Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 28 mai 2009 à 15h00
Promouvoir une autre répartition des richesses — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les politiques économiques conduites par les gouvernements successifs depuis 2002 se sont fixé pour unique objectif d'adapter notre économie aux exigences et aux contraintes du business model des entreprises et des grands groupes, dont l'essentiel de l'activité, rappelons-le, est orienté vers la création de valeur pour l'actionnaire.

Afin de faire de notre pays un paradis pour les actionnaires et d'ouvrir la voie au règne d'une concurrence pure et parfaite, vous avez recouru à tous les instruments politiques à votre disposition.

Votre politique s'est traduite par la baisse de la fiscalité des entreprises, la déréglementation des secteurs de l'énergie et des transports, le démantèlement des services publics, l'assouplissement du droit du travail et la casse des acquis sociaux.

Vous vous êtes, pour les mêmes raisons, attachés à conduire une politique de rigueur salariale et de baisse continue du coût du travail, qui nous a valu une véritable explosion du nombre des emplois précaires et du nombre de travailleurs pauvres.

Vous vous êtes dans le même temps fait les avocats d'une libéralisation des hauts revenus, en tentant d'expliquer aux Français que la hausse des revenus des plus riches était un facteur de relance de l'activité qui permettrait d'élever par là même le pouvoir d'achat de tous. C'était une reprise de la trop fumeuse formule de droite : « les licenciements d'aujourd'hui seront les emplois de demain ».

Les Français n'ont cependant jamais vu aucun signe de cette dynamique, pour l'excellente et unique raison qu'elle n'est fondée sur aucune réalité économique.

Ce que nos concitoyens peuvent en revanche constater, c'est l'aggravation sans précédent des inégalités, le recul de leur pouvoir d'achat, la hausse du chômage et la disparition progressive des services publics.

Ces inégalités se traduisent d'abord dans les écarts de revenus et de patrimoines, qui se sont creusés dans des proportions vertigineuses puisque désormais le centième des plus riches détient à lui seul la moitié du patrimoine financier total et qu'a contrario des millions de nos concitoyens sont condamnés à vivre sous le seuil de pauvreté.

Comme le dénoncent d'ailleurs, année après année, les rapports de la fondation Abbé-Pierre, de la fondation ATD Quart-Monde, le Secours populaire, mais aussi les outils statistiques de l'État – l'INSEE notamment –, la France est le pays d'Europe où la proportion de salariés payés au salaire minimum est la plus forte : 15 % des salariés à plein temps. Des millions d'autres doivent se contenter d'emplois précaires à temps partiel.

Le gel des salaires et la précarisation de l'emploi ne sont pas des effets de la conjoncture économique. Ils sont le fruit de choix politiques qui se sont traduits notamment, dès le milieu des années quatre-vingt, par l'abandon de l'indexation des salaires, laquelle a ouvert la voie à la reconquête du capital. Or vous continuez de défendre le caractère prétendument vertueux de cette politique, au nom de la compétitivité, alors qu'elle ne s'appuie sur aucun argument économique sérieux, en particulier dans la période de crise que nous traversons.

Nombreux sont d'ailleurs les économistes, pas seulement à gauche, qui vous invitent aujourd'hui à reconsidérer vos positions, à vous engager dans une politique de revalorisation des salaires et de rattrapage du pouvoir d'achat. Si ce rééquilibrage est une nécessité économique et une condition du retour à une croissance saine et durable, il porte également une exigence de justice.

C'est le sens de la proposition de loi que nous défendons aujourd'hui. Nous jugeons tout d'abord indispensable que le législateur agisse pour garantir une juste répartition des revenus au sein des entreprises. Alors que des centaines de milliers de nos concitoyens perdent leur emploi, que des millions d'autres sont contraints de se serrer la ceinture, nul ne peut décemment accepter que des dirigeants d'entreprise, eux-mêmes actionnaires, s'approprient l'essentiel de la richesse créée au détriment des salaires comme au détriment de l'investissement productif et de la création d'emplois.

L'annonce en mars dernier de l'octroi par la Société générale de 320 000 stock-options à quatre de ses dirigeants, l'attribution de 3,2 millions d'euros à l'ex-PDG de Valeo, le versement de 51 millions d'euros de bonus aux dirigeants d'une filiale du Crédit agricole, l'attribution de 1,1 million d'euros de stock-options aux dirigeants de GDF, tous ces scandales récents – et on en compte bien d'autres ! – ont suscité dans l'opinion une prise de conscience brutale du caractère insupportable de ce capitalisme de casino, qui entend continuer dans la logique désastreuse qui lui est propre et qui a conduit à la crise actuelle.

Face au légitime mouvement de protestation de l'opinion publique, votre Gouvernement a tenté de faire diversion en rédigeant à la va-vite un décret pour encadrer de façon minimaliste, et jusqu'en 2010 seulement, les bonus des seules entreprises aidées par l'État. Cette mesure ne vise qu'une petite poignée des entreprises – six banques et quatre entreprises – qui licencient à tour de bras ou recourent au chômage partiel et au sein desquelles les rémunérations des dirigeants échappent à toute limitation.

Il existe pourtant des moyens efficaces de lutter contre ces pratiques socialement injustes et économiquement ruineuses, ainsi que l'ont rappelé, du reste, les récents rapports de la Cour des comptes.

Nous proposons ainsi de prendre quelques mesures simples, des mesures de bon sens, que vous dénoncerez probablement comme dirigistes, mais que nous défendrons comme des mesures de justice : suppression des stock-options, taxation des parachutes dorés, et surtout plafonnement des rémunérations annuelles des dirigeants des grandes entreprises au niveau qui correspond à peu près à celui perçu par les patrons des PME, soit de trois à vingt fois le montant du salaire minimal applicable dans l'entreprise considérée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion