7 millions de logements sont équipés d'installations électriques présentant des risques, dont 2,3 millions sont considérées comme très dangereuses. La loi instituant un diagnostic obligatoire des installations électriques dans les immeubles à usage d'habitation, dont le décret d'application a été publié au Journal officiel le 24 avril dernier, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2009, reconnaît la responsabilité du propriétaire en la matière pour toutes les ventes de logement dont l'installation électrique a plus de quinze ans. Cela donne raison à nos collègues sénateurs qui ont modifié en ce sens la proposition de loi initiale. Pour notre part, nous estimons que si le propriétaire doit assurer la mise en conformité de l'installation électrique, il doit en aller de même pour l'installation des détecteurs de fumée, dont le caractère obligatoire pourrait par ailleurs être intégré dans les documents d'urbanisme afin d'en faciliter le contrôle.
De manière complémentaire, il faut agir sur la prise de conscience des risques – 30 % des enfants victimes d'incendie étaient sans surveillance au moment du sinistre – et, dans ce but, éduquer, informer, accompagner. L'équipement des logements en détecteurs doit s'accompagner de campagnes d'information et de sensibilisation sur les risques d'incendie de même intensité que celles conduites en faveur de la sécurité routière.
Il n'existe pas d'études définitives sur le coût des incendies mais selon les estimations réalisées par Mme Claire Moscicki en octobre 2004 pour le groupement des fabricants installateurs distributeurs mainteneurs en sécurité incendie domestique, le GIFSID, et la fédération française des matériels d'incendie, la FFMI, les indemnités versées pour chaque personne décédée dans un incendie s'élèvent à 1,1 million d'euros. Voilà qui constitue un enjeu économique majeur pour les compagnies d'assurance et nous devons veiller à ce que l'obligation d'installer des détecteurs ne les dégage pas de leur responsabilité une fois le sinistre survenu.
Des questions se posent également sur le coût des différents types de détecteurs. Selon les professionnels, les détecteurs optiques seraient préférables aux détecteurs ioniques : outre le fait qu'ils réagissent aux incendies à progression lente qui peuvent couver pendant de nombreuses heures avant la phase d'inflammation, ils seraient moins sujets aux fausses alarmes ; malheureusement, ils sont plus onéreux. Veillons à concilier prévention et justice sociale, mais veillons également à suivre l'évolution des technologies.
Nous devons également avoir la garantie que cette nouvelle obligation sera très précisément encadrée par le pouvoir réglementaire, de manière à éviter que l'afflux des demandes n'encourage les comportements spéculatifs chez les fabricants de détecteurs. Il faut y ajouter la question de la maintenance pour les personnes fragiles.