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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 18 mai 2009 à 21h30
Organe central des caisses d'épargne et des banques populaires — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Bien sûr !

La réalité est qu'il ne s'agit pas seulement d'une crise du système financier international, mais beaucoup plus fondamentalement de la crise du capitalisme mondialisé, autorégulé, c'est-à-dire en fait dérégulé, financiarisé et productiviste. Même le Président de la République reconnaît l'existence de cette crise, mais, pour y faire face, il n'a pas trouvé autre chose qu'un pot de peinture pour ripoliner le système.

Il faudrait donc que M. Pérol complète rapidement son information, maintenant qu'il est à nouveau banquier. Il faudrait qu'il sache que les banques, si elles ne sont pas la seule cause de la crise économique et sociale internationale actuelle, ont joué un rôle tout à fait majeur dans les dérèglements de la finance et de l'économie.

Les banques, en particulier aux États-Unis, ont en effet pratiqué la dissimulation des crédits à hauts risques qu'elles consentaient, en procédant à la titrisation. Le principe est de diluer les risques pour mieux les dissimuler, sans qu'ils disparaissent pour autant, comme la suite de l'histoire l'a montré. Ces produits ont été diffusés avec succès dans tout le système financier, car leur rendement était très alléchant.

Une autre pratique spéculative des banques se trouve dans les marchés d'options qui peuvent d'ailleurs s'appliquer à des produits titrisés. Grâce à ces options, les transactions s'effectuent non pas sur le titre lui-même, mais sur une partie de ce titre : l'option. Cela permet de multiplier les transactions sur un même titre, dans un temps très court. Pour les spéculateurs, c'était la période bénie des profits exponentiels des salles de marchés et des opérateurs, les golden boys qui bénéficiaient de bonus aussi mirifiques que scandaleux et insultants pour nos concitoyens qui doivent survivre avec le RMI, le SMIC, des minimas sociaux ou de petits salaires et pensions.

Ces mécanismes, nous les connaissons. Si je les explique, c'est pour les gens qui nous regardent et qui ne les connaissent pas. Chers collègues de l'UMP et vous, madame la ministre, vous ne faites rien pour que ces personnes comprennent quelque chose à la crise telle qu'elle est. Voilà pourquoi je rappelle tout cela.

Les économistes libéraux désignaient plaisamment ces deux mécanismes pervers – titrisation et marchés d'options – par l'oxymore « spéculation stabilisatrice ». Comme si ces deux termes pouvaient aller ensemble ! En réalité, ces mécanismes étaient de puissants multiplicateurs de profits, pour la plus grande satisfaction des actionnaires qui ont vu, pendant des années, leurs dividendes s'envoler.

Durant ces dernières années, les banques ont aussi placé des produits financiers sophistiqués auprès des collectivités territoriales, en leur vantant les supposés avantages et en les séduisant par de faibles annuités au début du remboursement. Ces collectivités sont maintenant confrontées aux effets profondément pervers de ces produits dits structurés qui sont assortis de mécanismes d'indexation tels, que l'on peut désormais parler d'emprunts toxiques qui plombent les finances de ces collectivités au moment où les besoins des habitants augmentent avec la crise.

Lors de son audition par la Commission des finances, Mme Lagarde nous a expliqué qu'il ne faut pas parler d'actifs toxiques mais d'actifs « illiquides ». Tout dépend en fait de la position de la personne qui en parle ! S'il s'agit d'un dirigeant de banque comme M. Milhaud, qui a touché un total de 821 242 euros de part fixe, part variable, jetons de présence et avantages en nature en 2008, après 1,433 763 million d'euros en 2007, le terme « illiquide », avec toute la distanciation qu'il comporte, convient parfaitement. Mais pour le petit porteur qui a perdu près de 18 euros par action Natixis, le terme toxique apparaît beaucoup mieux approprié ! Pourtant, les coupables n'ont pas de comptes à rendre.

Les rendements financiers largement supérieurs à 10 % et beaucoup plus importants que les gains de productivité étaient devenus la règle des bons placements, ce qui n'est évidemment pas une situation viable. En effet, on est arrivé à près de cent dollars circulant dans les marchés financiers, pour un dollar échangé en termes réels. Si ces dérives scandalisent à juste titre nos concitoyens, certains, dans les hautes sphères financières et politiques, ne rêvent que de faire redémarrer le même système, avec les mêmes bénéficiaires, après quelques modifications cosmétiques.

Ignorant délibérément les fautes de gestion – voire pénales – commises, le Gouvernement a choisi de voler massivement au secours des banques par le biais de prêts ou de titres subordonnés, sans se donner les moyens de peser avec des droits de vote dans les conseils d'administration, sur leurs choix de gestion et d'investissements.

Cette politique dangereuse, inefficace et coûteuse est fondée sur l'idée qu'il faudrait laisser les banquiers faire leur travail, comme nous l'a clairement dit le Président de la République, lors de la rencontre avec le groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise.

Or la gouvernance des banques a démontré ses tares qui ont déclenché la crise. Le MEDEF et le Président Sarkozy nous font miroiter qu'en contrepartie des cadeaux financiers, nous allons voir apparaître un comportement plus civique et plus éthique du monde bancaire. Pourtant, nous savons d'expérience qu'il ne faut absolument pas compter sur la spontanéité vertueuse du patronat bancaire et qu'il vaut mieux renforcer l'encadrement législatif, notamment en matière de rémunérations des dirigeants.

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