Notre collègue Auberger était alors président de la commission de surveillance et Francis Mayer, aujourd'hui décédé, était le directeur général de la Caisse des dépôts. Je ne crois pas en disant cela trahir la réalité de ce qui s'est passé et de ce que j'ai connu à la commission de surveillance et à la commission des finances de l'Assemblée. Pourtant, le ministre de l'économie et des finances de l'époque, alors même qu'il disposait du pouvoir d'agrément du président du directoire, n'avait pas jugé utile d'intervenir.
Cette passivité du ministre de l'époque me semble être le symptôme du manque d'intérêt de la droite libérale pour le mouvement mutualiste et coopératif. Ce manque d'intérêt s'est d'ailleurs manifesté à nouveau à l'occasion de l'examen du projet de la loi de modernisation de l'économie, où la majorité a tiré argument de la banalisation du livret A – banalisation qui a été menée, je le rappelle, avant même que le recours engagé par le Gouvernement n'ait été examiné par la Cour de justice des Communautés européennes – pour supprimer la procédure d'agrément du président du directoire de la CNCE ainsi que l'obligation faite aux caisses d'épargne de consacrer au moins un tiers du résultat net comptable disponible après les mises en réserves légales et statutaires au financement des projets d'économie locale et sociale. Mme la ministre, relativement cohérente par rapport à sa philosophie, avouait même ne pas comprendre «pourquoi nous devrions continuer à imposer des missions d'intérêt général aux caisses d'épargne alors qu'elles sont en train de faire peau neuve ».
Depuis, Lehman Brothers a fait faillite et la droite, plutôt les droites libérales ont redécouvert une certaine vertu à l'actionnariat public, même en France avec Dexia – on peut dire qu'on n'a pas nationalisé mais l'apport de 1 milliard d'euros par l'État et de 2 milliards d'euros par la Caisse des dépôts pour sauver Dexia représente bien une forme de renationalisation, en tout cas d'adossement au secteur public de Dexia. On a retrouvé plein de vertus à l'aide publique au secteur bancaire, massive, sans contrepartie, et même au caractère coopératif des caisses d'épargne et des banques populaires.
Mais tout cela se fait sans contrepartie et reste un peu de façade. Ainsi, le Gouvernement s'est exonéré de toute réflexion sur ce que devrait être un groupement mutualiste aujourd'hui, à la lumière des dérives du passé. Même du seul point de vue technique, ce projet de fusion pose plusieurs questions qui ne sont pas résolues et que, pour certaines d'entre elles, le Gouvernement ne souhaite pas résoudre, en tout cas à l'heure actuelle.
C'est notamment le cas de l'équilibre entre l'organe central et les caisses régionales. Le nouvel organe central concentre au total des pouvoirs qui sont plus étendus que ceux de chacun des deux organes centraux actuels pris séparément. À titre d'exemple, la politique commerciale n'entre pas dans les attributions de la Banque fédérale des banques populaires.
À cela s'ajoute le fait que, comme le rappelait Gilles Carrez, «l'expérience a montré une centralisation excessive, due en partie aux procédures d'agrément qui créait des circuits internes aux organes centraux puisque c'étaient les mêmes qui siégeaient à l'organe central et qui se faisaient agréer par lui. » Les leçons de l'expérience n'ont donc pas été tirées.
Enfin, le projet de loi n'aborde absolument pas la question de la répartition des sièges du conseil de surveillance entre présidents de directoires et présidents des conseils de surveillance des banques régionales, alors même que cette question est, là encore, importante pour disposer d'une structure équilibrée.
Ces trois éléments vont dans le même sens, celui d'une remise en cause des équilibres existants au profit du président du directoire de l'organe central, contrairement à la philosophie de décentralisation qui a animé l'histoire des deux réseaux concernés.