La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Jersey relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale et à l'imposition des pensions (nos 2320, 2568).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth des Bahamas relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (nos 2321, 2579).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Turques et Caïques relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (nos 2324, 2569).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Bermudes relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (nos 2325, 2569).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Caïmans relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (nos 2326, 2569).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Gibraltar relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (nos 2327, 2568).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Saint-Marin relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (nos 2328, 2580).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Liechtenstein relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (nos 2330, 2552).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (nos 2331, 2580).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Guernesey relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (nos 2333, 2568).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Île de Man relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (nos 2334, 2568).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Îles Vierges britanniques relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (nos 2337, 2569).
Je rappelle que ce texte est examiné selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement.
Le texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, en application de l'article 106 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du texte de la commission.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les députés, depuis août 2007, la crise financière qui trouve son origine aux États-Unis a pesé brutalement sur l'emploi et sur l'activité dans notre pays.
Les Français ont été directement touchés, et le Gouvernement a agi vite et fort pour protéger nos concitoyens : nous avons mis en place des mesures d'urgence ; nous avons soutenu l'emploi ; nous avons soutenu le crédit aux ménages et aux entreprises ; nous avons soutenu tout particulièrement les PME.
Aujourd'hui, les effets de la crise se font encore sentir, mais notre action a commencé à porter ses fruits. J'en veux pour preuve le résultat en matière de création d'emplois au premier trimestre 2010, qui vient d'être révisé à la hausse, à 23 700 nouveaux emplois. C'est la première fois que ce chiffre est positif depuis le début de l'année 2008.
Pour autant, la complaisance n'est pas de mise. Nous devons agir pour que les chocs subis par notre économie en 2007 et en 2008 n'arrivent « jamais plus ».
Ce « jamais plus » que j'appelle de mes voeux, nous y parviendrons à la condition de refonder la régulation du système financier. Le Président de la République et la Chancelière allemande l'ont signifié dès le mois d'août 2007 à l'ensemble de nos partenaires en appelant à tirer rapidement les leçons de la crise financière. Certains accueillirent cet appel avec scepticisme. Pourtant, à force de détermination et de conviction, ainsi que grâce à une coordination internationale sans précédent, les lignes commencent enfin à bouger.
Sous l'impulsion du Président de la République, l'agenda de réforme du système financier est désormais ancré au coeur de l'action du G20. Nous n'avons de cesse de le rappeler. C'est un impératif auquel nous souscrivons à chaque réunion des ministres ou des chefs d'État et de Gouvernement du G20.
A Pittsburgh au mois de septembre 2009, nous avons pu constater que tous les chantiers avaient été engagés, même si tous, bien entendu, n'ont pas encore abouti, ce qui ne manque pas d'entraîner chez certains un sentiment d'impatience, parfois de lassitude.
Partout où il n'y avait pas de régulation – et cela concerne de nombreux domaines –, il a fallu la créer, l'inventer. Partout où elle existait, il a fallu s'interroger pour savoir si elle était efficace, et éventuellement l'améliorer ou la consolider.
Les sommets réunis à Washington, à Londres, puis à Pittsburgh ont ainsi permis de décider de mesures fortes destinées à refonder la régulation du système financier international. Le grand principe de base, il a été arrêté à Washington, en novembre 2008 : aucun territoire, aucun marché, aucun opérateur ne peut échapper à la régulation et à la supervision.
Eh oui, monsieur le député, cela prend du temps. Parce que l'action ne peut être efficace que si elle est menée à l'échelon international. Cela implique de convaincre tous les acteurs, dans tous les domaines, pour être sûr de parvenir à cette coordination indispensable, sans laquelle on se met en risque d'arbitrage.
Sans relâche, la France a veillé à ce que les décisions du G20 soient ainsi mises en oeuvre, au niveau européen – là où nous sommes le plus présents, le plus actifs, le plus efficaces, sans doute – mais aussi au niveau international : c'est notamment le cas au sein du Conseil de stabilité financière, du Fonds monétaire international, du Comité de Bâle.
Toujours sur le thème du jamais plus : jamais plus de rémunérations qui incitent les opérateurs de marché à prendre des risques excessifs. C'est ainsi que, le 25 août dernier, le Président de la République proposait à nos partenaires du G20 un ensemble de mesures fortes pour encadrer les bonus. Pour la première fois, un État proposait une régulation de rémunérations auparavant non régulées. Notre initiative a été suivie d'effets, même si elle a parfois été accueillie avec scepticisme par certains de nos partenaires. Le G20 a adopté des mesures fortes sur l'interdiction des bonus garantis, le versement différé de 50 % des bonus sur au moins trois ans, et la création, en face des bonus, d'un mécanisme de malus.
Dès octobre prochain, l'Europe adoptera la troisième directive bancaire qui met en oeuvre au niveau européen ces règles relatives à la rémunération. Sans attendre, la France a été le premier pays à les mettre en oeuvre au niveau national avec la publication d'un arrêté le 5 novembre dernier.
Jamais plus d'agences de notation sans contrôle ni régulation.
Après l'effondrement des notations sur les produits de titrisation et les conflits d'intérêts manifestes entre l'activité de conseil et l'activité de notation – ces conflits d'intérêts ont notamment été mis en évidence par des témoignages recueillis aux États-Unis devant la Chambre des représentants –, la non-régulation des agences de notation n'est plus une option. Le G20 de Washington a décidé que les agences feraient l'objet d'un agrément et d'un contrôle.
C'est sous l'impulsion de la présidence française de l'Union qu'un règlement européen a été finalement adopté le 16 septembre 2009. J'ai eu l'occasion de l'indiquer devant votre commission des finances. Le principe a été arrêté en septembre 2008 ; c'est en septembre 2009 que le règlement voit le jour ;…
…et c'est évidemment à la fin de l'année 2010, en raison des délais législatifs habituels, que ce règlement sera intégralement applicable dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.
Il prévoit des mesures fortes pour exiger la transparence, empêcher les conflits d'intérêt et renforcer la qualité des notations. Il prévoit des obligations déclaratives pour les agences dans l'hypothèse où certains de leurs clients représenteraient plus de 5 % de leur activité. Elles sont désormais soumises à un dispositif d'agrément et de contrôle.
La Commission européenne s'est engagée à aller plus loin. Elle fera, d'ici à la fin de l'année, des propositions pour renforcer la concurrence entre agences et réduire la dépendance de nos économies, notamment de certaines de nos banques, à leur égard. Je soutiens totalement cette initiative et salue l'engagement en ce sens du commissaire européen chargé du marché intérieur et des services, Michel Barnier.
Jamais plus non plus de marchés dérivés non régulés. C'est un débat que nous aurons longuement, car il est important. L'absence de régulation de ces marchés n'est pas acceptable quand ils sont le cadre de transactions se chiffrant en centaines de trilliards de dollars. Elle est d'autant moins acceptable que les responsables publics, qui ont en charge l'intérêt général, ne sont pas, jusqu'à ce jour en tout cas, en mesure de connaître les positions spéculatives sur des dettes souveraines, comme nous l'avons vu avec la Grèce.
Pour plus de transparence et mettre fin au principe d'obscurité, le G 20 de Washington a décidé la création de registres pour toutes les transactions. Il a également décidé de la sécurité en exigeant que les transactions sur dérivés soient compensées dans des chambres de compensation. D'ici à l'été, la Commission européenne proposera un règlement européen pour mettre en oeuvre ces décisions. Hier matin, le Président de la République et la Chancelière allemande en ont saisi ensemble le président pour lui demander d'accélérer les travaux, car nous ne pouvons ni attendre ni travailler en cavalier seul. C'est un sujet sur lequel je me suis longuement exprimée et dont j'ai débattu avec mon collègue allemand.
Jamais plus, enfin, de fonds alternatifs sans contrôle ni régulation. Comme pour les marchés dérivés, l'opacité qui règne sur ces fonds doit cesser. Ils peuvent être considérés à juste titre comme des trous noirs du système financier alors que, certains jours, plus de 50 % des transactions boursières transitent par ces fonds alternatifs.
Le G 20 de Londres a décidé que les fonds feront l'objet d'un agrément et seront soumis à des règles de transparence. Les ministres européens des finances, à l'occasion de la réunion ÉCOFIN de mai 2010, ont approuvé un projet de directive européenne sur les fonds alternatifs qui consacre en particulier : l'agrément obligatoire des gestionnaires de fonds ; l'application des règles du G 20 en matière de rémunération aux gérants des fonds ; la soumission des fonds à des règles de transparence sur leurs transactions, le recours à des ventes à découvert et leur levier. Grâce à cette directive, les autorités nationales seront dotées de réels pouvoirs, avec notamment la possibilité de plafonner le levier en cas de circonstances exceptionnelles. Pour ma part, je resterai inflexible pour empêcher les fonds alternatifs de bénéficier du passeport européen dès lors qu'ils seraient situés dans des territoires offshore – je ne parle pas de leurs gestionnaires.
Opérateurs de marchés, agences de notation, marchés dérivés, fonds alternatifs : là où il n'y avait aucune régulation, le G 20 a appelé à certains principes et l'Union européenne, par le biais de règlements d'application immédiate pour la plupart ou par le biais de directives souvent prises en codécision, est en train de mettre en oeuvre dans sa réglementation l'ensemble des règles indispensables dans ces secteurs.
S'il fallait créer la régulation là où elle n'existait pas, il faut aussi l'améliorer là où elle existe. Durant la crise, face au risque de thrombose du système financier, les États sont intervenus au niveau interbancaire et ont soutenu la consolidation de fonds propres pendant une période déterminée. La leçon à en tirer c'est que, pour améliorer la résilience des banques, il est indispensable d'augmenter les exigences en capital, en particulier en liquidités. C'est donc à la fois sur l'augmentation en quantité et en qualité du capital des banques et sur l'amélioration de la gestion des risques de liquidités que se penche également l'Union européenne. Nous avons adopté, à l'automne 2009, la deuxième directive bancaire qui encadre rigoureusement les activités de titrisation. Nous adopterons, en octobre prochain, une troisième directive qui exigera des banques trois fois plus de fonds propres en regard de leurs activités de marchés. La Commission européenne proposera, à la fin de 2010, une quatrième directive bancaire pour réduire les risques de liquidités et lutter contre la procyclicité. Nous disposerons alors d'un arsenal complet et sûr qui devra être mis en oeuvre dans les meilleurs délais.
Il y a un an, le Président de la République m'avait demandé de proposer un projet de loi de régulation bancaire et financière pour mettre en oeuvre les décisions du G 20 au niveau national. Ce projet de loi vient compléter l'édifice que la France a contribué à bâtir en Europe et au sein du G 20. Certaines mesures trouvent naturellement à s'appliquer dans le cadre national, complétant sans s'y substituer ce qui doit intervenir au niveau européen.
Avec ce projet de loi, nous étendons la régulation à de nouveaux territoires comme les ventes à découvert. Nous consacrons le renforcement des pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers et la refonte de notre système de contrôle du secteur financier. Avant de vous en présenter les grandes lignes, je voudrais remercier votre rapporteur Jérôme Chartier pour la qualité de ses analyses, la variété et l'intelligence de ses propositions qui visent à améliorer le texte et qui lui tiennent à coeur.
Pour la première fois en France, le projet de loi prévoit un cadre de régulation pour les ventes à découvert. Grâce à la loi de régulation, l'AMF pourra interdire les ventes à découvert en cas de circonstances exceptionnelles. Elle pourra également imposer la transparence sur ce type de ventes. Au passage, je rappelle que depuis le mois de septembre 2008, la France n'a cessé d'interdire les ventes à découvert sur les valeurs financières, qui sont aujourd'hui au nombre de quinze. Nous n'avons pas l'intention lever cette interdiction.
Le projet de loi renforce considérablement les pouvoirs d'intervention et, grâce à certains de vos amendements, de sanction de l'Autorité des marchés financiers, notre gendarme des marchés.
Il lui donne tout pouvoir pour agréer, contrôler et sanctionner les agences de notation. Notre gendarme des marchés pourra ainsi veiller au respect des obligations prévues par le nouveau règlement européen.
L'AMF pourra désormais poursuivre la délinquance financière sur les marchés dérivés, sur le fondement de manipulations de cours ou de manquements d'initiés. À l'initiative de votre commission des finances, le texte durcit également les sanctions que peuvent imposer nos autorités de contrôle, en multipliant respectivement par dix et par deux le montant maximum des sanctions pécuniaires que peuvent prononcer l'AMF, d'une part, et l'Autorité de contrôle prudentiel, d'autre part.
L'ACP viendra en effet renforcer l'efficacité de notre système de contrôle et de supervision du secteur financier. Pendant la crise, la qualité des systèmes de supervision du marché bancaire et de l'ensemble des acteurs du secteur a fait débat, deux écoles se combattant. En France, nous avons choisi de fusionner l'autorité de supervision des banques et l'autorité de supervision des assurances et des mutuelles pour supprimer les angles morts au sein du système, pour renforcer la voix de la France et celle des représentants de ces secteurs dans les organisations internationales, et pour nous assurer que la commercialisation de tous les produits bancaires, assurantiels, mutualistes, soit effectuée sous l'autorité d'une entité unique. Votre commission des finances a souhaité que la loi de régulation ratifie cette réforme, qui est intervenue par la voie d'ordonnances, comme la loi de modernisation de l'économie nous y autorisait : je ne peux que m'en féliciter.
La loi de régulation poursuit enfin un objectif de prévention des risques systémiques. Elle crée un conseil de la régulation financière et du risque systémique chargé de conseiller le ministre responsable des finances dans la prévention et la gestion du risque systémique. Ne s'arrêtant pas là, la France, aux côtés du Royaume-Uni, de l'Allemagne et des États-Unis, milite en faveur d'un mécanisme de taxation qui permette de prendre en compte ce risque systémique et d'en faire supporter le coût, y compris à titre préalable, par les acteurs eux-mêmes. À cette fin, le G 20 de Toronto insistera sur la nécessité de convenir des principes sur lesquels reposera cette taxation. Soyez sûrs que la France sera à la tête de ce combat.
Mesdames, messieurs les députés, prendre la mesure de la crise, comme nous l'avons fait dès son origine, c'est aujourd'hui rénover le dispositif français de régulation. Le projet de loi que je soumets à votre examen dote la France des moyens d'éviter les excès des marchés et permettra, en cas d'alerte, de prendre les mesures nécessaires.
Pour conclure, je remercie votre commission des finances ainsi que son président, Jérôme Cahuzac, pour la richesse de ses travaux, sous l'impulsion de votre rapporteur, Jérôme Chartier, et du rapporteur général, Gilles Carrez, qui a consacré beaucoup de temps et d'énergie à ce texte.
Certains d'entre vous considèrent peut-être que ce projet de loi est insuffisant, qu'il aurait fallu aller plus loin.
J'attire votre attention sur le fait que, en la matière, le socle législatif, l'arsenal dont nous devons nous doter est, par essence international, par défaut européen, l'Europe étant l'échelon auquel nous pouvons utilement légiférer et réglementer.
En matière financière, où les flux et les arbitrages sont légion et ne coûtent rien, nous devons impérativement disposer d'un socle européen. J'aurai l'occasion de le répéter au cours de la discussion des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jérôme Chartier, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise financière, qui a débuté à l'été 2007 et qui a atteint son paroxysme en septembre 2008 avec la faillite de Lehman Brothers, est sans aucun doute la plus grave que le monde a traversée depuis les années 30.
Au cours des premiers mois, il a fallu faire face aux conséquences immédiates sur l'économie réelle : plan de sauvetage des banques, plan de relance, Grand emprunt, le Président de la République et le Gouvernement, Premier ministre et ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi en particulier, ont été sur tous les fronts.
Je tiens à le redire ici, madame la ministre, le travail de négociation internationale que vous avez accompli s'agissant d'une situation qui n'était pas française mais mondiale, a été non seulement nécessaire mais salutaire.
Et puis, relativement rapidement, il a fallu tirer les conséquences de cette crise…
…et entraîner la communauté internationale vers davantage de régulation pas seulement du secteur bancaire, mais des divers secteurs financiers répartis dans le monde entier, parfois dans des pays aux juridictions que je qualifierai pudiquement de « favorables ». Là aussi, l'impulsion de la France a été considérable pour amener l'Europe, les États-Unis et le G 20 à entrer dans cette démarche de régulation bancaire et financière.
L'impulsion du G 20 fut donnée, chacun s'en souvient, par le Président de la République, qui, au coeur de la crise, assurait la présidence de l'Union européenne. Il a lancé cette formation pour que les pays représentant le PIB le plus élevé – 80 % du PIB mondial – puissent se mettre d'accord sur une bonne gouvernance en termes de régulation bancaire et financière, sur des échanges d'information, sur des échanges d'idées. Ces démarches de régulation sont souvent intégrées au niveau européen. Mais pour certains pays, comme les États-Unis, la législation est parfois développée à l'échelle fédérale, parfois à l'échelle de chaque État.
Progressivement, le G 20 a réuni plusieurs acteurs qui n'avaient pas pour habitude de se parler, alors même qu'ils avaient un rôle majeur à jouer s'agissant de la régulation mondiale, par exemple le comité de Bâle, le Fonds monétaire international, le Forum de stabilité financière. Ces institutions, qui avaient donc du mal à collaborer, se sont mises, sous l'impulsion du G 20, à travailler de concert, pour engager de nouvelles démarches.
La Commission européenne a également multiplié les initiatives – Mme la ministre l'a rappelé il y a quelques minutes. Je dois également saluer la nomination de Michel Barnier au poste de commissaire en charge du marché intérieur et des services, qui inclut l'ensemble de la sphère bancaire et financière. C'est une bonne nouvelle, non pas pour la France, puisque chacun sait que le lien se dénoue entre l'État d'origine et la responsabilité dès lors qu'on devient commissaire européen, mais du fait de la philosophie française en matière de régulation bancaire et financière. Cette philosophie a fait ses preuves au coeur de la crise. Si les banques françaises, le secteur financier français ont été moins touchés, au coeur de la crise, que les autres secteurs financiers et bancaires, c'est que le système de régulation français tenait la route que la commission bancaire remplissait sa responsabilité, que l'Autorité des marchés financiers, issue de la réforme de la Commission des opérations de bourse savait faire son travail de régulateur, bref que la France jouissait déjà d'une expérience incontestable en la matière.
C'est la raison pour laquelle Mme la ministre a parlé d'amélioration, de rénovation, mais non de réforme. Quel pays réforme en effet, aujourd'hui, son système de régulation bancaire et financier ? Les États-Unis d'Amérique, où le système a manifestement failli pour des raisons d'organisation et d'héritage de l'histoire. Le secteur assurantiel est par exemple confié traditionnellement à une régulation au niveau des États, alors que le niveau fédéral serait, me semble-t-il, le moindre des niveaux de régulation s'agissant de l'impact en termes systémiques du secteur assurantiel sur les marchés financiers.
