Notre groupe votera évidemment cette motion de renvoi en commission brillamment défendue par Jean-Pierre Brard, avec son humour légendaire.
Il a souligné à juste titre que le texte ne comporte que sept articles qui concernent la régulation ; tout le reste, c'est de l'habillage pour en faire une loi présentable. On se demande en particulier ce que viennent faire les articles 19 et 20 qui créent de nouveaux instruments financiers alors qu'il est au contraire question de réguler.
Il a également souligné à juste titre les risques d'une économie-casino. Keynes le disait déjà après la crise de 1929 en montrant que, quand le casino l'emporte sur l'économie réelle, on peut se trouver dans des situations catastrophiques. C'est ce qui se passe aussi dans cette crise.
Je ne donnerai que deux chiffres pour illustrer mon propos : le taux de rendement du système bancaire sur fonds propres, dans les années cinquante à quatre-vingts, se situait autour de 6 %, exactement comme dans l'économie réelle ; et alors que ce taux n'a pas changé dans le secteur non bancaire, il est monté, dans le secteur bancaire, dans les années qui ont précédé la crise, à 20 %. C'est une situation absurde, un prélèvement sur l'économie réelle.
Il faut absolument remettre en place une vraie régulation du secteur financier pour que celui-ci fasse son travail, à savoir contribuer au financement de l'économie, et non prélever une rente sur le reste de l'économie. C'est tout l'enjeu de la régulation. Or ce projet de loi ne constitue qu'un tout petit bout de la régulation à faire ; il y manque beaucoup de choses : une régulation des bonus, une vraie régulation du système bancaire. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de nos amendements.
M. Giscard d'Estaing a souligné l'avancée des États-Unis en matière de régulation, mais la comparaison entre l'Europe et les États-Unis me fait craindre une réplique de ce qui s'est passé dans les années trente. À l'époque, un pays avait en effet changé les règles de la régulation : les États-Unis sous l'autorité du Président Roosevelt. Les règles que ce dernier avait instituées – séparation entre banques d'affaires et banques d'investissement, New Deal – se sont généralisées partout dans le monde après la Seconde guerre mondiale, ce qui a conduit à une longue période de stabilité. Cependant, à la même époque, l'Europe s'enfonçait dans des politiques de déflation.
Il faut retenir les leçons de l'histoire. Nous avons absolument besoin d'une vraie régulation et d'une vraie réflexion sur la coordination des politiques économiques pour ne pas répliquer les erreurs du passé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)