Cependant, je vois là un motif d'inconstitutionnalité, car le dispositif n'est pas encore assez précis.
En ce qui concerne le tarissement des recettes de l'État, que vous confortez dans votre dispositif, avec le droit à l'option à l'impôt sur les sociétés, ce sont les contributions sociales que vous attaquez. La clause anti-abus que vous avez prévue n'empêchera pas les optimisations, puisqu'il sera même possible de créer plusieurs patrimoines affectés. Autrement dit, votre système pourra offrir plusieurs fois cette possibilité au mari, à sa femme et à leurs enfants. C'est incroyable ! Vous faites vraiment preuve de génie ! C'est un peu comme si, au Loto, il y avait une grille gagnante par famille. Je ne sais pas où cela va nous mener, mais il est clair que c'est l'occasion, pour certains, d'échapper à l'impôt et aux cotisations sociales, alors que nous en avons grand besoin dans cette période où la solidarité doit jouer pleinement.
Pour le coup, le patrimoine affecté est détourné de son objet initial, puisqu'il s'agit simplement de créer, une fois de plus, un effet d'aubaine. Qu'est devenue la promesse qu'avait faite l'UMP, en 2005, d'un retour à l'équilibre de la sécurité sociale en 2010 ? Tout cela est bien loin ! Hier, vous êtes allé jusqu'à prôner l'équité pour mieux fiscaliser les accidentés du travail, que vous n'hésitez pas à punir. C'est la double peine ! Aujourd'hui, votre conception de l'équité, une fois de plus, prend sérieusement l'eau.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez défendu votre projet en faisant valoir qu'il ne fallait pas contrarier le choix des Français. Autrement dit, il ne faut pas contrarier l'envie de gagner plus ou de boucler ses fins de mois quand les salaires – y compris avec heures supplémentaires – et les retraites stagnent, que le chômage explose, que la fonction publique n'a plus de perspectives ni pour les jeunes ni pour les fonctionnaires en place. Si les Français font le choix de se bercer d'illusions, ils ne seront pas déçus, car c'est le chemin sur lequel vous les menez aujourd'hui.
Vous asséchez les perspectives pour en revenir toujours à la même solution : créez vous-même votre propre richesse. La richesse individuelle comblera le déficit de la richesse collective, celle qu'assure le paiement des cotisations sociales, celle qui permet à la collectivité de pallier la défaillance économique individuelle. Avouez, chers collègues, qu'à la veille du débat sur le financement des retraites, tout cela est tout de même assez cocasse !
Autre innovation, vous ouvrez aux mineurs le droit de créer eux-mêmes leur richesse en devenant entrepreneur individuel. C'est un nouveau concept de la formation en alternance ou de la création de pépinières d'entreprises. Là aussi, il y a un petit problème : les parents sont responsables de leurs enfants tant que ceux-ci sont mineurs. Comment sera traité le problème de la responsabilité, s'agissant du patrimoine affecté ? La question du patrimoine affecté et de la communauté de biens avec le conjoint qui n'est pas l'entrepreneur reste également posée. Tout cela nous amènera, monsieur le secrétaire d'État, à saisir le Conseil constitutionnel afin de tenter de caler deux ou trois points qui nous semblent quelque peu en dehors des clous.