En 2006, la Caisse des dépôts aurait pu faire jouer son droit de veto lors de la fusion entre les caisses d'épargne et les banques populaires : elle ne l'a pas fait. Le principal obstacle au mariage avec les banques populaires était levé.
La Caisse d'épargne disposait depuis 2004 de sa propre banque d'investissement, Ixis, rachetée à la Caisse des dépôts. Deux ans plus tard, la Banque populaire a suivi son exemple en créant Natexis. Les deux réseaux ont décidé de s'unir en se renforçant dans des activités plus spéculatives que la gestion de l'épargne populaire, ce qui aboutit à la création de Natixis, en 2006, dans les conditions que nous savons.
Leur rapprochement se fonde sur une culture commune. Elles disposent, en effet, toutes les deux d'un statut coopératif : ce ne sont pas à proprement parler des banques, mais des réseaux unissant des banques locales indépendantes. La Banque populaire réunit ainsi dix-huit établissements régionaux, ainsi que le Crédit Coopératif et la CASDEN – banque destinée aux personnels des ministères de l'éducation nationale, de la culture et de la recherche. Quant à la Caisse d'épargne, elle compte dix-sept caisses régionales.
Si je n'ai pas de réserve à formuler sur le fond, je voudrais profiter de cette intervention pour faire trois observations sur les modalités de ce rapprochement.
La première concerne la tradition coopérative dans les deux réseaux bancaires. Elle est plus ancienne à la Banque populaire. En effet, cette dernière a acquis son statut actuel en 1917, alors que la Caisse d'épargne ne l'a obtenu qu'en 1999, avec le vote d'une loi sur l'épargne et la sécurité financière. Les missions historiques des deux réseaux sont différentes : soutenir le commerce et les PME pour la Banque populaire, encourager l'épargne populaire pour l'Écureuil – avec, notamment la gestion du livret A, même si elle n'est plus exclusive depuis quelques mois. Le caractère régional et décentralisé de ces deux groupes est essentiel, et le statut coopératif est sans doute un gage de confiance – peut-être est-ce là, madame la ministre, le modèle universel dont vous parliez tout à l'heure ?
Ma deuxième observation porte sur leur mode de fonctionnement interne. À la Banque populaire, ce sont les dirigeants des vingt banques associées qui élisent ceux de l'organe central, la Banque fédérale des banques populaires. À la Caisse d'épargne, inversement, l'organe central, la Caisse centrale des caisses d'épargne, intervient dans la nomination des directeurs régionaux.
Ce projet de loi fait émerger un organe central commun, auquel sera transféré l'essentiel des moyens techniques et humains de leurs organes centraux respectifs. À cet égard, le problème est également posé des compétences de cet organe central pour les nominations, et en ce qui concerne la composition du conseil de surveillance. La réussite de la fusion dépendra pour beaucoup de l'équilibre et de l'intelligence de l'organisation du nouvel organe central – un amendement qui prévoit que les sociétaires y seront majoritaires permet de résoudre en partie certaines des questions qui se posaient jusque-là.
Afin d'asseoir la solidité financière du nouvel organe central, qui sera chargé de garantir la liquidité et la solvabilité de l'ensemble du groupe, les autorités françaises ont souhaité accroître le montant de fonds propres alloués par l'État aux groupes Banque populaire et Caisse d'épargne.
Les banques françaises ont été fortement secouées par la crise financière en 2008, enregistrant plusieurs milliards d'euros de dépréciations, qui ont fait chuter les résultats à neuf mois, quand ils ne sont pas tombés en pertes. Les deux réseaux n'ont pas été épargnés par cette crise. Ainsi, ces derniers jours, Natixis a, de nouveau, enregistré une perte de 1,83 milliard d'euros, ce qui porte à 4,7 milliards son déficit cumulé sur douze mois.
Les deux groupes, en se rapprochant, consolideraient la position de Natixis, dont l'une des faiblesses est justement d'être partagée entre deux maisons mères. Recapitalisée en septembre 2008, à hauteur de 3,7 milliards d'euros, Natixis a perdu 70 % de sa valeur depuis le 1er janvier 2008. De plus, les Banques populaires, assises sur un volume de dépôts plutôt modeste, trouveraient un intérêt majeur à se connecter aux liquidités de l'Écureuil.
Ce contexte troublé a accéléré la « consolidation » du secteur, il a aussi renforcé la concurrence. Ces dernières années, la BNP s'est mariée à Paribas, le Crédit agricole a absorbé le Crédit lyonnais, et la gamme des services financiers de La Banque postale s'est développée. Des groupes puissants se sont donc constitués.
L'organisation du futur deuxième établissement bancaire français dont les parlementaires ont à débattre aujourd'hui ne concernera en fait que les organes dirigeants : la Banque fédérale des Banques populaires, d'un côté ; la Caisse centrale des Caisses d'épargne, de l'autre. Celles-ci fixent les grandes options stratégiques de chaque réseau. Elles font office de holding, gérant les participations financières et les filiales, à commencer par Natixis.