Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons connu ces trois dernières années la crise financière la plus grave que l'humanité ait subie depuis au moins 1929. En quelques jours tout s'est arrêté : nous n'avions plus accès aux crédits, les banques ne se faisaient plus confiance entre elles pour prêter, et nous n'avions donc plus les moyens de financer notre économie.
Cette crise, dont nous subissons encore les conséquences, est due en grande partie aux lacunes de la supervision financière et aux angles morts qui ont permis à plusieurs agents financiers de prendre des risques clairement inconsidérés, devenus, comme l'a très bien expliqué Mme Lagarde, de nature systémique. Finalement, ces agents ont amené au bord de l'explosion le système financier tout entier. Nous savons aujourd'hui à quelles catastrophes cela nous a menés. Quand bien même le système financier français a relativement mieux résisté, il n'est évidemment pas à l'abri des fragilités constatées dans d'autres pays, du fait notamment des activités transnationales des grands groupes.
Ne pas remédier aux failles qui menacent de faire basculer à nouveau l'économie mondiale dans la récession relèverait de la même irresponsabilité. Grâce à la concertation des États, notamment dans le cadre du G20, nous sommes parvenus à fixer les bases d'un renouveau du système financier international. Toute l'énergie et la volonté politique mobilisées à travers le monde ont pour objectif de créer des règles de négociation et de fonctionnement des marchés plus saines.
Il faut aujourd'hui poursuivre ces efforts dans notre pays pour ne pas risquer de compromettre tout le travail que nous avons accompli aux côtés de nos partenaires. La reprise sera fragile, on le sait, tant que l'économie mondiale restera à la merci de l'éclatement de nouvelles bulles spéculatives. Les risques sont en effet multiples, notamment avec les suites de la crise des subprimes, dont notre collègue Louis Giscard d'Estaing a très justement rappelé que nous n'avons pas encore perçu toutes les conséquences. En effet, même si les fondations du nouveau système financier ont été définies, nous ne devons évidemment pas ignorer les fissures qui menacent de transformer en ruines cet édifice ; nous ne devons pas passer à côté des angles morts de la supervision du secteur financier, nous ne devons pas ignorer les conséquences de la myopie financière des acteurs.
Le projet de loi de régulation bancaire et financière que nous examinons aujourd'hui a cherché à identifier les vraies lacunes de la supervision financière en France et à y apporter une réponse pour ne pas revivre un même désastre financier. Il a deux ambitions.
Il prévoit tout d'abord de traduire dans la réglementation française les premiers résultats des travaux du G20 et des institutions communautaires, notamment par l'élargissement du champ de la supervision financière et celle des groupes transnationaux. L'Autorité des marchés financiers se verra ainsi confier de nouvelles attributions et des pouvoirs supplémentaires en matière de contrôle et de sanction des acteurs et des marchés financiers. C'est le coeur de ce projet de loi.
Ce texte est aussi conçu pour être un outil indispensable pour améliorer le dispositif français de prévention et de gestion de crise, qui a tant fait défaut en 2007, lors de l'éclatement de la bulle des subprimes.
Notre commission des finances, à travers son excellent rapporteur, a réalisé un travail de coproduction exemplaire. Cependant, je vais d'abord passer en revue les dispositions prévues par le projet de loi initial.
Ce texte propose la création d'un conseil de régulation financière et du risque systémique, dont le rôle sera de conseiller le ministre chargé de l'économie. Il sera composé de représentants de la Banque de France et des autorités du secteur financier. Sa mission sera d'organiser la coopération entre autorités financières françaises en vue de l'élaboration des normes internationales et européennes. Son rôle de clarification et de renforcement des positions françaises sera essentiel dans un contexte de réaménagement de la supervision des activités financières à l'échelle mondiale.
Le texte prévoit aussi de doter l'Autorité des marchés financiers du pouvoir de restreindre les conditions de négociation de certains instruments financiers. Ainsi, l'AMF doit être désignée comme l'autorité responsable en France du contrôle des agences de notation, décidée par le Parlement européen et le conseil sur les agences de notation de crédit. Les pouvoirs d'enquête et de sanction de l'AMF seront renforcés et ses compétences techniques élargies.
Enfin, il est essentiel de renforcer le contrôle des grands groupes bancaires européens pour des raisons évidentes de clarté et de transparence des opérations financières aux yeux de l'État. Cela sera mis en oeuvre notamment par l'échange d'informations entre les autorités financières européennes.