Le modèle de régulation s'inscrit bien dans un cadre international, au minimum communautaire, mais aussi au niveau national – nous en reparlerons tout au long de l'examen du projet de loi. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur et la commission des finances ont lancé un certain nombre d'initiatives qui ont permis d'enrichir ce texte. Il comporte maintenant 46 articles, soit 20 de plus que le texte initial.
Ce projet de loi tombe à point nommé, car nous sommes au coeur d'une période essentielle s'agissant de la régulation bancaire et financière.
Je sais, monsieur Muet, que vous êtes très attentifs à ces questions. Je vais revenir rapidement sur le calendrier.
Comme l'a rappelé Mme Lagarde, l'initiative au niveau européen a été lancée en septembre 2008 s'agissant des agences de notation. Cela s'est traduit par le règlement 1060 du 16 septembre 2009 créant, pour la première fois dans le monde, un socle opposable concernant la méthodologie des agences de notation.
Tous les rendez-vous, depuis le mois de septembre 2009, qu'il s'agisse du G 20, des conseils ECOFIN au niveau européen, du rendez-vous de Busan en Corée du Sud, pour préparer le sommet du G 20 du 17 novembre prochain ont porté sur la régulation bancaire et financière.
En la matière, tout se décidera cette année. Le fait pour la France de disposer d'un véhicule législatif interne national, qui permettra de transposer très rapidement au niveau national les décisions européennes et de traduire sur le plan national des points de vue convergents au niveau mondial, est une fort bonne chose. Je tenais à le souligner et à m'en réjouir.
Je voudrais revenir sur les principales mesures de la commission des finances qui ont enrichi le projet de loi initial. Je commencerai par l'innovation que j'ose qualifier de majeure : la mise en place d'un régime de responsabilité spécifique des agences de notation. Pourquoi est-il possible que ces agences soient responsables de la notation qu'elles délivrent ? Parce que le règlement communautaire adopté le 16 septembre 2009 constitue le socle d'opposabilité, unique au monde. Ce socle entre dans les détails de méthodologie, des procédures des agences de notation. Il permet de créer, au niveau national, cette responsabilité civile, …
…juridique des agences sur les notes qu'elles délivrent.
L'extension des pouvoirs de l'AMF était un point fondamental, avec notamment l'augmentation très importante des sanctions qu'elle peut prononcer – jusqu'à 100 millions d'euros. Cela représente une somme, mais il faut la resituer à l'échelle des enjeux financiers qui sont, comme chacun sait, considérables.
Mme la ministre a évoqué la ratification de l'ordonnance créant l'autorité de contrôle prudentiel, c'est-à-dire la fusion de la Commission bancaire et de l'Autorité de contrôle des assurances. Cette disposition est essentielle pour pouvoir constituer le socle de régulation bancaire et financier français sur deux pôles : un pôle bancaire et assurantiel de qualité bien organisé, et un pôle de régulation financière avec l'Autorité des marchés, tout aussi bien organisé et disposant de pouvoirs renforcés.
Nous avons amélioré la procédure des commissions d'enquête et de sanction au sein de l'AMF et de l'ACP. Nous avons également voulu approfondir la question des ventes à découvert, de la régulation de l'ensemble des produits financiers, y compris les produits structurés, les dérivés. Toutes ces questions seront examinées au cours du débat.
Comme cela intervient, non pas dans les marchés réglementés traditionnels, la Bourse, mais dans le cadre d'opérations de gré à gré, qui n'apparaissent pas sur le marché boursier, il fallait trouver des solutions, non seulement nationales, car inefficaces, mais au minimum européennes pour garantir la transparence. Je tiens à saluer l'initiative européenne qui permettra de traduire dans les faits cette volonté de transparence et de régulation de l'ensemble des produits financiers.
Lors de nos débats, je reviendrai sur la création de l'autorité d'un comité des risques dans chaque établissement bancaire et financier. C'est un élément très important pour permettre au conseil d'administration de se prononcer valablement sur les risques qu'il fait prendre aux établissements bancaires et financiers, risques d'autant plus légitimes qu'ils sont parfaitement connus et analysés.
J'évoquerai enfin la responsabilité confiée au comité des rémunérations d'analyser et de donner son avis sur la rémunération des traders. Ce point, qui semblait très important, a été approuvé à la quasi-unanimité de la commission des finances.
Voilà quelques-unes des très nombreuses mesures contenues dans le projet de loi de régulation bancaire et financière. Ce projet de loi est riche et essentiel dans la mesure où les décisions prises sur les marchés bancaires et financiers ont un impact direct – nous l'avons vu avec la crise financière – sur l'économie réelle. Les décisions prises au niveau mondial et européen ont par conséquent des répercussions sur l'entreprise locale et l'emploi local.
C'est la raison pour laquelle la commission des finances et son rapporteur ont veillé à entrer dans le détail du projet, de telle sorte que chacun puisse, en toute connaissance de cause, le voter pour voter en faveur d'une meilleure régulation, d'un meilleur suivi politique de ces questions parfois techniques, mais totalement stratégiques, bref puisse désormais faire de la régulation bancaire et financière un sujet politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'impression est étrange, car nous aurons connu dans notre histoire ce moment rare, qui a vu ceux qui avaient le plus et le mieux profité de l'exubérance financière en appeler à la solidarité de celles et ceux qui en avaient été exclus et qui s'étaient contentés, sur le bord du chemin, de la voir prospérer, sans jamais en profiter pour eux-mêmes.
C'était il y a longtemps. C'était à un moment où, précisément, ces vertus de solidarité, ces valeurs, devrais-je dire, de solidarité semblaient l'emporter sur les valeurs d'individualisme et d'avidité qui ont précipité l'économie du monde, la nôtre en particulier, dans les tourments que nous connaissons.
Cette période est lointaine. Cette période a vécu, me semble-t-il, car l'impression est forte que le monde d'hier – je veux dire le monde d'avant la crise – a ressurgi ou est en train de ressurgir.
Madame la ministre, rien que les délais pour saisir le Parlement du projet de loi de régulation soulèvent des interrogations. Le discours de Toulon a été tenu pendant l'hiver 2008, au mois de novembre, si j'ai bonne mémoire. Vous avez déposé un projet de loi de régulation bancaire et financière au mois de décembre 2009 : nous l'examinons pratiquement six mois plus tard. Ce délai était peut-être nécessaire – les consciences des hommes sont ainsi faites – pour que l'oubli fasse son oeuvre – et l'oubli semble avoir fait son oeuvre. Je le répète : le monde d'hier, d'avant la crise, semble avoir ressurgi. Je ne le dis pas pour en tirer un certain plaisir ou une quelconque satisfaction, je le dis parce que cela m'inquiète, comme cela devrait inquiéter chacune et chacun d'entre nous.
Ce délai fut trop long et c'est à raison que vous avez souligné, madame la ministre, le rôle du rapporteur, qui s'est efforcé d'enrichir un texte qui semblait, lorsqu'il fut déposé, pécher davantage par défaut que par excès. Vous nous demandiez de transposer les directives. Et le reste, qui était à l'initiative du Gouvernement français, était bien faible. Vous nous demandez d'ailleurs toujours et davantage de transposer des directives, puisque, en dépit d'un dépôt datant de plusieurs mois, nous avons découvert hier, lors de l'ultime examen par la commission des finances des amendements à ce texte, que le Gouvernement en déposait de nouveaux, qui demandaient au Parlement d'habiliter le Gouvernement, une fois de plus, à légiférer par ordonnance sur des domaines extrêmement larges.
Je ne crois pas que la méthode soit la bonne : légiférer par voie d'ordonnance en matière financière n'a pas fait la preuve d'une très grande efficacité, du moins en matière de régulation. Je m'en expliquerai lors de l'examen des amendements du Gouvernement.
Le monde d'hier resurgit comme si rien ne s'était passé, comme s'il n'y avait pas, en France, des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires, des millions dans le monde. Le monde d'hier resurgit avec probablement les mêmes défauts et, on peut le craindre, les mêmes conséquences.
Vous nous demandez, avec ce projet de loi, d'examiner un certain nombre de dispositions dont vous semblez croire, madame la ministre, qu'elles vont régler quelques questions délicates qui concernent le financement de l'économie, les banques, les agences de notation. Je vous invite, mes chers collègues, à y regarder de plus près.
Concernant les agences de notation, existe-t-il dans ce texte des dispositions permettant d'introduire des règles communes que toutes les agences de notation – bien sûr les trois principales, mais également les 150 qui existent de par le monde et qui exercent leur talent en France – devraient respecter ? Il n'y en a aucune.
Existe-t-il des dispositions d'ordre général préservant précisément l'intérêt général et que chaque agence de notation devrait intégrer dans ses modèles économiques ? Pas davantage.
Existe-t-il des procédures, des diligences, que chaque agence de notation devrait respecter ? Pas l'ombre d'une.
Existe-t-il des assurances qu'en cas d'erreur, chaque agence devrait rendre compte devant une quelconque juridiction ? Pas davantage.
Si le texte est adopté en l'état, la régulation des agences de notations consistera à leur demander de s'enregistrer, de se faire connaître. Elles sont connues, mais elles devront s'enregistrer. On comprend mieux dès lors que, dans l'étude d'impact qui a accompagné ce projet, nous avons constaté que l'Autorité des marchés financiers chargée de cette régulation, si l'on peut appeler ainsi ce qu'elle s'apprête à faire, ne disposera, mes chers collègues, que d'un seul poste équivalent temps plein par an, pour réguler les agences de notation.
Un demi-poste qui ne sera pas remplacé au moment du départ à la retraite !
Cela étant, il est vrai que c'est suffisant pour enregistrer les agences de notation qui le souhaiteraient. Mais on comprend aussi qu'il n'y aura pas de régulation. On devine que la régulation des agences de notation en France se limitera à leur enregistrement. On a le droit de trouver cela satisfaisant, mais qu'il soit permis au président de la commission des finances, à la suite des interventions des deux autorités qui se sont exprimées à la tribune, de dire le contraire. Cela ne fait que conforter le sentiment que j'évoquai au début de mon intervention : le monde d'hier, d'avant la crise, est en train de resurgir.
Après les agences de notation, les banques. Le délai fut également nécessaire pour elles. Il est loin le temps de la dénonciation unanime des errements auxquels elles s'étaient livrées sans bénéfice pour l'économie, mais avec de gros profits pour certains. Aujourd'hui, on en est à dire, en France tout au moins, que les banques n'ont été pour rien dans la crise qui s'est déclenchée. Personne n'osait dire cela alors. À présent, les pouvoirs publics comme, bien sûr, les dirigeants des institutions bancaires et financières affirment que si la crise s'est déclarée, ce n'est pas – paraît-il – à cause des banques françaises. Au cas où cet argument ne convaincrait pas, les mêmes nous expliquent que les banques n'ont rien coûté au contribuable français. Ils ont la mémoire courte et je vais la leur rafraîchir en citant quelques exemples aisément vérifiables.
Non seulement les banques ont coûté, mais elles continuent de coûter. Que je sache Dexia est aussi une banque française. C'est l'État, c'est-à-dire le contribuable, qui l'a recapitalisée à hauteur de trois milliards d'euros, ce n'est pas rien. C'est l'État, c'est-à-dire le contribuable, qui pourrait être appelé, le cas échéant, en garantie de passif. Celle-ci, que notre Parlement a accordée à cette banque à la demande du Gouvernement, se montait, je vous le rappelle mes chers collègues, à 57 milliards d'euros et est de l'ordre, aujourd'hui, de 30 milliards d'euros. Affirmer donc que les banques n'ont rien coûté me paraît, à l'évocation de ce seul exemple, pour le moins présomptueux.
On peut aussi se souvenir de la BNP. Que je sache, si la BNP a pu racheter Fortis, c'est parce que l'État, c'est-à-dire le contribuable, a renforcé ses fonds propres à hauteur de cinq milliards d'euros. Sans ce renforcement, la BNP n'aurait pu acquérir Fortis et devenir d'une taille telle qu'en cas de difficultés, c'est une fois encore le contribuable qui sera appelé à renflouer d'éventuelles erreurs de gestion, que je ne vois pas apparaître, dont je ne crois pas, du moins à court terme, qu'elles risquent de survenir, mais dont personne, et pas même ses dirigeants, ne peut exclure l'éventualité.
Et il y a Natixis, ce projet un peu étrange, voulu en haut lieu. C'est aujourd'hui une banque qui résulte de la fusion de deux réseaux mutualistes. Mes chers collègues, Natixis, c'est entre 30 et 35 milliards d'actifs que, du haut de cette tribune, je me contenterai de qualifier de douteux, pour ne pas utiliser de qualificatifs plus brutaux. Qui peut jurer que cela ne déclenchera pas, un jour, des opérations qui amèneront, une fois encore, le contribuable à secourir le dispositif ?
Les banques n'ont été responsables en rien : je ne le crois pas. Les banques n'ont rien coûté : c'est faux. Mais à partir du moment où l'on accepte ces deux axiomes, on comprend que ce projet de loi soit à ce point vide de quelque disposition que ce soit qui contraigne les banques dans leur exercice.
En matière de financement de l'économie, je ne vois pas en effet ce que ce projet prévoit de mesures nouvelles permettant une régulation plus efficace. D'ailleurs ceux qui affirment que les banques ne sont pour rien dans la crise se félicitent du succès de la médiation du crédit. Mais, mes chers collègues, le succès de la médiation du crédit est à la hauteur des insuffisances des banques. Si celles-ci faisaient leur métier auprès des entreprises, la médiation du crédit serait totalement inutile. Se féliciter de la médiation du crédit, c'est, qu'on le veuille ou non, condamner ce que les banques, précisément, ne font pas.
La régulation des rémunérations des dirigeants des banques est un sujet délicat. Quand on l'aborde avec les principaux bénéficiaires, ils ne comprennent pas qu'on puisse l'évoquer et lorsque l'on manifeste quelques réserves, ils en paraissent blessés – sincèrement d'ailleurs, je le dis sans aucune ironie. J'ai fait ce constat, la semaine dernière encore, en discutant avec l'un d'entre eux. Cela étant, je reste stupéfait que l'on justifie des rémunérations invraisemblables avec des augmentations qui ne le sont pas moins. L'année dernière, le dirigeant de l'une des principales banques françaises a vu sa rémunération augmenter de 151 %. Qu'a-t-il fait pour justifier une telle augmentation ? À cette question, il m'a benoîtement répondu : « j'ai bien travaillé ».
Eh bien, mes chers collègues, si la règle, dans notre pays, est d'être augmenté de 151 % quand on travaille bien, pourquoi limiter cette augmentation aux seuls dirigeants des banques ? (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Moi, il me semblait que la rémunération de base de ces dirigeants, qui va tout de même largement au-delà du million d'euros par an – montant tout à fait honorable et qui manifeste la reconnaissance que l'on doit au travail très important que ces dirigeants effectuent –, justifiait que ceux-ci travaillent bien sans pour autant y être incités en doublant, parfois davantage, leur rémunération. Donc, il n'y a pas de régulation en la matière.
Madame la ministre, vous avez évoqué l'arrêté du Premier ministre censé encadrer la rémunération de ces dirigeants. Il a été pris, et le dirigeant auquel je fais allusion a augmenté sa rémunération de 151 % ! Si cet arrêté le permet, on se demande à quoi il sert.
Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire du haut de cette tribune, M. Camdessus, personnalité tout à fait remarquable, était censé, à votre demande, réguler ces rémunérations. Il ne me semble pas que son travail soit à ce point efficace que ces dirigeants des banques réduisent leurs prétentions.
En vérité, tout cela ne sert à rien. Et ce projet ne servira à rien : le monde d'hier a resurgi, les choses recommencent comme avant et nous connaîtrons les mêmes conséquences car nous savons aussi que cette avidité dans les rémunérations ne fut pas pour rien dans la prise de risques que certaines institutions bancaires et financières ont pu consentir ; prises de risques que ces institutions n'ont pas payées puisque ce sont les contribuables qui en ont assumé les conséquences désastreuses. Les risques se sont d'ailleurs révélés bien plus considérables que ce que l'on pouvait imaginer.
En matière bancaire, il n'y a donc pas beaucoup de régulation, et pas davantage de taxes. Évoquer le principe même d'une taxe bancaire avec les dirigeants de ces institutions bancaires et financières, c'est clairement aborder des sujets qu'ils trouvent grossiers.
Les États-Unis vont taxer leurs banques, le président Obama l'a dit, pour faire payer aux banques ce qu'elles ont coûté aux contribuables. Voilà quelques jours, l'Allemagne a décidé de taxer les banques à hauteur de 2 milliards d'euros. Pour notre part, nous nous sommes contentés d'une taxation d'un peu moins de 300 millions d'euros pour financer une structure qui aide les entreprises, OSEO. Où en est du reste la collecte de ce produit de moins de 300 millions d'euros ? Nous avons souhaité par ailleurs que les banques abondent un fonds de garantie des déposants d'un montant équivalent. J'aimerais savoir si les banques y contribuent.
Des renseignements que nous avons pu avoir, il semble que les banques, à ce jour, n'aient pas consenti le versement de ce que le Parlement a voté et pas davantage abondé le fonds de garantie des déposants à la hauteur requise. Il semble que faire quelques efforts – quelques centaines de millions d'euros – soit au-delà de ce que les banques souhaiteraient consentir. Il va de soi que, lorsqu'il s'agit, en assemblée générale, de faire voter des augmentations de dividendes ou des rémunérations extravagantes, ces dirigeants manifestent un peu plus d'allant que lorsqu'il s'agit de penser à la collectivité.
Agences de notations, pas grand-chose ; banques et institutions financières, pas grand-chose non plus. Nous avons donc, les uns et les autres, tenté d'étoffer ce projet de loi : le rapporteur autant qu'il l'a pu, le président de la commission des finances comme il l'estimait le devoir, notamment en demandant en commission – qui a émis un avis favorable sur cette proposition – que notre pays se dote d'une législation interdisant la spéculation sur les titres de dette souveraine et sur les produits d'assurance attachés à ces titres.
Il est tout de même invraisemblable qu'après avoir été appelés à la rescousse, les États soient aujourd'hui l'objet de phénomènes spéculatifs dont on sait que, s'ils peuvent être bénéfiques pour ceux qui s'y livrent, ils sont forcément préjudiciables pour les peuples des pays concernés.
Lutter contre la spéculation me paraît donc urgent eu égard à ce qui est en train de se passer sur les marchés. Lutter contre la spéculation suppose d'interdire les ventes à terme et à découvert, qui ne sont qu'un pur et simple instrument de spéculation au service des seuls spéculateurs sans aucun intérêt pour l'économie et de toute façon préjudiciable pour les populations des pays visés par ladite spéculation.
L'Allemagne a interdit cette vente à découvert et à terme. La France l'a fait, vous l'avez rappelé, madame la ministre, pour les actions des banques et des institutions financières secourues par l'État. Dans votre propos, il m'a semblé cependant relever une contradiction dont je pense qu'elle ne vous a pas échappé au moment où vous l'énonciez. Vous nous expliquez en effet que, grâce à ce projet de loi, les ventes à terme et à découvert seront interdites car l'AMF sera dotée des moyens permettant de le faire. Mais vous nous dites aussi dans le même temps que vous n'avez pas attendu ce projet de loi pour les interdire pour les actions des banques secourues par les pouvoirs publics – et vous avez bien fait d'ailleurs. De deux choses l'une : ou cela était possible avant ce projet de loi, et cela semble être le cas puisque vous l'affirmez, ou ce projet de loi apporte un élément décisif permettant de l'interdire et ce que vous avez fait était illégal – et je trouve imprudent de l'énoncer de manière aussi claire du haut de cette tribune.
Quoi qu'il en soit, puisque le principe ne vous choque pas, puisque l'Allemagne l'a fait il y a quelques jours et que le couple franco-allemand est un couple moteur au sein de l'Union européenne,…
je proposerai à notre Assemblée d'aller plus loin et d'interdire la vente à terme et à découvert pour des titres de dette française et les produits d'assurance qui y sont attachés. J'estime en effet nécessaire aujourd'hui de doter la France des moyens qui existent et que d'autres pays ont adoptés pour lutter contre la spéculation à l'encontre de notre dette, c'est-à-dire de notre pays et des Français que nous représentons ici dans cette enceinte.
Un mot d'inquiétude, enfin, concernant les dispositions relatives à l'habitat. S'il s'agit de permettre légalement aux banques dans notre pays de titriser des dettes contractées par des particuliers lorsqu'ils achètent leur résidence principale ou secondaire – et en général principale –, méfions-nous et tentons de tirer les leçons de ce qui s'est passé aux États-Unis, car c'est la titrisation qui a déclenché la catastrophe au sein de laquelle nous tentons encore de nous débattre.
Mes chers collègues madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous le comprendrez, institutionnellement je ne trouve pas ce projet de loi satisfaisant même si je ne méconnais pas les efforts que le Gouvernement peut faire sur la scène internationale pour tenter d'améliorer les choses.
Il me semble qu'en la matière, vouloir se conformer à tout moment et sur tous les sujets à d'éventuels accords internationaux, c'est peut-être se condamner à l'impuissance. Il fut un temps – c'était encore le cas il y a peu – où la France n'hésitait pas à tenter de donner l'exemple lorsqu'elle estimait devoir le faire. Sur ces sujets, peut-être est-ce aussi son rôle, d'autant que cela reviendrait simplement à rejoindre l'Allemagne sur la voie de la régulation. Ce serait un très bon signe pour les pays de la zone euro et pour l'Europe, un signe que le monde attend probablement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe SRC une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est àM. Christian Eckert.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de régulation bancaire et financière était attendu ; le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il s'est fait attendre. Pourtant, bien que l'accouchement ait été long, le bébé n'est pas à la hauteur de ces attentes.
Sur la forme, tout d'abord, je ne peux que regretter qu'un sujet dont tous soulignent le caractère essentiel ne soit débattu que dix-huit mois après que le Président de la République a déclaré à Toulon que rien ne serait plus comme avant.
Le texte a été déposé à l'Assemblée nationale en décembre 2009. Il est censé remédier aux problèmes qui ont failli mettre à mal le système financier mondial fin 2008, et dont les conséquences se font encore éminemment sentir, conduisant nombre d'États européens à adopter des mesures qui constituent, même si vous vous en défendez, des plans de rigueur, prétendument exigés par les marchés.
Six mois avant que ce projet ne soit débattu, c'est déjà un aveu. De deux choses l'une : soit le texte instaure une véritable réglementation, auquel cas on se demande pourquoi vous ne l'avez pas fait examiner plus tôt ; soit il ne s'agit que d'un nouveau texte alibi servant à cautionner les propos prétentieux du Président de la République, qui clame partout qu'il peut sauver la finance mondiale.
Dix-huit mois après le discours de Toulon : le délai est sans commune mesure avec la vitesse des mouvements financiers mondiaux, qui se chiffre en secondes, voire en nanosecondes. Madame la ministre, vous évoquiez tout à l'heure des trilliards de dollars. Mesurez-vous les années-lumière qui séparent nos décisions de celles des spéculateurs ? Pendant que nous parlons, des milliards de dollars et d'euros auront fait plusieurs fois le tour du monde ; ils se seront simplement déplacés, laissant ici ou là sur leur passage quelques millièmes pour celui qui aura cliqué au bon moment sur le bon produit. Or déplacer l'argent ne crée ni richesse, ni bonheur, ni valeur ajoutée, sauf pour celui qui saura faire payer à d'autres le prix de son opportunisme.
Sur la forme et en ce qui concerne la gestion du temps, les spéculateurs ont donc mille lieues d'avance sur vous. Dès lors, comment comprendre qu'hier encore, sur ce texte déposé depuis six mois, le Gouvernement ait déposé au titre de l'article 88 des amendements dont certains ne sont pas anodins ? Madame la ministre, comme pour le plan de soutien à la Grèce, comme pour la création du fonds de soutien européen, votre timing fait sourire les monstres froids qui spéculent au grand jour.
Votre texte initial n'avait de ronflant que le titre ; j'y reviendrai. Je dois, par honnêteté intellectuelle, reconnaître que le rapporteur et la commission des finances ont cherché à le rendre un peu plus consistant, et je leur en donne acte. Avec le président Cahuzac et le rapporteur Chartier, grâce à différents amendements, nous sommes parvenus à un texte qui, sans être satisfaisant, est moins pauvre.
Avant d'en venir au fond, je voudrais devancer vos réponses sur le timing, que j'imagine déjà et que vous avez esquissées tout à l'heure : vous auriez voulu des décisions mondiales ou, à défaut, européennes. Je vous opposerai deux objections.
Premièrement, les États-Unis n'ont pas attendu pour réformer Wall Street, non plus que les Allemands pour réguler les ventes à découvert et les CDS ou les Anglais pour limiter les bonus.
Deuxièmement, la spécificité du système bancaire français permettait des décisions d'avant-garde, exemplaires, autant de signes adressés aux marchés. Au cours de son histoire, la France a su être pionnière dans bien des domaines ; pourquoi pas sur ces sujets ?
Malgré les améliorations apportées par la commission, je m'efforcerai d'identifier les insuffisances considérables de votre texte, sans en suivre l'ordre, mais de façon thématique.
Premièrement, votre texte n'aborde pas la question des paradis fiscaux. Notre assemblée vient de ratifier des conventions pleines de bonnes intentions. Les listes noires étaient déjà vides ; les listes grises sont en train d'être vidées par la signature mutuelle d'un minimum de conventions. Pourtant, des États de la zone euro, des États européens restent des zones d'opacité majeure. Ils logent des milliers de fonds spéculatifs, souvent dans les filiales de banques françaises que nous avons renflouées par des fonds publics. Pourquoi échouez-vous à faire rapatrier, sous l'oeil de l'ACP et de l'AMF, des opérations financières majeures ?
Fiscalité, transparence, contrôle sont vos leitmotive. Pourtant, nos grandes banques logent leurs opérations à l'étranger. Elles réalisent des plus-values dans les paradis quand cela fonctionne, elles tendent la main ici quand cela va mal !
Ce texte ne dit rien de tout cela, si l'on excepte l'un de vos amendements de dernière minute, qui vous autoriserait « à prendre par voie d'ordonnance les mesures destinées à améliorer l'attractivité du cadre juridique français en matière de gestion d'actifs ». Sans doute est-ce là la coproduction législative chère à la majorité UMP !
J'évoquerai ensuite l'ACP, l'autorité de contrôle prudentiel, que vous avez justement organisée par voie d'ordonnance et dont ce texte propose de ratifier la création. Elle résulte essentiellement de la fusion de la commission bancaire et de l'autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Or pourquoi fusionner deux structures, au demeurant réputées efficaces, qui exercent deux missions différentes ? Contrôler respectivement les banques et les assurances, ce n'est pas du tout la même chose. Mais soit ; passons encore sur ce point.
Je souhaite, comme nous tous, la réussite de l'ACP. Mais cette réussite a un prix : elle nécessite des moyens et des principes. Ouvrons, osons ouvrir une parenthèse à 4,9 milliards d'euros : le procès Kerviel est en cours. Ce trader ne nie pas avoir dépassé ses autorisations d'engagement et avoue qu'il a caché des opérations par d'autres, fictives. Un système de contrôle interne digne de ce nom aurait dû permettre de s'en apercevoir.
Dès lors, de deux choses l'une : soit les contrôles internes ont vu et n'ont rien fait, soit ils n'ont rien vu, et c'est donc qu'ils étaient nuls. Car laisser, sans s'en apercevoir, un trader engager sans filet la quasi-totalité des fonds propres d'une grande banque est indigne d'un contrôle, fût-il médiocre.
Mais, madame la ministre, qui validait les contrôles internes ? C'était, vous le savez, la commission bancaire, dont c'était la principale mission. La justice tranchera ; mais il appartient à l'ACP, issue de la commission bancaire, de tirer les leçons de cette farce à près de cinq milliards d'euros.
Deux points semblent essentiels. Premièrement, l'ACP ne doit pas se contenter de contrôler et de valider les contrôles internes, bien que cela corresponde malheureusement à une tendance actuelle. Elle doit multiplier les contrôles sur place, sans se satisfaire des propos rassurants des banques sur la fiabilité de leurs procédures.
Deuxièmement, étant donné la sophistication des produits et la spécialisation des opérations, les personnels de l'ACP doivent être au moins du même niveau que ceux qu'ils contrôlent. Soyons clair : il faudra donc les attirer par des salaires et des statuts de haut niveau.
Laissons vivre cette nouvelle structure, à vrai dire proche de celles qui l'ont précédé, et veillons à ce qu'elle dispose des moyens d'accomplir sa mission : c'est essentiel.
J'en viens aux agences de notation. Vous les soumettez à la surveillance et à l'enregistrement de l'AMF ; soit. Mais, là encore, soyons vigilants et clairs. Faute d'organisme européen, l'AMF doit faire appliquer au plus vite le règlement 10602009 du Parlement européen.
J'espère que vous accepterez les amendements adoptés en commission, qui posent les fondements d'une meilleure surveillance. Cela étant, il restera beaucoup à faire pour que ces agences ne soient pas juges et salariés de ceux qu'elles jugent. En outre, leur responsabilité doit être clairement circonscrite et leur nombre doit permettre une véritable émulation, une véritable concurrence. Enfin, pourquoi leur accorder une telle importance alors qu'elles ont tant fauté, en ce qui concerne les subprimes comme les dettes souveraines?
Venons-en justement à la titrisation et aux produits de plus en plus opaques. Pourquoi laisser naviguer, se mêler, se contaminer tant de papiers dont plus personne ne connaît le contenu ? Et pourquoi ne pas obliger chaque banque à conserver une part substantielle de ses propres produits titrisés ? C'était l'une des vingt-cinq propositions du rapport Warsmann de décembre 2009, dont si peu ont été reprises.
De plus, pourquoi créer de nouveaux produits aux articles 19 et 20 ? Le président Cahuzac en a parlé tout à l'heure. Si nous entrons dans le débat, nous sommes toutefois prêts à en étudier la pertinence, si vous nous expliquez qu'il ne s'agit pas là d'une nouvelle forme de titrisation ou d'une opportunité de sortir quelques engagements du bilan.
À ce propos, venons-en aux normes comptables. L'utilisation de normes comptables de type anglo-saxon pose des problèmes que vous n'évoquez pas. La valorisation des actifs à leur juste valeur – mark to market – est dangereuse. Des actifs opaques, dont certains ne sont pas cotés ou pas même échangés, ne peuvent apparaître dans les bilans de façon fiable. Ils faussent les ratios Cook ou McDonough, de plus en plus incontrôlables. La liquidité n'est même plus mesurable ; la crise survenue fin 2008 n'en est que la démonstration éclatante.
De plus, l'utilisation de normes différentes d'un pays à l'autre ne facilite pas le travail, y compris celui des agences de notation, qui recourent elles-mêmes à des ratios non codifiés et peu vérifiables.
L'idée d'obliger les banques à constituer ensemble des fonds de garantie et à payer des primes d'assurance a été évoquée mais jamais mise en oeuvre, contrairement aux propos menaçants tenus aux quatre coins du monde, de G 20 en G 8. Primes d'assurance obligatoires ou taxations ? Vous vous abstenez de choisir. De toute façon, votre philosophie libérale vous empêche de passer à l'acte. Ni taxe ni prime obligatoire : croiriez-vous encore aux vertus autorégulatrices des marchés ?
Pendant ce temps, le festin continue. Bonus et autres rémunérations variables flambent à nouveau : ça repart comme avant. Tout juste note-t-on quelques mesurettes transitoires, vous l'avez vous-même rappelé. Certes, le gâteau est parfois distribué en plusieurs tranches, une fois par an, mais il est toujours aussi gros.
Même les Anglais et les Américains ont fait mieux que nous. Preuve s'il en fallait que la concurrence s'établit sur d'autres critères.
Abordons un instant la sophistication incroyable des véhicules financiers : hedge funds, produits titrisés, emprunts toxiques fourgués même aux collectivités, CDS qui ne font l'objet que de garanties virtuelles. Dans votre projet de loi, rien de cela n'est encadré. Et pour cause, plus personne n'est en mesure d'en comprendre le fonctionnement. L'équilibre acheteur-vendeur n'existe plus dans la mesure où les hedge funds parient sur la pluie ou le beau temps, sans considération pour la notion d'équilibre. Au passage, j'aimerais, madame la ministre, que vous nous disiez pourquoi une banque comme la Société Générale localise ses hedge funds sur d'autres places que les nôtres.
Vous auriez pu, madame la ministre, traiter dans ce texte des LBO, véritables pompes à fric qui assèchent les trésoreries alors même que ces opérations ne conduisent à aucune politique industrielle dans les entreprises rachetées.
Vous auriez pu, madame la ministre, traiter dans ce texte du cas des collectivités – je salue l'arrivée de Claude Bartolone –, victimes pour certaines d'emprunts toxiques. Certains de nos amendements y sont consacrés.
Vous auriez pu, madame la ministre, traiter dans ce texte des spéculations à haute fréquence, qui forment aujourd'hui la majorité des opérations financières.
Où se situe la valeur ajoutée de ces opérations dans la production de richesses ? Quelle est la plus-value apportée à l'économie réelle de ces allers-retours gigantesques à des rythmes fous ? Ces opérations permettent-elles un meilleur accès au crédit pour les particuliers ou les entreprises ? J'espère que vous nous le direz.
Certes, les banques savent où trouver les particuliers et les entreprises quand il s'agit de leur faire payer de plus en plus de frais. Plusieurs études récentes montrent que les frais bancaires sont dans notre pays largement supérieurs à la moyenne de ce qu'ils sont dans d'autres pays comparables.
La banque de dépôt paye la banque d'affaires. Et nous aurions aimé que ce soit abordée dans cette discussion – peut-être le ferons-nous – la question de la séparation de ces deux types d'établissement. Le président Cahuzac vous a clairement interrogée sur les engagements que les banques doivent prendre en matière de cotisations au fonds de garantie des dépôts et de contributions au financement d'OSEO et de l'ACP. Votre texte aurait pu, votre texte aurait dû traiter de l'accès au crédit et du niveau des frais bancaires. Or on n'y trouve rien de tout cela ou si peu.
La structuration d'OSEO, à laquelle quelques articles sont consacrés, fait de notre part l'objet d'une approbation, mais d'une approbation vigilante, tant cet organisme est appelé à porter les risques que les banques privées ne savent ou ne veulent plus prendre.
Madame la ministre, votre texte est un acte manqué, et pour expliquer ce fait, j'hésite entre deux options. Ou bien, et je l'ai déjà dit, il s'agit d'un texte alibi ; l'arrogance du Président de la République obligeait, en effet, à un texte, fût-il incomplet. Ou bien c'est un aveu d'impuissance. Je veux bien reconnaître avec vous que le caractère complexe et mondial du problème. Mais alors, de grâce, soyez humble et volontariste. Le volontarisme, ce ne sont pas des mots mais des actes et des faits. L'État n'est pas là que pour vider ses caisses afin de renflouer celles des banques. Il doit exiger. Or force est de constater que cette exigence n'est pas au rendez-vous.
Quand vous nous dites que vous ne pouvez agir seuls, que la question est mondiale, qu'il faudrait attendre des décisions du G20, je pense à l'exemplarité de notre pays sur des questions sur lesquelles nous avons été précurseurs. Et pourquoi pas faire une comparaison avec les droits de l'homme ? Si nous avions attendu que les autres pays prennent les mêmes décisions que nous, nous ne pourrions nous féliciter aujourd'hui du rôle moteur de la France en ce domaine.
Avec le président Cahuzac et nos collègues du groupe SRC, nous avons proposé de nombreux amendements. Peu ont été acceptés. Si par hasard cette motion de rejet était repoussée, nous espérons que votre capacité d'écoute lors du débat pourra rejoindre notre volonté d'aboutir à des progrès.
En l'état, nous considérons que ce texte est creux et doit être complètement revu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'aimerais revenir sur certains points qui ont été défendus avec beaucoup de passion et de vigueur comme une instruction à charge et qui me paraissent dépourvus de fondement.
En ce qui concerne votre motion de rejet, monsieur Eckert, elle ne me paraît pas fondée, eu égard au règlement. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, si tant est qu'il ait un avis à émettre à ce sujet, incitera sa majorité à ne pas l'adopter.
J'ai été choquée, monsieur le président de la commission des finances, par la manière dont vous avez fustigé les modifications que nous avons permis d'apporter au régime des agences de notation. Vous avez affirmé que les agences n'auraient à faire qu'une seule chose, s'enregistrer. Je trouve cela particulièrement choquant parce que le règlement de septembre 2009, pris à l'initiative de notre pays en septembre 2008, n'est pas un règlement vide. On n'a jamais vu, de mémoire d'européaniste convaincue et de légiste passionnée, un règlement aussi précis et aussi détaillé. Je rappelle qu'il prévoit un agrément et un contrôle mais va beaucoup plus loin. Je vais entrer dans le détail, si vous le permettez, monsieur le président, car c'est important.
Ainsi, en matière de conflits d'intérêts, le règlement interdit aux agences de notation de fournir des services de conseil aux entités qu'elles notent. Il interdit aux analystes de participer aux négociations sur les commissions payées aux agences de notation. Il interdit aux analystes d'être rémunérés en fonction du chiffre d'affaires de l'agence. Il oblige les agences de notation à rendre publics le nom de tout client ou intermédiaire dont les revenus génèrent plus de 5 % de leur chiffre d'affaires et le nom de leurs vingt premiers clients, chaque année.
En matière de transparence, le règlement oblige à publier les méthodologies, les procédures, les hypothèses sous-jacentes de toutes les notations, à publier tous les six mois un historique de performances, à publier les notations et à informer les investisseurs en cas de notations non sollicitées ainsi qu'à différencier par un symbole spécifique les notations de produits structurés par rapport aux notations d'entreprise.
Je pourrai continuer car il y en a encore beaucoup de dispositions mais je ne vais pas vous ennuyer plus longtemps. Cela vous montre la finesse des détails dans lesquels est entré le règlement européen qui soumet les agences de notation à une vraie régulation.
Monsieur le président de la commission des finances, j'ai un infini respect pour l'attention avec laquelle vous avez examiné ces textes, mais je ne voudrais pas que l'on fasse prendre à l'ensemble de la représentation nationale des vessies pour des lanternes.
Ce règlement européen est entré en profondeur dans le processus de régulation des agences de notation, c'est la raison pour laquelle je voulais en rappeler le contenu.
Il y a un certain nombre d'autres sujets sur lesquels, vous avez également argumenté sous forme d'instruction à charge. Je peux le comprendre puisqu'il s'agit d'un texte issu du Gouvernement et soutenu par sa majorité. Avec M. Eckert, vous avez ainsi indiqué que les États-Unis et l'Allemagne avaient légiféré sans attendre. Mais examinez donc attentivement la situation.
Les États-Unis ont deux textes en cours d'examen, l'un à la Chambre des représentants, l'autre au Sénat. Les deux assemblées ne se sont pas encore concertées, l'équivalent de la commission mixte paritaire ne s'est pas réunie.
Il va donc se passer des semaines sinon des mois avant qu'un texte soit définitivement adopté.
Pardonnez-moi, monsieur le député, vous interprétez le non-dit et je vous demanderai de bien vouloir retirer vos propos. J'espère tout au contraire très vivement que cette réglementation sera adoptée car il est déterminant qu'un marché aussi important que les États-Unis puisse adopter une régulation au plus près des prescriptions et des principes du G 20.
Faute de quoi, le travail que nous aurons accompli se limitera à l'Europe et il y aura de grandes poches de liberté dans lesquelles les opérateurs pourront faire n'importe quoi. Je suis très attentive à ces textes mais je ne voudrais pas qu'on laisse croire qu'ils sont adoptés. Il reste encore beaucoup de chemin à faire.
Mais on venait de beaucoup plus loin !
En ce qui concerne l'Allemagne, monsieur le président de la commission, vous affirmez que ce pays a mis en place une taxation sur les banques. Non. Elle a envisagé lors d'un conseil des ministres, auquel j'avais d'ailleurs l'honneur de participer, une taxation sur les banques. Vous faites référence à 2 milliards par an : il s'agit d'un projet de taxation sur les transactions financières auquel souscrit la France depuis je ne sais combien de temps et pour lequel nous avons pris l'initiative d'un groupe de travail qui fonctionne sous l'autorité du ministère des affaires étrangères. L'Allemagne a indiqué qu'elle comptait consacrer 2 milliards d'euros par an pendant les trois prochaines années à la taxation des transactions financières si, à l'occasion du sommet du G 20 à Toronto, le principe de cette taxation est adopté. Là aussi, ne confondons pas l'annonce intelligemment médiatisée avec la mesure définitive. Pour notre part, nous allons proposer une taxation bancaire avant la fin de l'année 2010. Je m'y suis engagée.
J'ai voulu prendre ces deux exemples pour recadrer notre débat, en espérant ne l'avoir pas trop retardé, afin que nous ne parlions pas des annonces mais des textes et que nous nous concentrions sur la réalité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Manifestement, les propos que j'ai pu tenir ne vous ont pas plu, madame la ministre, et je le regrette, au moins pour leur forme.
Sur le fond, nous regarderons ensemble le compte rendu des débats et je pense que vous conviendrez avec moi que ce que j'ai pu dire sur les conflits d'intérêts ne justifiait pas, en tout cas à mes yeux, la réponse que vous venez de faire.
Sur le reste, je me permets de maintenir mes propos. C'est le résumé, je crois fidèle, d'interventions faites par des membres de la commission des finances lors des deux réunions que nous avons eues, l'une relative à l'examen des amendements, l'autre relative à l'avis que la commission donne dans le cadre de l'article 88 de notre règlement.
Je dis et je maintiens que les agences de notation ne sont soumises à aucune règle commune. Elles le souhaitaient : les voilà satisfaites.
Je dis et je maintiens qu'aucune des agences de notation n'est soumise à un quelconque respect de la notion de diligence pour la simple raison qu'elle n'existe pas et que les agences de notation n'en veulent pas. J'entends par diligence certaines procédures que les experts comptables doivent observer dans leur pratique. Aujourd'hui, les agences de notation restent seules juges des procédures qu'elles mettent en oeuvre en leur sein.
J'ai dit et je maintiens qu'en cas d'appréciation erronée – les agences démentent porter un quelconque jugement mais estiment porter une appréciation – et au cas où ces appréciations auraient des conséquences préjudiciables pour une entreprise ou pour une dette d'État, les agences de notation ne sont pas responsables au sens juridique du terme.
Enfin, selon les documents transmis par votre ministère, il n'y aura qu'un équivalent temps plein supplémentaire au sein de l'AMF pour, selon vous, produire la régulation des agences de notation. J'ai dit et je maintiens que, si c'est probablement suffisant pour y enregistrer les agences de notation, c'est manifestement insuffisant s'il doit vraiment y avoir régulation. Je rappelle à mes collègues qui l'ignoreraient peut-être que, si un équivalent temps plein serait déjà probablement insuffisant pour réguler les trois grandes agences de notation, cela le serait plus encore avec les 150 qui existent dans le monde, même si toutes ne vont pas s'inscrire. D'ailleurs, en commission, vous avez dit, madame la ministre, qu'effectivement il n'y avait qu'un équivalent temps plein et que, parmi la quarantaine d'agents de l'Autorité des marchés financiers, un certain nombre devraient être distraits de leurs activités habituelles pour s'occuper des agences de notation. Il ne me semble donc pas que notre État se dote des moyens suffisants lui permettant de bénéficier d'une régulation des agences de notation.
Je ne peux que confirmer les propos qui ont été tenus par Mme la ministre s'agissant des agences de notation, n'en déplaise au président de la commission des finances.
Je suis obligé de citer quelques passages du règlement communautaire adopté le 16 septembre 2009 s'agissant des obligations que l'ensemble des agences de notation doivent respecter.
L'alinéa 6 de l'article 8 précise que : « Lorsqu'une agence de notation de crédit modifie les méthodes, modèles ou principales hypothèses de notation qu'elle utilise dans le cadre de ses activités de notation de crédit : a) elle publie immédiatement la gamme des notations de crédit qui en seront probablement affectées, en utilisant les mêmes moyens de communication que ceux qu'elle a utilisés pour diffuser les notations de crédit en question ; b) elle réexamine les notations de crédit affectées dans les meilleurs délais, et au plus tard dans les six mois suivant la modification apportée, et, dans l'intervalle, elle place les notations de crédit en question sous observation ; c) elle procède à une nouvelle notation pour toutes les notations de crédit qui avaient été fondées sur ces méthodes, modèles ou principales hypothèse de notation si, à la suite du réexamen, lesdites notations de crédit sont affectées par l'effet conjugué global des modifications apportées ».
Je n'ai cité que l'alinéa 6 de l'article 8, alors que ce règlement communautaire comporte 37 articles qui fixent autant d'obligations communes aux agences de notation, s'agissant tant des modalités de dépôt pour l'enregistrement que de ce que le président de la commission des finances appelle leur diligence, c'est-à-dire ce qu'elles doivent respecter en termes de modalités de notation.
Enfin, je conclurai mon propos en citant l'alinéa 5 de l'article 10 qui traite des notations de crédit non sollicitées, c'est-à-dire des notations qui ne font pas l'objet de contrats entre l'agence de notation et la société ou l'État noté : « Lorsqu'une agence de notation de crédit émet une notation de crédit non sollicitée, elle indique de façon bien visible dans celle-ci si l'entité notée ou un tiers lié a participé ou non au processus de notation de crédit et si l'agence de notation de crédit a eu accès aux comptes et autres documents internes pertinents de l'entité notée ou d'un tiers lié. Les notations de crédit non sollicitées sont identifiées en tant que telles ».
Cela signifie que l'on sait désormais si une notation est ou non sollicitée. Dans le cas où elle ne l'est pas, on sait à quels documents l'agence de notation a eu accès pour pouvoir former sa notation. Cela crée ce que l'on appelle l'opposabilité. Lors de l'examen des amendements, nous aurons l'occasion de dire que l'opposabilité est désormais une responsabilité de l'agence de notation et que sa responsabilité peut être engagée dès lors qu'elle n'a pas fait un travail suffisant s'agissant de la notation qu'elle délivre.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Yves Censi, pour le groupe UMP.
Si j'ai bien compris, à l'issue de sa démonstration M. Eckert nous a appelés en fait à repousser cette motion de rejet préalable, afin que nous puissions entrer dans le détail du texte, ce que viennent du reste de faire la ministre, le président de la commission et le rapporteur.
Si cette motion est adoptée, nous ne pourrons pas, en effet, évoquer l'encadrement des agences de notation, ni celui des fonds spéculatifs, ni l'évolution des pouvoirs de contrôle de l'autorité de régulation. M. Eckert a fait allusion au procès Kerviel qui s'est ouvert cette semaine. Si ma mémoire est bonne, il s'agissait d'opérations sur des marchés internationaux pour lesquels l'AMF n'avait précisément pas de pouvoir de contrôle.
Dépêchons-nous, donc, de débattre de ces sujets au travers de l'examen des amendements. Peut-être adopterons-nous des amendements du groupe socialiste, comme ce fut le cas en commission des finances, afin de trouver un consensus sur ce texte et passer rapidement à l'action, ainsi que le souhaitent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Après la brillante démonstration de M. Eckert, j'exposerai les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera la motion de rejet préalable.
Ce projet s'est fait attendre. S'il a été remis au Parlement au mois de décembre dernier, il est probable que, sans la crise grecque, il n'aurait pas encore été soumis à notre examen. En pleine crise, le Gouvernement s'est souvenu qu'il existait un texte dont les premiers articles n'allaient pas très loin puisqu'il s'agissait de transposer des directives européennes. Ensuite, le rapporteur a ajouté quelques éléments. Mais quand on compare ce projet à ce qui se fait aux États-Unis notamment, on s'aperçoit qu'il est très en retrait en matière de régulation.
Madame Lagarde, les textes en discussion aux États-Unis ne sont pas des petits textes puisqu'il s'agit de changer radicalement la régulation bancaire, de procéder à la séparation, dans un nouvel univers, des banques de dépôt et des banques d'affaires, et d'instaurer des taxes significatives sur les banques. La France, pour sa part, prévoit seulement de transposer quelques directives et de prendre quelques mesures supplémentaires.
Vous nous avez dit également que l'AMF pourra poursuivre ce qu'elle a fait dans une période de crise, c'est-à-dire interdire un certain nombre de ventes à découvert. Quand l'Allemagne a pris la décision, le 18 mai dernier, d'interdire des ventes à découvert sur les titres souverains, cela avait un vrai sens. Si la France avait immédiatement emboîté le pas à l'Allemagne, on aurait retrouvé ce couple franco-allemand qui agissait rapidement. Du coup, les autres pays auraient suivi. Or nous ne savons toujours pas si vous allez suivre la commission des finances sur les ventes à découvert.
Les États-Unis vont créer une taxe sur les banques, et l'Allemagne va sans doute faire de même. Et la France ? Cela fait très longtemps que le groupe socialiste propose d'instaurer une taxe de 10 % sur les profits bancaires au motif qu'il n'est pas possible d'accepter que les citoyens, à travers les États, interviennent pour sauver les banques sans retour, c'est-à-dire que ce soit eux qui payent l'addition à travers des déficits publics.
La Cour des comptes indique que, si la France était entrée dans le capital des banques, elle aurait gagné 5,8 milliards d'euros. Elle ne l'a pas fait. Vous nous répondez que la démarche suivie n'a rien coûté, et qu'elle a même rapporté un peu. Mais cela aurait dû rapporter 5,8 milliards d'euros ! Dès lors que ce n'est pas le cas, il faut créer une taxe sur les banques. Voilà pourquoi nous proposerons par amendement d'instaurer une taxe de 15 %, ce qui pourrait rapporter 3 milliards d'euros.
S'agissant des agences de notation, il faut réformer un mode de rémunération absurde puisque c'est celui qui est noté qui finance l'agence qui le note. Où a-t-on vu un tel fonctionnement ? Par ailleurs, les agences de notation exercent à la fois une activité de conseil et de notation. Pour leur part, les États-Unis progressent sur la question de la séparation des activités de conseil et de notation. L'Europe avance doucement, quant à elle.
Pour résumer ce qui se passe en matière de régulation financière, je dirai que les États-Unis agissent, que l'Europe réfléchit et que la France attend. Ce n'est pas ainsi que l'on répond à une crise de cette importance. Voilà pourquoi le groupe socialiste votera la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
On a vu que se dessine un duo qui marquera certainement l'histoire parlementaire : d'un côté, Mme Lagarde défend les intérêts du capital, de l'autre, M. Chartier joue une fois de plus le rôle de Saint-Bernard.
On a pu constater le courage de certains députés UMP à propos d'autres débats, sur l'hôpital ou les collectivités locales, par exemple. Chers collègues, je suis prêt à demander une suspension de séance pour que vous alliez récupérer au coffre l'esprit critique que vous avez laissé en garde ! (Sourires.) Nous pourrions ainsi avoir un débat utile.
Madame Lagarde, vous avez raison de dire qu'il ne faut pas parler des annonces. C'est comme si on parlait de la corde dans la maison d'un pendu. Mais qui a fait des annonces sinon Nicolas Sarkozy dans son meeting de Toulon ou bien, plus caricatural encore, lors de la conférence de presse du G20 à Pittsburgh où il a osé dire : « les paradis fiscaux, c'est fini » ? Chacun sait bien que ce n'est pas vrai.
Vous avez, dites-vous, un projet de taxation sur les transactions financières. Peu nous chaut puisque cela ne se traduira pas par des actes concrets ! Il y a un profond décalage entre les discours et les actes, et l'opinion ne le supporte plus.
L'autre jour, nous avons demandé à M. Baudouin Prot s'il était conscient du gouffre qui se creusait entre le monde de la finance et le peuple français. Manifestement, lui comme ses collègues sont dans leur tour d'ivoire et ne sont pas à l'écoute du peuple français.
Je partage l'opinion de Pierre-Alain Muet sur les agences de notation. L'agence de notation eût été crédible si elle avait été vraiment indépendante. On y trouve en effet des gens qui sont imbibés au dernier degré de votre idéologie, si bien qu'il faut essorer plusieurs fois l'éponge qu'ils représentent pour en extirper tout le poison qu'elle contient. Peut-être faudrait-il même jeter l'éponge au rebut !
Vous n'avez malheureusement pas du tout l'intention de changer. J'en veux pour preuve le fait que vous n'ayez pas suivi le consensus qui s'était dégagé en Europe, en particulier chez les banquiers français – je me souviens d'une certaine intervention de M. Pèbereau –, pour s'opposer aux normes comptables imposées à l'Europe. Non seulement vous ne les avez pas soutenus mais aujourd'hui, alors que tout le monde constate que ces normes comptables sont mortifères, l'on continue comme si de rien n'était.
L'autorégulation, on sait ce que cela donne.
Dans un tel contexte, le procès Kerviel, très suivi par l'opinion, revêt une importance particulière. Les Français comprennent bien qu'il s'agit d'une immense arnaque commise, non par M. Kerviel, mais par la Société Générale. L'intéressé ne fut qu'un instrument. Ceux qui connaissent le fonctionnement d'une salle de marché savent qu'il n'a pas pu agir seul. Quand on se remémore les précédents exploits de la Société Générale, par exemple dans l'affaire du Sentier, on sait que l'on ne voit que la partie immergée de l'iceberg et que les turpitudes des uns et des autres en la matière sont bien plus graves que celles que nous apprenons.
Voici encore une preuve que ces gens-là n'ont rien compris : pour vous échapper, madame la ministre – encore que vous ne fassiez pas beaucoup d'efforts pour les retenir – ils domicilient ailleurs leurs hedge funds. Les exemples sont multiples, qu'il s'agisse de la Société Générale, de Natixis, d'Air France-KLM. Citons encore Renault qui a des comptes dans les paradis fiscaux ou les sociétés bidons de droit suisse, montées pour rémunérer des salariés français…
Monsieur Brard, vous pourrez domicilier votre talent à la motion de renvoi que vous allez plaider. Pour le moment, vous avez largement dépassé votre temps de parole.
Je vais conclure, monsieur le président, mais uniquement parce que vous êtes un président exquis.
En réalité, madame la ministre, vous voulez éliminer ce qui est le plus voyant, vous voulez empêcher les vols à la tire pour mieux préserver le grand banditisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Je ne vous l'ai pas retirée longtemps, monsieur Brard.
Monsieur le président, je sais que vous êtes un homme de dialogue et que vous faites tout pour le favoriser, vous inscrivant ainsi dans la tradition des grands présidents de cette assemblée qui protègent les droits de la minorité, comme le firent Philippe Séguin ou Jean-Louis Debré dont on ne pourra pas dire qu'ils sont de gauche. (Sourires)
Permettez-moi tout d'abord, madame la ministre, de formuler une remarque d'ordre très général sur ce projet de loi auquel vous avez donné sans complexe le titre Régulation bancaire et financière. Compte tenu des moyens que vous employez, autant vouloir réguler le cours de l'Amazone ! Presque deux ans se sont écoulés depuis la faillite de Lehman Brothers et le début de la crise financière internationale ; deux ans après le début d'une crise dont la gravité est sans précédent depuis les années trente, trois ans – si l'on prend tout en compte – après le début d'une crise qui a déjà coûté plusieurs centaines de milliards d'euros aux Français entre le renflouement des banques et les plans de relance et qui a continué de détruire les emplois. Ne négligeons pas cette donnée car toutes les mesures que vous avez prises pour les Français se sont d'abord traduites par l'augmentation du chômage.
Deux ans plus tard donc, alors que vous auriez dû agir depuis très longtemps pour mettre un terme aux pratiques désastreuses de la finance mondiale, alors que vous aviez le devoir de fermer le casino mondial, vous nous présentez aujourd'hui, madame la ministre, un projet de « régulation bancaire et financière » qui n'en est pas un.
Il faut dire que vous semblez avoir peur du ridicule, madame Lagarde. En cela, je vous comprends, même si, depuis Mme de Sévigné, le ridicule ne tue plus. Souvenez-vous de l'affaire Vatel, qui en fut certainement la dernière victime, ce qui est peut-être dommage.
Mes chers collègues, il ne vous aura pas échappé que ce projet de loi ne compte que sept articles qui traitent réellement, quoique de très loin, du fonctionnement et des pratiques courantes du monde de la finance. Il n'y a que notre Saint-Bernard parlementaire pour voir jusque dans le dernier article des propositions intéressantes.
Ainsi, madame la ministre, n'ayant pas osé présenter un projet de loi qui comporte seulement sept articles, vous en avez tout simplement rajouté une petite vingtaine pour l'étoffer, malheureusement totalement hors sujet. Vous nous proposez donc pêle-mêle de réformer le financement des grandes entreprises, de relancer le marché des PME cotées, de faciliter l'accès des assureurs crédits aux données du fichier interbancaire des entreprises, de restructurer l'établissement public OSEO, de revoir les modalités de financement des prêts à l'habitat ou encore de vous habiliter à changer un certain nombre de dispositions en matière d'assurance-transport par voie d'ordonnance.
C'est à croire, madame la ministre, que vous considérez .la régulation bancaire et financière comme un « petit sujet » qui mérite bien quelques articles d'ajustement mais dont l'intérêt est, en dernier ressort, bien marginal. Je ne partage pas cette opinion et c'est la raison pour laquelle nous avons choisi de vous parler avant tout de ces fameux sept articles qui ont inspiré l'intitulé de ce projet de loi.
Je me permets d'ailleurs de vous rappeler les engagements que Nicolas Sarkozy avait pris lors du meeting de Toulon, en septembre 2008.
Non, en effet, mais ce n'est pas le cas de la majorité. Lorsqu'on se fait tromper une fois, l'on peut être abusé ; lorsque l'on se fait tromper sans cesse, il y a un problème.
Parfaitement ! Je n'osais pas le mot, mais si vous ne me faites pas payer de royalties, monsieur le président, je le reprends volontiers à mon compte et je laisse mes collègues de l'UMP y réfléchir !
Que disait donc Nicolas Sarkozy ?
« Une certaine idée de la mondialisation s'achève avec la fin d'un capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l'économie et avait contribué à la pervertir ». Et de poursuivre : « Ou bien les professionnels se mettent d'accord sur des pratiques acceptables, ou bien nous réglerons le problème par la loi avant la fin de l'année ». C'était en 2008 ! Autant dire qu'il s'agissait encore de fariboles pour endormir l'opinion !
Cet engagement de date n'a pas été tenu. Il s'agissait d'un mensonge de plus.
Mes chers collègues, si le mensonge portait seulement sur le calendrier, si le Président de la République avait seulement pris deux petites années « de retard », si Nicolas Sarkozy nous présentait au moins aujourd'hui un projet crédible de régulation de la finance mondiale, alors nous pourrions presque lui pardonner d'avoir laissé s'installer le glissement de la crise des subprimes – dont il vantait, rappelons-le, les mérites – vers la crise de la zone euro et d'avoir continué à servir des mets fastueux à ses copains du Fouquet's. Ces retards valent plusieurs milliards d'euros et ont entraîné un extraordinaire affaiblissement de notre appareil industriel.
Malheureusement, il n'en est rien ! Si ce projet, dit de régulation bancaire, ne régulera rien, si cette loi n'aura aucunement pour effet de « moraliser le capitalisme », c'est que le Gouvernement ne le souhaite pas. Toujours aussi aveuglés par les paillettes de la finance, vos ornières idéologiques desquelles vous ne parvenez pas à vous extraire vous interdisent de penser que les règles, ou plutôt l'absence de règles, de l'économie-casino ne servent qu'à enrichir une petite poignée de privilégiés qui coulent des jours paisibles tandis que la grande majorité de nos concitoyens sont plongés dans des difficultés chaque jour plus grandes et plus humiliantes. Votre doctrine économique, basée sur la libre circulation des capitaux, la spéculation, ce que délicatement vous appelez les « marchés », l'absence de règles et le laisser-faire généralisé est une impasse, madame la ministre. C'est une impasse qui coûte très cher à nos concitoyens.
Aveuglés par cette doctrine, vous croyez même que vous allez pouvoir « faire de cette crise une opportunité ». Au-delà du fait que le langage publicitaire n'a pas de secrets pour ce gouvernement, nous pourrions presque vous faire crédit d'une certaine cohérence dans vos choix idéologiques et politiques. Je dis « presque » parce que vous mésestimez totalement la gravité de la crise actuelle. Cette cohérence entre vos options idéologiques et vos choix politiques confine alors à l'aveuglement mais votre fanatisme libéral n'exclut pas la cohérence de vos choix. Au contraire, cette cohérence alimente la course folle vers la destruction de l'économie et la désintégration de nos sociétés. Les événements de Sevran, de Tremblay, ou d'ailleurs, dans nos banlieues, ne sont pas étrangers à tout cela.
Comment faire croire à un jeune de nos banlieues qu'il faut aller travailler dans un emploi aidé alors que les bonus des dirigeants des banques explosent à nouveau, malgré la crise qui perdure ? Il faudrait écouter M. de Rothschild de la Compagnie financière, qui sait de quoi il parle et qui prévoit de nouvelles catastrophes.
La cohérence de vos choix est multiple.
Tout d'abord, vous êtes cohérents avec vous-même lorsque vous continuez à faire confiance à l'économie-casino, lorsque vous pensez pouvoir vous appuyer sur le règne des banques et lorsque vous interprétez la financiarisation croissante du capitalisme mondial comme l'étape ultime du progrès de l'humanité.
Madame la ministre, vous me permettrez, après vous avoir recommandé la lecture du Capital, de vous conseiller un autre ouvrage, d'un certain Vladimir Illitch Oulianov, dit Lénine : L'impérialisme, stade suprême du capitalisme. Bien évidemment, il faut replacer cette oeuvre dans son contexte, mais vous verrez que, dans les cendres du passé, demeurent des braises ardentes qui peuvent éclairer les chemins de l'avenir. C'est un petit opuscule, beaucoup moins épais que le livre que je vous ai offert la dernière fois.
Des braises qui éclairent, ce n'est peut-être pas la meilleure manière d'illuminer !
Monsieur Louis Giscard d'Estaing, vous n'êtes pas de la tradition révolutionnaire ; je comprends donc qu'il y ait un quiproquo, mais les braises peuvent servir à allumer un incendie, par exemple celui de la Révolution qui, comme en 1789, permit d'ouvrir des voies que l'humanité entière continue de nous envier.
L'année 1917 fut celle d'une révolution qui libéra le peuple russe du knout tsariste. Il en va de 1917 comme de 1789 : il y eut des zones d'ombre comme des zones de lumière, mais vous ne pouvez pas le comprendre car il faudrait pour cela que vous soyez quelque peu dialecticiens.
Je n'ai pas parlé de Staline, mon cher collège, mais de Lénine. Je n'ai pas davantage parlé de Trotski, ni de Zinoviev, ni de Kamenev, ni de Kroupskaïa.
Combien de morts à Constantine, à Sétif et à Tananarive ? Et là, nous sommes concernés.
Ils me cherchent, monsieur le président, et ils vont finir par me trouver.
Vous ne comprenez guère plus, madame la ministre, que le commun des mortels la « novlangue » des marchés financiers, ni les instruments technico-financiers dont les banquiers se servent pour accroître leurs marges de profits aux dépens des populations du monde entier. En réalité, vous êtes même plus démunie que la grande majorité de nos concitoyens qui, eux, ont cet avantage sur vous de connaître la vie réelle, celle des fins de mois difficiles. Ils ont l'expérience de la vie quotidienne et subissent les dramatiques conséquences de votre crise. Quant à vous, vous faites confiance aux marchés, aux banquiers, aux spéculateurs. Vous ne faites confiance qu'à ceux-là qui profitent de la crise provoquée par l'appétit insatiable du capital pour son propre élargissement.
Vous faites tout de même preuve de cohérence en faisant confiance aux marchés. Cette cohérence n'est malheureusement pas d'origine rationnelle ; elle est presque d'origine affective. Elle est née de votre connivence avec le monde de la finance et de votre admiration pour les sommes colossales qu'il déplace sur les places boursières internationales. Vous êtes dans le champ de la croyance, pas de la rationalité qui vous permettrait de comprendre et d'essayer d'esquisser des solutions. Vous vous livrez à un culte, celui du veau d'or honni par Moïse. Notre peuple a un devoir : briser les idoles que vous adorez.
Vous vous croyez rationnelle lorsque vous pensez que les dizaines de milliards d'euros de bonus empochés par les traders et les centaines de milliards de bénéfices réalisés par les banques profitent, in fine, à l'ensemble de l'économie. En réalité, vous favorisez l'accumulation de masses invraisemblables de capitaux qui cherchent à réaliser des taux de profits élevés, qui enrichissent les actionnaires, détruisent les emplois, assassinent les vies.
Lorsque vous voyez que le seul marché des dérivés est passé, selon le magazine Alternatives économiques,…
Ce n'est pas une bonne lecture !
…de 91 000 à 592 000 milliards de dollars entre 1998 et 2008, vous en déduisez que ce secteur de l'économie doit être un puissant moteur pour la création de richesses et, par conséquent, un levier essentiel pour l'ensemble de l'économie. L'état actuel de notre économie, le chômage de masse, la généralisation des temps partiels subis, les délocalisations, le surendettement rampant de nos concitoyens et la dette colossale de presque tous les pays de la planète d'un côté, et le retour des bonus, les profits extravagants des banques, et l'explosion des inégalités de l'autre, prouvent pourtant le contraire.
Tout ce que vous avez fait jusqu'ici, c'était de répondre aux exigences des marchés financiers en injectant toujours plus de liquidités dans les circuits du casino mondial. Ainsi, vous ne cessez d'encourager les pratiques qui, depuis deux décennies, favorisent systématiquement la recherche du profit facile au détriment des investissements productifs, créateurs d'emplois et de richesses pour l'ensemble de la société.
Le Gouvernement et vous-même êtes encore cohérents – quoique cyniques – lorsque vous dites vouloir saisir l'opportunité de la crise. Vous cherchez à en profiter pour promouvoir un modèle de société qui mette les intérêts des grands groupes privés au centre de l'action politique où les assurances privées auront vocation à remplacer les caisses de retraites et la sécurité sociale pour la plus grande joie des actionnaires. Vous voulez encore détériorer la répartition des fruits du travail au bénéfice de la rentabilité du capital, au détriment de la rémunération du travail et des conditions de vie de nos honnêtes concitoyens, par opposition à ceux qui s'enrichissent sans travailler vraiment.
Rien d'autre que cela ne se cache derrière la nécessité absolue – comme vous le répétez sans cesse – de mettre en place des plans d'austérité drastiques dans tous les pays européens.
Il s'agit tout simplement d'offrir sur un plateau d'argent aux investisseurs privés tous les services publics : la santé, l'éducation, les transports, le gaz, l'électricité, mais aussi, bien sûr, les retraites. Vous continuez de faire confiance aux spéculateurs pour être le moteur d'une croissance censée profiter à l'ensemble de la société.
Quand allez-vous enfin comprendre, madame la ministre, mes chers collègues de la majorité, que ce modèle économique nous conduit tout droit dans le mur ?
Votre cohérence politique est celle des talibans de la finance, ces intégristes en costumes trois-pièces de la City de Londres, de Wall Street et des étages supérieurs de nos grandes banques. Je les compare aux talibans parce que, sur le fond, ils ne valent pas mieux que Ben Laden et sont aussi dangereux que lui pour l'avenir de nos sociétés.
Parce que ce sont ces gens-là qui vous conseillent, parce que ce sont ceux-là auxquels vous faites confiance pour prendre les rênes de l'économie mondiale, vous êtes, madame la ministre, parfaitement cohérente avec vous-même lorsque vous nous présentez un projet de régulation bancaire qui n'en est pas un. Vous ne souhaitez pas réguler, ni surveiller. Vous cherchez seulement à donner l'impression de le faire en vous contentant de supprimer quelques excès.
Votre problème, si je puis me permettre, madame la ministre, c'est que l'opinion publique, c'est que les Français ne partagent pas vos options idéologiques. Les gens ne sont pas dupes, ils ont bien compris qu'il faut mettre un terme à des pratiques spéculatives qui ne profitent qu'à une poignée de privilégiés tout en plongeant la grande majorité dans la difficulté et la détresse.
La colère gronde dans nos villes, madame la ministre, et elle gronde tellement que vous ne pouvez plus l'ignorer, même enfermée dans votre tour d'ivoire.
Alors, pour apaiser la colère comme vous cherchez à apaiser les marchés, vous communiquez, le Président de la République gesticule et vous faites de la politique spectacle.
Premier acte : vous multipliez les déclarations à la fois tonitruantes et lénifiantes. Ainsi, Nicolas Sarkozy, dès septembre 2008, à Toulon, avait déclaré que « les responsabilités doivent être recherchées et les responsables de ce naufrage au moins sanctionnés financièrement. L'impunité serait immorale ». Vous voyez, à travers cette citation, que le Président de la République s'accommode parfaitement de l'immoralité. Nicolas Sarkozy de poursuivre : « Il faut ensuite réglementer les banques pour réguler le système. »
Un an plus tard, au sommet du G 20 à Pittsburgh, vous avez déclaré, madame la ministre, que nous nous trouvions, dans « un moment crucial de transition entre la crise et la reprise pour tourner la page d'une ère d'irresponsabilité et adopter un ensemble de mesures, de règles et de réformes nécessaires pour répondre aux besoins de l'économie mondiale du XXIe siècle. » Aujourd'hui, vous dites vouloir, si l'on en croit votre texte, « entraîner la communauté internationale à tirer les leçons de la crise pour que ce qui s'est produit ne se reproduise plus. » En résumé, nous aurons eu trois années de bonnes intentions, ou plutôt trois années de faux-semblants.
Deuxième acte : pour mieux maquiller votre inaction, vous vous cachez derrière les instances européennes et internationales. Votre gouvernement a fait le choix délibéré de se dédouaner de ses responsabilités en confiant un rôle faussement moteur à la Commission européenne, au Fonds monétaire international, au G 7, au G 20 et, plus généralement, à la négociation internationale. Nous avons désormais l'habitude de ce genre de procédé. Le dernier épisode en date a été celui du pseudo-plan de stabilisation d'il y a à peine deux semaines.
En ce qui concerne la régulation des banques et « la moralisation du capitalisme », pour reprendre les mots de Nicolas Sarkozy, vous procédez exactement de la même manière. Le dernier exemple ne date pas de plus tard que mardi soir : dans une lettre commune signée par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, ces deux héros de la régulation estiment « qu'il existe un besoin urgent que la Commission puisse accélérer ses travaux s'agissant de l'encadrement renforcé du marché des CDS souverains et des ventes à découvert, et présente, avant l'ECOFIN de juillet, l'ensemble des pistes d'action envisageables ».
Il faut croire qu'Angela Merkel a cru que tout était dit dans cette lettre puisqu'elle a annulé son rendez-vous avec Nicolas Sarkozy. Procédé plus que classique : lorsqu'il y a un problème, c'est toujours la faute de Bruxelles. Passons sur le fait que le moteur franco-allemand ne demande qu'une régulation minimale.
Le troisième acte s'est joué outre-Atlantique. Vu l'inaction coupable des dirigeants européens, je serais presque tenté de rendre hommage au président Barack Obama, même si je ne fais pas partie de ses idolâtres car il ne faut jamais oublier ce qu'il a dit le soir de son élection : « J'ai été élu pour rétablir le leadership des États-Unis ». Or aucun d'entre nous, j'imagine, n'est demandeur d'un leadership des États-Unis : nous sommes demandeurs d'égalité dans les relations internationales. Reste que Barack Obama a fait preuve d'un certain courage en proposant une loi dont l'énumération des mesures prendrait malheureusement trop de temps.
Vous noterez en tout cas que le président américain n'hésite pas à s'en prendre à Wall Street. On attend donc que le Gouvernement français s'en prenne à la Bourse. Vous cherchez toujours des compromis souterrains mais jamais n'appelez un chat un chat.
Or, croyez-moi, la liste des mesures proposées par Barack Obama est longue, mes chers collègues, bien trop longue pour être traduite en une loi de régulation bancaire de seulement sept articles.
Madame la ministre, vous voyez qu'il n'est absolument pas crédible de se cacher derrière la prétendue nécessité d'aboutir, avant toute initiative nationale, à un consensus international. Cela s'appelle d'ailleurs « mettre la charrue avant les boeufs », puisque les mesures nationales servent de base de négociation dans les instances internationales.
Les États-Unis et, dans une moindre mesure, l'Allemagne, l'ont bien compris. Contrairement à vous, madame la ministre, ils ont compris que la sauvegarde de ce système – système que nous combattons par ailleurs – passe par une certaine dose de régulation. Plus exactement, un peu moins aveuglés par les dogmes du capitalisme financier, les dirigeants de ces pays ont compris que la seule chance, certes minime, de sauver ce système était de faire preuve d'un certain pragmatisme.
Le pragmatisme, en l'occurrence, c'est la régulation. Or, en la matière, selon notre collègue Christian Kert, votre projet de loi serait creux. Je ne dirais pas, pour ma part, qu'il est creux mais qu'il est vide. En effet, selon la définition de Raymond Devos, qu'est-ce que le vide ? Un trou avec rien autour. (Sourires.) J'ignore si cette définition agréerait aux physiciens mais elle s'applique à mon avis plutôt bien à votre texte.
Avant d'entrer dans le détail des sept articles de ce projet, permettez-moi de formuler une remarque sur les notions de « régulation » et de « surveillance ».
La régulation et la surveillance ne se recoupent pas du tout : réguler, madame la ministre, c'est édicter de nouvelles règles, c'est transformer le fonctionnement des marchés financiers et imposer de nouveaux devoirs aux banquiers ; surveiller, en revanche, c'est faire en sorte que les règles actuelles soient bien respectées.
Vous pouvez, du moins en théorie, installer des détecteurs de fumée dans tous les logements et poster un pompier à chaque coin de rue, mais tant que vous n'aurez pas interdit les feux de camp en plein milieu du salon, les incendies ne cesseront de faire des ravages. On a vu dans le passé, avec la Caisse d'épargne, comment la surveillance a marché, alors que l'AMF avait pourtant relevé des irrégularités.
En ce qui concerne ce projet de loi, vous aurez compris, madame la ministre, que nous considérons que vous et votre gouvernement, voulez au mieux introduire quelques mécanismes de surveillance.
Ainsi, l'article 1er prévoit la création d'un « machin », comme disait le général de Gaulle, trompeusement appelé « Conseil de régulation financière et du risque systémique. »
Ce nouveau conseil « pourra auditionner des professionnels du secteur financier en tant que de besoin », est-il écrit dans l'exposé des motifs. Madame la ministre, votre dernière invention ne peut manquer de me faire penser à la création du fameux Financial Stability Board, le conseil de stabilité financière créé après la crise asiatique de 1997-1998 pour mieux surveiller la finance : on a vu à quoi cela a servi !
Ce nouveau conseil permettra également, selon vous, « de renforcer le dispositif français de négociation des normes internationales et européennes en matière de régulation financière. » En résumé, vous voulez créer une commission d'experts, une sorte de « commission Clemenceau », pour reprendre l'expression de Nadine Morano, c'est-à-dire une instance animée par ceux-là même qui profitent du système actuel.
