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Séance en hémicycle du 28 mai 2009 à 15h00

Résumé de la séance

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  • bouclier
  • contribution

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. François de Rugy relative à la transformation écologique de l'économie (1622).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Yves Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, mes chers collègues, l'une des propositions phare du pacte écologique écrit, voici quelques années, par Nicolas Hulot – et consulté en ligne par plus de 800 000 personnes, dont le Président de la République lui-même – consistait à instaurer une « contribution énergie-climat ». C'est sur ce point que portera l'essentiel de mon intervention. Cette proposition a été reprise par bon nombre des associations impliquées dans le processus participatif du Grenelle de l'environnement.

Pour calculer cette contribution, les associations – parmi lesquelles la Fondation Nicolas Hulot et bien d'autres – demandaient la prise en compte non seulement des émissions de gaz à effet de serre, en particulier de dioxyde de carbone, mais aussi de la quantité d'énergie consommée. C'est pourquoi cette contribution énergie-climat se distingue de la simple « taxe carbone » – j'y reviendrai.

La mise en oeuvre de cette contribution exige un véritable effort de pédagogie, afin de démentir les idées fausses qui circulent – je vous dirai de quelle façon. En effet, la taxe carbone, qui est l'objet de l'engagement n° 68 du Grenelle de l'environnement, ne vise que les seules quantités de dioxyde de carbone émises par la production et la consommation d'énergies fossiles. Un tel dispositif inciterait donc à se reporter vers les énergies qui émettent le moins de dioxyde de carbone, mais inciterait moins à l'économie d'énergie. On pourrait l'assimiler à une sorte de « pollutaxe » érigée aux frontières de l'Union européenne, qui permettrait d'éviter le dumping environnemental pour les importations vers l'Union de certains produits à fort contenu en carbone, tandis que l'Union tenterait de son côté de « décarboner » son économie.

Je ne suis pas du tout opposé à la taxe carbone, mais je souligne à quel point elle est différente de la contribution énergie-climat, puisqu'elle ne concerne que les produits importés, alors que ladite contribution est interne à l'Union européenne. Ainsi, la proposition de loi défendue par M. de Rugy et déposée par les députés Verts – je salue la présence dans l'hémicycle de M. Mamère – en fait une contribution qui concerne les émetteurs et les gaspilleurs d'énergie à l'intérieur même de l'Union, et donc de la France.

On évoque parfois les difficultés de sa mise en oeuvre. Votre prédécesseur sur ces bancs, madame la secrétaire d'État, a encore indiqué ce matin qu'il convenait de réfléchir davantage ; je ne le crois pas. Cette mesure est fondée sur quelques principes très clairs, et bien connus depuis longtemps.

Le principe « pollueur-payeur », tout d'abord, est une grande avancée de la conférence de Rio, en 1992, reprise dans la loi Barnier de 1995 et, dans une moindre mesure, dans la Charte de l'environnement adossée à la Constitution depuis plusieurs années. Ce principe consiste à modifier l'assiette de certaines contributions en France, en taxant moins le travail – sur tous les bancs, nous devrions nous retrouver autour de cet objectif – et davantage la pollution, et ce à prélèvements obligatoires constants, car il n'est pas question de les augmenter, mais d'en modifier pour partie l'assiette.

Le deuxième principe que nous voulons appliquer, c'est le caractère redistributif de cette contribution. Elle n'a pas pour objet de nourrir le budget de l'État – même s'il en aurait par ailleurs besoin, vu son fort déficit. Cette taxe sur les pollueurs, les émetteurs de dioxyde de carbone ou ceux qui gaspillent trop l'énergie sera redistribuée sur les économies d'énergie, le développement des énergies renouvelables, voire la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Tels sont les deux principes essentiels. De quoi peut-on s'inspirer ? En effet, tout discours relatif à une taxe, à un prélèvement ou à une contribution incite bien souvent nos concitoyens à s'émouvoir – parfois à juste titre – de ce qu'ils estiment être un nouvel impôt. Il va de soi qu'aucun d'entre nous n'est opposé à l'impôt en tant que tel ; nous en sommes même les maîtres, en quelque sorte, puisque nous le votons chaque année en loi de finances. Songez pourtant qu'en l'occurrence, il s'agit d'un impôt particulièrement juste puisque, d'une part, il est entièrement redistribué, et donc neutre au plan fiscal, et que, d'autre part, il permet de promouvoir la transformation écologique de l'économie, selon l'intitulé de la proposition de loi.

Pourquoi ne pas s'inspirer par exemple de la taxe sur les carburants – la TIPP ? Certes, la fiscalité des carburants suscite souvent la polémique entre tel ou tel individu, car il s'agit d'un sujet propice à la foire d'empoigne.

Payons-nous trop d'impôts ? Cela peut se discuter. Brossons d'abord le tableau de ce que représente l'énergie dans notre vie collective. En France, 75 % de l'énergie finale provient d'énergies fossiles – pétrole, gaz ou charbon. Notre usage réel nous rapproche donc bien plus du « tout-fossile » que du « tout-nucléaire », puisque l'énergie nucléaire ne fournit que 80 % de l'électricité. Or, chacun sait que le pétrole, le gaz et le charbon sont des denrées épuisables et polluantes. Dès lors, la seule manière d'éviter une tension sur l'offre, c'est de faire diminuer la demande au plus vite, avant d'atteindre la limite de production, et donc de diminuer délibérément la consommation avant que les inéluctables contraintes géologiques ne s'en chargent pour nous. M. Poignant et Mme la secrétaire d'État savent bien de quoi je parle : s'il y a un « pic pétrole », il y aura bientôt un « pic gaz » voire, plus tard, un « pic charbon ». Ne croyons pas que nous puissions envisager les réserves par rapport à la production actuelle, en prévoyant par exemple qu'il nous reste 180 années de charbon : ce raisonnement est stupide. L'essentiel, c'est le moment où commence la diminution des réserves – il est imminent, et même déjà passé pour le pétrole.

L'histoire de ces dernières décennies montre d'ailleurs que le principal déterminant de la consommation d'énergie n'est pas l'efficacité des appareils consommateurs – même si l'on ne peut que prôner l'efficacité énergétique. Vous savez néanmoins qu'elle peut entraîner un effet pervers, par rebond, en quelque sorte : plus les appareils sont efficaces, moins on est regardant quant à la consommation, quitte à consommer davantage. C'est le cas des voitures : elles sont plus efficaces qu'il y a trente ans ; en conséquence, on va plus loin, plus vite et plus souvent, et on consomme donc de plus en plus d'essence – sauf depuis juillet 2008.

L'histoire nous enseigne aussi que les hausses de prix se produisent parfois de manière brutale, lors des chocs pétroliers par exemple. Compte tenu de la déplétion des hydrocarbures et de leur contribution à l'effet de serre – car leur contribution et celle des énergies fossiles en général est avérée –, nous pensons qu'il faut, grâce à la proposition de loi de M. de Rugy, instaurer la contribution énergie-climat, inspirée par une proposition du milieu associatif datant de quelques années. En diminuant les prix d'usage de ces énergies fossiles – comme certains entendent parfois le faire sur tous ces bancs – la consommation croîtra ! Voilà qui produirait l'effet inverse de celui que l'on recherche, c'est-à-dire la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d'énergies fossiles. Nous pensons que les prix de l'énergie en général – car les fossiles influencent les cours de l'ensemble des énergies – sont appelés à augmenter dans les années qui viennent. Sauf catastrophe majeure – on peut hélas en craindre certaines, comme la transformation de la récession en dépression économique ou encore, un jour, l'épidémie massive –, les prix des énergies fossiles et de l'ensemble des énergies vont donc augmenter et, comble de l'ironie, on ne se débarrassera pas du problème du changement climatique de cette manière.

En clair, si nous refusons désormais de payer des taxes progressivement croissantes sur l'énergie, telle que l'est la contribution énergie-climat, permettant à l'ensemble des acteurs de l'énergie, industriels comme domestiques, de connaître l'augmentation des taxes sur l'énergie au bout de cinq ou dix ans, si nous refusons, disais-je, cette méthode démocratique et anticipatrice, alors nous aurons à payer plus tard dans des conditions bien plus déplorables. Il va de soi qu'il est préférable de voir le prix de l'électricité, du fioul, du gaz, du kérosène ou encore de l'essence monter quelque peu tous les ans, de manière concertée et anticipée, plutôt que de laisser faire le marché en attendant benoîtement de voir ce qui se passera, et que les prochains chocs pétroliers et les conséquences du changement climatiques se chargent de réguler à notre place, bien plus brutalement et, hélas, très bientôt. Voilà qui justifie notre proposition d'instaurer une contribution énergie-climat. Il me semble que même les experts de Bercy, qui savent faire des tas de choses, sauront la mettre en place. Elle est donc intégrée à la proposition de loi de M. de Rugy, que nous soutenons fermement.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, notre collègue François de Rugy nous présente aujourd'hui une proposition de loi comportant 25 articles, intitulée « Transformation écologique de l'économie » et articulée autour de cinq thèmes : la création d'une contribution énergie-climat, que M. Yves Cochet a évoquée ; la réorientation des investissements publics en matière de transports ; la réduction des consommations d'énergie et le développement des énergies renouvelables avec des dispositions relatives au secteur du bâtiment ; la reconversion des bassins d'emploi de la filière automobile avec la création de zones franches vertes et de zones franches coopératives en passant par l'économie solidaire et sociale ; enfin, le financement de ladite conversion écologique.

Je commencerai par trois remarques d'ordre général sur ce texte, avant d'entrer dans les détails.

La première est que nous avons déjà légiféré et abordé nombre de sujets soulevés par François de Rugy aujourd'hui : depuis la loi de 2005, que j'ai eu l'honneur de rapporter, jusqu'à la loi Grenelle 1, votée à 566 voix par notre assemblée en octobre dernier – loi qui revient devant notre assemblée en deuxième lecture dans deux semaines –, en passant par diverses lois de finances. Pour un certain nombre de ces sujets, notre collègue, comme l'avait fait Yves Cochet sur l'empreinte écologique il y a quelques semaines, reprend des positions déjà développées par nos collègues Verts et qui ne me paraissent pas faire l'unanimité au sein du groupe GDR.

La deuxième remarque est que si nous partageons, bien évidemment, certains objectifs comme la réduction des consommations d'énergie, notamment dans les bâtiments et les transports, ou le développement des énergies renouvelables, nous ne partageons pas certaines de vos propositions et encore moins votre constance à condamner tout ce qui est électrique – notamment l'énergie nucléaire, dont nous aurons encore besoin longtemps dans notre bouquet énergétique.

La troisième remarque est que vous évoquez de nombreuses mesures financières et fiscales pour lesquelles aucun chiffrage n'est donné et aucune étude d'impact n'est présentée.

Sur le fond, oui, nous souhaitons un nouveau modèle économique, environnemental et social, mais peut-être pas le même que le vôtre ; un nouveau modèle dans un monde libéral et un capitalisme régulé pour une nouvelle croissance et de nouveaux emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pour ce qui est de la contribution climat-énergie, je ne pense pas, objectivement, que l'on puisse ainsi décider de l'instaurer sans un examen approfondi. Je me pose les mêmes questions que celles soulevées par M. le ministre ce matin : quelle assiette ? Quel taux ? Quelle articulation avec les taxes existantes sur les énergies fossiles ? Quelles conséquences macroéconomiques ? Je vous rappelle qu'il est indiqué à l'article 2 du projet de loi Grenelle 1 que « l'État étudiera la création d'une contribution dite « climat-énergie » en vue d'encourager les comportements sobres en carbone et en énergie. Au terme de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le résultat de cette étude sera rendu public et transmis au Parlement. » Ce n'est qu'à l'issue de cette étude que nous pourrons nous prononcer. Mais je sais pourquoi M. Cochet tient à faire la différence entre la contribution énergie climat et la taxe carbone, et il faut lui reconnaître une certaine logique dans son raisonnement.

Pour ce qui est des transports, vous savez bien, monsieur de Rugy, que le projet de loi Grenelle 1 prévoit le développement des modes de transports alternatifs à la route, encadre l'augmentation des infrastructures routières « sauf en cas de problèmes de sécurité, de points de congestion ou d'intérêt local », ce qui me semble relever du bon sens et de l'intérêt national et encadre la construction de nouveaux aéroports.

De votre côté, vous faites très fort en proposant l'interdiction à l'avenir de toute construction de voiries autoroutières nouvelles et l'interdiction de tout financement public pour la construction ou l'extension d'un aéroport ! Que faites-vous donc des points de congestion ou des maillons autoroutiers manquants et pourtant indispensables, comme le savent tous les élus locaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Que faites-vous du futur aéroport du Grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

…dans votre département qui se trouve aussi être le mien ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Nous ne pouvons bien évidemment que diverger sur ces prises de position.

Quant à l'automobile, privilégions l'approche progressive et globale qui a été mise en oeuvre au plan national et destinée, par étapes et avec un réel succès, à influencer le choix d'achat des consommateurs et, par là même, les progrès technologiques des constructeurs. Pourquoi rendre obligatoire le stop and start sur tous les véhicules neufs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

C'est un progrès technologique, mais seulement un parmi d'autres. Pourquoi ne préconisez-vous pas les moteurs hybrides de première ou de deuxième génération, qui me paraissent promis à un bel avenir et que le groupe PSA a d'ailleurs l'intention de développer, comme son président l'a affirmé devant notre commission…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

…ou encore les véhicules à moteur électrique ?

Pour ce qui relève des bâtiments, nous partageons bien évidemment votre constat selon lequel il y a beaucoup à faire dans le domaine du bâtiment en termes de réduction de consommation d'énergie et d'émission de CO2, et c'est bien pour cela que nous avons soutenu les objectifs précis et ambitieux du projet de loi Grenelle 1 en la matière. Je vous rappelle en effet l'obligation d'une consommation maximale de 50 kWh par mètre carré et par an en moyenne pour les bâtiments neufs à partir de 2012 avec anticipation dès 2010 pour les bâtiments tertiaires, les bâtiments publics et les logements ANRU. Et pourquoi interdire le chauffage électrique, si ce n'est pour satisfaire, là encore, votre refus de l'énergie nucléaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Enfin, dans votre panoplie de contraintes, vous voulez instaurer un « droit au logement isolé ». Certes, l'isolation des bâtiments doit être une priorité, mais je préfère, comme le Gouvernement, inciter les propriétaires plutôt que les contraindre – ce qui pourrait aboutir à des résultats inverses aux résultats attendus. C'est pourquoi j'ai soutenu l'ouverture de l'éco-prêt à taux zéro aux propriétaires bailleurs, qui, pour les plus modestes, peuvent cumuler cet éco-prêt avec le bénéfice du crédit d'impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Monsieur de Rugy, vous voulez développer les réseaux de chaleur et moi aussi, c'est pourquoi j'ai amendé le texte du Grenelle 1 ; vous voulez développer les énergies renouvelables, nous aussi ; vous voulez soutenir la recherche et le développement, nous aussi, car nos laboratoires de recherche et nos entreprises doivent impérativement être toujours plus performants et plus innovants. Mais vous ne voulez pas accorder de financement public à ITER ni, bien sûr, pour la production d'électricité nucléaire en général !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Vous imaginez bien notre désaccord, alors que nous ne sommes pourtant pas des ultras en matière d'énergie nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Pour ce qui est de la reconversion des bassins d'emplois de la filière automobile, vous savez bien que la création de nouvelles « zones franches vertes » ne peut se réaliser que dans le cadre de la réglementation communautaire des aides des États. Vous me donnez là l'occasion de me féliciter du plan de soutien à la filière automobile mis en place par l'État français, assorti des contreparties demandées à nos constructeurs.

Enfin, pour trouver des financements, outre la taxation de Total, GDF-Suez ou EDF, vous abrogez tout simplement la loi TEPA du 21 août 2007 à compter du 1er janvier 2010. Pensez-vous vraiment que nous puissions décider ainsi, au moyen d'un simple article d'une proposition de loi, de la suppression de cette loi TEPA qui fait ses preuves ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vous aurez compris que le groupe UMP ne peut que rejeter cette proposition de loi, comme l'a d'ailleurs fait la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire à une large majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Le groupe UMP a montré son engagement dans le Grenelle 1 comme dans son soutien au Gouvernement dans la contribution de la France à l'élaboration du paquet énergie climat de l'Union Européenne. Il poursuivra cet engagement dans le Grenelle 2 en toute responsabilité. Il soutiendra tout ce qui peut aller dans le sens de l'efficacité énergétique et des économies d'énergie. Nous n'avons jamais dit, monsieur Cochet, que le charbon et le pétrole étaient éternels !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Nous soutiendrons le développement des énergies renouvelables et tout ce qui, d'une manière générale, peut être économe en émission de CO2. L'UMP continuera à soutenir le Gouvernement dans cette voie, car il y va de l'intérêt de notre pays, mais aussi de celui de l'Europe et du monde, et nous y mettrons toute notre conviction. Vous n'en serez guère étonné, monsieur de Rugy, puisque vous disiez vous-même ce matin que vous ne vous attendiez pas à ce que nous soutenions votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi nous semble particulièrement opportune, d'abord parce que son exposé des motifs contient une analyse de la crise actuelle que nous partageons largement – de même que M. le ministre, si j'ai bien compris ce qu'il a déclaré ce matin.

La crise écologique est structurelle, même si elle est momentanément occultée par la crise financière et économique. C'est effectivement une crise de notre mode de production et de consommation, qui a dégradé les écosystèmes et aggravé les inégalités sociales dans notre pays comme sur le plan international. Ces inégalités sociales sont d'ailleurs à l'origine du déclenchement de la crise financière aux États-Unis. Le partage inéquitable des richesses produites, dans une société de gaspillage des ressources, a augmenté considérablement les plus hauts revenus, qui ont accentué leur consommation au détriment de l'environnement. Au contraire, la stagnation des salaires obligeait la grande majorité des ménages à s'endetter pour continuer à consommer, les rendant vulnérables à toute hausse des produits de consommation courants, en particulier à toute hausse du prix de l'énergie, qui ampute rapidement le revenu de ménages, comme nous avons pu le vérifier aussi dans notre pays.

L'objectif de la loi est donc d'amorcer « une transformation écologique de l'économie » – un objectif que nous soutenons, même si nous pensons qu'il est peut-être mal formulé. En effet, cette transformation sera impossible sans prise en compte du social. C'est le débat du développement durable que nous avons eu en première lecture du Grenelle 1. Nous aurions préféré un autre titre, par exemple : « Pour une approche écologique et sociale de l'économie ». En effet, si dans l'approche actuelle de l'économie, on parle de « capital humain » – une expression que je trouve personnellement choquante – ou de « ressources humaines » – ce qui est un peu moins financier et un peu plus qualitatif –, il n'en demeure pas moins qu'on fait allusion par là à la capacité de mobilisation d'un ou de plusieurs individus d'une seule entreprise, et non à la capacité de mobilisation de notre société, liée à sa cohésion sociale.

Pourtant, entretenir et valoriser cette cohésion sociale est d'abord un atout pour surmonter les crises économiques. Nombre de néolibéraux nous envient actuellement notre système de protection sociale, ayant noté que, grâce à lui, la France résiste mieux à la crise. Mais cette cohésion sociale est aussi indispensable pour orienter notre économie dans un sens plus écologique. Pour réussir, cette réorientation doit devenir un projet collectif, qui remet en cause les modes actuels de consommation et le sens que l'on donne collectivement à cette consommation. On oppose parfois le consommateur et le citoyen, mais en fait l'un sommeille toujours dans l'autre. Revenus de l'idée d'un bonheur durable lié à l'hyperconsommation, les consommateurs veulent aussi retrouver du sens dans leurs actes d'achat et sont prêts à des modifications de comportement – toutes les enquêtes le disent. Encore faut-il qu'ils n'aient pas l'impression que certains sont exonérés de ces remises en cause et qu'ils soient sûrs que leurs gestes citoyens ne contribueront pas seulement à permettre plus de gaspillage de la part des plus riches. C'est aussi pour cela que le bouclier fiscal est une aberration : uniquement centré sur l'individu, il va à l'encontre de l'objectif du renforcement de la cohésion sociale nécessaire à toute transformation en profondeur volontaire de la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Il n'y a qu'en France qu'en période de crise, on met en place un bouclier non pas pour défendre les plus faibles, mais pour protéger les plus forts !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Si cela fait partie de votre nouveau modèle, mon cher collègue, je crois que vous aurez du mal à convaincre de son bien-fondé !

C'est pourquoi nous approuvons la proposition de suppression du bouclier fiscal faite à l'article 25, qui permettrait par ailleurs de financer pour les plus démunis ces transitions indispensables pour l'ensemble de notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Ayant abordé la proposition de loi par sa fin, je vais maintenant reprendre le texte en suivant l'ordre des articles. Le Titre I propose une contribution climat-énergie dont l'assiette porte sur la totalité des énergies et dont la redistribution aux entreprises ou aux ménages, d'abord prévue proportionnelle aux efforts qu'ils ont faits pour abaisser leur consommation énergétique, est désormais proposée par un amendement en fonction du nombre de personnes physiques par foyer et du nombre de salariés par entreprise.

Tout d'abord, nous sommes d'accord avec l'expression « contribution climat-énergie » que dans le débat médiatique actuel, certains – et non des moindres – confondent avec la taxe carbone. Les précisions apportées par Yves Cochet m'apparaissent indispensables et conformes aux conclusions du Grenelle. La taxe carbone, comme son nom l'indique, ne concerne pas les énergies qui n'émettent pas de CO2 : elle est donc uniquement une « contribution climat », alors que la « contribution climat-énergie » demandée par le Grenelle réaffirme le principe fondamental de la nécessité des économies d'énergie et de « l'efficacité énergétique », quelle que soit l'énergie utilisée. Dans les trois objectifs – les fameux trois fois vingt – du paquet climat-énergie que nous devons respecter, l'augmentation de 20 % de l'efficacité énergétique conditionne la réussite de la baisse de 20 % d'émission des gaz à effet de serre. Il faut donc bien parler d'une contribution climat-énergie et, pour atteindre ces objectifs d'économies d'énergie et d'efficacité énergétique, l'asseoir sur toutes les consommations d'énergie, comme il est proposé dans le texte.

Mais la répartition du produit de cette taxe nous paraît devoir être retravaillée avec davantage de préoccupations sociales : il faut réfléchir à des modes de répartition permettant d'aider les ménages les plus défavorisés dans cette transition énergétique nécessaire qu'ils n'ont pas les moyens de financer eux-mêmes.

Le titre II, qui concerne les transports, nous paraît excessif dans ses formulations. Je pense notamment à l'article 7, proposant d'interdire à l'avenir toute construction de voiries autoroutières nouvelles, aux articles 8 et 9, visant à supprimer la récupération de TVA pour les collectivités locales sur leurs investissements routiers, ou encore à l'article 10, proposant d'interdire tout financement public pour la construction ou l'extension d'un aéroport.

Il nous semble que ces interdictions générales ignorent la diversité des situations locales ; il peut se faire en effet que l'achèvement d'une rocade à deux voies supprime des points de congestion fortement émetteurs de CO2 ou que l'aménagement d'une zone 30 soit la meilleure réponse locale… on pourrait multiplier les exemples. Quant aux conséquences de la suppression de tout financement public pour les aéroports, je laisserai mon collègue Jean Claude Fruteau développer ce point.

La prise de conscience actuelle des élus locaux, confortée par la mise en place de plans climats territoriaux qui doivent devenir obligatoires, nous permettra d'éviter ces mesures draconiennes, tout en favorisant les objectifs de développement des transports en commun.

Le titre III porte sur la réduction des consommations d'énergie dans les bâtiments et sur le développement des énergies renouvelables. Nous approuvons la demande d'un plan national de rénovation des bâtiments existants pour améliorer leurs performances énergétiques, même si j'ai pris note – sans trop comprendre pourquoi, d'ailleurs – qu'elle n'était pas recevable au titre de l'article 40. De même, nous approuvons la proposition de soumettre les avantages fiscaux du dispositif Scellier à une condition de performance énergétique. La majoration du crédit impôt recherche, pour inciter les entreprises à investir dans la recherche ou en faveur des énergies renouvelables, ainsi que l'obligation pour les sociétés de distribution d'électricité d'intégrer avant 2015 un pourcentage minimum de sources renouvelables dans leur approvisionnement nous paraissent également deux mesures intéressantes.

Nous sommes plus dubitatifs en revanche sur l'intérêt ou la possibilité de mettre réellement en oeuvre d'autres propositions comme l'interdiction du chauffage électrique dans les bâtiments publics existants, qui nous semble incompatible avec l'utilisation que peuvent faire par exemple les petites communes de certaines de leurs salles, ou encore la proposition portant sur les relations entre les locataires et les propriétaires, qui mériterait d'être affinée pour être socialement acceptable. Il en va de même pour l'interdiction de tout financement public – direct ou indirect – de la production d'énergie non renouvelable : certaines transitions ne peuvent se faire du jour au lendemain.

Je passerai plus vite sur le titre IV qui a déjà été présenté et que nous approuvons globalement dans sa vocation à faciliter la transition écologique, en particulier dans le domaine de l'automobile, et le développement de l'économie sociale et solidaire.

Quant au titre V, qui porte sur le financement des mesures proposées, j'ai déjà eu l'occasion de dire notre approbation concernant la suppression du bouclier fiscal, de même que nous souscrivons à la proposition d'un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices des entreprises énergétiques établies en France.

En conclusion, on peut se féliciter du dépôt de cette proposition de loi, dont nous partageons les objectifs et qui aurait pu être l'occasion d'un véritable débat sur les moyens les plus efficaces pour une approche sociale et écologique de l'économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Fruteau

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par certains de nos collègues du groupe de la gauche démocratique et républicaine intègre des objectifs louables que tous ici nous pouvons partager. En effet, transformer notre économie pour qu'elle soit plus soucieuse du respect de l'environnement est une contrainte nécessaire, et il est impératif que cette contrainte soit rapidement transformée en ressource.

Cette transformation est avant toute chose un devoir politique face à l'urgence en la matière et face aux premiers effets du réchauffement climatique qui vont bouleverser nos habitudes. C'est également un devoir pour le développement économique et social de notre pays, puisque la réorientation économique vers l'écologie constitue un formidable levier pour la création d'emplois. Enfin, c'est un devoir que nous avons à l'égard des générations futures, car nous ne sommes que les locataires de ce monde, que nous devons transmettre à nos enfants dans un état qui leur permette d'y vivre convenablement.

Cela constitue donc un enjeu majeur pour notre pays. Relever ce défi suppose cependant une transformation en profondeur de nos modes de vie, de consommation, de déplacement et de croissance. Contribuer à poser des fondations solides pour l'avènement d'une société écologiquement vertueuse doit désormais être au centre de tous les projets économiques de notre pays. À cet égard, je considère que le projet de loi relatif au premier volet du Grenelle de l'environnement – que nous examinerons très prochainement en seconde lecture – pose bel et bien des principes mais oublie quelque peu à mon sens le volet économique et industriel. Or, c'est dans ce champ que se situent les emplois de demain. Les efforts en faveur de la recherche et développement en la matière doivent, d'une part, nous amener à traduire dans le réel les objectifs que nous nous fixons et, d'autre part, permettre à notre économie d'avoir un temps d'avance dans la compétition mondiale, afin de conserver notre savoir-faire sur le territoire national et de créer ainsi des emplois durables.

Je considère qu'il est louable de se donner des objectifs en matière de production énergétique propre, mais encore faut-il être capable de s'approvisionner en équipements nécessaires et, si possible, en équipements produits sur le territoire national, afin de transformer l'élan écologique en soutien à l'économie et de renforcer dans le même temps notre indépendance industrielle. Par ailleurs, dans le domaine des services, qui sont souvent des emplois difficilement délocalisables, la croissance verte constitue une mine d'emplois, une chance à saisir pour soutenir à la fois la croissance économique et la transformation écologique de notre économie.

Souhaitant comme nous tous que notre économie puisse tirer les bénéfices de son orientation vers l'écologie, je ne peux, ainsi que je l'ai déjà exprimé devant la commission des affaires économiques, que partager le constat et les analyses qui ont conduit nos collègues du groupe GDR à l'élaboration de cette proposition de loi et adhérer pleinement aux objectifs qu'ils poursuivent.

Toutefois, si certaines propositions sont incontestablement louables, je suis obligé d'émettre de sérieuses réserves sur d'autres mesures qui pourraient avoir des effets négatifs sur le développement de nos territoires et la vie quotidienne de nos concitoyens. L'urgence de la transformation écologique de notre économie est bel et bien présente, encore faut-il ne pas se montrer trop brutal ni trop radical. Tout ne sera pas possible tout de suite. Ce qui est proposé ici est une véritable révolution. Il s'agit ni plus ni moins d'inventer un nouveau modèle économique et sociétal pour remplacer celui qui est en train de sombrer sous nos yeux. Il est donc nécessaire de prendre son temps pour une adaptation qui prenne en considération la réalité dans tous ses aspects.

Je ne reviendrai pas sur la création de la contribution climat-énergie, que nous devrons tôt ou tard mettre en oeuvre, si ce n'est pour m'interroger sur les répercussions éventuelles que cela aura sur les consommateurs. Qui peut croire en effet que les distributeurs ne seront pas tentés de répercuter cette taxe sur leurs tarifs ?

Dans le secteur de l'automobile par exemple, s'il existe déjà des voitures propres comme les véhicules hybrides, force est de constater qu'elles ne sont pas encore accessibles au plus grand nombre. Et, si nous choisissons d'appliquer la contribution climat-énergie, encore faut-il être en mesure de proposer des alternatives concrètes à la portée de tous. Je ne voudrais pas en effet qu'au nom d'une course au tout écologique, on accentue les inégalités sociales dans notre pays.

Au titre II de la proposition de loi, il est proposé d' « interdire à l'avenir toute construction de voiries autoroutières nouvelles », au motif que notre pays est suffisamment équipé et qu'il convient de réorienter les investissements publics en faveur des transports en commun. Je suis d'accord avec vous sur le fond s'agissant du développement des transports en commun ; en revanche, cette volonté soulève plusieurs interrogations : Peut-on raisonnablement dire aux régions encore enclavées qu'elles ne pourront plus à l'avenir avoir de liaison autoroutière ? Quel message voulons-nous adresser à ces territoires qui sont d'ores et déjà pénalisés par leur géographie et les défauts de la politique d'aménagement du territoire ? Seraient-elles condamnées ad vitam æternam à rester plus ou moins isolées ? Cette problématique est essentielle à mon sens, car nous nous devons de concilier les ambitions écologiques que nous nous fixons avec les objectifs de poursuite de l'aménagement du territoire.

De même, en ma qualité de rapporteur pour avis sur le budget des transports aériens, je souhaite aborder les propositions formulées dans ce domaine. Si, là encore, j'adhère à la philosophie qui structure globalement cette proposition de loi, je considère néanmoins que les mesures contenues dans ce texte sont trop drastiques. Interdire le financement public des extensions d'aéroports aurait pour effet immédiat de déstabiliser nos plates-formes face à la concurrence étrangère, et je reste convaincu que nous ne serions aucunement suivis par les autres pays, notamment nos amis européens. Nous perdrions ainsi l'attractivité économique qui est la nôtre aujourd'hui au profit d'autres terminaux aéroportuaires, en particulier ceux situés au Moyen Orient. Or, les frontières n'étant pas hermétiques aux gaz à effet de serre, le problème de la pollution atmosphérique résultant du secteur de l'aéronautique ne serait pas réglé mais purement et simplement déplacé. Je crois donc qu'au lieu de se pencher uniquement sur la limitation des activités des aéroports et de leurs extensions, il convient de traiter d'abord les véritables problèmes : l'amélioration des performances énergétiques des avions, la lutte contre les nuisances sonores aux abords des aéroports – les rapports annuels de l'ACNUSA démontrent qu'il y a encore beaucoup à faire en la matière –, la généralisation des procédures de descente continue ou encore le développement de l'intermodalité, notamment pour les déplacements intérieurs.

Enfin, certains territoires n'ont d'autres choix que de poursuivre dans le domaine du développement de leurs aéroports.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Fruteau

Je pense bien évidemment ici aux départements et collectivités d'outre-mer, qui doivent continuer dans cette voie. Pour le cas particulier de la Réunion, la desserte aérienne constitue l'unique moyen de se déplacer hors de l'île. L'aménagement de ce territoire ainsi que son développement économique et social restent donc étroitement liés au développement du transport aérien.

En conclusion, je veux redire ici que j'adhère aux grands principes qui sous-tendent la proposition de loi présentée. En revanche, s'agissant des outils d'action publique que l'on propose de mettre en oeuvre, il m'est impossible de les adopter tous, tant je considère que la révolution que l'on souhaite voir initiée est beaucoup trop brutale pour ne pas avoir rapidement des conséquences négatives fortes sur l'emploi, le développement économique et l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion générale est close.

La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Mesdames et messieurs les députés, je rassurerai d'abord le rapporteur à propos du Grenelle de l'environnement : le Grenelle est en marche, même s'il avance sans battage médiatique.

Vous avez d'ores et déjà voté trois lois : la loi de finances, qui a permis d'engager dix-huit milliards d'euros supplémentaires sur les trois prochaines années en faveur du Grenelle, la loi sur les OGM et la loi sur la responsabilité environnementale. Vous voterez par ailleurs avant la fin de l'année les deux lois fondatrices du Grenelle, que j'appellerai Grenelle I et Grenelle II, auxquelles nous consacrons le temps qu'il faut : le Gouvernement n'a pas déclaré l'urgence sur Grenelle I, qui a déjà donné lieu à cent dix heures de débat ; quant à Grenelle II, nous allons, pour mon plus grand plaisir, lui consacrer beaucoup de temps ensemble.

Plusieurs décisions ont déjà été prises, comme la clause de sauvegarde sur les OGM, le bonus-malus ou l'augmentation de 1,2 milliard d'euros du budget consacré à la recherche sur l'environnement, ce qui devrait rassurer M. Fruteau.

L'approfondissement continue et je voudrais revenir sur la question de la contribution climat-énergie. Nous avons indiqué dans la loi, monsieur Cochet, que nous remettrions un rapport dans les six mois suivant sa promulgation. Je puis d'ores et déjà vous annoncer que le rapport sera soumis dès le mois de juin à une conférence de consensus, qui est en réalité une conférence d'experts, afin de répondre précisément aux questions que pose, comme vous l'avez tous souligné, cette contribution climat-énergie, qu'il s'agisse de son assiette, de son taux ou de ses effets redistributifs et de l'impact qu'elle peut avoir sur les uns et les autres. La concertation sociale sur la contribution climat-énergie est incontournable, car nous devons faire adhérer la population à ce changement de société.

Se pose par ailleurs la question des indicateurs de richesse sur lesquels la commission d'Amartya Sen et Joseph Stiglitz a annoncé qu'elle rendrait ses conclusions provisoires avant l'été.

Je voudrais rassurer M. Tourtelier : dans l'esprit du Président de la République, il n'y a pas de confusion entre la contribution climat-énergie et la taxe carbone.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Je n'ai pas cité le Président de la République !

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Non, mais vous en étiez proche… La contribution climat-énergie, c'est ce dont nous parlons ici, l'une des possibilités qu'il a évoquées pour remplacer en partie la taxe professionnelle.

Il y a d'autre part la taxe carbone, applicable aux frontières et qui pourrait être utilisée si par malheur on échouait à Copenhague.

L'esprit du Grenelle, c'est bien l'esprit de compromis, d'adhésion, d'évaluation socio-économique ; c'est aussi une attention toute particulière portée aux territoires ultramarins, comme M. Poignant l'a rappelé.

Même s'il y a urgence, la mutation environnementale prend du temps ; et ce temps de la concertation sociale est absolument nécessaire.

Comme M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, vous l'a indiqué ce matin, je vous confirme que le Gouvernement demande la réserve des votes sur les articles et les amendements, en application de l'article 96 du Règlement de l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La réserve est de droit.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je voudrais, monsieur le président, répondre aux interventions de nos collègues.

Yves Cochet a, je crois, très bien explicité ce que signifie pour nous, co-auteurs de ce projet de loi, la contribution énergie-climat. Mme la secrétaire d'État vient de souligner la différence qu'il faut faire avec la taxe carbone. Nous ne sommes pas les seuls à penser que des confusions sont entretenues à ce sujet, et que le discours met aujourd'hui davantage en avant la seconde que la première.

J'ai entendu l'un de nos collègues dire tout à l'heure que notre proposition était révolutionnaire. Je n'irai pas jusque-là, d'autant qu'il y a déjà eu un débat ce matin sur les courants révolutionnaires de cette assemblée. (Sourires.)

En tout cas, pour la première fois, des parlementaires proposent de créer une taxe – appelons les choses par leur nom. Mais cette taxe serait entièrement redistribuée ! Nos collègues de l'UMP avaient moqué, en commission, notre manque d'originalité puisque nous proposions de créer un nouveau prélèvement. Oui, mais la différence, c'est que cette taxe est redistribuée !

C'est bien pour éviter les effets pervers qui pourraient affecter la consommation et le pouvoir d'achat que nous l'avons conçue ainsi. Mais c'est bien sûr, aussi, pour qu'elle ait un effet dissuasif sur le gaspillage et la surconsommation. La redistribution est pédagogique : moins on consommera, moins on contribuera ; en revanche, les familles seraient davantage bénéficiaires, dans un esprit d'égalité et de redistribution.

L'objectif est bien une réduction de la consommation de toutes les énergies. Je voudrais éclairer le débat sur ce point : ce qui sous-tend notre idée de taxer toutes les énergies non renouvelables, ce n'est pas – comme on a pu le croire en entendant M. Poignant – une obsession anti-nucléaire. En revanche, je crois que ceux qui ne parlent que de la taxe carbone, et qui ne visent que les énergies fossiles, sont encore victimes de la croyance selon laquelle on trouvera un jour une énergie miracle qui se substituera au pétrole.

Le pétrole, c'était le symbole de l'énergie bon marché, accessible à tout le monde, facile à utiliser dans tous les domaines, des transports au chauffage. Il y a aujourd'hui un relatif accord pour dire que cette période est finie. Mais certains croient qu'on va découvrir une autre énergie, qui aura aussi toutes ces vertus : elle sera bon marché, abondante et facile d'accès. Pour notre part, nous n'y croyons pas. On peut prendre le problème par tous les bouts : ça n'existe pas.

Sur l'énergie électrique, je réponds à M. Poignant que nous ne sommes pas du tout contre l'énergie électrique : notre proposition de loi cible d'ailleurs les choses. En revanche, nous pensons que l'énergie électrique doit être utilisée là où son rendement est le meilleur – et il y a des domaines où elle n'est pas la plus efficace !

Debut de section - PermalienPhoto de André Wojciechowski

En tout cas, nous sommes d'accord : c'est la plus économique !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

L'un des grands défauts de l'énergie électrique – quel que soit d'ailleurs son mode de production, nucléaire ou autre – est qu'elle se stocke très difficilement, voire pas du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous aurez beau prendre le problème par tous les côtés, y compris celui des voitures électriques pour le domaine automobile : le système des batteries restera une contrainte majeure pendant très longtemps. Voilà pourquoi nous visons, nous, la baisse de toutes les consommations d'énergie, quelles qu'elles soient : nous visons à la sobriété parce que nous pensons que c'est comme cela que nous pourrons sortir du cercle vicieux du gaspillage et du coût qu'il représente pour nos concitoyens.

Je voudrais encore répondre sur plusieurs points, notamment à Serge Poignant. M. le ministre l'a dit ce matin, et vous venez de le redire, madame Jouanno : le Grenelle aurait déjà prévu la contribution énergie-climat. Mais cette loi n'est pas encore adoptée – elle arrive en deuxième lecture à l'Assemblée – et elle mentionne seulement que l'État « étudiera » une telle contribution. Je prends acte, madame la secrétaire d'État, de votre annonce de la sortie prochaine du rapport – avant même, pour une fois, le délai de six mois après la promulgation de cette loi qui n'est pas encore votée.

Mais le degré de volontarisme politique est tout de même extrêmement faible ; les mots ont un sens : étudier, ce n'est ni agir, ni décider, et moins encore mettre en oeuvre. Pour notre part, nous pensons que le temps n'est plus aux études, mais à l'action : c'est entre nous une divergence forte. Nous croyons que la gravité des enjeux nous oblige à agir sans plus attendre.

Vous citez souvent le Grenelle, le Grenelle, le Grenelle ! Mais – je l'ai dit dans mon propos introductif – on peut s'interroger sur le bilan réel du Grenelle, à commencer par son calendrier : si la loi dite Grenelle I est adoptée d'ici à l'été, plus de deux ans auront été nécessaires pour transcrire des travaux menés durant l'été 2007, et sans doute plus de trois ans pour voter la loi Grenelle II. C'est incontestable, et ce n'est pas vraiment le signe que c'est la première priorité du Gouvernement.

Madame Jouanno, vous dites que vous n'avez pas déclaré l'urgence sur le Grenelle : vous l'avez pourtant fait sur beaucoup d'autres textes ; et non seulement vous n'avez pas déclaré l'urgence, mais il faut deux, voire trois ans pour mener le projet à bien : c'est, je pense, un record de longueur. Nous considérons pour notre part qu'il n'est plus possible d'attendre et cela justifie, à nos yeux, la discussion et l'adoption de la présente proposition de loi.

Sur les transports, je voudrais répondre à MM. Poignant, Tourtelier et Fruteau. Vous dites qu'il est excessif d'interdire la construction de nouvelles autoroutes. Mais regardons notre pays : y a-t-il un seul département qui n'ait pas d'autoroute ?

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Combien y a-t-il d'agglomérations de 100 000 habitants ? Il y a de petites villes !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Laissez le rapporteur s'exprimer, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Y a-t-il une seule région qui ne dispose pas d'un véritable réseau autoroutier ? Il y a en revanche plusieurs départements français qui ne comptent pas une seule gare de voyageurs !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Certains n'ont pas une seule voie de chemin de fer : ils en avaient dans le temps, mais elles ont été systématiquement démantelées.

Un énorme effort a été consenti en France en faveur des investissements routiers.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

M. Christian Blanc a souligné ce matin que la majorité des déplacements se font en voiture. Mais comment pourrait-il en être autrement dans un pays qui a investi aussi massivement dans l'utilisation massive de la voiture ? Car il s'agit bien d'action publique…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

… et non d'un choix fait par les gens. S'il y a bien une réalité, c'est qu'aujourd'hui il y a des départements entiers où les gens ne peuvent se déplacer autrement qu'en voiture, tellement les choix publics ont été faits en faveur de la route.

Pour notre part, nous répondons clairement aujourd'hui aux questions posées : les villes ont déjà des périphériques, des contournements. N'en faisons pas de nouveaux, ne les agrandissons pas : faisons avec ce que nous avons en matière routière, et mettons l'argent public dans les transports en commun…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

… dont l'impact environnemental est beaucoup plus faible. Cela, chacun le reconnaît.

Si certains croient que le budget de l'État et le budget des collectivités locales sont extensibles à l'infini, et que l'on peut financer, non seulement des transports en commun, mais aussi des autoroutes, qu'il me donne un seul exemple de département, de région, de communauté urbaine, d'agglomération ou de commune qui puisse en France agir de la sorte : je n'en connais pas. Il faut faire des choix budgétaires, et c'est ce que nous proposons.

Telle était, d'ailleurs, la conclusion du groupe de travail du Grenelle : c'est le projet de loi du Gouvernement qui a introduit les exceptions – pour congestion, pour intérêt local, etc. Mais on sait bien que dès lors que l'on introduit des exceptions, tout est possible ! Ainsi, dès lors que l'on construit des autoroutes, on crée du trafic et donc des zones de congestion : tout le monde connaît cela ; il y a quelques années, un rapport du Gouvernement britannique avait démontré que les autoroutes ne réglaient pas le problème des embouteillages, mais qu'elles les créaient. Plus on en faisait, plus le trafic – notamment vers les zones urbaines – augmentait !

Sur les aéroports, mentionnés par Serge Poignant et Jean-Claude Fruteau, le raisonnement est encore plus évident : à part peut-être Roissy et Orly, tous les aéroports de France, absolument tous, sont sous-utilisés ! Il y a, bien sûr, le cas spécifique de l'outre-mer : je l'entends tout à fait, monsieur Fruteau, et je vous avais dit en commission que nous aurions été tout prêts à accepter un amendement sur les zones insulaires ou sur certaines régions, bien spécifiques, pour lesquelles le transport aérien est parfois la seule solution.

Mais je précise bien qu'en ce qui nous concerne, nous disons seulement : pas de subventions publiques. Concrètement, le seul projet de création d'un aéroport en zone métropolitaine est celui de Notre-Dame des Landes, à côté de Nantes ; jusqu'à présent, l'État a dit qu'il se ferait sans subventions publiques, par une concession privée.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Si vous dites que c'est impossible, c'est bien que les subventions publiques soient nécessaires : cela en dit long sur le fait que l'on préfère subventionner ces transports-là plutôt que des transports utilisés par la masse de nos concitoyens, notamment les transports en commun ferroviaires dont la fréquentation est évidemment sans commune mesure avec celle du transport aérien !

Sur la performance énergétique des bâtiments, je remercie plusieurs collègues – notamment M. Tourtelier – d'avoir salué nos initiatives en la matière. Beaucoup ont considéré que c'était une bonne chose.

M. Poignant a remis en cause ce que nous avons appelé le « droit au logement isolé » pour les locataires. Mais je voudrais que nous nous interrogions quelques instants sur le concept de contrainte. Vous considérez que cette contrainte est trop forte pour le propriétaire ; mais cela revient à la faire supporter par le locataire ! Celui-ci n'a pas d'autre choix que de subir la mauvaise isolation de son logement, et donc des dépenses de chauffage, notamment, beaucoup trop importantes.

Je ne dis pas que la formule que nous proposons ne peut pas être affinée et complétée : nous étions tout prêts à accepter des amendements. Mais nous pensons que le principe que les locataires ne peuvent pas être contraints de subir une surfacturation due à une mauvaise isolation est un sujet qu'il faut traiter, que l'on ne peut pas continuer à écarter. On ne peut s'en remettre aux seules incitations : le bilan est là, et il n'est pas bon. On comprend que les propriétaires ne fassent pas d'effort s'ils n'y sont pas obligés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Vous aviez demandé la parole pour un court instant, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, je ne redirai pas ce que j'ai dit ce matin sur l'utilisation par le Gouvernement de l'article 44, alinéa 3 de la Constitution. Vous l'avez dit vous-même : la réserve est de droit.

Mais cela fait qu'il n'y aura aucun débat : le seul moment de débat, c'est maintenant – d'autant que nous ne cherchons pas à faire traîner les choses en longueur.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Sur la question du nucléaire, M. Poignant, comme Christian Blanc au nom du Gouvernement, nous dit qu'on ne peut pas faire le nucléaire sans financement public.

Car nous ne proposons pas de sortir du nucléaire ! Notre proposition de loi dispose seulement que le nucléaire ne reçoit pas de financement public. J'en conclus que tous les discours qui nous disent depuis des années que le nucléaire est le procédé qui permet de produire l'électricité au plus bas prix ne résistent pas cinq minutes à votre propre discours : le nucléaire, nous dites-vous, doit être subventionné. Nous en reparlerons lors d'autres débats sur l'énergie : nous pensons que cette énergie ne peut pas vivre sans subventions publiques ; elle n'est pas compétitive si elle n'est pas subventionnée.

Je crois avoir répondu à M. Tourtelier sur plusieurs éléments, je voudrais juste ajouter une remarque, qui me permettra de rebondir sur les propos de Christian Blanc. Vous avez raison, monsieur Tourtelier, aujourd'hui, le problème ne vient pas des citoyens car ceux-ci sont prêts à changer. À l'inverse de Christian Blanc, je ne crois pas que le changement doit venir d'en bas et surtout pas d'en haut. Nos concitoyens ont déjà changé, ils sont prêts, ils sont demandeurs. C'est à nous, politiques, de prendre nos responsabilités et de leur donner un cadre qui favorise ce changement et les moyens pour que celui-ci soit accepté socialement. Je partage tout à fait votre point de vue, la cohésion sociale est un atout, et nous avons fait des propositions très concrètes pour que l'écologie et la cohésion sociale aillent de pair pour nous aider à sortir de la crise.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Enfin, monsieur Fruteau, je partage votre point de vue sur le fait que cette proposition de loi vise les emplois de demain, voire d'aujourd'hui. Leur nombre pourrait être très élevé et représenter une part non négligeable de notre compétitivité. D'ailleurs, l'un des groupes de travail du Grenelle avait pour titre « Développement durable et compétitivité ».

Souvenons-nous des rendez-vous qui ont été ratés par la France. Dans les années 60-70, la France était le pays leader en matière d'énergies renouvelables sur le solaire, sur l'éolien. Pour avoir tout misé sur une autre énergie, celle dont je viens de parler, notre pays a totalement abandonné ce champ et ce sont d'autres pays qui se sont positionnés. Aujourd'hui, n'importe quel Français qui veut s'équiper en panneaux solaires doit se procurer des produits fabriqués en Espagne, au Danemark, au Japon, voire maintenant en Chine.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Sur l'éolien, c'est pareil. Pourtant, c'est concret et les entreprises de l'automobile, de la métallerie, de l'industrie – je partage les préoccupations exprimées ce matin par nos collègues communistes sur la défense de l'industrie en France – auraient pu être des lieux de développement de cette activité. Il faut absolument reprendre pied sur ce terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Même dans le bâtiment, ils ne savent plus faire de développement durable !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Voilà ce que m'ont inspiré les interventions de mes collègues, que je remercie, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, d'avoir participé à ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 2 portant article additionnel après l'article 3.

La parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il s'agit simplement de rétablir l'article 4 de notre proposition de loi initiale, qui a été déclaré irrecevable par le bureau de la commission des finances, du fait d'une interprétation très restrictive, selon nous, de l'article 40 de la Constitution. Cet article concerne un point essentiel de notre proposition, la redistribution du produit de la contribution climat-énergie.

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Les dispositions des articles 4 et 5 ont été déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution avant l'adoption du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 8, je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Le vote sur l'amendement n° 1 est réservé, de même que le vote sur l'article 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Les dispositions de l'article 14 ont été déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution avant l'adoption du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 3 , portant article additionnel après l'article 18.

La parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il s'agit d'instituer un gage concernant la mesure proposée à l'article 19 qui, à l'origine, ne prévoyait pas de gage. Là aussi, il nous semble que la commission des finances a eu une interprétation un peu particulière de l'article 40 de la Constitution. Le gage concerne la constitution des zones franches vertes, dont certains collègues ont parlé et qui est un outil pour permettre le développement de nouvelles technologies, d'éco-technologies dans les bassins d'emploi fortement touchés par la crise.