Afin de soutenir la reprise de l'activité économique dans notre pays, le Gouvernement a souhaité que plusieurs dispositions soient adoptées.
La modernisation du régime des offres publiques d'achat est nécessaire pour accroître la protection des actionnaires. L'ensemble du dispositif légal proposé vise à améliorer la transparence des offres publiques d'achat pour ne pas pénaliser les actionnaires individuels et minoritaires, ce qui, à l'heure actuelle, fait défaut à notre système financier.
Le Gouvernement a estimé qu'il était important d'introduire des procédures d'offres publiques et de retrait obligatoire sur le marché Alternext, afin d'améliorer l'accès des PME aux marchés.
Nous ne devons pas sous-estimer l'importance des petites entreprises dans la reprise de l'activité. Leur offrir de meilleures conditions d'accès aux marchés est une étape majeure dans le processus de redynamisation de notre économie. Elles pourront de cette manière trouver plus facilement des sources de financement et des investisseurs, c'est-à-dire les conditions sine qua non du développement économique, notamment microéconomique. Nous espérons ainsi favoriser la croissance de ces entreprises pour enclencher un cercle économique vertueux.
Parallèlement à ces mesures de soutien des entreprises, nous voulons agir en faveur des particuliers. Les ménages voient leurs dépenses incompressibles augmenter drastiquement et leur revenu disponible se réduire d'autant. Parmi ces dépenses, celles consacrées au logement prennent une importance croissante, presque étouffante. Beaucoup de foyers vont ainsi devoir refinancer leurs prêts immobiliers. Compte tenu du contexte économique et financier actuel, le Gouvernement a souhaité leur apporter une aide. L'aide au refinancement des prêts immobiliers s'est donc imposée à nous comme une mesure juste et efficace, à travers la création des obligations à l'habitat.
Enfin, pour permettre d'améliorer le pouvoir d'attraction et la compétitivité du secteur des transports, le Gouvernement sera habilité, pendant un délai de neuf mois, à réformer par ordonnance le régime des assurances transports.
Je tiens à souligner l'immense travail accompli par notre commission des finances et son rapporteur Jérôme Chartier. La commission a notamment cherché à élargir et à renforcer les pouvoirs de l'AMF dans le but d'améliorer le contrôle des acteurs financiers en France. Nous avons donc adopté des mesures visant à aller plus loin dans plusieurs domaines.
Tout d'abord, nous avons voulu mettre en place plus de transparence autour des opérations financières, pour prévenir des dégradations brutales et inattendues de la situation financière dans notre pays.
Un amendement prévoit d'accorder à l'AMF le pouvoir d'imposer cette transparence sur les ventes à découvert de tous les instruments financiers. Il vise à compléter la disposition figurant dans le projet de loi initial qui dote l'Autorité des marchés financiers de pouvoirs d'urgence lui permettant notamment d'interdire les ventes à découvert sur tous les instruments financiers.
Enfin, un autre amendement tend à étendre considérablement les pouvoirs dont dispose l'AMF pour sanctionner les abus sur les marchés de produits dérivés, notamment les CDS.
Concernant les agissements des fonds activistes qui peuvent emprunter temporairement des actions en amont des assemblées générales dans le but d'influencer les stratégies de l'entreprise, la commission des finances a adopté des propositions pour réglementer ces opérations.
L'amendement proposé à ce sujet impose la transparence sur les emprunts d'actions au moins trois jours avant les assemblées générales, afin d'offrir aux actionnaires de long terme une visibilité légitime.
Par ailleurs, le contrôle de la supervision du secteur financier sera accru par la ratification de l'ordonnance du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance.
Chers collègues, ce projet de loi ambitieux et réaliste a pour vocation de restructurer la supervision du secteur financier en France. Notre but est de prévenir avant qu'il ne soit trop tard un nouveau drame de spéculation, entraîné, c'est selon, par la myopie financière de tous ou l'irresponsabilité avérée de certains acteurs financiers. Nous avons l'obligation de tirer tous les enseignements de la crise financière que nous avons traversée.
J'ose penser que les députés du parti socialiste s'honoreraient à voter pour ce texte si important pour la refonte de la supervision financière. J'appelle chacun à au sens de la responsabilité.
Madame la ministre, le groupe UMP votera évidemment en faveur de ce texte essentiel – bien au-delà des cénacles – pour la stabilité des patrimoines, des portefeuilles et des revenus, aussi faibles soient-ils, de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)