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Intervention de Jérôme Lambert

Réunion du 28 mai 2009 à 15h00
Statut de la société privée européenne et services sociaux d'intérêt général dans l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Lambert :

Il convient, en effet, de se demander pourquoi dix-neuf fédérations ou organisations représentatives des services sociaux et de santé, qui collaborent toutes au sein du collectif Services sociaux d'intérêt général, demandent, de manière urgente, que les services sociaux soient qualifiés de services d'intérêt économique général. Cette qualification leur permettrait de bénéficier d'un cadre protecteur et dérogatoire du droit de la concurrence.

Selon notre rapporteur, cette possibilité est « corsetée » par un contrôle « strict » de la Commission. Il est vrai qu'il est difficile d'apprécier la nécessité et la proportionnalité. Mais la Commission n'est pas à l'abri de tout contrôle. Elle est soumise à celui de la Cour de justice qui, dans un récent arrêt – l'arrêt Bupa de 2008 –, a indiqué qu'il s'agit de ne pas créer de distorsions commerciales inutiles et que, en matière de financement des services d'intérêt économique général, ce contrôle est « nécessairement restreint ».

Il serait souhaitable, par ailleurs, de ne pas entretenir la confusion entre la nature économique d'une activité et le fait qu'elle relève du droit de la concurrence. Une activité même qualifiée d'économique peut tout à fait être exclue du champ des règles de la concurrence, aux termes de l'article 86-2 précité. Le rapport mentionne que « la quasi-totalité des services sociaux relève des activités économiques ». Mais, dans l'article de la revue Actualité juridique du droit administratif de 2008 cité dans le rapport, il est mentionné que « ni les juges ni la Commission n'osent s'engager trop loin dans l'assimilation de tous les services sociaux d'intérêt général à des activités économiques ». C'est précisément parce que tout n'est pas tout blanc ou tout noir qu'un besoin de clarification s'impose. Dans ce contexte, la proposition d'une directive-cadre apparaît indispensable pour mettre fin à ce que la Cour de justice des communautés européenne elle-même dénonce, à savoir l'absence de définition réglementaire claire de la notion de services économiques d'intérêt général, et de moyens de les sécuriser de façon définitive par rapport au champ des règles de la concurrence.

C'est cette incertitude qu'il convient de lever. Dès lors, la position du Gouvernement, telle qu'elle s'est exprimée, tant durant la présidence française qu'au sein de cette assemblée il y a peu encore, est, compte tenu de l'urgence, inacceptable.

Il y a quelques jours, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes défendait sa préférence pour des initiatives législatives, secteur par secteur, alors que c'est avant tout d'un texte cadre que nous avons besoin au niveau européen pour pallier les carences mises en lumière par la Cour de justice. Des directives sectorielles ne pourront pas, par nature, permettre de modifier le statu quo. Elles ne pourront avoir pour objet qu'une dérégulation rampante profitant des incertitudes réglementaires du droit applicable aux services d'intérêt économique général.

La présidence française de l'Union européenne était l'occasion à ne pas manquer. Des membres du Gouvernement et de la majorité s'étaient pourtant fait entendre. Permettez-moi de citer les propos de Mme Roselyne Bachelot : « Nous n'aurons pas la directive-cadre sur les services sociaux d'intérêt général ni la directive sectorielle des services de santé, car il faut une présidence du Conseil qui soit motivée par ces questions. Le problème ne sera-t-il pas d'attendre la présidence française du deuxième semestre 2008 pour arriver à lancer la mécanique d'un outil sur ces questions ? » Selon le député européen Jacques Toubon : « Il y a une fenêtre de tir à ne pas manquer. […] Il convient que la présidence française de l'Union européenne s'attache à la mise en place d'un programme en matière de services économiques d'intérêt général et de services sociaux d'intérêt général. »

Après six mois de présidence, force est de constater qu'aucune décision n'a été prise. Pis, aucune proposition n'a même été faite au niveau ministériel, alors que la France avait la capacité d'influencer l'ordre du jour. À un moment crucial de la transposition de la directive Services, on a fait l'impasse sur un débat déterminant pour l'avenir des services sociaux.

L'inaction du Gouvernement en matière de services publics et de services sociaux est patente. Il ne peut se retrancher derrière l'absence de volonté ou la réticence des autres États membres.

Le groupe socialiste radical et citoyen a, pour sa part, déposé une proposition de résolution tendant à sécuriser les services sociaux par rapport au champ d'application de la directive Services. Il faut que notre assemblée en soit saisie sans plus attendre. Le contrôle du Parlement ne peut être éludé sur des questions aussi importantes, touchant au plus près la vie quotidienne de nos concitoyens.

Tant pour son inaction sur ces questions lorsqu'il était à la tête de la présidence de l'Union, qu'actuellement dans sa conduite essentiellement technocratique du processus de transposition qui laisse craindre certaines dérives, le Gouvernement doit être mis face à ses responsabilités. La marge de manoeuvre dont dispose la France dans le cadre de la transposition en droit national est considérable. Il en va de la responsabilité directe du Gouvernement, non de celle des institutions européennes. C'est à nous, parlementaires français, qu'il revient de jouer pleinement notre rôle. C'est là, mes chers collègues, que nous vous attendons. Pour notre part, nous serons fidèles au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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