Quant au deuxième article de ce projet de loi, il donne au président de l'Autorité des marchés financiers, toujours selon l'exposé des motifs, la « capacité de prendre des mesures d'urgence [...] pour faire face aux situations exceptionnelles de marché. » En somme, le gendarme de la bourse sera, demain, également son pompier. Malheureusement, les situations exceptionnelles de marché ont tendance à se généraliser depuis quelques mois.
Les articles 3 et 4 prévoient l'introduction dans le droit français d'un contrôle des agences de notation. En réalité, il s'agit encore seulement d'une belle formule puisque cela consistera essentiellement en l'encaissement par l'AMF d'un droit d'enregistrement desdites agences. Même nos collègues du Nouveau Centre, qui ne sont pourtant pas des bolcheviques en puissance, ont déposé un amendement visant à créer une agence de notation européenne.
Les articles 5, 6 et 7 prétendent « renforcer l'efficacité du contrôle des groupes bancaires européens », mais il ne s'agit que de la transposition en droit français de la directive européenne du 16 septembre 2009 relative à la réglementation bancaire.
Vous le voyez, mes chers collègues, avec ce projet de loi, nous sommes bien en deçà de ce que l'on pourrait légitimement attendre d'un gouvernement qui prétend « réglementer les banques pour réguler le système », selon les propres termes de Nicolas Sarkozy en septembre 2008. Le Gouvernement s'applique à lui-même la loi sur le service minimum, et les conséquences en sont toujours aussi désastreuses.
Des marges de manoeuvre existent pourtant pour mettre un terme à la domination des marchés et pour rétablir le primat du politique sur les diktats d'une économie spéculative devenue folle. Je n'aurai malheureusement pas le temps de vous détailler les mesures que vous auriez dû prendre dès l'année dernière. Mais vous aurez compris, mes chers collègues, madame la ministre, que les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine s'opposeront à un projet de régulation bancaire qui n'a de régulateur que le nom. Nous ne cautionnons pas cette mascarade. C'est un projet dilatoire, une illusion, un faire-semblant. Tout cela n'est que cautère sur jambe de bois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est àM. Louis Giscard d'Estaing, pour le groupe UMP.
Monsieur le président, j'entends évidemment répondre aux quelques arguments développés par Jean-Pierre Brard en défendant sa motion de procédure.
Notre collègue a rappelé, à juste titre, que cette fameuse crise financière et bancaire était née de la faillite de Lehman Brothers aux États-Unis.
Cependant il aurait pu également rappeler que cette crise était la résultante de ce que nous avions déjà examiné en commission des finances à l'automne 2008, à savoir la suite de ce qui s'était passé en Grande-Bretagne avec la banque Northern Rock. En effet, la première crise de liquidité – souvenez-vous, monsieur Emmanuelli –…
…a touché cette banque britannique. Néanmoins tout cela résultait de la crise des subprimes sur le marché américain.
Pour Jean-Pierre Brard, face aux pratiques désastreuses de la finance mondiale, que n'avons-nous agi pour « fermer le casino mondial ».
Belle formule, mais encore eût-il fallu rappeler le rôle moteur qu'a joué la France pour essayer d'endiguer les suites de cette crise financière et bancaire née sur le marché américain.
Souvenons-nous : qui a demandé la constitution et la réunion du G20, nouvelle initiative française, comme celle qui avait abouti à la création du G7 en 1975 ? C'est le Président de la République française : il a demandé instamment au Président américain, qui n'était pas encore Barak Obama mais George Bush, de réunir un G20 à Washington à l'automne 2008. Il est difficile de ne pas reconnaître devant le Parlement le rôle qu'a joué la France dans cette affaire. Vous pouvez d'autant moins l'ignorer, monsieur Brard, que le Président de la République a demandé la constitution d'un groupe de travail multi-partisan et interparlementaire réunissant douze députés et douze sénateurs pour faire des propositions sur les différentes instances de régulation.
On ne peut pas dire que les initiatives françaises n'ont pas été fortes, ni portées ensuite au plan international.
J'entends bien l'argument selon lequel le président Barak Obama s'en prendrait aujourd'hui, lui, à Wall Street. Toutefois c'est la moindre des choses puisque c'est de là qu'est parti le problème de la régulation bancaire et financière : comment se fait-il que les subprimes n'ont pas été bien analysées dans les comptes et dans les bilans des banques américaines, puis dans les produits qu'elles ont exportés ? Il est donc heureux que le Congrès américain s'empare de ce sujet. Nous souhaitons qu'il vote les régulations proposées par la Maison-Blanche et partage ainsi la préoccupation qui est la nôtre.
Enfin, si ce projet de loi est passé de sept à vingt articles, cela prouve qu'il a été enrichi sur un certain nombre de points. Nous l'avons examiné deux fois en commission des finances, M. le président Cahuzac l'a rappelé, au cours de séances riches. Dans la majorité, nombre d'entre nous ont fait preuve, comme d'habitude, de leur sens critique mais aussi de leur volonté de créer de la valeur ajoutée parlementaire. Je demande donc que nous examinions le plus vite possible dans cet hémicycle ce texte qui a été enrichi par le travail en commission, puisque nous n'avons dès lors, monsieur Brard, pas besoin d'y retourner. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Notre groupe votera évidemment cette motion de renvoi en commission brillamment défendue par Jean-Pierre Brard, avec son humour légendaire.
Il a souligné à juste titre que le texte ne comporte que sept articles qui concernent la régulation ; tout le reste, c'est de l'habillage pour en faire une loi présentable. On se demande en particulier ce que viennent faire les articles 19 et 20 qui créent de nouveaux instruments financiers alors qu'il est au contraire question de réguler.
Il a également souligné à juste titre les risques d'une économie-casino. Keynes le disait déjà après la crise de 1929 en montrant que, quand le casino l'emporte sur l'économie réelle, on peut se trouver dans des situations catastrophiques. C'est ce qui se passe aussi dans cette crise.
Je ne donnerai que deux chiffres pour illustrer mon propos : le taux de rendement du système bancaire sur fonds propres, dans les années cinquante à quatre-vingts, se situait autour de 6 %, exactement comme dans l'économie réelle ; et alors que ce taux n'a pas changé dans le secteur non bancaire, il est monté, dans le secteur bancaire, dans les années qui ont précédé la crise, à 20 %. C'est une situation absurde, un prélèvement sur l'économie réelle.
Il faut absolument remettre en place une vraie régulation du secteur financier pour que celui-ci fasse son travail, à savoir contribuer au financement de l'économie, et non prélever une rente sur le reste de l'économie. C'est tout l'enjeu de la régulation. Or ce projet de loi ne constitue qu'un tout petit bout de la régulation à faire ; il y manque beaucoup de choses : une régulation des bonus, une vraie régulation du système bancaire. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de nos amendements.
M. Giscard d'Estaing a souligné l'avancée des États-Unis en matière de régulation, mais la comparaison entre l'Europe et les États-Unis me fait craindre une réplique de ce qui s'est passé dans les années trente. À l'époque, un pays avait en effet changé les règles de la régulation : les États-Unis sous l'autorité du Président Roosevelt. Les règles que ce dernier avait instituées – séparation entre banques d'affaires et banques d'investissement, New Deal – se sont généralisées partout dans le monde après la Seconde guerre mondiale, ce qui a conduit à une longue période de stabilité. Cependant, à la même époque, l'Europe s'enfonçait dans des politiques de déflation.
Il faut retenir les leçons de l'histoire. Nous avons absolument besoin d'une vraie régulation et d'une vraie réflexion sur la coordination des politiques économiques pour ne pas répliquer les erreurs du passé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Yves Censi, premier orateur inscrit.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons connu ces trois dernières années la crise financière la plus grave que l'humanité ait subie depuis au moins 1929. En quelques jours tout s'est arrêté : nous n'avions plus accès aux crédits, les banques ne se faisaient plus confiance entre elles pour prêter, et nous n'avions donc plus les moyens de financer notre économie.
Cette crise, dont nous subissons encore les conséquences, est due en grande partie aux lacunes de la supervision financière et aux angles morts qui ont permis à plusieurs agents financiers de prendre des risques clairement inconsidérés, devenus, comme l'a très bien expliqué Mme Lagarde, de nature systémique. Finalement, ces agents ont amené au bord de l'explosion le système financier tout entier. Nous savons aujourd'hui à quelles catastrophes cela nous a menés. Quand bien même le système financier français a relativement mieux résisté, il n'est évidemment pas à l'abri des fragilités constatées dans d'autres pays, du fait notamment des activités transnationales des grands groupes.
Ne pas remédier aux failles qui menacent de faire basculer à nouveau l'économie mondiale dans la récession relèverait de la même irresponsabilité. Grâce à la concertation des États, notamment dans le cadre du G20, nous sommes parvenus à fixer les bases d'un renouveau du système financier international. Toute l'énergie et la volonté politique mobilisées à travers le monde ont pour objectif de créer des règles de négociation et de fonctionnement des marchés plus saines.
Il faut aujourd'hui poursuivre ces efforts dans notre pays pour ne pas risquer de compromettre tout le travail que nous avons accompli aux côtés de nos partenaires. La reprise sera fragile, on le sait, tant que l'économie mondiale restera à la merci de l'éclatement de nouvelles bulles spéculatives. Les risques sont en effet multiples, notamment avec les suites de la crise des subprimes, dont notre collègue Louis Giscard d'Estaing a très justement rappelé que nous n'avons pas encore perçu toutes les conséquences. En effet, même si les fondations du nouveau système financier ont été définies, nous ne devons évidemment pas ignorer les fissures qui menacent de transformer en ruines cet édifice ; nous ne devons pas passer à côté des angles morts de la supervision du secteur financier, nous ne devons pas ignorer les conséquences de la myopie financière des acteurs.
Le projet de loi de régulation bancaire et financière que nous examinons aujourd'hui a cherché à identifier les vraies lacunes de la supervision financière en France et à y apporter une réponse pour ne pas revivre un même désastre financier. Il a deux ambitions.
Il prévoit tout d'abord de traduire dans la réglementation française les premiers résultats des travaux du G20 et des institutions communautaires, notamment par l'élargissement du champ de la supervision financière et celle des groupes transnationaux. L'Autorité des marchés financiers se verra ainsi confier de nouvelles attributions et des pouvoirs supplémentaires en matière de contrôle et de sanction des acteurs et des marchés financiers. C'est le coeur de ce projet de loi.
Ce texte est aussi conçu pour être un outil indispensable pour améliorer le dispositif français de prévention et de gestion de crise, qui a tant fait défaut en 2007, lors de l'éclatement de la bulle des subprimes.
Notre commission des finances, à travers son excellent rapporteur, a réalisé un travail de coproduction exemplaire. Cependant, je vais d'abord passer en revue les dispositions prévues par le projet de loi initial.
Ce texte propose la création d'un conseil de régulation financière et du risque systémique, dont le rôle sera de conseiller le ministre chargé de l'économie. Il sera composé de représentants de la Banque de France et des autorités du secteur financier. Sa mission sera d'organiser la coopération entre autorités financières françaises en vue de l'élaboration des normes internationales et européennes. Son rôle de clarification et de renforcement des positions françaises sera essentiel dans un contexte de réaménagement de la supervision des activités financières à l'échelle mondiale.
Le texte prévoit aussi de doter l'Autorité des marchés financiers du pouvoir de restreindre les conditions de négociation de certains instruments financiers. Ainsi, l'AMF doit être désignée comme l'autorité responsable en France du contrôle des agences de notation, décidée par le Parlement européen et le conseil sur les agences de notation de crédit. Les pouvoirs d'enquête et de sanction de l'AMF seront renforcés et ses compétences techniques élargies.
Enfin, il est essentiel de renforcer le contrôle des grands groupes bancaires européens pour des raisons évidentes de clarté et de transparence des opérations financières aux yeux de l'État. Cela sera mis en oeuvre notamment par l'échange d'informations entre les autorités financières européennes.
Afin de soutenir la reprise de l'activité économique dans notre pays, le Gouvernement a souhaité que plusieurs dispositions soient adoptées.
La modernisation du régime des offres publiques d'achat est nécessaire pour accroître la protection des actionnaires. L'ensemble du dispositif légal proposé vise à améliorer la transparence des offres publiques d'achat pour ne pas pénaliser les actionnaires individuels et minoritaires, ce qui, à l'heure actuelle, fait défaut à notre système financier.
Le Gouvernement a estimé qu'il était important d'introduire des procédures d'offres publiques et de retrait obligatoire sur le marché Alternext, afin d'améliorer l'accès des PME aux marchés.
Nous ne devons pas sous-estimer l'importance des petites entreprises dans la reprise de l'activité. Leur offrir de meilleures conditions d'accès aux marchés est une étape majeure dans le processus de redynamisation de notre économie. Elles pourront de cette manière trouver plus facilement des sources de financement et des investisseurs, c'est-à-dire les conditions sine qua non du développement économique, notamment microéconomique. Nous espérons ainsi favoriser la croissance de ces entreprises pour enclencher un cercle économique vertueux.
Parallèlement à ces mesures de soutien des entreprises, nous voulons agir en faveur des particuliers. Les ménages voient leurs dépenses incompressibles augmenter drastiquement et leur revenu disponible se réduire d'autant. Parmi ces dépenses, celles consacrées au logement prennent une importance croissante, presque étouffante. Beaucoup de foyers vont ainsi devoir refinancer leurs prêts immobiliers. Compte tenu du contexte économique et financier actuel, le Gouvernement a souhaité leur apporter une aide. L'aide au refinancement des prêts immobiliers s'est donc imposée à nous comme une mesure juste et efficace, à travers la création des obligations à l'habitat.
Enfin, pour permettre d'améliorer le pouvoir d'attraction et la compétitivité du secteur des transports, le Gouvernement sera habilité, pendant un délai de neuf mois, à réformer par ordonnance le régime des assurances transports.
Je tiens à souligner l'immense travail accompli par notre commission des finances et son rapporteur Jérôme Chartier. La commission a notamment cherché à élargir et à renforcer les pouvoirs de l'AMF dans le but d'améliorer le contrôle des acteurs financiers en France. Nous avons donc adopté des mesures visant à aller plus loin dans plusieurs domaines.
Tout d'abord, nous avons voulu mettre en place plus de transparence autour des opérations financières, pour prévenir des dégradations brutales et inattendues de la situation financière dans notre pays.
Un amendement prévoit d'accorder à l'AMF le pouvoir d'imposer cette transparence sur les ventes à découvert de tous les instruments financiers. Il vise à compléter la disposition figurant dans le projet de loi initial qui dote l'Autorité des marchés financiers de pouvoirs d'urgence lui permettant notamment d'interdire les ventes à découvert sur tous les instruments financiers.
Enfin, un autre amendement tend à étendre considérablement les pouvoirs dont dispose l'AMF pour sanctionner les abus sur les marchés de produits dérivés, notamment les CDS.
Concernant les agissements des fonds activistes qui peuvent emprunter temporairement des actions en amont des assemblées générales dans le but d'influencer les stratégies de l'entreprise, la commission des finances a adopté des propositions pour réglementer ces opérations.
L'amendement proposé à ce sujet impose la transparence sur les emprunts d'actions au moins trois jours avant les assemblées générales, afin d'offrir aux actionnaires de long terme une visibilité légitime.
Par ailleurs, le contrôle de la supervision du secteur financier sera accru par la ratification de l'ordonnance du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance.
Chers collègues, ce projet de loi ambitieux et réaliste a pour vocation de restructurer la supervision du secteur financier en France. Notre but est de prévenir avant qu'il ne soit trop tard un nouveau drame de spéculation, entraîné, c'est selon, par la myopie financière de tous ou l'irresponsabilité avérée de certains acteurs financiers. Nous avons l'obligation de tirer tous les enseignements de la crise financière que nous avons traversée.
J'ose penser que les députés du parti socialiste s'honoreraient à voter pour ce texte si important pour la refonte de la supervision financière. J'appelle chacun à au sens de la responsabilité.
Madame la ministre, le groupe UMP votera évidemment en faveur de ce texte essentiel – bien au-delà des cénacles – pour la stabilité des patrimoines, des portefeuilles et des revenus, aussi faibles soient-ils, de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
On ne vote pas pour des strings ! Pour des maillots de bain, on veut bien mais pas pour des strings ! Or ce texte n'est qu'un string !
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de régulation bancaire et financière, je veux revenir sur la situation des collectivités locales ayant contracté, auprès d'établissements bancaires, des emprunts dont l'indexation est complexe et désormais risquée.
L'ampleur de ce véritable scandale est en effet bien plus grande que beaucoup ne semblaient le croire lorsque j'ai lancé les premiers signaux d'alerte, il y a un an et demi, suivant en cela le cabinet de Michel Klopfer, qui a été le premier à souligner les dangers de ces prêts.
La seule banque Dexia a vendu à près de 4 000 collectivités locales des emprunts de ce type, les exposant à un possible relèvement massif de leurs charges d'intérêts, incompatible avec leur obligation légale de présenter un budget équilibré. Sont touchés des départements, des villes, des hôpitaux, des services départementaux d'incendie et de secours qui se sont parfois vus proposer ces seuls produits.
La Cour des comptes a fortement insisté sur les risques encourus par les collectivités locales en matière d'emprunt dans ses rapports annuels de 2009 et 2010. Ces risques sont essentiellement constitués par les emprunts dits structurés, drogues douces vite devenues pour ceux qui y sont confrontés des produits toxiques.
Les magistrats ont ainsi vivement critiqué les caractéristiques de ces emprunts, en soulignant le rôle majeur des banques dans leur diffusion au niveau local. Ils indiquaient ainsi que « leur apparition et leur développement avaient été facilités par le manque de transparence (...) et les pratiques commerciales de certaines banques. » En clair, et c'est pour cela que je parle de drogues douces, des banquiers sont venus voir des élus pour leur vendre des produits à des taux défiant toute concurrence et le plus souvent ajustés au temps électoral.
Ces propositions étaient dangereuses pour la santé financière des collectivités car nul ne pouvait prévoir leur évolution puisqu'ils étaient soumis aux fluctuations des marchés financiers en temps réel. C'est d'ailleurs ce qui fonde, à mon avis, la responsabilité des banques dans ces ventes. Comment peuvent-elles pointer une prétendue incompétence des directeurs financiers des collectivités, alors que leurs propres spécialistes n'ont pas vu venir la crise des subprimes qu'ils ont eux-mêmes générée ?
Peut-être aurait-il fallu équiper les collectivités d'une connexion en temps réel à un serveur de salle des marchés comme Fininfo ou Reuters et engager quatre traders se relayant jour et nuit pour assurer le traitement des informations en provenance des quatre continents ?
La Cour insiste particulièrement sur le manque d'informations fournies par ces banques, auquel on pourrait ajouter le défaut de précision juridique et de vigilance de l'État en matière de contrôle. Elle indique ainsi que « les emprunts structurés sont potentiellement risqués, même si le risque qu'ils induisent n'est pas de même importance d'un produit à l'autre. Ils sont également opaques et d'un intérêt financier discutable », notamment les produits de pente ou les produits à barrière désactivante ou de change.
Enfin, la Cour souligne que « l'opacité de ces produits est accentuée par la complexité des concepts qui les sous-tendent et des clauses contractuelles qui en sont la traduction. Complexité et opacité ne sont pas de nature à éclairer les prises de décision. »
En d'autres termes, la réglementation entrée en vigueur avec la circulaire du 15 septembre 1992 de la direction générale de la comptabilité publique et de la direction générale des collectivités locales, aurait dû évoluer pour prendre en compte l'introduction par les établissements bancaires d'emprunts structurés auprès des collectivités.
Les gouvernements successifs, ainsi que la DGCL, avaient pourtant été alertés sur la dangerosité de ces prêts, notamment par le consultant Michel Klopfer dès 2006. Ces produits n'étaient en effet pas nécessaires, les produits de base associés à quelques dérivés étant largement suffisants. Ils souffraient d'un évident manque de clarté, source de marges importantes pour les banques, et relevaient d'un total irréalisme : au moment même de leur vente, les marchés ne permettaient déjà plus la concrétisation de taux d'intérêt affichés à 1,5 %.
Pire, et c'est là que la DGCL, à mon avis, a failli à son devoir d'alerte : ces produits mettaient en cause la sincérité des budgets des collectivités, la dépense réelle n'étant pas connue.
La charte Gissler des bonnes pratiques bancaires est insuffisante, tout comme le nouveau projet de circulaire.
Certains représentants des collectivités territoriales et des banques ont signé, le 7 décembre 2009, une charte de bonne conduite qui vise à encadrer les caractéristiques des prêts consentis aux collectivités. Celle-ci prévoit que les banques renoncent à proposer aux collectivités territoriales des emprunts dont le taux d'intérêt évolue en fonction d'indices à risque élevé, ce qui est une belle reconnaissance des erreurs du passé.
Là encore, dans son rapport annuel de 2010, la Cour des comptes juge que « ce document ne peut toutefois répondre à l'ensemble des interrogations soulevées par le recours, assez largement répandu dans le secteur local et parmi les établissements publics de santé notamment, à des emprunts dits structurés. »
Les établissements de crédit pourront continuer à proposer de tels contrats, en y incluant notamment des formules d'indexation avec effet de levier.
L'Association des départements de France et l'Association des régions de France, jugeant les mesures proposées lacunaires et surtout non coercitives, n'ont pas signé cette charte. Alors qu'une charte contraignante aurait pu faire évoluer les pratiques bancaires et peut-être aussi proposer des mesures pour le passé, il semble que la méthodologie utilisée n'ait pas permis une réelle remise en cause de leur fonctionnement.
Il en est de même pour ce qui concerne les recommandations remises, le 25 mai dernier, à Dexia crédit local par notre collègue Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. Cela étant, elles ont au moins le mérite d'être très éloignées des pratiques auxquelles s'adonnait cette banque il y a encore peu de temps.
Quant au projet de circulaire que j'ai reçu ce matin à quelques heures de ce débat, il arrive bien tard. La première partie, qui traite du partage d'informations entre les collectivités et les banques, n'est pas contraignante, ce que je regrette. J'ai bien noté, dans la deuxième partie, qu'un certain nombre de produits financiers étaient désormais « déconseillés » ; mais le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales primant, ces produits ne sont toujours pas interdits, alors qu'ils devraient l'être. J'ai en revanche relevé que la troisième partie de ce projet, qui porte sur l'action des services de l'État, constituait un bel aveu des errements, pour ne pas dire des erreurs, du passé.
Dans ce contexte, la mission d'Éric Gissler n'atteindra vraisemblablement pas ses objectifs, même si j'avais accueilli avec beaucoup d'intérêt la nomination de cet inspecteur général des finances, à la fin du mois de novembre 2009, comme médiateur entre les collectivités et les banques. Lorsqu'il est saisi par une collectivité ou une banque, le médiateur doit s'attacher à formuler un diagnostic sur la situation et à évaluer les efforts nécessaires de part et d'autre, diagnostic sur la base duquel il recommande des solutions équilibrées. Je crains que les marges de manoeuvre de M. Gissler soient d'autant plus faibles que le périmètre de sa médiation est biaisé, puisqu'il ne concerne pas tous les produits à risques.
Je reviens quelques instants sur le cas du département de la Seine-Saint-Denis, qui illustre d'une manière presque caricaturale les risques liés aux emprunts toxiques.
L'encours de la Seine-Saint-Denis et sa qualification méritent d'être redéfinis. La dette du département est contractée auprès de dix financeurs différents, et comporte quarante-six lignes de prêt. Dexia crédit local représente la part la plus importante de l'encours – 48,04 % –, et ce sur un seul risque, fondé sur le différentiel entre dollar et yen – je vous laisse apprécier le caractère exotique de ce rapport –, ce qui est à mon sens une erreur majeure.
En outre, vingt et une opérations de couverture sont actuellement contractées. Ainsi, plus de 36 % de l'encours de la dette fait l'objet d'une couverture. La dette départementale est composée de prêts initiaux ou sous-jacents et de contrats d'opération de couverture, lesquels constituent des contrats juridiquement distincts.
En prenant en considération les contrats de swap dans l'encours, la dette est positionnée à 84 % sur des produits structurés. Elle se caractérise par une très grande diversité d'index, et le département a fait analyser, lorsque j'ai pris mes fonctions à la tête de l'assemblée départementale, les différents risques qui pèsent sur elle, aux plans financier et juridique.
Pour le cabinet d'avocats chargé de l'analyse juridique des risques, « les banques n'ont pas respecté les obligations de conseil et de mise en garde applicables aux opérations spéculatives que constituent les contrats de prêt assortis de ventes d'options et les contrats de swap analysés. Dans ce cadre, il pourrait être demandé en justice l'allocation de dommages-intérêts, voire la résiliation judiciaire des contrats concernés [...]. Les banques n'ont pas non plus respecté les obligations de conseil et de mise en garde qui leur incombaient. Et ce, d'autant plus que le département a été catégorisé, par la plupart des banques, comme étant un client non-professionnel ». Ce constat me semble sans appel.
Pourtant, les démarches de renégociation se heurtent aujourd'hui à l'intransigeance des banques. Par des courriers qui leur ont été adressés le 26 octobre 2009, les banques partenaires du département ont été fermement invitées à transmettre des propositions de correction des contrats présentant aujourd'hui les structures les plus critiquables. Chaque courrier précisait les contrats concernés ainsi que les principes impérieux à respecter dans le cadre de la négociation : réponse avant la fin du mois de novembre et révision sans pénalités pour la collectivité.
Tous les établissements ont répondu dans le délai imparti. Une première série de réunions a eu lieu avec eux et nous avons présenté les attentes du département ; toutefois, les propositions qui lui ont été transmises à ce jour par les différents établissements n'ont pu recevoir une réponse positive compte tenu de leurs caractéristiques : intégration de pénalités de sortie très onéreuses, propositions de taux fixes élevés – jusqu'à 15 ou 16 % – structures peu souples ou peu lisibles, propositions conduisant à un rallongement de la durée de l'encours actuel, ou encore coût de financement très supérieur aux conditions normales des marchés.
À ce stade, en règle générale, les coûts financiers proposés représentent de 25 à 30 % du montant du capital restant dû aux termes des contrats rediscutés. Alors que les flux nouveaux n'ont aucun lien avec les contrats structurés et les produits de couverture contenus dans l'encours départemental, ils supporteraient un taux de financement de 7 % sans corrélation avec les conditions actuelles des marchés financiers.
Madame la ministre, malgré l'urgence et l'importance de la situation, nombreuses sont les collectivités territoriales touchées par des emprunts toxiques qui ont le sentiment d'être livrées à elles-mêmes. L'instabilité des marchés est pourtant telle, depuis le début de la crise économique mondiale, que les évolutions à court, moyen et long terme sont illisibles pour les différentes collectivités. À titre d'exemple, un contrat de prêt souscrit par le département de la Seine-Saint-Denis, qui arrivera à échéance le 3 janvier 2011, verrait son taux d'intérêt associé passer de 1,47 % à 14,42 % si le fixing avait lieu aujourd'hui, compte tenu de son indexation sur la parité entre l'euro et le franc suisse, parité au sujet de laquelle les prévisions pour les mois à venir n'inclinent guère à l'optimisme.
Mes chers collègues, face à l'absence d'efforts réels de la part des différents établissements bancaires, que la puissance publique a pourtant en partie sauvés de la déroute il y a quelques mois, j'ai décidé de soumettre à votre approbation plusieurs amendements au texte que nous examinons.
Très bien ! Il faut les voter tout de suite : il n'y a plus aucun collègue de l'UMP dans l'hémicycle !
Ces amendements visent à la fois à dresser un état des lieux complet de la situation des collectivités locales touchées par les emprunts toxiques, à prévoir des conditions de sortie de ces prêts, à interdire strictement la vente aux collectivités de contrats de couverture, de snowballs ou encore de produits exposant à des risques sur le capital.
Enfin, et j'en remercie notre rapporteur Jérôme Chartier, je présenterai avec lui un amendement visant à aider la décision publique en matière de souscription de prêt.
La charte entre les collectivités et les banques, de même que le projet de circulaire, sont insuffisants car non coercitifs : il faut absolument aller plus loin dans la fixation de règles en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est dommage que Louis Giscard d'Estaing ne soit plus là : l'image qu'il a utilisée tout à l'heure, par laquelle nous pouvions imaginer Nicolas Sarkozy en croupier dans une salle de casino, était tout à fait pertinente !
En achevant de défendre la motion de renvoi en commission, j'observais que l'insuffisance de votre texte ne cachait pas le fait que des marges de manoeuvre existent pour mettre un terme à la domination des marchés et rétablir le primat du politique sur les diktats d'une économie spéculative devenue folle. Puisque je ne dispose de guère plus de temps pour détailler ces mesures, je me contenterai de vous présenter celles que vous auriez dû prendre dès l'an dernier.
Madame la ministre, je ne puis m'empêcher de vous demander ce que vous attendez pour interdire les produits financiers dérivés, de type CDS – credit default swap – et les ventes à découvert sur le marché obligataire. Dès septembre 2008, le Président de la République avait vu l'une des sources du problème, sans s'y attaquer, bien entendu. À Toulon, il avait déclaré qu'« il faudra bien aussi se poser des questions qui fâchent comme celle […] des conditions dans lesquelles s'effectuent les ventes à découvert qui permettent de spéculer en vendant des titres que l'on ne possède pas ou celle de la cotation en continu qui permet d'acheter et de vendre à tout moment des actifs et dont on sait le rôle qu'elle joue dans les emballements du marché et les bulles spéculatives ».
Tout cela était fort intéressant mais, en réalité, la question ne fâche pas tant que cela, puisque, pour Sa Majesté, les intentions en sont restées là : rien n'a été réglé, ni en 2008, ni en 2009, ni en 2010.
Qu'attendez-vous, madame la ministre, pour rendre la taxe Tobin effective ? Comme vous le savez, mes chers collègues, si l'on veut mettre un frein aux mouvements spéculatifs, il faut absolument créer un taux de taxation dissuasif sur les transactions financières.
Qu'attendez-vous, madame Lagarde, pour définir les critères d'une progression normale du crédit, en fonction du potentiel de croissance d'une économie ? Comme vous le savez, ce sont en partie les politiques excessives du crédit, d'un mauvais crédit de surcroît, qui nourrissent les bulles spéculatives et provoquent, de plus en plus souvent, des crises systémiques. Quand donc accepterez-vous la nécessaire mise en place d'un contrôle public de la dynamique de distribution des crédits par les banques ?
Enfin, qu'attendez-vous, madame la ministre, pour imposer la transparence aux acteurs de la finance mondiale ? Je vous rappelle, mes chers collègues, que la banque Lehman Brothers, prise dans son ensemble, comptait rien moins que 2 985 entités juridiques différentes. Il faut imposer aux banques de clarifier, dans un document d'ensemble, leur structure capitalistique, afin de permettre un dénouement aisé de toutes les transactions. Si l'on connaissait avec précision l'organisation d'une banque, cela permettrait en effet aux autorités publiques de repérer rapidement quelle partie est essentielle au bon fonctionnement de l'économie, et quelle autre peut être mise en faillite aux frais des actionnaires.
Pourquoi ne le faites-vous pas, madame la ministre ? Tout simplement parce que vous avez choisi les mêmes options idéologiques que les banquiers, à savoir l'aversion profonde contre tout ce qui s'apparente à un impôt, quelle que soit par ailleurs son utilité sociale et économique. Quel est en effet l'intérêt de ces montages financiers complexes, sinon de faire apparaître les profits dans les filiales les moins taxées et, ainsi, d'éviter les impôts ?
Puisque l'on parle d'impôts et de taxes, madame Lagarde, qu'attendez-vous pour agir enfin avec efficacité contre les paradis fiscaux, pour rétablir la progressivité de l'impôt sur le revenu et sur les entreprises, et pour vous attaquer au dumping fiscal et salarial dans l'Union européenne ? Je sais que je touche là à un nerf sensible, au « nerf des batailles », comme disait Rabelais, c'est-à-dire à l'argent. La fiscalité, ou plutôt l'absence de fiscalité, est bien au coeur de votre idéologie économique. La fiscalité et la dette, voilà les deux maîtres-mots de votre dogme et les deux faces de la même médaille.
La dette, parlons-en. Vous avez continué de la creuser en prenant prétexte de la crise financière. J'entends d'ici vos lamentations malhonnêtes, du type : la dette est abyssale, il faut arrêter de vivre au-dessus de nos moyens, ou, comme le répète M. Woerth, nous sommes en train d'hypothéquer l'avenir de nos enfants. J'entends tout cela, mes chers collègues, et il ne s'agit pas pour nous de nier la gravité de la situation dans laquelle vous avez plongé les finances de notre pays. Ce que nous contestons, ce sont les raisons qui ont provoqué cette situation et, surtout, les pseudo-remèdes que vous cherchez à nous imposer pour en sortir.
Les députés du groupe GDR, eux aussi, savent lire ; ils peuvent comprendre qu'un déficit public de plus de 150 milliards d'euros et une dette publique qui atteint près de 80 % de la richesse produite posent problème. Nous aussi, nous savons que cela est extrêmement grave pour l'avenir du pays et des jeunes générations ; mais nous savons également que cette dette a été savamment creusée par votre gouvernement afin de présenter vos plans d'austérité comme des mesures incontournables.
Oui, nous vous accusons d'avoir consciemment et consciencieusement asséché les finances publiques de notre pays au profit des riches, par exemple avec le bouclier fiscal, afin de rendre ces mêmes riches toujours plus riches : si la santé coûte trop cher, c'est qu'il faut démanteler les soins publics – comme vous êtes en train de le faire à l'hôpital Trousseau – pour permettre aux intérêts privés de s'emparer d'un marché extrêmement juteux ; si les retraites coûtent trop cher, c'est parce que les assurances privées n'y gagnent rien, ou si peu.
L'origine de la dette, mes chers collègues, n'est pas de nature arithmétique, mais de nature politique : elle est le résultat d'un assèchement systématique des finances publiques, conduit par le biais d'allégements fiscaux et sociaux incessants, de baisses de taux d'imposition sur les bénéfices des grands groupes et des grandes fortunes : 112 milliards d'euros. Cet assèchement est le résultat implacable de la multiplication des niches fiscales et de la généralisation du dumping fiscal et salarial au sein du marché commun.
Ce n'est pas la première fois que je vous dis cela, mes chers collègues, mais, comme vous le savez, la pédagogie est l'art de la répétition. Or je ne suis pas sûr d'être au bout de mes peines avec vous, madame Lagarde, car vous faites de la résistance, c'est le moins qu'on puisse dire. (Sourires.)
Selon la Cour des comptes, la baisse des recettes fiscales nettes a représenté 50,9 milliards d'euros en 2009, soit une diminution sans précédent. À périmètre courant, les recettes fiscales nettes ont été d'un montant équivalent à celui de 1979. L'État dispose d'autant – ou plutôt d'aussi peu – de moyens qu'il y a trente ans, alors que le produit intérieur brut a augmenté dans le même temps de 70 %.
Une autre politique est possible. Une autre politique est nécessaire. La Cour des comptes livre quelques pistes pour envisager une autre politique de retour à l'équilibre budgétaire. Le déficit de l'État s'élève cette année à quelque 150 milliards d'euros. Au lieu de faire du déficit un prétexte pour s'en prendre aux services publics et à la sécurité sociale, l'on n'insiste jamais assez sur les coûts de la politique gouvernementale.
Ainsi, les niches fiscales représentent chaque année la bagatelle de 74,8 milliards d'euros. La fraude fiscale prive l'État d'au moins 25 milliards. On a beaucoup parlé du Liechtenstein, de la liste de clients des banques suisses ; on sait moins ce qui arrive aux contrevenants, dont on n'entend plus du tout parler.
Parmi ces mesures, la suppression de la taxe professionnelle coûtera, semble-t-il, au moins 11 milliards d'euros chaque année. Le taux préférentiel de TVA dans la restauration représente un manque à gagner de 2,4 milliards. Chaque année, le bouclier fiscal offre aux plus riches un cadeau de plus de 500 millions d'euros et le grand emprunt s'élève à 35 milliards d'euros. Pour la seule année 2009, le Gouvernement aura donc procédé à des cadeaux fiscaux – sans la moindre preuve d'un effet positif sur l'économie, comme le soulignait Philippe Séguin – d'une valeur d'environ 150 milliards d'euros, soit cinq fois le trou de la sécurité sociale ou l'équivalent du déficit du budget de l'État.
Toute cette politique est faite pour servir les intérêts du capital, au détriment des revenus du travail. D'après la Commission européenne, la part des salaires, au sein de l'Union, a chuté de 8,6 % ces vingt dernières années. En France, ce taux monte jusqu'à 9,3 % du PIB. Concrètement, cela veut dire que 120 à 170 milliards d'euros passent chaque année des poches des salariés dans les coffres-forts des banques, des grands groupes, des actionnaires.
Une autre politique fiscale est possible ; une autre répartition des richesses est nécessaire. Quant à la régulation des marchés financiers, il en va de l'avenir de la démocratie. Nous ne laisserons pas les banques imposer leurs lois à la nation et à ses représentants élus. Mes chers collègues, n'oublions pas que l'argent des banques n'est pas l'argent des banquiers.
Vous aurez compris, mes chers collègues, madame la ministre, que les députés du groupe GDR s'opposeront à un projet de régulation bancaire qui n'a de régulateur que le nom : nous ne le cautionnerons pas. Je fais appel au sens de la responsabilité des uns et des autres pour suivre avec attention le débat qui va suivre et examiner avec sérieux les amendements du groupe auquel j'appartiens. Beaucoup d'entre eux seront en effet très consensuels.
Je termine en relevant les propos de notre excellent collègue Louis Giscard d'Estaing, qui faisait tout à l'heure référence aux travaux sur la crise qu'a réalisés un groupe de vingt-quatre députés et sénateurs.