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Les dispositions de l'article 19 ont été déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution avant l'adoption du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 4 , portant article additionnel après l'article 21.

La parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il s'agit, par cet article additionnel, de permettre la création de zones franches coopératives, dans le même esprit que les zones franches vertes, pour favoriser le développement d'entreprises régies par des statuts de coopérative et d'économie sociale et solidaire dans des bassins d'emploi touchés par la crise. Nous le savons : les salariés, les ouvriers, les cadres, les ingénieurs sont parfois mieux placés pour reprendre leur entreprise. Le statut coopératif doit être encouragé, car il protège finalement les entreprises par rapport au statut de société anonyme classique.

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Avis défavorable car la création de zones franches doit respecter l'encadrement communautaire des aides d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Les dispositions de l'article 22 ont été déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution avant l'adoption du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Les votes sur les articles 24 et 25 sont réservés.

Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi auront lieu le mardi 2 juin, après les questions au Gouvernement.

Je vous propose de suspendre la séance jusqu'à dix-sept heures. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, le rapporteur de la troisième proposition de loi ne pouvant pas être là avant dix-sept heures trente, nous avons inversé l'ordre des propositions et fait passer la quatrième devant la troisième, mais il faut laisser le temps au ministre de venir. Voilà pourquoi je vous propose de suspendre la séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Par respect à l'égard de nos collègues, je voudrais donner l'explication de cette demande de suspension : un problème de mise en concordance de la présence d'un ministre et d'un rapporteur se posait. En contrepartie de l'effort qui est consenti par la présidence et par le Gouvernement, nous ferons en sorte qu'il n'y ait pas de séance ce soir – nous pourrions terminer nos travaux vers vingt heures quinze, c'est-à-dire à l'heure où le dernier des ministres concernés devra s'en aller.

Voilà notre proposition. À vous de voir, mes chers collègues, si vous devez rester ou partir. En tout cas, je vous assure, cette demande de suspension est purement technique, en aucun cas l'expression d'une mauvaise humeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je vous remercie, monsieur Sandrier, d'avoir donné cette explication, que je ne pouvais donner moi-même.

Articles 24 et 25

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à dix-sept heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Marc Dolez sur la proposition de règlement du Conseil relatif au statut de la société privée européenne du 27 juin 2008 COM (2008) 0396 et sur la communication de la Commission du 26 avril 2006 intitulée « Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne – Les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne » COM (2006) 177 final ( nos 1617, 1674).

La parole est à M. Marc Dolez, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse, mes chers collègues, cela fera demain quatre ans que notre peuple rejetait, à une très large majorité, le projet de traité constitutionnel et chacun se souvient probablement des débats, des critiques et oppositions qu'avait à l'époque suscités le projet de directive sur les services dans le marché intérieur, dite directive « Bolkestein », présenté par la Commission européenne.

L'ampleur des ces critiques et oppositions a été telle que la version adoptée par le Parlement européen, le 12 décembre 2006, comportait des modifications importantes par rapport au projet initial de directive. D'abord, le principe du pays d'origine a été abandonné. Ensuite, le champ d'application de la directive sur les services a été réduit puisque les services sociaux d'intérêt général en ont été exclus.

Le projet de résolution que les députés communistes, républicains et du parti de gauche soumettent cet après-midi à l'Assemblée nationale est motivé par les inquiétudes extrêmement fortes que nous inspirent les débats en cours au niveau européen et qui se traduiraient, s'ils allaient à leur terme, par la réintroduction du principe du pays d'origine et par la soumission des services sociaux d'intérêt général aux règles de la concurrence. C'est la raison pour laquelle nous avons utilisé la faculté offerte par l'article 88-4 de la Constitution.

Notre première inquiétude concerne les débats en cours pour l'élaboration du statut de la société privée européenne. Au mois de juin 2008, la Commission a publié une proposition de règlement relatif au statut de la société privée européenne, laquelle a été approuvée par le Parlement européen le 10 mars dernier.

Ce statut, en cours d'élaboration et qui va revenir devant le conseil des ministres de l'Union européenne, est censé faciliter les activités des petites et moyennes entreprises – elles sont 23 millions au sein de l'Union européenne –, sans faire disparaître les statuts existants de la société anonyme et de la SARL pour ce qui est de la France. Il pose néanmoins deux problèmes.

Le premier concerne son champ d'application. Le statut ne devrait théoriquement s'appliquer qu'aux PME, c'est-à-dire, selon la Commission, aux entreprises de moins de 250 salariés et réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros. Or, l'exposé des motifs de la proposition de règlement indique très clairement que le statut proposé pourrait s'appliquer à toutes formes de sociétés, y compris à des sociétés et à des groupes de plus grande dimension qu'une PME. D'ailleurs, le Parlement européen, dans sa délibération du mois de mars dernier, a accru la confusion. En effet, énumérant certains seuils concernant la participation des travailleurs, il a évoqué ceux de moins de 500 salariés, de 500 à 1 000 salariés, et de plus de 1 000 salariés. Cela signifie que des sociétés beaucoup plus importantes que les PME pourraient bénéficier de ce statut.

Le second problème est celui de la détermination du siège social. L'exposé des motifs de ladite proposition de règlement précise, là aussi très clairement, qu'une entreprise pourrait avoir son siège social dans un pays et l'essentiel de ses activités dans un autre. C'est la réintroduction du principe du pays d'origine, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir. En effet, combiné avec l'extension du champ d'application du statut, l'application d'un tel principe permettrait de contourner des législations sociales ou fiscales plus protectrices.

Avec cette proposition de résolution nous demandons donc avec insistance que le statut de la société privée européenne ne puisse pas permettre un tel contournement. Monsieur le haut-commissaire, nous attendons du gouvernement français qu'il adopte sur ce point une position extrêmement ferme et claire lors des réunions du conseil des ministres à Bruxelles.

Notre seconde inquiétude concerne les services publics et les services sociaux d'intérêt général, qui sont au coeur de notre pacte social et républicain. Ces derniers concernent des sujets aussi importants que le logement social, l'aide à l'enfance, les problèmes de garde d'enfants, et nous en avons, en France, une conception encore plus large que celle de la Commission européenne. Pour cette dernière, les services sociaux d'intérêt général sont un sous-ensemble des services d'intérêt général dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne font pas l'objet, au niveau communautaire, d'un encadrement très formalisé puisqu'il est encore laissé à l'appréciation soit de la Commission, soit de la Cour de justice des Communautés européennes.

C'est la raison pour laquelle, depuis maintenant une dizaine d'années, tant le Conseil européen en 2001 et 2002, que le Parlement européen en 2003 et 2004 ont demandé à plusieurs reprises et avec beaucoup d'insistance à la Commission une directive-cadre affirmant la spécificité de ces services sociaux d'intérêt général et qui puisse les mettre à l'abri de l'application des règles de la concurrence. Force est de constater que la Commission européenne a opposé un refus à ces demandes réitérées.

Elle a refusé une première fois en avril 2006, après que le Parlement européen eut adopté en première lecture la directive sur les services dans sa forme quasi définitive, excluant de son champ d'application les services sociaux d'intérêt général, et a réitéré son refus en novembre 2007. Et au cas où nous n'aurions pas bien compris, M. Barroso, le président de la Commission européenne, présentant à la presse la communication de 2007 de cette dernière, a dit très clairement qu'il n'était pas question d'une directive-cadre et qu'un tel procédé n'était pas utile pour répondre à la diversité des situations existant au sein de l'Union européenne. J'ajoute que, dans l'intervalle, la Commission européenne a confirmé cette position puisque, appelée à se prononcer sur le système d'aide aux logements sociaux présenté par le gouvernement hollandais, elle a considéré que le logement social ne figurait pas parmi les missions d'intérêt général.

C'est la raison pour laquelle, à travers cette proposition de résolution, nous demandons au Gouvernement d'exiger de la Commission qu'elle prenne cette directive-cadre. Une clarification est d'autant plus importante que la directive sur les services approuvée par le Parlement européen en décembre 2006 doit être transposée dans notre législation avant la fin de l'année 2009.

La commission des affaires économiques, devant laquelle j'ai rapporté cette proposition de résolution, n'a pas cru devoir émettre un avis favorable…

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

…pour deux raisons.

D'abord, concernant le statut de la société privée européenne, nos collègues de l'UMP nous ont expliqué qu'ils ne voyaient pas pourquoi l'on demanderait des précisions complémentaires puisque le Parlement européen s'était prononcé à quasiment 90 % sur cette question. Or, ce n'est pas parce que le Parlement européen se prononce à une écrasante majorité sur une question qu'il a raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

On pourrait en donner de multiples exemples. Je prendrai celui de la résolution adoptée, le 26 mars dernier, par le Parlement européen, qui fixe à l'horizon 2015 l'objectif d'un grand marché transatlantique entre l'Union européenne et les États-Unis. Cela dit, nous ne faisons que recourir à une possibilité offerte par l'article 88-4 de la Constitution, qui permet au parlement français de faire valoir ses inquiétudes sur des questions en cours de débat et de demander des éclaircissements. C'est ce que nous faisons cet après-midi, ni plus ni moins !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Ensuite, il nous a été opposé que notre proposition de résolution était peut-être intéressante mais qu'il en existait une autre, cosignée par des collègues de l'UMP et du parti socialiste, dont l'examen par la commission des affaires culturelles aurait dû avoir lieu il y a quinze jours et a été reporté au 10 juin – c'est sans doute un hasard du calendrier ! –, c'est-à-dire trois jours après le scrutin européen.

Cela dit, il n'y a pas de problème, car il y a une différence majeure entre nos deux textes. En effet, contrairement à la proposition de résolution UMP-PS, celle que nous avons déposée pour exiger une clarification ne s'inscrit pas dans le cadre du traité de Lisbonne qui est le copié-collé du traité constitutionnel rejeté il y a quatre ans et dont le fil conducteur est le droit de la concurrence.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

La commission des affaires économiques a rejeté cette proposition de résolution, mais, à titre personnel, convaincu de la pertinence du texte que nous avons déposé, j'invite l'Assemblée à rejeter les conclusions de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, en tout premier lieu, concernant les services sociaux d'intérêt général, je tiens à rappeler que le projet de résolution que nous examinons s'inscrit dans une suite d'initiatives parlementaires qui visent à mieux réussir l'articulation entre la tradition française des services d'intérêt général à laquelle nous sommes attachés, les évolutions issues du droit communautaire, notamment celles qui viennent du droit des aides d'État et de la future transposition de la directive services, et de ce que nous souhaitons voir comme évolutions de ce droit communautaire.

Dans votre assemblée, tout d'abord, la proposition conjointe des députés de la majorité et de l'opposition, Valérie Rosso-Debord, Christophe Caresche, Pierre Forgues et Robert Lecou, présentée et adoptée à l'unanimité le 1er avril par la commission chargée des affaires européennes, indique que les initiatives prises au niveau national pour sécuriser les services sociaux doivent être complétées par des initiatives communautaires et qu'une clarification du droit européen applicable aux SSIG est indispensable.

Par ailleurs, au Sénat, la résolution adoptée le 30 avril et proposée par Mme Catherine Tasca et ses collègues, demande à la Commission européenne de prendre des initiatives en vue de conforter le statut des services d'intérêt général.

Cette proposition de résolution s'inscrit donc dans un calendrier déjà très actif du fait d'autres initiatives.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Elle traduit, s'il en était besoin, l'intérêt des parlementaires et du Gouvernement pour la préservation d'un modèle français des services sociaux d'intérêt général. Son objet est, somme toute, sensiblement identique, puisqu'elle rappelle que la directive relative aux services dans le marché intérieur prévoit, à la suite du vote du Parlement européen et du Conseil des États membres, une exclusion des services sociaux d'intérêt général de son champ d'application. La résolution demande également que la Commission européenne s'engage à proposer une directive sur les services d'intérêt général, qui reconnaisse pleinement les caractéristiques spécifiques des services sociaux et les protège explicitement contre l'application des règles de la concurrence.

L'ensemble de ces initiatives, ainsi que l'action menée par le gouvernement français portent donc une ambition commune : sécuriser le mode de fonctionnement des services d'intérêt général, ce qui nous semble bénéfique pour l'Europe, pour nos services publics et pour nos concitoyens.

Sur ce point, le Gouvernement partage les objectifs de la résolution qui nous est présentée. Ses initiatives, ces dernières années mais surtout ces derniers mois, au cours de la présidence française de 2008, ont montré son souci constant de faire progresser, dans le respect de la subsidiarité, une vision européenne partagée des services d'intérêt général et de s'assurer la prise en compte des spécificités des services sociaux au regard de l'application du droit communautaire.

En constatant que la Commission n'avait pas l'intention, comme elle l'a déclaré fin 2007, de proposer un texte législatif sur les SSIG, les autorités françaises ont fait en sorte que la prise en compte de la spécificité des services sociaux constitue un fil rouge de la présidence française et contribue à alimenter le débat européen.

Ainsi, à la fin du mois d'octobre 2008, l'organisation du deuxième forum sur les SSIG, auquel j'ai participé, a associé plus de 250 représentants des institutions européennes, des opérateurs, des collectivités territoriales et des usagers. Cette manifestation a permis, d'une part, de débattre de la modernisation des services sociaux, sur la base d'un rapport présenté par la Commission en juillet 2008, ainsi que du rôle des collectivités locales, et, d'autre part, d'analyser à partir de cas pratiques l'application aux SSIG des règles communautaires de la concurrence et du marché intérieur.

Ces échanges sont importants pour faire émerger une vision partagée des services sociaux européens conforme à celle du Conseil économique et social européen, dans un domaine où les traditions nationales sont, par définition, extrêmement différentes.

Ensuite, nous avons proposé à la Commission européenne et à nos partenaires une feuille de route pour maintenir le dialogue sur ces sujets complexes, mais dont l'impact pour la vie de nos concitoyens est indéniable. Cette feuille de route a rappelé la nécessité de mettre en valeur la contribution des SSIG aux politiques de cohésion sociale, en particulier dans un contexte de crise économique, de promouvoir la qualité des services sociaux, avec notamment la construction progressive d'un cadre de qualité au sein du comité de protection sociale, et de garantir une plus grande sécurité juridique.

À cette fin, il a été rappelé que le travail d'identification des questions en suspens devait être poursuivi, avec la nécessité d'un dispositif de veille et de bilans à échéances régulières, notamment grâce aux forums sur les SSIG organisés tous les deux ans, qui sont autant d'occasions de faire mieux connaître les spécificités de notre modèle, de faire mieux comprendre les équilibres qui prévalent autour de nous, et faire émerger un consensus sur ce que devra être la vision européenne des services sociaux.

La présidence tchèque a elle aussi tenu une conférence sur les services sociaux à la fin du mois d'avril. Tous les partenaires ont été représentés et des échanges ont pu intervenir avec la Commission. Cet événement a permis de mettre à nouveau en lumière le rôle des services sociaux pour la conduite des politiques sociales – en particulier en faveur des personnes âgées, handicapées ou éloignées du marché de l'emploi –, ainsi que le potentiel de croissance et de création d'emplois de ce secteur.

Le Conseil EPSCO « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs » de décembre dernier a adopté les conclusions opérationnelles du groupe « services sociaux d'intérêt général » présidé par M. Bernhard Spiegel au sein du comité de la protection sociale. Les travaux de ce groupe se poursuivent. Ils devraient aboutir sous présidence suédoise, au second semestre 2009. La nature des instruments juridiques destinés à clarifier et à sécuriser le droit des SSIG, ainsi qu'à reconnaître leur spécificité dépendra largement de ses conclusions.

Elle dépendra aussi bien évidemment de nos futurs parlementaires européens, qui devront, comme vous vous y employez, faire de la question des services sociaux une priorité. La nomination d'un nouveau commissaire européen et son audition par le Parlement européen offriront aux élus une occasion de défendre leurs chantiers d'actions prioritaires. J'espère que les services sociaux d'intérêt général en feront partie.

Enfin, la clarification et la sécurisation du cadre juridique applicable aux SSIG sont des apports du traité de Lisbonne à propos desquels, monsieur le rapporteur, je suis en décalage par rapport à votre analyse.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Son protocole n° 9, spécifique aux SIG, introduit dans le droit européen des bases juridiques nouvelles. Les SIG se voient ainsi reconnaître une légitimité et une base légale conforme aux valeurs européennes. Il faut d'ailleurs souligner que l'article 2 du protocole mentionne explicitement des « services non économiques d'intérêt général ». Il livre un cadre cohérent qui guidera l'action de l'Union et servira de référence pour tous les niveaux de gouvernance. De ce point de vue, le protocole n° 9 constitue donc un progrès, dont je conviens qu'il reste à poursuivre. Dans le même temps, le Gouvernement a entrepris les démarches qui s'imposent pour travailler avec les parties prenantes et sécuriser en droit interne les services d'intérêt général, en particulier les services sociaux.

Comme vous le savez, avant la fin de l'année 2009, la France devra avoir transposé la directive « services » du 12 décembre 2006. Par ailleurs, le droit communautaire relatif aux aides d'État s'applique directement à toutes les entreprises, au sens du droit communautaire. Les États membres devront notifier à la Commission européenne avant la fin de l'année, les aides publiques dont elles bénéficient pour que leur compatibilité soit vérifiée au regard du droit de la concurrence.

Cette charge peut paraître disproportionnée pour certains services publics comme les maisons de retraite, les crèches, les établissements de protection judiciaire de la jeunesse ou les mouvements d'éducation populaire. C'est pourquoi il existe des exceptions pour les services sociaux d'intérêt général définis par la directive « services », dont font partie les maisons de retraite et services de soins à domicile. Mais elles sont soumises à conditions. L'opérateur doit être mandaté, au sens du droit communautaire, c'est-à-dire qu'il doit avoir une relation contractuelle avec la collectivité publique. De plus, son mandat doit indiquer clairement la nature et la durée des missions de service public qu'il exerce, et justifier ainsi un soutien public.

Comme vous le savez, les travaux sont en cours pour assurer la transposition pleine non seulement du texte, mais aussi des exceptions qu'il prévoit, et par conséquent de l'exception prévue pour les services sociaux.

C'est pourquoi le Gouvernement a confié un travail d'analyse à Michel Thierry, membre de l'inspection générale des affaires sociales. Son rapport, qui vous a été communiqué, préconise notamment que, avant la fin de l'année 2009, une circulaire interministérielle fixe la doctrine des pouvoirs publics en matière de SSIG selon trois axes.

Elle devra d'abord inclure dans le champ des exceptions à la directive « services » une définition large des services sociaux, car les opérateurs bénéficient d'un véritable mandat de service public.

Elle devra ensuite donner une base légale à une notion nouvelle de partenariat d'intérêt général, pour régler les problèmes que peut poser le recours à la subvention, et ne disposer que de quatre vecteurs juridiques pour l'application de la notion de mandat : marché, DSP, partenariat public-privé, convention de partenariat d'intérêt général.

Elle enfin devra accentuer la reconnaissance des services d'intérêt général et de leur spécificité dans le champ social.

Ces préconisations seront suivies.

Les conventions de partenariat donnant lieu à subvention devront préciser de façon formelle l'obligation et la mission du service, en indiquant notamment la durée, les modalités de calcul de la compensation, les « entreprises » et le territoire…

Dans chacun de leurs secteurs d'activité, les membres du Gouvernement réalisent cette sécurisation juridique des SSIG. Ainsi, dans le secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire, dont j'ai la charge, plusieurs réunions ont été organisées avec les associations, à l'occasion de la mise en place des conventions pluriannuelles d'objectifs que nous signons avec les grands réseaux associatifs et avec la coordination des associations, pour prévenir tout effet négatif et sécuriser davantage les nouvelles dispositions.

Aussi, je pense que les initiatives menées de façon collégiale sur ce sujet prennent toute leur place dans la réflexion que nous menons. Il me semble donc important que la collégialité prévale et que les travaux menés au sein de l'Assemblée dans le cadre de la commission des affaires européennes aboutissent. Sur ce sujet très sensible, l'union des forces politiques, sanctionnée par un vote acquis à l'unanimité, est un message fort sur lequel il me semble important d'insister.

En revanche, le Gouvernement n'approuve pas certains éléments du deuxième volet de la proposition de résolution. Je rappelle que le projet de statut de société privée européenne, initialement porté par la France et l'Allemagne, puis repris par la Commission européenne qui a présenté une proposition de règlement du Conseil, le 25 juin 2008, est devenu un élément majeur du Small Business Act for Europe, la loi européenne sur les petites entreprises.

Le statut de SPE revêt une grande importance, car il contribuera à simplifier la vie des PME européennes, en leur offrant un cadre harmonisé et une grande sécurité juridique favorables à leur développement économique. C'est un élément de compétitivité partagée, dont nous ne pouvons nous priver. Après la société européenne, il s'agira de la deuxième forme de société supranationale. Les actionnaires choisiront son mode d'organisation et les rapports qui l'uniront à ses dirigeants.

Le projet prévoit de limiter les renvois aux droits nationaux à quelques domaines précis comme la fiscalité, la comptabilité et certaines dispositions en matière de responsabilité. Ce statut n'affectera en aucun cas les droits nationaux et les statuts d'entreprise existant dans chacun d'eux.

Contrairement à ce que vous avez avancé à l'instant, monsieur le rapporteur, les dispositions de la SPE ne représentent pas une régression en termes de droit des sociétés. Vous l'avez dit : le projet de règlement ne prévoit pas d'autres limitations du champ des entreprises que l'interdiction de faire publiquement appel à l'épargne. Mais, contrairement à ce que vous avez affirmé, il ne s'agit pas de favoriser les grandes entreprises ou les multinationales par rapport aux PME.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Contentez-vous d'assurer le même traitement à toutes !

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

En réalité, il a paru difficile et contre-productif d'introduire d'autres limitations. Plusieurs avaient été envisagées, essentiellement afin d'éviter une concurrence entre la SPE et les formes sociales nationales proches. Mais la plupart des critères envisagés – limitation du nombre de salariés, d'actionnaires ou d'associés – n'ont pu être retenus, compte tenu des difficultés de leur mise en oeuvre. Des PME qui compteraient trop de salariés devraient renoncer à recruter pour ne pas avoir à changer de statut juridique !

De surcroît, l'application de tels critères auraient pu conduire à des contraintes nuisant à l'attractivité de ce statut, ce qui aurait été contraire à l'objectif poursuivi, sur initiative française, avec le soutien des partenaires sociaux européens. C'est la raison pour laquelle le choix s'est porté sur le modèle de la SAS, la société par actions simplifiées de droit français, à la seule exclusion de l'appel public à l'épargne. On évite ainsi un effet de seuil, qui risquerait de créer du chômage. La France pèsera de tout son poids pour assurer le respect des droits des salariés

Concernant la détermination du siège social, la proposition de la Commission permettrait aux SPE de dissocier leur siège statutaire de leur administration centrale ou de leurs principales activités, ce qui pourrait conduire à écarter des normes de droit des sociétés plus contraignantes. Nous partageons vos préoccupations sur ce point. C'est la raison pour laquelle, soutenus par de nombreuses délégations, nous nous sommes toujours opposés à la proposition initiale de la Commission. Je rappelle que ce texte doit faire l'objet d'un consensus de la part des États membres. Puisque la France ne transigera pas sur la protection des droits des travailleurs, il ne sera pas voté.

Quant au risque, que vous avez évoqué, d'un détournement des dispositions relatives à la participation des salariés, des garanties ont été mises en place, notamment par la présidence tchèque. Elles permettent à des salariés de continuer à bénéficier des dispositions relatives à la participation, même lorsque la loi du siège statutaire n'en prévoirait pas. Elles s'appliquent lorsqu'au moins 500 salariés représentant au moins trois quarts de l'ensemble des effectifs bénéficient de dispositions relatives à la participation plus favorables que celles de l'État membre du siège statutaire.

Comme vous le voyez, le Gouvernement souscrit donc pleinement à la nécessité de prévoir des mécanismes empêchant les entreprises de contourner les législations nationales les plus protectrices.

Sous l'actuelle présidence, nous avons pu avancer sur les grandes thématiques telles que l'organisation de la société, la participation des salariés ou encore la loi applicable. Ces discussions devraient faire progresser les travaux de manière significative, en vue de trouver des solutions équilibrées et acceptables par tous. Elles doivent donc se poursuivre, avec votre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Asensi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, chers collègues, les peuples désespèrent de l'Europe, alors même qu'ils sont plus convaincus que jamais de la nécessité d'une construction politique européenne. Mais comment s'en étonner ?

Les consultations populaires ont été contournées, balayées d'un revers de main, en France et en Irlande. Les peuples d'Europe auraient-ils tort ?

Dérégulation de la finance et du commerce, mise en concurrence des services publics, atteinte aux droits des salariés : le modèle social européen, aujourd'hui vanté par toutes les forces politiques, a été patiemment démantelé.

Et après avoir contribué à la faillite du capitalisme par la promotion de politiques libérales injustes et inefficaces, l'Union européenne est désormais aux abonnés absents. Mais pour autant, elle n'a pas abandonné le détricotage des normes sociales européennes.

Comme l'a fort bien exposé le rapporteur, le projet de règlement sur la société privée européenne et les communications de la Commission sur les services d'intérêt général contiennent en germe les pires menaces pour la protection sociale et les services publics.

Initialement prévue pour alléger les contraintes des petites et moyennes entreprises, la création d'un statut juridique harmonisé de la société privée européenne marque le retour du principe du « pays d'origine », défendu en d'autres temps par le commissaire Bolkestein.

Les entreprises fournissant un service en France et immatriculées dans un pays européen où les droits des salariés sont peu protégés pourront ainsi allègrement contourner la législation sociale de notre pays.

Rédigé sous la dictée des lobbies patronaux, ce texte qui conduit à une régression des conditions de travail n'est pas acceptable, et les salariés, aujourd'hui mobilisés dans les entreprises, ne l'acceptent pas. Il est d'autant plus inacceptable que le Parlement européen a choisi d'étendre cette disposition aux entreprises de plus de 250 salariés. Désormais, seules les entreprises cotées en bourse sont explicitement écartées de ce statut peu contraignant. Pour les grandes multinationales, la porte est ouverte à la création de filiales « boîte aux lettres » dans les pays pratiquant le dumping social.

Ce modèle social est celui de la compétition acharnée entre les individus et entre les peuples, loin de l'idéal généreux de coopération qu'est la construction européenne.

Sans me faire l'avocat des règlements tatillons, je considère que l'empressement à « simplifier » le droit au niveau européen et national consiste le plus souvent à faire disparaître le droit. Les scandales financiers actuels et la spéculation trouvent là leur origine.

Comment expliquer aux Français qu'il soit si facile d'harmoniser des règles juridiques complexes, d'étendre la durée du temps de travail jusqu'à 65 heures, mais impossible de réaliser la moindre harmonisation sociale ?

Mais cela ne choque sans doute pas ce Gouvernement, qui malgré la précarisation de l'emploi, souhaite autoriser la location des salariés entre entreprises.

En présentant cette proposition de résolution, nous marquons notre refus que, lors des prochaines discussions du Conseil concernant le projet de règlement de la société privée européenne, le Gouvernement français soutienne le dumping social. C'est au contraire un statut salarial protecteur, harmonisé par le haut, qu'il faut promouvoir dans cette négociation.

Le second volet de notre proposition de résolution a trait à la défense des services publics, et plus particulièrement des services sociaux d'intérêt général, menacés par le dogme de la libre concurrence.

Les services sociaux dont il est question touchent aux fondements même de notre pacte social, puisqu'ils concernent l'accès des citoyens aux droits élémentaires : le logement social, l'aide sociale et l'insertion des personnes vulnérables.

Acceptera-t-on que des associations de lutte contre l'exclusion, qui exercent des missions de service public, soient condamnées par la Cour européenne au motif que l'aide aux exclus est un marché qui peut être assuré par les entreprises ?

La soumission de l'ensemble des services d'intérêt général aux règles de la concurrence condamne les aides d'État, et l'existence même de ces services. Les régies communales de l'eau, les cantines scolaires, les missions locales, essentielles à la cohésion sociale, pourraient être soumises aux appétits du privé.

Ne faisons pas croire aux Français que l'insécurité juridique qu'a exposée Marc Dolez est fortuite. Malgré les appels à clarifier le statut des services publics, la Commission européenne s'est refusée avec entêtement à y procéder.

Est-il légitime que, sur un enjeu aussi fondamental que le maintien des services publics, le Parlement européen ne dispose d'aucune initiative législative ? Il s'agit là d'un véritable déni démocratique.

La mobilisation des citoyens européens contre la directive Bolkestein avait permis de sortir ces services sociaux d'intérêt général du champ de la libre concurrence. Cet acquis fragile a immédiatement été remis en cause par une Commission européenne gardienne de l'orthodoxie libérale.

La Cour de justice européenne a ainsi pu engager une procédure contre un organisme public de logement social aux Pays-Bas, en arguant que ce service ne s'adressait pas uniquement aux plus défavorisés. Une même décision pourrait frapper les fournisseurs du logement social tel que nous le concevons.

Non, le droit à un logement, à une vie décente, à une éducation émancipatrice ne sont pas de simples services vendus à des consommateurs !

Loin de préserver et d'étendre le bénéfice des services publics, les majorités qui se sont succédé au Parlement européen ont aidé le Conseil et la Commission dans leur funeste projet de libéralisation des services publics – libéralisation des services postaux, libéralisation du fret, de l'énergie, au nom d'une plus grande efficacité du secteur privé, mais en réalité au nom d'une idéologie absurde et, je crois, dépassée.

Et quel en est le résultat ? Une dégradation du service fourni, une augmentation des tarifs, et des licenciements massifs. Je pense en particulier à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire britannique, qui fut une véritable débâcle.

Depuis juillet 2008, la politique d'insertion des jeunes est sujette à la mise en concurrence. Des opérateurs privés s'y sont engouffrés, sans obtenir un meilleur taux de placement. Mais le coût pour la collectivité, lui, n'est pas le même : quand la mission locale de Sevran-Tremblay, dans ma circonscription, reçoit 750 euros par personne suivie, l'entreprise privée touche dix fois cette somme !

On ne peut que regretter que les membres du PSE aient accompagné ces contre-réformes, alors qu'ils défendent aujourd'hui l'idée d'une directive excluant les services publics des règles de la concurrence.

Une clarification semble nécessaire, et peut-être est-ce l'occasion d'y procéder aujourd'hui dans cet hémicycle, d'autant que des députés de la majorité et des députés socialistes – et non de l'opposition, car s'il y a une opposition socialiste, il y a aussi l'opposition communiste et du parti de gauche, et j'aimerais qu'on respecte ici ces différentes sensibilités – ont travaillé ensemble à la rédaction d'un rapport sur les services sociaux d'intérêt général.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la défense des services publics ne s'est pas trouvée au coeur de la présidence française de l'Union européenne. Selon le rapport que je citais à l'instant, cosigné par des membres de la majorité, « le bilan de la présidence française dans ce domaine est maigre et décevant ».

Il est facile d'accabler les institutions européennes quand les gouvernements nationaux de différentes sensibilités ont soutenu et impulsé cette marche forcée vers le moins d'Etat, vers le moins disant-social.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Comment ce Gouvernement pourrait-il persister à défendre le credo libéral au sein des institutions européennes alors que nos concitoyens en subissent de plein fouet les conséquences sous la forme d'un chômage de masse et de la confiscation des richesses créées ?

La proposition de résolution que les députés communistes, républicains et du parti de gauche vous présentent, ouvre au contraire le champ à une Europe du progrès et de la justice sociale, de la solidarité des peuples et de l'émancipation.

Les citoyens ne doivent plus être la cinquième roue du carrosse d'une construction européenne technocratique et antisociale.

Je vous invite donc à adopter ce texte en rejetant les conclusions de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Gonzales

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, chers collègues, le groupe GDR nous présente aujourd'hui une résolution portant sur deux sujets.

Le premier concerne une proposition de règlement communautaire relatif au statut de société privée européenne, dans lequel serait réintroduit, selon nos collègues, « le tristement célèbre principe du pays d'origine ». Cette proposition de règlement serait ainsi, du « Bolkestein relooké » !

Il n'a échappé à personne que nous sommes en période de campagne européenne…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Gonzales

…et certains élus font front à gauche pour agiter le chiffon rouge, comme en 2005 !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Gonzales

Mais je ne partage pas les inquiétudes exprimées sur les bancs les plus à gauche.

Qu'en est-il en réalité de ce statut de société privée européenne ?

Dans sa proposition de règlement présentée au Conseil de l'Union le 27 juin 2008, la Commission émet le souhait de faciliter la création d'entreprise afin de réduire les coûts et de profiter des possibilités offertes par le marché unique.

Actuellement en effet, les PME représentent 99 % des entreprises de l'Union, mais seules 8 % d'entre elles exercent une activité transfrontalière. Or, les PME, dynamiques, fournissent 80 % des nouveaux emplois.

Mais elles se heurtent à une multiplicité de démarches administratives et à des obligations onéreuses en conseils juridiques, administratifs et de gestion lorsqu'elles souhaitent développer leur activité dans d'autres pays de l'Union.

C'est ce parcours difficile qu'il convenait de simplifier. L'option retenue par la Commission est de créer ce statut de société privée européenne coexistant avec les formes nationales. Ce concept remonte aux années 1990 et petit à petit, l'idée a fait son chemin, remportant l'adhésion des acteurs concernés. C'est d'ailleurs ce qu'ont confirmé plusieurs consultations publiques menées en 2006 et 2007 et diverses enquêtes et études réalisées parallèlement.

Cette nouvelle structure unique, relevant du droit communautaire, permettra aux PME d'exercer leur activité dans l'ensemble de l'Union européenne sans avoir à recréer de filiales sous formes de sociétés différentes dans chaque État membre dans lequel elles veulent exercer une activité.

Cette proposition de règlement a été examinée par les parlementaires européens le 10 mars 2009. Ils ont donné leur accord sur ce texte en y apportant des correctifs, en particulier sur le régime de la participation des travailleurs à la surveillance et au développement des stratégies de l'entreprise.

D'abord, un premier amendement a été adopté pour n'accorder ce statut qu'aux entreprises qui justifient d'une dimension transfrontalière afin que les bénéficiaires du règlement soient bien ceux pour lesquels le statut de SPE a été créé.

Deuxièmement, le Parlement européen a apporté des garanties sur la participation des travailleurs, notamment en cas de transfert de siège statutaire de la SPE, ce qui peut se faire avec une certaine souplesse. Pour prévenir des transferts abusifs, le Parlement a renforcé les garanties du texte d'origine en modifiant les articles 34 et 38 de la proposition de règlement. En résumé, en cas de transfert du siège de la SPE, le régime de participation des travailleurs est celui du pays d'accueil, sauf si la société emploie, selon sa taille, plus du quart ou du tiers de salariés d'un État-membre dont le régime est plus favorable.

Ces modifications ont été adoptées par près de 90 % des députés européens. Chaque jour, et plus particulièrement ces dernières semaines, nous soulignons l'importance du Parlement européen. Nous prononcer à l'inverse de ce que les députés européens ont voté à la quasi-unanimité, et avec toutes les garanties que j'ai rappelées, serait un mauvais signal envoyé aux citoyens français.

Le deuxième point abordé par ce projet de résolution concerne l'avenir des services sociaux d'intérêt général, que la Commission européenne mentionne dans une communication datée du 26 avril 2006 qui constitue, indique-t-elle, une étape supplémentaire dans la prise en compte des spécificités des services sociaux au niveau européen.

Outre les services de santé et de sécurité sociale, les services sociaux d'intérêt général englobent les services d'assistance sociale, les services d'aide à l'emploi et de formation, le logement social, les services de garde d'enfant et les soins de longue durée. Ceux-ci contribuent à la cohésion, à l'emploi, à l'intégration sociale et à la croissance économique.

L'objectif est de clarifier l'ensemble des règles relatives à ces services qui sont au coeur même de notre contrat social.

La directive sur les services de décembre 2006 les a exclus de son champ d'application et nous ne pouvons que nous en féliciter. Reste que le problème principal n'est pas tranché : quelles sont les marges de manoeuvre dont disposent les Etats membres pour organiser et déléguer les prestations de ces services sociaux, par rapport aux règles de la concurrence normalement en vigueur ?

La Commission, dans sa communication de 2006, a rappelé que la jurisprudence de la Cour européenne en la matière provoquait chez les acteurs « une inquiétude ».

Le Traité de Lisbonne, et il faut s'en réjouir, pose un certain nombre de principes concernant ces services non économiques d'intérêt général dans son article 14 et dans un protocole annexé.

Malheureusement, la Commission, dans sa communication du 20 novembre 2007, n'a pas souhaité aller au-delà en proposant un cadre législatif spécifique à ces services. Un tel cadre communautaire serait pourtant nécessaire pour clarifier la notion et le statut juridique du service d'intérêt général, afin d'articuler au mieux les règles du marché communautaire et l'accomplissement des missions de service public, auxquelles nous sommes tous attachés.

C'est ce que demande la résolution proposée aujourd'hui.

C'est également ce que contient la proposition de résolution déposée par nos collègues Rosso-Debord, Caresche, Forgues et Lecou. Cette dernière, élaborée dans un esprit républicain et transpartisan, me paraît plus ciblée et plus complète.

Mes chers collègues, l'Europe a souvent provoqué des clivages au sein même de nos partis ; en ce qui concerne les services sociaux d'intérêt général, elle pourrait, à l'inverse, nous rassembler. C'est pourquoi je propose à nos collègues du groupe GDR de venir enrichir…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Gonzales

…le texte qui sera très prochainement examiné en commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je me réjouis que cette discussion ait lieu aujourd'hui. En effet, je suis de ceux qui regrettent que nous n'ayons pas été capables d'organiser dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale un vrai et beau débat sur les enjeux européens – alors même que des travaux sur le sujet ont été menés au sein de la commission chargée des affaires européennes. Un tel débat aurait contribué à éclairer nos concitoyens et aurait aidé à préciser certains des enjeux d'une campagne qui accorde une place prépondérante aux sujets nationaux, au détriment des questions européennes. Bien des électeurs ont aujourd'hui du mal à comprendre les enjeux des élections européennes, qui ne sont pas mis en avant, qui ne sont pas expliqués : le Gouvernement et le Président de la République ont d'ailleurs une lourde responsabilité en la matière. Le chef de l'État n'a-t-il pas consacré toute la matinée d'aujourd'hui à parler à la télévision, de façon très solennelle, des violences à l'école ? Le sujet est très important, mais nous sommes à quelques jours de l'élection européenne : il serait peut-être temps de parler de cela, d'autant que les enjeux européens auront des répercussions extrêmement fortes sur la vie de nos concitoyens.

Même si mes analyses sont parfois différentes de celles du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je le remercie d'avoir inscrit à l'ordre du jour cette proposition de résolution qui nous permet de débattre et nous donne aussi l'occasion de donner quelques explications.

Il me semble que la proposition de résolution adoptée par la commission chargée des affaires européennes de l'Assemblée nationale, relative aux SSIG dans l'Union européenne, aurait pu faire l'objet d'un débat en commission des affaires sociales, puis en séance. Je regrette que cela n'ait pas été le cas, et je ne vois pas pourquoi il fallait que ce texte soit discuté après les élections européennes.

Je suis l'un des auteurs du rapport de la commission chargée des affaires européennes sur les services sociaux d'intérêt général, et je vous parlerai donc principalement de ce sujet. En fait, la question des SSIG concerne deux sujets bien distincts. Le premier est relatif au cadre juridique européen applicable aux SSIG. Le rapport dont je suis l'auteur, notamment avec Mme Valérie Rosso-Debord, porte essentiellement sur ce point et traite, disons-le clairement, des aides d'État – avec, en particulier, le paquet Monti-Kroes et les problèmes rencontrés par les services sociaux français en termes d'insécurité juridique.

Le second sujet, qu'il ne faut pas confondre avec le premier, concerne la transposition dans notre droit national de la directive Services. Notre rapport n'aborde pas explicitement cette question, qui doit faire l'objet d'un travail ultérieur au sein de la commission chargée des affaires européennes. Nous aurions certes pu discuter de ce sujet dès aujourd'hui, mais le calendrier prévu pour la transposition s'étale jusqu'à la fin de l'année 2009. Un travail dit de screening est en cours, s'agissant notamment des régimes d'autorisation. Ses résultats ne seront transmis à la Commission européenne qu'à la fin de l'année ; alors seulement se posera la question de la transposition de la directive – même si des éléments, tel le rapport Thierry, donnent déjà un certain nombre de pistes.

Je reviens donc au premier aspect de la question. Oui, il est nécessaire que les services sociaux d'intérêt général bénéficient d'une reconnaissance législative au niveau européen. En effet, ils sont aujourd'hui menacés par une jurisprudence de la Cour européenne, en partie reprise dans le paquet Monti-Kroes, et dont les effets demeurent très négatifs. Aujourd'hui, la Cour européenne et la Commission ont une vision binaire des services publics : pour elles, soit ils doivent être délégués de manière très limitée par l'autorité publique, soit ils relèvent du marché et des entreprises privées. Les pays du Nord de l'Europe partagent cette vision. La plupart de leurs services publics sont soumis au régime de la régie ou à des délégations de service public, avec une « obligation de prester » extrêmement limitée et contraignante.

Or il existe sur cette question un particularisme français – même si cela vaut aussi pour d'autres pays. Cette originalité est à la fois intéressante et forte, puisque des associations relevant du secteur privé se sont investies dans des missions de service public. Elles ont même été à l'origine de la création d'un certain nombre de missions de service public – par exemple dans la lutte contre le sida ou contre la toxicomanie. Dans ces domaines, si la France avait mis en oeuvre la conception européenne des services publics, nous en serions sans doute encore aujourd'hui à attendre que cela bouge. Car, si l'autorité publique avait dû passer un marché, elle n'aurait trouvé personne pour s'occuper de prévention et d'information dans la lutte contre le sida.

L'initiative privée a donc permis de prendre en charge certains problèmes relevant des services publics. Une telle possibilité de partenariat entre le secteur privé, principalement le secteur privé associatif, et l'autorité publique est précieuse. Elle est menacée par la politique européenne, mais il faut la préserver. Pour ce faire, la France – ou les autres pays concernés, comme la Belgique – doit parvenir à faire comprendre à la Commission européenne la nécessité de construire un cadre juridique européen. Une directive doit reconnaître la spécificité des SSIG afin qu'ils puissent continuer d'être subventionnés – car ce sont bien les subventions que la question des aides d'État met en cause.

Certaines institutions européennes – le Comité des régions, par exemple – sont intervenues dans ce sens. Dans un premier temps, le commissaire européen Vladimir Špidla a même clairement affirmé que la Commission européenne s'orientait vers l'élaboration d'un cadre législatif. Cette dernière a toutefois mis un coup d'arrêt à cette évolution et M. Špidla a manifestement été mis en minorité. Résultat : il n'y a pas aujourd'hui de directive Services ni d'instrument juridique satisfaisant pour les services sociaux d'intérêt général.

Comment sortir de cette situation ? Je ne mets pas en cause la sincérité de nos engagements respectifs : nous sommes tous défenseurs des SSIG – ce fut le cas, par exemple, de M. Toubon lorsqu'il était député européen. Mais des divergences subsistent entre nous quant aux solutions à adopter.

Le traité de Lisbonne contient des éléments qui pourraient nous permettre de reprendre le débat sur cette question. L'un des protocoles du traité raffermit ainsi l'assise juridique en matière de reconnaissance des services publics. Mais, surtout, le traité permet que la question ne soit plus du seul ressort de la Commission. Une capacité d'impulsion est désormais reconnue au Parlement européen et au Conseil européen. Une base juridique existe donc, qui devrait nous permettre de demander à nouveau que les services sociaux d'intérêt général fassent l'objet d'une directive spécifique.

Les élections européennes approchent. Désormais, le Parlement européen jouera un rôle extrêmement important dans la nomination des commissaires européens – il s'agit d'un autre élément intéressant du traité de Lisbonne. Notre rapport suggère que les groupes politiques fassent de l'engagement clair de la future Commission sur les services sociaux d'intérêt général un critère pour sa nomination. Chaque groupe se déterminera et nous verrons bien ce qu'il en est de la sincérité des engagements des uns et des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Au-delà du rôle du Parlement européen, il faut aussi compter sur l'action de la France pour faire pression afin que soit adoptée une directive européenne. Longtemps, on nous a répété que la présidence française de l'Union européenne serait l'occasion de mettre cette question à l'ordre du jour du Conseil européen – je me souviens très bien des propos de M. Toubon devant la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Or cela n'a pas été tout à fait le cas. Certes, je ne le nie pas, une feuille de route a été élaborée – vous en avez parlé, monsieur le haut-commissaire – ; mais nous sommes loin d'avoir donné une impulsion décisive sur cette question durant la présidence française. Il faudra donc que le Gouvernement se mobilise, lui aussi, pour faire émerger ce sujet sur le plan européen.

Dans le quotidien Les Échos du 9 mai 2009, un débat réunissait M. Le Maire et M. Moscovici. J'avoue que je n'ai pas été rassuré…

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Non, par ceux de M. Le Maire : « Contrairement à Pierre » – M. Le Maire appelle M. Moscovici par son prénom, mais cela relève sans doute de la solidarité entre actuel et ancien titulaire du portefeuille des affaires européennes, ce ne peut être que cela (Sourires) –, « je ne pense pas que nous obtiendrons de nos partenaires une directive-cadre sur les services publics qui les obligerait à s'aligner sur nos standards. Notre intérêt est plutôt d'obtenir des avancées secteur par secteur. » Cette déclaration ne me rassure pas, monsieur le haut-commissaire, car elle tend plutôt à accréditer l'idée que la France est un peu timide en la matière. Peut-être intériorise-t-elle ce qui, au niveau européen, n'est pas forcément une position de force – et je pourrais le comprendre. Mais, encore une fois, évitons les procès d'intention : nous verrons bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il serait bon, cependant, que le Gouvernement français s'engage beaucoup plus sur cette question.

Au moment de la transposition de la directive Services, nous défendrons divers amendements. Sans doute un débat s'engagera-t-il alors, dont je souhaite qu'il soit aussi transparent que possible. Je suis toujours très satisfait lorsque le débat s'instaure en séance – et j'ai d'autant plus regretté qu'il n'ait pas été possible dans le cadre de la réforme du règlement de notre assemblée.

Il existe deux manières de transposer la directive Services – M. Thierry s'est clairement exprimé à cet égard. Soit la France décide de justifier simplement les régimes d'autorisation, en laissant les SSIG dans le champ de la directive, soit elle essaie de les exclure. À titre personnel, je suis favorable à la dernière solution, qui correspond d'ailleurs aux intentions qu'a affichées Mme Gebhardt au niveau européen. J'espère que cette position sera également celle de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, j'ai commis cette fameuse contribution avec nos collègues Caresche, Forgues et Lecou.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je vous en prie, mes chers collègues, seule Mme Rosso-Debord a la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Je souhaite que nous soyons sobres : nous y gagnerons en efficacité.

Ce rapport a déjà été présenté en commission des affaires économiques et le sera, le 10 juin, en commission des affaires sociales.

Cette proposition est fondée sur divers constats. Premier constat : les services sociaux d'intérêt général se situent au coeur du modèle social européen. Au-delà de la diversité des systèmes nationaux, qui est tout particulièrement sensible en matière sociale, il existe une spécificité européenne, un modèle social, par comparaison avec l'Amérique du Nord et avec les pays en voie de développement. Au sein de ce modèle, les services sociaux d'intérêt général tiennent une place centrale. Leur rôle est d'ailleurs encore plus essentiel dans le contexte actuel de crise, d'autant que, par leur nature de services de proximité, ils constituent un secteur relativement protégé.

Deuxième constat : le régime actuel des SSIG apparaît à la fois complexe et inapproprié. Cette situation s'explique par le fait que le droit communautaire n'a que tardivement pris en compte la spécificité des services d'intérêt économique général. Correspondant en partie à la notion française de « services publics », ils recouvrent à la fois les activités de service non économiques, qui incluent des activités régaliennes, telles que la justice ou la police, et les activités de services de nature économique, telles que l'électricité, les services postaux, l'eau, les transports ou les télécommunications.

Les SIEG n'ont longtemps été considérés, en vertu du traité de Rome, que sous l'angle du droit de la concurrence. Ce n'est qu'en 1997, avec le traité d'Amsterdam, qu'il a été admis qu'ils figuraient parmi « les valeurs communes de l'Union » et qu'ils jouaient un rôle dans « la promotion de la cohésion sociale et territoriale ». La possibilité était ainsi offerte d'écarter, le cas échéant, les règles du marché intérieur, afin que ces services puissent accomplir leur mission et bénéficier d'une compensation, notamment sous forme de subvention, en contrepartie des obligations de service public qui leur incombent.

Après des hésitations jurisprudentielles, comme l'a rappelé M. Caresche, le régime des compensations de service public a été précisé par un arrêt Altmark et par le paquet Monti-Kroes qui fixe les conditions pour qu'une compensation ne soit pas considérée comme une aide d'État. Néanmoins, il faut en convenir, le dispositif demeure beaucoup trop lourd et disproportionné pour des opérateurs de petite taille qui ont du mal à procéder à l'ensemble des vérifications.

Troisième constat : de nombreuses voix plaident pour une clarification, mais les annonces d'initiative législative sont pour l'heure restées sans suite. À plusieurs reprises depuis 2006 – M. le rapporteur l'a également indiqué – et tout récemment encore dans un rapport du 31 mars dernier, le Parlement a pourtant invité la Commission à clarifier le droit applicable aux SSIG. Ces demandes ont été relayées par le comité des régions, le comité économique et social européen et, en France, par le Conseil économique et social.

Dans ces conditions, il faut se féliciter que la présidence française ait pu obtenir, en décembre dernier, l'adoption par le Conseil d'une feuille de route sur les SSIG. La perspective d'une intervention législative n'émerge donc qu'avec lenteur. Il est vrai qu'il est difficile de trouver, tant au sein de la Commission que du Conseil, une majorité sur ces questions. Or l'absence de cadre juridique spécifique, c'est-à-dire l'application à ce secteur du droit commun, en quelque sorte à titre résiduel, outre qu'elle est vécue comme une absence de reconnaissance à son égard, a pour principale conséquence d'entériner une situation dans laquelle les procédures autres que la compensation de service public semblent juridiquement plus sûres, favorisant ainsi une régulation par le marché.

La proposition de résolution de notre commission chargée des affaires européennes a suggéré plusieurs formulations de nature à résoudre ces difficultés. Ces propositions sont d'abord de nature juridique, puisqu'il est possible d'adapter le droit national, afin de clarifier le droit communautaire.

En ce qui concerne l'adaptation de notre droit interne, la future transposition de la directive Services constituera l'occasion de qualifier les SIEG en tenant compte de la diversité du secteur, de compléter la notion de mandat et d'introduire la nouvelle catégorie des « associations caritatives reconnues ». Il faudra être tout particulièrement vigilant à ce que les secteurs qui demeureraient inclus dans le champ de la directive Services n'en soient pas moins définis comme des SIEG. Il faut éviter en même temps qu'ils soient exclus de toute notion de mandatement. En effet, si tel était le cas, le bénéfice du régime prévu par le paquet Monti-Kroes pourrait leur être dénié et, par conséquent, leurs financements publics pourraient être remis en cause.

S'agissant maintenant de la clarification du droit communautaire, sur laquelle la Commission et un groupe de travail du Conseil doivent remettre leurs propositions d'ici à la fin de l'année, la priorité doit porter sur les modalités de contrôle des compensations de service public. Aujourd'hui, en effet, non seulement le contrôle est obligatoire, mais les collectivités doivent prouver que la compensation qu'elles versent n'est pas excessive. Afin que la procédure ne soit déclenchée qu'en cas de risque d'atteinte dommageable à la concurrence et de lever ainsi les incertitudes pesant sur les petits opérateurs, il faudrait passer à un contrôle a posteriori.

Au-delà, l'intervention du législateur communautaire permettrait d'accorder aux services concernés la reconnaissance du rôle essentiel qui est le leur. La perspective d'une telle intervention doit cependant s'accompagner, dès aujourd'hui, d'une vigilance toute particulière quant au respect du principe de subsidiarité, compte tenu de la sensibilité des États membres sur ces questions.

Dans cet esprit, le respect de la compétence nationale en matière de SIEG figure explicitement dans le traité de Lisbonne. Bien évidemment, tout particulièrement sur de tels sujets, l'approche ne saurait être exclusivement juridique et doit donc également revêtir une forte dimension politique.

Sur la base des acquis de la présidence française, des auditions du Parlement européen préalable à la nomination de la future commission européenne et, le cas échéant, du protocole du traité de Lisbonne doivent avoir lieu sur les SIG. Une législation européenne pourrait en être issue : elle devra respecter le principe de subsidiarité et les actuels équilibres de la France concernant les associations.

Voici ce que nous avons adopté ensemble, à l'unanimité, avec mes collègues du groupe socialiste. Aussi, monsieur Dolez, permettez-moi de vous dire que nous faisons tous ici de la politique et que nous comprenons donc parfaitement le petit jeu qui consiste à essayer d'introduire, au sein de notre assemblée et à quelques jours des élections européennes, un débat qui n'a pas lieu d'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Nous ne l'avons pas refusé. Mais peut-être considérez-vous, monsieur Dolez, que la commission chargée des affaires européennes n'est pas une composante de l'Assemblée nationale : M. Lequiller sera heureux de l'apprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ne vous fâchez pas, ça fait monter l'adrénaline !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Ce petit jeu est intéressant, mais il a ses limites. Son seul but est sans doute de vous aider à sortir de la zone grise des sondages dans laquelle vous êtes.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Rosso-Debord

Ce qui compte, aujourd'hui, c'est que nous essayons de trouver avec nos collègues socialistes et, nous l'espérons, dans le cadre de la discussion qui aura lieu à partir du 2 juin, avec nos collègues du groupe GDR, une position commune qui nous permettra d'avoir une présence forte au Parlement européen, quels que soient les groupes dans lesquels nous y siégerons. Ainsi, nous pourrons avoir un commissaire européen qui répondra à la nécessité d'un modèle social français reconnu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, l'étoile de Bolkestein brille-t-elle encore ? Ou n'assiste-t-on qu'aux derniers rayonnements d'une période déjà révolue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

La présente proposition de résolution de nos collègues communistes et du parti de gauche porte sur deux textes européens distincts : l'un sur la société privée européenne, l'autre sur les services sociaux d'intérêt général.

Ces deux textes ont en commun de stigmatiser le retour du « principe du pays d'origine », jadis contenu dans la version initiale de la directive Bolkestein.

Sur ces deux sujets, nous sommes parfaitement d'accord, il s'agit d'exercer notre plus grande vigilance.

Rappelons, pour mémoire, que la société privée européenne est à l'origine une idée proposée par le commissaire Bolkestein dans son plan d'action sur le droit des sociétés. Que la directive Services, comme le statut de la société privée européenne, émane du même commissaire justifie sans doute le rapprochement fait par les collègues du groupe GDR entre deux textes marqués, à leur début, du sceau du principe du pays d'origine.

À mon sens, nous devons aussi et surtout mettre en valeur le rôle fondamental d'amendement qu'a exercé entre-temps le Parlement européen pour corriger les excès que nous avions nous-mêmes condamnés, quant à l'application du principe du pays d'origine.

Alors que le Parlement européen a, en l'espèce, exercé une influence majeure, son fonctionnement ne peut être caricaturé à l'envi, même, ou peut être surtout, à l'approche d'élections européennes. J'exerce, moi aussi, un regard souvent critique sur le fonctionnement et les décisions prises dans le cadre européen, mais je déplore que, dans le rapport comme dans les propos tenus en commission, les institutions européennes ne soient présentées que comme des institutions technocratiques et le Parlement européen comme le siège d'une collusion permanente d'intérêts entre le parti socialiste européen et les droites européennes. Cette vision du fonctionnement du Parlement européen est très clairement une caricature, qui méconnaît totalement le mode d'élaboration de la législation européenne. En effet, souligner le fait que le PSE et le PPE puissent voter ensemble des textes et en conclure que ces deux formations politiques sont « bonnets blancs et blancs bonnets », cela équivaut à avoir des lacunes profondes en matière de connaissance du fonctionnement de l'unique institution démocratique européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Il appartient à chacun d'entre nous de tenter de mieux faire comprendre honnêtement le cheminement législatif européen qui peut parfois transcender des clivages politiques, comme nous en connaissons sur des sujets nationaux.

Il convient d'abord de rappeler, contrairement à ce qui se passe dans notre Assemblée, où la majorité nous impose le plus souvent son point de vue unique, qu'aucune formation politique ne dispose de la majorité absolue au Parlement européen. Ainsi, pour qu'un texte soit adopté, tous les groupes politiques sont dans l'obligation de négocier pour élaborer une proposition susceptible de recueillir la majorité absolue de 393 voix.

De plus, la logique institutionnelle pousse le premier co-législateur, le Parlement européen, à fonder un compromis sur la majorité la plus large possible, afin de mieux faire valoir ensuite ses positions dans la négociation avec le deuxième co-législateur, le Conseil européen. Or, si l'on en croit la définition que tout un chacun peut consulter dans un dictionnaire, un compromis, ce n'est pas la compromission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Dans le cadre de la société privée européenne, le Parlement européen a émis un avis positif tout en amendant substantiellement la proposition de la Commission sur les droits de participation des travailleurs et sur le siège statutaire. Il faut rappeler en outre que la proposition ne réglemente pas les matières relatives au droit du travail, au droit fiscal, à la comptabilité ou à l'insolvabilité de la société privée européenne, qui continueront d'être réglementées par le droit national et, le cas échéant, par les instruments existants du droit communautaire.

Précisons que le Parlement européen ne s'est prononcé que dans le cadre d'une procédure de consultation au terme de laquelle il ne peut émettre qu'un avis non contraignant. Il reviendra donc au Conseil des ministres de l'Union de trancher le sujet de manière définitive.

Dans cette perspective, nous devons rester très vigilants et inciter fortement le Gouvernement à refuser que les États membres ne réintroduisent le principe du pays d'origine par le biais de la dissociation du siège statutaire de l'entreprise du lieu où elle exerce réellement ses activités. En effet, si telle devait être la décision du Conseil, cette résurrection de la directive Bolkestein pourrait contribuer à renforcer le dumping social entre les États membres, dumping qui existe déjà, comme nous pouvons le constater régulièrement : le cas de l'entreprise Continental en est un exemple. Sur fond de crise économique, cette entreprise ferme un site en France pour en développer un autre en Roumanie afin de contourner les législations sociales les plus protectrices et accroître des bénéfices déjà substantiels pour ses actionnaires.

Sur le fond, je partage pleinement les inquiétudes exprimées par nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Il est en effet inconcevable que ce qui a été rejeté par la mobilisation populaire – dont nous avons été aussi les acteurs ici à l'Assemblée nationale – et par un vote du Parlement européen, puisse revenir en douce sous une autre forme. Il est parfaitement inconcevable que le développement économique et l'harmonisation de la réglementation européenne aboutissent à un affaiblissement des droits sociaux des travailleurs. Cela étant, le danger ne vient pas nécessairement de l'Union européenne, à en juger par la volonté de certains de nos collègues de faire travailler les gens le dimanche ou de faire travailler ceux qui sont en congé maladie. Il est inconcevable que le libéralisme effréné poursuive sa route sans tenir aucun compte des conséquences du séisme économique que nous traversons.

En ce qui concerne les services sociaux, je souhaiterais appeler votre attention sur le fait que l'urgence commande non seulement de prendre une initiative cadre au niveau européen, mais également, à plus court terme, c'est-à-dire d'ici au mois de décembre prochain, d'utiliser toutes les ressources juridiques pour sécuriser ces services. J'insiste sur le fait que le droit communautaire contient des dispositions protectrices des services sociaux, tant dans les traités que dans le droit dérivé, et qu'il ne revient qu'aux États membres – et au gouvernement français – de s'en prévaloir afin de les activer, à l'occasion du processus de transposition de la directive Services.

Le rapporteur semble considérer que le traité ne contient aucune disposition protectrice des services sociaux. Il assimile l'article 86, paragraphe 2, à une disposition en faveur du droit de la concurrence, alors que, au contraire, elle permet d'y déroger. Dire que le droit de la concurrence demeure la règle et les services d'intérêt économique général l'exception ne doit pas occulter le fait que les traités permettent de faire exception aux règles de la concurrence. Propager une telle vision de l'article 86, paragraphe 2, et des traités européens est non seulement inexact, mais contre-productif par rapport à une intention qui devrait nous être commune, à savoir la sécurisation des services sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Il convient, en effet, de se demander pourquoi dix-neuf fédérations ou organisations représentatives des services sociaux et de santé, qui collaborent toutes au sein du collectif Services sociaux d'intérêt général, demandent, de manière urgente, que les services sociaux soient qualifiés de services d'intérêt économique général. Cette qualification leur permettrait de bénéficier d'un cadre protecteur et dérogatoire du droit de la concurrence.

Selon notre rapporteur, cette possibilité est « corsetée » par un contrôle « strict » de la Commission. Il est vrai qu'il est difficile d'apprécier la nécessité et la proportionnalité. Mais la Commission n'est pas à l'abri de tout contrôle. Elle est soumise à celui de la Cour de justice qui, dans un récent arrêt – l'arrêt Bupa de 2008 –, a indiqué qu'il s'agit de ne pas créer de distorsions commerciales inutiles et que, en matière de financement des services d'intérêt économique général, ce contrôle est « nécessairement restreint ».

Il serait souhaitable, par ailleurs, de ne pas entretenir la confusion entre la nature économique d'une activité et le fait qu'elle relève du droit de la concurrence. Une activité même qualifiée d'économique peut tout à fait être exclue du champ des règles de la concurrence, aux termes de l'article 86-2 précité. Le rapport mentionne que « la quasi-totalité des services sociaux relève des activités économiques ». Mais, dans l'article de la revue Actualité juridique du droit administratif de 2008 cité dans le rapport, il est mentionné que « ni les juges ni la Commission n'osent s'engager trop loin dans l'assimilation de tous les services sociaux d'intérêt général à des activités économiques ». C'est précisément parce que tout n'est pas tout blanc ou tout noir qu'un besoin de clarification s'impose. Dans ce contexte, la proposition d'une directive-cadre apparaît indispensable pour mettre fin à ce que la Cour de justice des communautés européenne elle-même dénonce, à savoir l'absence de définition réglementaire claire de la notion de services économiques d'intérêt général, et de moyens de les sécuriser de façon définitive par rapport au champ des règles de la concurrence.

C'est cette incertitude qu'il convient de lever. Dès lors, la position du Gouvernement, telle qu'elle s'est exprimée, tant durant la présidence française qu'au sein de cette assemblée il y a peu encore, est, compte tenu de l'urgence, inacceptable.

Il y a quelques jours, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes défendait sa préférence pour des initiatives législatives, secteur par secteur, alors que c'est avant tout d'un texte cadre que nous avons besoin au niveau européen pour pallier les carences mises en lumière par la Cour de justice. Des directives sectorielles ne pourront pas, par nature, permettre de modifier le statu quo. Elles ne pourront avoir pour objet qu'une dérégulation rampante profitant des incertitudes réglementaires du droit applicable aux services d'intérêt économique général.

La présidence française de l'Union européenne était l'occasion à ne pas manquer. Des membres du Gouvernement et de la majorité s'étaient pourtant fait entendre. Permettez-moi de citer les propos de Mme Roselyne Bachelot : « Nous n'aurons pas la directive-cadre sur les services sociaux d'intérêt général ni la directive sectorielle des services de santé, car il faut une présidence du Conseil qui soit motivée par ces questions. Le problème ne sera-t-il pas d'attendre la présidence française du deuxième semestre 2008 pour arriver à lancer la mécanique d'un outil sur ces questions ? » Selon le député européen Jacques Toubon : « Il y a une fenêtre de tir à ne pas manquer. […] Il convient que la présidence française de l'Union européenne s'attache à la mise en place d'un programme en matière de services économiques d'intérêt général et de services sociaux d'intérêt général. »

Après six mois de présidence, force est de constater qu'aucune décision n'a été prise. Pis, aucune proposition n'a même été faite au niveau ministériel, alors que la France avait la capacité d'influencer l'ordre du jour. À un moment crucial de la transposition de la directive Services, on a fait l'impasse sur un débat déterminant pour l'avenir des services sociaux.

L'inaction du Gouvernement en matière de services publics et de services sociaux est patente. Il ne peut se retrancher derrière l'absence de volonté ou la réticence des autres États membres.

Le groupe socialiste radical et citoyen a, pour sa part, déposé une proposition de résolution tendant à sécuriser les services sociaux par rapport au champ d'application de la directive Services. Il faut que notre assemblée en soit saisie sans plus attendre. Le contrôle du Parlement ne peut être éludé sur des questions aussi importantes, touchant au plus près la vie quotidienne de nos concitoyens.

Tant pour son inaction sur ces questions lorsqu'il était à la tête de la présidence de l'Union, qu'actuellement dans sa conduite essentiellement technocratique du processus de transposition qui laisse craindre certaines dérives, le Gouvernement doit être mis face à ses responsabilités. La marge de manoeuvre dont dispose la France dans le cadre de la transposition en droit national est considérable. Il en va de la responsabilité directe du Gouvernement, non de celle des institutions européennes. C'est à nous, parlementaires français, qu'il revient de jouer pleinement notre rôle. C'est là, mes chers collègues, que nous vous attendons. Pour notre part, nous serons fidèles au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion générale est close.

La parole est à M. le haut-commissaire.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Différents orateurs ont demandé que le Gouvernement clarifie la position qu'il défendra dans les mois à venir. Certains ont mentionné le rapport de Michel Thierry : je peux d'ores et déjà vous indiquer que le Gouvernement privilégiera la version la plus large et la plus protectrice des propositions qui y sont formulées. Au niveau européen, la France militera en faveur d'un encadrement juridique adapté.

En ce qui concerne nos relations avec les associations, j'ai apprécié que certains aient rappelé que de nombreux services étaient rendus à nos concitoyens – par exemple en matière de santé, de lutte contre l'exclusion, d'insertion par l'activité économique, de logement social – grâce à des initiatives privées à but non lucratif, d'intérêt général : sans elles, ces services disparaîtraient.

Nous jetterons toutes nos forces dans cette bataille afin de renforcer ce mode d'intervention de plus en plus pertinent. Ce sera un enjeu crucial de la Conférence nationale de la vie associative qui se tiendra d'ici à la fin de l'année.

Il arrive aussi que l'Europe soit à l'origine d'avancées protectrices, mais la méconnaissance du droit européen conduit certains – y compris au niveau des collectivités locales…

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

…à affirmer que la mise en concurrence est obligatoire à cause de Bruxelles : ce qui n'est pas vrai.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Nous souhaitons que l'État, les régions, les départements et les communes profitent de cette nécessaire clarification. Il faut cesser d'invoquer je ne sais quels fantasmes pour faire accepter à certains de nos partenaires une remise en cause de leurs principes. Je souhaite du reste que vous soyez associés à la Conférence nationale de la vie associative, afin de définir un cadre strict permettant de protéger ce mode d'intervention et de contractualisation entre la puissance publique et les acteurs sociaux indispensables pour que nos concitoyens puissent bénéficier de certains services.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Je souhaiterais, monsieur le haut-commissaire, que vous nous confirmiez les propos que vous avez tenus à la tribune tout à l'heure, à savoir que le Gouvernement français n'accepterait pas, au sein du Conseil des ministres, la rédaction actuelle de la proposition de règlement qui réintroduirait le principe du pays d'origine.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Si j'ai bien compris, monsieur le secrétaire d'État, vous êtes d'accord avec nous pour estimer que le Parlement européen n'a pas opéré la clarification que nous souhaitions.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Insuffisamment !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Cela prouve que nous avons eu raison de présenter cette proposition de résolution. L'Assemblée nationale l'ayant solennellement demandé, le Gouvernement français, s'appuyant sur la volonté de la représentation nationale, exigera donc une réécriture de la proposition de règlement du Conseil relatif au statut de la société privée européenne. Je m'en réjouis. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

En ce qui concerne les services publics, j'ai noté que tout le monde, sur tous les bancs, souhaitait une clarification, la question étant de savoir comment il était possible d'y parvenir. Cette clarification est indispensable, tant la définition des services d'intérêt général est floue – flou entretenu par la Commission et la Cour de justice. Récemment, la Commission a, en effet, considéré – en citant l'exemple des aides hollandaises – que le logement social n'était pas une mission d'intérêt général. Par ailleurs, les services d'intérêt général se subdivisent en services d'intérêt économiques et non économiques. Dans ces conditions, le protocole n° 9 annexé au traité de Lisbonne n'apporte strictement rien de nouveau ; il ne fait que rappeler la distinction retenue depuis toujours par la Cour de justice.

Le problème – je me permets de vous renvoyer à la page 21 de mon rapport –, c'est que seuls les services non économiques bénéficient d'une exclusion de principe des règles des traités, qui les soustrait à la concurrence. En l'absence de clarification législative, la Cour de justice et la Commission retiennent une définition très extensive de la notion d'entreprise chargée d'un SIEG. En effet, la Cour a estimé que toute entité exerçant une activité économique, quel que soit son mode de financement ou son statut juridique, constitue une entreprise, que le but de son activité soit lucratif ou non.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Le traité de Lisbonne n'apporte sur ce plan aucune garantie, bien au contraire, puisqu'il consacre avec beaucoup de solennité le droit de la concurrence.

La clarification s'avère donc indispensable. Mais nous divergeons sur les moyens de l'obtenir.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Et les exceptions !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

La résolution UMP-PS part de l'hypothèse que, après les élections européennes, la désignation de la nouvelle Commission pourra être l'occasion d'y parvenir. Mais c'est fort peu probable, pour la simple raison que les deux principaux groupes du Parlement européen, le PPE et le PSE, comme l'a souligné son chef de file, Martin Schulz, se sont déjà accordés pour reconduire, à la tête de la Commission, M. Barroso, qui est un adversaire farouche de la clarification que nous réclamons. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ayant conclu au rejet de l'article unique de la proposition de résolution, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 2, du règlement, est appelée à voter sur ces conclusions.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si ces conclusions sont adoptées, la proposition de résolution est rejetée.

La parole est à M. Didier Gonzales, pour une explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Gonzales

Le groupe UMP prend acte du fait que la discussion se déroule dans de bonnes conditions. Dès lors, nous ne voterons pas les conclusions de rejet afin de laisser le débat se poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Serge Poignant, vice-président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Monsieur le président, si je confirme le rejet de la commission – position dont le rapporteur a expliqué les raisons dans son intervention liminaire –, je ne vois aucune objection à ce que la discussion se poursuive. Toutefois, j'aimerais savoir si cette proposition fera bien l'objet, la semaine prochaine, d'un vote bloqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le Gouvernement ne sait pas sur quelle planète il habite !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je rappelle que ceux qui sont favorables à la proposition de résolution doivent voter contre les conclusions de rejet et que ceux qui y sont défavorables doivent voter pour.

Je vais maintenant mettre aux voix les conclusions de rejet de la commission.

(Les conclusions de rejet ne sont pas adoptées.)

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Comme M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement vous l'a indiqué ce matin, je vous confirme que, sur la présente proposition de résolution, le Gouvernement demande la réserve du vote sur les articles et sur les amendements, en application de l'article 96 du règlement de votre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Notre vote contre les conclusions de rejet de la commission était destiné à laisser la possibilité à nos collègues de présenter leurs amendements. M. le haut-commissaire s'est exprimé. Les choses sont claires pour tout le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'Assemblée ayant rejeté les conclusions de rejet de la commission, j'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Annick Girardin, inscrite sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Girardin

Au moment où nous abordons la discussion de l'article unique de cette proposition de résolution, je tiens à préciser la position des députés radicaux de gauche et apparentés. Les discussions sur la nouvelle société privée européenne ont un enjeu essentiel : l'économie sociale. Les entreprises de l'économie sociale que sont notamment les fondations, les associations, les coopératives ou les mutuelles ont des principes et modes de fonctionnement hautement spécifiques. Elles remplissent des missions de la plus haute importance au bénéfice de la société, avec pour ligne directrice l'intérêt général. Pourtant, il s'agit bien d'organismes privés qui sont, par leur nature, appelés à s'intégrer dans le dispositif de la société privée européenne.

Plus encore, il importe que ces organismes ne soient pas exclus de ce nouveau dispositif car, dans le cas contraire, ils ne pourraient bénéficier des nouvelles facilités de développement au niveau européen qu'offrira ce statut, ce qui serait extrêmement pénalisant pour ces acteurs.

Faut-il rappeler que l'économie sociale représente près de 10 % de l'emploi salarié national, hors agriculture, et 8 % des salaires ? Au-delà de son poids en termes d'effectif salarial, l'économie sociale fait partie de la vie de millions de citoyens, qu'ils soient adhérents de mutuelles, de coopératives ou d'associations.

Aussi les radicaux de gauche estiment-ils qu'il est essentiel que notre gouvernement s'engage fortement à défendre la prise en compte des spécificités des acteurs de l'économie sociale au niveau européen.

Pour ma part, avec l'ensemble de mes collègues, je pourrai poursuivre cette réflexion dans le cadre de la commission chargée des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous en venons aux amendements.

Je suis saisi d'un amendement n° 1.

La parole est à M. Christophe Caresche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Tout d'abord, j'aimerais répondre à M. le rapporteur. Une logique claire sous-tend son rapport : exclure les services sociaux d'intérêt général du secteur économique pour les considérer comme faisant partie intégrante du secteur non économique. En toute honnêteté, je ne suis pas certain que ce soit la bonne manière de procéder. Je crois même que le remède serait pire que le mal, car la clarification aboutirait à soumettre de nombreux services à la concurrence.

Prenons l'exemple de la prise en charge de la petite enfance. Voilà un secteur caractérisé par une grande diversité de formes juridiques : services publics, services sociaux d'intérêt général, autrement dit associations, mais aussi entreprises privées. L'important est de maintenir cette diversité et de faire en sorte que les services sociaux d'intérêt général puissent continuer à percevoir des subventions et des aides car ils remplissent des missions, notamment en matière d'accueil, que les services privés n'assurent pas. Tel est le véritable enjeu. Il ne s'agit pas d'obtenir une clarification entre services économiques et services non économiques.

Enfin, en ce qui concerne de Barroso, je dois préciser que j'appartiens à un parti qui fait campagne avec une affiche comportant le slogan « Stop Barroso ». Les députés socialistes qui siégeront au Parlement européen ne reconduiront pas l'actuel président de la Commission.

Quant à nos amendements, ils portent sur la transposition de la directive Services. Nous proposons, dans l'amendement n° 1, que l'exclusion des services sociaux d'intérêt général soit large, ce que le Gouvernement a semblé approuver tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Mon explication, monsieur le président, vaudra pour cet amendement comme pour les autres, ce qui devrait vous satisfaire.

La commission n'a pas examiné ces amendements, mais, à titre personnel, je propose à notre assemblée de ne pas les adopter. L'objet de cette proposition de résolution n'est pas de définir ce que pourrait être la transposition de la directive Services, mais de lever un blocage politique au niveau européen. Notre but est de nous adresser très directement au Gouvernement pour que, s'appuyant sur la volonté de la représentation nationale, il puisse exiger de la Commission la clarification législative que nous souhaitons. Ces divers amendements n'ajoutent rien au message que nous voulons délivrer.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse

Le Gouvernement a été clair sur la démarche qu'il va poursuivre. Pour ne pas compliquer les choses, il émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 2.

La parole est à M. Christophe Caresche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Puis-je faire une présentation commune des cinq amendements restant en discussion, monsieur le président ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je vous en prie, monsieur Caresche. Vous nous présenterez donc, avec l'amendement n° 2, les amendements nos 3, 4, 5 et 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Le droit communautaire contient des dispositions protectrices pour les services sociaux, tant dans les traités que dans le droit dérivé. Les États membres peuvent parfaitement s'appuyer sur ces éléments juridiques pour transposer dans les meilleures conditions possibles la directive Services. L'amendement n° 2 vise à rappeler cette possibilité. S'agissant, par exemple, des marchés publics, le droit national, du fait notamment de la jurisprudence du Conseil d'État, est beaucoup plus contraignant que le droit communautaire. Incriminer en permanence l'Europe n'est pas toujours pertinent, vous le voyez.

L'amendement n° 3 vise à donner une définition du mandatement qui soit la plus large possible.

L'amendement n° 4 entend lutter contre la tentation de la Commission de restreindre l'accès aux services sociaux aux personnes qui en auraient le plus besoin. À cet égard, le rapporteur a eu parfaitement raison d'évoquer le problème des Pays-Bas qui ont vu la définition du logement social qu'ils avaient mise au point rejetée par la Commission, sous prétexte qu'elle était trop extensive. Cela pose un vrai problème, soulevé notamment dans le projet de loi présenté il y a peu de temps par Mme Boutin.

Nous considérons qu'il faut conserver une conception assez large en termes de public pour l'accès aux services sociaux d'intérêt général, sinon ces services risquent de se replier sur les populations les plus en difficulté et de se paupériser, tandis que les autres populations seront prises en charge par le secteur privé. C'est en quelque sorte une autre manière de parler de la privatisation des bénéfices et de la socialisation des pertes.

L'amendement n° 5 vise à faire une bonne utilisation de la notion d'« associations caritatives » contenue dans la directive Services. Sur ce point, le rapport Thierry est intéressant. Cela doit permettre de sécuriser juridiquement un certain nombre de services sociaux d'intérêt général dans notre pays.

Quant à l'amendement n° 6, il met en exergue l'importance des organisations appartenant au tiers secteur, ainsi que de celles qui s'organisent de manière non lucrative autour de l'engagement bénévole et des pratiques amateurs, qui doivent également être reconnus et préservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La commission et le Gouvernement ont déjà donné leur avis sur ces amendements.

Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen de la proposition de résolution.

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de résolution auront lieu le mardi 2 juin, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Roland Muzeau et plusieurs de ses collègues tendant à promouvoir une autre répartition des richesses (nos 1620, 1687).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, vous êtes le plus compétent pour parler de la répartition des richesses, car chacun sait que vous êtes un ultralibéral. Vous savez au moins de quoi vous parlez, ce qui n'est pas toujours le cas de certains de vos collègues du Gouvernement ou de l'UMP, qui sont simplement idolâtres du Veau d'or. Vous faites peut-être partie de ceux qui considèrent que, à trop tirer sur la corde, on risque de la rompre. Nous le verrons tout à l'heure, lorsque vous nous donnerez votre position finale sur le texte.

L'INSEE a récemment publié son édition 2009 du rapport Les revenus et le patrimoine des ménages. Cette étude, qui s'appuie sur les résultats d'une enquête sur les revenus de 2006, fait apparaître que le niveau de vie médian en France se situe à 17 600 euros, soit 1 470 euros mensuels. Voilà une information qui serait profitable à M. Gadonneix ou à M. Mestrallet !

Parallèlement, en ces temps de crise économique où la crainte du chômage le dispute à l'angoisse de la précarité, il n'est pas de semaines où la presse ne se fasse l'écho d'un nouveau scandale. L'annonce, en mars dernier, de l'octroi par la Société générale de 320 000 stock-options à quatre de ses dirigeants, celle de l'attribution d'un parachute doré de 3,2 millions d'euros pour l'ex-PDG de Valeo, l'ont disputé à l'annonce du versement de 51 millions d'euros de bonus aux dirigeants d'une filiale du Crédit agricole ou à celle de l'attribution de 1,1 million d'euros de stock-options aux dirigeants de GDF Suez. Tous ces scandales, qui soulignent la volonté affichée des dirigeants des grandes sociétés de tirer pleinement bénéfice de la crise économique, ont suscité un légitime mouvement de protestation dans l'opinion publique.

Le flou qu'a souhaité entretenir le Président de la République en ouvrant le débat sur un nouveau partage des bénéfices vise à apporter une fausse réponse à ce mouvement de colère. En effet, les formidables inégalités qui ont suscité les réactions des salariés ou des chômeurs, et qui se sont creusées du fait du niveau indécent des dividendes versés aux actionnaires et des rémunérations scandaleuses des grands patrons, ne peuvent se résoudre que par le biais de la fiscalité et de mesures contraignantes limitant ces rémunérations.

Les dispositions prévues dans cette proposition de loi sont loin d'être idéologiques. Au contraire, elles sont ancrées dans le réel. Et ce réel, celui que la majorité des Français vit aujourd'hui, est bien celui d'une dérive reposant sur trois éléments : la profonde dégradation des comptes publics, d'une part ; l'accroissement des inégalités de revenus et de patrimoines, d'autre part ; l'organisation systématique d'une fiscalité favorisant la détention du capital plus que l'exercice d'un travail, enfin.

La dégradation des comptes publics nous est malheureusement trop connue pour que je m'y attarde. Selon la prévision du Gouvernement dans le dernier collectif budgétaire – en attendant bien sûr le suivant annoncé pour l'été –, le déficit de l'État s'établirait, en 2009, à 103,8 milliards d'euros, soit une dégradation de 17 milliards d'euros par rapport à la première loi de finances rectificative pour 2009 et de 51,8 milliards d'euros par rapport aux prévisions du projet de loi de finances initiale pour 2009.

Au total, à la fin de l'année 2009, l'encours de la dette négociable de l'État pourrait être très proche de 1 100 milliards d'euros. Après 1 017 milliards d'euros à la fin de 2008, l'augmentation serait supérieure à 4 points de PIB.

Dans ces conditions, et en tenant compte des déficits croissants des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale, la dette publique atteindra 73,9 % du PIB, en augmentation de 10 points.

Mais nous savons que ces chiffres reposent sur des estimations de février 2009 et que la situation économique s'est encore dégradée depuis.

Il n'est pas dans mes intentions de contester ces chiffres, et encore moins de nier les conséquences de la crise, tant en termes de diminution des recettes liée à la contraction de l'activité économique, que de dépenses imposées par la relance, même si l'on peut juger totalement déséquilibrée la voie retenue par le Gouvernement qui s'attache à relancer unilatéralement l'investissement davantage que la consommation, notamment celle des ménages les plus démunis.

Devant cette dégradation des finances publiques, la majorité actuelle ne souligne que la nécessité de maintenir la maîtrise de la dépense pour limiter le glissement des déficits, sauf à rendre particulièrement périlleux le rétablissement des finances publiques.

Je tiens à présenter une autre voie de réflexion, qui prendrait notamment en compte l'accroissement des inégalités de revenus et de patrimoine, dans le contexte de l'organisation d'une moindre progressivité de l'impôt. Une autre politique, la promotion d'une autre répartition des richesses est possible.

Comme dans les années qui précédèrent la crise de 1929, la dernière décennie a vu se développer une explosion des inégalités. Une étude sur les très hauts revenus en France entre 1998 et 2006 confirme cette évolution, qui est aussi celle retenue par le Conseil des prélèvements obligatoires. Elle montre qu'on observe une stagnation des revenus des 90 % des ménages modestes entre 2002 et 2006, augmentation de 4,6 % sur l'ensemble de la période, alors que la part des revenus des ménages les plus favorisés augmente d'autant plus qu'elle était élevée à l'origine, pour atteindre jusqu'à 42,6 % pour les 0,01 % des ménages les plus favorisés, au nombre de 3 500.

La hausse des très hauts revenus en France s'explique par deux facteurs principaux : l'augmentation des revenus des capitaux mobiliers d'une part, un taux de croissance des revenus du travail les plus élevés au taux de croissance moyen des revenus salariaux, notamment en raison du niveau inconsidéré des options d'action offertes aux dirigeants des sociétés du CAC 40.

À l'explosion de ces inégalités de rémunération correspondent les inégalités mesurées en termes de patrimoine.

Le Conseil des prélèvements obligatoires souligne que la répartition des patrimoines semble encore plus inégale que pour les revenus. Fin 2003, 10 % des ménages possédaient un patrimoine brut inférieur à 900 euros. Pour les 10 % les plus riches, il était en revanche supérieur à 380 000 euros, soit environ 400 fois plus élevé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le patrimoine est fortement concentré. Fin 2003, les 10 % de ménages les plus riches possédaient près de la moitié du patrimoine brut des ménages, et les 1 % les plus riches en possédaient 13 %.

Malgré la dégradation des finances publiques, malgré la montée des inégalités, la majorité de notre assemblée n'a eu de cesse, depuis 2002, d'organiser une fiscalité favorisant la détention du capital plus que la valeur du travail.

Au désormais trop célèbre slogan « Travailler plus pour gagner plus » se substitue une réalité autrement plus dangereuse : « Détenir plus pour contribuer moins ».

La réforme la plus emblématique de la majorité depuis 2002 est, à n'en point douter, celle du renforcement du bouclier fiscal. La loi du 21 août 2007, dite en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, favorise en fait essentiellement la détention du capital, d'une part, sa transmission, d'autre part. Cette loi n'a pas seulement renforcé dangereusement le bouclier fiscal, elle a aussi prévu un allégement particulièrement important des droits de succession.

La présente proposition de loi a pour objet de promouvoir une autre répartition des richesses. Elle se fixe pour objectifs : de réintroduire un minimum d'équité dans notre système fiscal, notamment en supprimant le bouclier fiscal…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…et en modifiant les barèmes, voire les tranches, de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de l'impôt de solidarité sur la fortune ; de lutter contre les activités dans certains paradis fiscaux ; de limiter la rémunération des dirigeants d'entreprise en supprimant l'instrument financier que constituent les stock-options, en imposant au taux de 95 % les avantages divers du type « parachutes dorés » et en plafonnant les rémunérations annuelles des dirigeants à vingt fois le montant annuel du salaire minimal applicable dans l'entreprise considérée ; enfin d'inciter le Gouvernement à une réflexion sur une nouvelle architecture de financement de l'économie dont notre pays a aujourd'hui le plus besoin et dans laquelle la collectivité publique doit jouer un rôle actif.

J'avais proposé à la commission des finances d'enrichir encore ce texte fort complet par deux mesures : l'interdiction des attributions gratuites d'actions, le texte ne supprimant que les seules options d'actions, et l'extension à l'ensemble des sociétés anonymes de la limitation à deux du nombre de mandats d'administrateurs pouvant être détenus par une personne physique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je conclus, monsieur le président.

Malheureusement, la commission ne m'a pas suivi. Elle a même adopté, à chacun des articles de la proposition de loi, des amendements de suppression.

Conformément au texte de l'article 42 de la Constitution, et la suppression de l'ensemble des articles valant rejet du texte, la présente discussion en séance publique a au moins l'avantage d'avoir lieu sur le texte initial de la proposition de loi. Si la majorité la rejette, comme elle l'a fait en commission, chacun sera ainsi clairement informé de nos prises de position, mais surtout de vos choix.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues du groupe UMP, l'heure de vérité a sonné. J'espère que ce ne sera pas l'heure du glas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais commencer mon propos par où M. Brard a conclu le sien.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Non, monsieur Brard, par la vérité : le Gouvernement ne peut pas être favorable à votre proposition de loi parce qu'elle repose sur un constat qui n'est pas conforme à la vérité, c'est-à-dire à la réalité.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Si on me laissait parler, je pourrais rappeler que le 13 mai dernier,…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

…le directeur général de l'INSEE, M. Cotis, a remis son rapport « Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France ». Or la réalité qu'il décrit diffère largement des indications que vous avez données.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Je lirai tout.

Selon ce rapport, la rémunération du travail en France représente 67 % de la valeur ajoutée des entreprises, une proportion stable depuis 1987. Cela signifie que depuis plus de vingt ans, la rémunération du travail a été stable en termes de répartition de la valeur ajoutée.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Selon ce même rapport – encore une fois, ce n'est pas moi qui le dis –, il convient également de noter que dans de nombreux autres pays, notamment l'Allemagne, la part des salaires a régressé sur la même période.

En ce qui concerne les écarts salariaux, M. Cotis souligne que la croissance des salaires en France sur les dix dernières années a été plus rapide pour les bas revenus grâce aux revalorisations du SMIC. Je vous donne acte, toutefois, que cette croissance a été beaucoup plus rapide pour les très hauts salaires. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Lorsque j'en appelle à la vérité,…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

…il convient de la livrer tout entière, qu'elle aille dans votre sens ou dans le mien.

Mais la réalité, c'est aussi que la croissance des salaires en France depuis dix ans a été plus rapide pour les bas revenus. Le creusement des inégalités salariales est très récent et très concentré, je le répète, sur les très hauts salaires. L'écart entre les 10 % des salariés les moins bien payés et les 10 % les mieux payés est resté stable depuis vingt ans. Telle est la réalité que décrit le rapport Cotis : je me devais de vous la rappeler afin de fonder la position du Gouvernement, qui ne saurait être favorable, je le répète, à votre proposition de loi puisque le constat que vous avez établi et sur lequel vous appuyez les mesures que vous préconisez est erroné.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Il serait bien que le directeur de l'INSEE lise les rapports de l'INSEE !

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Vous proposez en premier lieu de supprimer le fameux bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Vous comprendrez aisément que nous le refusions ! Nous créerions d'ailleurs la surprise en acceptant cette mesure puisque cela fait des mois que nous vous posons une question très simple : est-il juste de vouloir capter plus de la moitié des revenus d'un contribuable ?

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Est-il juste de vouloir spolier cette personne en captant plus de la moitié de ce qu'elle gagne ?

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Telle est la réalité de votre proposition de suppression du bouclier fiscal, qui a été mis en place précisément pour éviter cette spoliation et interdire qu'on ne prenne à un contribuable plus de la moitié de ses revenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Est-il juste de laisser les gens crever de faim ?

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

L'article 2, quant à lui, vise à revenir à neuf tranches d'impôt sur le revenu, au lieu des cinq actuelles, et à porter le taux d'imposition le plus élevé à 54,8 % – il est de 40 % aujourd'hui. Je tiens à appeler votre attention sur la décision récente, prise par le président Obama, de relever le taux marginal d'imposition de 35 % à 39,6 %,…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

…décision saluée par beaucoup d'observateurs. Ainsi, lorsque les Américains surtaxent leurs contribuables, ils n'arrivent même pas à rejoindre notre taux d'imposition actuel.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Vous proposez également – c'est l'objet de l'article 3 – d'augmenter l'impôt de solidarité sur la fortune. Puis-je vous poser à mon tour une question ? Si tel était le cas, qu'adviendrait-il de l'imposition sur le patrimoine des ménages français ? Monsieur Brard, vous avez abondamment cité le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires : je le citerai également, notamment le chapitre relatif au prélèvement sur le patrimoine des ménages, qui précise que le niveau de celui-ci est « globalement plus élevé en France qu'ailleurs ».

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Telle est la réalité : la France a un niveau de prélèvement sur le patrimoine globalement plus élevé que l'ensemble des autres pays de l'Union européenne. Or, loin de vouloir corriger cet état de fait, vous voulez encore l'accentuer en aggravant un niveau de prélèvement qui est déjà plus élevé que chez nos voisins européens, ce qui découragerait complètement les contribuables.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Je tiens également à souligner le fait que le Gouvernement n'est pas favorable à l'idée d'interdire aux banques d'exercer leurs activités dans les paradis fiscaux, comme le prévoit l'article 4.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Nous avons en effet choisi, vis-à-vis des banques, de recourir à une autre méthode : la transparence plutôt que la coercition.

Plusieurs députés du groupe GDR. Le laisser-faire !

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Cette méthode est conforme à notre philosophie, qui n'est pas une philosophie de la contrainte mais…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

…, je le répète, de la transparence.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Monsieur Brard, cela ne vous surprendra pas, le Gouvernement n'est pas non plus favorable à l'article 5, qui prévoit la suppression des stock-options,… (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

…car celles-ci peuvent notamment constituer un outil utile de rémunération pour attirer les talents dans les entreprises de croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

C'est cela que le Gouvernement appelle moraliser la vie économique !

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Le Gouvernement n'est pas favorable non plus à l'article 6, qui revient à interdire les rémunérations différées puisque vous prévoyez de les taxer à 95 %.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Sur le sujet, monsieur Brard, je tiens à livrer un élément à votre sagacité, qui est grande : ces rémunérations différées comprennent les indemnités de départ à la retraite. Je ne pense pas que vous souhaitiez interdire le versement de ces dernières à l'ensemble des salariés payés au-delà du SMIC. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que vous modifiiez, à tout le moins, l'article 6 qui interdirait, je le répète, le versement de ces indemnités, interdiction qui ne serait pas ressentie favorablement par les Français.

Le Gouvernement n'est pas non plus favorable à l'article 7, qui soumet la rémunération des dirigeants à l'obligation de négociation entre partenaires sociaux car cette rémunération est de la responsabilité du conseil d'administration, sous le contrôle des actionnaires.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Le Gouvernement n'est pas non plus favorable à l'article 9, qui limite à deux le nombre de conseils d'administration dans lesquels peut siéger une personne physique. Je vous rappelle, monsieur Brard, que c'est la majorité socialo-communiste qui a voté, en 2001, dans le cadre de la loi de nouvelle régulation économique, la limitation à cinq que vous voulez maintenant abolir.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Il faudrait au moins expliquer pourquoi ce qui était vérité hier n'est plus vérité aujourd'hui.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Je serai attentif à vos explications, monsieur Brard.

Enfin, le Gouvernement n'est pas favorable à la création d'un pôle national de crédit parce que nous disposons déjà d'organismes publics de financement – vous le savez bien, monsieur Brard – : nous avons créé Oseo, qui s'impose aujourd'hui comme une agence indispensable pour le financement des petites et moyennes entreprises. Si, par hasard, nous vous suivions en créant un pôle national de crédit, eh bien, nous déstabiliserions l'ensemble de notre système financier.

Vous nous demandez un rapport sur ce pôle national de crédit que vous souhaitez créer : ce rapport, nous l'avons déjà, monsieur Brard ! C'est celui qu'ont rendu l'actuel président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, et François D'Aubert, tous deux anciens députés, lorsqu'ils se sont intéressés aux déboires du Crédit lyonnais. C'était un pôle financier public : chacun connaît les catastrophes financières dont il s'est rendu responsable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Vous avez raison : la création d'un tel pôle ne suffit pas à elle seule.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Je vous renvoie donc à ce rapport.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Le Gouvernement, vous l'aurez deviné, ne saurait être favorable à votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les politiques économiques conduites par les gouvernements successifs depuis 2002 se sont fixé pour unique objectif d'adapter notre économie aux exigences et aux contraintes du business model des entreprises et des grands groupes, dont l'essentiel de l'activité, rappelons-le, est orienté vers la création de valeur pour l'actionnaire.

Afin de faire de notre pays un paradis pour les actionnaires et d'ouvrir la voie au règne d'une concurrence pure et parfaite, vous avez recouru à tous les instruments politiques à votre disposition.

Votre politique s'est traduite par la baisse de la fiscalité des entreprises, la déréglementation des secteurs de l'énergie et des transports, le démantèlement des services publics, l'assouplissement du droit du travail et la casse des acquis sociaux.

Vous vous êtes, pour les mêmes raisons, attachés à conduire une politique de rigueur salariale et de baisse continue du coût du travail, qui nous a valu une véritable explosion du nombre des emplois précaires et du nombre de travailleurs pauvres.

Vous vous êtes dans le même temps fait les avocats d'une libéralisation des hauts revenus, en tentant d'expliquer aux Français que la hausse des revenus des plus riches était un facteur de relance de l'activité qui permettrait d'élever par là même le pouvoir d'achat de tous. C'était une reprise de la trop fumeuse formule de droite : « les licenciements d'aujourd'hui seront les emplois de demain ».

Les Français n'ont cependant jamais vu aucun signe de cette dynamique, pour l'excellente et unique raison qu'elle n'est fondée sur aucune réalité économique.

Ce que nos concitoyens peuvent en revanche constater, c'est l'aggravation sans précédent des inégalités, le recul de leur pouvoir d'achat, la hausse du chômage et la disparition progressive des services publics.

Ces inégalités se traduisent d'abord dans les écarts de revenus et de patrimoines, qui se sont creusés dans des proportions vertigineuses puisque désormais le centième des plus riches détient à lui seul la moitié du patrimoine financier total et qu'a contrario des millions de nos concitoyens sont condamnés à vivre sous le seuil de pauvreté.

Comme le dénoncent d'ailleurs, année après année, les rapports de la fondation Abbé-Pierre, de la fondation ATD Quart-Monde, le Secours populaire, mais aussi les outils statistiques de l'État – l'INSEE notamment –, la France est le pays d'Europe où la proportion de salariés payés au salaire minimum est la plus forte : 15 % des salariés à plein temps. Des millions d'autres doivent se contenter d'emplois précaires à temps partiel.

Le gel des salaires et la précarisation de l'emploi ne sont pas des effets de la conjoncture économique. Ils sont le fruit de choix politiques qui se sont traduits notamment, dès le milieu des années quatre-vingt, par l'abandon de l'indexation des salaires, laquelle a ouvert la voie à la reconquête du capital. Or vous continuez de défendre le caractère prétendument vertueux de cette politique, au nom de la compétitivité, alors qu'elle ne s'appuie sur aucun argument économique sérieux, en particulier dans la période de crise que nous traversons.

Nombreux sont d'ailleurs les économistes, pas seulement à gauche, qui vous invitent aujourd'hui à reconsidérer vos positions, à vous engager dans une politique de revalorisation des salaires et de rattrapage du pouvoir d'achat. Si ce rééquilibrage est une nécessité économique et une condition du retour à une croissance saine et durable, il porte également une exigence de justice.

C'est le sens de la proposition de loi que nous défendons aujourd'hui. Nous jugeons tout d'abord indispensable que le législateur agisse pour garantir une juste répartition des revenus au sein des entreprises. Alors que des centaines de milliers de nos concitoyens perdent leur emploi, que des millions d'autres sont contraints de se serrer la ceinture, nul ne peut décemment accepter que des dirigeants d'entreprise, eux-mêmes actionnaires, s'approprient l'essentiel de la richesse créée au détriment des salaires comme au détriment de l'investissement productif et de la création d'emplois.

L'annonce en mars dernier de l'octroi par la Société générale de 320 000 stock-options à quatre de ses dirigeants, l'attribution de 3,2 millions d'euros à l'ex-PDG de Valeo, le versement de 51 millions d'euros de bonus aux dirigeants d'une filiale du Crédit agricole, l'attribution de 1,1 million d'euros de stock-options aux dirigeants de GDF, tous ces scandales récents – et on en compte bien d'autres ! – ont suscité dans l'opinion une prise de conscience brutale du caractère insupportable de ce capitalisme de casino, qui entend continuer dans la logique désastreuse qui lui est propre et qui a conduit à la crise actuelle.

Face au légitime mouvement de protestation de l'opinion publique, votre Gouvernement a tenté de faire diversion en rédigeant à la va-vite un décret pour encadrer de façon minimaliste, et jusqu'en 2010 seulement, les bonus des seules entreprises aidées par l'État. Cette mesure ne vise qu'une petite poignée des entreprises – six banques et quatre entreprises – qui licencient à tour de bras ou recourent au chômage partiel et au sein desquelles les rémunérations des dirigeants échappent à toute limitation.

Il existe pourtant des moyens efficaces de lutter contre ces pratiques socialement injustes et économiquement ruineuses, ainsi que l'ont rappelé, du reste, les récents rapports de la Cour des comptes.

Nous proposons ainsi de prendre quelques mesures simples, des mesures de bon sens, que vous dénoncerez probablement comme dirigistes, mais que nous défendrons comme des mesures de justice : suppression des stock-options, taxation des parachutes dorés, et surtout plafonnement des rémunérations annuelles des dirigeants des grandes entreprises au niveau qui correspond à peu près à celui perçu par les patrons des PME, soit de trois à vingt fois le montant du salaire minimal applicable dans l'entreprise considérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

En d'autres termes, nous proposons d'indexer le salaire des patrons sur celui des salariés, de sorte que les dirigeants ne puissent augmenter leurs rémunérations qu'en augmentant parallèlement celui de l'ensemble des salariés de l'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ce que dit M. Muzeau vaut d'être écouté, chers collègues de l'opposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Votre Gouvernement, conformément à la proposition de Nicolas Sarkozy, préfère agir sur le levier de l'intéressement. Vous tentez de proposer aux salariés d'échanger le gel de leur salaire contre une redistribution de dividendes individualisée et donc sélective.

Vous nous avez déjà proposé une multitude de lois relatives à la participation et à l'épargne salariale. Or aucune de ces politiques n'a porté de fruits en termes de revalorisation des revenus ; elles n'ont eu pour effet que de creuser les inégalités entre les cadres dirigeants des entreprises et l'ensemble des salariés. Elles ont aussi pour conséquence de tarir les comptes sociaux. N'étant pas soumis à cotisations, ces compléments de revenus amputeront le montant des retraites des salariés concernés. Ce n'est pas ainsi que l'on conduit une politique d'ajustement salarial responsable.

Nous estimons qu'il est par ailleurs indispensable d'oeuvrer dans le sens d'une réorientation de la politique fiscale. Depuis 2002, votre politique a consisté presque intégralement à alléger la fiscalité du patrimoine. Les baisses d'impôts accordées ces dernières années au bénéfice des ménages les plus aisés et des entreprises florissantes ont littéralement asséché les comptes publics, privant chaque année l'État de dizaines de milliards d'euros utiles à l'investissement public et à la satisfaction des besoins sociaux.

Ainsi, pour le seul exercice 2008, la Cour des comptes vient de dénoncer à nouveau le dérapage des comptes publics, relevant une perte de 7,6 milliards d'euros de recettes pour l'État. C'est aussi le résultat de l'irresponsabilité de la majorité UMP qui a voté la loi TEPA en 2007.

Quand je parle des besoins sociaux, je n'évoque pas les seuls transferts monétaires directs opérés au nom de la solidarité nationale afin de réduire les inégalités sociales. Je parle aussi des logements sociaux, des infrastructures, des services publics, des politiques d'accès aux soins, à l'éducation, à la justice, aux crèches, aux services publics pour les personnes âgées.

Toutes ces politiques ont un coût assumé par chacun par le biais du paiement de l'impôt. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose en son article 13 que cette contribution commune est « indispensable », ajoutant qu'« elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

Ce principe essentiel est aujourd'hui bafoué. Vous avez en effet multiplié les mesures visant à exonérer les plus riches de leur devoir de citoyens, par le jeu des niches fiscales et par le jeu du bouclier fiscal. Rappelons, même si ce n'en est que la partie émergée mais ô combien symbolique, que ce bouclier fiscal a permis aux 3 000 contribuables les plus riches de bénéficier d'une baisse d'impôt de 116 193 euros par le moyen d'un chèque de restitution acquitté par l'ensemble des autres contribuables.

Rappelons également que la réduction du nombre de tranches de l'impôt sur le revenu, décidée sous la précédente législature à l'initiative de l'actuel président du groupe UMP, a même contribué à rendre l'impôt plus injuste par le seul jeu des effets de seuil.

Nous proposons bien évidemment de revenir sur ces dispositions iniques,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…afin notamment de permettre à nouveau à l'État de jouer son rôle de levier économique. C'est le sens de notre proposition de création d'un pôle financier public, d'un pôle national du crédit dont l'une des fonctions urgentes et essentielles pourrait être de proposer des crédits à taux bonifié aux entreprises qui investissent dans la formation, la recherche et la création d'emplois de qualité.

Cette proposition est la démonstration qu'une autre répartition des richesses est vraiment possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi soumise aujourd'hui à notre examen par notre excellent collègue Jean-Pierre Brard,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

…du groupe GDR, vise à promouvoir une autre répartition des richesses.

On y décèle l'esprit de son rapporteur…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

…qui nous invite au débat de fond, un débat dont l'intérêt dépasse à n'en pas douter celui des arguments déjà un peu datés de l'opposition, cher collègue Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Depuis l'été 2007, en effet, vous n'avez cessé de développer un seul et unique thème au sujet de la loi TEPA : « C'est un cadeau fait aux riches. » Ce sont vos mots mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Or depuis le début de la législature, au risque de se répéter, la majorité vous démontre que la plupart des mesures de ce texte s'adressent aux classes moyennes et qu'il vous serait bien difficile de les mettre en cause car les Français les ont déjà adoptées.

Je pense notamment à l'exonération de l'impôt sur les successions pour 95 % des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Je pense à la déductibilité fiscale des intérêts d'emprunts immobiliers.

C'est d'ailleurs dans ce même esprit que le Gouvernement a plus récemment exonéré des deuxième et troisième tiers provisionnels les Français soumis notamment à la première tranche de l'IR.

Ainsi, les mêmes causes produisant les mêmes effets, je serai contrainte, mes chers collègues, de vous confirmer la position du groupe UMP, qui se prononcera en défaveur de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Je reconnais que vous nous proposez de débattre de l'un des points qui sans doute nous opposent le plus : la conception du rôle des acteurs économiques et publics dans une économie de marché à l'heure d'une crise sans précédent.

La question de l'éthique, au même titre que celle de la performance économique, est au coeur de nos préoccupations communes avec pour seul objectif l'intérêt général.

Ainsi, vous nous proposez d'abord de supprimer le bouclier fiscal. Avant de vous dire en détail pourquoi nous y sommes si opposés, je rappelle que le bouclier fiscal à 50 % des revenus, c'est environ 500 millions d'euros bénéficiant pour 66 % à des ménages modestes, avec un revenu fiscal de référence inférieur à 13 000 euros. Et à 13 000 euros de revenu fiscal, on n'est pas riche !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ils n'ont pas touché un chèque de 116 000 euros, eux !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Venons-en au coeur du sujet. Le bouclier fiscal, c'est vrai, a fait partie du programme électoral de Nicolas Sarkozy qui, pendant toute sa campagne, a expliqué qu'il le mettrait en oeuvre. Les Français l'ont bien compris puisqu'ils l'ont élu (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et, surtout, ils ont compris qu'il s'agissait d'une garantie pour chaque contribuable qu'il ne versera jamais plus de 50 % de ce qu'il gagne à l'État, qu'il ne travaillera pas plus d'un jour sur deux pour payer ses impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Ce dispositif concerne ceux qui ont la chance d'avoir un emploi !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

La moitié des revenus des plus riches, ce n'est pas la même chose que la moitié du salaire d'un smicard !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Les Français ont élu Nicolas Sarkozy en connaissance de cause. Cet engagement d'équité, nous l'avons tenu.

La crise est-elle un prétexte suffisant pour changer radicalement de cap ? Nous ne pouvons imaginer que vous voudriez dresser les Français réputés pauvres contre les Français réputés riches – je sais qu'une telle pensée ne vous viendrait pas à l'esprit. Mais notre conviction est que la France a besoin de chaque Français, quel que soit son revenu et quel que soit son patrimoine, pour assurer un destin collectif et contribuer aux charges communes.

Or nous vivons dans un monde ouvert où la concurrence fiscale est une réalité. Au-delà d'un certain seuil, les Français les plus taxés ne consentent plus à l'impôt…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

…et partent d'autant plus que nos voisins européens – Espagne, Danemark, Suède et notre plus proche voisin, l'Allemagne – ont déjà fait sur ce plan des choix volontaristes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Les premières victimes de cet exode fiscal, ce sont les classes moyennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Pour compenser les manques à gagner dus aux départs fiscaux, on alourdit immanquablement la charge de ceux qui restent.

Mais nous, à droite, chers collègues de l'opposition, nous avons eu le courage de prendre une mesure de justice fiscale que la gauche n'avait jamais eu l'audace d'assumer,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Nous ne risquions pas de commettre une telle injustice !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

…à savoir le plafonnement global des niches fiscales.

Nous tenons ainsi les deux bouts du problème : nul ne peut s'exonérer du paiement de l'impôt mais celui-ci ne peut, ne doit pas être confiscatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Ce texte pose clairement le débat : il s'agit de choisir entre l'idéologie et l'efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Le débat est celui de la justice, c'est tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

C'est un débat politique de fond, un vrai choix de société.

Or, mes chers collègues, la puissance publique peut-elle seule nous entraîner dans le cercle vertueux de la création de richesses ? La richesse, au motif qu'elle est prélevée par l'État et redistribuée par ses soins grâce à des mécanismes souvent complexes, selon des logiques et au profit de publics déterminés par la seule haute fonction publique, est-elle le meilleur et le plus juste moyen de financement de notre société ?

Nous pensons, pour notre part, que l'acteur économique privé doit pouvoir faire des choix au plus grand bénéfice de notre modèle économique et social, et, donc, au plus grand bénéfice de nos compatriotes. La richesse créée, quand elle n'est pas prélevée par le fisc,…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

…est de fait réinjectée directement dans le circuit économique au profit de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Pour les bénéficiaires riches que vous dénoncez, il peut s'agir très simplement de développer la consommation de biens et de services. De très nombreux exemples sont à notre portée : l'aide à la personne, la sous-traitance à des prestataires de services, l'achat des biens de consommation, l'amélioration des conditions d'habitat, la mise aux normes environnementales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Et les 1 000 milliards d'euros qui servent chaque jour à la spéculation, c'est quoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Ces mêmes bénéficiaires peuvent aujourd'hui également, grâce aux dispositifs que nous avons adoptés ensemble, tout aussi bien financer les petites et moyennes entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Mais non ! Les entrepreneurs n'ont jamais assez de fric !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Vous ne pouvez ignorer qu'à l'heure où nous parlons, c'est une question d'urgence que celle du financement de la petite et moyenne entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Les PME sont écrasées par leurs donneurs d'ordre, justement !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

C'est même souvent une question de survie pour beaucoup de structures qui peinent à trouver des capitaux.

Je voudrais également revenir sur une idée aussi largement répandue qu'inexacte. Le coût de l'argent levé massivement par le biais de la fiscalité est très lourd pour la collectivité. Je ne parle pas du coût direct de la collecte de l'impôt, pour la réduction duquel les gouvernements successifs et les administrations ont fait des efforts considérables. Non, je parle du coût induit d'une fiscalité confiscatoire. C'est tout notre modèle économique et social qui le paie, comme un immense coût de non-qualité.

Combien d'emplois détruits ? Combien de créations d'emplois retardées ou ajournées ? Combien de cotisations sociales en moins ? Combien d'allocations chômage ou de minima sociaux à verser ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Combien d'emplois sont détruits, aujourd'hui ? Et quelle en est la raison ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Combien d'entreprises en quête de capitaux qu'elles ne lèveront jamais ? Ce coût pèse sur les plus vulnérables d'entre nous.

Voilà pourquoi il est important, mes chers collègues, de faire, en effet, le bilan du « bouclier fiscal », comme on dit. Les premiers chiffres sur la délocalisation fiscale sont plutôt positifs : moins 15 % de départs, plus 9 % de retours en 2007.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Ce n'est pas si mal. Ce n'est surtout pas le moment de revenir sur cette mesure : rien ne serait pire qu'une absence de continuité dans notre politique fiscale.

Les acteurs économiques doivent pouvoir compter sur la constance et la fiabilité des mesures auxquelles ils répondent, pour le moyen et le long termes, et qui les engagent aux côtés de l'État.

Vous nous proposez également le plafonnement de la rémunération des dirigeants des entreprises recapitalisées par l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Si on regarde les choses de façon optimiste, on peut espérer que l'article 2 de votre proposition de loi traduit une évolution intéressante de votre groupe. Il y a quelques jours, en effet, nous entendions encore dans vos rangs des propos très martiaux, invitant au plafonnement de tous les salaires, dans toutes les entreprises du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Mais vous semblez avoir abandonné cette chimère puisque, aujourd'hui, votre proposition se concentre sur les entreprises bénéficiant d'une recapitalisation par l'argent public.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

La question est plus réaliste. Et, cher monsieur Brard, elle mérite en effet d'être posée.

La rémunération des dirigeants doit relever d'abord de la décision de l'actionnaire. Nous sommes nombreux, au groupe UMP, à considérer que cette décision doit être prise en assemblée générale…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

…plutôt qu'en conseil d'administration, pour plus de transparence. Et pour une autre raison, aussi : il y a souvent dans les comités de rémunération, on le sait, des connivences qui peuvent entraîner des pratiques douteuses. Il est donc parfaitement légitime que l'État, lorsqu'il devient actionnaire d'une entreprise, contribue à fixer la rémunération des dirigeants.

Pour autant, faut-il légiférer ? Faut-il fixer un chiffre arbitraire ou faut-il laisser l'État actionnaire décider cas par cas, en rendant compte de ses décisions devant le Parlement ?

Si l'on fixe un plafond, mes chers collègues, à quel niveau le situeriez-vous ? À 500 000 dollars ? Barack Obama s'y est essayé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vingt fois le salaire minimum, ce n'est déjà pas mal !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

D'après ce que j'ai cru comprendre, on attend toujours le vote du Congrès. Faut-il le fixer à 500 000 euros ? À 300 000 euros ?

Et ce plafond, qui doit-il concerner au sein de l'entreprise ? La loi est-elle vraiment l'outil le plus efficace ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Les entreprises concernées ne contourneront-elles pas facilement la loi en faisant rémunérer leurs dirigeants à l'international par des filiales étrangères ? Nous voyons toutes les possibilités de contournement qui s'offrent à elles.

Nous n'avons pas de réponses à ces questions. Et si vous me permettez, je crois que vous non plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

L'alternative à la loi, c'est une réflexion que nous pouvons conduire ensemble, majorité et opposition, en travaillant main dans la main comme nous savons le faire sur les questions complexes – nous le faisons souvent, à la commission des finances –, en réalisant des études d'impact sérieuses, en expertisant les différentes options, en nous appuyant sur des exemples étrangers. Vous nous trouverez, dans ce cadre, toujours avec vous. Voilà pourquoi j'invite aujourd'hui mes collègues à voter contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Madame Montchamp, notre proposition de plafonnement concerne bien tous les dirigeants d'entreprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vingt fois le revenu minimum, ce n'est pas un petit salaire. Aujourd'hui, c'est 167 fois le SMIC !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans le salon qui jouxte l'Hémicycle, il y a un bronze magnifique. Tous les jours, ou du moins lorsqu'il y a des visites, les fonctionnaires de l'Assemblée – ou les députés eux-mêmes – montrent ce bronze aux visiteurs et rappellent les circonstances dans lesquelles Mirabeau prononça les phrases célèbres que chacun ici connaît. Il serait bon de se rappeler ce contexte.

À l'époque, une classe privilégiée, composée de deux ordres, le clergé et la noblesse, bien que très minoritaire dans le pays – environ 3 % de la population –, jouissait de privilèges tout à fait insensés, indécents, immoraux, et qui ne reposaient plus sur rien. Le pays s'est soulevé. Le Tiers état a déclenché la Révolution, parce qu'il fallait mettre un terme à une telle situation. Cela a pris plusieurs années, évidemment, mais durant l'été 1789,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Cela avait commencé l'année précédente ! D'ailleurs, M. Minc a peur que cela se reproduise !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…quelques grands textes ont été écrits, quelques grandes décisions ont été prises. Parmi celles-ci, on se souvient de la fameuse nuit du 4 août – quelques semaines après cette scène du 23 juin où Mirabeau s'interposa courageusement – où les privilèges furent abolis.

Cette nuit du 4 août est dans tous les manuels d'histoire, elle fait partie de notre culture commune. Tous les républicains expliquent combien la noblesse avait alors des avantages insensés.

Vous l'avez compris, mes chers collègues, je crois que nous sommes aujourd'hui dans la même situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Et je le dis sans rire. Bien sûr, il n'y a plus de noblesse. Mais la nouvelle noblesse, à qui il ne manque que la particule, a aujourd'hui des privilèges immoraux, indécents, insensés, dont on voit tous les jours des illustrations, et sur lesquels, monsieur le secrétaire d'État, votre silence est assourdissant et, je n'hésite pas à le dire, complice. Je trouve cela intolérable. C'est cette situation qu'il faut combattre, et que vous ne voulez pas combattre, parce que vous pensez que tout cela doit continuer.

Si encore, à côté de cette petite minorité aux privilèges fous, les Français pouvaient vivre à peu près normalement, ce serait certainement moins grave. Mais aujourd'hui, des millions et des millions de Français sont dans la souffrance. Vous les ignorez superbement, vous n'avez pour eux aucune compassion. Je vous mets au défi de me dire comment on peut vivre, survivre, avec quelques centaines d'euros par mois. C'est la situation où se trouvent aujourd'hui plusieurs millions de Français. Alors qu'ils ne peuvent pas vivre, vous continuez à privilégier ces revenus indécents.

Il y a un décalage total entre la jet set parisienne…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Oui, c'est vrai. Cela dit, chez moi, à Denain, pas trop.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Oui, dans l'agglomération de la métropole lilloise, on peut en trouver, en effet.

Il y a un décalage complet, disais-je, entre la jet set française, illustrée par cette fameuse nuit du Fouquet's, durant laquelle ses membres se sont réjouis,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…et la réalité que vivent des millions de Français.

Vous savez, quand mes électeurs me disent : « Pourquoi vous ne leur dites pas, à Paris, aux ministres, comment on vit ? »,…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Il le sait, le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…je réponds que si, je le leur dis, mais qu'ils rigolent, qu'ils se marrent. Ils sont dans l'hilarité, disant que j'exagère, que je fais du Zola.

Eh bien non, monsieur le secrétaire d'État ! Si vous allez les voir, vous verrez comment survivent ces Français.

Je ne dirai pas, car je ne veux pas heurter mes amis, que les mesures proposées dans ce texte sont timides.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Elles ne sont pas timides, mais tout à fait raisonnables, mesurées.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Parmi ces mesures, il y a la suppression du bouclier fiscal.

D'abord, ce serait vraiment un service que vous vous rendriez à vous-mêmes. Parce que ce bouclier fiscal va finir par vous exploser à la figure, tant il est devenu le symbole de l'injustice de ce gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ça ne va pas tarder, et quand il va exploser, vous serez surpris.

Ensuite, monsieur le secrétaire d'État, vous défendez le bouclier fiscal en disant qu'il serait injuste de spolier des Français…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Pas « des » Français : les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…de plus de la moitié de leurs revenus. Moi, j'ai envie de vous répondre, monsieur le secrétaire d'État : est-il juste de laisser des Français avoir faim, avoir froid, ne plus avoir de toit ?

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Cela n'a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Est-ce juste ? Votre réponse montre que vous êtes, au minimum – je l'espère pour vous –, dans l'embarras.

Et puis, la conséquence de tout cela, c'est que les caisses de l'État sont vides. Quand on ne prend pas l'argent où il est, on n'a plus de sous. Et l'on pourrait dresser toute la liste des politiques publiques qui, de ce fait, sont aujourd'hui dans la dèche.

Je pourrais citer beaucoup d'exemples. Prenons celui de l'éducation nationale. On nous fait un cinéma sur la violence qui monte. Mais attendez ! La violence monte d'abord parce que vous avez régulièrement réduit, depuis 2002, la présence d'adultes dans les écoles, les collèges et les lycées. C'est une réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ne me dites pas le contraire ! J'ai été enseignant, j'ai bien vu la baisse régulière du nombre d'adultes dans les établissements. Quand vous n'avez plus de surveillants, les conséquences sont dramatiques.

La suppression des RASED, que nous vérifions en cette fin d'année scolaire, aura elle aussi des effets dramatiques.

Autre exemple : les retraités pauvres. L'ensemble des retraités ont vu leurs revenus augmenter de 1,32 % depuis le début de 2008 : de 1 % durant l'année 2008, et de 0,8 % au cours des quatre premiers mois de 2009. Cette augmentation est très inférieure à l'inflation. Ils ont donc vu leur pouvoir d'achat se dégrader. Et cela pose des problèmes dramatiques aux nombreux retraités qui ont de petits revenus. Mais vous préférez évidemment ne pas en parler : il vaut mieux continuer à conforter les privilèges des hauts revenus.

S'agissant de ces hauts revenus, vous continuez, malgré les déclarations du Président de la République, à laisser faire : parachutes dorés, stock-options – vous les avez défendus il y a encore quelques instants –, salaires indécents…

Notre collègue Muzeau s'est limité à quelques exemples, mais il aurait pu être beaucoup plus prolixe.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Cet ex-PDG de Valeo qui s'en va avec 3,2 millions d'euros, ce n'est pas insensé, monsieur le secrétaire d'État ? Et il vient dire qu'il y a droit ! Eh bien non, il n'y a pas droit ! Parce que quand, dans un pays, les gens ont faim, on ne part pas avec 3,2 millions d'euros ! Non, c'est impossible ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Zacharias, l'ex-PDG de Vinci, il est parti avec 13 millions d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

La précision que vient de donner M. Muzeau est très judicieuse.

Monsieur le secrétaire d'État, ces hauts salaires, il faut les mesurer. Je ne suis pas pour que chacun en France ait le même salaire. À l'évidence, il faut une hiérarchie des salaires. Dans un hôpital, il est normal que le chirurgien gagne plus qu'une dame de service, chacun en conviendra. Mais il arrive un moment, monsieur le secrétaire d'État, où, quel que soit le diplôme, quelle que soit la fonction, quelle que soit la tâche, quel que soit le talent, le salaire doit être limité !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Et en effet, madame Montchamp, fixer un plafond à vingt fois le salaire minimum – on peut discuter, cela peut être vingt-deux fois, vingt-cinq fois –, cela me paraît une mesure de justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Gagner vingt fois le SMIC, cela vous laisse de quoi survivre, madame Montchamp. C'est un très beau salaire. Il ne doit pas être supérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je suis extrêmement en colère, car pendant qu'on affame les Français, on laisse de façon insupportable une petite minorité s'empiffrer. Méfiez-vous du retour de bâton quand ils se révolteront ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe GDR tendant à promouvoir une autre répartition des richesses est, une fois de plus, l'occasion de mettre le Gouvernement et la majorité devant leurs responsabilités sur des sujets essentiels, comme la fiscalité des revenus ou l'encadrement de la rémunération des grands dirigeants d'entreprise.

Ces thèmes prennent une acuité toute particulière aujourd'hui. En effet, la hausse des très hauts revenus, et notamment l'explosion de la rémunération des dirigeants, a une lourde part dans les origines de la crise économique que nous connaissons. Elle n'est plus supportable ni acceptable pour une large majorité de Français

C'est la raison pour laquelle le groupe SRC a défendu une proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité, le 30 avril dernier. Vous avez fui le débat en utilisant la procédure du vote bloqué sur l'ensemble du texte, que vous avez finalement rejeté.

Les discours tonitruants du Président de la République sur la moralisation du capitalisme financier ou la fin des parachutes dorés…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…se sont révélés ce qu'ils sont toujours : illusoires et mensongers. À la première occasion qui vous était donnée d'agir, vous avez trouvé urgent de ne surtout rien changer et de rejeter en bloc nos propositions. Vous le faites encore aujourd'hui.

Parce que vous êtes même gênés par le débat, vous avez refusé de vous prononcer, article par article, sur la suppression du bouclier fiscal, sur le plafonnement de la rémunération des dirigeants à vingt-cinq fois le salaire de base dans l'entreprise ou encore sur la limitation des parachutes dorés et des stock-options.

Alors que les Français sont durement touchés par la crise, que nombre d'entre eux perdent leur emploi, voient leur salaire stagner, leur pouvoir d'achat s'effondrer, notamment les plus modestes, il est incompréhensible de continuer à leur apporter pour seule réponse le renforcement des inégalités en maintenant le bouclier fiscal pour les plus favorisés de ce pays ou de laisser des dirigeants d'entreprises gagner trois cents fois, voire quatre cents fois, le salaire de base dans une entreprise.

Jean-Pierre Brard l'a rappelé : depuis dix ans, les très hauts revenus de notre pays ont explosé comme jamais dans l'histoire. Depuis 2002, le salaire des 90 % des salariés les moins payés stagne ; celui des dirigeants des grandes sociétés s'envole. La croissance annuelle moyenne des très hauts revenus est même plus élevée en France qu'aux États-Unis, auxquels vous faisiez allusion, monsieur le ministre. Le taux de croissance des salaires des 3 500 ménages les plus aisés est de 51 % sur la dernière décennie, seize fois plus que celui des salaires de la grande majorité de la population. La rémunération annuelle moyenne des dirigeants du CAC 40 est passée d'environ 800 000 euros – ce qui n'était déjà pas mal – en 1998 à plus de 2 millions d'euros en 2007, soit une hausse de 150 % ! Quel salarié dans ce pays a eu 150 % d'augmentation récemment ?

Cette hausse est due non pas aux salaires, mais principalement aux stock-options et aux actions gratuites. Une infime minorité, pour ne pas dire une caste ou un ordre, pour reprendre les termes de Patrick Roy, a accaparé les gains de la croissance et capté l'essentiel de la richesse nationale en renforçant massivement les inégalités de revenus. Elle est là, la spoliation, monsieur Novelli.

Cette explosion des inégalités marque une rupture historique par rapport à la situation qui a prévalu pendant près d'un demi-siècle. Et il n'existe absolument aucune justification économique, aucune rationalité à ce niveau de rémunération et à ces écarts salariaux : le montant ahurissant de ces rémunérations ne récompense ni le risque pris ni la performance réalisée par leurs heureux bénéficiaires !

Qui peut croire, en effet, que la valeur travail d'un dirigeant du CAC 40 qui touche trois cents fois le SMIC est, par exemple, cent fois plus élevée que celle d'un patron d'une PME de moins de cinquante salariés, dont la rémunération moyenne est de trois SMIC environ ? Ni nous ni vous-même, monsieur le ministre – c'est trente fois le salaire d'un ministre. Un dirigeant du CAC 40 est-il trente fois plus intelligent et performant que vous ou que Mme Lagarde ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Face à cette situation, dont vous voyez bien qu'elle n'a aucun sens, comment refuser d'encadrer les rémunérations excessives et indécentes en les plafonnant, comme le propose un article de la proposition de loi du groupe GDR ?

Lors du débat du 30 avril dernier, alors que nous le proposions déjà, Mme Lagarde a affirmé que plafonner la rémunération des dirigeants équivaudrait à revenir à une économie administrée. Ces propos caricaturaux ne sont pas sérieux ! Le président Obama, auquel Mme Montchamp a fait allusion, a lui-même proposé un plafonnement à 300 000 ou 500 000 dollars par an. Personne ici n'oserait prétendre que les États-Unis sombrent dans l'économie administrée.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Ce n'est pas encore voté !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Refuser de voter cette mesure, refuser même de débattre du principe et des modalités, c'est en réalité, mesdames et messieurs de la majorité, accepter ces pratiques. Pire, c'est les encourager, alors qu'il faut y mettre un terme comme les Français le demandent.

Tous ces chiffres correspondent à des revenus avant impôts. Et alors que la fiscalité pourrait corriger un tant soit peu ces inégalités, votre politique fiscale depuis 2002 fait tout l'inverse, elle les aggrave. La forte réduction de la fiscalité applicable aux très hauts revenus n'a eu pour seul effet que d'accentuer encore plus ces injustices. Vous avez ainsi dévoyé la fiscalité de ses fonctions essentielles – la redistribution, la correction des inégalités – en creusant davantage ces inégalités.

Je regrette que Mme Montchamp soit partie. Je lui aurais expliqué ce qu'est le bouclier fiscal et qui sont en réalité ses bénéficiaires. Pour l'année 2007, le bouclier fiscal a coûté aux contribuables français plus de 246 millions d'euros et a concerné 15 066 foyers, avec un montant moyen de restitution de 16 380 euros. Cette moyenne, déjà élevée, masque une réalité bien plus choquante.

Les restitutions offertes aux 671 ménages disposant d'un patrimoine supérieur à 15,5 millions d'euros – 100 millions de francs ! – représentent à elles seules 155,6 millions d'euros, soit les deux tiers du coût du bouclier en 2007. La moyenne de restitution accordée à cette poignée de grandes fortunes est de 231 900 euros. Deux euros sur trois payés au titre du bouclier fiscal vont donc aux ménages disposant de plus de 15 millions d'euros de patrimoine.

Ce qui était déjà profondément injuste est devenu insupportable avec l'abaissement du bouclier fiscal à 50 %, que vous avez décidé à l'été 2007. De 2007 à 2008, le coût du bouclier pour l'État a doublé, Mme Montchamp l'a d'ailleurs signalé, alors que le nombre de bénéficiaires est resté stable, ce qui achève de signer le crime. Ce sont définitivement les contribuables disposant des revenus et des patrimoines les plus élevés de France qui profitent du bouclier fiscal : 755 contribuables, assis sur des patrimoines de plus de 15,5 millions d'euros et disposant de revenus supérieurs à 42 507 euros par an, ont vu le montant de leur restitution doubler, atteignant en moyenne 368 000 euros.

Cette somme représente, au choix et selon les goûts, l'équivalent d'un appartement de 52 mètres carrés à Paris, d'une année entière à dormir au Bristol, sans le petit-déjeuner toutefois, de 3 680 dîners au Fouquet's, de plus de soixante Rolex ou, plus prosaïquement, d'un quart de siècle de salaire pour un salarié de Continental, d'un millénaire d'abonnement téléphonique ou de 10 000 ans d'abonnement à Velib'.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

S'ils ne représentent que 5,4 % des bénéficiaires du bouclier, ils en consomment pourtant les deux tiers du coût.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je veux répondre à une affirmation fréquente du Gouvernement, selon lequel le bouclier fiscal concerne les contribuables modestes. Mme Montchamp l'a dit également, sombrant dans l'erreur. Que n'est-elle présente pour entendre les chiffres : les contribuables modestes n'ont que des miettes, les 99 % du coût de la mesure bénéficient aux 40 % de contribuables les plus aisés ! Je regrette vraiment l'absence de Mme Montchamp.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

On lui dira !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Prétendre que le bouclier fiscal a été créé pour ces contribuables modestes relève de l'imposture, car l'administration fiscale leur accordait des remises gracieuses quand il n'existait pas. Vous les utilisez comme bouclier humain pour justifier le bouclier fiscal. C'est indécent ! Nous démontrerons sans relâche le véritable objectif de ce dispositif : exonérer les plus fortunés de l'ISF.

Au-delà du mécanisme du bouclier et de ses effets, il convient de dénoncer son principe même. En effet, l'existence d'un bouclier fiscal pose avec force la question de la justice fiscale. Comment accepter que les bénéficiaires de ce dispositif soient de facto exonérés de toute hausse potentielle de la fiscalité qui serait décidée dans cet hémicycle ? Rappelez-vous le débat que nous avons eu à ce sujet lors de l'instauration du bien mal nommé revenu de solidarité active. Alors que le contribuable lambda finance le RSA, le contribuable aisé en a été exonéré, il ne participe pas à la solidarité nationale.

Cela est totalement indéfendable, et c'est pourquoi le malaise sur cette question a commencé à gagner votre propre majorité. J'en veux pour preuve les déclarations récentes du rapporteur général Gilles Carrez dans un quotidien économique : « Pour des raisons d'équité évidente, il sera impossible d'augmenter les prélèvements sociaux tout en les maintenant dans le bouclier fiscal ».

Allez-vous continuer longtemps à dire aux Français durement touchés par la crise : « Souffrez, serrez-vous la ceinture, surendettez-vous ! » ou, comme l'a déclaré Mme Lagarde, « mettez des pull-overs ! Nous, nous protégeons les plus riches de ce pays » ? C'est d'un bouclier social que les Français ont besoin, surtout ceux qui souffrent le plus actuellement.

Deuxième affirmation mensongère du Gouvernement : le bouclier fiscal évite que la fiscalité soit confiscatoire. Vous avez même parlé de spoliation. Cette idée est totalement fausse, car l'imposition des seuls revenus du travail ne peut déclencher le bouclier fiscal. Vous le savez d'autant plus que le taux moyen d'imposition de l'impôt sur le revenu, donc de l'impôt sur le travail, est aujourd'hui de 8 %. On est très loin des 50 %.

En vérité, il est quasiment impossible d'atteindre avec ses seuls revenus salariaux la limite prévue par le bouclier fiscal. Ce dernier ne s'actionne que lorsqu'on détient un patrimoine. La démonstration la plus flagrante, c'est qu'il fonctionne à plein lorsqu'on possède un patrimoine très important. Seuls 0,08 % des contribuables redevables de l'ISF au titre de la première tranche du barème y sont éligibles.

Les chiffres sont accablants, mesdames et messieurs de la majorité, monsieur le ministre. Cessez de vous cacher derrière les contribuables modestes,…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Je n'ai rien fait de tel !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…et assumez enfin le véritable objectif du bouclier : exonérer les plus favorisés de l'ISF.

Ayez le courage d'assumer cela devant les Français maintenant.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

En cette fin de campagne des élections européennes, je pense notamment aux salariés menacés de licenciement, payés au SMIC et qui n'arrivent plus à faire face. Allez leur expliquer cela et vous verrez l'accueil qu'ils vous réserveront !

Puisque nous parlons de campagne européenne et que cette proposition de loi a trait aux paradis fiscaux, je rends hommage à l'excellent rapport soumis au Parlement européen par M. Benoît Hamon, candidat socialiste aux élections européennes. Ce rapport, qui concerne les paradis fiscaux et le secret bancaire, évalue à 200 milliards d'euros l'évasion et la fraude fiscales en Europe – alors que la somme des plans de relance européens ne dépasse pas 150 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

J'ajoute que le budget européen est de 130 milliards d'euros. En matière de secret bancaire et de paradis fiscaux, le volontarisme et la grande influence du Président de la République se sont donc arrêtés aux marches du Grand-duché du Luxembourg !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je ne parlerai pas des mécanismes d'optimisation fiscale, puisque M. le président m'invite à conclure. Néanmoins, j'évoquerai tout de même ces foyers fiscaux…

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

…dont le patrimoine dépasse 15,5 millions d'euros, et qui ne déclarent pourtant qu'un revenu fiscal de référence de moins de 13 000 euros annuels.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Trente-six contribuables se trouvent dans cette situation : voilà les spoliateurs, monsieur Novelli et madame Montchamp !

En répondant par avance à vos caricatures, je répète que nous ne cherchons pas à pénaliser la richesse ou sa création.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Nous estimons simplement qu'être riche n'est pas un argument suffisant pour se dispenser d'un effort particulier et proportionné de participation à la solidarité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Je conclus, monsieur le président. Le bouclier fiscal était injuste dès l'origine ; il est devenu insupportable dans le contexte de crise que nous traversons. Au lieu de subventionner des nuits au Fouquet's, répondez à l'urgence économique et sociale et changez de politique ! Il n'est plus temps de reconnaître vos erreurs ; il est temps, je le répète, de changer de politique. Les Français l'attendent et le réclament, et cette proposition de loi est l'occasion de le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Abdoulatifou Aly, dernier inscrit dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

La proposition de loi intitulée « Promouvoir une autre répartition des richesses » porte bien son titre, qui atteste en effet qu'elle est très clairement politique, au sens noble du terme – ce qui est bien normal dans ce lieu où s'exerce la souveraineté populaire. Malgré notre désaccord ou nos réserves vis-à-vis de plusieurs des solutions envisagées – mais pas toutes, j'y reviendrai –, ce texte a un mérite non négligeable : celui de poser clairement la question politique essentielle du problème des inégalités croissantes qui marquent notre société contemporaine.

En effet, comment ne pas constater la montée, sur fond de mondialisation, des écarts et des inégalités en tous genres – inégalités de revenus bien sûr, mais plus encore de patrimoine, sans parler des conditions de vie, de l'accès à l'emploi ou à l'éducation ? Plus inquiétant encore : on est en droit de se demander si cet accroissement des inégalités n'est pas aujourd'hui assumé, accepté, sinon voulu dans le cadre du modèle de société mis en place par le Président de la République et sa majorité.

Vous le savez, François Bayrou apporte une réponse positive à cette question. C'est la thèse du livre qu'il vient de publier et, pour ma part, j'y souscris pleinement. On ne peut en effet qu'être troublé d'entendre, de la bouche même du Président de la République, lors de son discours de Saint-Quentin, le 24 mars dernier, les mots suivants : « Une société égalitaire, c'est le contraire d'une société de liberté et de responsabilité ». Voilà qui nous différencie de manière fondamentale. Pour nous, la République, c'est la liberté et l'égalité, et non pas l'une sans l'autre ou l'une contre l'autre.

Toujours sur cette question de l'égalité, vous permettrez au député de Mayotte que je suis d'adresser la remarque suivante à l'attention particulière de nos collègues communistes. Le niveau de vie moyen des Mahorais atteint à peine le cinquième du niveau de vie moyen en métropole. À Mayotte, l'inégalité, croyez-moi, nous savons ce que c'est ! Nos compatriotes, qui ont fait le choix volontaire de rester Français, la vivent tous les jours, sous un statut institutionnel précaire et à bien des égards inique. Nous aurions donc été heureux, chers collègues communistes, héritiers de Proudhon, de Jaurès, mais aussi de Césaire, de vous voir à nos côtés lors de la consultation du 29 mars dernier dans notre île, et lors du débat parlementaire qui l'a précédée, pour oeuvrer avec nous à la création du seul véritable outil qui permettra l'avènement de l'égalité républicaine dans notre île : la départementalisation.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Quel oubli, monsieur Muzeau !

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Au lieu de cela, nous avons entendu de votre part une position dogmatique et figée, comme si les lignes du monde n'avaient plus bougé depuis la chute du Mur de Berlin. Mes chers collègues, vous qui représentez une grande tradition de la vie politique française, ce jour-là, hélas, vous nous avez manqué et vous avez manqué au combat pour l'égalité entre tous les citoyens, dont vous vous réclamez pourtant avec ce texte !

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Cette parenthèse étant fermée, j'en viens au contenu des mesures proposées – même si, faute de temps, je ne pourrai être exhaustif.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Tout d'abord, l'article 1er a pour objet la suppression du bouclier fiscal. Vous connaissez la position du Mouvement démocrate, exprimée à maintes reprises par François Bayrou : nous sommes très clairement favorables à l'abrogation de cette disposition, qui cumule erreur économique et injustice sociale, et dont les effets et la perception dans l'opinion sont encore plus insupportables dans la période de crise économique que nous traversons. Nous vous rejoignons donc à 100 % sur ce point.

Nous vous suivons également dans votre volonté, exprimée à l'article 4, de lutter contre les paradis fiscaux. En interdisant aux banques françaises toute activité avec les paradis fiscaux, vous ouvrez une piste.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Cependant, la réponse à cette question ne saurait être unilatérale ; elle devra être européenne, sinon mondiale.

Nous sommes beaucoup plus réservés, en revanche, sur d'autres mesures telles que l'augmentation des taux de l'ISF ou la suppression totale des stock-options. Nous avons bien sûr le plus urgent besoin d'un modèle de société humaniste, progressiste et républicain, mais nous avons aussi besoin de l'alimenter grâce au carburant que représente une économie dynamique, créative, entreprenante, appuyée en particulier sur les PME et TPE.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Il a raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

C'est là que nous divergeons : vous semblez trop souvent prôner un retour vers des formules qui ont toujours échoué lorsqu'elles ont été appliquées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Non, c'est faux ! Nos propositions n'ont encore jamais été appliquées !

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Votre constat est très largement fondé, et la suppression du bouclier fiscal est une mesure juste ; hélas, une forme d'idéologie hostile aux entreprises sous-tend plusieurs autres de vos mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Au contraire, il n'y a que nous qui défendons les entreprises ! Ce n'est pas le cas de M. Bayrou !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Heureusement que les salariés défendent leurs entreprises, parce que les patrons en sont loin !

Debut de section - PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Voilà donc, pour conclure, le jugement contrasté que nous inspire ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion générale est close.

La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Comme M. Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, vous l'a indiqué ce matin, je vous confirme que, sur le présent texte, le Gouvernement demande la réserve du vote sur les articles et les amendements, en application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vous propose, monsieur le président, avec l'accord de M. le vice-président de la commission des finances, de prendre la parole sur l'ensemble des articles et des amendements, afin de gagner du temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de 4 amendements, nos 11 , 12 , 13 et 14 , respectivement déposés aux articles 1er, 2, 5 et 9, et qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. le ministre a contribué à la clarté du débat par le biais de ses positions de classe – et nous ne défendons pas les mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Et par le biais de sa langue de bois ! Ce n'est pas incompatible…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'invite amicalement notre collègue de Mayotte, M. Abdoulatifou Aly, à rompre sa solitude en nous rejoignant. Il a déjà fait quelques pas vers nous ; il lui suffit de traverser l'hémicycle, et sans doute d'approfondir certaines questions. Ainsi, je suis très étonné par votre position sur l'ISF et sur les stock-options, dont je doute qu'il y ait beaucoup de bénéficiaires à Mayotte. Cela étant, vous commencez à nous intéresser : peut-être pourrez-vous nous apporter les éléments qui justifient votre point de vue…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'y viens ; je vous ai annoncé que nous les traiterions de manière globale. Puisque le ministre a, tout à l'heure, traité nos amendements les uns après les autres, je reprendrai ses propos.

Tout d'abord, il a contesté les miens en prétendant qu'ils n'étaient pas conformes à la vérité. Peut-être n'avons-nous pas la même vérité ; la mienne s'appelle INSEE et Philippe Séguin – je crois qu'elle est incontestable. Vous avez d'ailleurs une façon de présenter la vérité qui ne la met pas directement en cause, mais qui aboutit à en tirer des conclusions contestables. Ainsi, vous avez prétendu que les inégalités n'avaient pas évolué tant que cela depuis 1987, mais vous n'avez pas contesté les inégalités elles-mêmes, ni d'ailleurs le fait que les plus riches mangent la tête dans l'auge – même si je comprends bien que vous n'utilisiez pas cette expression, qui pourrait perturber vos dîners en ville.

Vous nous reprochez de vouloir spolier ceux qui bénéficient du bouclier fiscal. Notre collègue Sandrine Mazetier a très bien expliqué comment cela devait être lu. Quant à votre référence aux prélèvements obligatoires aux Etats-Unis ou ailleurs, elle est particulièrement malvenue puisque, vous le savez, en France, les prélèvements obligatoires sont aussi affectés à l'école ou à la santé publique, tandis que dans d'autres pays qui ont encore beaucoup de progrès à faire vers la civilisation – je pense précisément aux Etats-Unis… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Oui : ne pas avoir le droit de se soigner est un indice essentiel et incontestable de l'injustice sociale. Si l'on ajoute ce que coûte la santé aux particuliers aux Etats-Unis, il va de soi que la comparaison nous devient avantageuse !

S'agissant de l'ISF, vous avez, me semble-t-il, lu à l'envers le rapport de notre bon M. Séguin, Premier président de la Cour des comptes. En effet, il a relevé que l'impôt sur les patrimoines était globalement plus élevé en France que dans d'autres pays de l'Union, l'Allemagne par exemple. Cependant, il n'a pas dit que cela ! Vous avez sans doute fait de son rapport un survol trop rapide…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

J'ai lu les têtes de chapitre !

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Ah non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous n'avez pas mesuré ces détails qui font la difficulté de la vie quotidienne des gens. Quel est l'impôt sur le patrimoine dont s'acquittent la plupart de nos compatriotes ? C'est la taxe foncière. Je pense à ces vieilles dames de ma bonne ville de Montreuil, qui ont été frappées par le décès de leur conjoint et qui sont obligées de vendre leur maison parce que la taxe foncière est trop lourde : voilà la réalité ! En revanche, je n'ai pas entendu dire que le prélèvement sur le patrimoine est trop élevé si l'on s'appelle Tapie !

L'ISF fait débat. Souvenez-vous, monsieur le ministre : à plusieurs reprises, nous avons proposé d'en élargir l'assiette, d'en relever le seuil et d'en abaisser les taux.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

La majorité n'a pas adopté ces propositions !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Or, vous maintenez délibérément les petits riches, si j'ose dire, dans la zone d'appréhension, parce qu'ils vous servent d'alibi. Chacun se rappelle l'affaire de l'île de Ré !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'était la soviétisation de l'île de Ré : des kolkhozes partout !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous exhibez ces anomalies mais ne les réglez pas. En effet, vous vouliez faire croire à la bolchévisation de tous les petits propriétaires, mais vous les conservez parce qu'ils vous rendent service ; c'est à l'abri de ces gens que vous pouvez rendre un chèque de 7 millions d'euros à l'héritière des Galeries Lafayette. Voilà la réalité !

J'en viens à la rémunération et aux différents avantages dont bénéficient les dirigeants d'entreprise – autre sujet sur lequel portent nos amendements. Ce n'est pas nous qui en avons parlé. Nous écoutons le chef de l'État avec beaucoup d'attention, même quand il se mêle de ce qui ne le regarde pas. Or, qu'a-t-il dit à Saint-Quentin, rendant visite à Xavier Bertrand le 26 mars dernier ? Il a annoncé que le Parlement serait saisi à l'automne, si aucun progrès significatif n'était constaté d'ici au mois de juin – nous y sommes. Selon lui, il ne doit plus y avoir de parachutes dorés, de bonus, de distribution d'actions gratuites ou de stock-options dans toute entreprise qui reçoit une aide de l'État et qui – voilà qui rejoint la proposition de loi que nous avons présentée ce matin – met en oeuvre un plan social d'ampleur ou recourt massivement au chômage partiel.

Rappelez-vous, par ailleurs, ce qu'avait dit ce même Président de la République lors de son discours de Toulon : il avait promis qu'on allait légiférer avant la fin de 2008. Or, Noël est passé, le père Noël est reparti depuis longtemps, et on n'a toujours pas légiféré !

Quelle est la fonction sociale, non pas du Président de la République, mais de Nicolas Sarkozy ? On imagine bien la scène : Laurence Parisot et Nicolas Sarkozy réunis pour prendre un petit-déjeuner…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Ah ! Racontez-nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…mais aussi et surtout pour jouer ensemble à un jeu de rôle. La patronne du MEDEF, soucieuse d'éviter que ne se reproduise en France ce qui s'est passé en Allemagne, lorsque les représentants du patronat ont dû aller trouver Angela Merkel pour lui signifier que les mesures de plafonnement des rémunérations des patrons et d'interdiction de distribution des dividendes leur étaient insupportables, a exhorté Nicolas Sarkozy à faire une déclaration à ce sujet. Et celui-ci de déférer immédiatement à cette demande, et la mise en scène habituelle de se dérouler sous les yeux des Français : une déclaration en suit une autre, avant que nos collègues de l'UMP ne relaient à leur tour. C'est sûr, on va légiférer… mais en réalité, on ne légifère jamais !

Vous êtes là en effet, chers collègues de l'UMP, pour couvrir ces excès, car vous servez les intérêts de ceux qui vivent du travail des autres, tandis que nous servons les intérêts de la France qui travaille !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Toute une série d'amendements décline les différentes propositions que j'ai présentées tout à l'heure à la tribune. Cependant, en commission, nos collègues de l'UMP n'ont même pas écouté ceux du Nouveau Centre, et au lieu de sous-amender certaines de nos propositions qui, semble-t-il, pouvaient leur agréer, ils ont préféré s'en tenir à un comportement homicide, en supprimant tous nos articles les uns après les autres, si bien qu'à la fin de la discussion en commission, il ne restait rien ! Il faut que les Français sachent qu'il y a peu de rapport entre ce qui se dit et ce que vous faites, et que vous refusez d'effectuer le moindre geste en faveur d'un peu plus de justice sociale. En cela, vous aggravez la crise dont vous prétendez vouloir nous sortir, car on ne peut s'en sortir qu'en améliorant le pouvoir d'achat. Or, chaque euro que vous donnez aux actionnaires après l'avoir retiré, via les franchises médicales et d'autres procédés, aux gens les plus modestes, contribue à aggraver la crise.

Je ne défendrai pas chacun de mes amendements dans le détail, monsieur le président, considérant les avoir défendus globalement au moyen de la présente intervention – même si j'ai, malheureusement, l'impression de n'avoir pas encore convaincu Hervé Novelli. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. le secrétaire d'État, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ah, je l'ai peut-être convaincu sur certains points !

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Ce débat a permis l'expression de deux visions clairement différentes…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

…et c'est le propre de la démocratie que de permettre la confrontation d'opinions divergentes, dans le respect mutuel qui s'impose.

Vous ne serez pas étonnés que le Gouvernement soit défavorable à l'amendement n° 11 de M. Brard, visant à supprimer le bouclier fiscal, que nous considérons pour notre part comme une mesure juste.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Je sais que L'Humanité est attentive à ce que je dis, et je n'ai rien contre le fait que mes propos y soient reproduits. Je prendrai d'ailleurs prochainement la parole au siège de la CGT, au sujet du financement des petites et moyennes entreprises…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Attention, vous n'êtes pas sûr d'en ressortir !

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Je suis déjà allé débattre à Montreuil avec Jean-Pierre Brard, et j'ai toujours été reçu de manière républicaine, en dépit du fait que nous soyons d'accord sur peu de chose.

Pour ce qui est de l'amendement n° 12 , portant sur les neuf tranches d'imposition sur le revenu que vous voulez créer, j'ai déjà exposé les raisons qui font que je n'y suis pas favorable.

En ce qui concerne l'interdiction des stock-options, objet de l'amendement n° 13 , il en est des actions gratuites comme des stock-options : il convient, non de les interdire, mais de les encadrer, ce à quoi tendent de récentes initiatives du Gouvernement. Je suis donc défavorable à cet amendement, ainsi qu'à l'amendement n° 14 , visant à l'extension aux sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance de la limitation du nombre de mandats d'administrateur pouvant être détenus par une personne physique.

Je voudrais terminer par l'ISF, qui fait l'objet d'un débat depuis de nombreuses années. Je suis sensible à la proposition d'aménagement que vous faites, et je regrette que vous n'ayez pas été suivi, sur ce point, par la majorité à laquelle vous apparteniez, car cela nous aurait peut-être évité quelques débats ultérieurs.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

En guise de conclusion, je voudrais vous donner quelques chiffres, en réponse à Mme Mazetier – car si les chiffres qu'elle a indiqués sont exacts, je n'en fais pas la même lecture.

En 2008, 565 966 personnes en France ont été redevables de l'ISF. La première tranche, c'est-à-dire celle allant de 770 000 à 1 240 000 euros en termes de patrimoine et d'imposition sur le capital, s'applique à 280 723 personnes – soit pratiquement la moitié du nombre total de redevables de l'ISF. Si l'on y ajoute les personnes de la deuxième tranche, on arrive déjà à 500 000 sur un total de 565 000. Preuve est faite que, contrairement à ce que vous pensez, l'imposition sur l'ISF devient une imposition sur la classe moyenne – c'est bien là le problème, et peut-être est-ce ce qui a motivé les aménagements que proposait en vain M. Brard depuis plusieurs années.

Mme Mazetier stigmatise également les contribuables qui exercent leur droit à restitution. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais si ces personnes ont bénéficié, comme vous l'avez justement indiqué, d'un remboursement total de 458 millions d'euros, c'est qu'elles avaient préalablement payé 1,1 milliard d'euros. Pour dire toute la vérité, il faut donner les deux chiffres ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Quant aux 934 contribuables concentrant 307 millions d'euros de remboursements, ils ont payé initialement 585 millions d'euros. Je le répète, quand on donne des chiffres, il faut les donner dans leur intégralité si l'on veut exprimer la vérité. Le problème est sans doute que nous n'avons pas la même.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auront lieu le mardi 2 juin, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, mardi 2 juin à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma