La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires (n° 1643).
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, voici sept mois – c'était le 14 octobre 2008 – que j'ai présenté devant votre Assemblée la loi de finances rectificative pour le financement de l'économie.
Un mois – presque jour pour jour – après la faillite de la banque Lehman Brothers, le monde se retrouvait au bord du précipice. Plusieurs banques étaient proches de la faillite, les établissements financiers sains ne trouvaient plus le financement nécessaire à leur activité et la défiance généralisée conduisait à une paralysie du système financier et de nos économies.
Sous l'impulsion du Président de la République, alors président du Conseil de l'Union européenne, nous avons défini et mis en oeuvre des solutions coordonnées afin d'éviter que la crise financière, née aux Etats-Unis, n'entraîne l'effondrement du système financier européen.
Les instruments dont vous avez autorisé la création dans le cadre du plan de soutien au financement de l'économie ont démontré leur efficacité, et suscitent d'ailleurs l'envie d'un certain nombre de pays européens.
Ainsi, à ce jour, la Société de financement de l'économie française – la SFEF – a émis près de soixante milliards d'euros, qui couvrent la moitié des besoins de refinancement à moyen et long termes des banques françaises. Les fonds propres des établissements bancaires français ont été renforcés à hauteur de treize milliards d'euros dans le cadre de deux tranches de recapitalisation mises en place par l'État, au travers de la Société de prises de participation de l'État – la SPPE. Je précise que la deuxième tranche n'est encore que partiellement consommée.
L'institution du médiateur du crédit joue un rôle très utile pour aider les entreprises dans leurs relations avec les établissements bancaires. Là encore, plusieurs pays étrangers souhaitent imiter le modèle français.
Dans le même temps, aux côtés des gouvernements belge et luxembourgeois, les autorités françaises ont participé au sauvetage de la banque Dexia en la recapitalisant, en lui apportant une garantie de refinancement et en l'aidant à réduire ses risques aux États-Unis. Alors qu'elle était au bord de la faillite en octobre, Dexia a dégagé un bénéfice de l'ordre de 250 millions d'euros au premier trimestre de cette année. Ce plan d'urgence a porté ses fruits : les encours de crédit aux ménages, aux entreprises et aux collectivités locales continuaient en mars de progresser au rythme de 6,6 % en glissement annuel. Les taux d'intérêts se sont réduits sous l'effet de l'action de la Banque centrale européenne. Les conditions d'octroi de crédit commencent à se desserrer, comme le souligne la Banque de France. Notons toutefois que la progression des encours de crédit – qui reste positive – s'est ralentie ces derniers mois, sous l'effet notamment de la crise économique et de l'attentisme des ménages français sur l'acquisition de biens immobiliers.
Au-delà de la réponse d'urgence à la crise financière, la France a défendu, dans le cadre du G20, un ambitieux programme de réformes afin que les excès du passé – excès de crédit, excès de complexité, excès de cupidité – ne se reproduisent pas. Les nouvelles règles que le G20 a définies doivent imposer à tous les acteurs du secteur davantage de responsabilité et de transparence. Nous menons ce combat au niveau européen, mais aussi par le biais de dispositifs nationaux.
C'est dans ce contexte que je souhaiterais vous exposer les objectifs du rapprochement entre les caisses d'épargne et les banques populaires ainsi que le rôle que l'État y joue, et vous décrire l'organe que créera le projet de loi qui vous est soumis.
Ce que nous examinons, c'est l'accélération du rapprochement entre les caisses d'épargne et les banques populaires. Je tiens à remercier le rapporteur général de la commission des finances, M. Gilles Carrez, pour son excellent rapport constitué tout à la fois de son appréciation et de son analyse personnelle des auditions en commission, que je remercie le président Migaud d'avoir bien voulu organiser dans un tel esprit. J'ajoute que ce rapport comporte des annexes qui permettent de comprendre à la fois l'histoire du mouvement mutualiste, l'histoire de chacune des deux institutions concernées et les raisons pour lesquelles ce rapprochement est souhaitable.
Voulu par les deux groupes et annoncé en octobre dernier, ce rapprochement tire les enseignements de la crise financière que nous avons traversée. Il est fondé sur le constat – dorénavant partagé par tous – que la banque universelle constitue le modèle le plus robuste pour faire face aux turbulences financières, contrairement à la séparation, observée ailleurs, entre banques de détail d'un côté et banques de financement et d'investissement de l'autre.
Ce rapprochement donnera naissance au deuxième groupe bancaire français, avec 34 millions de clients – oui, 34 millions de clients ! –, plus de 7 millions de sociétaires, 7 700 agences et près de 110 000 collaborateurs. Pour autant, cette union est loin de constituer une fusion pure et simple : les deux réseaux – comme vous l'avez constaté dans le projet – demeureront distincts, et l'on pourra toujours voir dans les villes françaises la croix blanche sur fond bleu des banques populaires et l'écureuil stylisé, blanc sur fond rouge, des caisses d'épargne, forgeant ainsi l'alliance des bleus et des rouges.
Les deux groupes partagent une culture coopérative commune qu'ils conserveront dans l'opération, les caisses d'épargne, qui contribuent à la lutte contre l'exclusion bancaire, au financement du logement social et à l'amélioration du développement économique, autant que les banques populaires, qui sont attachées au développement de la culture de l'entreprenariat et qui financent une fondation pour développer ces valeurs.
Ce rapprochement permettra au nouveau groupe d'atteindre deux objectifs. Tout d'abord, il confortera la solidité financière des deux groupes. Dans le respect des deux identités et des deux marques, le nouveau groupe pourra s'appuyer sur deux réseaux autonomes et complémentaires : l'un – le réseau des caisses d'épargne – sera plutôt orienté vers le crédit aux particuliers tandis que l'autre, celui des banques populaires, sera davantage tourné vers le crédit aux entreprises. Fort d'une activité plus diversifiée reposant sur tout l'éventail des métiers de la banque de détail sur un marché domestique, le groupe renforcera ainsi son positionnement comme banque universelle de dépôts. Les synergies que permettra ce rapprochement ne remettront donc pas en cause l'identité de chacun des deux réseaux.
Autre avantage : ce rapprochement permettra d'améliorer le pilotage de Natixis, avec une gouvernance claire et simplifiée. Un actionnaire unique au lieu de deux : voilà évidemment ce qu'il faut à Natixis pour affronter l'avenir. Natixis – vous le savez – regroupe pour l'essentiel des activités de banque de financement et d'investissement, qui sont les plus exposées à la crise financière. C'est sur ce même segment d'activités que les grandes banques françaises et internationales ont enregistré l'essentiel de leurs pertes depuis le début de la crise financière. Les pertes de Natixis doivent donc être relativisées à l'échelle du nouveau groupe qui rassemble les caisses d'épargne et les banques populaires. En effet, leur rapprochement permettra d'intégrer Natixis dans un ensemble au profil plus diversifié et assis sur des réseaux solides et des métiers moins volatils que la stricte banque de financement et d'investissement.
Natixis a par ailleurs engagé un plan de réduction de ses risques, grâce à la mise en gestion extinctive de certains actifs. Ce portefeuille, dont on peut dire dans ces conditions qu'il est « cantonné », couvre 33,7 milliards d'euros de risques pondérés. Il comprend les actifs dits « toxiques » de Natixis, à savoir les actifs exposés à la crise immobilière américaine, mais également des actifs de marché complexes tels que les dérivés de taux ou les structurés de fonds. Ce portefeuille, qui s'apparente donc en quelque sorte à une structure interne de cantonnement, fait l'objet d'un suivi rapproché de la part de la Commission bancaire, en sus du suivi « classique » de l'établissement réalisé par le superviseur.
Les pertes de Natixis au premier trimestre 2009 s'expliquent par les pertes enregistrées sur ce portefeuille en gestion extinctive, le reste de ses activités dégageant des bénéfices. Le rapprochement des caisses d'épargne et des banques populaires permettra donc d'améliorer la gouvernance de cette filiale et de l'intégrer dans un groupe au profil de risque beaucoup moins élevé.
Cette union passe par la création d'un organe central commun, détenu à parité entre les deux groupes. Une telle opération relève du domaine législatif – tout comme il avait été nécessaire de passer par la loi pour créer les organes centraux des banques populaires et des caisses d'épargne en leur temps.
Dans ces conditions, il va de soi que l'État souhaite accompagner cette union qui, je vous le rappelle, ne procède pas de la volonté de l'exécutif, mais de celle des deux groupes, qui l'avaient d'ailleurs annoncée et anticipée depuis longtemps. Dans le cadre des opérations de renforcement des fonds propres des banques pour soutenir le financement de l'économie, le Gouvernement s'est engagé à accompagner la création du nouveau groupe par un apport de fonds propres, à hauteur de cinq milliards d'euros, qui seront affectés au titre de la deuxième tranche que j'évoquais à l'instant.
L'État réalisera cet apport de fonds propres, d'une part, dans les conditions de droit commun sous la forme de titres super-subordonnés à concurrence de 2 milliards d'euros, titres qui pourront être souscrits avant le 31 août par les deux groupes, comme c'est le cas pour les autres établissements bancaires français qui n'auraient pas auparavant fait appel à ce refinancement complémentaire.
D'autre part, l'État apportera au nouveau groupe un complément de fonds propres sous la forme d'actions de préférence sans droit de vote pour un montant de 3 milliards d'euros, actions qui seront émises par le nouvel organe central, une fois la fusion réalisée. Ces apports permettront au nouveau groupe de bénéficier d'une structure financière robuste et pérenne et d'afficher un ratio de solvabilité « Tier 1 » proche de 9 %, à l'instar des banques européennes les mieux capitalisées à ce jour.
Toutes les conditions sont réunies pour assurer l'intégrité de l'investissement de l'État, objectif qui est au coeur de la démarche du Gouvernement et que souligne dans son rapport votre rapporteur général. Les actions de préférence seront injectées au niveau du nouvel organe central. La rémunération et le remboursement de cet apport seront en revanche assis sur l'ensemble du groupe.
L'apport en fonds propres de 5 milliards d'euros dépasse de 3 milliards d'euros l'apport proposé aux autres banques de la place. Ce surcroît, sur lequel j'ai eu l'occasion de m'expliquer en détail devant la commission des finances, a été approuvé par la Commission européenne le 8 mai dernier.
Bien entendu, là comme ailleurs, l'État a demandé des contreparties.
Il disposera tout d'abord de droits de gouvernance dans le nouveau groupe. Le nouvel organe central possédera un directoire et un conseil de surveillance. Celui-ci comprendra, outre deux représentants des salariés, dix-huit membres : sept issus du groupe Banque Populaire, sept issus du groupe Caisse d'Épargne et quatre désignés sur proposition de l'État, dont deux membres indépendants.
Par ailleurs, à partir de la cinquième année, les actions seront convertibles en actions ordinaires, de sorte que l'État pourra détenir au maximum 20 % du capital du nouvel organe central. Cette clause de conversion constitue une incitation au remboursement de l'État. Matériellement, cette conversion se traduira par l'émission de bons de souscription d'actions au profit de l'État.
Grâce à ce projet de loi, nous vous proposons la création d'un nouvel organe central
Non seulement l'État accompagne cette union, mais il doit tout simplement la rendre possible, en passant par la loi. En effet, le code monétaire et financier contient pour les réseaux bancaires mutualistes et coopératifs des dispositions spécifiques qui impliquent la création d'un organe central. Dans un réseau mutualiste, celui-ci est une sorte de tête de réseaux. Il dispose de pouvoirs étendus en matière de gestion de la liquidité au sein du groupe.
L'organe central comprendra les principales filiales des deux groupes : Natixis, Société Marseillaise de Crédit, la Société d'Investissement du groupe Banque Populaire, Financière Océor, le groupe des Caisses d'Epargne Assurances, BCP France, BCP Luxembourg, DV Holding et la participation indirecte de 17,7 % dans la CNP. Les moyens techniques et humains des banques populaires et des caisses d'épargne nécessaires à l'exercice des missions d'organe central seront également rassemblés dans cette nouvelle entité. Les filiales du pôle immobilier des deux groupes – Crédit Foncier de France, Nexity, Foncia, Meilleur Taux –, ainsi que les autres participations des deux organes centraux, notamment Banca Carige, Banque Palatine, DZ Bank et Ma Banque – seront dans un premier temps conservées par leurs banques respectives.
Le projet de loi prévoit que le nouvel organe central sera créé sous forme d'une société anonyme et détenu à la majorité absolue du capital social et des droits de vote par les caisses d'épargne et les banques populaires : c'est l'objet de l'article 1er qui énonce également les missions du nouvel organe central, à savoir notamment la définition des orientations stratégiques du groupe, la coordination des politiques commerciales des deux réseaux, la représentation du groupe et des réseaux auprès des organismes de place et pour conclure des accords nationaux et internationaux, l'adoption des mesures nécessaires pour garantir la liquidité et la solvabilité du groupe, la définition des principes et conditions d'organisation du contrôle interne et de la politique de gestion des risques.
L'article 4 prévoit le transfert des actifs et des passifs de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de la Banque fédérale des banques populaires vers le nouvel organe central, ainsi que le transfert de l'ensemble des personnels et des moyens financiers et techniques nécessaires à l'accomplissement des missions définies à l'article 1er. Ces transferts emporteront les effets d'une transmission universelle de patrimoine vers le nouvel organe central et seront opposables aux tiers, sans autre formalité. Ils n'ouvrent pas droit à remboursement anticipé ou à modification de ces contrats.
Les porteurs des instruments financiers concernés seront informés de ces transferts.
À l'article 5 figurent les dispositions relatives à l'organisation du dialogue social au sein du nouveau groupe. L'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires agira en qualité de groupement patronal pour le compte de ces deux réseaux. Le projet de loi constitue une garantie pour les personnels de ces derniers puisqu'ils conserveront leur statut actuel – nécessité que nous avions présente à l'esprit en constituant ce groupement patronal.
Vous le voyez, il s'agit d'un texte technique pour un projet qui est, lui, hautement stratégique : l'union de deux grands groupes coopératifs français pour créer le deuxième groupe bancaire national.
Cette union confortera la solidité financière des banques populaires comme des caisses d'épargne. Le nouveau groupe pourra s'appuyer sur deux réseaux autonomes et complémentaires : l'un plutôt orienté vers le crédit aux particuliers, l'autre vers le crédit aux entreprises. Il fonctionnera ainsi comme une banque universelle de dépôts, le modèle financier qui a le mieux résisté à la crise, et sera un grand financeur de l'économie française, qu'il s'agisse des particuliers, des PME, des grandes entreprises ou des collectivités locales.
Je suis certaine que, grâce à la constitution d'un établissement de cette taille et de cette solidité, et à l'accompagnement de l'État, cette opération rencontrera un véritable succès et permettra au groupe Banques populaires-Caisses d'épargne de tenir un rang appréciable au sein du monde bancaire et financier français, mais aussi sur la scène européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous examinons un texte qui est en apparence court et économe, mais qui, en organisant le rapprochement de deux de nos plus grands réseaux bancaires coopératifs, permettra la réalisation d'un projet d'entreprise de grande ampleur, mais d'un projet qui aura aussi des implications financières lourdes pour l'État.
Ce projet a du sens, mais pas forcément parce que la création de ce groupe permettra de gagner en taille. Chacun des deux réseaux dispose d'une part de marché d'environ 10 % et il ne faut pas que l'effet de taille soit considéré systématiquement comme positif. Mais ces deux réseaux sont surtout complémentaires. Celui des caisses d'épargne a considérablement développé une activité de banque de détail auprès des particuliers ; celui des banques populaires est quant à lui le réseau vers lequel se tournent de préférence les artisans, les commerçants et les petites entreprises. Rapprocher ces deux réseaux a donc du sens. Dès lors qu'ils seront associés, tout en conservant leurs propres caractéristiques, ils disposeront de parts de marché substantielles, puisque celles-ci représenteront 22 % des dépôts et 20 % de l'activité bancaire. S'agissant de réseaux de détail, il y aura en outre des économies d'échelle qui permettront de développer en commun certains produits financiers pour le grand public, comme les assurances-vie et les produits d'épargne.
Une question essentielle, que vous avez évoquée, madame la ministre, et qui va nous préoccuper tout au long de ce débat est celle de Natixis. Aujourd'hui, les deux réseaux en sont actionnaires à parité, à hauteur de 35 %, mais on observe des dysfonctionnements dans le contrôle de cette filiale. Il faut espérer que l'organe central unifié exercera un rôle d'actionnaire plus actif et plus cohérent. La situation de Natixis va sans doute nécessiter beaucoup d'efforts, y compris de la part des pouvoirs publics.
La fusion entre caisses d'épargne et banques populaires est l'aboutissement d'un processus de long terme, mais le projet s'est précisé après la création de Natixis en 2006 et, surtout, avec l'apparition de la crise financière, qui a accéléré sa réalisation. Cette crise a en effet frappé les caisses d'épargne, qui ont connu, à l'automne, une perte de l'ordre de 750 millions d'euros, notamment sur leurs activités de comptes. En outre, Natixis connaît depuis plusieurs mois une situation très préoccupante. Elle a dû procéder à des dépréciations d'actifs conduisant à afficher une perte de 2,8 milliards d'euros en 2008 et – nous l'avons appris jeudi dernier – de 1,8 milliard pour le premier trimestre 2009. Cette dernière perte est, je ne vous le cache pas, madame la ministre, sensiblement supérieure à celle que nous pouvions attendre. Certains prévoyaient une perte de 900 millions ou 1 milliard d'euros.
En effet.
La recapitalisation de Natixis exige un effort très important de la part des deux actionnaires, le réseau des caisses d'épargne et celui des banques populaires, qui ont dû, dès septembre dernier, apporter 3,7 milliards de fonds propres. Ces fonds, il faut le souligner, proviennent des réseaux eux-mêmes, puisque nous sommes dans une situation juridique qui n'est pas celle d'une holding de tête contrôlant des réseaux : au contraire, ce sont les réseaux qui détiennent la structure de tête, à savoir, d'un côté, la Caisse nationale des caisses d'épargne, de l'autre, la Banque fédérale des banques populaires. Compte tenu de la situation de Natixis, il a donc fallu opérer une mobilisation de fonds propres à partir des réseaux décentralisés pour les faire remonter au niveau des structures de tête et éponger les pertes de cette filiale.
Par ailleurs, il a fallu mobiliser, dès l'automne 2008, la première tranche de 2 milliards d'euros mise en place grâce à la Société de prise de participation de l'État. La nouvelle perte, affichée au premier trimestre 2009, exige une mise de fonds de 3,5 milliards, laquelle se décompose en 1,5 milliard d'avances provenant des actionnaires et 2 milliards au titre du deuxième tirage, qui était d'ailleurs prévu pour toutes les banques au titre de la Société de prise de participation de l'État. Cela permet, pour le moment, de faire face à l'hémorragie due à Natixis.
Il est donc clair que l'accélération du rapprochement est due à la situation de Natixis, et l'une des questions essentielles que nous vous poserons, madame la ministre, consistera à nous demander où nous en sommes à cet égard et comment vous voyez l'avenir. Car c'est ce qui déterminera l'engagement de l'État, qui ne doit pas s'inscrire dans une opération de sauvetage de type Dexia. Mais ce n'est pas non plus l'intervention de droit commun que l'État, face à la crise bancaire, a pratiquée pour l'ensemble des grands établissements financiers. Il s'agit d'un dispositif intermédiaire.
Nous devons avoir les chiffres en tête, mes chers collègues. L'État met en place, au titre de la première tranche, 2 milliards sous forme de titres subordonnés, et 2 milliards au titre de la deuxième tranche. En outre, pour 3 milliards d'euros d'actions de préférence seront émises par le nouvel organe central et souscrites par l'État. Celles-ci pourront, après un délai de cinq ans, être converties en actions ordinaires.
La politique conduite par l'État vise à préserver ses intérêts puisque ses mises de fonds seront largement rémunérées : à un taux de 8 % environ. Et ce taux augmentera avec le temps pour qu'il y ait une forte incitation à rembourser ledit État. Cela exigera bien entendu de chacun des deux réseaux qu'il reconstitue des marges,…
… ce qui n'ira peut-être pas sans quelques difficultés, nous devons en être conscients, en particulier pour le réseau des caisses régionales.
Il y a donc sans doute quelque part une certaine contradiction : certes, l'État, conduit à injecter dans des banques des fonds importants, demande des rémunérations importantes, mais n'a pas l'intention de rester ; cependant, dans trois, quatre ou cinq ans, il sera peut-être encore largement présent dans ces structures. À l'occasion de ce débat, madame la ministre, nous devons donc essayer de nous projeter aussi précisément que possible dans l'avenir.
Nous l'avons tous toujours dit – majorité comme opposition – : les intérêts de l'État, lorsqu'il intervient dans les banques, doivent être protégés.
On ne peut donc pas critiquer le fait que l'État s'implique fortement dans la gouvernance de ce nouvel organe central et considérer, par ailleurs, qu'il ne donne pas suffisamment de suites à ses interventions dans le secteur bancaire.
L'État intervient énormément, c'est vrai, dans le domaine de la gouvernance et des finances. Pour ma part, je m'en réjouis. En effet, à partir du moment où l'État engage des fonds publics – les fonds du contribuable –, il est normal qu'il ait un droit de regard.
Dans le nouvel organe central, mais cela ne figure pas dans le texte de loi, il aura quatre représentants : deux qui le représenteront directement et deux personnalités qualifiées, qui le représenteront indirectement…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !
C'est ce qui compte. Il y aura deux représentants des administrations et deux personnalités qualifiées.
J'en viens à quelques observations sur le texte de loi lui-même parce que, bien évidemment, tous les développements auxquels je viens de me livrer ne se retrouvent pas dans le texte de loi, qui se borne à créer le nouvel organe central et à définir sa gouvernance.
Le projet de loi dispose – et c'est un point essentiel – que cet organe central reste un organe coopératif, que les réseaux ont un caractère coopératif et régional – donc, cher collègue Dominique Baert, également décentralisé.
L'organe central est détenu majoritairement par deux réseaux dont le caractère coopératif est réaffirmé par le projet de loi.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Par ailleurs, les dispositions de la loi de 1947 qui régissent le statut mutualiste ou coopératif ne sont pas abrogées. Le caractère coopératif est donc parfaitement assuré. C'est fondamental. En effet, le statut coopératif se distingue du statut normal en ce qu'il implique la présence de sociétaires et que le profit y est perçu comme un moyen de développer certaines actions propres au groupe : promotion de l'esprit d'entreprise, mission d'intérêt général, notamment.
Les statuts des salariés ne sont pas modifiés. Le statut de la banque populaire, qui devient une branche à part entière, est conservé tout comme celui de la caisse d'épargne. Plusieurs branches seront organisées dans le cadre des deux réseaux afin de conserver leur spécificité. Par ailleurs, puisque l'organe central sera composé des personnels des deux réseaux, on se donne un délai de quinze mois pour savoir à quel statut le rattacher.
Cet organe central jouera le même rôle que la Banque fédérale et la Caisse nationale des caisses d'épargne.
J'ai inséré dans mon rapport un tableau comparatif pour prouver qu'il est inexact d'affirmer que sa création induira un supplément de centralisation.
Toutefois, et je terminerai par ce point, la gouvernance au sein de cet organe central est, à nos yeux, un sujet essentiel. Nous pensons, madame la ministre, qu'au sein de ce qui devrait se présenter sous forme de conseil de surveillance – c'est en tout cas ce que prévoit le protocole –, les représentants directs des sociétaires – pour être clair les présidents des caisses régionales ou des banques régionales – doivent détenir la majorité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
La commission a adopté un amendement qui va dans ce sens et assurera un bon équilibre.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Compte tenu des défis à relever, tels que la situation de Natixis, la gouvernance doit être solide et doit garantir à la fois une unité de commandement et le statut coopératif, décentralisé, régionalisé auquel les sociétaires sont particulièrement attachés.
C'est ainsi que reviendra la confiance nécessaire à la réussite de ce beau projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté a un caractère principalement technique. Il se borne à créer l'organe central du futur groupe, sous la forme d'une société anonyme à conseil de surveillance et directoire et à lui attribuer des prérogatives sur les entreprises affiliées. Toutefois, il donne l'occasion de poser les questions de gouvernance : celle, particulière à ce groupe, qui concerne la représentation des sociétaires au conseil de surveillance de l'organe central et celle, plus générale, de la représentation de l'État dans les organes de décision des entreprises auxquelles il apporte des fonds publics. Enfin, la situation dans laquelle se trouve la filiale Natixis des deux groupes actuels est particulièrement préoccupante et incite à s'interroger sur les conditions dans lesquelles les banques de financement et d'investissement doivent fonctionner.
L'organe central du groupe représentera le groupe et les réseaux. Il revêtira la forme d'une société anonyme régie par un conseil de surveillance et un directoire. Le conseil sera composé, vous l'avez souligné, madame la ministre, de dix-huit membres, dont quatorze pour les deux réseaux qui se partageront les postes à égalité. Qui dit statut coopératif dit sociétaires, lesquels seront représentés au conseil, via les quatorze sièges réservés aux réseaux. Mais de quelle façon ? À quel niveau ? La loi ne le précise pas. Votre audition, madame la ministre, et celle des dirigeants des deux groupes actuels n'ont pas encore permis d'éclaircir ce point. Les événements ont montré, par l'exemple des caisses d'épargne, qu'une centralisation excessive portait atteinte à ce qui fait la force de réseaux de cette nature – leur culture mutualiste – et n'assurait pas convenablement la protection des intérêts des sociétaires. Il convient d'en tirer les enseignements en faisant toute leur place à ces sociétaires, en leur donnant la majorité. C'est un point sur lequel des assurances doivent être données à la représentation nationale. La commission des finances vient d'adopter un amendement de Dominique Baert en ce sens.
Deuxième sujet, qui a également trait à la gouvernance du futur groupe : la place et le rôle de l'État dans les entreprises aidées. La loi de finances rectificative du 16 octobre 2008 a mis en place un dispositif de soutien au financement de l'économie par l'apport de refinancements aux établissements de crédit par la Société de financement de l'économie française et par la souscription par la Société de prise de participation de l'État de titres représentatifs de fonds propres prudentiels dans ces mêmes établissements. À ce titre, les caisses d'épargne et les banques populaires ont reçu respectivement 2,6 milliards et 4,2 milliards d'euros de prêts et elles ont vu leurs fonds propres renforcés de 1,1 milliard d'euros pour l'une et de 950 millions d'euros pour l'autre, sous forme de titres « supersubordonnés » à durée indéterminée, qui ne confèrent pas à l'État de droit de vote à l'assemblée générale des actionnaires, ce que j'ai pu, pour ma part, regretter.
À la faveur de leur fusion, un nouvel apport va être réalisé par l'État, à hauteur de 5 milliards d'euros : le groupe va émettre une nouvelle tranche de 2 milliards d'euros de titres « supersubordonnés ». Mais, ses besoins allant plus loin que ceux des autres banques – en mettant Dexia à part –, l'État va lui venir en aide plus qu'aux autres : l'organe central du groupe émettra pour 3 milliards d'actions de préférence. Ces actions ne confèrent pas non plus de droit de vote à l'État à l'assemblée générale. Si elles sont convertibles en actions ordinaires après un délai de cinq ans, dans la limite de 20 % du capital social de l'organe central, l'intention du groupe, comme de l'État, est celle d'un désengagement dès que possible. En attendant, l'État ne dispose d'aucun droit de vote aux assemblées générales d'actionnaires.
Certes, il siège au sein du conseil de surveillance : sur dix-huit membres, il en nommera deux qui le représenteront et deux indépendants. Certes, les décisions les plus importantes– prise ou cession de participation d'un montant supérieur à un milliard d'euros, augmentation de capital, proposition de modification statutaire susceptible d'affecter les droits des titulaires d'actions de préférence ou modifiant les modalités de la gouvernance notamment – ne pourront être prises qu'à la majorité de quinze membres sur dix-huit. Mais si le mot « indépendant » a un sens, les deux membres « indépendants » désignés par l'État voteront selon l'idée qu'ils se font de l'intérêt des décisions mises au vote, qui ne coïncidera pas forcément avec celle qu'en ont les représentants de l'État et avec l'idée que ceux-ci auront de leur mandat.
Au total, l'État consent un effort particulièrement soutenu, soit 7 milliards d'euros d'apports pour des fonds propres de 36 milliards qui devraient être renforcés par 2 milliards d'apports des réseaux, soit plus de 18 % des fonds propres, mais il ne dispose pas de droit de vote aux assemblées générales d'actionnaires et il n'est pas assuré de pouvoir bloquer, au conseil d'administration, des décisions qui ne sauvegarderaient pas ses droits et la valeur de sa participation. Je regrette cette situation d'autant que l'aide de l'État a été nécessitée, bien sûr par les effets de la crise financière, mais, en ce qui concerne ces deux groupes, par la gestion de Natixis qui a amplifié ces effets.
C'est le troisième point sur lequel je veux insister : Natixis a été pratiquement, de bout en bout, une catastrophe. Et sa volonté de jouer rapidement et fortement dans la «cour des grands » en tant que banque de financement et d'investissement a conduit ses dirigeants à prendre des risques tout à fait inconsidérés.
Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, observait lui-même devant la commission des finances, le 6 mai 2009, que « Natixis, ayant démarré plus tard que les autres, a voulu les rattraper en se développant plus vite. Or c'est en fin de cycle que l'on fait les plus mauvais crédits. Les taux de perte sont donc un peu supérieurs. Ensuite, les responsables ont sans doute tardé plus que les autres à replier les voiles en dépit de nos mises en demeure sévères. »
Deux questions se posent à ce sujet : l'une relative à l'information donnée aux actionnaires. On sait comment une bonne proportion des actuels actionnaires de Natixis, qui étaient des épargnants clients des deux groupes, ont été incités à investir dans Natixis, présentée comme « sans risque » alors que c'était tout le contraire. La question de l'information des investisseurs non professionnels est posée à travers ce dossier. Une autre question lui est liée : celle de la distinction des activités bancaires selon leur nature. Dans le cas des deux groupes qui vont fusionner, ce sont pour l'essentiel les résultats de Natixis qui les ont fragilisés : 2,8 milliards d'euros de pertes constatées en 2008, et cantonnés dans une structure d'actifs gérés en extinction ; 5,5 milliards d'euros d'engagements ne bénéficiant pas d'une notation de bonne qualité. La recapitalisation sur fonds publics d'environ 2 milliards d'euros faite fin 2008 a bénéficié en quasi-totalité à Natixis. De même, l'apport de 3 milliards d'euros, qui sera souscrit par l'État sous la forme d'actions de préférence, est destiné à pallier les insuffisances de Natixis et permettra au groupe de passer d'un ratio de fonds propres tier one de 8 % à 9,2 %.
C'est donc l'activité de financement et d'investissement dans cette filiale qui a menacé la solidité financière de deux réseaux de banques de dépôt et de crédit. Tout doit être fait pour qu'une activité qui va de pair avec la spéculation ne puisse contaminer les autres secteurs d'activités et pour que les investisseurs qui y ont recours soient informés des risques pris. Le groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale a explicitement formulé une proposition en ce sens. Il s'agit de «mettre en place une séparation effective des activités de banque de dépôt et de banque d'investissement, afin de mieux cantonner les risques. Ces métiers devraient relever de sociétés et groupes bancaires distincts, sans possibilité de consolidation comptable. »
Telles sont les quelques observations que je souhaitais faire et les questions que je souhaitais poser en introduction à notre débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mon rappel règlement vous concerne, madame la ministre. Je vois que vous me regardez avec circonspection, madame la présidente…
J'y viens, madame la présidente.
Mon rappel au règlement, madame la ministre, montrera à quel point votre influence a grandi dans le Gouvernement, à en croire l'éditorial du journal La voix du Luxembourg dans son édition de l'avant-dernier week-end. Il est très bref, madame la présidente, et je le cite : « François Fillon l'a déjà dit à maintes reprises : les caisses de l'État sont vides. Elles doivent vraiment l'être pour que le chef de l'État ait été poussé à accepter la proposition de Christine Lagarde, ministre de l'économie. […] Nicolas Sarkozy, en bon animal politique, a toujours refusé cette mesure qu'il sait extrêmement impopulaire. […] C'est visiblement au début du mois de mars, lors d'une réunion à l'Élysée en présence du Premier ministre et des ministres concernés, que le Président a cédé, mais il aurait, selon certains cadres de l'UMP » – on ne dit pas s'il s'agit de M. Lefebvre – « émis ses conditions : qu'il n'y ait aucune fuite avant les élections européennes et que la taxe ne soit rétablie que pour une durée limitée […] Jean-Louis Borloo, ministre de l'environnement, aurait d'ailleurs obtenu que les véhicules propres en soient exemptés. Du moins ceux achetés à compter du 1er juin 2009. »
Il s'agit du rétablissement de la vignette auto, et il est très important que nous sachions de quoi il retourne car, s'il devait y avoir un coup tordu comme ce fut le cas pour la TVA sociale, cela perturberait singulièrement le débat. Et je n'imagine pas que les Luxembourgeois, qui ne sont pas des gais lurons, aient inventé cette affaire !
Monsieur Brard, je vous remercie pour cette information, tout à fait liée, bien sûr, au projet de loi relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires.
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, une fois encore, nous examinons un texte pour lequel l'urgence a été décidée.
Rien ne justifiait que le texte que nous examinons s'inscrive dans la longue litanie des projets qui nous ont été ainsi soumis, qu'il s'agisse du rachat des jours de RTT, de la mobilisation de l'épargne salariale ou, récemment, de la loi hospitalière, dite loi Bachelot. De fait, dans ces conditions, on dépossède la représentation nationale de son rôle essentiel que lui confère pourtant le suffrage universel direct, pour le confier à nos collègues, qui sont naturellement respectables et légitimes mais qui n'en sont pas moins élus au suffrage universel indirect. Ce sont eux qui, en définitive, font la loi. Je ne crois que cette méthode soit la bonne.
Si je peux comprendre, madame la ministre, que vous ne perceviez pas la gravité de tels choix ni la dégradation du travail dans cette assemblée puisque vous n'y avez jamais siégé, le Président de la République, qui cautionne cette méthode, sait en revanche, lui, de quoi il retourne.
Nous devrions donc être un peu plus vigilants en la matière car, pour légitime qu'il soit aujourd'hui, l'élection qui l'a porté à l'Élysée n'étant évidemment pas contestable, chacun sait que, lorsqu'il était simplement député de Neuilly, notre ancien collègue n'a de fait jamais siégé à la commission des finances, dont il était pourtant membre, et pas davantage dans cet hémicycle, où ses apparitions étaient aussi rares qu'en général fortement médiatisées.
Cette désinvolture à l'égard de la représentation peut s'expliquer par l'ignorance, encore que ce soit rarement une excuse durable, mais elle s'explique aussi par le mépris dont la représentation nationale est l'objet. Je comprends que certains d'entre vous protestent, par solidarité à l'égard du Président. Reste qu'il n'est pas de bonne méthode de décréter l'urgence sur la quasi-totalité des textes. Cela revient, que cela vous plaise ou non, à déposséder la représentation nationale de ce qui est son rôle, qui est d'abord d'avoir le dernier mot.
Cette désinvolture s'explique d'autant moins en l'espèce que rien ne justifie l'urgence pour la création du nouvel organe central alors qu'il en irait tout autrement s'il s'était agi de l'essentiel, c'est-à-dire de Natixis, car la vraie question, qui ne cessera d'être posée à l'occasion de ce débat, c'est naturellement la gouvernance de cette filiale.
Personne aujourd'hui ne sait à quel point Natixis est de fait contaminée par une série d'actifs douteux, et les avoir cantonnés dans une seule ligne, pour la gestion autonome de ces portefeuilles, n'emporte évidemment pas conviction quant à la mesure du risque qui aurait pu être pris en la matière. Rien ne nous indique aujourd'hui jusqu'à quelles extrémités les uns et les autres – et d'abord l'État, c'est-à-dire le contribuable – devront consentir à aller pour purger ce risque.
Vous avez fait le choix, certes, de cantonner Natixis au sein du futur groupe, mais pas celui de garantir les risques que comportent les actifs douteux de la gestion autonome des portefeuilles cantonnés. C'est donc l'ensemble du groupe près d'être constitué qui se trouve suspect, ayant en son sein une ligne dont on ne sait si elle occasionnera une perte de 5, 10, 25, 30 ou 35 milliards d'euros – certains pensent en effet, y compris dans l'appareil d'État, que le risque peut aller jusqu'à 30 ou 35 milliards d'euros ! Personne, naturellement, ne le souhaite, mais, avec un tel chiffre, il aurait fallu la garantie de l'État pour donner toute sa chance au nouveau groupe dont, unanimement, nous souhaitons la constitution.
Pourquoi ne pas avoir garanti ces actifs douteux pour une banque franco-française qui représente 35 millions de clients, 30 000 salariés, qui sera le deuxième groupe français et dont on sait l'importance, via les caisses d'épargne, pour l'épargne salariale ou pour le logement social et, via les banques populaires, pour le financement de l'économie locale, alors que vous l'avez fait pour une banque franco-belge qui s'appelle Dexia ?
Au nom de quoi garantissons-nous les actifs douteux d'une banque franco-belge et refusons-nous de garantir ceux d'une banque franco-française dont l'importance est encore plus considérable et incontestable ?
À la demande du Gouvernement, le Parlement a accepté une garantie de passif de 7 milliards d'euros pour la filiale américaine de Dexia. Les nouveaux dirigeants avaient en effet décidé, avec raison, de s'en séparer, mais ils n'ont pu le faire qu'à la condition que la France – c'est-à-dire, encore une fois, les contribuables – accepte le cas échéant de payer jusqu'à 7 milliards d'euros au nouvel acquéreur. Cela s'appelle la garantie de l'État.
Probablement fallait-il le faire et, lorsque ce fut examiné dans cet hémicycle, l'opposition a, je crois, fait preuve de responsabilité, mais pourquoi garantir ces actifs-là et pas ceux de Natixis, ce qui revient de facto à entacher la confiance pourtant nécessaire envers ce nouveau groupe – à moins, madame la ministre, que vous ne vous engagiez à ce que l'État recapitalise celui-ci au fur et à mesure que les pertes de Natixis se révèleraient être ce que beaucoup craignent ?
Si un tel engagement n'est pas pris solennellement par les représentants du Gouvernement dans cette enceinte, cela veut donc dire que, si le total des pertes était supérieur à un montant d'ores et déjà déterminé dans le secret des cabinets, d'autres devraient se substituer à l'État. Qui alors, selon vous, devrait assumer ces pertes ? C'est une question importante, et vous devez apporter une réponse à la représentation nationale.
Le constat est donc clair, c'est Natixis qui est l'urgence. L'inquiétude est évidemment partagée : il est question de plusieurs milliards, voire de plusieurs dizaines milliards d'euros. La recapitalisation sur fonds publics, c'est-à-dire par l'État, a déjà commencé, il est fort probable qu'elle devra continuer. Nul ne peut savoir jusqu'à quel point elle devra se poursuivre. Signez-vous ou non un chèque en blanc pour recapitaliser le nouveau groupe ? À défaut, qui se substituerait à l'État, d'autant que, vous entendant tout à l'heure présenter le projet de loi, nous avons bien compris que la recapitalisation avait lieu au mieux des intérêts de l'État, c'est-à-dire dans des conditions très onéreuses pour le groupe ?
Ce dernier sera donc pris dans une contradiction terrible, obligé de demander à l'État de recapitaliser ce que Natixis lui aura fait perdre, mais en sachant que cela lui coûtera très cher. C'est une sorte de cercle vicieux : le choix stratégique qui a été fait de ne pas garantir les actifs toxiques de la ligne concernant le portefeuille d'actifs cantonnés a pour conséquence de placer le nouveau groupe devant un dilemme dont il ne peut sortir sans dommage, sinon sur le plan financier, en tout cas pour la confiance qu'il devra inspirer aux acteurs de la place économique et financière, qu'il s'agisse de la France, de l'Europe ou des pays avec lesquels il pourrait traiter.
Le constat est clair, le choix stratégique que vous avez fait ne l'est pas moins. Nous le contestons clairement, persuadés que nous sommes qu'il fallait en réalité garantir, ce que vous n'avez pas voulu faire. La conséquence est claire également. Vous devez nous dire quelle sera l'attitude de l'État en cas de besoin supplémentaire de recapitalisation de cette banque, car les plus grandes inquiétudes peuvent être nourries quant à l'avenir du groupe dès lors que l'on essaie de comprendre pourquoi une gouvernance est instaurée dans les conditions que l'on constate.
Le directoire est composé notamment de M. Pérol, des deux personnalités désignées par l'État et de deux personnalités qualifiées, que vous définissez cependant, dans une formule que le compte rendu, j'espère, aidera à préciser, comme représentants de l'État. Si elles sont indépendantes, elles le sont de tout et de tous et notamment de l'État et, comme l'a souligné le président de la commission des finances, rien ne vous autorise à penser qu'elles se conformeront aux instructions que vous pourriez leur donner. Si, en revanche, elles sont désignées de fait par M. Pérol, elles pourraient voter comme il le souhaite.
Quant au conseil de surveillance, la chose est peut-être encore plus caricaturale car, si le texte gouvernemental est adopté tel quel, nous aurons un groupe d'une originalité sans pareille puisque ceux qui représentent 70 % du capital, non pas diffus mais concentré, seront de fait minoritaires. Existe-t-il beaucoup d'institutions bancaires et financières où il en est ainsi ? C'est totalement unique et ce choix curieux, vous devez nous en expliquer la raison, madame la ministre. Nous sommes curieux de la connaître.
Vous avez rappelé, et M. le rapporteur également, que, pour un certain nombre de décisions, une majorité qualifiée était nécessaire. Vous avez fort opportunément oublié de préciser que tel était cas de la démission de M. Pérol, pour laquelle il faudrait l'opposition de quinze des membres du conseil de surveillance, c'est-à-dire d'au moins une des personnes désignées soit par l'État soit par M. Pérol au titre des personnalités qualifiées. La conclusion est assez simple. La seule possibilité que M. Pérol soit démis, c'est qu'il veuille être démis.
Je ne suis pas sûr qu'au regard de ce que nous avons pu observer aux États-Unis comme en France, en Allemagne ou en Grande-Bretagne, avec en particulier la Royal Bank of Scotland, le fait que celui qui a en réalité tous les pouvoirs ne puisse être démis qu'à condition qu'il l'accepte soit l'une des meilleures leçons que l'on pouvait tirer de la crise d'abord financière et maintenant économique que nous connaissons.
Il me semble que des phrases assez fortes avaient été prononcées par les plus hautes autorités de l'État pour expliquer que ce à quoi l'on avait assisté ne se reproduirait plus. Or cela n'était-il pas dû en grande partie au fait que ceux qui dirigeaient ces institutions financières avaient en réalité les pleins pouvoirs au sein des organes de direction, nul ne pouvant de facto s'opposer à eux ?
Si le texte était adopté tel quel, c'est exactement ce que le Parlement déciderait de reconstituer au service de ce qui sera la deuxième banque française, au service d'un groupe de 35 millions de clients et 30 000 salariés, avec des fonds propres tier one d'un peu moins de 40 milliards d'euros. Bref, ce sera une institution qui pèsera dans la vie économique et financière du pays à un point tel qu'il ne serait pas raisonnable, vu ce à quoi nous avons assisté depuis un an et demi, que son dirigeant ne puisse être démis que s'il accepte de l'être.
Des amendements concernant ce conseil de surveillance viendront en discussion, et cet argument devra donc être repris.
S'il ne l'était pas, on comprendrait mieux le silence, jusqu'à ce jour, des représentants de l'État quant à la recapitalisation, ainsi d'ailleurs que le flou artistique qui règne sur la qualité de cette ligne de gestion des portefeuilles cantonnés au sein de Natixis pour essayer de dresser un cordon sanitaire autour des actifs toxiques, CDS et autres RMBS, dont cette ligne est truffée.
L'audition récente de M. Noyer nous a démontré que les autorités les plus compétentes de l'État savent quel risque mortel ces actifs douteux font courir à ces institutions et donc à notre économie. Tout le monde se rend compte que la situation n'est absolument pas saine, et que maintenir ces actifs toxiques au sein d'un groupe aussi important, sans apporter la garantie de l'État et sans donner aucune certitude quant à une recapitalisation, pourrait conduire à ce que des décisions difficiles soient prises, et ce par un seul homme, ne pouvant de surcroît être contesté : M. Pérol. Êtes-vous vraiment sûrs, mes chers collègues, que cela soit bien raisonnable ?
Pour notre part, nous ne le pensons pas car, outre la majorité qualifiée, de quinze voix, nécessaire pour démettre M. Pérol, c'est-à-dire, nécessairement, les voix de celles et ceux qu'il aura lui-même choisis, force est de constater que les sociétaires sont minoritaires au sein de ce conseil de surveillance alors qu'ils représentent 70 % du capital. Il est absurde qu'un conseil de surveillance puisse être composé de telle sorte que l'écrasante majorité du capital soit de fait minoritaire.
Cela se comprend, toutefois, si l'État a d'ores et déjà décidé que les efforts qu'il a consentis pour ce groupe étaient désormais parvenus à leur terme, qu'une limite avait été atteinte et que les pertes éventuelles devaient être compensées par d'autres voies – or celles-ci ne sont que deux. Premièrement, les sociétaires pourraient être appelés à éponger les pertes. On comprendrait ainsi qu'ils soient minoritaires ; il est en effet douteux que, s'il en était autrement, le conseil de surveillance accepte de voter une telle décision.
La minorité des sociétaires, qui représentent pourtant 70 % du capital, n'a qu'une explication logique : c'est, qu'ayant refusé par avance de recapitaliser au-delà d'un certain niveau et sachant que les pertes de Natixis, ou plutôt de sa ligne d'actifs douteux, iront au-delà, les sociétaires doivent être minoritaires pour supporter ces pertes. Minoritaires aujourd'hui au sein du conseil de surveillance, minoritaires demain si le texte du Gouvernement est adopté, ils ne pourront pas s'opposer à un vote en ce sens.
Deuxième voie : si on ne demande pas aux sociétaires d'éponger ces pertes, il faudra que d'autres le fassent, et c'est alors la question de la vente qui se pose.
En l'absence de réponse précise sur l'engagement de l'État quant à la recapitalisation d'un groupe qui en aura besoin, on ne peut manquer de se poser la question du choix qui sera fait : la sollicitation des sociétaires ou bien la vente, à moins que ce ne soit la vente après que les sociétaires auront épongé les pertes !
À voir la constitution des équipes dirigeantes au sein du nouveau groupe, à voir les personnes, de très grande qualité, dont s'entoure M. Pérol, on ne peut qu'être frappé de l'extraordinaire proximité entre elles et ceux que d'autres nomment, au sein des institutions financières et bancaires, les amis du pouvoir et qui, pour beaucoup, sont passés par la BNP, ou y ont été formés, ou y exercent encore des responsabilités.
Nous prenons donc date pour ce qui est de la recapitalisation, des éventuelles demandes adressées aux sociétaires, des éventuelles ventes par appartements d'un groupe qui réunit aujourd'hui caisses d'épargne et banques populaires, c'est-à-dire, je le répète, en ce qui concerne les caisses d'épargne, certes beaucoup d'activités et d'actifs, mais surtout l'épargne salariale et le logement social, et, en ce qui concerne les banques populaires, le financement des entreprises locales par la collecte locale de fonds servant au développement local. Il est d'ailleurs permis de penser que, si ce modèle original avait été généralisé, la crise que nous connaissons eût été d'une ampleur beaucoup moins grande.
Connaissons-nous de meilleur modèle que ces levées de fonds locales servant à financer l'économie locale au profit du développement des territoires ?
J'accepte cette interpellation. Notre système bancaire est équilibré. Les réseaux nationaux n'ont pas pour seule préoccupation la levée de fonds locaux ni le développement d'entreprises locales, notamment de PME. À chacun son métier : je ne crois pas que les banques populaires aient jamais sérieusement concurrencé la BNP dans le développement de projets à l'international ou le financement d'entreprises du CAC 40.
En revanche, chacun sait que les banques populaire ont toujours plutôt mieux exercé le métier de financement des PME locales que ces grandes institutions financières qui, habituées à traiter avec l'ensemble des institutions de la planète, ont un peu perdu de vue l'humus dans lequel elles ont longtemps été enracinées et qui leur permettait de financer l'économie locale. Les banques populaires jouent un rôle original, et il est important de le rappeler pour tenter, autant que faire se peut, de maintenir ce rôle et donc de prévenir les situations que j'évoquais, à savoir : soit la recapitalisation forcée par les sociétaires avant une vente, soit la vente d'emblée – vente à des institutions qui n'ont pas la même culture, faute de posséder le statut coopératif.
Ces craintes ne me paraissent pas illégitimes et appellent des réponses de Mme la ministre et de M. le secrétaire d'État. Peut-être nous diront-ils qu'elles sont exagérées.
Je conclurai par un certain nombre d'autres questions, qui ne portent pas sur la rémunération de M. Pérol, celui-ci ayant déjà répondu sur ce point lors de son audition devant la commission des finances, mais sur les conditions de départ des membres du directoire.
Sans stigmatisation aucune, il ne vous a pas échappé, mes chers collègues, que la moyenne d'âge des membres du directoire qui s'apprêtent à rejoindre M. Pérol est d'un peu plus de soixante ans. On sait à quels excès peuvent conduire ces cumuls, entre activité et retraite, entre contrat de travail et mandat social… Dès lors que la moyenne d'âge est celle-là, des retraites chapeaux sont-elles prévues pour les uns et les autres ? En avez-vous été informée, madame la ministre ? Avez-vous seulement posé la question à M. Pérol, qui détient, de fait, tous les pouvoirs ? Si vous ne l'avez pas fait, je crois de mon devoir d'appeler votre attention sur ce point ; il faudra que vous répondiez, à l'occasion de ce débat. Si vous ignorez la réponse, ce que je peux comprendre, il faudra nous assurer qu'une réponse nous sera apportée dès que vous aurez vous-même reçu des éléments, dans les meilleurs délais, nous l'espérons.
J'en ai terminé avec mon propos et tiens à conclure en posant une question qui – je vous prie de m'en excuser – n'a rien à voir avec le texte que nous examinons, le temps qui m'est imparti me permettant de le faire. J'espère n'agacer ni ne choquer personne.
Madame la ministre, lors d'un récent débat, je vous ai, avec d'autres, posé des questions relatives à la rémunération de certains dirigeants. Veuillez m'excuser d'avoir posé ces questions avec insistance…
…et mes collègues, j'en suis sûr, vous feraient la même prière s'ils étaient parmi nous, mais cette insistance venait de ce que vous ne répondiez pas.
À la lecture du compte rendu – j'avais dû quitter les débats avant leur terme –, je me suis aperçu que vous n'aviez apporté aucune réponse. Je profite donc de cette tribune pour poser ces questions de nouveau, en espérant que vous trouverez cette fois le temps d'y répondre.
La rémunération de M. Gadonneix, président d'EDF, a été augmentée, de mémoire, de plus de 8 %. Le représentant de l'État, sur vos instructions, a-t-il donné son accord à cette augmentation ? Si oui, pourquoi ? Quelles qualités ont-elle subitement été découvertes chez M. Gadonneix justifiant une augmentation de sa rémunération de 8 %, quand on sait ce qu'est l'augmentation des salaires dans notre pays aujourd'hui ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
Désolé de vous lasser, chers collègues, mais il s'agit d'une question de principe : il me semble que, lorsqu'un parlementaire pose une question à un ministre, il doit pouvoir obtenir une réponse.
En outre, la question n'est nullement inopportune : la rémunération des dirigeants pose aujourd'hui problème. Des engagements forts ont été pris par le Président de la République et par vous-même, madame Lagarde.
Quelles nouvelles qualités ont-elles donc été découvertes chez M. Gadonneix ? Qu'a-t-il fait l'année dernière, justifiant cette augmentation ?
Quelle a été la position du représentant de l'État ? Quelles instructions avez-vous données ?
De même, vous n'avez qu'imparfaitement répondu à la question concernant l'augmentation de 181 % de la rémunération de M. Cirelli. Je ne suis pas sûr que, par les temps qui courent, une telle augmentation dénote un très grand sens de l'opportunité ni même des simples convenances.
La réponse apportée par la ministre a consisté à dire que l'augmentation de M. Cirelli était notablement inférieure à celle de M. Mestrallet. S'il fallait égaliser ces rémunérations, je m'étonne que l'on n'ait pas pensé à baisser celle de M. Mestrallet plutôt que d'augmenter celle de M. Cirelli de 181 %.
C'est le même Jean-François Cirelli qui, dans son groupe, refuse à ses salariés une augmentation de 0,3 %...
Peut-être ce refus est-il légitime, fondé sur des raisons liées à l'entreprise, mais il me semble que, quand on refuse une augmentation de 0,3 % à ses salariés, on ne s'augmente pas soi-même de 181 % !
Je pose la même question concernant M. Mestrallet, dont je rappelle que la rémunération annuelle fixe est de plus de 3 millions d'euros, ce qui me paraît suffisant pour mener une vie, sinon de nabab, en tout cas agréable.
Il s'est également fait augmenter cette année, ce qui pose problème, madame la ministre, parce que s'il faut que la rémunération de M. Cirelli rejoigne celle de M. Mestrallet et qu'elle soit donc augmentée pour cela, cessez au moins, le temps du rattrapage, d'augmenter M. Mestrallet ! (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Sinon, c'est une course sans fin, une échelle de perroquet, qui conduira à des niveaux pouvant difficilement être jugés décents. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je vous repose donc ces questions, madame la ministre, en espérant que vous aurez, cette fois, la correction de répondre à un membre de la représentation nationale.
Monsieur Karoutchi, je suis désolé de vous lasser, encore que je croie deviner que votre soupir est davantage provoqué par la situation que je viens d'indiquer, et que vous ignorez peut-être, que par le fait que je profite de cette tribune pour les dénoncer.
Ne pensez-vous pas, mes chers collègues, que c'est de cette tribune que ces questions doivent être posées, que ces faits doivent être dénoncés, plutôt que depuis d'autres tribunes, moins légitimes ? Nous n'avons pas ailleurs la chance d'avoir en face de nous des personnes qui sont, d'une manière ou d'une autre, à l'origine de ces augmentations, les ayant acceptées, et peuvent donc nous en donner les raisons, peut-être même de façon convaincante ?
Mes chers collègues, merci de votre patience…
…puisque j'ai abordé un sujet qui, je le reconnais volontiers, a peu à voir avec le texte…
…ou avec le droit constitutionnel. Mais il me semble que, du haut de cette tribune, la parole est libre. Dès lors que les questions sont posées de la manière la plus courtoise possible, ce qui n'exclut pas une certaine fermeté, c'est bien devant la représentation nationale que les explications doivent être apportées. Car, par les temps de crise que nous connaissons, on ne peut demander des efforts à nos concitoyens – je rappelle que les retraites ont été revalorisées de 1 % seulement cette année – qu'à la condition qu'ils aient à juste titre le sentiment que cet effort est demandé à tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous en arrivons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
La parole est à M. Dominique Baert, pour le groupe SRC.
Dans son excellente défense de l'exception d'irrecevabilité, notre collègue Jérôme Cahuzac a justement souligné l'impression, donnée par ce texte, que c'est un objectif politique qui prévaut.
On ne lit pas assez le Bulletin quotidien, excellent organe de presse qui rend compte des nominations dans les différentes instances. Sa lecture est pourtant extrêmement instructive puisque, dans le numéro du 23 février 2009, nous apprenons qu'« avec la nomination de M. Pérol, ce serait à nouveau un proche du Président de la République qui serait appelé à la tête d'un groupe bancaire après la nomination de M. Pierre Mariani, ancien directeur de cabinet de M. Sarkozy, alors ministre du budget et porte-parole du Gouvernement, de 1993 à 1995, comme administrateur délégué et président du comité de direction de Dexia en octobre 2008, et celle de M. Frédéric Oudéa, qui était conseiller technique de ce même cabinet, comme directeur général de la Société générale en mai 2008 » – il en est depuis devenu le président directeur général. Le Bulletin Quotidien du 22 avril cite les nominations faites par M. Pérol au comité de direction générale de la future société qui va regrouper les caisses d'épargnes et les banques populaires.
Parmi les neuf membres qui viennent d'être nommés, il y a François Riahi, inspecteur des finances, ancien collaborateur de M. Sarkozy à la Présidence de la République, en charge de la réforme de l'État et des finances publiques : il est nommé directeur de la stratégie ; il y a aussi M. Didier Banquy, administrateur civil, conseiller régional UMP d'Île-de-France, ancien directeur adjoint du cabinet de M. Nicolas Sarkozy au ministère du budget et au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie : il sera secrétaire général du nouveau groupe.
Je vous renvoie à ce que nous a dit tout à l'heure, avec son talent et sa fougue habituels, notre collègueJérôme Cahuzac : si être ami ou collaborateur du Président n'est bien sûr pas en soi critiquable, encore faudrait-il que cela ne devienne pas une condition sine qua non pour faire carrière dans le monde bancaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le deuxième point sur lequel Jérôme Cahuzac a attiré l'attention, ce sont les chiffres. On doit en effet se poser un certain nombre de questions qui appellent des éléments de clarification, en particulier s'agissant de Natixis. Madame la ministre, dans la valorisation du nouvel organe central, la participation de la Banque fédérale des banques populaires à Natixis est de 35,8 %, et elle est estimée en valeur nette comptable, reprise au bilan, à 4 963 millions d'euros. Or la même Natixis, pour la même participation de 35,8 %, est reprise au bilan de la Caisse nationale des caisses d'épargne pour une valeur nette comptable de 7 871 millions d'euros. Pourtant, les deux parties, lors de la constitution du NOC, ont retenu une valorisation de 6 350 millions d'euros. Comment comprendre une telle différence ? On nous dit que les deux parties ont retenu une valorisation conventionnelle. Mais pourquoi en auraient-elles décidé ainsi ? Encore une fois, on ne peut que s'interroger quand on voit qu'au bilan des caisses d'épargne, 35,8 % de Natixis sont évalués à 7,87 milliards d'euros, alors qu'au bilan des banques populaires, ils sont évalués à 4, 96 milliards d'euros. La Commission bancaire devrait regarder cela d'un peu plus près.
De plus, comment ne pas être perturbé quand on constate que ces participations sont vendues allègrement au prix de 6,35 milliards, ce qui donne à penser que l'on a pratiqué une forme d'habillage comptable pour garantir une parité de détention artificielle. Est-on bien sûr qu'une telle stratégie ne soit pas mise en oeuvre au détriment d'un réseau par rapport à un autre, en l'occurrence à l'encontre des caisses d'épargne ?
Ce sont donc toutes ces interrogations sur les personnes comme sur les chiffres qu'a soulevées, avec le talent qu'on lui connaît, Jérôme Cahuzac. Vous comprendrez, mes chers collègues, qu'au vu de ces questions demeurées sans réponse, le groupe socialiste vote cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La moitié de l'exception d'irrecevabilité de notre collègue aurait suffi pour emporter notre conviction, tellement la démonstration à été brillante !
Tout d'abord, s'agissant de l'urgence, elle n'est aucunement justifiée sur ce texte – comme sur bien d'autres.
C'est une nouvelle pratique pour empêcher les navettes avec le Sénat et faire passer les textes à l'esbroufe. L'UMP et Sa Majesté Impériale ont parfaitement compris qu'à chaque fois que nous disposions de temps à l'Assemblée, nous en profitions pour éclairer l'opinion. Tel est notre rôle. Un exemple tout récent : le projet de loi HADOPI. Il a montré que ce n'était pas l'intérêt du Gouvernement de prolonger les débats ! Encore que, même en décrétant l'urgence, il a réussi à avancer à un rythme de colimaçon !
Je ne vais aborder que quelques points pour appuyer l'exception d'irrecevabilité qui vient de nous être présentée.
Madame la ministre, vous égrenez des choses inacceptables. Ainsi, quand vous évoquez les « personnalités indépendantes », que signifie l'indépendance ? Cela signifie surtout que ces personnalités n'ont pas de comptes à rendre, qu'elles ne sont responsables devant personne comme, par exemple, le gouverneur de la Banque centrale : il est indépendant. Mais l'est-il vraiment ? Non, pas tout à fait, parce que son esprit est formaté par l'idéologie dominante,…
…qui imprègne les neurones d'un certain nombre de nos collègues – n'est-ce pas, monsieur Piron ? – et, hélas, des membres du Gouvernement. Quant à vous, monsieur de Courson, je vous signale que j'ai moi aussi des neurones, mais les miens n'ont pas été pollués ni infectés par un virus incurable : celui du grand capital. Revenons-en à ces personnalités indépendantes : vous avez besoin de faux-nez qui portent votre politique, et derrière lesquels vous pouvez vous dissimuler en disant : « Ce n'est pas nous ! Ce sont eux. » Mais nous savons ce qu'il en est.
Par ailleurs, notre collègue Jérôme Cahuzac l'a parfaitement démontré : il y a, d'un côté, un capital majoritaire, et, de l'autre, ceux qui prendront les décisions alors qu'ils ne représentent qu'une minorité du capital. Pourquoi un tel dispositif, sinon en raison d'une forte volonté politique, même si la réalité des objectifs n'est pas clairement énoncée aujourd'hui ? Madame la ministre, vous faites du sur-mesure, mais sans dire quelle est votre vision à terme. Jérôme Cahuzac a très bien expliqué que M. Pérol a tous les pouvoirs, et si celui-ci partait, son parachute serait non pas doré, mais tissé de fils d'or. Les conditions que vous avez définies pour un éventuel départ le rendent en effet quasiment inamovible dans les faits, vous le savez. Il faut bien dire qu'il s'agit là d'un travers consubstantiel à la Ve République, où le pouvoir monarchique secrète des comportements qui amènent aux responsabilités les copains.
Ensuite, la frontière entre les copains et les coquins est difficile à établir. Rappelez-vous, mes chers collègues, ce qui s'est passé dans les années soixante,…
…du temps du général de Gaulle, homme intègre s'il en fut, mais c'était le fruit de son régime : la Garantie foncière ! Ce fut le premier grand scandale de la Ve République. Et vous en préparez d'autres, madame la ministre, parce que vous institutionnalisez la consanguinité, la porosité entre le champ de la politique, le champ des affaires et celui de la finance. Où est le projet économique ? Où est le projet pour l'emploi ?
Oui, madame la présidente, je m'achemine vers ma conclusion. Nous, nous croyons au rôle du politique, mais à un rôle clairement établi pour diriger en fonction d'une vision clairement définie. Alors que pour vous, madame la ministre, la politique, c'est le règne des copains pour accomplir votre visée qui n'a rien à voir avec une vision. J'ajoute que, dans votre visée, il n'y a rien de prévu pour le peuple français, en particulier pas de projet pour rétablir la situation de l'emploi.
Madame la présidente, j'en viens à mon dernier point. Mme Lagarde, dans son intervention liminaire, a évoqué la SFEF et la Société de prise de participation de l'État ; mais quel est le résultat de tout cela ? Comme il n'y a pas de vision, mais seulement un formatage, rien ne repart, les banquiers continuent comme avant et le chômage se développe.
Pour toutes ces raisons – et pour bien d'autres car j'aurais pu, moi aussi, comme M. Cahuzac, évoquer les rémunérations –, nous voterons l'exception d'irrecevabilité.
Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre ne votera pas l'exception d'irrecevabilité.
Avez-vous trouvé dans le propos de M. Cahuzac un seul argument susceptible de justifier l'inconstitutionnalité de ce projet de loi ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il n'y en a pas eu un seul. Notre collègue aurait pu au moins faire semblant d'en trouver un, comme font beaucoup d'orateurs : il n'a même pas essayé. (Mêmes mouvements.) Il nous a parlé de tout, même des rémunérations. Certes, on peut débattre des rémunérations des grands dirigeants, mais ce n'est pas l'objet de ce texte.
Monsieur Brard, l'exception d'irrecevabilité n'est pas une exception d'immoralité.
La morale et la politique, cela doit aller ensemble, monsieur de Courson !
Tout ce qu'a dit notre collègue Cahuzac n'a vraiment rien à voir avec une exception d'irrecevabilité. Nous voterons donc contre la motion qu'il a défendue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Charles de Courson a raison : l'intervention de M. Cahuzac ne constitue en rien une exception d'irrecevabilité. Puisqu'il est maintenant habituel lors de cette procédure de parler d'autre chose, je vais donc, moi aussi, parler d'autre chose. Je vais répondre à M. Cahuzac sur trois points qui m'ont frappé.
Premièrement, monsieur Cahuzac, vous oubliez l'intérêt stratégique que revêt la constitution de ce nouveau groupe, qui est absolument vitale à la fois pour…
…les banques populaires et pour les caisses d'épargne. J'ai la conviction que le système mutualiste existant a empêché que ces deux groupes fassent l'objet d'une dévalorisation considérable en Bourse. Par conséquent, malgré tout ce qui a pu se passer, notamment avec la filiale Natixis, nous avons aujourd'hui deux groupes qui, consolidés, vont former le deuxième groupe français, voire européen, doté d'une vraie stratégie – que les nouveaux dirigeants s'apprêtent d'ailleurs à mettre en oeuvre.
Deuxièmement, monsieur Cahuzac, vous avez parlé des dirigeants comme de copains du Président de la République – M. Brard, s'abandonnant à ses excès, a parlé des « coquins » – (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR), mais je veux vous poser la question suivante : faut-il être ami de M. Sarkozy pour accéder aux grandes responsabilités nationales ou internationales ? Si c'est le cas, il faut demander à M. Didier Migaud s'il est l'ami de M. Sarkozy, puisqu'il a obtenu le soutien de la majorité pour devenir président de la commission des finances. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Et je pourrais poser la même question à Dominique Strauss-Kahn puisqu'il a été soutenu par le Président de la République lors de sa candidature au poste de directeur général du Fonds monétaire international, institution majeure dans le contexte de la crise économique et financière que chacun connaît.
C'est à cause de ses bonnes relations avec M. Juncker qu'il a été choisi !
À ces deux questions, je réponds évidemment « non ». En revanche, il est incontestable que Nicolas Sarkozy encourage le talent. Il y a tout lieu de s'en féliciter.
Je suis sûr que le directoire qui va être constitué sera représentatif, comme le conseil de surveillance, d'un groupe de qualité.
J'en viens à mon troisième point car nous avons tous intérêt à être brefs puisqu'il s'agit d'un projet de loi technique. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je sais que vous aimez le terme « technique », et c'est la raison pour laquelle je le répéterai souvent au cours de ce débat !
Monsieur l'ancien président du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts, je ne vous permets pas de juger ainsi ce que je dis, et si cela ne vous plaît pas, vous aurez l'occasion de répondre un peu plus tard, j'en suis convaincu.
Monsieur Cahuzac, puisque vous demandez à Mme Lagarde des éclaircissements sur l'évolution des rémunérations, je tiens à vous rappeler ceci, même si c'est pour vous difficile à entendre : la rémunération, que ce soit celle d'un salarié ou d'un dirigeant,…
…ne peut être régie par d'autres règles que celles du marché. Certes, monsieur Gosnat, les rémunérations diffèrent, mais aucune ne peut être établie en dehors du marché.
Sinon, on ne s'en sortirait jamais, et ce serait le retour, comme disait M. Brard, des fameux copains et coquins qui, réunis dans un petit cénacle, fixeraient les rémunérations. Pour ma part, je ne le souhaite pas, monsieur Cahuzac. Je pense, au contraire, que la rémunération doit être fondée sur des éléments légitimes, et je suis entièrement d'accord pour avoir un débat sur ce sujet. Tout comme vous, je souhaite que le pouvoir d'achat des Français augmente, ce qui suppose d'examiner quand les salaires peuvent être augmentés car, chacun le conçoit, c'est un élément nécessaire dans le contexte actuel.
Comme M. Cahuzac, je pense qu'il serait formidable de pouvoir augmenter tous les salaires, mais, dans le contexte de crise économique et financière que nous traversons,…
…le souci majeur est d'éviter les pertes d'emplois. Pour conclure, je voudrais saluer ceux qui font des efforts, notamment les salariés de plusieurs groupes qui acceptent des réductions de salaire,…
…afin, justement, de préserver l'emploi dans leur compagnie. Ce faisant, ils prennent exemple sur les salariés allemands qui font la même chose depuis belle lurette outre-Rhin, dans le but de préserver l'emploi et l'avenir de leur entreprise.
S'agissant de l'exception d'irrecevabilité, je ne suis pas d'accord avec les arguments de M. Cahuzac et, bien sûr, le groupe UMP votera contre cette motion.
(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
D'abord, je voudrais m'adresser très franchement à Jérôme Chartier – nous avons l'habitude de travailler ensemble – pour lui dire que son propos est inacceptable. Parler des ouvriers qui acceptent de baisser leurs salaires pendant que Cirelli et Gadonneix augmentent le leur grâce à la hausse du prix du kilowatt électrique ou du mètre cube de gaz, c'est indécent ! C'est blessant pour les gens qui travaillent et qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts à la fin du mois ! D'un côté, certains n'y arrivent pas ; de l'autre, d'autres se bâfrent, se goinfrent, mangent la tête dans l'auge !
C'est immoral, une honte ! Que vous osiez les soutenir est indécent, insupportable !
Madame la présidente, madame la ministre, avant que ne soient connus les très mauvais résultats financiers de Natixis, au premier trimestre 2009, M. Pérol, futur président d'écureuil-banques populaires, avait déclaré, lors de l'assemblée générale des actionnaires de Natixis le 30 avril dernier : « Il y a des compétences dans votre société. Je sais que cela ne se voit pas dans les résultats, mais je ne laisserai pas dire que cet actif est un mauvais actif. Il y a eu une crise, personne ne l'a vue venir, mais vous non plus ! »
Ces fortes paroles qui étaient prononcées alors que M. Pérol devait faire face à l'expression de la colère légitime des actionnaires de Natixis, gravement spoliés – monsieur Chartier, vous n'en parlez pas de ceux-là – méritent que l'on s'y arrête.
Prenons d'abord la dernière phrase où M. Pérol tente, maladroitement, de s'abriter derrière l'alibi de la crise pour exonérer les dirigeants de la banque de leurs multiples opérations spéculatives et fautes de gestion, qui devraient relever de la justice et permettre notamment l'indemnisation des petits actionnaires floués. À quand les enquêtes préliminaires pour MM. Milhaud et Bouton ? À quand les mises en garde à vue de ces gens qui ont gaspillé les milliards des déposants ?
Curieusement, M. Pérol parle de la crise en employant le participe passé, comme si elle était terminée – c'est évidemment très loin d'être le cas ! Surtout, il affirme que personne ne l'a vue venir. L'aveu est de taille, venant d'un homme qui était, il y a encore deux mois, un proche collaborateur du Président de la République, qui, dans la légende « sarkozyenne », est censé être le premier homme politique à avoir dénoncé la crise. Mais, à l'époque, M. Pérol était plus modestement payé : il ne pouvait pas étaler les compétences qu'il déploie dans ses responsabilités actuelles.
Il souligne ainsi involontairement que les avertissements et les analyses produits par plusieurs économistes – Nouriel Roubini, Kenneth Rogoff, Stephen Roach, Jacques Mistral, les prix Nobel Joseph Stiglitz et Paul Krugman – et par des responsables politiques de gauche, sur les risques que faisaient courir la financiarisation généralisée et effrénée de l'économie ainsi que l'explosion du volume des crédits à hauts risques, n'ont absolument pas été entendus à l'Élysée.
Dans son programme électoral, le candidat Sarkozy annonçait d'ailleurs sa volonté de développer en France les crédits hypothécaires rechargeables, c'est-à-dire les subprimes à la française, alors même que la crise se déclenchait aux Etats-Unis.
C'est sûr ! Mais je préfère les cochons qui cherchent les truffes : on a plus de chances de trouver quelque chose !
Derrière cette formulation de la crise qu'on a pas vue venir, on retrouve la fable bien commode pour le Gouvernement et le Président de la République, de la crise bancaire qui serait venue, depuis les États-Unis, contaminer notre pur et vertueux système bancaire. Si nos banques sont si saines, on ne comprend pas pourquoi trois d'entre elles – et précisément celles dont nous parlons aujourd'hui –, se retrouvent parmi les huit banques européennes qui ont enregistré les plus fortes pertes en 2008. Voilà la vérité !
La réalité est que les banques françaises, bien au-delà des pertes les plus spectaculaires en salles des marchés – cinq milliards d'euros pour la Société générale, 750 millions d'euros pour les caisses d'épargne – qui ont frappé l'opinion, ont garni leurs portefeuilles et ceux de leurs clients de produits à haut rendement mais à très hauts risques qu'il faut bien qualifier d'actifs toxiques.
Bien sûr !
La réalité est qu'il ne s'agit pas seulement d'une crise du système financier international, mais beaucoup plus fondamentalement de la crise du capitalisme mondialisé, autorégulé, c'est-à-dire en fait dérégulé, financiarisé et productiviste. Même le Président de la République reconnaît l'existence de cette crise, mais, pour y faire face, il n'a pas trouvé autre chose qu'un pot de peinture pour ripoliner le système.
Il faudrait donc que M. Pérol complète rapidement son information, maintenant qu'il est à nouveau banquier. Il faudrait qu'il sache que les banques, si elles ne sont pas la seule cause de la crise économique et sociale internationale actuelle, ont joué un rôle tout à fait majeur dans les dérèglements de la finance et de l'économie.
Les banques, en particulier aux États-Unis, ont en effet pratiqué la dissimulation des crédits à hauts risques qu'elles consentaient, en procédant à la titrisation. Le principe est de diluer les risques pour mieux les dissimuler, sans qu'ils disparaissent pour autant, comme la suite de l'histoire l'a montré. Ces produits ont été diffusés avec succès dans tout le système financier, car leur rendement était très alléchant.
Une autre pratique spéculative des banques se trouve dans les marchés d'options qui peuvent d'ailleurs s'appliquer à des produits titrisés. Grâce à ces options, les transactions s'effectuent non pas sur le titre lui-même, mais sur une partie de ce titre : l'option. Cela permet de multiplier les transactions sur un même titre, dans un temps très court. Pour les spéculateurs, c'était la période bénie des profits exponentiels des salles de marchés et des opérateurs, les golden boys qui bénéficiaient de bonus aussi mirifiques que scandaleux et insultants pour nos concitoyens qui doivent survivre avec le RMI, le SMIC, des minimas sociaux ou de petits salaires et pensions.
Ces mécanismes, nous les connaissons. Si je les explique, c'est pour les gens qui nous regardent et qui ne les connaissent pas. Chers collègues de l'UMP et vous, madame la ministre, vous ne faites rien pour que ces personnes comprennent quelque chose à la crise telle qu'elle est. Voilà pourquoi je rappelle tout cela.
Les économistes libéraux désignaient plaisamment ces deux mécanismes pervers – titrisation et marchés d'options – par l'oxymore « spéculation stabilisatrice ». Comme si ces deux termes pouvaient aller ensemble ! En réalité, ces mécanismes étaient de puissants multiplicateurs de profits, pour la plus grande satisfaction des actionnaires qui ont vu, pendant des années, leurs dividendes s'envoler.
Durant ces dernières années, les banques ont aussi placé des produits financiers sophistiqués auprès des collectivités territoriales, en leur vantant les supposés avantages et en les séduisant par de faibles annuités au début du remboursement. Ces collectivités sont maintenant confrontées aux effets profondément pervers de ces produits dits structurés qui sont assortis de mécanismes d'indexation tels, que l'on peut désormais parler d'emprunts toxiques qui plombent les finances de ces collectivités au moment où les besoins des habitants augmentent avec la crise.
Lors de son audition par la Commission des finances, Mme Lagarde nous a expliqué qu'il ne faut pas parler d'actifs toxiques mais d'actifs « illiquides ». Tout dépend en fait de la position de la personne qui en parle ! S'il s'agit d'un dirigeant de banque comme M. Milhaud, qui a touché un total de 821 242 euros de part fixe, part variable, jetons de présence et avantages en nature en 2008, après 1,433 763 million d'euros en 2007, le terme « illiquide », avec toute la distanciation qu'il comporte, convient parfaitement. Mais pour le petit porteur qui a perdu près de 18 euros par action Natixis, le terme toxique apparaît beaucoup mieux approprié ! Pourtant, les coupables n'ont pas de comptes à rendre.
Les rendements financiers largement supérieurs à 10 % et beaucoup plus importants que les gains de productivité étaient devenus la règle des bons placements, ce qui n'est évidemment pas une situation viable. En effet, on est arrivé à près de cent dollars circulant dans les marchés financiers, pour un dollar échangé en termes réels. Si ces dérives scandalisent à juste titre nos concitoyens, certains, dans les hautes sphères financières et politiques, ne rêvent que de faire redémarrer le même système, avec les mêmes bénéficiaires, après quelques modifications cosmétiques.
Ignorant délibérément les fautes de gestion – voire pénales – commises, le Gouvernement a choisi de voler massivement au secours des banques par le biais de prêts ou de titres subordonnés, sans se donner les moyens de peser avec des droits de vote dans les conseils d'administration, sur leurs choix de gestion et d'investissements.
Cette politique dangereuse, inefficace et coûteuse est fondée sur l'idée qu'il faudrait laisser les banquiers faire leur travail, comme nous l'a clairement dit le Président de la République, lors de la rencontre avec le groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise.
Or la gouvernance des banques a démontré ses tares qui ont déclenché la crise. Le MEDEF et le Président Sarkozy nous font miroiter qu'en contrepartie des cadeaux financiers, nous allons voir apparaître un comportement plus civique et plus éthique du monde bancaire. Pourtant, nous savons d'expérience qu'il ne faut absolument pas compter sur la spontanéité vertueuse du patronat bancaire et qu'il vaut mieux renforcer l'encadrement législatif, notamment en matière de rémunérations des dirigeants.
Si nous avions gardé quelques doutes à ce sujet, la dernière audition de M. Pauget, directeur général du Crédit agricole et président de l'Association bancaire française, nous aurait parfaitement éclairés, notamment sur les paradis fiscaux.
Venons-en à la partie de la déclaration de M. Pérol portant sur la qualité des actifs de Natixis.
Cette banque, créée en 2006 en pleine euphorie ultralibérale sous la houlette de M. Pérol, était la fierté de M. Milhaud, l'ancien dirigeant remercié – c'est le terme qui convient, compte tenu des sommes avec lesquelles il est parti – des Caisses d'épargne, dont les déposants ont été harcelés pour acheter des actions de la nouvelle banque, qu'on leur présentait comme des placements sûrs et assortis de belles perspectives de rentabilité. Mais c'est tout le contraire qui s'est produit : Natixis, qui est devenue l'image quasi-caricaturale du fiasco de la banque de financement et d'investissement, affichait en 2008 une perte de 2,8 milliards d'euros et, pour le seul premier trimestre de 2009, de 1,8 milliard : de mieux en mieux, décidément !
En effet, notamment pour remplir les coffres-forts !
Quelle est aujourd'hui la situation de Natixis ? Elle est apparemment la plus touchée des banques françaises par la crise financière ; apparemment car, en matière d'évaluation des volumes d'actifs toxiques détenus par les banques, les incertitudes sont encore très grandes. Selon le chiffre que vous avez cité, madame la ministre, ces volumes se comptent, pour Natixis, en dizaines de milliards d'euros. Son renflouement constitue l'un des points le plus scabreux de la mission assignée à la nouvelle équipe dirigeante nommée par M. Pérol. Je pensais que le Gouvernement comptait sur la jeunesse pour renouveler les pratiques ; mais les personnes évoquées tout à l'heure sont jeunes depuis fort longtemps ! Espérons au moins qu'elles auront tiré quelques leçons de leur expérience ; hélas, en voyant celui qui les choisit, on n'est guère enclin à l'optimisme.
En bref, les actifs risqués représentaient, au 31 décembre 2008, un total de 31 milliards d'euros en montant pondéré sur le fondement des règles bancaires en vigueur, mais un total de 50 milliards d'euros en valeur absolue, lequel aurait même grossi depuis cette date. Ces actifs toxiques ont été cantonnés au sein même de la banque afin d'être gérés en extinction. L'enjeu est considérable. De la gestion de ce portefeuille dépendra en effet le montant de la perte finalement constatée par Natixis. Seuls 5 milliards d'euros ont été, à ce jour, provisionnés dans les comptes.
Selon le journal Les Échos, « cette gestion “extinctive” – une sorte de défaisance, sans intervention directe de l'État ni sortie immédiate des actifs du bilan de l'établissement – est sans précédent en France. Elle occupe aujourd'hui 150 personnes à plein temps chez Natixis (des opérateurs de marché du crédit, des spécialistes, des produits financiers complexes et des juristes) sous la responsabilité d'un expert financier canadien ». Et le journal ajoute : « Début avril, l'agence de notation des risques Fitch estimait cependant que la provision de 5 milliards d'euros dans les comptes pourrait ne pas suffire à éponger les pertes futures. » C'est en effet ce que tendent à confirmer les comptes déficitaires du premier trimestre de 2009, qui ont nécessité une injection de 3,5 milliards d'euros par l'État et les deux grands actionnaires.
Dans ce contexte financier très difficile, nos concitoyens seront surpris d'apprendre la bonne fortune de M. Anthony Orsatelli, ancien dirigeant de Natixis, qui a touché 1,8 million d'euros d'indemnités : son nom s'ajoute donc à la liste citée par M. Cahuzac. Selon le journal La Tribune du 14 avril dernier – écoutez bien, chers collègues de droite, car ce qui suit montre combien il est nécessaire de prendre en compte l'immoralité dans la réflexion politique –, « l'ex-patron de la banque d'investissement de Natixis, parti depuis un an, était tenu pour responsable des pertes de la banque dans la crise des subprimes. Il était en effet l'ex-directeur général d'Ixis, d'où provient l'essentiel des pertes de la banque. Anthony Orsatelli était surtout président du rehausseur de crédit CIFG, qui a coûté à Natixis 409 millions d'euros de dépréciations et 369 millions d'euros de moins-value fin 2007 lors de sa cession aux Banques Populaires et aux Caisses d'Épargne. Les actionnaires de Natixis ont dû injecter 1,5 milliard de dollars pour recapitaliser CIFG que son président avait d'ailleurs refusé de vendre en 2006. Dans la foulée, Anthony Orsatelli a présenté sa “démission le 14 février 2008”, selon le rapport annuel de Natixis. Pourtant, dans le même document, la banque estime qu'elle “a mis fin au contrat de travail de M. Orsatelli, dont le préavis s'est achevé le 21 janvier 2009”, soit un an plus tard. “La rupture du contrat de travail a entraîné le versement en 2009 d'une indemnité pour préjudice correspondant à deux ans de rémunération (fixe et variable)”, souligne Natixis dans son rapport annuel. Avec un salaire annuel fixe de 450 000 euros et une part variable de 225 000 euros au titre de 2007, son indemnité pour “préjudice” s'élève à 3,5 millions d'euros. À cela s'ajoute son préavis d'un an, payé mais non effectué, soit un total de 1,8 million d'euros ».
Oui, madame la ministre, dans la République sarkozyenne, ceux qui subissent un « préjudice » sont les voleurs, et les « bénéficiaires » sont les honnêtes salariés, qui pourtant ne parviennent plus à joindre les deux bouts. C'est cela, le renversement des valeurs dans votre régime ! Il est vrai que ce terme n'a pas le même sens pour vous, qui ne connaissez que les valeurs cotées en bourse, alors que les nôtres sont celles portées par le peuple français depuis la Révolution de 1789.
Les 110 000 salariés des diverses structures du groupe qui nous est proposé ne sont pas logés à la même enseigne ; ils ne bénéficieront pas des mêmes largesses que celles octroyées à M. Orsatelli et aux 3 000 salariés de Natixis qui ont encaissé 70 millions d'euros de bonus en 2008. La tentation sera même extrêmement forte d'utiliser la masse salariale comme variable d'ajustement pour tenter de redresser la situation financière des entités du groupe, après la suppression de plus de huit cents emploi ces derniers mois. Cette inquiétude est renforcée par le fait que, lors de son audition par la commission des finances de notre assemblée, M. Pérol a refusé de s'engager sur le maintien des effectifs, déclarant que « des adaptations aur[aient] lieu, mais [qu']elles se fer[aient] [...] par gestion des flux naturels », ce qui annonce clairement des coupes dans les effectifs. Nous considérons qu'aucune suppression de poste ne doit intervenir, au moins durant tout le temps où le groupe bénéficiera d'une aide publique.
La création de l'organe central des Caisses d'épargne et des Banques populaires par le présent projet de loi s'inscrit en effet dans un contexte de lourdes pertes financières de ces structures – respectivement 2 milliards et 468 millions d'euros –, comme de leur filiale commune Natixis – 2,799 milliards –, dont la gestion spéculative a entraîné une spoliation des petits actionnaires, lesquels, après avoir été harcelés pour souscrire des titres Natixis, ont, comme je l'ai dit, perdu depuis près de 18 euros par action. Dans ce contexte, il nous semble que les dirigeants du groupe doivent faire preuve d'une grande sobriété en matière de rémunérations, comme tous les responsables de sociétés bénéficiant de deniers publics.
La nomination de M. Pérol à la tête du nouveau groupe par oukase présidentiel est, en elle-même, l'un des problèmes que pose indirectement ce projet de loi, d'autant plus qu'une enquête préliminaire est en cours suite à des plaintes déposées pour prise illégale d'intérêts. De plus, le défaut de consultation de la Commission de déontologie de la fonction publique entache fortement la régularité de la nomination de M. Pérol, donc l'autorité de ce dernier. En effet, la Commission aurait du s'intéresser de très près au rôle de M. Pérol dans l'orchestration du rapprochement des Caisses d'épargne et des Banques populaires. Elle devrait en outre être intéressée par les responsabilités exercées par M. Pérol lors de son précédent départ de la fonction publique pour la banque d'affaires Rothschild & Cie en 2005. Voilà bien du pantouflage, madame la ministre, ou je ne m'y connais pas ! Il est vrai que, d'habitude, les intéressés se contentent d'une seule paire de pantoufles, alors que, dans le cas présent, elles sont renouvelées un peu trop fréquemment.
Le projet de loi a d'abord pour objet la création de l'organe commun chargé notamment de définir la politique et les principes de gestion des risques. Cela nous paraît insuffisant, et il nous semblerait logique qu'un groupe coopératif qui bénéficie en outre d'une aide de 5 milliards d'euros de l'État soit exemplaire en matière de transparence, d'éthique, et particulièrement pour ce qui concerne le refus d'utiliser les paradis fiscaux. Cela s'inscrirait d'ailleurs dans les engagements que les banques ont pris devant le Président de la République.
En effet, la presse a relaté, à la suite du G20 de Londres, qu'un nouveau chantier venait de s'ouvrir pour les banques françaises après les déclarations de Georges Pauget, président de la Fédération bancaire française. Ce dernier avait en effet promis à sa sortie de l'Élysée, après que Nicolas Sarkozy eut demandé aux banques de se montrer « exemplaires » dans l'application des décisions du G20, que ces mêmes banques prendraient des « initiatives pour ce qui relève des paradis fiscaux ». Devant des déclarations aussi prometteuses, les syndicats ont réagi positivement et l'intersyndicale des banques a appelé ses « militants à demander des comptes aux directions bancaires », notamment sur la liste exhaustive de leurs implantations dans les paradis fiscaux.
Le passage par les paradis fiscaux est fréquemment utilisé par les banques de financement et d'investissement dans différents types de montages, et ce pour des raisons diverses : optimisations fiscale, comptable ou réglementaire. Si l'aspect fiscal est paradoxalement le moins important, l'aspect comptable, lui, a permis aux banques de consolider leurs véhicules de titrisation en les domiciliant dans les paradis fiscaux, échappant ainsi aux contraintes prudentielles du régulateur. De plus, la souplesse réglementaire de certains paradis fiscaux permet aux banques, comme aux fonds alternatifs ou aux réassureurs, de faire très facilement des opérations entrant dans une catégorie pourtant très réglementée.
Nous considérons donc que l'interdiction du recours et des relations avec les paradis fiscaux inscrits sur les listes de l'OCDE et du Parlement européen doit être introduit dans le présent texte, afin de donner un signal fort et exemplaire : nous verrons, madame la ministre, ce qu'il en est des paroles fortes du Président de la République, lesquelles ont d'ailleurs en commun avec celles du discours de Toulon de septembre dernier de n'avoir pas été suivies d'effets, non seulement dans les délais promis, mais encore jusqu'à aujourd'hui.
L'État va fournir 5 milliards d'euros à ces banques, mais ne veut pas jouer un rôle d'actionnaire actif, représentant de l'intérêt général, ni, bien sûr, stabiliser sa participation pour asseoir son rôle dans la durée. Le groupe coopératif que vise à créer votre projet prendrait véritablement du sens s'il s'inscrivait dans le cadre de la création d'un pôle financier public et coopératif. La teneur de l'article L. 512-85 du code monétaire et financier, qui définit les missions d'intérêt général du réseau des Caisses d'épargne, en est une ébauche qu'il faut améliorer ; aussi proposons-nous que ces missions soient explicitement étendues par le texte de loi au réseau des Banques populaires, ce qui permettrait à l'ensemble créé de devenir un outil pour travailler à la sortie de crise par des investissements d'intérêt général.
Mais le pôle financier dans lequel nous souhaitons inscrire le nouveau groupe a une ambition beaucoup plus large. Cette idée, qui avait commencé à se cristalliser lorsque Lionel Jospin était Premier ministre, vous l'avez totalement abandonnée dès 2002 en faisant prévaloir les dogmes libéraux, les privatisations et la déréglementation.
L'essentiel est aujourd'hui de réorienter le crédit pour le mettre au service d'une nouvelle croissance créatrice d'emplois et respectueuse de l'environnement. Le pôle financier public doit favoriser, par des taux sélectifs, les investissements utiles des entreprises et des collectivités locales et pénaliser ceux qui vont à la spéculation.
Pour toutes ces raisons, nous considérons que ce projet de loi est inadapté tant à la situation actuelle qu'à la nature et à la vocation des banques coopératives concernées. Il est dangereux. Il continue dans une logique qui a directement conduit à la crise bancaire et financière, et nous vous proposons donc d'adopter cette question préalable, pour ne pas aller vers de nouvelles catastrophes que votre conditionnement idéologique – le vôtre, madame la ministre, ou celui de nos collègues de l'UMP – risque, sinon, de rendre inéluctable.
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.
Le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette question préalable, pour la raison suivante.
Personne ne peut contester l'extrême difficulté dans laquelle se trouvent tant Natixis que les caisses d'épargne.
La faute à qui, et quelles sanctions faut-il prendre ? On peut toujours poser la question.
Ils n'ont pas commis d'actes criminels, mon cher collègue, contrairement à ce que vous avez dit, hélas !
On peut toujours voter une question préalable, mais le problème, c'est l'avenir. Or vous n'avez aucune solution à proposer. Aucune.
Il faut ici distinguer le texte de son contexte.
Concernant le contexte, chacun conviendra qu'il s'agit à l'évidence d'un sujet qui arrive en pleine crise mondiale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je dirais même plus : il est une conséquence de la crise mondiale ! (Sourires)
Madame la ministre, et quelques députés de droite, nous disent que cette crise est une fatalité, comme il en arrive parfois dans le système capitaliste. Mais non ! S'il y a crise, c'est d'abord de votre faute. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Lagarde n'aurait décidément pas dû laisser Lehman Brothers faire faillite ! (Sourires.)
Mes chers collègues, je vous propose de démontrer à M. Roy que l'on peut écouter un orateur sans l'interrompre.
Vous noterez que l'auditoire de droite n'est pas très réceptif, alors que vous savez, madame la présidente, que je fais toujours l'effort de les écouter, et même de les interpeller régulièrement.
Nous avions remarqué, monsieur Roy. (Sourires)
Mes chers collègues, montrez l'exemple : M. Roy sera ravi de le suivre.
La droite a encouragé tous ceux qui, depuis quelques années, sont tombés dans le profit facile, indécent. Aujourd'hui, le Gouvernement persiste et signe : vous continuez avec ces profits, qui continuent à être indécents.
L'incertitude sur l'ensemble des revenus dont bénéficiera M. Pérol est inquiétante.
L'ampleur des aides apportées aux différentes entreprises et aux banques, toujours sans aucune contrepartie, est tout aussi inquiétante.
Il faut enfin souligner ces histoires de copinages : tout cela se déroule entre amis ; ce sont les suites de la nuit du Fouquet's ! Les amis du président sont placés, puisqu'il faut les remercier : c'est aussi ce qui s'est passé sur la loi audiovisuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Et, comme pour les hôpitaux, on veut un seul chef qui décide de tout !
J'en viens au texte lui-même : c'est la disparition programmée d'un système qui avait fait ses preuves, et auquel beaucoup de gens étaient attachés. Je veux parler du système mutualiste. J'étais moi-même enseignant avant d'être élu ici…
…et lorsque j'ai dû choisir une banque, comme tout bon Français, j'ai pris la banque populaire, par conviction.
J'ai bien peur que l'avenir ne me déçoive beaucoup, tant le texte laisse planer d'incertitudes sur l'avenir du système mutualiste.
Quant à l'avenir purement financier, il suffit de voir combien vous avez eu le nez creux dans le passé : comme M. Brard, je préfère les cochons qui cherchent les truffes ! Il suffit de voir ce qu'a été le fiasco de Natixis – trop vite, trop tard, trop fort – et les pertes qu'il va engendrer – on parle, me dit-on, de 35 milliards perdus. En entendant cela, le sang se glace comme sont glacées les eaux de l'Océan arctique, comme sont glacés les icebergs du Groenland. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. — Sourires sur plusieurs sur les bancs du groupe SRC.)
Il y a un autre élément d'incertitude. Chers collègues, ce détail époustouflant ne vous aura pas échappé : les sociétaires sont minoritaires dans le conseil de surveillance !
Comme l'a si bien démontré Jérôme Cahuzac, c'est parce qu'ils devront mettre la main à la poche pour éponger les pertes à venir. Il faut que les minoritaires deviennent majoritaires et que les majoritaires deviennent minoritaires : comprenne qui pourra.
Enfin, madame la ministre, nous ne cesserons pas de vous poser ces questions : pourquoi avoir accepté que MM. Gadonneix et Mestrallet soient augmentés dans de telles proportions ? Pourquoi avoir accepté que M. Orsatelli parte avec les poches regorgeant de billets de banque en euros forts ? Pourquoi avoir accepté que M. Cirelli obtienne une augmentation de 181 %, quand il refuse une augmentation de 0,3 % à ses salariés ? Votre silence est assourdissant.
J'en parlais avec M. Albert, proche de Dominique Baert, il y a quelques heures à peine : ensemble, nous voterons cette question préalable.
Le groupe communiste votera évidemment ce texte.
La première raison en est, nous l'avons dit, qu'il n'y a pas là d'urgence. Jean-Pierre Brard l'a montré avec pertinence : vous ne souhaitez pas qu'il y ait un véritable débat sur ces questions, et vous ne souhaitez pas que nous y consacrions suffisamment de temps pour que la population, donc les électeurs, aient une claire conscience du débat qui nous anime aujourd'hui. Il n'y a pas d'urgence ! C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cette question préalable.
On nous parle aussi de la moralisation du capitalisme – même le président Sarkozy en a parlé. Mais comment va-t-on moraliser le capitalisme avec ce projet de loi ? On ne fait qu'emprunter à nouveau les chemins qui ont mené à la grave crise que nous connaissons. Elle n'en sera qu'amplifiée : vous visez en réalité à jeter dans le chaudron du système spéculatif des organismes financiers qui jusqu'à présent étaient un peu à l'abri. C'était l'épargne populaire, et c'était le système coopératif, que vous voulez utiliser aujourd'hui pour renforcer les positions des grandes puissances financières.
Nous voterons cette question préalable parce que nous avons l'expérience de Natixis. Nous savons précisément ce qui a conduit à la difficulté et au gaspillage financier que nous connaissons aujourd'hui. Et vous voulez aller encore plus loin !
C'est aussi la mainmise de l'Élysée sur le système financier qui se dessine : on place les copains du président.
Nos collègues socialistes ont largement démontré tout à l'heure les liens étroits qui unissent ceux qui auront à gérer ces organismes au Président de la République, dont ils sont aussi les amis proches – et ceux de l'UMP, bien sûr.
Sur la question de la moralisation, enfin, je suis effaré de vous entendre comparer les salariés à qui l'on refuse une augmentation de salaire de 0,3 % aux chefs d'entreprise, dont le mérite doit leur permettre de partir avec 300 ou 400 millions et 150 % d'augmentation !
Je pense que la représentation nationale devrait avoir honte de ce que vous venez de dire.
Au-delà du fait que le groupe UMP ne votera pas la question préalable, je voudrais répondre aux propos qui viennent d'être tenus.
Ce que j'ai dit tout à l'heure est assez simple. C'est l'assemblée générale des actionnaires qui doit fixer les rémunérations. Je crois qu'il y a beaucoup d'avancées sur le fonctionnement des comités des rémunérations. Elles viennent notamment de l'UMP : nous proposons en particulier que les salariés en fasse partie. Pour ma part, je suis en faveur d'une transparence absolue et je souhaite que l'assemblée générale des actionnaires soit effectivement le lieu où se décident les rémunérations.
Sinon – pardon de le dire – plus rien ne tient. Nous discutons ce soir d'un projet de loi, que je qualifie à nouveau de technique pour faire plaisir à Dominique Baert…
…mais d'un projet qui sera finalement, pour l'essentiel, achevé par l'assemblée générale des sociétaires.
C'est quand même comme cela que cela se passe ! Il faut rappeler les principes.
Vous avez dit, cher collègue, que Natixis était le responsable de tous les maux. Natixis est une banque d'affaires, qui a fait comme toutes les autres banques d'affaires à travers le monde. Mais ce n'est pas d'elle qu'est venu le mal ! C'est aussi la crise d'un système qui a voulu que l'on fasse de l'argent sur de l'argent sur de l'argent…
…et qu'il y ait des bonus et des rémunérations pour des responsables de sociétés d'investissement qui n'ont pas valorisé l'outil industriel – puisque d'outil industriel il n'y avait point – mais qui n'ont fait que revendre, revendre et revendre encore, pour engranger des bonus. Voilà la perversion du système.
Il y a aussi, bien sûr, le problème du taux de retour sur investissement, qui est une calamité qui entraîne licenciements et délocalisations.
Voilà ce qui nous a conduits à la situation actuelle.
J'en reviens ensuite à la crise des subprimes ; car, s'il y a eu cette crise-là, il y a eu ensuite une autre crise, qui nous touche plus directement et qui touche tout spécialement le tissu industriel français, les PME et les artisans : c'est la crise du risque.
Que s'est-il produit après la crise des subprimes ? Les emprunts, qui sont des contrats, ont été respectés. Mais les encours, c'est-à-dire les découverts, qui ne font l'objet d'aucun contrat, ont été revisités à la lumière des risques nouveaux : dès lors que le risque apparaissait supérieur, ils ont tous été minorés. Voilà comment, d'un seul coup, s'est produite une congestion de l'économie française qui touche directement la société réelle – les commerçants, les artisans, les PME. C'est une seconde crise du risque.
Je souhaite, pour ma part, que les banquiers fassent leur métier – et leur métier, c'est de prendre des risques.
Ce n'est pas de prendre des risques inconsidérés et de faire de l'argent sur de l'argent sur de l'argent ! Mais il faut qu'ils prennent des risques, car sans risque, il n'y a pas de croissance économique, et donc sans risque, pas d'emploi, pas de développement ni de projets industriels. Voilà comment fonctionne l'économie ! Il est très sympathique de tout réinventer, mais je voudrais qu'on en revienne à l'essentiel : il faut rendre possible ce qui sera au final avalisé par l'assemblée des sociétaires, c'est-à-dire la création d'un groupe bancaire de stature mondiale, qui rendra bien des services à l'économie française.
Enlevez vos lunettes roses !
(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires.
Chacun l'a remarqué, c'est un texte technique…
…non seulement en raison des sujets, un peu arides, qu'il aborde, mais aussi et surtout par son ambition même : le Gouvernement a constaté que le code monétaire et financier comprenait des dispositions relatives aux organes centraux des caisses d'épargne et des banques populaires et il en a tiré les conséquences en modifiant ce code pour permettre la disparition de ces deux organes – la Caisse nationale des caisses d'épargne et la Banque fédérale des banques populaires – au profit d'un nouvel organe central, point final.
Ce texte n'a en effet pas d'autre prétention affichée. C'est ce que vous avez dit, madame la ministre, en commission lorsque vous avez annoncé que « le nouvel organe central n'en fera ni plus, ni moins ». C'est ce qu'a dit le rapporteur général quand il s'est félicité, lors de l'examen des articles, du caractère « économe et peu bavard » de ce texte. Nous sommes dans le non-dit le plus absolu.
Cette absence d'ambition revendiquée nous semble problématique. Pourquoi sommes-nous aujourd'hui appelés à nous prononcer sur ce texte ?
Après tout, le rapprochement des caisses d'épargne et des banques populaires n'est pas une nouveauté, puisque, avant même la création de Natixis en 2006, épisode sur lequel je vais revenir dans un instant, deux autres tentatives avaient eu lieu, en 1996 et 2003. Comme le rappelle Gilles Carrez dans son rapport, même dans le projet de 2006, la fusion n'était pas prévue avant 2010-2011. Ce qui a accéléré le calendrier, c'est donc bien la crise financière et surtout son impact sur les caisses d'épargne et les banques populaires, en particulier à travers leur filiale commune, Natixis.
En effet, les crises sont généralement l'occasion de recomposition des paysages qu'elles touchent – en l'occurrence le paysage bancaire et financier. Mais si le rapprochement des deux groupes est aujourd'hui aussi urgent – le caractère serré du calendrier nous a d'ailleurs été rappelé –, c'est parce qu'ils ont été tous deux très affectés par les pertes de Natixis : 2,8 milliards d'euros pour la seule année 2008 et près de l,9 milliard d'euros sur le seul premier trimestre 2009.
C'est là que réside justement l'une des principales questions que ce projet de loi devrait traiter et qu'il ne traite pas : comment deux réseaux coopératifs, c'est-à-dire dont l'activité est normalement tournée vers les services qu'ils rendent à leurs clients, ont-ils pu avoir une filiale avec une activité aussi risquée, aussi éloignée de leur objet même ?
Cette question, tout le monde se la pose : les petits épargnants, à qui on a vendu des actions Natixis à 14 ou 15 euros en leur promettant un placement de père de famille, alors que l'action ne vaut plus aujourd'hui que 1,46 euro à peine; les salariés des deux réseaux, qui ont cru de bonne foi dans les perspectives de cette filiale et qui sont aujourd'hui face à des épargnants dont certains ont beaucoup perdu ; et même François Pérol, qui mentionne, parmi les principales évolutions engagées à propos de Natixis, « la réduction de son profil de risque » et « le recentrage de ses activités de banque d'investissement vers les services aux clients, au détriment de la gestion pour compte propre ».
Je voudrais à ce propos rappeler ce que j'ai dit en commission. Si les caisses d'épargne, plus que les banques populaires, sont allées sur des activités risquées, y compris quelquefois sur compte propre – je reviendrai sur la genèse de l'achat qui n'est pas très glorieux, ni pour notre pays ni pour le secteur bancaire –, c'est tout simplement parce que le travail difficile qui avait été prévu dans la loi de 1999 d'homogénéisation des résultats des directions régionales des caisses d'épargne n'a pas été mené à son terme. Les banques populaires fonctionnaient bien selon un système fédéral, mais avec des résultats pas trop éloignés les uns des autres alors que les caisses régionales des caisses d'épargne connaissent encore des écarts substantiels.
C'est ce travail sur la banque domestique, qui était dans le métier même des caisses d'épargne historiques, qu'il ne fallait pas abandonner. C'est celui-là qu'il fallait approfondir. Malheureusement, les dirigeants qui étaient en place il y a encore peu n'ont pas mené ce travail et n'ont pas respecté la philosophie de la loi de 1999.
Sans même évoquer d'autres événements, tels que la perte de 750 millions d'euros dans l'activité de trading pour compte propre des caisses d'épargne, le cas de Natixis montre à quel point nous nous sommes éloignés de la philosophie coopérative. Cet éloignement apparaît aujourd'hui clairement à la lumière des risques pris par cette filiale, mais il transparaissait déjà, je l'avais dit à l'époque, dans les circonstances de sa création, marquée par un manquement profond aux règles d'éthique.
En effet, en violation du pacte d'actionnaires qui la liait à la Caisse des dépôts, la CNCE n'avait pas informé la Caisse des dépôts du changement de stratégie que constituait le rapprochement avec les banques populaires.
Notre collègue Auberger était alors président de la commission de surveillance et Francis Mayer, aujourd'hui décédé, était le directeur général de la Caisse des dépôts. Je ne crois pas en disant cela trahir la réalité de ce qui s'est passé et de ce que j'ai connu à la commission de surveillance et à la commission des finances de l'Assemblée. Pourtant, le ministre de l'économie et des finances de l'époque, alors même qu'il disposait du pouvoir d'agrément du président du directoire, n'avait pas jugé utile d'intervenir.
Cette passivité du ministre de l'époque me semble être le symptôme du manque d'intérêt de la droite libérale pour le mouvement mutualiste et coopératif. Ce manque d'intérêt s'est d'ailleurs manifesté à nouveau à l'occasion de l'examen du projet de la loi de modernisation de l'économie, où la majorité a tiré argument de la banalisation du livret A – banalisation qui a été menée, je le rappelle, avant même que le recours engagé par le Gouvernement n'ait été examiné par la Cour de justice des Communautés européennes – pour supprimer la procédure d'agrément du président du directoire de la CNCE ainsi que l'obligation faite aux caisses d'épargne de consacrer au moins un tiers du résultat net comptable disponible après les mises en réserves légales et statutaires au financement des projets d'économie locale et sociale. Mme la ministre, relativement cohérente par rapport à sa philosophie, avouait même ne pas comprendre «pourquoi nous devrions continuer à imposer des missions d'intérêt général aux caisses d'épargne alors qu'elles sont en train de faire peau neuve ».
Depuis, Lehman Brothers a fait faillite et la droite, plutôt les droites libérales ont redécouvert une certaine vertu à l'actionnariat public, même en France avec Dexia – on peut dire qu'on n'a pas nationalisé mais l'apport de 1 milliard d'euros par l'État et de 2 milliards d'euros par la Caisse des dépôts pour sauver Dexia représente bien une forme de renationalisation, en tout cas d'adossement au secteur public de Dexia. On a retrouvé plein de vertus à l'aide publique au secteur bancaire, massive, sans contrepartie, et même au caractère coopératif des caisses d'épargne et des banques populaires.
Mais tout cela se fait sans contrepartie et reste un peu de façade. Ainsi, le Gouvernement s'est exonéré de toute réflexion sur ce que devrait être un groupement mutualiste aujourd'hui, à la lumière des dérives du passé. Même du seul point de vue technique, ce projet de fusion pose plusieurs questions qui ne sont pas résolues et que, pour certaines d'entre elles, le Gouvernement ne souhaite pas résoudre, en tout cas à l'heure actuelle.
C'est notamment le cas de l'équilibre entre l'organe central et les caisses régionales. Le nouvel organe central concentre au total des pouvoirs qui sont plus étendus que ceux de chacun des deux organes centraux actuels pris séparément. À titre d'exemple, la politique commerciale n'entre pas dans les attributions de la Banque fédérale des banques populaires.
À cela s'ajoute le fait que, comme le rappelait Gilles Carrez, «l'expérience a montré une centralisation excessive, due en partie aux procédures d'agrément qui créait des circuits internes aux organes centraux puisque c'étaient les mêmes qui siégeaient à l'organe central et qui se faisaient agréer par lui. » Les leçons de l'expérience n'ont donc pas été tirées.
Enfin, le projet de loi n'aborde absolument pas la question de la répartition des sièges du conseil de surveillance entre présidents de directoires et présidents des conseils de surveillance des banques régionales, alors même que cette question est, là encore, importante pour disposer d'une structure équilibrée.
Ces trois éléments vont dans le même sens, celui d'une remise en cause des équilibres existants au profit du président du directoire de l'organe central, contrairement à la philosophie de décentralisation qui a animé l'histoire des deux réseaux concernés.
Pour conclure, madame le ministre, j'aimerais m'interroger sur l'avenir, à moyen terme, du nouveau groupe ainsi constitué.
À l'issue de l'opération, la puissance publique aura apporté pour 7 milliards d'euros de fonds propres au nouvel ensemble. Cela pose de nombreuses questions : cette somme suffira-t-elle, au regard notamment de la situation de Natixis – certains évoquent déjà une garantie publique pour des actifs de cette filiale ?
La représentation de l'État au conseil de surveillance – seulement deux administrateurs sur dix-huit, les deux autres étant réputés indépendants – est-elle suffisante ?
Mais la question la plus importante, à moyen terme en tous cas, me paraît être celle du remboursement, car de lui dépend l'avenir du futur groupe.
À supposer, car cela demeure une hypothèse plausible, que la situation de ce groupe ne soit pas suffisamment améliorée, se pose la question de la participation de l'État. J'ai cru comprendre, à vous écouter et à écouter M. Pérol, que l'État ne serait pas un actionnaire stratégique, un actionnaire de long terme, qu'il viendrait pour un moment donné.
Je termine, madame la présidente.
Je peux comprendre cette position. Simplement, elle suppose qu'on ait dégagé au niveau du nouvel ensemble des banques, des directions régionales des caisses d'épargne et des banques populaires, suffisamment de moyens pour racheter la part de l'État. Dans ce cas, le groupe restera coopératif et mutualiste et s'occupera d'innerver l'économie, ce qui serait une bonne chose parce que, aujourd'hui, le Crédit mutuel est, avec le groupe CIC qu'elle possède, la dernière banque mutualiste française.
Elle n'est pas la seule.
Il y a le Crédit agricole qui a un statut particulier, c'est une fausse SA avec, et c'est heureux, un peu de mutualisme, on l'a vu quand il a fallu trouver 5,5 milliards d'euros de fonds propres : cela s'est fait sans faire appel au marché.
Eh oui !
Mais il faut bien avouer qu'il ne reste plus que cela pour innerver le territoire, et les caisses d'épargne et les banques populaires sont fondamentales à ce titre.
Si l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires n'a pas les moyens de rembourser la part de l'État – il n'est pas sûr qu'il y arrive en quelques années –,il y aura appel au marché. Ainsi, les parts de l'État pourraient être mises sur le marché, le capital pourrait être ouvert, cela pourrait être la fin de ce dernier secteur coopératif.
Ce n'est pas une question subalterne parce que cela concerne les finances de gens modestes mais aussi des artisans, des commerçants, et de tout le secteur des PME. Cette clientèle de ces deux banques pourrait être une cible intéressante.
Ce sont toutes ces questions que je voulais vous poser, au nom du groupe socialiste, parce que je pense que ce sont de vraies questions…
…qui méritent d' être débattues sur les différents bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la ministre, je regrette que vous n'ayez pas jugé opportun de répondre immédiatement à la remarque qui a été faite par mon collègue Jean-Pierre Brard à propos de l'instauration éventuelle de la vignette après les élections européennes. Je ne sais pas si votre silence peut s'interpréter comme une confirmation, en tout cas je considère que la question méritait une réponse.
La fusion de l'organe central des banques populaires et des caisses d'épargne était annoncée pour 2010. La crise que nous traversons actuellement a été un catalyseur, elle a accéléré ce qui se dessinait depuis la constitution de Natixis. Pourtant, ce contexte économique exceptionnel et la mise en lumière criante des abus et des limites du système capitaliste n'ont en rien modifié les objectifs de transformation des deux banques coopératives en banques privées: tout est fait comme s'il ne s'était rien passé depuis septembre et l'éclatement de la crise financière.
Je rappelle pourtant les déclarations du Président Sarkozy et son souhait de « moraliser le capitalisme » ! Il n'en est rien. Pis, le Gouvernement passe à côté d'une occasion de transformer en profondeur notre système économique. En réalité, tel n'est pas son objectif. Nous aurions pu, à l'heure actuelle, débattre de la constitution d'un pôle financier public – c'était le sens de la question préalable de Jean-Pierre Brard – autour de ces deux banques avec le concours de la Caisse des dépôts. À l'inverse, nous discutons aujourd'hui du démantèlement progressif du système coopératiste sur fond de pouvoir élyséen.
En fait, depuis plusieurs années déjà, le modèle de la banque coopérative est en danger. À l'origine, au XIXe siècle, la création des caisses d'épargne était motivée par l'intérêt général. Celles-ci avaient pour vocation d'offrir aux classes populaires un moyen de constituer une épargne. Elles avaient d'ailleurs un statut d'établissement privé d'utilité publique. Or, petit à petit, cette spécificité s'est estompée, et les caisses d'épargne, comme les banques populaires, se sont rapprochées du modèle bancaire privé, ce au détriment de ce qui faisait, et continue à faire leur solidité, leur fonctionnement coopératiste et mutualiste.
Il est utile de rappeler que ce modèle est très différent de celui d'une banque traditionnelle, d'une banque « capitaliste ». Une banque coopérative est détenue non par des actionnaires, mais par des sociétaires. Ce sont les déposants qui sont propriétaires de leur banque. Cette spécificité statutaire a deux conséquences.
Premièrement, cela signifie que l'impératif capitaliste de recherche du profit maximum est contenu ; tout d'abord parce que la rémunération du sociétaire est fixée par l'assemblée générale de l'entité régionale ; ensuite parce que les caisses d'épargne, aux termes de l'article L. 512-85 du code monétaire et financier, participent à la mise en oeuvre des principes de solidarité et de lutte contre l'exclusion, au travers notamment de la lutte contre l'exclusion bancaire, de l'amélioration du développement économique local et du financement du logement social. On est bien loin de l'attitude des banques privées !
Certes, depuis la loi de modernisation de l'économie et la décentralisation de la collecte du livret A, le message gouvernemental est clair. Il s'agit d'injecter dans les circuits financiers l'argent de l'épargne populaire autrefois consacrée à des projets d'intérêt général. Dans ce projet de loi, si les missions de service public énoncées par l'article L. 512-85 du code monétaire et financier sont réaffirmées, il y a fort à parier que cela a un effet purement cosmétique.
Deuxièmement, contrairement aux banques traditionnelles, dans le système mutualiste, les banques ou caisses régionales ne sont pas les filiales de l'organe central qui coordonne leurs actions. C'est l'organe central qui est détenu par les structures régionales dont les conseils de surveillance sont pour une grande part constitués des représentants des sociétaires. Une banque coopérative possède, par définition et par tradition, une structure décentralisée et démocratique.
Sur tous ces points, ce projet de loi et le laisser-faire hypocrite de ces dernières années constituent un dangereux recul.
Autre préoccupation majeure autour de ce projet de loi : ce texte a été ficelé à la hâte. Vous avez voulu répondre de toute urgence à la débâcle financière et aux pertes énormes engendrées par la banque de financement et d'investissement de la Caisse d'épargne et de la Banque populaire, Natixis, dont on parle tant ce soir.
Qu'est Natixis ? En bref, c'est le moyen pour la Caisse d'épargne et la Banque populaire de contourner, avec l'assentiment hypocrite du pouvoir politique, leur réglementation et leurs statuts, en leur permettant d'aller se financer sur les marchés alors qu'elles n'auraient dû pouvoir se financer qu'au travers des dépôts de leurs sociétaires et la collecte de l'épargne populaire.
Pour le dire encore plus crûment, les dirigeants de ces banques coopératives, assoiffés par l'appât du gain et alors que ce n'était ni dans le savoir-faire ni dans la tradition de leur établissement, ont voulu participer au festin de l'argent roi en se mettant au diapason des banques traditionnelles, style la BNP, le Crédit lyonnais ou la Société générale, et jouer sur les marchés en faisant notamment de la titrisation ou du trading pour leur compte propre.
Quel en fut le résultat ? Les banques coopératives, qui auraient dû être les seules à ne pas être touchées, ou à l'être marginalement, par la crise des subprimes, ont été, au contraire, celles qui ont accusé les plus lourdes pertes du secteur bancaire en France. Il est d'ailleurs remarquable que les 750 millions perdus par les Caisses d'épargne soient présentés dans votre rapport, monsieur Carrez, comme un simple « incident de marché » !
Plus grave, pour compenser ces pertes et combler les trous, les organes centraux ont proprement siphonné les banques et caisses régionales, c'est-à-dire l'épargne des classes populaires ou bien les comptes de modestes PME qui n'auraient jamais imaginé risquer leur argent sur les marchés !
Venons-en maintenant au coeur du projet. Sous ses dehors bâclés, ses flous et ses vagues, celui-ci vise à faire passer deux idées.
Premièrement que les banquiers, bien loin d'admettre leurs erreurs et leur part dans la crise que nous traversons actuellement, bien loin d'en rabattre sur leur arrogance passée, espèrent bien, dès que les difficultés auront fait mine de se dissiper, recommencer de plus belle, sans aucun scrupule et à plus grande échelle encore leurs pratiques douteuses de trading pour compte propre et de titrisation à tout va.
Deuxièmement, que le modèle de la banque coopérative, brièvement décrit au début de cette intervention, est condamné à disparaître doucement mais sûrement.
Le projet de loi, à rebours de leurs pratiques décentralisées et démocratiques, donne un poids démesuré et un pouvoir exorbitant au nouvel organe central des caisses d'épargne et des banques populaires, à son directoire, à François Pérol, bras armé de l'Élysée.
Permettez-moi de faire une parenthèse. Ce qui est flagrant dans cette affaire, c'est toute l'ambiguïté de la position du Gouvernement et du chef de l'État. D'un côté, l'État donne 5 milliards aux deux banques et refuse d'acquérir des parts du nouveau groupe ; d'un autre côté, sa majesté impériale Nicolas Sarkozy – comme le dirait mon collègue Jean-Pierre Brard ; c'est une belle formule ! – coopte François Pérol à la direction du nouvel organe central.
Pour résumer, l'État et les contribuables renflouent les caisses sans contrepartie et Nicolas Sarkozy place ses pions, ses petits copains, sous fond de clientélisme politique.
Ce projet de loi additionne, purement et simplement, les pouvoirs des organes centraux des caisses d'épargne et des banques populaires : la CNCE et la BFBP. Non content de simplement gérer la solvabilité ou la liquidité du groupe, ou bien d'assurer la coordination à l'intérieur de celui-ci, il décidera aussi de la politique commerciale globale. Et si jamais une caisse ou une banque régionale prenait des décisions non conformes aux instructions du nouvel organe central, celui-ci pourrait en révoquer les directeurs et présidents récalcitrants.
Comment appeler encore cela une structure décentralisée, si toutes les décisions sont prises à Paris et si les caisses et banques régionales sont priées de suivre en rangs d'oignon, sans possibilité d'initiatives personnelles ? Comment appeler cela une banque coopérative si le nouvel organe central considère les caisses et banques régionales comme ses filiales plutôt que comme ses propriétaires ?
Cette mainmise de l'organe central sur les structures régionales se trouve encore accentuée par le fait que celui-ci gérera l'ensemble de la trésorerie des établissements qui le composent. Ce point peut sembler mineur, mais il ne l'est pas. Alors que, jusqu'à présent, l'organe central ne gérait que l'excédent de trésorerie des caisses et banques régionales, leur laissant ainsi une importante marge de manoeuvre dans la détermination de leur politique, le nouvel organe central pourra, demain, décider de l'allocation du moindre centime.
Si encore étaient organisés, au sein du nouvel organe central, des contre-pouvoirs permettant aux représentants des sociétaires, des salariés et de l'État d'avoir leur mot à dire quant aux choix et orientations futurs ! Mais le projet de loi est curieusement muet sur la composition de ce nouvel organe central, ne précisant ni s'il sera à directoire et conseil de surveillance ni, a fortiori, si les sociétaires seront suffisamment bien représentés dans l'encore hypothétique conseil de surveillance. Encore une fois, dans sa rédaction actuelle, ce projet de loi donne quasiment les pleins pouvoirs à M. Pérol, c'est-à-dire à M. Sarkozy.
Pour conclure, ce projet de loi ne modernise en rien notre système bancaire. Il ne tire aucune leçon de la crise et organise la braderie de l'épargne populaire. Les banquiers et leurs amis se frottent les mains ; les sociétaires, les épargnants et les classes populaires un peu moins bien évidemment !
C'est pourquoi les députés communistes, républicains, du parti de gauche voteront contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous débutons ce soir la discussion générale sur la création de l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires dans un environnement économique toujours aussi difficile.
Ce texte pose cinq grandes questions et le vote du Nouveau Centre dépendra des réponses qu'apportera le Gouvernement.
La première question est de savoir si la fusion entre les banques populaires et les caisses d'épargne est une bonne solution au problème posé par l'état financier de Natixis. Tel est, pour le Nouveau Centre, le coeur du problème. Or, je vous le dis tout net, madame la ministre : les arguments avancés en faveur de la fusion ne sont pas de nature à nous convaincre.
Premier argument : on nous dit que ce sont deux groupes coopératifs, qu'ils ont les mêmes valeurs. Or, 60 % du système bancaire français est coopératif mutualiste. Cet argument ne nous paraît donc pas déterminant.
Deuxième argument : ces deux banques sont spécialisées l'une sur les particuliers, l'autre sur les PME. Mais c'est de moins en moins vrai. D'ailleurs, le rapport le montre. Ce sont des banques universelles. Et l'on peut être très sceptique face à l'idée selon laquelle les fusionner va accroître leur efficacité. On nous dit aussi, argument repris par le rapporteur, que cela permettra de faire des produits communs. Mais pour cela, on peut faire des filiales !
Troisième argument : ces deux banques auraient une organisation semblable reposant sur une base régionale forte. C'est vrai, même si les banques populaires, de par leur histoire, ont un ancrage régional beaucoup plus fort que les caisses d'épargne, mais l'organisation régionale n'est pas exactement la même. Donc, cet argument n'est pas non plus convaincant.
Quatrième argument : l'existence d'ores et déjà de filiales communes comme Natixis. Or, on ne peut pas dire que la création de Natixis soit une réussite. Les pertes enregistrées en 2008 et sur le premier trimestre de 2009 sont un véritable gouffre : elles atteignent déjà 3,6 milliards, et certains pensent que ce n'est pas fini !
Les déficits de Natixis ont impacté fortement ces deux groupes et l'on n'a pas parlé ce soir de ceux qui détiennent des parts !
Vous en avez parlé un peu, c'est vrai. Ces personnes ont perdu l'essentiel de leur épargne. Or, l'épargne, c'est du travail. Je suis toujours choqué d'entendre des collègues, plutôt sur les bancs de gauche mais pas uniquement – hélas ! –, qui oublient que l'épargne c'est du travail que l'on a mis de côté pour ses vieux jours, parce que l'on a un investissement à faire. Je ne vois donc vraiment pourquoi l'on respecterait le travail et pas l'épargne !
Cinquième argument : la constitution du second groupe bancaire français avec 20 % du marché. C'est un argument que je qualifierai de typiquement technocratique, utilisé par ceux qui croient que plus c'est gros, plus c'est efficace. Or, ce n'est pas du tout le cas ! Les dysfonctionnements de cette structure mutualiste qu'a été le Crédit agricole, au sein duquel j'ai beaucoup d'amis, ont en effet amené à s'interroger sur la formule « Big is beautiful », pour reprendre une expression chère à notre collègue Brard. Et je ne parle pas des ratios Tier One !
Nous ne sommes donc pas convaincus par ces arguments.
En outre, il y a de vrais obstacles à la fusion, et notamment des obstacles sociaux. L'article 5 ne va pas au fond des problèmes puisque, vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, en cas de fusion, il faudra bien, à terme, négocier une convention unique. D'ailleurs, à chaque fois que l'on a fait ce genre de chose, on a prévu, dans la loi, une date limite. En effet, le fait que les conventions existantes tombent au bout de deux ans, par exemple, incite les partenaires sociaux à trouver un accord. Or l'article 5 n'a pas retenu ce schéma classique.
Il existe par ailleurs des obstacles culturels. Et, même si les cultures naissent, se développent et peuvent se transformer, il faut, pour cela, un peu de temps. Or le calendrier est très serré.
À la moindre difficulté, il faudra renégocier les parités, puisque, comme l'a observé le rapporteur général, au-delà du 30 juin, les valeurs devront être réévaluées, en vue d'une éventuelle fusion.
À cette première interrogation, s'en ajoute une deuxième, sans doute plus importante, sur le rôle de l'État à l'égard de la nouvelle structure. On se sent troublé à la lecture du rapport, car la nouvelle organisation prévue et l'intervention financière massive des pouvoirs publics amèneront l'État à prendre des pouvoirs importants.
Le nouvel organe commun sera doté d'une structure duale, avec un directoire et un conseil de surveillance comptant dix-huit membres, exception faite des deux représentants des salariés, qui n'ont pas voix délibérative. Dans les domaines essentiels – comme l'augmentation de capital –, les décisions doivent être prises à une majorité qualifiée de quinze voix sur dix-huit. Or l'État disposera de deux voix plus deux, si l'on peut dire, et pourra donc bloquer une mesure, quand bien même celle-ci serait soutenue par les deux groupes, qui disposent de deux fois sept voix, soit quatorze voix en tout.
À l'inverse, sur les questions moins importantes où seule la majorité simple est requise, s'il vote avec l'un des deux groupes, il ne disposera pas de la majorité. Autant dire que, sur le plan de la gouvernance et de l'équilibre, il se trouvera dans une situation très curieuse.
C'est pourquoi on peut se poser une question de fond : la présence de représentants de l'État au conseil de surveillance est-elle nécessaire ? Quand nous avons évoqué ces sujets à propos des autres banques, nous avons toujours défendu la même position, que contestaient nos collègues de gauche – dont l'évolution sur ce point est amusante. L'État doit être prudent : il risque de se mettre dans une position étrange s'il est à la fois présent à l'intérieur des conseils de surveillance et chargé de leur contrôle. La solution adoptée ne nous paraît pas excellente, en termes de gouvernance.
Quant aux représentants du personnel, il est bon d'en prévoir un pour chaque groupe. Mais pourquoi les priver d'une voix délibérative, surtout si l'on cherche à les responsabiliser ?
Nous avons déposé un amendement sur ce point. Je pense que vous le voterez, monsieur de Courson !
La troisième question que nous nous posons porte sur la forme que prendra l'aide de l'État au nouveau groupe. Jusqu'à présent, il était prévu qu'il intervienne sous la forme non de capital, mais de titres subordonnés. Or on nous propose une solution intermédiaire entre l'exception qu'est Dexia, qui n'est pas française, et les titres subordonnés. L'aide de l'État prendra en effet la forme de titres subordonnés et des actions préférentielles transformables, si l'État le souhaite, en actions ordinaires, dans la limite de 20 % du capital.
La contradiction a été pointée par le rapporteur. Il faut absolument que le système soit temporaire, même s'il dure plusieurs années. Telle est la thèse que vous défendez, madame la ministre. Mais, si l'État transforme ces actions, le système cessera d'être temporaire. Vous me répondrez sans doute que l'on peut toujours revendre des actions, mais, dans ce cas, pourquoi transformer des actions préférentielles en actions ordinaires ? Reconnaissez que la solution envisagée manque de cohérence.
Quant au fait que l'on ait prévu un système de rémunération élevée, qui pousse le nouveau groupe à rembourser l'État sur ses titres subordonnés, je vous mets en garde. Il suppose que le groupe ait un cash flow suffisant, ce qui reste aléatoire. Il peut connaître un certain flottement entre la volonté de rembourser et celle de réaliser des investissements, notamment de développement. Ce point a, lui aussi, été soulevé par le rapporteur.
Ma quatrième question porte sur les contreparties à la participation massive de l'État dans la nouvelle entité. Le Gouvernement envisage-t-il de lui imposer les mêmes contraintes – insuffisantes, à mes yeux – qu'aux banques, notamment en termes de rémunération des dirigeants ?
Quand on demande sept milliards – cinq plus deux – aux contribuables, des contreparties extrêmement fortes doivent être prévues, en termes de soutien à l'économie, aux entreprises et aux particuliers, puis de rémunération des dirigeants. Or nul ne les évoque. Même si la rémunération de M. Pérol sera bien moins élevée que celle de la plupart des mandataires sociaux des grandes banques françaises,…
… il faut que s'applique une règle claire pendant tout le temps que durera l'intervention de l'État.
Ma cinquième et dernière question porte sur la responsabilité de ceux qui ont amené les caisses d'épargne et Natixis dans l'état dans lequel ils se trouvent. J'ai évoqué le problème devant le Président de la République. Comment demander au peuple français d'apporter 7 milliards à ces établissements sans qu'aucune sanction soit prise envers ceux qui sont responsables de leur situation ?
On ne peut pas défendre la liberté économique, sans prévoir sa contrepartie, qui est la responsabilité. Quand des fautes sont commises, les sanctions doivent être prises. Des plus humbles aux plus éduqués, tous les Français sont choqués. Nous vivons dans une société de totale irresponsabilité, si des dirigeants peuvent faire perdre des milliards à leur société et partir avec des parachutes dorés. En la matière, le Gouvernement doit faire encore un effort : sous forme de convention, il doit imposer des sanctions. Ce ne sera pas difficile, car si nous ne votons pas ce texte…
…et que l'État n'intervient pas à hauteur de 5 milliards, que se passera-t-il ? Il ne sera plus possible de lever des fonds sur les marchés. Ira-t-on expliquer à ceux qui ont perdu une quantité importante du patrimoine qu'ils avaient investi dans leurs parts de coopérateurs et de mutualistes qu'ils doivent apporter de nouveaux capitaux ? Que l'État impose donc sa volonté, comme le peuple français le lui demande, et que le Gouvernement aille au-delà de ce qu'il a prévu.
Vous le voyez, madame la ministre, le groupe Nouveau Centre se pose beaucoup de questions. Je crains que l'on n'ait mélangé deux logiques en cette affaire. Le Gouvernement a renoncé à une solution qui aurait été dotée d'une certaine cohérence : il aurait pu apporter un soutien temporaire aux établissements en titres subordonnés, sans entrer respectivement ni au conseil d'administration ni au conseil de surveillance, mais en imposant des contreparties. Or le Gouvernement a préféré un entre-deux et il se retrouvera à terme dans une situation difficile. Notre vote final dépendra des réponses que vous apporterez à nos questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC. – M. Jérôme Cahuzac applaudit également.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour deux raisons, le groupe UMP votera pour le projet de loi relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires, que nous examinons aujourd'hui.
Si nous en venons déjà à la conclusion, c'est que l'UMP n'a pas grand-chose à dire !
Si M. Brard m'interrompt, je ferai de même quand il parlera, et nous y prendrons tous deux beaucoup de plaisir !
Nullement, mais c'est un plaisir que d'avoir un échange avec vous, au début de l'examen de ce projet de loi, qui nous offrira sûrement l'occasion d'un débat intéressant. Une quarantaine d'amendements ont été déposés, qui nous permettront d'entrer dans le détail de ces sujets souvent qualifiés de techniques.
On aurait tort de croire que le projet de fusion des caisses d'épargne et des banques populaires est né subitement, il y a quelques semaines, de la crise infligée à la Caisse d'épargne par la déconfiture de Natixis. Il est né il y a des années de la complémentarité de deux groupes bancaires mutualistes, et s'est nourri de 131 ans d'histoire bancaire et financière.
Bien qu'historiquement éloignées, les banques populaires et les caisses d'épargne n'ont fait, au cours de leur histoire respective, que se rapprocher. Leurs modèles ont convergé au fil du temps, ce qui s'est caractérisé, depuis 1999, par le partage du statut coopératif.
Au-delà de cette convergence juridique, je crois qu'il est important de souligner une convergence presque philosophique de leur rôle : en application des dispositions du code monétaire et financier, les caisses d'épargne contribuent à la lutte contre l'exclusion bancaire, au développement et au financement du logement social, et à l'amélioration du développement économique local. Les banques populaires, quant à elles, financent de nombreux entrepreneurs et promeuvent une cohésion sociale locale. C'est donc à juste titre que M. Carrez a souligné dans son rapport que « les deux groupes perçoivent la recherche du profit, non pas comme une fin, mais comme un moyen leur permettant de mettre en oeuvre des actions conformes à leurs valeurs ». En somme, le code génétique de ces deux groupes est rigoureusement le même. Forts de ces convergences juridiques et philosophiques, ils ont fait part, au terme d'un long processus, de leur volonté de se rapprocher.
Que M. Brard s'en convainque : il s'agit non d'une volonté étatique, mais d'une évidence économique. Dans l'évolution de ce dossier, l'État n'a fait que jouer le rôle d'un État moderne dans une économie de marché. Il a canalisé et facilité les relations économiques, en vue de l'intérêt général, pour installer un grand groupe bancaire – preuve supplémentaire, s'il en était besoin, que, dans la compétition économique actuelle, le dogmatisme politique n'est plus de mise.
Par ailleurs, je voudrais une bonne fois pour toutes écarter l'idée que ce rapprochement serait une conséquence directe de la crise, le rôle de cette dernière n'ayant été que d'accélérer un processus engagé depuis des années. En outre, ce texte en tire les leçons, en définissant clairement le rôle de l'organe central en matière de surveillance des risques et de gestion de la liquidité ou de la solvabilité.
Le projet qui nous est soumis est un projet industriel pérenne, du fait de la présence de l'État dans la structure financière du groupe. En effet, chacun s'en félicite, l'État s'est engagé à renforcer les fonds propres du nouvel organe central à hauteur de 5 milliards d'euros, afin de préserver la capacité de financement du nouvel ensemble. Il souscrira des actions de préférence sans droit de vote, à concurrence de 3 milliards d'euros, et des titres super-subordonnés pour 2 milliards, qui seront émis par le nouvel organe central et assortis de conditions de rémunération voisines. Grâce à cet apport de fonds propres, le nouveau groupe bénéficiera d'une structure financière plus robuste. Il affichera un ratio de solvabilité en ligne avec les banques européennes les mieux capitalisées.
Ce projet industriel recouvre, sur le terrain, 34 millions de clients, 7 millions de sociétaires, 7 500 agences qui assurent un maillage très dense du territoire – qui sera maintenu pour les caisses d'épargne et les banques populaires – et environ 110 000 collaborateurs. Ces chiffres témoignent du caractère stratégique qu'aura ce groupe pour le secteur bancaire français.
En second lieu, le groupe UMP soutient ce projet car il s'agit d'un projet de gouvernance globale et non d'un morcellement du processus de décision.
C'est un projet qui respecte les caractéristiques des banques coopératives et mutualistes puisque le nouvel organe central prendra la forme d'une société anonyme à directoire et conseil de surveillance, lequel comprendra, outre deux représentants des salariés, dix-huit membres, soit sept provenant des caisses d'épargne et sept des banques populaires, et quatre qui seront désignés par l'État, dont deux personnalités indépendantes.
En particulier, le caractère décentralisé de l'organisation des deux réseaux est préservé. Les uns et les autres ont évoqué le mode de désignation idéal des personnalités indépendantes. Une personnalité est indépendante dès lors que sa désignation est acquise : c'est ensuite de sa responsabilité que d'agir en toute indépendance.
Contrairement à ce qu'a laissé entendre M. Cahuzac, dans tout conseil une personnalité indépendante prend ses responsabilités. Elle n'est pas aux ordres, sinon à quoi servirait de la qualifier de personnalité indépendante ?
Elle serait alors ni plus ni moins que le représentant d'un actionnaire. Ce n'est pas la procédure qui a été retenue : on a choisi d'avoir deux administrateurs qui représentent l'État et deux administrateurs indépendants.
Non seulement je vous écoute, mais je lis votre blog. Vous devenez une personnalité populaire !
Si les décisions d'une personnalité indépendante sont acquises pour des motifs qui n'ont rien à voir avec son jugement personnel, cela remet en cause le principe même de sa nomination. C'est pourquoi je n'imagine pas un instant que cela puisse être le cas pour les deux personnes qui vont être nommées par l'État pour remplir cette mission d'administrateur indépendant.
S'il faut trouver, sur un plan général, un moyen plus abouti de désigner des administrateurs indépendants, pourquoi pas ? Mais j'estime qu'il s'agit là d'une bonne solution, et j'espère qu'elle sera reprise dans nombre de conseils d'administration. Surtout, il faut veiller à ce que ces administrateurs aient les moyens de leur indépendance, y compris les moyens financiers.
Pourquoi pas ? Vous de même, monsieur Brard. Je suis sûr que votre présence serait intéressante dans un certain nombre de conseils d'administration, où vaudrait votre capacité à caricaturer.
J'étais au conseil de surveillance de la Caisse des dépôts, vous m'avez viré !
Ce projet va également améliorer la gouvernance de Natixis, puisqu'il n'y aura plus qu'un seul pilotage au lieu de deux actuellement, ce qui pouvait être source de difficultés, voire d'inefficacité.
Du fait des prérogatives prévues à l'article 1er du projet de loi, l'organe central exercera un contrôle étroit sur Natixis. C'est un bon mode de gouvernance. En commission, nous nous sommes cependant interrogés sur l'avenir de plusieurs filiales qui ne sont pas consolidées au sein du futur groupe. Certaines d'entre elles sont considérées comme des actifs qui ne sont pas stratégiques. Pour ma part, j'estime que le nouveau groupe est, dans son ensemble, stratégique pour la France. Avant d'envisager la cession de filiales, il serait bon, dans un premier temps, de stabiliser le groupe. En tout cas, quelle que soit la nature des filiales, aucune cession n'est urgente actuellement.
Madame la ministre, le groupe UMP vous soutient totalement sur ce projet de loi, qui est nécessaire pour chacun des deux groupes et pour le secteur bancaire français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous sommes invités à débattre de la fusion des caisses d'épargne et des banques populaires, et de la création d'un organe central commun. C'est donc d'une entité regroupant 34 millions de clients, 7 millions de sociétaires et employant 110 000 salariés que nous allons jeter les bases.
Permettez-moi, madame la ministre, de m'interroger dans un premier temps sur la capacité du nouvel ensemble à rembourser les aides de l'Etat dans les délais prévus. La crise sans précédent que nous connaissons ne favorise pas les bons résultats de la banque de détail ni les dividendes de ses filiales, d'autant que subsistent des incertitudes sur les besoins réels de Natixis. Nous constatons des pertes en cascades. Ainsi, quel est le risque sur General Motors et Chrysler, dont on annonce le dépôt de bilan ?
J'ose espérer que ces difficultés prévisibles de remboursement n'auront pas pour effet des suppressions d'effectifs – bien opportunes – ou une augmentation du coût des services pour les clients. Il serait inacceptable qu'une aide de l'Etat, donc des contribuables, ait pour conséquence ultime des licenciements ou une baisse de pouvoir d'achat pour nos concitoyens. Ce serait alors la double peine.
Cette situation serait incompréhensible. Mais le flou qui règne autour de la stratégie des pouvoirs publics et la précipitation pour réaliser cette fusion ne sont pas de nature à nous rassurer.
Qu'en est-il de la participation de l'Etat ? Souhaitez-vous ou devrez-vous la conserver ? Comment envisagez-vous la sortie ? Par une mise sur le marché, une consolidation ? Comptez-vous faire entendre la voix de l'État au conseil d'administration ? J'espère qu'au cours de ces débats, vous pourrez nous apporter des réponses à ces questions
Votre texte, sans le dire ouvertement, remet en cause le caractère mutualiste et coopératif des caisses d'épargne et des banques populaires. Ces deux réseaux bancaires, dans lesquels les banques et les caisses régionales détiennent le capital de leurs organes centraux respectifs, ont conservé une organisation décentralisée et confient de nombreux pouvoirs aux caisses régionales. Il est primordial de garder à l'esprit cette spécificité, gage d'efficacité.
Votre projet de loi constitue une véritable révolution, ou plutôt une régression, quant à la gouvernance du nouveau groupe. La place réservée aux sociétaires de ces deux institutions au sein de leur conseil d'administration, est très importante, et pour cause, puisque banques mutualistes et coopératives détiennent un droit de regard sur les agissements de leur organe central. Or, il n'est pas acquis que les présidents non exécutifs des banques et des caisses régionales, élus par les sociétaires, conservent la majorité au futur conseil de surveillance, comme c'est aujourd'hui le cas dans chaque groupe. Cette question pose un énorme problème auquel il vous faut répondre, madame la ministre.
Pensez-vous concevable de constituer un conseil de surveillance au sein duquel les représentants des sociétaires, qui détiennent plus de 70 % du capital de l'organe central, seraient minoritaires ? Il nous faut préserver l'organisation mutualiste et ses contre-pouvoirs associés, afin que les prises de décisions aillent dans le sens de l'intérêt de tous les clients-sociétaires. Les amendements déposés par notre groupe vous donneront l'occasion de répondre, positivement je l'espère, à ces interrogations.
La place réservée aux représentants du personnel au sein du conseil de surveillance pose également problème. Les salariés des caisses d'épargne disposent aujourd'hui d'un droit de vote à la Caisse nationale des caisses d'épargne, comme le prévoit la loi de 1999 portant réforme des caisses d'épargne. Votre projet de loi doit garantir les mêmes conditions au sein du conseil de surveillance du nouveau groupe. Les salariés doivent pouvoir s'exprimer, et non pas seulement donner un avis, sur la rémunération des dirigeants, la vente d'actifs et la gouvernance.
Je tiens par ailleurs à revenir sur la question du statut social des futurs 110 000 salariés du groupe. Alors que les organisations syndicales plaident depuis de nombreuses années pour une harmonisation progressive du statut bancaire, la fusion risque de le rendre plus complexe et, à terme, moins compréhensible.
Ce projet prévoit en effet la création d'une branche supplémentaire, mais aussi le morcellement des statuts à l'intérieur d'un groupe unique. Alors même que vous souhaitez créer un groupe politiquement, juridiquement et économiquement unifié, vous ne pouvez refuser parallèlement aux salariés la mise en place d'un groupe socialement cohérent et harmonisé, dont les employés partagent un destin commun et bénéficient de conventions collectives unifiées à terme.
Ce projet de loi rédigé à la hâte, pour ne pas dire dans la précipitation, dans un contexte certes difficile, n'est pas satisfaisant à nos yeux, et n'apporte pas toutes les garanties souhaitables. Il subsiste trop de zones d'ombre sur la gouvernance, la stratégie, la coexistence et la pérennité des deux réseaux, le statut social du personnel, le maintien de l'emploi, les missions d'intérêt général dévolues notamment aux caisses d'épargne.
Nous attendons de ce débat, madame la ministre, des éclaircissements, des précisions, des assurances. Nous souhaitons non seulement être entendus mais aussi écoutés.
Ce projet va permettre la création d'un organe central qui sanctionnera la fusion des banques populaires et des caisses d'épargne, si souvent évoquée et toujours retardée depuis 1996. La crise mondiale, qui a touché leur filiale commune Natixis, a accéléré ce processus.
Les deux réseaux coopératifs se rapprochent donc, et l'État s'engage à hauteur de sept milliards, ce qui permettra de consolider les fonds propres du nouvel ensemble, au moment où il doit assurer l'avenir de sa filiale commune. L'État sera donc représenté au conseil de surveillance.
Cette opération intervient de façon opportune pour ces deux réseaux qui, directement et par leurs filiales, jouent un rôle majeur dans le financement de l'économie et notamment dans le prêt aux PME, ainsi que dans le financement du logement, y compris le logement social. Elle améliorera la gouvernance de Natixis, qui n'aura plus qu'un seul actionnaire, et bénéficiera des synergies avec les autres banques du groupe.
La commission des finances vous a auditionnée, madame la ministre, ainsi que le président François Pérol, et cela m'a convaincu de la pertinence de ce projet. Je voudrais néanmoins revenir sur quelques points.
D'abord, par l'intermédiaire de Sopassure, holding détenue à 50,1 % par la banque postale et à 49,9 % par la caisse d'épargne, le nouvel ensemble est désormais actionnaire à hauteur de 35,48 % de la CNP assurances, premier assureur de personnes dans notre pays, aux côtés de la Caisse des dépôts. En décembre, il avait été prévu de répartir ces titres détenus par la Caisse nationale des caisses d'assurance entre les caisses régionales pour conforter l'ancrage territorial de CNP assurances, dont les caisses régionales distribuent les produits. Nous avons compris que cette participation resterait au niveau central et qu'elle serait définie comme stratégique, c'est-à-dire comme une source de revenus dans la durée pour le nouvel ensemble. Pouvez-vous confirmer cette orientation, dans la mesure où le rapporteur général a souligné que l'État n'avait pas vocation à rester à long terme au capital du nouveau groupe et que les modalités de l'opération incitent à sa sortie rapide ?
Cependant, cette sortie, conjuguée aux besoins de Natixis, peut amener le nouvel ensemble à s'interroger sur d'éventuelles réalisations d'actifs. Or, pour moi, il est clair que si des réalisations doivent avoir lieu, elles ne pourront en aucun cas concerner les participations détenues dans Sopassur, et donc dans CNP Assurances.
Je souhaite également attirer l'attention sur l'autonomie des dix-sept caisses régionales de caisse d'épargne et des vingt banques populaires régionales. Nous devons conforter cette autonomie, non seulement parce qu'elle est l'essence même des réseaux coopératifs, mais aussi parce qu'elle est la garantie de la bonne irrigation économique du territoire en matière de financement de l'économie.
Si le regroupement des fonctions de back office, qui peut générer de véritables économies, est cohérent, on peut s'interroger sur le maintien d'une offre bancaire diversifiée avec des centres de décisions locaux, de plus en plus rare dans le paysage bancaire. Lors d'une réunion de la commission des finances, j'ai eu l'occasion d'interroger François Pérol sur l'analyse de cette autonomie, notamment au regard de la consolidation de la prise de risques par les établissements. La réponse qui m'a été faite me satisfait, tant sur l'existence de plusieurs niveaux limites de risques, que sur l'harmonisation par le haut de ces limites de risques entre les Banques populaires et les Caisses d'épargne, mais aussi sur l'absence de consolidation des prises de risques respectives des deux réseaux, sauf pour les grosses opérations.
Au-delà de ce problème, se pose évidemment la question des apports des caisses régionales à la caisse nationale dans le cadre des opérations de recapitalisation.
Madame la ministre, cette question s'adresse aussi à vous : après les efforts qu'elles ont déjà consentis, jusqu'à quel niveau les caisses régionales pourront-elles participer aux recapitalisations du niveau central sans que cela n'affecte leurs ratios de fonds propres au regard des prêts qu'elles accordent à l'économie locale ?
Ce point doit nous amener à nous poser la question du mode d'accompagnement que nous devons retenir, dans la durée, pour aider Natixis à sortir de l'impasse, et pour permettre au groupe de retrouver sa solidité financière.
En aucun cas cela ne peut se faire au détriment de la capacité des caisses régionales et des banques populaires régionales à continuer d'irriguer l'économie locale – ce qui pose la question du niveau des fonds propres des entités régionales.
Je termine en réaffirmant mon soutien à une réforme qui était nécessaire et urgente : nous l'attendions depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de loi relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires se fait dans la fébrilité et la précipitation.
Quand il s'agit de rapprocher deux groupes représentant plusieurs dizaines de millions de clients, des millions de sociétaires, près de 110 000 collaborateurs, et un peu moins de 8 000 agences de banque, on est en droit d'exiger, de la part du pouvoir législatif comme de l'exécutif, davantage de méthode et de discernement – et même, plus de sang-froid.
Cette opération est engagée alors que l'on vient d'annoncer que Natixis, la filiale commune des deux groupes, a perdu 1,8 milliard d'euros au premier trimestre 2009, du fait de dépréciations dans la structure de cantonnement. L'Écureuil et les banques populaires vont devoir y injecter 1,5 milliard d'euros ; quant à l'État il devra débourser 2 des 5 milliards d'euros promis au groupe avant fin juin. Interrogé par des représentants de la presse économique et financière, M. François Pérol, le nouveau patron du groupe, indique qu'il est encore trop tôt pour dire si les dépréciations sont terminées chez Natixis. On évoque en effet les conséquences que pourrait avoir la situation de Chrysler, ou celle de Général Motors.
Cette accélération dans un tel rapprochement est de nature à fragiliser la nouvelle entité et à en faire très rapidement un colosse aux pieds d'argile. Les débats en commission des finances ont permis de noter de fortes interrogations et de sérieuses inquiétudes chez nombre de nos collègues.
On nous parle d'un texte économe et « peu bavard », mais cette sobriété dans la rédaction du projet de loi ne nous dit rien qui vaille. Non pas que nous soyons demandeurs d'un texte trop détaillé et tatillon, mais il faut bien prendre conscience que nous sommes en train de modifier de façon radicale, et peut-être expéditive, des pans entiers de ce qui a été construit tout au long l'histoire bancaire et financière française. Or une telle entreprise exige de prendre de grandes précautions.
Après la réforme de 1999, les caisses d'épargne auraient pu réaliser un parcours beaucoup plus sécurisé, et beaucoup plus profitable pour leurs clients, leurs sociétaires et les contribuables français, si toutefois elles n'avaient pas interrompu de façon intempestive, et peut-être irresponsable, leur relation avec la Caisse des dépôts et consignations. Si l'on revient à l'affaire du Crédit Local de France, devenu Dexia, on constate l'étendue des sinistres – cela coûtera très cher à la collectivité nationale – lorsque l'on traite de façon quelque peu cavalière cette grande institution financière française qu'est la grande dame de la rue de Lille, la CDC – dont on a voulu encore récemment modifier de manière un peu hasardeuse la gouvernance.
Aujourd'hui, le Crédit local de France, désormais Dexia, est devenu le triste symbole d'une calamiteuse privatisation financière.
Les risques sont considérables et nombreux. Tout d'abord, par une centralisation excessive, l'organe central qui se substituera à la Caisse nationale des caisses d'épargne et à la Banque fédérale des banques populaires, ne tardera pas à borner puis à restreindre l'organisation régionale des deux réseaux, avec toutes les conséquences négatives que l'on peut imaginer pour l'emploi, le maillage bancaire territorial et, par voie de conséquence, pour la pratique coopérative et mutualiste.
Ensuite, ce regroupement se fait alors que les deux entités n'ont ni clairement identifié les causes ni tiré toutes les conséquences de l'affaire Natixis, leur création commune.
Enfin, l'État, qui est appelé pour une contribution de 7 milliards d'Euros à ces « épousailles », n'aura pas de véritables moyens de contrôle et d'action en cas d'extrême urgence. Il devra se contenter d'une représentation minoritaire dans le futur conseil de surveillance du nouvel organe central.
Dans ces conditions il ne me paraît pas possible de manifester notre accord à une opération d'autant plus hasardeuse qu'elle feint d'ignorer les caractéristiques du nouveau paysage bancaire et financier que la crise actuelle fait émerger. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui du rapprochement des deux réseaux bancaires coopératifs que sont les caisses d'épargne et les banques populaires.
La Caisse d'épargne et la Banque populaire sont, en fait, déjà associées via une filiale commune, la banque de financement et d'investissement Natixis, dont elles détiennent chacune 34 %. Jérôme Chartier a rappelé l'histoire de ces deux groupes, il aurait pu, tout comme Michel Bouvard, souligner que la Caisse des dépôts est un partenaire historique des caisses d'épargne depuis 1837.
Cela ne lui a pas nécessairement fait faire une mauvaise affaire ! (Sourires.)
En 2006, la Caisse des dépôts aurait pu faire jouer son droit de veto lors de la fusion entre les caisses d'épargne et les banques populaires : elle ne l'a pas fait. Le principal obstacle au mariage avec les banques populaires était levé.
La Caisse d'épargne disposait depuis 2004 de sa propre banque d'investissement, Ixis, rachetée à la Caisse des dépôts. Deux ans plus tard, la Banque populaire a suivi son exemple en créant Natexis. Les deux réseaux ont décidé de s'unir en se renforçant dans des activités plus spéculatives que la gestion de l'épargne populaire, ce qui aboutit à la création de Natixis, en 2006, dans les conditions que nous savons.
Leur rapprochement se fonde sur une culture commune. Elles disposent, en effet, toutes les deux d'un statut coopératif : ce ne sont pas à proprement parler des banques, mais des réseaux unissant des banques locales indépendantes. La Banque populaire réunit ainsi dix-huit établissements régionaux, ainsi que le Crédit Coopératif et la CASDEN – banque destinée aux personnels des ministères de l'éducation nationale, de la culture et de la recherche. Quant à la Caisse d'épargne, elle compte dix-sept caisses régionales.
Si je n'ai pas de réserve à formuler sur le fond, je voudrais profiter de cette intervention pour faire trois observations sur les modalités de ce rapprochement.
La première concerne la tradition coopérative dans les deux réseaux bancaires. Elle est plus ancienne à la Banque populaire. En effet, cette dernière a acquis son statut actuel en 1917, alors que la Caisse d'épargne ne l'a obtenu qu'en 1999, avec le vote d'une loi sur l'épargne et la sécurité financière. Les missions historiques des deux réseaux sont différentes : soutenir le commerce et les PME pour la Banque populaire, encourager l'épargne populaire pour l'Écureuil – avec, notamment la gestion du livret A, même si elle n'est plus exclusive depuis quelques mois. Le caractère régional et décentralisé de ces deux groupes est essentiel, et le statut coopératif est sans doute un gage de confiance – peut-être est-ce là, madame la ministre, le modèle universel dont vous parliez tout à l'heure ?
Ma deuxième observation porte sur leur mode de fonctionnement interne. À la Banque populaire, ce sont les dirigeants des vingt banques associées qui élisent ceux de l'organe central, la Banque fédérale des banques populaires. À la Caisse d'épargne, inversement, l'organe central, la Caisse centrale des caisses d'épargne, intervient dans la nomination des directeurs régionaux.
Ce projet de loi fait émerger un organe central commun, auquel sera transféré l'essentiel des moyens techniques et humains de leurs organes centraux respectifs. À cet égard, le problème est également posé des compétences de cet organe central pour les nominations, et en ce qui concerne la composition du conseil de surveillance. La réussite de la fusion dépendra pour beaucoup de l'équilibre et de l'intelligence de l'organisation du nouvel organe central – un amendement qui prévoit que les sociétaires y seront majoritaires permet de résoudre en partie certaines des questions qui se posaient jusque-là.
Afin d'asseoir la solidité financière du nouvel organe central, qui sera chargé de garantir la liquidité et la solvabilité de l'ensemble du groupe, les autorités françaises ont souhaité accroître le montant de fonds propres alloués par l'État aux groupes Banque populaire et Caisse d'épargne.
Les banques françaises ont été fortement secouées par la crise financière en 2008, enregistrant plusieurs milliards d'euros de dépréciations, qui ont fait chuter les résultats à neuf mois, quand ils ne sont pas tombés en pertes. Les deux réseaux n'ont pas été épargnés par cette crise. Ainsi, ces derniers jours, Natixis a, de nouveau, enregistré une perte de 1,83 milliard d'euros, ce qui porte à 4,7 milliards son déficit cumulé sur douze mois.
Les deux groupes, en se rapprochant, consolideraient la position de Natixis, dont l'une des faiblesses est justement d'être partagée entre deux maisons mères. Recapitalisée en septembre 2008, à hauteur de 3,7 milliards d'euros, Natixis a perdu 70 % de sa valeur depuis le 1er janvier 2008. De plus, les Banques populaires, assises sur un volume de dépôts plutôt modeste, trouveraient un intérêt majeur à se connecter aux liquidités de l'Écureuil.
Ce contexte troublé a accéléré la « consolidation » du secteur, il a aussi renforcé la concurrence. Ces dernières années, la BNP s'est mariée à Paribas, le Crédit agricole a absorbé le Crédit lyonnais, et la gamme des services financiers de La Banque postale s'est développée. Des groupes puissants se sont donc constitués.
L'organisation du futur deuxième établissement bancaire français dont les parlementaires ont à débattre aujourd'hui ne concernera en fait que les organes dirigeants : la Banque fédérale des Banques populaires, d'un côté ; la Caisse centrale des Caisses d'épargne, de l'autre. Celles-ci fixent les grandes options stratégiques de chaque réseau. Elles font office de holding, gérant les participations financières et les filiales, à commencer par Natixis.
Enfin, et il s'agit de ma troisième remarque, il est souhaitable, dans ce contexte difficile, en dépit des pertes subies par Natixis, que la création du deuxième groupe bancaire français soit dans l'avenir à la fois une chance stratégique, un outil puissant et un élément de stabilité dans le paysage bancaire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, cet après-midi, mardi 19 mai, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mardi 19 mai 2009, à une heure.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma