Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Didier Migaud

Réunion du 18 mai 2009 à 21h30
Organe central des caisses d'épargne et des banques populaires — Discussion d'un projet de loi après engagement de la procédure accélérée

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan :

Certes, il siège au sein du conseil de surveillance : sur dix-huit membres, il en nommera deux qui le représenteront et deux indépendants. Certes, les décisions les plus importantes– prise ou cession de participation d'un montant supérieur à un milliard d'euros, augmentation de capital, proposition de modification statutaire susceptible d'affecter les droits des titulaires d'actions de préférence ou modifiant les modalités de la gouvernance notamment – ne pourront être prises qu'à la majorité de quinze membres sur dix-huit. Mais si le mot « indépendant » a un sens, les deux membres « indépendants » désignés par l'État voteront selon l'idée qu'ils se font de l'intérêt des décisions mises au vote, qui ne coïncidera pas forcément avec celle qu'en ont les représentants de l'État et avec l'idée que ceux-ci auront de leur mandat.

Au total, l'État consent un effort particulièrement soutenu, soit 7 milliards d'euros d'apports pour des fonds propres de 36 milliards qui devraient être renforcés par 2 milliards d'apports des réseaux, soit plus de 18 % des fonds propres, mais il ne dispose pas de droit de vote aux assemblées générales d'actionnaires et il n'est pas assuré de pouvoir bloquer, au conseil d'administration, des décisions qui ne sauvegarderaient pas ses droits et la valeur de sa participation. Je regrette cette situation d'autant que l'aide de l'État a été nécessitée, bien sûr par les effets de la crise financière, mais, en ce qui concerne ces deux groupes, par la gestion de Natixis qui a amplifié ces effets.

C'est le troisième point sur lequel je veux insister : Natixis a été pratiquement, de bout en bout, une catastrophe. Et sa volonté de jouer rapidement et fortement dans la «cour des grands » en tant que banque de financement et d'investissement a conduit ses dirigeants à prendre des risques tout à fait inconsidérés.

Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, observait lui-même devant la commission des finances, le 6 mai 2009, que « Natixis, ayant démarré plus tard que les autres, a voulu les rattraper en se développant plus vite. Or c'est en fin de cycle que l'on fait les plus mauvais crédits. Les taux de perte sont donc un peu supérieurs. Ensuite, les responsables ont sans doute tardé plus que les autres à replier les voiles en dépit de nos mises en demeure sévères. »

Deux questions se posent à ce sujet : l'une relative à l'information donnée aux actionnaires. On sait comment une bonne proportion des actuels actionnaires de Natixis, qui étaient des épargnants clients des deux groupes, ont été incités à investir dans Natixis, présentée comme « sans risque » alors que c'était tout le contraire. La question de l'information des investisseurs non professionnels est posée à travers ce dossier. Une autre question lui est liée : celle de la distinction des activités bancaires selon leur nature. Dans le cas des deux groupes qui vont fusionner, ce sont pour l'essentiel les résultats de Natixis qui les ont fragilisés : 2,8 milliards d'euros de pertes constatées en 2008, et cantonnés dans une structure d'actifs gérés en extinction ; 5,5 milliards d'euros d'engagements ne bénéficiant pas d'une notation de bonne qualité. La recapitalisation sur fonds publics d'environ 2 milliards d'euros faite fin 2008 a bénéficié en quasi-totalité à Natixis. De même, l'apport de 3 milliards d'euros, qui sera souscrit par l'État sous la forme d'actions de préférence, est destiné à pallier les insuffisances de Natixis et permettra au groupe de passer d'un ratio de fonds propres tier one de 8 % à 9,2 %.

C'est donc l'activité de financement et d'investissement dans cette filiale qui a menacé la solidité financière de deux réseaux de banques de dépôt et de crédit. Tout doit être fait pour qu'une activité qui va de pair avec la spéculation ne puisse contaminer les autres secteurs d'activités et pour que les investisseurs qui y ont recours soient informés des risques pris. Le groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale a explicitement formulé une proposition en ce sens. Il s'agit de «mettre en place une séparation effective des activités de banque de dépôt et de banque d'investissement, afin de mieux cantonner les risques. Ces métiers devraient relever de sociétés et groupes bancaires distincts, sans possibilité de consolidation comptable. »

Telles sont les quelques observations que je souhaitais faire et les questions que je souhaitais poser en introduction à notre débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion