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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 28 mai 2009 à 15h00
Statut de la société privée européenne et services sociaux d'intérêt général dans l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je me réjouis que cette discussion ait lieu aujourd'hui. En effet, je suis de ceux qui regrettent que nous n'ayons pas été capables d'organiser dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale un vrai et beau débat sur les enjeux européens – alors même que des travaux sur le sujet ont été menés au sein de la commission chargée des affaires européennes. Un tel débat aurait contribué à éclairer nos concitoyens et aurait aidé à préciser certains des enjeux d'une campagne qui accorde une place prépondérante aux sujets nationaux, au détriment des questions européennes. Bien des électeurs ont aujourd'hui du mal à comprendre les enjeux des élections européennes, qui ne sont pas mis en avant, qui ne sont pas expliqués : le Gouvernement et le Président de la République ont d'ailleurs une lourde responsabilité en la matière. Le chef de l'État n'a-t-il pas consacré toute la matinée d'aujourd'hui à parler à la télévision, de façon très solennelle, des violences à l'école ? Le sujet est très important, mais nous sommes à quelques jours de l'élection européenne : il serait peut-être temps de parler de cela, d'autant que les enjeux européens auront des répercussions extrêmement fortes sur la vie de nos concitoyens.

Même si mes analyses sont parfois différentes de celles du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je le remercie d'avoir inscrit à l'ordre du jour cette proposition de résolution qui nous permet de débattre et nous donne aussi l'occasion de donner quelques explications.

Il me semble que la proposition de résolution adoptée par la commission chargée des affaires européennes de l'Assemblée nationale, relative aux SSIG dans l'Union européenne, aurait pu faire l'objet d'un débat en commission des affaires sociales, puis en séance. Je regrette que cela n'ait pas été le cas, et je ne vois pas pourquoi il fallait que ce texte soit discuté après les élections européennes.

Je suis l'un des auteurs du rapport de la commission chargée des affaires européennes sur les services sociaux d'intérêt général, et je vous parlerai donc principalement de ce sujet. En fait, la question des SSIG concerne deux sujets bien distincts. Le premier est relatif au cadre juridique européen applicable aux SSIG. Le rapport dont je suis l'auteur, notamment avec Mme Valérie Rosso-Debord, porte essentiellement sur ce point et traite, disons-le clairement, des aides d'État – avec, en particulier, le paquet Monti-Kroes et les problèmes rencontrés par les services sociaux français en termes d'insécurité juridique.

Le second sujet, qu'il ne faut pas confondre avec le premier, concerne la transposition dans notre droit national de la directive Services. Notre rapport n'aborde pas explicitement cette question, qui doit faire l'objet d'un travail ultérieur au sein de la commission chargée des affaires européennes. Nous aurions certes pu discuter de ce sujet dès aujourd'hui, mais le calendrier prévu pour la transposition s'étale jusqu'à la fin de l'année 2009. Un travail dit de screening est en cours, s'agissant notamment des régimes d'autorisation. Ses résultats ne seront transmis à la Commission européenne qu'à la fin de l'année ; alors seulement se posera la question de la transposition de la directive – même si des éléments, tel le rapport Thierry, donnent déjà un certain nombre de pistes.

Je reviens donc au premier aspect de la question. Oui, il est nécessaire que les services sociaux d'intérêt général bénéficient d'une reconnaissance législative au niveau européen. En effet, ils sont aujourd'hui menacés par une jurisprudence de la Cour européenne, en partie reprise dans le paquet Monti-Kroes, et dont les effets demeurent très négatifs. Aujourd'hui, la Cour européenne et la Commission ont une vision binaire des services publics : pour elles, soit ils doivent être délégués de manière très limitée par l'autorité publique, soit ils relèvent du marché et des entreprises privées. Les pays du Nord de l'Europe partagent cette vision. La plupart de leurs services publics sont soumis au régime de la régie ou à des délégations de service public, avec une « obligation de prester » extrêmement limitée et contraignante.

Or il existe sur cette question un particularisme français – même si cela vaut aussi pour d'autres pays. Cette originalité est à la fois intéressante et forte, puisque des associations relevant du secteur privé se sont investies dans des missions de service public. Elles ont même été à l'origine de la création d'un certain nombre de missions de service public – par exemple dans la lutte contre le sida ou contre la toxicomanie. Dans ces domaines, si la France avait mis en oeuvre la conception européenne des services publics, nous en serions sans doute encore aujourd'hui à attendre que cela bouge. Car, si l'autorité publique avait dû passer un marché, elle n'aurait trouvé personne pour s'occuper de prévention et d'information dans la lutte contre le sida.

L'initiative privée a donc permis de prendre en charge certains problèmes relevant des services publics. Une telle possibilité de partenariat entre le secteur privé, principalement le secteur privé associatif, et l'autorité publique est précieuse. Elle est menacée par la politique européenne, mais il faut la préserver. Pour ce faire, la France – ou les autres pays concernés, comme la Belgique – doit parvenir à faire comprendre à la Commission européenne la nécessité de construire un cadre juridique européen. Une directive doit reconnaître la spécificité des SSIG afin qu'ils puissent continuer d'être subventionnés – car ce sont bien les subventions que la question des aides d'État met en cause.

Certaines institutions européennes – le Comité des régions, par exemple – sont intervenues dans ce sens. Dans un premier temps, le commissaire européen Vladimir Špidla a même clairement affirmé que la Commission européenne s'orientait vers l'élaboration d'un cadre législatif. Cette dernière a toutefois mis un coup d'arrêt à cette évolution et M. Špidla a manifestement été mis en minorité. Résultat : il n'y a pas aujourd'hui de directive Services ni d'instrument juridique satisfaisant pour les services sociaux d'intérêt général.

Comment sortir de cette situation ? Je ne mets pas en cause la sincérité de nos engagements respectifs : nous sommes tous défenseurs des SSIG – ce fut le cas, par exemple, de M. Toubon lorsqu'il était député européen. Mais des divergences subsistent entre nous quant aux solutions à adopter.

Le traité de Lisbonne contient des éléments qui pourraient nous permettre de reprendre le débat sur cette question. L'un des protocoles du traité raffermit ainsi l'assise juridique en matière de reconnaissance des services publics. Mais, surtout, le traité permet que la question ne soit plus du seul ressort de la Commission. Une capacité d'impulsion est désormais reconnue au Parlement européen et au Conseil européen. Une base juridique existe donc, qui devrait nous permettre de demander à nouveau que les services sociaux d'intérêt général fassent l'objet d'une directive spécifique.

Les élections européennes approchent. Désormais, le Parlement européen jouera un rôle extrêmement important dans la nomination des commissaires européens – il s'agit d'un autre élément intéressant du traité de Lisbonne. Notre rapport suggère que les groupes politiques fassent de l'engagement clair de la future Commission sur les services sociaux d'intérêt général un critère pour sa nomination. Chaque groupe se déterminera et nous verrons bien ce qu'il en est de la sincérité des engagements des uns et des autres.

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