La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, à la demande notamment du MEDEF, des simulations ont été rendues publiques hier par le Conseil d'orientation des retraites. Elles portent sur l'augmentation de la durée de cotisation et le report de l'âge de départ en retraite. Ont ainsi été testées des variantes avec un âge de départ en retraite à soixante-cinq ans, un droit à la retraite à taux plein à soixante-huit ans, voire soixante-dix ans, une durée de cotisation pouvant aller jusqu'à quarante-cinq ans.
Toutes ces hypothèses entraîneraient tout à la fois une explosion du nombre des chômeurs de plus de soixante ans – sachant que la majorité des entreprises refusent d'embaucher au-delà de cinquante ans – et une baisse du montant des pensions pour toutes celles et ceux qui ont des carrières incomplètes – en premier lieu les femmes.
Pour ce qui est de la démographie, le COR avait estimé en 2007 que le passage du taux de renouvellement des générations de 1,7 à 1,9 entraînerait une baisse des besoins de financement de 40 % à horizon 2050 ; mais cette fois-ci, il n'a malheureusement pas intégré ce paramètre alors même que le taux a encore progressé pour atteindre 2,1.
L'ensemble des confédérations syndicales demande de nouvelles recettes grâce à l'élargissement de l'assiette, la hausse des cotisations patronales et la fin des exonérations inutiles. Pourtant, le Gouvernement a répondu qu'il n'en était pas question.
De même, vous vous obstinez à refuser la suppression du bouclier fiscal que réclament tous les Français…
Or les simulations rendues publiques, y compris les plus sévères pour les salariés et retraités, laissent entrevoir un manque de financement si on s'en tient uniquement à des mesures d'allongement de la durée de cotisation et de report de l'âge de départ en retraite. Sans augmentation significative des recettes, ces hypothèses se traduiraient inéluctablement par une baisse des pensions – ce qui semble manifestement l'option retenue malgré toutes vos dénégations.
Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé un document d'orientation pour lundi. Comptez-vous y reprendre l'une des simulations, et laquelle ? Cette surenchère a-t-elle pour but de présenter comme raisonnable ce qui est inacceptable et injuste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
Madame la députée, vous évoquez le rapport qui a effectivement été remis hier par le Conseil d'orientation des retraites et l'on ne peut que se réjouir que vous y fassiez référence. J'avais trouvé en effet injustes les critiques dont le COR avait été l'objet voilà quelques semaines alors qu'il effectue un travail remarquable et en toute indépendance, que ses membres soient syndicalistes ou parlementaires, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition.
Le rapport rappelle que nous avons devant nous un immense défi démographique à relever. Je rappelle qu'en l'état actuel des choses une retraite sur dix n'est pas financée ; demain, si aucune réforme n'est engagée, ce sera le cas d'une sur six.
Il précise également très clairement que, dans un régime par répartition assis sur des bases démographiques, nous devrons envisager l'allongement de la vie active, ce qui est tout à fait normal, faute de quoi les déficits du moment ne pourraient que s'accroître.
Vous m'interrogez sur le volet recettes. Le Président de la République comme le Gouvernement ont indiqué très clairement qu'il n'y aurait pas de hausse des prélèvements obligatoires…
Cela reviendrait sinon à transférer sur les générations montantes, sur les jeunes d'aujourd'hui, la charge des retraites…
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Ce n'est pas vrai !
Cela signifierait aussi que nous ne prendrions pas nos responsabilités, ce que nous excluons.
En revanche, le Président de la République comme le Gouvernement ont indiqué très clairement que n'étaient pas exclues des mesures ponctuelles qui pourraient porter sur les revenus du capital ou sur les hauts revenus. En la matière, une concertation est en cours avec les organisations syndicales.
Enfin, lundi prochain, nous remettrons un document qui sera ouvert à la concertation. Les organisations syndicales feront part de leurs réactions. Je ne doute pas que les formations politiques, celles de gauche en particulier, et ce nouveau, nous feront part de propositions claires et novatrices. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, les critères du pacte de stabilité et de croissance, qui plafonnent le déficit et la dette publique des États européens respectivement à 3 % et 60 % de leur PIB, ont volé en éclats au plus fort de la crise économique et financière.
Ces critères, qu'on le veuille ou non, sont les gages d'une stabilité financière et économique des pays de la zone euro, la situation de la Grèce en est la meilleure illustration. Alors que la crise que traverse l'Eurogroupe révèle les carences du contrôle communautaire, ces critères de convergence doivent être réhabilités et renforcés sans délai.
De surcroît, les procédures de sanction financière pour déficits excessifs sont contraires à l'objectif même d'assainissement des comptes publics de l'ensemble de la zone euro. Elles n'ont d'ailleurs jamais été appliquées, la Commission se contentant, la plupart du temps, d'un simple rappel à l'ordre.
La chancelière Angela Merkel a d'ailleurs récemment suggéré que les sanctions encourues ne soient plus de nature économique mais bien politique, telles que, par exemple, une éventuelle suspension du droit de vote lors des réunions de l'Union européenne.
Pour le Nouveau Centre, il est devenu impératif de passer d'un contrôle répressif a posteriori à un contrôle dissuasif a priori. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est tout le sens de la proposition du commissaire européen Olli Rehn, visant à ce que les États soumettent leurs projets budgétaires à la Commission européenne avant de les présenter aux parlements nationaux.
C'est également l'objet de la proposition que nous portons depuis le début de la législature pour inscrire dans la Constitution une « règle d'or » interdisant le vote en déficit des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, sauf en période de récession ou en cas de circonstances exceptionnelles.
Madame la ministre, ma question est simple : le Gouvernement est-il favorable à la mise en place d'un tel dispositif, qui n'est autre que l'ébauche d'un véritable gouvernement économique européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, la crise économique que nous venons de traverser, les turbulences financières qui nous ont occupés au cours des derniers jours, ont démontré à l'évidence que le mode de fonctionnement de la zone euro, le pacte de stabilité et de croissance, ne permettaient pas d'anticiper et de corriger les déséquilibres majeurs ni un certain nombre de déficiences en matière de gestion des finances publiques.
Le Conseil européen a chargé son président, M. Van Rompuy, de présenter une série de mesures et de préconisations pour améliorer la situation. Je participerai à son groupe de travail et je pourrai, munie de vos recommandations, faire des propositions pour le compte de la France.
Par ailleurs, le commissaire Olli Rehn a en effet proposé ce matin, dans une communication, une série de modifications et d'améliorations en matière d'alerte et de sanction, qui concernent également le pacte de stabilité et de croissance. Une de ses propositions consiste à mieux croiser les procédures budgétaires nationales et le contrôle par le biais du programme de stabilité remis chaque année par chacun des États membres. Il recommande à cet effet que la Commission et les membres de l'Eurogroupe puissent examiner les projets de budgets nationaux avant leur vote par les parlements nationaux.
Je l'ai appelé tout à l'heure pour connaître exactement la nature de sa proposition. Dans son esprit, il s'agirait d'un avis ; il n'est naturellement pas question d'examiner toutes les grandes lignes du budget de chacun des États mais simplement de connaître les directions essentielles ainsi que les soldes.
En l'état, avec François Baroin, nous avons engagé ce débat avec votre commission des finances et nous avons considéré qu'il était utile de croiser les documents, notamment pour permettre au Parlement de suivre l'application par les États du pacte de stabilité. Nous poursuivrons ce débat avec vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, ma question concerne l'attentat de Karachi. L'État doit la vérité aux victimes. Pour accéder à la vérité, les victimes n'ont qu'une arme : leur conviction, leur détermination et leur courage.
Une mission d'information parlementaire a été constituée au sein de la commission de la défense de l'Assemblée nationale pour aider à l'émergence de la vérité. Afin de mener ses investigations, cette mission a demandé que lui soit communiqué un ensemble de documents, qui ne sont pas couverts par le secret de l'instruction puisque le juge ne les avait pas demandés, et qui étaient susceptibles, pour certains d'entre eux, d'être couverts par le secret de la défense nationale.
Au terme d'un long processus de réunions interministérielles, il semble que le Gouvernement ait décidé de ne transmettre à la représentation nationale aucun document déclassifié. Le Gouvernement est même allé au-delà en saisissant la commission consultative du secret de la défense nationale de la déclassification de la liste des documents que les parlementaires avaient demandés, sous prétexte de les transmettre au juge, alors même que ce dernier ne les avait pas réclamés. Le résultat est que ni le juge, ni les parlementaires ne détiennent ces documents. Il s'agit là d'une véritable entrave au travail parlementaire.
Je voudrais poser trois questions.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi n'avoir communiqué, durant les sept mois de travaux de la mission d'information parlementaire, que vingt pages de documents – que nous allons d'ailleurs publier pour témoigner de leur faible intérêt ?
Deuxièmement, si le contrat Agosta, comme certains le prétendent dans la majorité, a été conclu dans des conditions régulières, pourquoi ne pas lever le secret défense sur la totalité des documents qui s'y rapportent, au lieu de chercher à nous convaincre qu'il n'y a rien à voir parce que le Gouvernement en a unilatéralement décidé ainsi ?
Enfin, monsieur le Premier Ministre, êtes-vous d'accord pour réformer la Constitution afin de permettre aux commissions d'enquête parlementaires de travailler sur des informations judiciaires en cours, à l'instar de ce qu'avait proposé Édouard Balladur dans sa recommandation n°40 ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, je sais, comme vous, la douleur des familles de nos compatriotes qui sont morts dans l'attentat de Karachi. Nous leur devons la vérité et nous devons tout faire pour que les deux juges d'instruction saisis de ce dossier puissent disposer de l'ensemble des éléments utiles à leur travail.
La commission de la défense de l'Assemblée nationale a en effet créé une mission d'information. Notre devoir est de respecter les textes, et ceux-ci sont clairs : dans le respect de la séparation des pouvoirs…
…et du secret de l'instruction, et en vertu de l'article 145 du règlement de votre assemblée, il ne nous était pas possible de fournir des documents susceptibles d'intéresser l'instruction et l'information judiciaires en cours. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le député, je souhaite que les deux juges d'instruction, MM. Jannier et Trévidic, puissent accéder à toutes les informations. J'ai déclassifié tous les documents dont la commission consultative du secret de la défense nationale a souhaité la déclassification. J'ai même indiqué aux deux juges, par un courrier que leur ont adressé mes services le 7 avril dernier, que je détenais un certain nombre de documents complémentaires susceptibles d'intéresser l'information judiciaire en cours. Le juge m'a fait savoir le 6 mai qu'il souhaitait la déclassification de ces documents, lesquels viennent donc d'être transmis à la commission consultative, à l'avis de laquelle je me tiendrai.
Je souhaite, comme vous, que toute la vérité soit faite sur ce dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, ainsi que vient de le rappeler notre collègue Bernard Cazeneuve, la mission d'information sur l'attentat de Karachi, que j'ai eu l'honneur de présider, a rendu ce matin son rapport. Ce travail collectif représente un effort considérable à l'égard des familles et des victimes de cet attentat.
Naturellement, certains pourront objecter que ce rapport ne répond pas à certaines questions fondamentales posées depuis 2002 : qui a voulu cet attentat ? Quel en était le commanditaire ? Quels en étaient les exécutants ? Quel en était le mobile ? Nous devons assez humblement reconnaître que nous n'avons sans doute pas apporté les réponses, mais nous avons fait en toute conscience notre devoir de parlementaires pour essayer d'aller aussi loin que possible dans la recherche d'une amorce de la vérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Nous savons, madame la garde des sceaux, que l'enquête du côté pakistanais s'est révélée un véritable fiasco. Les personnes arrêtées parce que suspectées d'avoir participé à l'attentat ont même été, l'année dernière, acquittées. Nous nous trouvons donc face à un vide. Du côté français, l'enquête se poursuit et je ne me permettrai de ce fait aucun commentaire.
Reste que la nation a contracté à l'égard des victimes et de leurs familles une dette imprescriptible. Nous ne pouvons pas nous contenter du fiasco pakistanais pour toute réponse. D'autant plus que le silence qui entoure cette affaire permet à des spéculations parfois très audacieuses de se répandre.
Pouvez-vous, madame la garde des sceaux, nous faire le point sur l'enquête du côté français et, éventuellement, nous dire quelles dispositions vous entendez prendre pour que le Pakistan relance l'enquête de son côté ?
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur Fromion, ayant vécu aux côtés des familles et sur place le drame de Karachi, je tiens autant que vous à ce que toute la vérité soit faite. Il ne m'appartient pas de commenter les décisions de la justice pakistanaise ; mais, du côté français, vous pouvez être assuré que tout sera mis en oeuvre pour que toute la lumière soit faite sur ce drame. Vous l'avez dit : nous le devons aux familles, et nous le ferons.
L'enquête est aujourd'hui menée en toute indépendance par deux juges d'instruction nommés à cet effet. Ils ont reçu et continueront de recevoir toutes les aides qui leur seront nécessaires. S'ils ont besoin de poursuivre leur enquête au niveau international et même au Pakistan, ils nous auront à leurs côtés pour leur faciliter la tâche.
Il est vrai que de nombreuses pistes sont étudiées. Aucune hypothèse n'est écartée. Le ministre de la défense vous l'a dit : de nouveaux documents sont régulièrement mis à la disposition des juges. Tout récemment encore, le 10 mars dernier, mon collègue a déclassifié un document relatif à l'audit de sécurité réalisé à Karachi – d'ailleurs à ma demande – juste après l'attentat.
D'autres documents, relatifs notamment à la problématique globale des ventes de sous-marins, ont été demandés par le juge d'instruction. La procédure de déclassification est en cours.
Soyez assuré que nous voulons savoir ce qui s'est passé. Les familles le réclament, c'est légitime ; nous aussi, parce que c'est notre responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre de la défense, vous comprendrez bien que nous ne serons convaincus que lorsque les documents demandés auront été déclassifiés. Pour le reste, vous aurez beau dire et beau faire, nous ne serons pas convaincus. Vous le devez à onze morts. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, à onze victimes.
J'en viens à ma question. Hier, en réponse à M. Ayrault qui l'interrogeait sur son plan d'économies, que certains – M. Copé, M. Juppé et autres – qualifient de plan de rigueur,…
…M. le Premier ministre s'est livré à son exercice favori : caricaturer et stigmatiser l'opposition – cela semble être le seul domaine dans lequel le Président de la République ne lui a pas confisqué sa fonction.
Nous n'avons pas compris pourquoi venir en aide à 16 millions de foyers, comme le propose Mme Aubry, était ridicule, ni pourquoi dépenser la même somme pour aider beaucoup moins de restaurateurs était opportun…
Nous n'avons pas davantage compris pourquoi le dispositif TEPA – lequel inclut le bouclier fiscal – était intouchable, ni pourquoi priver les chômeurs de 500 euros était opportun !
Nous ne savons toujours pas ce que le Premier ministre et Mme la ministre de l'économie souhaitent faire des 75 milliards d'euros que représentent les niches fiscales, ni des 35 milliards d'euros d'exonérations de cotisations devenues une opportunité plutôt qu'une incitation.
Bref, le Premier ministre n'a répondu sur rien, parce qu'il a senti que le terrain était glissant.
Pour demander des efforts aux Françaises et aux Français, deux conditions seront nécessaires : ne pas compromettre la reprise et que l'effort soit justement réparti.
Le prix minimum, c'est la suppression du bouclier fiscal. Tant que vous ne l'aurez pas fait disparaître, ne comptez pas sur nous et ne nous donnez pas de leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous attendons vos explications. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le député Emmanuelli, il faut parfois se pincer quand on vous écoute (Protestations sur les bancs du groupe SRC.), vous qui avez été le secrétaire d'État de la rigueur en 1983 ! Du reste, tapez « rigueur » sur Google, et le moteur vous renvoie à la politique socialiste menée au début des années 80 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est bien parce que vous avez mené cette politique que le mot vous colle aujourd'hui aux doigts et que vous tenez à nous le renvoyer comme un boomerang !
Vous ne ferez croire à aucun Français que ralentir le taux de croissance des dépenses publiques de l'État, d'économiser 5 % sur les crédits d'intervention – qui n'est pas capable de faire 5 % d'économies dans son budget quand les temps exigent de se montrer solidaire ? –,…
…ajuster le taux de croissance des dépenses de l'État à l'égard des collectivités locales, sachant que nous nous somme sur le même bateau, ou nous aligner sur nos partenaires européens pour amortir la crise et ramener en 2013 notre déficit à son niveau d'avant la crise, ne procède pas tout simplement d'un devoir de responsabilité, d'exemplarité, d'une certaine idée de la place de la France dans la construction européenne – place essentielle, nous l'avons constaté la semaine dernière avec la gestion de la crise grecque.
Je comprends bien, monsieur Emmanuelli, que vous teniez à toute force à faire passer la patate chaude. Vous vouliez, en 1981, changer la vie ; quelques mois plus tard, vous avez changé d'avis… Nous, nous n'avons pas changé d'avis et nous poursuivons la politique de redressement des finances publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Le Royaume-Uni a un nouveau Premier ministre, David Cameron, et un nouveau gouvernement. Il est parfois de bon ton, dans notre pays, d'observer une certaine distance à l'égard des Britanniques, et plus encore lorsqu'ils sont conservateurs.
Nous sommes nombreux ici, en réalité, et je citerai en particulier ma collègue Nicole Ameline, à ne pas percevoir les choses de cette manière. Et heureusement, l'UMP a développé, ces dernières années, ses relations avec le parti conservateur.
Et avec le parti communiste chinois ! (Rires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Qui dit nouveau gouvernement dit nouvelles chances. On peut penser à des priorités de coopération : l'action de sortie de crise économique et les initiatives que nous pouvons prendre ensemble pour une meilleure régulation financière, le renforcement de la coopération dans le domaine de la défense, l'action conjointe pour l'environnement, en particulier pour faire avancer, je dirai même pour débloquer, la négociation climatique.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, ma question est simple, mais aussi, probablement, un peu nouvelle dans notre pays : dans ce contexte, que les Britanniques ont choisi, quelles initiatives comptez-vous prendre ? Quelles peuvent être les initiatives du Gouvernement français pour que ce choix des Britanniques soit aussi une chance pour notre pays, pour l'Europe et pour le monde ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, vous avez raison : la politique que nous menons en commun avec le Royaume-Uni est tout à fait importante et nous entendons, bien sûr, la poursuivre.
Le changement de gouvernement est intervenu hier, le nouveau ministre des affaires étrangères, M. William Hague, a été nommé ce matin. Nous nous sommes déjà entretenus. Vous m'indiquez un certain nombre de pistes. Je les reprends à mon compte.
Nos deux pays travaillent ensemble dans les enceintes internationales, notamment au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, lequel est en ce moment à la recherche d'une résolution, pour laquelle le Royaume-Uni et la France ont déposé un projet. En Afghanistan, nous travaillons en compagnie des Britanniques. Rappelons également que nos deux pays assurent à eux deux 60 % de l'effort de défense européen.
Vous avez aussi raison de citer le réchauffement climatique, ainsi que la régulation financière. Tout cela est devant nous, et nous entendons poursuivre notre coopération avec le nouveau gouvernement britannique. Je rencontrerai bientôt M. Hague, car c'est à la France – du moins m'a-t-il dit le souhaiter - que devrait être réservée sa première visite à l'étranger, et nous poursuivrons cette coopération, naturellement, sans aucun a priori. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.
Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Le 8 mai, nous avons commémoré le soixante-cinquième anniversaire de la victoire sur le nazisme et rendu hommage au sacrifice de nos anciens combattants, à qui nous n'avons pas toujours su reconnaître un vrai droit à réparation.
Tel est le cas, aujourd'hui encore, des anciens combattants d'Afrique du Nord, qui attendent notamment le règlement du contentieux de la campagne double.
Alors que le Parlement a reconnu la réalité de la guerre d'Algérie voici une dizaine d'années, par la loi du 18 octobre 1999, les gouvernements successifs n'en ont pas pour autant tiré toutes les conclusions en prenant les décisions qui s'imposaient. À ce jour, en effet, les anciens combattants d'Algérie, du Maroc et de Tunisie sont les seuls à ne pas bénéficier du droit à la campagne double.
Cette question est devenue un véritable serpent de mer et a fait l'objet de nombreuses interventions de parlementaires de toutes sensibilités, sous différents gouvernements.
Un rapport a été rendu en 2005, suivi d'un avis du Conseil d'État en 2006. Or, le 17 mars dernier, le Conseil d'État vient de rendre, à la suite d'un recours d'associations du monde combattant, un arrêt qui leur est favorable. En conséquence, il appartient au Gouvernement d'en tirer les conclusions.
Il ne serait que justice qu'enfin s'appliquent le droit à réparation et le principe d'égalité entre les générations du feu. Il n'y a plus de temps à perdre, monsieur le ministre ! Pourriez-vous nous préciser les intentions du Gouvernement ? Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
Monsieur le député, la loi du 18 octobre 1999 a substitué à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », l'expression « à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc », qualifiant ainsi de guerre le conflit algérien. Elle a, de ce fait, créé une situation juridique nouvelle. Il en découle, le Conseil d'État vient de le confirmer, que les personnes qui ont été exposées à des situations de combat au cours de la guerre d'Algérie sont susceptibles de bénéficier de la campagne double.
Avec François Baroin, nous nous sommes attachés à définir les circonstances de temps et de lieu permettant d'identifier les situations de combat qui pourraient ouvrir droit à un tel bénéfice. Un projet de décret relatif à l'attribution de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord, fonctionnaires et assimilés, sera signé et publié très rapidement. Il correspondra aux attentes du monde combattant, ainsi qu'aux engagements que nous avons pris, sur ces bancs, lors de la dernière discussion budgétaire.
Vous le voyez, monsieur le député, cette question ne sera plus un serpent de mer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Comme chaque année, j'ai participé aux cérémonies du 8 mai. En Allier, la ferveur était particulière puisque, le lendemain, nous étions au château des Morelles à Broût-Vernet où, durant les années noires de l'occupation, l'OSE a caché et protégé, parfois en vain, 340 enfants juifs contre une extermination programmée. Pourtant, dès le dimanche soir, j'entendais partout la phrase terrible du Président de la République à Colmar : « Vichy a trahi la France, Vichy l'a déshonorée ».
Monsieur le Premier ministre, Vichy, c'est une ville. Une ville qui n'a pas appelé le gouvernement de la collaboration à s'installer dans ses murs, mais qui a subi ce transfert, qui en a souffert et qui en souffre encore. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) En utilisant ainsi le nom de sa ville, on stigmatise une population qui, pas plus hier qu'aujourd'hui, n'a trahi la France ni ne l'a déshonorée, et on s'empêche ainsi de dire ce que fut le régime de l'État français : une dictature raciste.
À force de conviction, Vichy a reçu la conférence européenne ainsi que le président de notre assemblée, venu l'an dernier honorer les quatre-vingts parlementaires qui, après l'appel à la résistance du général de Gaulle, le 10 juin depuis Londres, ont refusé les pleins pouvoirs constituants à Pétain et sauvé l'honneur de la République. Une remise de médailles des Justes par un haut diplomate israélien a eu lieu à la mairie de Vichy ; le grand rabbin de France, dont la future épouse avait été cachée à Vichy, y est venu en visite.
En deux ans, l'Union européenne, les parlementaires, l'État d'Israël, Yad Vashem, le grand rabbinat, ont su publiquement distinguer entre la ville, ses habitants et le régime de la collaboration qui a déshonoré la France. Quand, dans les communications publiques, cessera-t-on de cacher l'histoire derrière la géographie ? Quand la parole officielle de la France appellera-t-elle enfin les choses par leur nom et arrêtera-t-elle, par économie de pensée, volontaire ou non, de laisser dans l'ombre de l'histoire de France, une ville qui est tout sauf cela ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
Monsieur le député, le Président de la République a su à Colmar, trouver les mots justes pour parler de cette période de l'histoire et exprimer à nos compatriotes ce qu'aucun Président de la République n'avait su jusqu'alors exprimer : le drame que fut l'incorporation de force pour l'Alsace. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ne nous cherchons pas querelle sur les mots, mettons-nous plutôt d'accord sur les choses. Le régime dit de Vichy reste une marque d'infamie dans l'histoire de France, et c'est là un terme que tous les historiens de la Seconde guerre mondiale emploient. Pour autant, il ne viendrait à l'idée de personne de jeter le discrédit sur la ville même de Vichy : c'est l'une de nos plus belles villes françaises (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), une station thermale dont la réputation n'est plus à faire. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Qui plus est, elle est gérée par un bon maire en la personne de Claude Malhuret. (Sourires.)
Néanmoins, monsieur le député, on ne peut revenir ni sur l'histoire ni sur les heures sombres de la collaboration et son régime scélérat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre des transports mais concerne aussi d'autres secteurs économiques, tels que l'agriculture et l'agroalimentaire. Elle traite du passage aux camions de 44 tonnes.
Aujourd'hui, les camions qui auraient la possibilité technique de porter 44 tonnes sont limités à 40 tonnes. Ce qui est en jeu, c'est la compétitivité de nos entreprises, en particulier dans des régions périphériques de l'Europe. Je pense à l'extrême ouest de notre pays, la Bretagne, région pour laquelle cette question est majeure.
Qu'apporterait le passage au 44 tonnes ?
Aujourd'hui, pour transporter 1 000 tonnes, il faut quarante camions sur les routes. Demain, trente-cinq suffiront, d'où une meilleure fluidité du trafic, ce qui est bon pour l'automobiliste, un coût moindre du transport, ce qui est bon pour l'économie, une moindre dépense de pétrole et un moindre risque environnemental. Je pense que beaucoup, dans cet hémicycle, apprécieront cette évolution.
Le Président de la République a été on ne peut plus clair : on passe au 44 tonnes. Cette décision a été annoncée dans un entretien qu'il a accordé à la presse agricole. C'est dire si le sujet dépasse le secteur du transport.
Monsieur le ministre, la décision est prise, il vous appartient de l'appliquer : quand, comment et pour qui ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur Le Fur, depuis plusieurs années, à la demande des différents ministres de l'agriculture, l'utilisation du 44 tonnes était de plus en plus autorisée, en particulier pour le transport des récoltes, betteravières ou céréalières, pour transférer les chablis, notamment après les tempêtes. Puis, à la demande des différents ministres des transports, cette utilisation a été élargie à la desserte, dans un rayon de 100 kilomètres, des ports maritimes régionaux ou locaux, et récemment des ports fluviaux.
Un élément nouveau est intervenu avec l'interview accordée à La France agricole et à Agra Presse Hebdo par le Président de la République il y a quinze jours. Pour aider la profession agricole et l'industrie agroalimentaire de notre pays, il a en effet indiqué qu'il souhaitait élargir le 44 tonnes à tous les produits de l'agriculture et de l'agroalimentaire, des animaux vivants aux aliments de bétail, mais pas aux produits uniquement industriels. Cette mesure a pour but de favoriser notre agriculture et de mettre fin à une forme d'hypocrisie dans la définition de l'utilisation du 44 tonnes.
Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, votre assemblée avait demandé à Jean-Louis Borloo un rapport sur l'avenir du 44 tonnes. Il sera remis au Premier ministre dans quelques jours et mis à la disposition des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jacques Valax, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, que je veux informer des dernières parutions sur Google. En y cherchant le mot « rigueur », on peut lire : « Fillon fait la leçon aux députés UMP.» (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Votre gouvernement souhaite engager une réforme des collectivités territoriales et affirme, pour justifier sa démarche, vouloir simplifier, clarifier, rationaliser.
Permettez-moi de vous dire que votre projet de loi est insignifiant et ne résout en rien les problèmes posés. Non seulement vous ne simplifiez pas le millefeuille administratif, mais vous le compliquez en créant ex nihilo le conseiller territorial, sorte de bestiole hybride, départementale le matin, régionale l'après-midi.
Votre projet ne règle pas la question des dépenses de solidarité nationale – APA, RSA, prestations pour handicap – qui sont aujourd'hui assumées par les seuls départements. C'est une grave entorse à l'équité républicaine.
Vous persistez en outre à vouloir nous imposer un système électoral qui est une régression à la fois sociale et républicaine, qui réduit la place des femmes, qui bafoue la Constitution.
Je vous rappelle que les collectivités territoriales restent les moteurs de la croissance, car elles réalisent 73 % des investissements publics. Sans ces investissements, les communes, creuset de notre pacte républicain, les communes si chères à nos concitoyens, ne pourront plus assumer leur rôle et disparaîtront. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Des collectivités locales mises à genoux par votre plan de rigueur, cela veut dire moins d'argent pour l'école, la culture, le sport, la solidarité et l'emploi, la fin de nos PME, de nos artisans, qui sont les animateurs de nos territoires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, pourquoi refusez-vous d'entendre la colère, l'angoisse et la peur qui montent de nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le député, je vous félicite de consulter assidûment Internet, y compris en séance...
Grâce à notre échange, nous serons parvenus à un équilibre, en rappelant à l'opinion publique ce que vous avez fait au début des années 1980. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je voudrais maintenant répondre à votre question. Franchement, vous tombez mal : vous avez en face de vous un responsable qui n'est pas atteint de schizophrénie. Je suis maire de Troyes depuis quinze ans, je n'ai pas augmenté les impôts depuis douze ans et le territoire s'est développé. Il est absurde de vouloir entretenir l'amalgame, sauf à vouloir, une nouvelle fois, basculer dans la démagogie, le mensonge, la facilité, surfer sur la crise pour faire peur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les plusieurs bancs du groupe UMP.)
Notre état d'esprit n'est pas de pratiquer la confusion entre les niveaux de responsabilité, entre ceux qui ont été vertueux – car il y a, à gauche comme à droite, des élus qui ont su se montrer modérés en matière de fiscalité, d'embauches, d'équilibres et de ratios – et ceux qui – plutôt à gauche qu'à droite – qui ont eu la main plus leste sur le levier fiscal.
La réforme des collectivités territoriales a pour objectif de nettoyer le millefeuille. C'est une très bonne chose au regard de l'utilisation des deniers publics. La préparation du projet de loi de finances pour 2011, notamment la matrice de gestion des dotations de l'État aux collectivités locales, viendra utilement compléter votre information dans le sens d'un meilleur équilibre entre l'usager, le contribuable, le citoyen et l'administré. Nous aurons sur ce point d'autres rendez-vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Patrice Debray, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous nous apprêtons à examiner cet après-midi les conclusions de la CMP sur le projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, texte capital tant sur le plan juridique que sur le plan économique.
Sur le plan juridique, il apportera une protection essentielle aux entrepreneurs individuels, qu'ils soient commerçants, artisans ou qu'ils exercent une profession libérale, par la création d'un patrimoine spécifiquement affecté à leur activité professionnelle, distinct de leur patrimoine familial.
Sur le plan économique, il permettra à chaque Français qui le souhaite de se lancer dans l'activité de création de richesses et de participer à la dynamique de la croissance économique.
Les chiffres vous donnent raison : en 2009, sur 580 000 entreprises créées, 320 000 l'ont été sous le statut de l'auto-entrepreneur, ce qui est considérable. Les jeunes sont particulièrement concernés par cette initiative, puisque 47 % d'entre eux déclarent que la création d'entreprise fait partie de leur projet de vie professionnelle.
De plus, il importe que les banques accompagnent nos entreprises, comme nous les avons accompagnées lors de la crise financière.
Madame la ministre, la création du statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée permettra à l'entrepreneur d'affecter librement à son activité professionnelle une partie de son patrimoine. Pouvez-vous réaffirmer la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre des moyens tels que celui-ci pour soutenir ce secteur majeur de l'économie française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député, depuis des années, des dizaines de millions d'artisans, de commerçants, de professions libérales passaient leur vie professionnelle dans l'angoisse de tout perdre. En cas de difficultés, ils pouvaient en effet subir la ruine de leur projet professionnel, mais aussi celle de leur vie personnelle, puisque, en vertu du principe de l'unicité du patrimoine, tous leurs biens – personnels comme professionnels – étaient affectés à la responsabilité qu'ils prenaient en entreprenant.
Le gouvernement de François Fillon vous donne l'occasion de mettre fin à cette situation et de permettre à des artisans, des commerçants, des membres des professions, libérales d'exercer leur activité, d'entreprendre, de s'engager dans la création de valeurs pour notre économie, sans pour autant mettre en danger leur patrimoine personnel.
J'ai élaboré avec Mme la garde des sceaux un texte, qui a été soumis à votre examen au mois de février et qui revient cet après-midi devant votre assemblée. Il fera dans l'histoire juridique et économique de notre pays.
Dans l'histoire juridique, car il revient sur la notion séculaire d'unicité du patrimoine. Dorénavant, un commerçant pourra décider qu'une partie seulement de ses biens est affectée à son activité professionnelle, l'autre partie restant son patrimoine personnel, à l'abri du risque.
Dans l'histoire économique également, car tous ceux qui souhaitent entreprendre le pourront grâce au statut de l'entrepreneur à responsabilité limitée. L'entreprise individuelle verra ainsi le jour avec ce texte.
Je sais, monsieur le député, que vous avez beaucoup soutenu ce projet de loi, que je vous encourage évidemment à voter. Il fera date, enfin, sur le plan fiscal, car il permettra à des dirigeants d'entreprises de se trouver sur un pied d'égalité avec les entrepreneurs individuels, qui pourront opter pour l'impôt sur les sociétés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, des millions de Français remplissent en ce moment leur déclaration de revenus pour 2010. Ils s'inquiètent légitimement de la politique de rigueur que vous n'osez assumer, mais que vous allez mettre en oeuvre. Ils s'inquiètent des efforts supplémentaires que vous allez leur demander tant ils ont le sentiment que ces efforts sont injustement partagés.
Alors que les plus gros contribuables continuent à bénéficier du bouclier fiscal, vous supprimez dès l'année prochaine la demi-part supplémentaire dont bénéficiaient bon nombre de contribuables célibataires, divorcés ou veufs, n'ayant plus d'enfants à charge.