Dans sa grande bonté, Sa Majesté a consenti à les inviter au palais de l'Élysée, mais sans doute le Président de la République ne croit-il plus à l'utilité de ces rencontres, auxquelles il a mis un terme. J'ai d'ailleurs toujours regretté que vous n'y participiez pas, madame la ministre, car vous auriez pu éclairer les débats de votre expérience, qui est quand même plus large que celle du Président de la République. (Sourires.)
De quoi avons-nous parlé ?
Il a été question de doter la France de sa propre liste de territoires non coopératifs, d'imposer la publication, en annexe du rapport annuel des sociétés cotées, de l'ensemble des activités qu'elles mènent dans des paradis fiscaux et territoires non coopératifs, de restreindre l'accès au marché financier des filiales de sociétés mères établies dans des territoires non coopératifs et qui ne respectent pas des normes prudentielles et comptables minimales, de prévoir la publication d'informations relatives aux avoirs détenus, aux revenus localisés, aux filiales établies et aux activités conduites dans les paradis fiscaux.
Nous avions même proposé que les navires battant pavillon de complaisance enregistrés dans des territoires non coopératifs soient interdits de relâche dans les ports de l'Union européenne.
Aucune de nos propositions n'a été retenue. Elles étaient pourtant modérées. Ceux de nos collègues qui participaient aux travaux de ce groupe se souviennent qu'il avait fallu réfréner les ardeurs de nos collègues sénateurs M. Marini et M. Arthuis, qui, épouvantés par les dégâts de la crise, voulaient tout réglementer partout : le marxiste que je suis sait bien qu'on ne peut pas revenir à l'économie administrée, qui a fait suffisamment de ravages et qui n'était qu'une caricature de la pensée du fondateur. (Sourires.)
Monsieur le président, en vertu de l'article 58, alinéa 1, je veux souligner que, pendant plus d'une dizaine de minutes, cette discussion générale, qui, comme l'ont souligné plusieurs orateurs, concerne un phénomène capital, s'est déroulée sans qu'aucun député de la majorité ne soit présent dans l'hémicycle, en l'absence même du rapporteur, dont j'ai pourtant salué, tout à l'heure, la qualité du travail en commission.
Cette situation paraît surréaliste, dans la mesure où nous traitons d'un dossier très important. Je salue l'arrivée de notre collègue Marie-Anne Montchamp…
…mais je trouve néanmoins curieux qu'un débat d'une telle importance se déroule en l'absence de tous les députés de la majorité.
Vos observations ne m'avaient pas échappé, mon cher collègue : il se tient peut-être actuellement une réunion en un autre lieu.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Henri Emmanuelli.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne sais pas si une réunion se tient ailleurs, mais nous sommes, en tout cas, en train de mesurer l'efficacité de la réforme constitutionnelle, qui était censée redonner un rôle majeur au Parlement. Nous sommes vraiment dans la caricature et cela est très préoccupant. Pour ma part, je me demande vraiment si je suis très utile ici, si je ne suis pas un simple figurant, si je ne fais pas qu'un numéro de gesticulation.
Nous avons eu, tout à l'heure, une amorce de débat pour savoir où avait commencé la crise, qui étaient les coupables : les Américains ou les Européens ?
La semaine dernière – notre rapporteur, M. Jérôme Chartier, peut en témoigner – nous avons reçu le président de l'association française des banques et, depuis, je me demande très sérieusement s'il reste aux politiques une quelconque marge d'action sur le système financier. Écoutez bien, madame la ministre, monsieur le président de la commission, cela concerne des millions de Français. Ce monsieur nous a en effet expliqué que les conditions faites par les banques françaises à leurs clients étaient parmi les meilleures du monde. Nous avions pourtant sous les yeux un rapport de la Commission européenne montrant qu'elles étaient, en France, parmi les plus mauvaises ; nous ne sommes distancés que par les Espagnols et les Portugais ; partout ailleurs, la rémunération des services se caractérise par son ordre, sa clarté, et son coût est très inférieur.
Chaque Française, chaque Français a un compte bancaire. Quand on sert le « président du pouvoir d'achat », il me semble qu'on devrait se préoccuper de ce que paient les clients des banques au titre des services. Cela n'a pas l'air de vous brancher, madame la ministre, et ce n'est pourtant pas un petit sujet.
Alors que la discussion portait sur les diverses mesures prudentielles – Bâle II, Bâle III –, M. le président de l'association française des banques n'a cessé de nous mettre en garde, expliquant que cela allait se traduire par la nécessité de renforcer les fonds propres, qui coûtent très cher. Comme nous lui demandions combien cela coûtait exactement, il a répondu : de 9 à 13 %. Je n'ai pas été le seul à sursauter ; M. Arthuis lui-même, président de la commission des finances du Sénat, a été surpris. Nous avons demandé d'où sortait ce chiffre, au moment où la BCE fait du crédit à 1 % et dans un pays où les dépôts ne sont pas rémunérés. M. le président de l'association française des banques a répondu que c'étaient ce qu'exigeaient leurs actionnaires pour leur rémunération !
Madame la ministre, j'attire votre attention sur une réalité : le système bancaire qui est censé concourir au développement de l'économie prétend à 13 % de rémunération des fonds, dans une conjoncture où le taux de croissance est de 1 % ; il s'arroge de 9 à 13 % de rémunération dans une économie où le brave déposant du Livret A touche, royalement, 1,25 % !
Ce système bancaire et financier, qui est censé aider le développement économique, est devenu un système prédateur. Notre brillante direction générale du Trésor devrait sérieusement réfléchir à la question et nous exposer un jour sa version des faits. Sans doute ces deux chiffres sont-ils un peu abscons pour les non-initiés, mais ils nous permettent de mesurer ce qu'est devenue la puissance du système bancaire et de ses divers accompagnants.
Puis-je me permettre de vous faire une suggestion, madame la ministre ?
Dans la mesure où la France emprunte à 3,50 % – avec un spread de 3 et quelque, un peu supérieur à celui de l'Allemagne, qui commence à devenir consistant –, pourquoi ne pas emprunter à ce taux et prendre, dans les banques, du capital qui vous rapportera 13 % ? Vous auriez déjà là de belles recettes qui vous aideraient à tenir vos engagements auprès de Bruxelles.
Ce n'est qu'une petite suggestion, en passant, et je ne demanderai aucune commission si vous la mettez en oeuvre, contrairement à certains cabinets qui, pour le même résultat, vous coûteraient très cher.
Deuxième point, comment gère-t-on les affaires financières dans ce pays, madame la ministre ?
Les déclarations plus ou moins appropriées du ministre du budget ne sont pas sans répercussions sur le moral des marchés. Vos propres déclarations sont elles-mêmes assez heurtées, assez contradictoires. Je me rappelle vous avoir demandé en commission, aux alentours du 20 mai, ce que vous alliez faire, indépendamment de la loi de régulation, à la suite des déclarations et prises de position de l'Allemagne. Avec beaucoup d'aplomb, vous avez répondu – et vous l'avez répété dans divers médias – qu'il n'était pas question que nous suivions l'Allemagne, et vous avez déploré le manque de concertation dont, suggériez-vous à demi-mots, l'Allemagne s'était rendue coupable. Je ne vais pas reprendre cela à la tribune, car je m'exposerais alors à la critique que je vous dresse par ailleurs.
Je pense cependant que ces questions mériteraient un peu plus de retenue, un peu plus de réflexion et, surtout, davantage de cohérence. Cette remarque s'applique notamment aux déclarations faites ces quinze derniers jours à propos de l'euro.
Je sais quelles sont vos responsabilités de ministre des finances. Votre rôle est effectivement de rassurer en permanence. Toutefois, lorsque l'on ne peut pas tenir des propos positifs, on s'abstient. Il n'est pas bon de le faire puis d'être démenti le lendemain !
De même, ce qui s'est passé à propos de l'aide à la Grèce n'est pas une bonne chose, et cela continue. Où est la cohérence ?
Nous avons mis en place un système de financement mais tout le monde sait – si, à la place privilégiée qui est la nôtre, nous le savons, c'est que tout le monde le sait – que le système de garantie a été l'objet d'un monumental débat entre la France, qui souhaitait – c'est tout à son honneur – une garantie collective, et l'Allemagne, qui n'en voulait pas. Si nous sommes au courant, les spéculateurs le sont donc aussi. Dès lors, nous aurons beau aligner des centaines de milliards d'euros, potentiels ou fictifs, sur la place publique, cela ne changera rien, la défiance demeurera. Tout cela – je le dis comme je le pense – manque de sérieux, de retenue et de cohérence. Comme vous ne manquez jamais une occasion de nous donner des leçons de gestion financière, je me permets de vous le dire, d'autant que cela correspond à mon intime conviction : si nous continuons ainsi, les choses ne s'arrangeront pas.
Rappelons-nous également nos propositions d'amendements visant à taxer les banques, une taxation d'un montant de 2 milliards d'euros, puis une surtaxe sur les bénéfices. C'était, vous êtes-vous écriée, impensable, irresponsable. Sur ces entrefaites, Mme Merkel arrive, et les banques sont taxées à hauteur de milliards d'euros ! Cela montre qu'elle a moins d'états d'âme que vous.
Je lis par ailleurs que l'on va taxer les transactions financières. N'ayant pas très bien compris, je m'abstiendrai de m'exprimer sur le sujet, mais on parle de 6 milliards d'euros.
Pourquoi donc cette déférence, cette retenue face au système bancaire qui, pour sa part, n'en a aucune ?
La loi de régulation bancaire dont nous débattons a, pour ainsi dire, le même rôle que les parlementaires : c'est une loi d'habillage, pour ne pas dire une loi de renoncement. En effet, comme le faisait remarquer hier soir Charles-Amédée de Courson, qui sera très surpris d'apprendre que je le cite ce matin, aucune des innombrables tentatives de mise en cause de la responsabilité juridique des agences de notation n'a jamais abouti, et aucune n'aboutira.
Nous étions effectivement tous convenus, en commission, que la jurisprudence ferait la loi, car, une fois de plus, nous n'avons pas osé légiférer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, dans un célèbre ouvrage – pardonnez ce truisme – intitulé Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, Adam Smith estimait que « des actions guidées par notre seul intérêt peuvent contribuer à la richesse et au bien commun. »
Cependant, contrairement aux idées reçues, l'optimisme de cet illustre personnage n'excluait pas une certaine régulation. Adam Smith avait raison en cela, car le marché ressemble surtout non pas à la main mais à Guanyin, cette déesse bouddhiste aux mille bras, la compassion en moins – il faut bien le dire – et une logique de banc de poissons en plus, même si l'on peut parfois gagner beaucoup en nageant à contre-courant.
Mais non, monsieur Brard !
Surtout, Adam Smith raisonnait dans une économie reposant sur la production et les échanges de marchandises et de services, alors que la sphère financière domine aujourd'hui l'économie réelle, la fortune des uns faisant le chômage des autres. Nous sommes face à une dictature sans tête, capable de tenir tête aux États grâce à la mondialisation et à la fluidité des communications électroniques.
Or la sphère financière se prête tout particulièrement à de dangereux phénomènes spéculatifs avec des prises de risque excessives. Elle est capable de créer artificiellement de la richesse grâce à des mécanismes et des produits financiers complexes, dont certains avaient déjà conduit à la crise de 1929 aux États-Unis et dont d'autres ont récemment conduit la banque Lehman Brothers à sa perte. Ils sont directement à l'origine de la crise que nous traversons à la suite de l'effondrement d'un château de cartes de plusieurs milliers de milliards de dollars.
Parallèlement, les fonds de pension américains exigent souvent des entreprises des rendements irréalistes, et les détruisent au mépris des vraies logiques industrielles et de l'emploi. De ce point de vue, la fragilité et la sous-capitalisation chronique des entreprises françaises les rendent tout particulièrement vulnérables.
Cela dit, les États ont leur part de responsabilité. La réserve fédérale des États-Unis, en particulier, a favorisé le développement d'une bulle spéculative immobilière en maintenant des taux historiquement bas à partir de 2001. C'est elle qui est à l'origine de la plus grave crise financière depuis celle de 1929.
Il est donc temps d'en revenir à un principe de base : l'économie est faite pour l'homme, et non l'homme pour l'économie.
C'est pourquoi j'estime que les États du G20 doivent s'accorder sur les moyens à mettre en oeuvre pour mieux réguler les marchés, et je souhaite que la France continue, madame la ministre, d'être en pointe sur cette question, comme elle l'était brillamment pendant qu'elle assumait la présidence de l'Union européenne. Une chose est claire : la finance est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux seuls banquiers. J'espère donc que les efforts de la France vont porter leurs fruits, en particulier pour mieux réguler les marchés de produits dérivés et pour renforcer le cadre prudentiel des banques. À cet égard, il me paraît important de freiner leur ardeur spéculative en responsabilisant leurs actionnaires, sans leur donner l'impression qu'ils pourront à nouveau s'adosser à un filet de sécurité étatique en vertu du principe « too big to fail ».
Je veux souligner la qualité de l'étude d'impact qui accompagne votre projet de loi, dont je partage pleinement les grands objectifs, en ce qui concerne tant les mesures de contrôle des agences de notation, dont nous avons récemment pu constater les effets pervers, et de renforcement des pouvoirs de l'AMF, que les mesures d'amélioration des dispositifs de financement de notre économie, pour les particuliers comme pour les entreprises.
Madame la ministre, vous le savez, nous avons besoin d'un système financier qui n'ait pas seulement pour but les profits immédiats, mais qui vise aussi et surtout le financement de l'économie réelle et la croissance à long terme. Il appartient au pouvoir politique, garant de l'intérêt général, d'y veiller. Nous connaissons tous ici la célèbre formule du général de Gaulle : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille. » Les temps ont changé, l'économie est mondialisée, et, aujourd'hui, c'est la politique du monde qui ne doit pas se faire dans les salles de marchés.
Le projet de loi que vous soumettez à notre examen, madame la ministre, va dans le bon sens. Je le voterai donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
C'est cela, qui est incompréhensible : après tout ce que vous venez de dire, vous allez voter le projet de loi !
Ce texte me fait penser, la beauté en moins, aux premières phrases du film tiré du livre Hiroshima mon amour de Marguerite Duras : « Rien, il ne s'est rien passé à Hiroshima. »
Tout se passe effectivement – Jérôme Cahuzac le faisait remarquer – comme si le fait que le monde d'hier revienne ne posait de problème à personne ni au Gouvernement ni dans les rangs d'une partie de la majorité. De fait, ce texte évite consciencieusement d'attaquer le moindre produit spéculatif. Comme vient de le souligner Henri Emmanuelli, on fait semblant de réguler, sans rien réguler. Ainsi ce sujet ne contient rien à propos des ventes à découvert ou des credit default swaps, rien qui empêcherait une agence de notation de dégrader, quelques minutes avant la clôture de la séance de bourse, la note d'un État. Il y a peu, vous déploriez pourtant, madame la ministre, que cela soit possible, et que cela ait déclenché une forte vague de spéculation dont nous ne sommes d'ailleurs toujours pas sortis.
Pourtant, que de déclarations !
Qui disait : « On a financé le spéculateur plutôt que l'entrepreneur. On a laissé sans aucun contrôle les agences de notation et les fonds spéculatifs. On a obligé les entreprises, les banques, les compagnies d'assurance à inscrire leurs actifs dans leurs comptes aux prix du marché qui montent et qui descendent au gré de la spéculation. On a soumis les banques à des règles comptables qui ne fournissent aucune garantie sur la bonne gestion des risques mais qui, en cas de crise, contribuent à aggraver la situation au lieu d'amortir le choc » ? Qui donc disait cela ? C'est le Président de la République, dans son fameux discours de Toulon, mais qui s'apprête à taxer les banques ? Barack Obama et Mme Merkel !
Qui disait : « On a caché les risques toujours plus grands qu'on était obligé de prendre pour obtenir des rendements de plus en plus exorbitants. On a mis en place des systèmes de rémunération qui poussaient les opérateurs à prendre de plus en plus de risques inconsidérés » ? Qui donc disait cela ? Le même, dans le même discours de Toulon…
…mais qui taxe les traders et autres phénomènes du même genre ? Gordon Brown, pas nous !
Qui disait : « La crise actuelle doit nous inciter à refonder le capitalisme sur une éthique de l'effort et du travail, à retrouver un équilibre entre la liberté et la règle, entre la responsabilité collective et la responsabilité individuelle. Il faut un nouvel équilibre entre l'État et le marché, alors que partout dans le monde les pouvoirs publics sont obligés d'intervenir pour sauver le système bancaire de l'effondrement. » ? Qui donc disait cela ?
Toujours le même, Nicolas Sarkozy, à Toulon, mais qui a décidé d'interdire les ventes à découvert ? Mme Merkel, en Allemagne !
Quand elle a décidé de le faire, vous avez rappelé, madame Lagarde, non seulement en commission mais aussi – c'est plus imprudent – sur RTL, que nous avions nous-mêmes interdit les ventes à découvert de valeurs financières mais en ajoutant : « Là où la France ne suit pas l'Allemagne, c'est que sur les dettes souveraines, nous ne l'avons pas fait, et nous ne le ferons pas. »
Vous avez donc effectivement décidé d'interdire une forme de spéculation sur les banques, mais vous vous refusez d'interdire la spéculation sur les dettes des États. Vous vous interdisez d'interdire des produits visant à spéculer sur le malheur des peuples.
Il ne s'agit pas de rappeler que le Président de la République dit beaucoup de choses mais ne fait pas grand-chose – pour leur malheur, les Français y sont habitués ! Il s'agit de montrer que l'interdiction d'une telle spéculation est possible. Si elle n'est pas interdite, c'est que vous ne le voulez pas. Il faudra donc, madame Lagarde, que vous expliquiez pourquoi vous vous refusez à intervenir sur les produits spéculatifs quand d'autres le font.
Hier, le Président de la République et Mme Merkel ont d'ailleurs cosigné une lettre adressée au président de la Commission européenne, par laquelle ils pressent cette dernière d'intervenir en des termes d'ailleurs très précis : « Le retour d'une forte volatilité des marchés rend légitime de s'interroger spécifiquement sur certaines techniques financières et l'utilisation de certains produits dérivés comme, par exemple, les ventes à découvert et les credit default swaps. » Ils ajoutent : « Nous estimons qu'il existe un besoin urgent que la Commission puisse accélérer ses travaux s'agissant de l'encadrement renforcé du marché des CDS souverains et des ventes a découvert ». Eh bien, l'Allemagne l'a fait, et la France peut le faire.
Je félicite d'ailleurs la commission des finances qui, à l'initiative de son président, a adopté hier un amendement visant à interdire les ventes à découvert sur les dettes souveraines.
La commission n'a pas adopté cet amendement ; elle a émis un avis favorable !
Je suis impatiente de savoir, madame la ministre, si vous allez enfin répondre au peuple et à ses représentants et interdire les ventes à découvert sur les dettes souveraines. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite du projet de loi de régulation bancaire et financière.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma