Nous sommes invités à débattre de la fusion des caisses d'épargne et des banques populaires, et de la création d'un organe central commun. C'est donc d'une entité regroupant 34 millions de clients, 7 millions de sociétaires et employant 110 000 salariés que nous allons jeter les bases.
Permettez-moi, madame la ministre, de m'interroger dans un premier temps sur la capacité du nouvel ensemble à rembourser les aides de l'Etat dans les délais prévus. La crise sans précédent que nous connaissons ne favorise pas les bons résultats de la banque de détail ni les dividendes de ses filiales, d'autant que subsistent des incertitudes sur les besoins réels de Natixis. Nous constatons des pertes en cascades. Ainsi, quel est le risque sur General Motors et Chrysler, dont on annonce le dépôt de bilan ?
J'ose espérer que ces difficultés prévisibles de remboursement n'auront pas pour effet des suppressions d'effectifs – bien opportunes – ou une augmentation du coût des services pour les clients. Il serait inacceptable qu'une aide de l'Etat, donc des contribuables, ait pour conséquence ultime des licenciements ou une baisse de pouvoir d'achat pour nos concitoyens. Ce serait alors la double peine.
Cette situation serait incompréhensible. Mais le flou qui règne autour de la stratégie des pouvoirs publics et la précipitation pour réaliser cette fusion ne sont pas de nature à nous rassurer.
Qu'en est-il de la participation de l'Etat ? Souhaitez-vous ou devrez-vous la conserver ? Comment envisagez-vous la sortie ? Par une mise sur le marché, une consolidation ? Comptez-vous faire entendre la voix de l'État au conseil d'administration ? J'espère qu'au cours de ces débats, vous pourrez nous apporter des réponses à ces questions
Votre texte, sans le dire ouvertement, remet en cause le caractère mutualiste et coopératif des caisses d'épargne et des banques populaires. Ces deux réseaux bancaires, dans lesquels les banques et les caisses régionales détiennent le capital de leurs organes centraux respectifs, ont conservé une organisation décentralisée et confient de nombreux pouvoirs aux caisses régionales. Il est primordial de garder à l'esprit cette spécificité, gage d'efficacité.
Votre projet de loi constitue une véritable révolution, ou plutôt une régression, quant à la gouvernance du nouveau groupe. La place réservée aux sociétaires de ces deux institutions au sein de leur conseil d'administration, est très importante, et pour cause, puisque banques mutualistes et coopératives détiennent un droit de regard sur les agissements de leur organe central. Or, il n'est pas acquis que les présidents non exécutifs des banques et des caisses régionales, élus par les sociétaires, conservent la majorité au futur conseil de surveillance, comme c'est aujourd'hui le cas dans chaque groupe. Cette question pose un énorme problème auquel il vous faut répondre, madame la ministre.
Pensez-vous concevable de constituer un conseil de surveillance au sein duquel les représentants des sociétaires, qui détiennent plus de 70 % du capital de l'organe central, seraient minoritaires ? Il nous faut préserver l'organisation mutualiste et ses contre-pouvoirs associés, afin que les prises de décisions aillent dans le sens de l'intérêt de tous les clients-sociétaires. Les amendements déposés par notre groupe vous donneront l'occasion de répondre, positivement je l'espère, à ces interrogations.
La place réservée aux représentants du personnel au sein du conseil de surveillance pose également problème. Les salariés des caisses d'épargne disposent aujourd'hui d'un droit de vote à la Caisse nationale des caisses d'épargne, comme le prévoit la loi de 1999 portant réforme des caisses d'épargne. Votre projet de loi doit garantir les mêmes conditions au sein du conseil de surveillance du nouveau groupe. Les salariés doivent pouvoir s'exprimer, et non pas seulement donner un avis, sur la rémunération des dirigeants, la vente d'actifs et la gouvernance.
Je tiens par ailleurs à revenir sur la question du statut social des futurs 110 000 salariés du groupe. Alors que les organisations syndicales plaident depuis de nombreuses années pour une harmonisation progressive du statut bancaire, la fusion risque de le rendre plus complexe et, à terme, moins compréhensible.
Ce projet prévoit en effet la création d'une branche supplémentaire, mais aussi le morcellement des statuts à l'intérieur d'un groupe unique. Alors même que vous souhaitez créer un groupe politiquement, juridiquement et économiquement unifié, vous ne pouvez refuser parallèlement aux salariés la mise en place d'un groupe socialement cohérent et harmonisé, dont les employés partagent un destin commun et bénéficient de conventions collectives unifiées à terme.
Ce projet de loi rédigé à la hâte, pour ne pas dire dans la précipitation, dans un contexte certes difficile, n'est pas satisfaisant à nos yeux, et n'apporte pas toutes les garanties souhaitables. Il subsiste trop de zones d'ombre sur la gouvernance, la stratégie, la coexistence et la pérennité des deux réseaux, le statut social du personnel, le maintien de l'emploi, les missions d'intérêt général dévolues notamment aux caisses d'épargne.
Nous attendons de ce débat, madame la ministre, des éclaircissements, des précisions, des assurances. Nous souhaitons non seulement être entendus mais aussi écoutés.