Cette disposition de la loi de finances de 2009 va lourdement pénaliser des Français aux revenus modestes, notamment des retraités qui jusque là n'étaient pas imposables et qui vont le devenir. C'est particulièrement vrai pour des femmes, veuves, qui n'ont pour vivre qu'une petite retraite ou une pension de réversion ; une fois de plus, elles verront leur pouvoir d'achat diminuer.
Qui plus est, cette demi-part supplémentaire permettait à bien des gens d'être également exonérés de la taxe d'habitation, de la redevance télé, d'une partie de la taxe foncière et de certains prélèvements sociaux sur leurs pensions. Ils vont perdre tous ces acquis.
Une nouvelle fois, vous faites la démonstration d'une politique dure envers les plus modestes et protectrice des plus favorisés, ceux-là même qui devraient pourtant contribuer davantage à l'effort de solidarité nationale. Pour vous, le plan de rigueur, c'est moins de fiscalité pour les plus riches et plus de prélèvements pour les plus modestes.
Dans un contexte économique et social difficile, qu'allez-vous faire, monsieur le ministre, pour préserver le niveau de vie de ces retraités modestes, leur pouvoir d'achat et revenir sur une disposition injuste ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Madame la députée, la rigueur n'est un gros mot – il ne fait peur à personne, ni au sein de la majorité ni au sein du Gouvernement ; seulement, ce n'est pas le terme approprié. Le bon mot, c'est responsabilité, exemplarité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vos manifestations bruyantes ne changeront rien à l'affaire et ne nous détourneront pas de la ligne que nous suivons.
S'agissant de la suppression de la demi-part fiscale, elle fait suite à un amendement parlementaire qui a tiré la leçon d'une situation devenue obsolète. Instaurée au lendemain de la guerre, la demi-part supplémentaire devait répondre aux problèmes des veuves de guerre. Au fil des décennies, elle a été déclinée pour répondre aux problèmes rencontrés par les personnes seules. La représentation nationale a, dans sa bienveillance, réajusté le dispositif sans pour autant abîmer en profondeur l'avantage fiscal en introduisant un élément dégressif qui s'éteindra en 2011, ce qui permet d'éviter le contournement de cette disposition qui, pendant de nombreuses années, a favorisé des ruptures de couples dans le but de pouvoir bénéficier d'avantages fiscaux. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous avez beau contester les faits, cela ne les efface pas pour autant ! C'est une réalité fiscale !
Nous allons entrer dans un dispositif de continuité fiscale. La question de la demi-part fiscale fait l'objet d'explications détaillées. Dans chaque département, les représentants de la direction générale des finances publiques sont à la disposition des contribuables pour apporter tous les éléments d'information complémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Guy Lefrand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
Vous venez, monsieur le secrétaire d'État, de lancer une expérimentation visant à analyser de façon systématique les causes des arrêts-maladie de moins de six mois dans la fonction publique.
Une convention fixant les modalités de mise en oeuvre de cette expérimentation permet de confier aux médecins des caisses primaires d'assurance maladie le contrôle des arrêts maladie des fonctionnaires pour une durée de deux ans.
Cette convention de partenariat entre l'État et la Caisse nationale d'assurance maladie concerne six régions et l'ensemble des administrations déconcentrées situées dans le ressort des caisses primaires d'assurance maladie locales ainsi que certains services centraux de Bercy pour Paris.
La fonction publique compte 5,2 millions d'agents ; il est donc essentiel de disposer d'outils permettant de connaître et de prévenir les facteurs ayant une incidence sur leur santé. Par ailleurs, les agents de la fonction publique territoriale ne sont pas aujourd'hui suivis par des médecins du travail ; quant aux contractuels, ils ne sont ni suivis ni informés. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour améliorer cette prise en charge. Ce dispositif s'inscrit-il dans la politique globale du Gouvernement en matière de santé et de sécurité au travail ? En d'autres termes, pouvez-vous nous dire quels sont les grands axes de cette politique dans la fonction publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
Vous avez parfaitement raison, monsieur le député, de soulever la question de la santé des agents de la fonction publique, laquelle est évidemment pour nous une priorité.
Je souhaite en premier lieu rendre hommage à Éric Woerth et à mon prédécesseur André Santini qui a effectué un travail remarquable ayant abouti, en novembre dernier, à la conclusion d'un accord signé par sept organisations syndicales représentatives sur huit – fait exceptionnel –, par la totalité des employeurs de la fonction publique territoriale et par la fédération hospitalière de France. Cet accord a mis en place des dispositions concrètes, comme les comités d'hygiène et de sécurité également compétents sur les questions de santé au travail. Il a également permis de généraliser à la fonction publique de l'État et la fonction publique territoriale des plans de prévention à l'exemple de ceux qui étaient déjà en application dans la fonction publique hospitalière. Il s'agit donc d'une priorité qu'il fallait compléter et la convention que vous avez évoquée va dans ce sens.
Nous avons constaté que nous ne disposions pas des informations suffisantes pour être en mesure d'apprécier les causes qui affectent la santé des agents et provoquent un absentéisme assez important dans la fonction publique. Nous avons considéré que nous devions avoir des éléments d'informations complémentaires. C'est la raison pour laquelle une expérimentation a été lancée pour une période de deux ans, qui concernera six régions. L'objectif est de confier à la Caisse nationale d'assurance maladie le soin de déterminer quelles sont les raisons qui affectent la santé des agents et qui aboutissent à ce taux d'absentéisme. Sans doute sera-t-il possible de « dépister » quelques facteurs d'abus qui méritent également d'être combattus.
En tout état de cause, monsieur le député, la santé des agents de la fonction publique est pour nous une priorité. Au demeurant, cette question est actuellement évoquée avec les organisations syndicales dans le cadre des discussions sur les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Lebreton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, l'éducation va mal à La Réunion.
Fermetures de classes dans l'enseignement primaire, suppressions de postes, encadrement insuffisant et explosion de la violence dans l'enseignement secondaire, suppression massive de filières et paupérisation de l'enseignement supérieur : les nouvelles négatives s'accumulent, alors que La Réunion connaît une situation sociale dramatique, très éloignée de la sortie de crise que vous proclamez.
C'est dans ce triste contexte que vous vous apprêtez à valider la mutation, non souhaitée par les intéressés, de plusieurs dizaines de professeurs stagiaires réunionnais en métropole, à plus de dix mille kilomètres de leurs proches et de la vie qu'ils ont commencé de construire.
Il s'agit d'une grave erreur, doublée d'une profonde injustice. Lors de votre entrevue avec le président de région, il y a trois semaines, vous vous étiez pourtant engagé à réagir rapidement et précisément à cette crise. Depuis, le conflit s'est enlisé. Une nouvelle manifestation est prévue ce soir même devant l'hôtel de région. Le mouvement de ces professeurs stagiaires est dans l'impasse, et l'absence de réponse de l'institution rend leur situation encore plus insupportable.
Au-delà des situations personnelles douloureuses, ce conflit pose une question de fond : l'égalité des chances, pour les Réunionnais, d'obtenir un emploi public à La Réunion. Il est vraiment regrettable qu'un gouvernement qui se targue d'avoir dans ses rangs un ministre ultramarin ne prenne pas la mesure de ce problème.
Monsieur le ministre, tous les jeunes Réunionnais observent ce qui se passe. Ces enseignants méritants sont des modèles pour toute la jeunesse : les obliger à débuter leur carrière hors de La Réunion, alors que des postes en nombre suffisant seront disponibles à l'issue du mouvement des actuels titulaires, c'est adresser un message tout à fait négatif à la jeunesse réunionnaise.
Monsieur le ministre, allez-vous enfin mettre fin à l'incertitude de ces jeunes enseignants et leur permettre d'exercer leur métier dans leur région d'origine ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, vous interrogez le Gouvernement sur la situation des enseignants stagiaires, en particulier des jeunes lauréats qui ont manifesté le souhait d'être affectés dans leur île.
Vous l'avez dit, le Gouvernement se préoccupe d'assurer la promotion des ultramarins. Tel est le sens de l'une des principales dispositions adoptées lors du conseil interministériel de l'outre-mer.
De fait, je veux rappeler ici, en l'absence de mon collègue Luc Chatel et au nom du Gouvernement, que nous avons pris en considération la situation que vous évoquez : celle-ci a fait l'objet d'une analyse au cas par cas, au terme de laquelle il ne reste que trente-deux cas sur cent quatre vingt douze à traiter.
En effet – vous le savez, monsieur le député –, il n'a pas été possible d'attribuer à ces enseignants l'affectation correspondant à leur premier choix. Il y a des règles, que le ministre de l'éducation nationale a rappelées. Ces enseignants bénéficient d'une bonification. Néanmoins, au nom de l'équité, le ministre doit prendre en considération non seulement la situation de ces trente-deux stagiaires, mais aussi celle des enseignants ultramarins qui exercent en métropole et qui attendent depuis plus de dix ans d'être mutés en vue d'un regroupement familial. Il s'agit là aussi d'une mesure juste et équitable qui concerne l'affectation outre-mer des ultramarins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Henriette Martinez, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche, la filière fruits traverse une crise sans précédent. Les arboriculteurs, en particulier, ne récoltent plus le fruit de leur travail – c'est le cas de le dire !
Ainsi, dans les Hautes-Alpes, les pommes, dont le prix de production en sortie de station est de 71 centimes d'euro le kilo, sont vendues 62 centimes aux grossistes, ce qui représente une perte de 9 centimes. Et l'on retrouve sur les étalages ces mêmes pommes vendues 2 à 3,50 euros le kilo. Ces marges sont insupportables.
Les difficultés de la filière viennent aussi du coût de la main-d'oeuvre, trop élevé dans notre pays : il atteint 12 euros de l'heure, toutes exonérations comprises, alors que, dans les pays voisins dont les fruits sont vendus chez nous – l'Italie, l'Espagne ou l'Allemagne –, le coût horaire se situe entre 6 et 7,80 euros.
Enfin, les distorsions d'homologation des produits phytosanitaires utilisés en Europe aggravent encore ces difficultés. En effet, certains produits homologués, voire homologués « bio », dans d'autres pays européens sont interdits chez nous. Cela représente un préjudice supplémentaire pour notre agriculture, au mépris du principe européen de reconnaissance mutuelle.
Les producteurs de fruits, qui travaillent à perte, ne pourront continuer longtemps ainsi, alors même que la demande mondiale de fruits de qualité n'est pas satisfaite.
Monsieur le ministre, par quelles mesures comptez-vous sauver la filière fruits, dans la situation d'urgence économique que connaissent aujourd'hui les producteurs français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Madame la députée, la filière des fruits et légumes est l'une de celles qui a le plus souffert de la crise agricole dramatique de 2009.
Pour remédier à cette situation, nous devons avancer dans trois directions, que vous avez mentionnées.
La première, le coût du travail, est celle dans laquelle nous avons déjà le plus progressé. Ainsi, je rappelle que le gouvernement de François Fillon a décidé d'exonérer totalement de charges patronales les salariés occasionnels de la filière.
Cette mesure représente un coût annuel de 170 millions d'euros pour le budget de l'État ; elle permet de ramener le coût du travail occasionnel dans cette filière d'un peu plus de 12 euros à 9,29 euros l'heure, nous rendant ainsi compétitifs face à nos grands concurrents, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne. Cette décision majeure pour la filière est applicable à compter du 1er janvier 2010.
La deuxième décision que nous devons prendre concerne l'harmonisation des règles d'utilisation des phytosanitaires. Vous savez que j'y suis particulièrement attaché. Dans votre département, ce problème rejaillit directement sur la production de fruits et légumes. Nous y travaillons, Chantal Jouanno, Jean-Louis Borloo et moi-même, et nous prendrons sans tarder des décisions en vue d'une harmonisation totale.
La troisième direction, que vous avez également mentionnée, concerne la commercialisation des produits. Nous devons évidemment parvenir à une meilleure commercialisation, au profit des producteurs et de leurs revenus.
Sur ce point, le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, que vous examinerez très prochainement, propose d'encadrer systématiquement le prix après vente par des contrats écrits, ainsi que les remises, rabais et ristournes, afin d'en finir avec les abus et les excès en la matière.
Enfin, nous souhaitons que les distributeurs s'engagent à réduire leurs marges en période de crise ; un accord en ce sens devrait être signé le 17 mai en présence du Président de la République. Ce geste de solidarité envers les producteurs de fruits et légumes est bien normal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Crise de la filière fruits
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (n° 2461).
La parole est à Mme Laure de La Raudière, rapporteure de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, mes chers collègues, nous sommes réunis pour achever l'examen d'un texte majeur, attendu depuis plus de vingt ans, voire trente ans, par les entrepreneurs individuels, qu'ils soient artisans, commerçants, exploitants agricoles ou qu'ils exercent une profession libérale : au total, 1,5 million d'entrepreneurs sont concernés.
La prise de risques fait partie de la création de l'entreprise et de la vie de l'entrepreneur. Toutefois, nous considérons qu'elle ne doit pas entraîner la ruine de la famille sous prétexte que l'entrepreneur a choisi d'exploiter son activité professionnelle en nom propre et non pas sous forme de société. Ce texte, mes chers collègues, répond à cet enjeu d'équité et de justice sociale.
Ce projet de loi est le fruit de la volonté dont a fait preuve le secrétaire d'État, M. Novelli, mais aussi du soutien constant à l'idée de créer un patrimoine d'affectation qui a animé les députés lors de précédents débats, notamment à l'occasion de la loi de modernisation de l'économie. À cet égard, je voudrais saluer les travaux de M. Ollier, de Mme Vautrin, de M. Taugourdeau et de bien d'autres, qui ont ardemment défendu la mise en place du patrimoine affecté.
Ce projet de loi a également recueilli le soutien des acteurs du secteur. Il est utile et mérite donc d'être adopté.
Je tiens à souligner l'importance du travail réalisé par notre assemblée au mois de février 2010, ainsi que des précisions et compléments apportés par le Sénat. Le travail parlementaire a considérablement enrichi le texte initial, notamment en ce qui concerne les possibilités de transmission du patrimoine affecté, dispositif nécessaire à la vie de chaque entreprise.
Nous nous sommes attachés à aligner le plus possible le régime juridique applicable à l'entreprise individuelle à responsabilité limitée – EIRL – sur celui applicable à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée – EURL. Le Sénat a conservé cette logique.
Il a aussi adopté une série de mesures visant à apporter une plus grande sécurité juridique au texte, notamment en ce qui concerne le contenu des ordonnances prévues pour mettre en place les dispositifs nécessaires en cas de faillite ou de redressement judiciaire.
Il a aussi sagement prévu que l'entrée en vigueur du dispositif ne pourrait avoir lieu qu'après la publication desdites ordonnances, laquelle doit intervenir au plus tard dix mois après la promulgation de la loi.
La commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 28 avril dernier, a procédé à plusieurs modifications importantes.
En premier lieu, la restriction du droit de gage général des créanciers antérieurs à la constitution du patrimoine d'affectation, instaurée par l'Assemblée nationale et supprimée par le Sénat, est à nouveau rendue possible à la condition que les créanciers en aient été dûment informés et qu'ils n'exercent pas leur droit d'opposition. Je tiens à vous préciser, mes chers collègues, que cette disposition est la règle usuelle dans le code de commerce en cas de cession ou d'apport en société de fonds de commerce,…
C'est vrai.
…ou en cas de fusion de sociétés.
La possibilité, introduite au Sénat, de constitution d'une EIRL par des mineurs a été encadrée par la CMP selon une procédure formaliste plus protectrice. Enfin, le dispositif d'insaisissabilité a été maintenu à côté de l'EIRL.
Le texte issu de la CMP est donc très équilibré. Toutes les garanties ont été apportées, notamment à ceux qui craignaient les fraudes et qui trouvaient que les droits des créanciers étaient insuffisamment protégés.
Le financement des PME, sujet bien plus large que le présent texte puisqu'il concerne toutes les formes d'entreprises, doit être évoqué et amélioré. Je me permets de vous interroger de nouveau, monsieur le secrétaire d'État, sur les actions du Gouvernement destinées à améliorer le financement des PME, de façon que les créanciers ne recourent pas systématiquement à la demande de caution personnelle.
D'autre part, l'examen de ce texte ne devrait, logiquement, être qu'une étape. La coexistence de l'EIRL et de l'EURL introduit un choix inutile ; il sera donc nécessaire, selon moi, de corriger cette duplicité de statuts lorsque le bon fonctionnement de l'EIRL sera avéré. Il est en effet assez logique de considérer que des personnes souhaitant entreprendre seules choisiront le statut d'EIRL, alors que celles qui souhaitent s'associer opteront, par exemple, pour celui de SARL, de SA ou de SAS.
Mes chers collègues, avec ce texte, nous franchissons aujourd'hui une étape très importante, car nous permettons à des centaines de milliers de chefs d'entreprise de protéger concrètement leur patrimoine personnel. C'est une avancée juridique majeure. C'est donc avec enthousiasme, monsieur le secrétaire d'État, que, au nom de la commission des affaires économiques, j'apporterai mon soutien à votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, en votant ce texte aujourd'hui, vous ne clôturerez pas seulement un processus parlementaire, vous mettrez un terme, comme l'a fort bien rappelé Laure de La Raudière, à un combat de trente ans en faveur de l'entrepreneur et de l'entreprenariat.
Ce texte, j'en suis convaincu, était attendu, sinon par tous, du moins par beaucoup : les représentants des artisans, des commerçants, les chambres de métiers, et bien entendu les entrepreneurs individuels eux-mêmes. J'en veux pour preuve le consensus qui s'est établi, sur ce texte, entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Le 17 février dernier, votre assemblée a adopté un texte destiné à lutter contre ce que j'ai appelé un véritable scandale français, qui fait qu'un artisan, un commerçant, un professionnel libéral ou un agriculteur peuvent, après un revers professionnel, perdre l'ensemble de ses biens personnels et se retrouver littéralement à la rue, ruiné, sans possibilité de rebondir. Vous avez décidé de rompre avec le dogme bi-séculaire de l'unicité du patrimoine pour les entrepreneurs individuels, en permettant à ces derniers d'affecter à leur activité un patrimoine professionnel distinct de leur patrimoine personnel. En cas de défaillance, l'entrepreneur ne sera responsable que sur le patrimoine affecté à son activité. En votant ce texte, vous avez donc donné un signe fort pour tous ceux qui souhaitent entreprendre mais hésitent à passer à l'acte, et je m'en réjouis vivement.
Au terme de ce processus parlementaire, je veux revenir sur la qualité de vos apports, car ils ont contribué à enrichir le texte. Nous devons celui-ci à la volonté pugnace du Président de la République, mais aussi à nombre d'entre vous, qui se sont emparés du sujet depuis des années et ont contribué à le faire aboutir sous la forme d'un projet de loi.
J'ai oublié de citer M. Giscard d'Estaing dans mon intervention : qu'il m'en excuse !
Vous avez, madame de La Raudière, cité un certain nombre de parlementaires ; permettez-moi aussi d'en citer quelques-uns. Je veux d'abord rendre hommage au président de la commission des affaires économiques, M. Patrick Ollier, qui, s'il n'est pas présent aujourd'hui – mais mes propos lui seront rapportés –…
Son absence, que vous venez de souligner, sera effectivement rapportée ! (Sourires)
…a oeuvré depuis des mois en faveur du projet et a largement contribué à la qualité de la réflexion et des débats, en commission comme en séance publique.
Je remercie aussi Mme la rapporteure, Laure de La Raudière, qui a effectué un travail remarquable et dont les contributions ont permis d'améliorer significativement le texte : je pense notamment à la simplification des procédures de création des EIRL, et à la transmission ou à la reprise de celles qui existent déjà. Mes remerciements vont plus généralement à l'ensemble des membres de la commission des affaires économiques, et à certains membres de la commission des finances, parmi lesquels Louis Giscard d'Estaing, qui ont fait preuve d'une grande implication et ont participé à un dialogue constructif pour élaborer le texte issu de la commission. J'inclus aussi les députés de l'opposition, qui ont adopté une démarche critique mais parfois constructive. Certains d'entre eux – tel monsieur Brottes – avaient, avant les régionales, émis des doutes quant à l'issue législative du texte.
Force est de reconnaître que vous vous êtes trompé, ce dont je ne tire aucune satisfaction excessive.
Nous n'imaginions pas que vous auriez autant de temps, après les régionales, à consacrer à ce texte ! (Sourires.)
L'Assemblée nationale a notamment permis d'ouvrir le dispositif aux exploitants agricoles : c'est un signal important qui leur est envoyé, car ils peuvent se trouver dans des situations similaires à celles des artisans et des commerçants.
Plusieurs d'entre vous, à commencer par Mme la rapporteure à l'instant, se sont interrogés sur les moyens de limiter la constitution, par les banques, de sûretés personnelles ou réelles, ce qui aurait diminué la portée de la réforme. Cette question, qui n'a cessé d'être débattue en commission et en séance, appelait des réponses rapides et surtout opérationnelles. J'ai donc pu vous confirmer dès le mois de février dernier l'engagement d'OSEO, qui propose d'accompagner la mise en place de l'EIRL. OSEO pourra offrir à la banque une garantie à hauteur de 70 % des crédits, la banque s'engageant, pour sa part, à ne retenir que les garanties sur les actifs affectés à l'activité, et non sur les biens personnels de l'entrepreneur. C'est là un point majeur qui, en limitant les risques de caution personnelle, rend la réforme opérationnelle.
Je reviens brièvement sur les contributions apportées par la CMP du 28 avril dernier.
En premier lieu, votre assemblée avait ouvert le débat juridique relatif à l'opposabilité immédiate de la déclaration d'affectation aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à cette affectation. Le Sénat, quant à lui, préférait la voie de la sécurité juridique. Après des échanges fructueux entre les deux chambres, le débat a fort heureusement abouti – grâce, une fois encore, à l'implication de Laure de La Raudière – à une solution de compromis satisfaisante en CMP. L'un des objectifs du Gouvernement était de sécuriser pleinement le dispositif de l'EIRL, afin que les futurs utilisateurs puissent l'adopter facilement. La sécurité juridique du texte est en effet la meilleure garantie de son applicabilité et de sa pérennité ; c'est pourquoi je me réjouis de la proposition de la CMP, proposition aux termes de laquelle l'entrepreneur peut rendre le patrimoine affecté opposable à l'ensemble de ses créanciers, tout en étant tenu, s'il souhaite exercer cette option, d'informer individuellement les créanciers antérieurs. Ces derniers disposent alors d'un droit d'opposition du fait de la réduction de l'assiette de leur gage, sur le modèle de ce qui existe déjà – c'est là l'essentiel – en cas de réduction de capital non motivée par des pertes ou de transmission de patrimoine par voie de fusion. C'est une bonne solution, qui concilie souplesse, protection maximale de l'entrepreneur et garantie des droits des tiers.
Les modalités d'information – dont le Gouvernement s'engage à ce qu'elle soit individuelle – des créanciers pour l'exercice de leur droit d'opposition seront fixées par décret.
Par ailleurs, le Sénat avait introduit la possibilité, pour un mineur, de créer son entreprise, conformément au souhait du Président de la République.
À un moment où l'esprit d'entreprise se développe dans notre pays, notamment grâce au régime de l'autoentrepreneur, il importe que les jeunes qui le souhaitent puissent s'inscrire très tôt dans cette dynamique. Il est cependant indispensable, bien entendu, que la liberté concédée au mineur soit strictement encadrée.
À l'initiative de Laure de La Raudière, la CMP a encadré, par un certain formalisme, l'autorisation donnée aux mineurs d'accomplir seuls les actes administratifs nécessaires à la création et à la gestion d'une EIRL. Cet encadrement va dans le bon sens, puisqu'il permet de préserver la sécurité et la protection, tant des mineurs que des tiers qui contracteront avec eux.
Laure de La Raudière a parlé de l'entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2011, ce qui suppose un certain nombre de conditions. J'ai bien noté votre préoccupation d'assurer la sécurité du dispositif en conditionnant l'entrée en vigueur du nouveau statut de l'EIRL à la publication de l'ordonnance destinée à adapter les procédures collectives au patrimoine affecté. Le Gouvernement s'attachera bien sûr à publier le plus rapidement possible cette ordonnance, ainsi que l'ensemble des textes d'application, afin de permettre l'entrée en vigueur du nouveau statut dès le 1er janvier 2011 ; vous savez à quel point je tiens à ce que les premières EIRL voient le jour à cette date.
J'ai enfin la grande satisfaction de vous annoncer la mise en ligne du site info-eirl.fr depuis le 28 avril dernier. Ce site, développé en partenariat entre le ministère de l'économie et l'ordre des experts-comptables, permet de renseigner les entrepreneurs sur le nouveau statut et de les accompagner dans leur choix de constituer une EIRL. Je vous annonce par ailleurs dès aujourd'hui que, à l'instar de ce qui existe déjà pour l'auto-entrepreneur, l'entrepreneur pourra créer dès le début de l'année prochaine son EIRL en ligne, sur le sitewww.guichet-entreprises.fr. Comme vous l'avez souvent relevé au cours de vos débats, il est en effet indispensable de promouvoir cette réforme tant attendue et de simplifier au maximum les démarches des entrepreneurs qui opteront pour l'EIRL : je continuerai bien sûr de m'y attacher tout particulièrement.
Je veux, pour conclure, mesdames et messieurs les députés, vous remercier d'avoir contribué, par vos débats et par vos amendements, à la construction d'un texte qui, j'en suis convaincu, marque un tournant bienvenu dans notre droit des entreprises ; surtout, il permettra aux entrepreneurs individuels de mener une vie normale sans être menacés de ruine en cas de faillite de leur entreprise. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi procède d'un refus, le refus qu'une défaillance professionnelle soit synonyme de condamnation professionnelle et, surtout, personnelle.
En séparant de manière étanche le patrimoine dédié à l'activité professionnelle du patrimoine personnel, ce texte constitue donc une véritable innovation juridique et économique, et une véritable avancée sur le plan humain. Grâce à ce texte, en effet, la faillite ne sera plus synonyme de ruine personnelle et familiale.
Pour en venir plus précisément aux conclusions de la commission mixte paritaire, je souhaite, au nom du groupe Nouveau Centre, dire notre confiance dans le compromis qui a été trouvé.
Les sénateurs ont apporté au texte diverses modifications qui, si elles n'affectent ni le régime fiscal ni le statut social de l'EIRL, touchent à la question centrale de l'opposabilité. Quelle était la situation ? L'Assemblée nationale avait décidé que la déclaration d'affectation serait opposable de plein droit aux créanciers antérieurs.
De la sorte, les créanciers professionnels de l'entrepreneur auraient vu l'assiette de leur droit de gage se réduire aux seuls biens professionnels affectés. Le Sénat en était, pour sa part, revenu à la rédaction initiale du projet de loi : la création du patrimoine affecté n'était opposable qu'aux créanciers dont les droits étaient nés postérieurement, que les créances soient professionnelles ou personnelles. Ainsi, les créances antérieures à la création du patrimoine affecté conservaient pour gage l'intégralité du patrimoine de l'entrepreneur.
Les rapporteurs respectifs des deux chambres ont souligné cette réalité incontestable : cette disposition soulevait un problème constitutionnel en remettant en cause l'équilibre de contrats légalement conclus sans motif d'intérêt général. Elle posait également un problème de nature économique dans la mesure où elle aurait pu fragiliser les relations entre les entrepreneurs et leurs créanciers.
On ne peut donc que se féliciter de l'esprit de compromis qui a régné en commission mixte paritaire et qui a abouti à un choix efficace. La CMP a en effet donné à l'entrepreneur la possibilité de rendre le patrimoine affecté opposable à l'ensemble de ses créanciers, tout en lui imposant d'informer individuellement les créanciers antérieurs. Elle a, en outre, expressément refusé que l'information des créanciers antérieurs soit assurée par une simple publication, et confié au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités d'information des créanciers antérieurs. J'aurais préféré que le Parlement légifère lui-même, mais cela n'a pas été retenu ; dont acte.
Soucieux de redonner du dynamisme à notre économie, de l'envie à nos chefs d'entreprise, le Nouveau Centre se réjouit de l'élargissement des possibilités offertes aux entrepreneurs individuels : les plus jeunes pourront y souscrire, les plus dynamiques pourront cumuler plusieurs EIRL, avec des patrimoines strictement séparés.
Toutes ces mesures sont bonnes pour notre esprit d'entreprise et pour la compétitivité de notre pays. En cette période de crise, on ne peut que se réjouir d'une disposition qui, à n'en pas douter, permettra d'apporter de la croissance à la France.
En un mot, l'équilibre du texte est fondamentalement bon. Le groupe Nouveau Centre estime que des dispositifs attendus et défendus depuis des années par les centristes vont être enfin introduits dans la loi. Je remercie Hervé Novelli d'avoir, une fois de plus,…
…décidé d'innover en la matière et de mettre en forme ces dispositifs. Ils vont aider les Français à concrétiser leur envie d'entreprendre, à créer leur entreprise et à conserver leur patrimoine ; nous nous en réjouissons.
Le groupe Nouveau Centre soutient l'adoption de ce projet de loi attendu par les entrepreneurs d'aujourd'hui et de demain. C'est parce qu'il procède à la fois de la notion de responsabilité, chère à M. le secrétaire d'État et à Mme la rapporteure, et d'un souci d'efficacité que nous votons ce texte.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi était attendu depuis plus de trente ans par les artisans et les commerçants, car il répond à une de leurs premières demandes : la protection de leurs biens personnels en cas de faillite.
Ce texte a été le fruit d'un long combat, car il a fallu plusieurs fois remettre l'ouvrage sur le métier. On se souvient du rapport de la chambre de commerce de 1984, des débats à l'occasion de la création de l'EURL en 1985, du rapport Barthélémy de 1993, du rapport Hurel de 2008. Tous recommandaient la mise en place d'un patrimoine d'affectation, mais aucun n'avait été suivi d'effet. Ce projet de loi concrétise donc une réforme attendue depuis longtemps.
En commission mixte paritaire, l'opposabilité immédiate de la déclaration d'affectation aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à cette affectation a été l'objet d'un débat juridique intéressant, qui a fort heureusement abouti à une bonne solution de compromis : l'entrepreneur pourra rendre le patrimoine affecté opposable à l'ensemble de ses créanciers, tout en étant tenu, s'il souhaite exercer cette option, d'informer les créanciers antérieurs. Ces derniers disposent alors d'un droit d'opposition du fait de la réduction de l'assiette de leur gage. C'est une bonne solution, qui concilie souplesse, protection maximale de l'entrepreneur et garantie des droits des tiers.
On pourrait bien sûr concevoir que cette information des créanciers sur l'ouverture de leur droit d'opposition s'effectue selon des modalités habituelles en pareil cas, à savoir par la voie des journaux d'annonces légales, mais il me semble juridiquement préférable de recourir à une information individualisée des créanciers. Il est en tout état de cause essentiel de laisser à l'entrepreneur, s'il le souhaite, la possibilité de ne pas rendre la déclaration d'affectation opposable aux créanciers antérieurs, afin de ne pas avoir à recourir systématiquement au formalisme du droit d'opposition.
Je me félicite également de l'accès des agriculteurs au régime de l'EIRL. Comme vous le savez, les exploitants agricoles avaient accès au régime de l'insaisissabilité de la résidence principale créé par la loi Dutreil de 2003. Il était donc légitime qu'ils puissent également accéder à l'entreprise individuelle à responsabilité limitée.
L'amendement que j'avais proposé en février dernier a permis de clarifier l'inclusion des agriculteurs dans le champ d'application de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée. En particulier, les agriculteurs pourront accéder au régime civil de l'EIRL tout en conservant le libre choix du statut fiscal qui convient le mieux à leur exploitation.
Il me paraît également essentiel que l'entrepreneur individuel exerçant une activité puisse décider de conserver les terres utilisées pour les besoins de son exploitation dans son patrimoine personnel, ce que le projet de loi actuel ne permet pas.
Or le patrimoine privé des exploitants agricoles est, en général, largement composé des biens fonciers qu'ils exploitent. Ces biens constituent souvent les seuls éléments patrimoniaux des agriculteurs. Dès lors, les faire entrer obligatoirement dans le patrimoine d'affectation conduirait à vider de sa substance la limitation de responsabilité attachée à cette forme d'exploitation. Je rappelle d'ailleurs que, au plan fiscal, les exploitants agricoles peuvent, s'ils le souhaitent, conserver les terres dont ils sont propriétaires dans leur patrimoine privé, à condition d'exercer une option expresse en ce sens.
Je me félicite donc qu'un amendement au projet de loi de modernisation de l'agriculture voté au Sénat ouvre cette faculté aux agriculteurs. Sur ce point, la loi de modernisation de l'agriculture complète donc utilement le projet de loi dont nous débattons.
Pour conclure, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'accompagner la mise en oeuvre de cette réforme. Le succès du régime de l'auto-entrepreneur en 2009 est dû, en partie, à la rapidité de mise en place du site internet, ouvert dès le 1er janvier 2009, et à la campagne d'explication et de communication auprès des Français qui l'a accompagnée.
Il est indispensable que le Gouvernement consente les mêmes efforts pour la promotion de l'EIRL auprès des commerçants et des artisans – M. le secrétaire d'État vient d'ailleurs de nous annoncer la création du site internet consacré à l'EIRL –, tout en leur rappelant que, selon leur situation, d'autres dispositifs de protection, comme l'EURL ou la SARL, peuvent également être adaptés. Il me paraît également essentiel que la création d'une EIRL puisse être effectuée de façon dématérialisée, et ce dès le 1er janvier 2010.
Enfin, au niveau local, l'EIRL ne sera un succès pour les artisans que si nous parvenons à une montée en puissance du répertoire des métiers, pour assurer sa consultation par les tiers de l'entrepreneur. Je me félicite à ce sujet que la centralisation du répertoire des métiers par l'assemblée permanente des chambres des métiers – que j'avais suggérée en février – ait été retenue par le Gouvernement et insérée dans le projet de loi lors de l'examen du texte au Sénat. Je sais que les équipes des centres de formalités des entreprises dédiés à l'artisanat sauront relever ce défi de l'adaptation du nouveau répertoire des métiers. Il ne me paraît pas illégitime que les chambres des métiers se voient confier des compétences proches de celles des greffiers concernant le registre du commerce et des sociétés.
Je ne doute pas que le 1er janvier 2011 verra naître les premières EIRL. Seuls quelques textes d'application nous séparent désormais de cet objectif, et nous pouvons compter sur la détermination de M. le secrétaire d'État Hervé Novelli pour mener jusqu'à son terme le chantier juridique de l'EIRL. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, entreprendre tout en limitant les risques : tout le monde espère réaliser une telle équation. Ce n'est pas parce qu'on entreprend qu'on est malhonnête, bien au contraire. Par conséquent, ce n'est pas parce qu'on fait de mauvaises affaires qu'on est malhonnête. Il est donc assez normal de chercher les moyens de protéger les entrepreneurs, particulièrement les petits entrepreneurs, les plus gros ayant déjà tout ce qu'il faut.
Une question se pose cependant : l'éventail des statuts possibles n'était-il pas déjà suffisant ? Sans parler de la société anonyme, mentionnons la SARL, l'EURL, d'ailleurs inventée en son temps par la gauche, et son pendant l'EARL en matière agricole. En outre, en 2003, nous avions voté l'insaisissabilité du domicile personnel. Tout un arsenal existait donc, et vous avez encore inventé d'autres statuts. Vous serez d'ailleurs, à mon avis, le ministre des statuts – ou « du statuaire », je ne sais comment dire – car, avec celui d'auto-entrepreneur, vous en aurez inventé un certain nombre.
Peut-être me dressera-t-on une statue ! (Sourires.)
Voilà ce qu'il en est de la simplification que vous appelez régulièrement de vos voeux. Je ne suis pas sûr que vous ayez beaucoup avancé sur cette voie. Je constate même que, depuis 2002, chaque fois que l'on parle de simplification, on ajoute quelque peu à la complexification.
Mais non !
Nous vous l'avons répété pendant tout le débat : au lieu de créer un nouveau statut, ne valait-il pas mieux toiletter, corriger, compléter le statut de l'EURL ? Tout à l'heure, Mme la rapporteure a trouvé une autre formule : supprimer l'EURL, tout simplement parce que ce n'est pas vous qui en êtes à l'origine. Il vaut donc mieux inventer un autre statut, qui présentera peut-être un peu plus d'inconvénients que d'avantages, mais qui portera votre marque. Ce n'est plus, là, faire de la politique, c'est faire de la politique politicienne.
Il n'en reste pas moins que de nombreux entrepreneurs sont restés entrepreneurs individuels, avec tous les risques que cela peut comporter, comme la faillite. Or ce n'est pas toujours parce qu'on est mauvais que l'on fait faillite, c'est aussi, parfois, parce que la conjoncture se retourne,…
…c'est aussi, parfois, parce que l'on a été affecté par d'autres faillites et d'autres défaillances, en particulier celles de clients, devenus incapables d'honorer leurs dettes.
Cela conduit parfois à la spoliation des biens personnels, au-delà de ce qui peut paraître raisonnable, et constitue sans doute un frein à l'entreprenariat.
Le texte que vous nous avez présenté, avec le patrimoine affecté, nous a plu. Je dois le reconnaître, monsieur le secrétaire d'État, mais vous le savez déjà. Toutefois, le diable étant dans les détails, je dois m'attarder sur quelques points.
Nous pouvions nous accorder sur le principe, qui ne nous paraît pas une hérésie, de l'entrepreneur qui décide des biens qu'il met en regard de son activité, même si divers juristes considèrent que cela ne passera pas la rampe des premières joutes judiciaires. Cependant, on peut penser que des situations cocasses ne manqueront pas de survenir. Ainsi, le créancier professionnel ne pourra avoir de recours sur les biens non-affectés, mais le créancier privé pourra avoir des recours sur les bien affectés. Quel parallélisme inventez-vous ? Cela signifie que, dans certains cas, pour avoir davantage de garanties, les banquiers proposeront plutôt des prêts personnels pour recapitaliser l'entreprise qu'un financement de l'entreprise. Comme nous sommes tous deux en bonne santé, monsieur le secrétaire d'État, je vous donne rendez-vous : nous pourrons, d'ici peu, constater ce genre d'effets pervers, qui risquent de se retourner complètement contre l'entrepreneur.
Dans certains secteurs, comme l'artisanat, les systèmes de cautionnement mutuel fonctionnent bien. Mais, dans d'autres, où les risques sont beaucoup plus importants – notamment le commerce –, je vous souhaite beaucoup de plaisir et de courage pour trouver des sociétés de cautionnement mutuel qui accepteront de cautionner ce genre de manipulations et d'opérations.
Cela existe !
Votre projet présentait en outre une face cachée qui nous échappait avant le début du débat : il offrait l'occasion de créer une niche fiscale supplémentaire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous pensions que cela ne concernerait que les petits entrepreneurs, ceux qui ne réalisant qu'un petit chiffre d'affaires et ne perçoivent qu'un petit revenu. Lorsqu'on nous a appris que les médecins et les professions indépendantes allaient également pouvoir bénéficier de ce statut, nous avons compris que votre but, c'était de les soumettre à l'impôt sur les sociétés, qui n'est pas progressif, plutôt qu'à l'impôt sur le revenu des personnes physiques, qui, lui, est progressif. Cela signifie que, bientôt, dans ce pays, seuls les salariés et les retraités paieront l'impôt progressif, et que tous les autres y échapperont.
Nous ne pouvons pas l'accepter, monsieur le secrétaire d'État, et c'est pour cette raison, notamment, que nous ne vous suivrons pas. Votre proposition présente quelque chose d'inacceptable : sous prétexte de donner aux petits entrepreneurs les mêmes droits qu'aux grands, vous créez une nouvelle catégorie sociale qui bénéficiera de droits supplémentaires par rapport aux salariés.
Notre pays est dans une situation qui exigerait la rigueur : le Premier ministre, qui, à une époque, avait parlé de faillite, ne sait d'ailleurs plus quel mot utiliser. Mais vous, vous continuez à vider les caisses, qui n'en avaient d'ailleurs plus besoin, puisqu'il n'y avait plus rien dedans !
Ce texte promet beaucoup de travail pour les juristes et je ne suis pas sûr que les ajouts du Sénat l'aient tellement diminué. En effet, le Sénat a aménagé la rétroactivité de la déclaration, avec obligation de la porter à la connaissance des créanciers. Mais cette mesure est insuffisante, car, si elle leur ouvre la possibilité de s'opposer, elle n'indique rien sur les moyens dont ils disposeront pour le faire. Ainsi, le texte ne précise pas s'ils pourront empêcher la création d'une entreprise.
Ils pourront peut-être être désintéressés, mais à quel prix si tout le monde le demande ! Telles sont les questions qui se poseront aux juristes.
Le Sénat a également ajouté la possibilité d'avoir plusieurs patrimoines affectés. Vous nous aviez présenté cette mesure, monsieur le secrétaire d'État, comme étant destinée aux petits entrepreneurs. Or on voit bien qu'elle pourra être multipliée à l'envi.
Enfin, l'EIRL pour les mineurs permettra à ceux qui ont beaucoup d'enfants de multiplier à l'infini les patrimoines affectés et le nombre d'entreprises. Cependant, on ne nous a pas dit à partir de quel âge un enfant pourrait créer une EIRL. Certes, nous savons qu'il peut le faire avant dix-huit ans, mais plus précisément, est-ce après quatorze ans, à la puberté ou plus tôt, dès qu'il sera propre et qu'il pourra aller à l'école maternelle ? (Sourires.)
Rien n'a été dit. Voilà encore du travail pour les juristes, qui devront définir à partir de quel âge il sera possible de créer une EIRL.
À partir de seize ans !
C'est ce que je pensais. On se rapproche de l'âge de la puberté ! Cela dit, je ne l'ai vu écrit nulle part.
Ce texte part d'une bonne intention, et nous voulions le soutenir. Malheureusement, la façon dont il a été conduit et les mesures qu'il contient ne nous ont pas permis de vous accompagner jusqu'au bout, monsieur le secrétaire d'État.
Je le regrette.
Avec ce texte, vous participez encore un peu plus, même si c'est de façon modeste, à creuser des déficits que nos enfants devront payer un jour. Aussi est-ce sans aucun état d'âme que nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les modifications issues des travaux des assemblées, pas plus que le texte élaboré par la commission mixte paritaire, n'ont pu faire évoluer la position des députés communistes et républicains sur ce projet.
La seule disposition que nous soutenons réside dans la possibilité offerte à l'entrepreneur individuel de dissocier son patrimoine personnel d'un patrimoine d'affectation destiné à gager ses créances professionnelles.
En l'état actuel du droit, les conséquences de la défaillance d'une entreprise individuelle – soit un quart des défaillances d'entreprises en France – sont désastreuses pour l'entrepreneur, dans la mesure où, aux termes de l'article L. 2284 du code civil, les créanciers peuvent se payer sur la totalité du patrimoine de leur débiteur.
Cette nouveauté permettra à l'avenir de limiter de manière significative le risque encouru par un entrepreneur individuel de voir ses biens propres saisis par ses créanciers. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Ici s'arrête cependant notre soutien.
Car rien n'est prévu dans votre texte pour limiter, voire empêcher le contournement, par les futurs créanciers, de cette sûreté pour l'entrepreneur.
L'existence d'un patrimoine affecté n'empêchera en rien les établissements bancaires d'exiger des sûretés réelles constituées sur un patrimoine personnel, afin de garantir un emprunt nécessaire à la poursuite de l'activité de l'entrepreneur et d'en faire la condition de l'octroi du prêt. Il pourrait même constituer une incitation forte en la matière puisqu'il limite les garanties offertes par l'entrepreneur aux organismes bancaires en vue de l'obtention d'un prêt.
Or, à l'heure actuelle, la difficulté majeure à laquelle sont confrontés les entrepreneurs individuels ne tient pas tant au remboursement des crédits en cas de faillite qu'à l'accès au crédit. Sans dispositions relatives à l'accès au crédit pour les entrepreneurs individuels, l'efficacité de votre projet est donc soumise à caution.
La transformation d'OSEO ne répond à nos yeux que partiellement et de manière très insatisfaisante à cette préoccupation. S'il est légitime que la puissance publique organise un cadre propice au développement des entreprises individuelles, nous ne pouvons, sur ces bancs, cautionner un mécanisme qui consiste à mobiliser de l'argent public pour atténuer les effets sur les entrepreneurs des contraintes disproportionnées que leur imposent les organismes de crédit. À l'évidence, le dispositif revient à donner un blanc-seing à ces organismes, sans pour autant garantir l'accès au crédit des entrepreneurs.
Nous ne pouvons par ailleurs que nous indigner du maintien en CMP de l'article 1er bis AA, qui autorise la création d'une entreprise individuelle par un mineur, le rendant de fait titulaire d'un patrimoine d'affectation. Une telle nouveauté expose les jeunes, au nom de la liberté d'entreprendre et de la volonté du Gouvernement de mettre fin à la défiance française vis-à-vis des entreprises, à l'instrumentalisation de leur volonté d'entreprendre par leurs responsables légaux.
La création de nouvelles niches fiscales, quand bien même elles sont destinées à soutenir la création d'entreprises, nous semble anachronique en cette période de rigueur et d'austérité budgétaire annoncée pour notre pays qui connaît de graves difficultés financières et un déficit public abyssal.
Sous le vernis d'une meilleure protection des entrepreneurs individuels, votre texte est encore une fois emblématique et révélateur de l'inadaptation de vos réformes face à la montée du chômage. Faute de véritable politique de l'emploi, sans parler de l'échec de votre politique en faveur du pouvoir d'achat, de votre complaisance à l'égard des organismes financiers qui serrent les cordons du crédit, et des entreprises peu scrupuleuses qui préfèrent sous-traiter leurs anciens salariés en les maintenant dans une situation servile, vous bricolez la loi.
Car, pour Mme Parisot, du MEDEF, l'entreprise individuelle est une aubaine. Le nouvel entrepreneur ne compte pas ses heures et l'ancien employeur devenu client échappe à ses obligations légales : pas de contrat de travail, pas de durée légale du travail, pas de temps de repos obligatoires, pas de congés à respecter. Mais, surtout, un paiement à la prestation ou à la livraison remplace le salaire minimum, et le licenciement ne pose plus de problème. De son côté l'auto-entrepreneur perd tous les droits et garanties attachés au contrat de travail : représentation syndicale, allocations chômage, congés payés, congés maternité et tant d'autres.
Ces nouveaux statuts sont d'ores et déjà la variable d'ajustement des entreprises de taille moyenne et des grandes entreprises pour baisser le coût du travail et accroître leurs profits en jouant, grâce à la concurrence entre indépendants, sur les prix des prestations et, donc, sur le niveau des revenus.
Or, d'après l'Observatoire des inégalités, le taux de pauvreté des indépendants est deux fois supérieur à la moyenne française, alors qu'ils ne représentent que 10 % des actifs. Un actif pauvre sur cinq est un travailleur indépendant, et 65 % des auto-entrepreneurs gagnent en moyenne 775 euros par mois.
Au-delà des lacunes et des dispositions inacceptables de votre texte, et en dépit de la sécurisation du patrimoine des entrepreneurs individuels, c'est bien le modèle de société porté par vos réformes successives et régressives que nous entendons dénoncer en votant contre ce texte.
Monsieur le secrétaire d'État, nous avons eu raison de faire allusion tout à l'heure à l'un de vos illustres prédécesseurs, M. Dutreil. Il avait à l'époque une petite entreprise de marketing, mais il n'était pas très dangereux, car ce qu'il faisait ne servait à rien. Personne, d'ailleurs, n'y a cru. Créer son entreprise avec un euro en un jour, c'était une grande annonce. On a bien vu que ce projet était totalement irresponsable, inconséquent et que personne ne pouvait créer une entreprise dans ces conditions.
Vous, monsieur le secrétaire d'État, vous avez une petite entreprise de dérégulation qui marche plutôt bien et qui s'agrandit. Il faut le reconnaître, vous ne vous contentez pas des effets d'annonce, vous faites le nécessaire pour mettre en place le dispositif que vous proposez.
En effet !
C'est en cela que vous êtes un entrepreneur dont nous nous méfions beaucoup, car ce que vous faites a un impact. Vous ne le faites pas pour rien. Je tenais à vous rendre cet hommage.
Ce n'est pas que je sois d'accord avec vous, mais je vous prends toujours au sérieux lorsque vous lancez des dispositifs…
…car, malheureusement, ils ont des suites concrètes et on ne constate leurs dégâts que des années après.
Jean Gaubert l'a dit, la mesure concernant le patrimoine affecté part d'un bon sentiment, mais elle va surtout créer des illusions perdues. Nous vous avions alertés à l'occasion d'autres textes. L'histoire nous a ensuite donné raison, et je pense qu'elle le fera une fois encore. Mais, je le répète à l'intention de toutes les catégories d'entreprises individuelles, nous sommes d'accord sur le patrimoine affecté et sur le périmètre affecté à une prise de risque mesurée. Nous sommes également d'accord sur le statut d'auto-entrepreneur pour démarrer une activité, favoriser le passage de salarié à entrepreneur, avec une durée de un an, autrement dit un dispositif parfaitement cadré, qui vise à donner une impulsion.
Vous y venez !
Nous avons toujours dit que nous étions d'accord sur ce point.
En revanche, lorsqu'il s'agit de permettre à des gens qui ont de grosses retraites de gagner encore mieux leur vie et d'empêcher les autres de travailler, lorsqu'il s'agit de permettre à des entrepreneurs d'externaliser leurs salariés, nous ne sommes plus d'accord.
Et les chômeurs ?
C'est toujours le même problème avec vous, monsieur le secrétaire d'État, vous voulez tellement bien faire que vous en faites trop !
On n'en fait jamais trop !
Et, en en faisant trop, vous vous détournez complètement de l'objet initial de votre démarche. La « Novelli société » s'organise toujours un peu de la même façon. Au final, cette réforme en vient à compliquer plus encore les choses, en cumulant les dispositifs et les statuts, et à créer ce qui peut s'apparenter à de nouvelles niches fiscales. Cela a été démontré et, même si cela vous agace, c'est la vérité. Dans le même temps, le Premier ministre annonce la mise au pain sec des finances publiques et la chasse à ces fameuses niches. Peut-être, d'ailleurs, le Premier ministre n'a-t-il pas vu ce que vous préparez avec ce texte.
Mais laissons de côté cette apparente contradiction, sur laquelle nous serons bientôt amenés à débattre plus en profondeur, et venons-en à quelques points de désaccord.
Rien n'empêchera jamais les banques ou les fournisseurs de demander toujours des cautions hors patrimoine affecté. D'ailleurs, les banques nous l'ont dit. Lorsque le président Ollier, qui organise des auditions de grande qualité au sein de la commission des affaires économiques, a invité les banquiers, ils ne se sont pas privés de le dire : ils ne se contenteraient pas de faire porter le risque sur le seul patrimoine affecté si on leur demandait plus d'argent que celui-ci n'en comporte comme caution.
Et OSEO ?
Chacun l'a bien compris, il s'agit malheureusement d'une sorte d'illusion, d'un rêve inaccessible.
J'évoquerai maintenant un autre élément, que vous avez, monsieur le secrétaire d'État, un peu corrigé, Mme de La Raudière étant, pour sa part, allée très loin. En matière de dérégulation, elle pousse parfois le bouchon plus loin que vous. Vous avez trouvé là votre maître ! (Sourires.)
J'apprécie beaucoup Mme de La Raudière !
Vous avez parfois essayé de la freiner et le Sénat a un peu corrigé la question de la rétroactivité par rapport aux créanciers des foyers dont l'un des membres – parents ou enfants – créera son entreprise individuelle.
Cependant, je vois là un motif d'inconstitutionnalité, car le dispositif n'est pas encore assez précis.
En ce qui concerne le tarissement des recettes de l'État, que vous confortez dans votre dispositif, avec le droit à l'option à l'impôt sur les sociétés, ce sont les contributions sociales que vous attaquez. La clause anti-abus que vous avez prévue n'empêchera pas les optimisations, puisqu'il sera même possible de créer plusieurs patrimoines affectés. Autrement dit, votre système pourra offrir plusieurs fois cette possibilité au mari, à sa femme et à leurs enfants. C'est incroyable ! Vous faites vraiment preuve de génie ! C'est un peu comme si, au Loto, il y avait une grille gagnante par famille. Je ne sais pas où cela va nous mener, mais il est clair que c'est l'occasion, pour certains, d'échapper à l'impôt et aux cotisations sociales, alors que nous en avons grand besoin dans cette période où la solidarité doit jouer pleinement.
Pour le coup, le patrimoine affecté est détourné de son objet initial, puisqu'il s'agit simplement de créer, une fois de plus, un effet d'aubaine. Qu'est devenue la promesse qu'avait faite l'UMP, en 2005, d'un retour à l'équilibre de la sécurité sociale en 2010 ? Tout cela est bien loin ! Hier, vous êtes allé jusqu'à prôner l'équité pour mieux fiscaliser les accidentés du travail, que vous n'hésitez pas à punir. C'est la double peine ! Aujourd'hui, votre conception de l'équité, une fois de plus, prend sérieusement l'eau.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez défendu votre projet en faisant valoir qu'il ne fallait pas contrarier le choix des Français. Autrement dit, il ne faut pas contrarier l'envie de gagner plus ou de boucler ses fins de mois quand les salaires – y compris avec heures supplémentaires – et les retraites stagnent, que le chômage explose, que la fonction publique n'a plus de perspectives ni pour les jeunes ni pour les fonctionnaires en place. Si les Français font le choix de se bercer d'illusions, ils ne seront pas déçus, car c'est le chemin sur lequel vous les menez aujourd'hui.
Vous asséchez les perspectives pour en revenir toujours à la même solution : créez vous-même votre propre richesse. La richesse individuelle comblera le déficit de la richesse collective, celle qu'assure le paiement des cotisations sociales, celle qui permet à la collectivité de pallier la défaillance économique individuelle. Avouez, chers collègues, qu'à la veille du débat sur le financement des retraites, tout cela est tout de même assez cocasse !
Autre innovation, vous ouvrez aux mineurs le droit de créer eux-mêmes leur richesse en devenant entrepreneur individuel. C'est un nouveau concept de la formation en alternance ou de la création de pépinières d'entreprises. Là aussi, il y a un petit problème : les parents sont responsables de leurs enfants tant que ceux-ci sont mineurs. Comment sera traité le problème de la responsabilité, s'agissant du patrimoine affecté ? La question du patrimoine affecté et de la communauté de biens avec le conjoint qui n'est pas l'entrepreneur reste également posée. Tout cela nous amènera, monsieur le secrétaire d'État, à saisir le Conseil constitutionnel afin de tenter de caler deux ou trois points qui nous semblent quelque peu en dehors des clous.
Les artisans vous remercieront !
Ils ne nous remercieront pas ! Nous sommes là pour appliquer la loi dans le cadre de notre loi fondatrice !
Ils apprécieront !
Mais je suis confiant !
Si les rapporteurs et les ministres sont défaillants dans le respect de la Constitution et dans la transcription de certaines directives, nous en jugerons. C'est le droit, monsieur le secrétaire d'État, et rien d'autre.
Bien sûr !
En conclusion, nous disons oui à la protection des entrepreneurs individuels contre d'irréparables conséquences pour eux et leurs familles lorsqu'ils prennent des risques, mais nous rappelons qu'il convient de toujours faire preuve de responsabilité et de ne jamais agir au détriment d'autres fournisseurs, c'est-à-dire d'autres entrepreneurs.
Monsieur le secrétaire d'État, vous deviez écrire une nouvelle sur l'adaptation du droit à la nécessité d'affecter un périmètre maîtrisé au risque d'entreprendre et nous étions prêts à vous suivre, mais vous n'avez pas pu vous retenir…
Mon cher collègue, j'ai fait preuve d'indulgence à votre égard. Je vous remercie de conclure.
… et vous avez, une fois de plus, écrit un nouveau tome du « Grand Livre de la dérégulation ». C'est la raison pour laquelle nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La discussion générale est close.
Je n'ai reçu aucune demande d'explication de vote.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Prochaine séance, mardi 18 mai à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma