La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne pour la relance européenne et le renforcement du contrôle démocratique (n° 4196).
La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, l'Europe est en proie à une crise sans précédent qui ébranle ses fondements et fait douter les peuples qui la composent. Cela a commencé avec la crise des subprimes, qui s'est diffusée en Europe comme dans le reste du monde. Cela s'est poursuivi avec la crise des dettes souveraines. Cela se prolonge avec la menace sinon de la récession du moins d'une croissance atone.
Alors que, dans les autres parties du monde, la sortie de crise est une réalité, elle reste encore hypothétique en Europe. L'Europe n'était certes pas préparée à affronter une telle situation, mais elle a beaucoup tâtonné et perdu du temps, ne se décidant le plus souvent à agir qu'une fois le dos au mur.
Il ne s'agit pas pour nous de nier tout ce qui a été fait ou de rejeter par principe toutes les solutions qui ont été élaborées. On peut faire une critique radicale des insuffisances de la réponse européenne ; une autre chose est de bâtir une stratégie véritablement efficiente pour défendre les acquis de la construction européenne, en particulier l'euro, et remettre l'Europe dans la bonne direction.
Dans le processus qui s'est mis en mouvement pour tenter de résoudre la crise des dettes souveraines en Europe, deux aspects nous paraissent devoir être soulignés, et c'est l'objet de la proposition de résolution qui vous est soumise ce matin.
Le premier, c'est la manière dont ont été élaborées les réponses à cette crise mais aussi la manière dont elles sont mises en oeuvre. Au niveau tant des modalités de discussion et de décision que de la mise en oeuvre des décisions, le processus est marqué par un grand déficit démocratique. Cela nous inquiète car, sans adhésion des peuples et de leurs représentants, il ne sera pas possible de surmonter cette crise. Il y a même un véritable risque de chaos, on le voit en Grèce, à vouloir à toute force imposer des solutions qui ne sont pas acceptées.
Ce déficit démocratique s'est d'abord manifesté dans la manière dont l'Union européenne a traité la crise. Le processus de décision a été conduit à marche forcée, à coups de sommets répétitifs et de rencontres franco-allemandes. Les institutions européennes ont été marginalisées, les parlements nationaux ont été ignorés, le Conseil européen a parfois été relégué ; je pense notamment aux propositions de M. Van Rompuy à propos du traité budgétaire, qui ont été écartées. C'est dans ce contexte que s'est élaborée cette réponse.
Je suis pour ma part convaincu que, si d'autres méthodes avaient été appliquées, d'autres solutions auraient peut-être été retenues. Il ne fait nul doute pour moi que, si le traité budgétaire avait été préparé au sein d'une convention, comme cela aurait pu être le cas, sa physionomie en aurait été changée.
C'est en réalité un fonctionnement totalement atypique qui s'est mis en place, centré quasi exclusivement sur le couple franco-allemand. Certains s'en réjouiront, considérant que l'éclatement du cadre institutionnel européen est une condition pour avancer. Je ne fais pas partie de ceux-là.
Ce fonctionnement n'est pas bon pour l'Europe. Il risque de susciter la colère de ceux qui ne se sentent pas suffisamment partie prenante de la discussion. De nombreux États ont d'ailleurs dénoncé le couple « Merkozy », et de nombreux peuples s'interrogent sur ces décisions que l'on voudrait leur imposer.
Ce fonctionnement n'est pas bon pour la France. On pourrait se réjouir de figurer dans l'axe qui impulse, voire impose, les solutions, mais, en réalité, le couple franco-allemand est profondément déséquilibré. Nous avons le sentiment que, dans les discussions qui ont opposé la France et l'Allemagne sur la BCE, sur le fonds de stabilisation, sur les euro-obligations, sur le caractère contraignant de la discipline budgétaire, sur la taxe sur les transactions financières, ce sont chaque fois les positions allemandes qui ont prévalu.
Certains diront : « Oui, mais nous avons obtenu un gouvernement économique. » C'est vrai, mais celui-ci fonctionnera aux conditions allemandes : d'abord le budget et la discipline ; ensuite la croissance, mais une croissance vue uniquement sous l'angle de la compétitivité et des coûts salariaux. Si le couple franco-allemand donne à la France l'illusion de sa grandeur passée, il est surtout, pour l'Allemagne, un habillage utile pour faire entériner ses décisions.
Le déficit démocratique, c'est aussi la caractéristique des dispositifs qui ont été mis en place pour contraindre les États à la discipline ou à appliquer des programmes d'ajustement : sanctions automatiques ; judiciarisation de la discipline budgétaire avec l'intervention de la Cour de justice de l'Union européenne ; mise sous tutelle des États placés sous assistance, avec notamment, la perspective des two packs, sont autant de dispositions qui visent à écarter les représentants des peuples de leurs responsabilités.
Qu'il soit nécessaire de définir un cadre commun dans lequel les engagements soient garantis, nous en sommes d'accord et nous ne le contestons pas, mais ce cadre doit associer les représentants des peuples et non les écarter.
II nous faut donc revenir à un autre mode de fonctionnement, plus équilibré, plus respectueux des institutions européennes mais aussi des institutions nationales.
Sur ce plan, il faut se réjouir que, notamment grâce à l'action de M. Pierre Lequiller, le traité budgétaire prévoie la participation des parlements nationaux à la discussion des questions budgétaires.
Bravo, monsieur Lequiller !
Cela reste cependant insuffisant.
II faudra par ailleurs, au niveau national, renforcer les procédures de contrôle du Parlement, en particulier de l'Assemblée nationale, sur les dispositifs européens, notamment sur le Mécanisme européen de stabilité, mais nous en débattrons la semaine prochaine. Il faudra que notre assemblée soit plus présente sur ces questions et que son contrôle soit effectif.
Le deuxième aspect qui nous a conduits à déposer cette proposition de résolution européenne est la nature de la réponse économique et financière à la crise. Nous contestons en effet l'approche retenue dans l'élaboration du traité budgétaire, et nous demandons la renégociation de ce dernier.
Nous contestons l'approche retenue sur trois points.
Premièrement, nous considérons que la coordination des politiques budgétaires et économiques ne peut pas être vue uniquement sous l'angle de la convergence.
L'article 9 du traité budgétaire dispose : «[...] les parties contractantes s'engagent à oeuvrer conjointement à la définition d'une politique économique qui favorise le bon fonctionnement de l'Union économique et monétaire et qui prône la croissance économique grâce au renforcement de la convergence et de la compétitivité ».
Pour nous, la convergence est la finalité et non le moyen. La zone euro est profondément hétérogène et appliquer la même politique à tous les États qui la composent ne peut qu'accentuer cette hétérogénéité. C'est un grave contresens que de substituer la convergence à la coordination.
Une zone monétaire doit, de notre point de vue, fonctionner avec des transferts, avec une meilleure coordination des différentes politiques économiques, en fonction des spécificités et des particularités de chacun des pays européens. Il n'est pas vrai que nous ferons de chacun des pays européens une petite Allemagne. Ce n'est pas souhaitable et c'est illusoire.
Deuxièmement, l'ajustement budgétaire demandé aux pays européens doit être soutenable. L'assainissement budgétaire est indispensable car, au-delà d'un certain niveau d'endettement, nous le savons, la situation n'est plus viable ; mais il ne peut se faire dans de bonnes conditions que si les pays ont accès à la liquidité. À ce titre, nous répétons encore une fois que la BCE a un rôle important à jouer. Elle le joue, certes, depuis quelques mois, mais c'est tardivement et sans aucune garantie qu'elle continuera à le faire dans le futur.
Troisièmement, la croissance passe par l'investissement, et pas seulement par des mesures structurelles. Il est absolument nécessaire de mettre en place une politique d'investissements européens. Las, dans ce qui est proposé au niveau européen, cette politique fait défaut.
De nombreuses propositions ont pourtant été formulées en la matière. Cela pourrait passer, par exemple, par l'augmentation des capacités d'emprunt de la Banque européenne d'investissement. Cela pourrait passer, et c'est la proposition de la Commission européenne, par la mise en place de project bonds qui permettraient à la Commission de financer par l'emprunt un certain nombre de projets. Cela passe également par un budget européen profondément rénové et sans doute augmenté, alimenté par une taxe sur les transactions financières. Il y a là aussi des ressources financières qui peuvent être mobilisées pour doper l'économie européenne.
Nous pensons qu'il convient de mettre en place un véritable fédéralisme de projets dans un certain nombre de domaines et qu'il faut dégager des moyens pour cela. On ne peut pas condamner l'Europe à l'austérité généralisée. Il faut mettre en place des politiques de soutien et de relance. Ce qui menace l'Europe, c'est la récession, c'est la déflation, ce n'est pas l'emballement de l'inflation ; il ne faut pas se tromper de diagnostic.
C'est pourquoi, si nous approuvons le traité sur le Mécanisme européen de stabilité, dont l'Europe a effectivement besoin pour garantir sa stabilité et dont les pays les plus fragiles ont besoin pour surmonter leurs difficultés, nous ne pouvons accepter le traité budgétaire en l'état.
Les élections présidentielle et législatives seront aussi l'occasion, pour les Français, d'imprimer un nouveau cours à l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, il est difficile d'être en désaccord avec l'intitulé de la proposition de résolution. Qui ne souhaite pas relancer l'économie européenne ? Qui ne souhaite pas voir se poursuivre la démocratisation du fonctionnement des institutions européennes ?
Je n'aurai donc, dans ce début d'harmonique, que quelques bémols à apporter. D'abord, cette Europe démocratique, pleinement investie dans la stimulation de la croissance, c'est celle que nous construisons. Par ailleurs, quand elles ne confortent pas notre action, les solutions que vous proposez, monsieur le rapporteur, sont quelquefois utopiques, ou dangereuses.
Enfin, il faut que les propositions aient une cohérence d'ensemble, que les nécessaires équilibres entre la Commission, l'intergouvernemental, le Conseil et le Parlement soient respectés.
Je vous remercie, monsieur Caresche, de conforter la position du Gouvernement par vos propositions. La proposition de résolution affirme en effet que « la croissance et l'emploi doivent être au coeur de nos priorités ». Or c'est précisément ce qui a inspiré les mesures que nous avons annoncées le 30 janvier. Je me permets de rappeler que, parallèlement aux traités sur le Mécanisme européen de stabilité – MES – et sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – SCG –, une déclaration, qui, loin d'être incantatoire, était extrêmement réaliste, faisait des propositions concrètes. Ainsi, les fonds structurels non utilisés, qui représentent 82 milliards d'euros, seront réaffectés à des projets en faveur de l'emploi, notamment l'emploi des jeunes, en utilisant le Fonds social européen à hauteur de 22 milliards ; nous améliorerons le financement des petites et moyennes entreprises, en allégeant leurs obligations comptables et en encourageant le développement du capital-risque. Je ne doute pas que chacun, dans l'hémicycle, partage ces deux objectifs.
Vous proposez d'autre part de relancer l'investissement en mettant en place une politique budgétaire et monétaire favorable à la croissance, un budget européen réformé, de nouvelles politiques communes. Cela valide totalement l'action du Gouvernement et celle de la France au sein de l'Europe et les décisions qui y sont prises.
Oui, il faut créer une taxe sur les transactions financières. Vous avez pu constater que cette décision, qui, à l'initiative de la France, était à l'ordre du jour du G20, continue à faire son chemin, à tel point que la France a dit que, si elle ne voulait pas y aller seule, elle était prête à y aller la première et à tout faire pour que la taxe soit efficace.
Oui, il faut soutenir l'investissement. La Commission travaille précisément pour encourager le développement du capital-risque et la mise en place des project bonds, qui permettront de financer des projets concrets et favoriseront le développement économique des régions, en particulier des régions frontalières.
Oui, il faut réformer le budget européen pour lui donner plus d'efficacité. C'est la position que défend la France au Conseil des affaires générales européen dans les négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel 2014-2020 : nous pensons que nous pouvons dépenser mieux et dépenser moins. Dans ce contexte, nous demandons une évaluation de toutes les politiques budgétaires et des fonds structurels qui sont attribués.
La proposition de résolution veut également « donner plus de poids au Parlement européen et aux Parlements nationaux ». À l'initiative de la France, et grâce à l'action essentielle de Pierre Lequiller, le traité SCG permet au président du Parlement européen de participer à certains sommets de la zone euro. Sur la base d'une initiative française, il met également en place une conférence parlementaire, qui réunira les représentants des commissions concernées du Parlement européen et des Parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et des projets européens.
Par ailleurs, vous réclamez une plus grande démocratisation du processus décisionnel européen, dont vous critiquez la lenteur. Est-il vraiment illégitime que des chefs d'État et de gouvernement, élus démocratiquement par les différents peuples, puissent prendre certaines décisions lorsque l'urgence le réclame ? Souvent, la lenteur que nous avons constatée s'expliquait par les délais de la validation, par l'ensemble des Parlements, des décisions qui avaient été prises. Qu'on songe à ce qui s'est passé pour l'extension du Fonds européen de stabilité financière, qui a été demandée par la France, acceptée par nos amis allemands et l'ensemble des pays européens, et qui a dû être validée ensuite par les vingt-sept Parlements nationaux.
J'ai bien entendu la critique sur le système « merkozien ». Mais si la France et l'Allemagne ne prenaient pas l'initiative, qui le ferait ? Avez-vous vu, pendant la crise, une proposition qui émane de la Commission et qui soit susceptible d'entraîner l'adhésion de l'ensemble des pays européens ? Heureusement qu'il y a une forte entente franco-allemande pour faire avancer ces projets.
Certes, c'est un jeu de demander qui, de la France ou de l'Allemagne, a gagné. Si un gouvernement économique européen se constitue, si le Fonds européen de stabilité financière s'est étendu, si le Mécanisme européen de stabilité a permis de mettre en oeuvre une solidarité envers l'ensemble des peuples, ne le doit-on pas à l'initiative de la France ? Ne lui doit-on pas aussi le fait que la Banque centrale européenne, agissant en toute indépendance, ait fait en sorte d'apporter 200 milliards d'euros sur les dettes souveraines et des liquidités à hauteur de 500 milliards d'euros ?
Lorsque je vais en Allemagne, les journalistes me demandent volontiers pourquoi la Chancelière cède toujours devant le Président de la République française. Dès que je reviens en France, on me pose la question inverse : pourquoi la Chancelière allemande impose-t-elle toujours ses décisions au Président de la République ? La méthode communautaire, c'est le compromis. Vingt-sept États sont autour de la table, dix-sept dans la zone euro. Ce n'est pas céder que de faire un pas vers l'autre, et ce n'est pas céder que de construire l'Europe ensemble.
Vous avez évoqué les euro-obligations. Vous savez très bien qu'il ne serait pas acceptable, aujourd'hui, vis-à-vis de l'opinion publique allemande et française, que les dettes soient mutualisées. Allez expliquer aux Français que la dette grecque doit être mutualisée, sans que la Grèce ne consente aucun effort particulier. Allez expliquer que les 130 milliards qui ont été donnés par l'Europe, les 100 milliards de dettes privées qui ont été effacées doivent être totalement mutualisés. Les Français, j'en suis sûr, comprennent parfaitement que cette mutualisation de la dette passe d'abord par une rigueur budgétaire acceptée par tous.
Je n'accepte pas l'idée que la Grèce soit sous tutelle, car on ne met pas les peuples sous tutelle. Je n'accepte pas davantage que l'on dise que l'Europe punit la Grèce. L'Europe aide la Grèce. À qui fera-t-on croire que, en donnant 230 milliards d'euros à un pays en difficulté, on entend le punir ? Si le peuple grec se réforme, ce n'est pas contre la rigueur présente, mais contre le laxisme passé.
Vous avez demandé aussi que le traité soit révisé. Je n'insisterai pas sur ce sujet. J'ai d'abord entendu parler de « révision », puis d'« ajout », et enfin d'« inflexion ». Qui peut croire un seul instant qu'un traité se renégocie à l'occasion d'un changement de gouvernement ?
Je ne suis pas ministre depuis très longtemps, mais j'ai déjà vu les Grecs, les Italiens, les Espagnols et les Danois changer de gouvernement.
Que se passerait-il si, chaque fois que le gouvernement d'un pays européen change – qu'il passe de gauche à droite ou de droite à gauche –, on réunissait les Vingt-sept pour renégocier les traités ? Est-ce une méthode qui a été utilisée par le passé ? Jamais !
Une telle méthode ne déstabiliserait-elle pas l'Europe, ne la livrerait-elle pas à l'instabilité et donc aux spéculateurs ? Cela ne serait-il pas contraire à l'objectif que, j'en suis sûr, nous poursuivons tous ?
Cette proposition de résolution, enfin, ne me paraît pas avoir la cohérence nécessaire. Il faut, c'est vrai, de la discipline et de la solidarité. Mais on a déjà vu la solidarité sans la discipline : cela s'appelait l'aide à la Grèce. Depuis dix ans, la Grèce a reçu 240 milliards d'euros. Si ces fonds avaient été utilisés pour la croissance et l'emploi, en particulier pour la formation de la jeunesse, croyez-vous que la Grèce serait dans l'état où elle se trouve aujourd'hui ? La rigueur budgétaire n'aurait-elle pas sauvé ce pays, n'aurait-elle pas évité au peuple grec la situation difficile qu'il subit ? Oui, il faut la croissance et l'emploi, mais soutenus par ces deux piliers que sont la solidarité envers les peuples et la discipline budgétaire.
Enfin, au détour de cette proposition de résolution, vous proposez de séparer activités de dépôt et activités d'investissement des banques. Je rappellerai à ce propos que Northern Rock, la banque britannique qui était en faillite, était une banque de dépôt, et que Lehman Brothers, qui était en faillite de l'autre côté de l'Atlantique, était une banque d'investissement. Une banque n'est donc pas protégée de la faillite et des difficultés parce qu'elle ne s'occupe que de dépôts.
En réalité, en dehors de la confortation de l'action du Gouvernement et des actions qui sont menées au niveau européen, rien dans cette proposition ne me paraît aller dans le sens de ce qui est souhaitable. Nous voulons plus d'Europe, nous voulons mieux d'Europe. Nous voulons une Europe plus intégrée, dans laquelle il y ait un contrôle démocratique plus fort pour que l'Europe populaire ne cède pas devant des nations populistes. Les traités sur le MES et sur le SCG sont équilibrés, ils permettent de reprendre pied au niveau économique mondial et de faire en sorte que la solidarité s'exerce en même temps que la discipline. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution dont nous discutons aujourd'hui a plusieurs ambitions.
Elle entend rappeler que les Parlements nationaux, et le nôtre en particulier, doivent être saisis de ce qu'on appelle le « semestre européen ».
Elle propose d'insister pour que, avant chaque conférence intergouvernementale, les Parlements nationaux débattent des politiques économiques et budgétaires et fixent des orientations.
Elle rappelle que la politique européenne elle-même, notamment lorsqu'elle doit viser à nous faire retrouver la prospérité par une politique volontariste d'investissement et de développement industriel, ne se réduit pas aux outils mis en oeuvre.
Elle insiste pour que nous allions vers un budget européen disposant de ressources propres, c'est-à-dire alimenté par un ou des impôts de niveau européen, et non par les seules contributions des États membres.
De façon très concrète, elle revient sur les mesures de nature à concilier stabilité et solidarité au sein de la zone euro entre États, à savoir : un Mécanisme européen de stabilité qui puisse se refinancer auprès de la Banque centrale européenne ; une BCE qui joue pleinement son rôle en élargissant sa fonction de prêteur ; une taxe sur les transactions financières introduite sans délai ; une mutualisation partielle de la dette des États de l'Union et des investissements dans des secteurs d'avenir financés par des euro-obligations.
Parallèlement, cette proposition de résolution estime que le recours à un nouveau traité fixant des sanctions plus automatiques en cas de déficit excessif des États, posant le principe d'une harmonisation fiscale et mettant en oeuvre un rôle accru de Bruxelles dans la préparation des budgets nationaux, n'est pas nécessaire.
En effet, ce traité veut institutionnaliser la règle d'or d'une limitation des déficits publics. Mais cette fameuse « règle d'or » figure déjà dans les traités, depuis Maastricht, avec le plafond des 3 % du PIB pour le déficit public et la limite de 60 % du PIB pour la dette publique. Il convient de rappeler ici – on l'oublie trop souvent – que ces règles entraient dans le cadre d'une croissance de 3 %. On en est loin.
Le texte du nouveau projet de traité, lui, ne propose ni n'établit de rapport entre le déficit autorisé et la croissance. Le projet de traité n'apparaît pas non plus nécessaire dans la mesure où les mécanismes visant à renforcer la solidarité financière entre États face à la grave crise de la zone euro que nous traversons font l'objet de dispositions spécifiques dans un autre traité.
Il y a lieu de constater que les traités, actes de droit international public, s'imposant au législateur national français sont tantôt les véhicules acheminant vers les États des politiques publiques et des orientations économiques et financières, tantôt les véhicules créant des outils qui mettront en oeuvre ces politiques…
Il en ressort une certaine difficulté pour les parlementaires à distinguer les normes qui définissent une politique économique et financière au niveau de l'Union et les normes qui ne font que créer des outils au service d'une politique, quelle qu'elle soit.
Je ne parle pas de la difficulté à communiquer en direction des citoyens, pour lesquels ce subtil distinguo a l'allure d'une discussion alambiquée et inutile.
Dans ce contexte, cette résolution a le mérite de mettre l'accent sur la nécessité absolue et impérieuse que les parlements nationaux soient non seulement informés de décisions prises par les chefs d'État et de gouvernement et les institutions communautaires, mais participent à leur élaboration en amont, donnent des orientations et in fine puissent contrôler, c'est-à-dire rapprocher les objectifs présentés des décisions prises.
Mon propos sera centré sur plusieurs idées.
D'abord, les parlements nationaux doivent être saisis en amont de toute décision.
La procédure du semestre européen mise en oeuvre à compter de septembre 2011 consiste à coordonner ex ante les politiques économiques et budgétaires de la zone euro, en lien avec le pacte de stabilité et de croissance et la stratégie Europe 2020.
Pour faire simple, le Conseil européen et le Parlement définissent des orientations et les États, sur la base de ces orientations, présentent leurs stratégies.
L'idée de la résolution est bien de réintégrer parfaitement les parlements nationaux dans le dispositif en faisant jouer la coordination entre eux.
C'est une question de démocratie. La commission des affaires économiques et financières du Parlement européen a, dans son rapport de novembre 2011 sur le semestre européen pour la coordination des politiques économiques, rappelé avec force au Conseil que l'introduction du semestre européen devait « respecter pleinement les prérogatives des parlements nationaux », qui sont les garants des droits des citoyens.
C'est aussi une question d'efficacité économique. La même commission a constaté que les procédures complexes de la législation européenne et le manque de transparence des procédures décisionnelles, notamment au sein du Conseil européen et des conseils de ministres, effritaient la confiance des citoyens dans l'intégration européenne et fragilisaient le contrôle actif et constructif qu'ils avaient sur les politiques de dépenses.
Il y a donc bien lieu d'appeler à ce qu'une conférence interparlementaire se réunisse en amont de la coordination et non seulement en accompagnement, comme le prévoit le projet de traité.
Je voudrais en quelques mots évoquer l'inadaptation des institutions actuelles à agir efficacement contre la crise.
Dans plusieurs articles récents, dont un intitulé « La dépression auto-infligée » de la zone euro, plusieurs économistes américains réputés s'interrogent sur l'absence de résultat de la politique de la fameuse troïka composée, par ordre d'importance, de la BCE, de la Commission et du FMI.
Pour eux, l'élément central est la BCE.
Ils la comparent au FMI d'il y a quelques années, qui voulait forcer les réformes dans les pays qui avaient besoin de son intervention, et notent le caractère idéologique plus que pragmatique qui préside à son action.
Ils observent sa résistance à créer de l'argent afin de stabiliser les rendements obligataires des États membres endettés, contrairement à ce qu'a fait la Réserve fédérale américaine.
Ils subodorent un fort préjugé à l'égard des intérêts des créanciers la poussant à s'assurer que tout pays qui a « trop emprunté » paie le prix fort pour le faire.
Ces économistes font à juste titre remarquer que la crise n'a pas été causée par les pays de la zone euro les plus faibles qui auraient trop emprunté, puisque tous les pays, sauf la Grèce, avaient vu leur dette publique par rapport au PIB baisser jusqu'à la récession mondiale, et ils considèrent que même la dette de la Grèce aurait été gérable si la troïka avait répondu différemment au premier trimestre de 2010.
Aujourd'hui, ce sont des chiffres édifiants : pour un euro prêté à la Grèce, 19 centimes vont à l'État grec, 40 centimes reviennent aux banques étrangères, 23 centimes aux banques grecques et 18 centimes à la BCE…
Selon ces spécialistes, la principale différence entre la BCE et la Réserve fédérale américaine est que celle-ci est décidée à faire baisser les taux d'intérêt à long terme en achetant des obligations du Trésor américain et que ladite dette ne génère pas d'intérêts, car elle est détenue par elle.
Ils concluent provisoirement « C'est, bien sûr, ce que la BCE doit faire, mais elle refuse de le faire ».
Selon l'un de ces économistes, cette différence fait du républicain qui préside la Fed « un socialiste » en comparaison des dirigeants de la BCE…
En fait, les règles sont suffisamment lâches pour que la BCE puisse faire tout ce qui est nécessaire pour assurer la stabilité des prix et éviter la déflation.
En d'autres termes, la BCE pourrait faire ce que la Réserve fédérale a fait afin d'éviter une récession, mais les dirigeants et les techno-économistes européens, aujourd'hui, par idéologie, par résistance et préjugé, ne le font pas. Cela, en tant que tel, justifie que nos assemblées souveraines veillent à modifier et à réorienter leur action.
Je terminerai en évoquant la nécessité d'une politique de croissance durable et juste pour l'Europe
L'accord conclu à Bruxelles, voulu par la Chancelière allemande et le Président français, n'apporte rien qui soit de nature à engager l'Europe sur la voie du redressement économique et financier.
Il s'inscrit dans le prolongement des annonces et décisions prises depuis le début de la crise grecque et fait le choix de l'austérité et de la discipline, alors qu'il faudrait de la relance et de la solidarité.
Il propose aux États membres de transposer dans leurs lois fondamentales une règle qui interdira toute politique de soutien à l'économie.
Je l'ai dit à cette tribune et je le redis aujourd'hui, les mesures décidées n'ont guère de pertinence sur le plan macro-économique, puisqu'on gèle une nouvelle fois des dépenses publiques et qu'on augmente les impôts en période de ralentissement économique. Comme tous les pays de la zone font pareil, cela entraîne la zone dans une spirale dépressive.
D'une politique restrictive faite pendant une révision de la croissance vue à la baisse, on tire la conséquence qu'il faut mettre en oeuvre de nouvelles mesures restrictives.
La situation dramatique vécue par le peuple grec, à qui on ne propose que de l'austérité sans aucune perspective, même à moyen terme, risque de conduire à un refus de l'Europe et de l'euro.
Comme les mesures à mettre en oeuvre ne sont jamais suffisantes, il y a clairement un risque de fuite en avant dans l'économie parallèle, et donc, l'éventualité de nouvelles pertes fiscales et sociales, avec, in fine, la probabilité que les réformes imposées n'atteignent pas les objectifs fixés par la fameuse troïka, qui demandera encore plus d'austérité…
Honnêtement, mes chers collègues, comment ne pas comprendre que les gens, et notamment ceux qui travaillent, ont besoin à la fois de confiance et de perspectives pour donner et payer, rembourser et remettre un pays à flot ?
Pour ces raisons, il est temps de mieux coordonner les politiques budgétaires et fiscales en Europe, mais surtout de replacer la politique économique européenne dans le bon sens, qui consiste à lutter efficacement contre la crise et à affirmer la nécessité d'une politique économique ambitieuse pour une croissance durable et le plein-emploi.
Voilà à quoi s'attache cette résolution que nous vous demandons de soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd'hui touche à un sujet central et majeur, à un moment crucial de l'histoire de l'Europe, à l'heure où se décident à Bruxelles les conditions de sauvetage de la zone euro, à l'heure où, précisément, se joue l'avenir de l'Europe tout entière.
C'est un sujet central pour notre histoire nationale. En effet, la conception de l'Europe que nous avons doit être au coeur de la campagne présidentielle parce qu'elle sous-tend la crédibilité et la réalité des programmes, qui ne peuvent s'exonérer de l'ensemble que nous constituons avec nos partenaires européens.
Lors du dernier sommet qui réunissait à Bruxelles les dirigeants européens, la France et l'ensemble de ses voisins européens, à l'exception du Royaume-Uni et de la République tchèque, ont pu aboutir à un accord de discipline budgétaire, qui est aussi de bon sens budgétaire.
Avec cet accord, qui marque l'adoption de la règle d'or prônée par les centristes depuis de longues années, nous franchissons un pas de plus vers le redressement de la situation économique pour le moins préoccupante de l'Europe.
Avec cet accord, nous pourrons retrouver la voie de la confiance et de la croissance. Car sans discipline, sans bon sens économique et budgétaire, il n'est pas de croissance possible, et l'Europe en a besoin pour éviter que ne se propage à l'ensemble des pays de la zone euro la contagion de la crise des dettes souveraines.
Ce traité permet surtout de lever un tabou qui, il y a quelques années encore, faisait figure d'épouvantail lors des réunions du Conseil européen : celui de l'instauration, au-delà d'une simple gouvernance, d'un véritable gouvernement économique européen, lequel est le fondement même de l'histoire de la construction européenne et partie intégrante du rêve de ses pères fondateurs. Seul le respect de cette exigence, chère aux centristes, permettra aux pays de la zone euro de sortir durablement de la crise à laquelle ils doivent faire face ensemble.
Ainsi, la présente proposition de résolution s'inscrit dans un contexte particulier, alors même que notre assemblée sera appelée, dans moins d'une semaine, à s'exprimer sur le projet de ratification du traité sur le mécanisme européen destiné à préserver la stabilité financière en Europe.
À travers ce texte, nos collègues socialistes nous proposent, d'une part de reconsidérer le rôle des institutions démocratiques et représentatives dans la définition des politiques budgétaires de l'Union européenne, d'autre part de doter un éventuel futur traité de dispositions favorables à la croissance et à l'emploi.
Sur le fond, le renforcement du contrôle démocratique est une exigence que nous partageons tous. Le gouvernement économique européen souffre d'un déficit démocratique évident qui nécessite d'associer étroitement le Parlement européen et les parlements nationaux dans le cadre des procédures législatives et de contrôle européennes.
De même, nous ne pouvons nous contenter d'une Europe intergouvernementale où seule la somme des intérêts des États ferait office d'intérêt général. Nous devons mettre en place une Europe véritablement intégrée, dotée de structures efficaces susceptibles de créer une véritable impulsion européenne.
Néanmoins, certaines propositions avancées par nos collègues socialistes pour remédier à ce déficit démocratique ne sont pas adaptées : je pense notamment à la disposition qui vise à assortir l'examen annuel de croissance d'une procédure de codécision. Cette mesure risquerait de soumettre les États membres à un contrôle du Parlement européen dans un domaine qui relève d'un ressort purement national.
Par ailleurs, le texte semble occulter les progrès qui ont été faits récemment en faveur d'un renforcement du contrôle démocratique, que ce soit par l'organisation dans notre assemblée de débats préalables et postérieurs aux Conseils européens ou encore par l'instauration d'une Conférence interparlementaire. La coordination des politiques budgétaires s'est aussi sensiblement améliorée, à l'image du semestre européen, créé il y a quelques mois. Ces éléments démontrent qu'il existe bel et bien un débat au sein du Parlement français sur la définition des politiques budgétaires européennes.
En outre, l'exposé des motifs du texte indique la nécessité de placer la croissance et l'emploi au coeur de nos priorités. C'est là aussi un objectif louable auquel nous souscrivons tous, mais pour lequel aucune mesure concrète et réalisable ne nous est proposée. Cet objectif fait également défaut dans le projet du candidat socialiste à l'élection présidentielle.
Si nous voulons apporter une réponse efficace aux problèmes qui touchent actuellement l'ensemble des pays de la zone euro, nous devons agir dans un esprit de responsabilité, de discipline, allié à une nécessaire solidarité envers nos voisins européens. Cela a été dit par M. le ministre, il ne peut y avoir de solidarité sans discipline. On a vu en effet ce que pouvaient donner des mécanismes de solidarité qui ne s'appuyaient pas sur ces règles de bon sens en matière budgétaire et économique.
Plus largement, c'est la nature même de l'Union européenne que la gravité de la situation actuelle nous oblige à considérer. Nous devons réfléchir aux moyens de résoudre les problèmes fondamentaux qui nous ont conduits à cette situation de crise sans précédent. Cela se traduit par la nécessité de mettre en place ce réel gouvernement économique européen fondé, notamment, sur la redéfinition du rôle et des objectifs de la Banque centrale européenne.
Rappelons-le, la proposition de résolution émane d'un groupe qui s'oppose au projet de traité. Le rapport évoque clairement que ce traité ne serait pas indispensable, que la règle de discipline budgétaire, la règle d'or, ne serait pas indispensable, comme cela vient d'ailleurs d'être rappelé à la tribune. Cette conception de la construction européenne et de la façon dont la France devra mener demain ses politiques dans ce cadre me semble particulièrement inquiétante. Dans ce contexte que nous connaissons tous, l'urgence est précisément de poser les bases de mécanismes pérennes de protection et de sauvegarde des différentes économies de la zone euro.
La proposition n'est donc, ni plus ni moins, qu'une prise de position politique à l'heure où, au-delà des clivages et des échéances électorales, nous devrions afficher une volonté commune dans l'intérêt de la France pour le projet européen.
Je regrette, avec mes collègues du Nouveau Centre, que les auteurs de la proposition de résolution n'aient pu s'élever au-dessus de leur tactique électorale et politicienne pour appuyer une démarche légitime, celle du débat sur l'Europe, dans un esprit de responsabilité face à nos concitoyens, et ce précisément dans la perspective de l'élection présidentielle.
Vous comprendrez que, pour ces raisons, le groupe Nouveau Centre n'apportera pas son soutien à la proposition de résolution.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la crise économique et financière européenne résulte directement des choix politiques inscrits dans les traités européens – de celui de Maastricht à celui de Lisbonne, voté contre l'avis du peuple français après le référendum de 2005 – que nous avons, pour notre part, tous rejetés. Les fondements mêmes sur lesquels repose la construction européenne, à savoir la logique de compétition et de mise en concurrence des États membres, expliquent en grande partie la fragilisation financière des États. On pense notamment au principe de libre circulation des capitaux et aux critères du pacte de stabilité, dont les seuls juges sont les marchés et les agences de notation, élevées au rang d'arbitres absolus.
La crise, qui touche de plein fouet les peuples européens, était en germe dans ces traités. La politique monétaire de l'Union conduite par la BCE devait déboucher, tôt ou tard, sur une crise de grande ampleur. Pourtant, les dirigeants européens persistent dans le déni et poursuivent inlassablement dans la même logique. Ils se servent de la crise comme prétexte pour consacrer la doctrine de l'orthodoxie budgétaire et la perte de souveraineté financière des États.
La mise en place du « semestre européen », nouvel outil de coordination des politiques économiques et budgétaires en témoigne parfaitement. Il s'agit purement et simplement d'un dispositif de transfert de souveraineté vers des institutions non démocratiques. Faisant valoir que la prévention est préférable à la correction, la Commission européenne, dans sa communication du 12 mai 2010, avait indiqué que le « semestre européen » permettrait que « les États membres mettent en oeuvre une coordination [des politiques économiques] en amont au niveau européen lors de la préparation de leurs programmes nationaux de stabilité et de convergence, y compris leurs budgets et leurs programmes nationaux de réforme ». Selon les mots de la Commission européenne, « une surveillance budgétaire et économique en amont, qui fait défaut pour le moment, permettrait de formuler de véritables orientations qui tiennent compte de la dimension européenne et qui se traduiraient par des décisions politiques nationales. » La Commission affirmait par là même, sans s'en cacher, qu'il était souhaitable d'exercer une influence directe sur les choix budgétaires nationaux.
Ces orientations, confirmées par la suite, ont été affinées, puis le Conseil ECOFIN du 7 septembre 2010 a adopté la proposition de la Commission sous la forme juridique d'une modification du code de conduite régissant la mise en oeuvre du pacte de stabilité et de croissance.
La procédure est, depuis le 1er janvier 2011, la suivante : sur la base d'un rapport de la Commission, le Conseil ECOFIN émet des recommandations sur des grandes orientations de politique budgétaire qui devraient être suivies par les États membres dans la confection de leurs programmes de stabilité ; les États présentent leur projet de budget à la Commission et au Conseil européen, qui, après analyse, font leurs recommandations pour d'éventuels changements. Nous sommes donc bien au delà d'une simple coordination budgétaire. Il s'agit, au contraire, d'une ingérence dans les politiques structurelles nationales que s'octroient le Conseil européen, la Commission et le Conseil. Les informations sur lesquelles vont s'appuyer les institutions européennes pour établir leurs avis sont, en elles-mêmes, des partis pris politiques et idéologiques : coûts salariaux unitaires, productivité, évolution de l'assiette d'imposition, prix des actifs financiers, réforme systémique des systèmes de retraite mise en oeuvre ou non…
Le fait que les institutions européennes aient leur mot à dire avant même que les Parlements élus démocratiquement ne puissent se prononcer crée un précédent dangereux car il fausse le débat national sur des orientations budgétaires préalablement fixées au niveau européen. Cette logique a entraîné la mise en place de politiques d'austérité partout en Europe et a été suivie par un vaste ensemble de mesures encore plus drastiques transférant chaque fois un peu plus la souveraineté parlementaire vers les institutions communautaires : le Six Pack, des directives et règlements qui poussent la logique du semestre européen encore plus loin en prévoyant des sanctions financières pour les États qui ne respecteraient pas les injonctions de la Commission européenne ; le pacte pour l'euro plus, qui fixe aux États des objectifs d'équilibre budgétaire, et trois traités, dont le fameux traité dit « de stabilité, de coordination et de gouvernance » au sein de l'Union économique et monétaire, qui consacre la doctrine de l'orthodoxie budgétaire en renforçant la portée juridique de la « règle d'or », du retour à l'équilibre des comptes publics. Si les dispositions du pacte de stabilité et de croissance constituaient déjà une forme de subordination des États membres à des exigences et des contraintes extérieures, l'ensemble des mesures tendant au renforcement de la coordination des politiques économiques, en prenant prétexte de la crise économique et financière, vise clairement à une mise sous tutelle budgétaire des États membres.
Face à ces dangers, nos collègues du groupe socialiste présentent une proposition de résolution qui s'inscrit dans la continuité de la résolution sur le semestre européen, adoptée par le Parlement européen le 1er décembre 2011. Désireux de renforcer le contrôle démocratique du semestre européen, ils souhaitent « assurer une réelle participation du Parlement européen et des parlements nationaux au semestre européen ». Ils recommandent, pour ce faire, que le Parlement européen codécide les grandes orientations fixées dans le cadre de la procédure sur le semestre européen et que les recommandations des parlements nationaux émises en direction de la Commission soient « effectivement entendues et respectées ». Or toutes les suggestions de nos collègues socialistes intègrent le principe même du semestre européen : le contrôle des budgets nationaux par les institutions européennes n'est pas remis en question. Aussi ne comprenons-nous pas bien la logique qui préside à ce texte et considérons-nous ces suggestions comme inconsistantes. Comment renforcer le contrôle démocratique d'une procédure qui viole fondamentalement le principe de souveraineté budgétaire des États membres ? Il y a là une incohérence qui fonde notre désaccord.
Pour notre part, nous avions déposé une proposition de loi constitutionnelle garantissant la souveraineté du peuple en matière budgétaire, proposition n° 2943 publiée le 20 octobre 2010 et examinée, souvenons-nous, le 2 décembre dans le cadre de notre niche. L'objet de notre proposition de loi était justement d'éviter que, par le biais de règles nouvelles, la France voie l'élaboration annuelle de son budget soumise à une supervision trop étroite ainsi qu'à des orientations contraignantes dictées par le Conseil et la Commission européenne. Notre proposition de loi, si elle avait été adoptée, aurait empêché que notre Parlement soit réduit à une chambre d'enregistrement budgétaire des choix européens, guidés à l'heure actuelle par l'omniprésence des politiques libérales. Aussi ne pouvons-nous que regretter que le groupe socialiste ait voté contre notre proposition de loi, qui allait dans le sens du renforcement démocratique qu'il appelle aujourd'hui de ses voeux.
Je rappellerai enfin que les députés du groupe GDR et le candidat du Front de gauche à l'élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, souhaitent l'abrogation de l'ensemble des mesures tendant à la consécration de la doctrine de 1'orthodoxie budgétaire et souhaitent, nous vous l'avons déjà demandé, monsieur le ministre, 1'organisation d ‘un référendum sur ces questions.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, la proposition de résolution européenne présentée par le groupe socialiste est, comme l'a souligné Pascal Brindeau, une proposition politique. Ce n'est d'ailleurs pas usuel, mais, à l'approche des présidentielles, on peut le comprendre ! Elle est un mélange hétéroclite de dispositions superflues, parce que certaines sont déjà réalisées, d'autres sont trop vagues pour être valables et, enfin, d'autres encore sont électoralistes et manifestement contraires aux propositions défendues par la France auprès de ses partenaires européens dans le contexte de crise que nous connaissons, vous l'avez souligné, monsieur le ministre. J'ose espérer que le programme électoral du parti socialiste ne se réduit pas à cette proposition de résolution en ce qui concerne les questions européennes !
J'évoquerai tout d'abord la participation des parlements nationaux au processus de gouvernance économique européenne et les propositions sur le contenu que doit avoir cette gouvernance. Une telle proposition ne peut être d'aucune façon approuvée, en dépit des objectifs qu'elle met en avant et auxquels on ne peut que souscrire puisqu'elle s'intitule «Proposition de résolution pour la relance européenne et le renforcement du contrôle démocratique ».
S'il y avait un doute sur le caractère partisan de cette motion, il serait immédiatement levé par la phrase scandaleuse et sectaire qui bafoue le respect de la démocratie dans l'exposé des motifs de cette proposition de résolution. Je cite la phrase : « Les dirigeants actuels n'ont plus la légitimité pour imposer cet indispensable changement de cap. » Je ne peux pas croire, monsieur Caresche que ce soit vous qui l'ayez écrite ! Nous nous demandons, avec Michel Diefenbacher qui l'a fait remarquer en commission des affaires européennes, ce que cela signifie ! Cela veut-il dire que le Président de la République, Nicolas Sarkozy, élu à 53 % par le peuple français, et le gouvernement Fillon, soutenu par sa majorité victorieuse en 2007, ne sont plus légitimes ou que les sondages provisoires les rendent illégitimes ? Je rappelle un principe élémentaire de la démocratie : le Président de la République a toute légitimité pour agir jusqu'à la fin de son mandat. Ce ne sont pas les sondages provisoires d'aujourd'hui, mais le peuple français qui, nous n'en doutons pas, lui donnera à nouveau sa légitimité pour poursuivre sa tâche européenne remarquable. Si ce sont les dirigeants européens qui sont visés, cette phrase est aussi scandaleuse : le président Van Rompuy et le président Barroso, ont été désignés, vous le savez très bien, de façon totalement démocratique, selon les procédures prévues par le traité. Leur légitimité pleine et entière ne saurait, elle non plus, être contestée.
Votre proposition de résolution «invite le Gouvernement à soutenir l'institutionnalisation d'une conférence interparlementaire ». Vous y consacrez d'ailleurs pas moins de trois alinéas. Or, comme l'ont très justement souligné Christophe Caresche et M. le ministre, c'est déjà fait ! Vos observations et recommandations sont donc totalement superflues, parce que tout simplement dépassées. En accord avec le président de l'Assemblée, je me suis beaucoup investi, en liaison avec notre excellent représentant permanent à Bruxelles, pour introduire cette conférence interparlementaire dans le traité de stabilité. Le projet de traité « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » qui sera signé dans quelques jours par vingt-cinq États membres de l'Union européenne prévoit expressément une telle conférence à l'article 13, dans une rédaction directement inspirée par la France, comme a bien voulu le souligner Christophe Caresche. Nous menions d'ailleurs ce combat ensemble. Les parlements n'ont nul besoin d'une « autorisation » ou d'un soutien des gouvernements pour organiser des échanges entre eux. Nous partageons ce constat avec nos collègues allemands du Bundestag, avec lesquels nous avons formé, sous la coprésidence de M. Accoyer et de M. Lammert, un groupe de travail qui a tenu sa dernière réunion il y a quelques jours à Paris.
Les échanges se déroulent déjà de manière active, avant même l'entrée en vigueur des nouveaux traités, et une rencontre interparlementaire aura lieu à la fin du mois à Bruxelles sur le thème du semestre européen. Vous avez été témoin, monsieur Caresche, des réserves de M. Lammert et du Bundestag quant à l'instauration de cette conférence interparlementaire. Nous avons donc su, au niveau de l'exécutif comme au niveau parlementaire, convaincre nos partenaires allemands.
De façon continue, le renforcement du contrôle démocratique exercé par les Parlements nationaux sur le processus décisionnel européen est un objectif auquel nous travaillons sans relâche. L'Europe a aujourd'hui une beaucoup plus grande place dans cette assemblée, vous le savez, et je m'élève contre les assertions selon lesquelles le contrôle du Parlement ne serait pas opportun ou suffisant. Nous avons fait beaucoup pour qu'il en soit ainsi. C'était l'un des objectifs de la dernière réforme de la Constitution et du règlement intérieur de notre assemblée, que j'ai âprement défendue et que l'opposition utilise d'ailleurs régulièrement lors des séances de contrôle ou par les propositions de résolution comme celle que vous présentez aujourd'hui. Tous ceux qui participent régulièrement à nos travaux savent quels progrès considérables ont été réalisés. Tout est perfectible, mais les progrès ont été remarquables et je vous remercie de l'avoir souligné dans votre propos.
Dans l'exercice de mes fonctions de président de la commission des affaires européennes de notre assemblée – excusez-moi d'insister mais j'ai été piqué par les critiques –, et en lien étroit avec le président Accoyer, j'ai pris en permanence l'initiative d'organiser des auditions et des débats en séance avant les Conseils européens. Ces débats dans l'hémicycle se substituent aux questions d'actualité, et sont donc télévisés, en présence du Premier ministre, du ministre d'État et du ministre des affaires européennes. Un débat a lieu aussi après le Conseil au sein de notre commission, avec le ministre des affaires européennes, et il y a eu encore récemment deux auditions conjointes avec la commission des finances des ministres des finances et du budget.
J'ai pris l'initiative d'ouvrir toutes nos réunions de commission à nos collègues du Parlement européen, qui viennent assez régulièrement, et d'organiser des réunions spécialement consacrées à les rencontrer, lors de leur semaine de circonscription, avec le Sénat d'ailleurs. L'accroissement de l'implication des Parlements dans la conduite de l'Europe doit en effet se faire dans une relation étroite de partenariat entre Parlements nationaux et Parlement européen. Dans cet esprit, nous avons pris une initiative unique en Europe, une réunion plénière, en visioconférence, de la commission des affaires européennes avec la commission IMCO du Parlement européen. Il faudra renouveler l'expérience. Dans le même esprit, nous avons lancé avec le président Accoyer une étude de France Telecom et de Deutsche Telekom sur la mise en place d'un réseau permanent reliant les Parlements nationaux en visioconférence.
Je pourrais poursuivre la longue liste des débats, rencontres, et travaux parlementaires sur l'Europe au sein de notre assemblée, qui n'ont jamais été aussi intenses.
Certes, et nous avons accueilli l'ambassadrice du Danemark il y a quelques jours, nous n'en sommes pas au système danois, avec un mandat impératif liant le Gouvernement, mais un tel système serait totalement contraire à l'esprit de nos institutions, et d'ailleurs contraire à l'intérêt de l'Europe, qui a profité de la latitude d'initiative de la France.
Obtenir une association toujours plus étroite des Parlements nationaux à la gouvernance européenne me tient à coeur, et je suis favorable à ce que le débat se poursuive sereinement sur cette question au sein de notre assemblée. Il nous appartient, mes chers collègues, de nous approprier en particulier l'exercice du semestre européen, qui porte non seulement sur les politiques budgétaires mais sur l'ensemble des politiques économiques et devrait donc être intégré à nos travaux législatifs.
Selon vous, monsieur Caresche, il aurait fallu, pour réaliser le traité, organiser une convention. J'ai participé à la convention sur l'avenir de l'Europe, qui a duré un an et demi. Imaginez les négociations auxquelles on aurait assisté alors que nous sommes en pleine crise et qu'il fallait réaliser ce traité dans les délais les plus brefs. Je n'approuve donc absolument pas cette proposition. Elle va certes dans le sens de la participation des Parlements européens, mais nous étions dans l'urgence, face à une crise majeure sans précédent depuis celle de 1929.
Vous avez expliqué aussi que nous étions à la traîne de l'Allemagne. Je souscris totalement à ce qu'a dit le ministre, et l'on voit bien d'ailleurs que toutes les propositions, toutes les initiatives fortes, comme la gouvernance économique ou la solidarité à l'intérieur de l'Europe, sont des mesures qui ont été inspirées, poussées par la France, et auxquelles l'Allemagne s'est ralliée. Souvenez-vous, lorsque nous nous rendions dans ce pays, les Allemands ne voulaient ni de la gouvernance économique, mot tabou pour eux, ni de la solidarité, qui, selon eux, n'était pas conforme aux traités. Nous en sommes arrivés à faire adopter un Mécanisme européen de stabilité de 500 milliards d'euros, auxquels l'Allemagne va évidemment participer en tout premier lieu.
Vous nous avez ensuite reproché la façon dont fonctionne le couple franco-allemand par rapport aux autres pays européens. Je vais reprendre une anecdote que vous connaissez déjà puisque je l'ai racontée en commission des affaires européennes. Lorsque j'étais à la convention, j'ai été invité un jour par le président Prodi à venir dans son bureau. À l'époque, les relations entre Schröder et Chirac étaient très mauvaises. Pour lui, si les relations franco-allemandes ne fonctionnaient pas, il ne sortirait rien de la convention et il m'a demandé d'expliquer à Paris qu'elles devaient absolument s'améliorer. J'ai évidemment obtempéré. Ce n'est pas mon intervention qui a joué, mais les relations entre Schröder et Chirac se sont alors fortement améliorées et le couple franco-allemand s'est mis à faire ensemble à la convention des propositions convergentes. J'ai alors été invité dans son bureau par M. Prodi pour un petit-déjeuner. Il m'a demandé ce que c'était que ce couple franco-allemand qui ignorait les autres. Le même qui souhaitait un bon fonctionnement du couple franco-allemand lui reprochait quinze jours plus tard d'écraser les autres.
C'est un exercice évidemment difficile mais, sans le couple franco-allemand, le ministre l'a souligné, rien ne se serait fait, ni sur la gouvernance économique, ni sur la solidarité, ni, évidemment, sur le pacte de stabilité. C'est un couple équilibré et, dans les diverses propositions, on voit bien qu'il y a des initiatives de la France et d'autres de l'Allemagne. C'est ainsi que doit fonctionner le couple franco-allemand.
Pour revenir au texte de la proposition du groupe socialiste, s'il faut incontestablement améliorer le fonctionnement démocratique du gouvernement économique européen, je pense dangereux de transformer l'examen annuel de croissance en acte législatif européen. Il faut au contraire faire bien fonctionner le semestre européen, qui organise la coordination des politiques économiques, en préservant toutefois la souveraineté nationale en matière budgétaire.
Quant à l'argument selon lequel transformer ce rapport de la Commission européenne en acte législatif permettrait aux Parlements nationaux de s'en saisir, nous avons déjà la possibilité, en l'état actuel du droit, grâce au traité de Lisbonne, de nous saisir de tout document émanant des institutions communautaires.
Le second objectif que la proposition de résolution met en avant est la relance de l'activité économique en Europe, à travers une véritable politique de croissance et d'investissement ; mais en quoi consisterait une telle politique ? Vous passez sous silence les décisions prises par le sommet européen du 30 janvier pour accroître la relance européenne, à hauteur de 82 milliards d'euros, ainsi que les initiatives courageuses et ambitieuses prises par Mario Draghi à la tête de la BCE, avec près de 500 milliards de prêts aux banques.
Votre résolution consiste en fait en une liste de mesures qui aggraveront encore la spirale de la dette publique en Europe : mutualisation des dettes publiques nationales, refinancement du Mécanisme européen de stabilité auprès de la Banque centrale européenne, introduction de la possibilité pour le budget de l'Union d'être en déficit. Une telle proposition est d'ailleurs totalement contraire aux traités, qu'il faudrait réviser. En êtes-vous conscients, mesdames, messieurs ? Est-ce pour ce motif que vous envisagez ouvertement, de façon arrogante et méprisante envers nos vingt-quatre partenaires, une renégociation des traités déjà conclus ? On voit l'effet que cela produit chez nos partenaires européens, qu'ils soient de droite ou de gauche, ce qui explique d'ailleurs que certains d'entre eux apportent d'ores et déjà leur soutien à Nicolas Sarkozy, comme M. Schröder, Mme Merkel ou, hier, M. Monti.
On trouve pêle-mêle dans cette liste l'attribution d'un rôle accru à la Banque européenne d'investissement. Il faut saluer, j'en conviens, l'activité remarquable de la BEI, mais quel serait donc ce rôle accru ? On trouve aussi l'augmentation du volume du budget de l'Union européenne, hypothèse évidemment irréaliste dans le contexte actuel, qu'il est donc dangereux de présenter comme possible. Telle n'est pas la position de la France. On y trouve également le recours aux euro-obligations. Ce n'est pas non plus notre position. Ce n'est qu'au terme du processus de convergence économique et financière qui a été engagé que l'on pourra mettre en place des obligations européennes.
Vous parlez aussi de l'instauration de la taxe sur les transactions financières. Très bien, mais qu'y a-t-il de nouveau ? Le Président de la République et Mme Merkel n'ont cessé de défendre cette question au sein du G20, au sein de l'Union européenne, et notre assemblée a voté à l'unanimité il y a quelques mois une proposition de résolution émanant du groupe socialiste soutenant l'instauration d'une taxe. La commission des affaires européennes a examiné à nouveau la question et adopté le 1er février une proposition de résolution dans ce sens, saluant notamment l'initiative française visant à créer une dynamique européenne autour d'un groupe pionnier, et cela a été voté ce matin à l'aube par l'Assemblée nationale. Je salue la position de la France car, si elle ne s'était pas lancée, d'abord de façon spontanée, mais ensuite en convainquant huit autres pays, comment aurait-on pu constituer le groupe pionnier auquel nous aspirons les uns et les autres ?
Enfin, votre proposition formule une invitation adressée au Gouvernement pour envisager la mise en oeuvre d'une séparation des activités de dépôt et des activités d'investissement des banques. On cherche vainement à comprendre en quoi il s'agit d'une mesure de relance de l'activité économique ou de renforcement du contrôle démocratique, mais, surtout, une telle proposition ne relève pas de l'Europe. C'est une proposition d'ordre interne et je ne vois pas ce qu'elle vient faire dans votre proposition de résolution.
Ce sont autant de débats qui méritent d'être lancés, sur les euro-obligations, la réforme du budget de l'Union, l'association des Parlements à la gouvernance, même si, sur ces sujets, nous avons fait de grands progrès ; mais vous les posez dans des termes inopérants. Le groupe UMP votera donc contre cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires européennes, avec qui nous travaillons très bien, cette proposition de résolution est en effet politique. C'est volontaire, car nous considérons qu'il n'y a pas qu'une seule politique possible en France et au niveau européen pour résoudre la crise grave dans laquelle nous sommes depuis trois ans, et même depuis bien plus longtemps. Une autre politique est possible que la politique libérale menée depuis des années et qui nous a conduits dans le mur. Une autre voie est possible pour résoudre la crise économique, sociale et politique que l'Union européenne traverse depuis 2008.
C'est une proposition politique, donc, mais non partisane. Nous avons depuis longtemps un différend : il faut arrêter de considérer que l'Union et les politiques européennes doivent être placées en dehors du débat politique légitime. Il n'y a pas qu'une seule voie possible, et c'est ce que notre proposition de résolution s'attache à démontrer. Nous présentons plusieurs pistes d'amélioration du gouvernement économique européen, car c'est indispensable si nous voulons sortir de la crise.
Nous souhaitons en particulier répondre à la fois au déficit de croissance, car sans croissance nous ne résoudrons pas les problèmes de dette et de déficit, sans parler de l'explosion du chômage et de la précarité, ainsi qu'au déficit démocratique, vieux problème lancinant dans l'Union européenne, par la solution duquel je suis convaincue que passe le renforcement de l'intégration.
La réponse des dirigeants européens ne nous paraît pas du tout à la hauteur. Elle est de surcroît bien tardive. Les décisions prises depuis mai 2009, donc un an après le début de la crise, n'ont d'ailleurs pas été appliquées. Le Mécanisme européen de stabilité, qui organise la solidarité et dont nous débattrons dans cet hémicycle la semaine prochaine, mardi, n'entrera hélas en vigueur qu'au mois de juillet.
Je concentrerai mon propos sur le projet de traité intergouvernemental d'ores et déjà signé et qui sera présenté devant notre assemblée dans quelques mois. C'est un dispositif juridique complexe. Il a été élaboré dans l'urgence, non pour apporter des solutions concrètes à la crise ni relancer une véritable politique européenne, mais pour envoyer un signal que l'on espérait convaincant aux marchés. Pourquoi pas ? Le problème, c'est que le signal a été reçu mais que cela n'a malheureusement pas permis d'éviter la dégradation, que je déplore, de la note de notre pays par l'agence Standard & Poor's, alors qu'une autre agence risque de prendre la même décision.
Ce projet de traité intergouvernemental ne répond pas à l'urgence de la crise, ce qui aurait impliqué de mutualiser la dette. On a laissé enfler le problème grec. Ce qui était au départ un problème de 50 milliards d'euros est devenu celui de l'ensemble de la zone euro. Voilà à quoi les atermoiements, le déficit de décision politique, la fatigue politique nous ont conduits. L'urgence aurait été de briser par des mesures fortes la spéculation qui s'attaque à la Grèce après s'être attaquée au Portugal, et qui risque de se propager vers l'Espagne et l'Italie et peut-être un jour – espérons que non – de menacer notre propre pays. L'urgence était de desserrer l'étau de la spéculation et non d'élaborer un nouveau projet de traité.
Car ce projet n'était pas nécessaire. La discipline budgétaire est évidemment indispensable. J'ai négocié le traité de Maastricht et je sais donc ce qu'il y a dedans ; ses règles ont été renforcées par tous les traités suivants. La règle d'or existe déjà dans les traités, qui s'imposent à notre propre Constitution. François Hollande a pris des engagements clairs dans le sens de la discipline budgétaire en annonçant que nous respecterons dès 2013 le déficit de 3 % et que nous reviendrons à l'équilibre en 2017, si les Français nous font confiance.
Il eût donc suffi d'appliquer les traités, les règlements de la Commission, dont le Six Pack, et nous n'avions pas besoin de ce nouveau traité, qui n'ajoute qu'une seule chose : le contrôle par la Cour de justice. Or est-il raisonnable de judiciariser ce genre de choses ? S'imagine-t-on qu'en cas de déficit structurel excessif quelque part – au passage, je ne remets pas en cause la notion de déficit structurel, qui me paraît plus intelligente, car contracyclique, que la prise en compte des déficits annuels –, un recours devant la Cour de justice, qui serait jugé quatre ou cinq ans plus tard, apportera une solution au problème, qui est avant tout politique ? Évidemment non ! On s'est engagé dans un mauvais chemin, qui nous fait perdre du temps. Face à la dégradation de la situation, il n'y a eu que tergiversations et procrastination.
Or nous n'en serions pas là si l'on avait, comme sous le gouvernement Jospin, respecté les règles. Mais, depuis 2003, c'est-à-dire bien avant la crise, qui a éclaté en 2008, la France a été constamment en déficit excessif. Nous n'aurions pas de demandes de garanties supplémentaires de la part de l'Allemagne si notre pays avait su, comme notre voisin, revenir dans les clous. Je ne dis pas qu'il aurait fallu appliquer les remèdes allemands ; il convenait plutôt d'adopter un bon policy mix, comme nous l'avons fait entre 1997 et 2002.
Non seulement ce traité ne répond pas à l'urgence, non seulement il n'est pas nécessaire, mais il est en outre profondément déséquilibré. Par rapport à l'accord Sarkozy-Merkel du 9 décembre, il s'est encore réduit aux dispositions budgétaires : rien de substantiel n'est prévu pour soutenir la croissance. Le mot même de « croissance » n'est cité que deux fois. Il y a certes la déclaration des chefs d'État et de gouvernement, mais elle est loin d'avoir la même force qu'un traité. Ce n'est pas avec la méthode Coué que l'on rétablira la confiance, c'est en soutenant la croissance. C'est pourquoi il faudra que ce traité soit renégocié et complété.
La croissance, c'est le sujet fondamental. Au début des années 1990, Jacques Delors avait défini le triptyque sur lequel devrait reposer l'Union : « la compétition qui stimule, la coopération qui renforce, la solidarité qui unit ». Nous avons complètement oublié les deux derniers termes, et même pour ce qui est du premier, la compétitivité, nous ne prenons pas le meilleur moyen de l'améliorer, alors que c'est absolument nécessaire.
Nous avons donc rédigé cette proposition de résolution qui en appelle à un véritable policy mix européen, à une bonne combinaison des politiques monétaire et budgétaire, en dotant l'Union européenne d'une capacité d'emprunt, en confiant un rôle accru à la Banque européenne d'investissement, indispensable pour financer les grands projets européens. De même, la mutualisation d'une partie de la dette des États membres serait extrêmement souhaitable. Ce serait un élément fondateur d'une solidarité communautaire et un contrat politique renouvelé car, face à la gravité de la crise, nous avons besoin de renouveler le contrat politique européen.
Il serait souhaitable également de créer de véritables ressources propres. Nous disons qu'il n'est pas raisonnable d'avoir le même budget à vingt-sept, bientôt vingt-huit, qu'à quinze. Les négociations sur les perspectives financières pour 2008-2020 vont bientôt avoir lieu. Convenons que nous pourrions, si nous mutualisions le budget européen, au-delà même des excédents non utilisés des fonds structurels, financer des projets d'intérêt commun, par le biais du budget et surtout par une capacité d'emprunt.
La Commission fait d'ailleurs des propositions en ce sens. Elle a évoqué des émissions d'euro-obligations, via la Banque européenne d'investissement, qui auraient un effet de levier important. Elle propose depuis des années des instruments financiers qui produiraient un effet de levier, mais il faut donner à ces instruments une consistance beaucoup plus grande. Cela permettrait de financer des projets d'intérêt général européen.
On pourrait imaginer que ces projets se fassent jour non seulement dans le secteur de l'énergie – je suis personnellement favorable à une Communauté européenne de l'énergie car nous avons besoin de développer les énergies renouvelables, en quoi notre pays trouverait un grand intérêt – mais aussi dans les transports – qu'attendons-nous pour essayer de fabriquer un avion du futur ? – ou encore dans l'économie numérique, où nous subissons la prédominance américaine, à laquelle s'ajoutera bientôt la percée de l'Inde et de la Chine.
Enfin, il y a le déficit démocratique. Certes, il faut féliciter Pierre Lequiller d'avoir obtenu un article prévoyant que les parlements nationaux soient consultés, mais nos parlements ne seront saisis du projet de traité intergouvernemental qu'au stade de la ratification.
C'est aussi pour cela que nous avons présenté cette proposition de résolution, afin que nous ayons au moins ce début de matinée pour débattre. Nous n'avons eu que la possibilité de poser des questions de deux minutes. Tout cela est indigne du Parlement, les références laconiques ne nous suffisent pas. Il est heureux, encore une fois, que cet article 13 existe, mais nous proposons bien plus, à savoir une véritable action commune entre le Parlement européen et les parlements nationaux au début du processus de semestre européen, ainsi que des réunions à chaque étape importante de la coordination intergouvernementale des politiques économiques et budgétaires. Pour cela, il faut un minimum de structures, d'organisation, et nous en sommes malheureusement encore loin.
Je dirai un mot du second traité, sur le Mécanisme européen de stabilité. Nous avons, monsieur le ministre, approuvé la création du Fonds européen de stabilité financière, et la perspective du remplacement de ce fonds intérimaire par un fonds définitif est quelque chose que, naturellement, nous approuvons.
Toutefois, qu'en sera-t-il de la période intermédiaire ? Le Mécanisme européen de stabilité entrera en vigueur au mois de juillet. Que se passera-t-il si nous subissons entre-temps une spéculation de grande envergure contre l'Italie et l'Espagne ? Ce ne sont pas les 500 milliards d'euros aujourd'hui peut-être disponibles qui permettraient d'y faire face. Le mécanisme n'est pas suffisamment doté, ses capacités devraient être augmentées, au minimum, des 250 milliards d'euros du Fonds européen de stabilité. Espérons que le Conseil européen du 1er mars prochain prendra des décisions en ce sens et accordera au mécanisme le statut de banque publique, pour qu'il ait une licence bancaire et puisse se refinancer, comme toutes les banques, auprès de la Banque centrale européenne.
La solidarité doit être au fondement du gouvernement économique européen. Ce gouvernement économique a besoin de jouer sur tout un clavier ; il ne peut pas être seulement punitif, sinon nous ne nous en sortirons pas, ni les uns ni les autres. Je ne parle pas, car je n'ai pas le temps, de la situation dramatique du peuple grec, dans sa cinquième année de récession. C'est le peuple qui paye pour les graves désordres causés par ses dirigeants.
Pour ce gouvernement économique européen, il faudrait, comme nous le préconisons dans notre proposition de résolution, s'engager dans une harmonisation des fiscalités, coordonner les budgets, créer des euro-obligations, mutualiser les dettes, taxer les transactions financières autrement que de façon symbolique, en rétablissant l'impôt de Bourse supprimé par votre gouvernement, monsieur le ministre, et élaborer un véritable plan de relance européen.
En conclusion, nous souhaitons que, respectant l'esprit de coopération qui prévaut toujours sur ces questions européennes, vous veuillez bien nous écouter, monsieur le ministre, et considérer favorablement notre proposition de résolution. Sinon, nous y reviendrons par un autre moyen, parce que la légitimité démocratique, c'est le suffrage universel, et que nous avons devant nous une échéance qui nous permettra de faire valoir nos positions et, j'espère, de les appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous discutons ce matin constitue une réponse aux trois projets de traité européens qui, excepté le Mécanisme européen de stabilité, n'ont pas donné lieu à un débat significatif au sein du Parlement. Cette proposition de résolution pose deux questions essentielles sur lesquelles il est indispensable de débattre : celle de la démocratie, en l'occurrence la place des parlements nationaux dans le processus de décision européen, et celle de la sortie de crise, qui sera extrêmement difficile si la croissance n'en est pas l'une des dimensions.
Tout d'abord la démocratie : la mise en oeuvre du semestre européen, destinée à combler ce qui manque au traité de Maastricht par l'adoption d'un cadre et d'une procédure de suivi commun à l'ensemble des budgets nationaux, a posé dès le départ la question du contrôle par les parlements nationaux. Je rappelle que le consentement à l'impôt et l'adoption des crédits budgétaires sont à l'origine même de l'institution parlementaire. La difficulté est réelle en l'espèce pour trois raisons : il faut définir le ou les stades de la procédure où les parlements devraient intervenir ; ensuite, la portée de leurs interventions au regard de procédures régies par des concepts éloignés des nôtres – advice, assessment n'ont pas d'équivalent précis dans notre droit ; enfin, il doit y avoir une articulation entre le semestre européen et notre programmation pluriannuelle des finances publiques inscrite dans l'article 34 de la Constitution depuis 2008.
Certes, des efforts ont été engagés puisque les propositions de résolution issues de la commission des affaires européennes peuvent venir plus facilement en séance publique, et c'est le cas aujourd'hui. À l'échelle de l'Union, le Six-Pack a lui-même prévu une association plus étroite des parlements nationaux. Mais nous nous trouvons aujourd'hui, particulièrement avec le TSCG, devant une procédure qui prétend refondre tout le cadre des politiques budgétaires en Europe en ne laissant, tant dans son élaboration que dans sa mise en oeuvre, qu'une place résiduelle et indéterminée à l'intervention des législateurs nationaux. Ce traité, qui résulte d'une démarche purement intergouvernementale et qui relègue à l'arrière-plan les parlements nationaux et donc les peuples, rappelle fâcheusement, à deux siècles de distance, l'esprit du Congrès de Vienne. Cette procédure doit être corrigée pour permettre au Parlement d'être impliqué dès le départ dans les orientations de croissance définies par la Commission et par le Conseil. J'observe que j'avais déposé en octobre 2010 un amendement proposant que ces orientations soient transmises et débattues au Parlement et que, malgré les engagements pris à l'époque par M. Baroin, il n'y a eu depuis ni transmission – pas même à la commission des affaires européennes – ni débat. Le Parlement, monsieur le ministre, sera-t-il mieux respecté en mars 2012 ?
L'article 13 du traité prévoit, certes, une conférence interparlementaire, mais comme le souligneÉlisabeth Guigou dans son rapport, les parlements de l'Union ne sauraient être cantonnés dans un dialogue se déroulant en marge de la prise de décision. L'implication systématique du Parlement européen et des parlements nationaux devrait être un des moteurs de la construction européenne. Il y a aujourd'hui deux légitimités démocratiques : celle du Parlement européen, qui a été renforcée par le traité de Lisbonne, et celle des États-nations, qui restent dans l'esprit des citoyens le lieu privilégié de l'exercice de la démocratie. Impliquer plus fortement les parlements nationaux, si possible dans le cadre d'une structure permanente – la COSAC ou une autre à définir – constituerait un pas déterminant pour l'avenir de l'Europe.
S'agissant de la croissance, je rappellerai brièvement que nous sommes dans une situation où la plupart des États européens sont confrontés à l'exigence immédiate de rétablissement de leurs comptes publics et de réduction de leur dette. Ils ne peuvent dès lors qu'être médiocrement acteurs de la croissance et ne profitent pas, dans les circonstances présentes, d'un environnement international qui facilite leurs efforts en la matière. Or il est clair que l'Union européenne, qui a la chance de ne porter aucune dette à ce jour, pourrait constituer la source exogène de mesures propres à relancer la croissance pour l'ensemble de l'Europe. Des emprunts de l'Union ou de la BEI pour financer des programmes d'infrastructures et de modernisation, l'émission d'euro-obligations et un renforcement du budget européen pourraient être les instruments de leurs efforts. Il est donc profondément regrettable que le TSCG n'envisage pas une telle possibilité et que l'on reste dans une vision strictement budgétaire. Il faut une vision ambitieuse et plus forte de l'Europe.
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles il me paraît nécessaire d'adopter cette proposition de résolution.
À l'issue de ce débat, je veux apporter quelques précisions, sans revenir évidemment sur l'ensemble de la discussion.
Tout d'abord, sur le semestre européen et pour répondre àJean-Paul Lecoq, je précise que nous sommes favorables au principe parce que nous pensons qu'il faut une coordination. On ne peut pas, dans une zone monétaire comme la nôtre, laisser les choses se faire toutes seules. Mais nous contestons ce qui est proposé car nous considérons que le semestre européen ne fait pas assez de place à l'expression des parlements nationaux, voire à celle du Parlement européen. Sur ce plan, nous avons ciblé un problème : l'examen annuel de croissance. Ce document, qui émane de la Commission, inaugure le semestre européen, il est donc extrêmement important. Il fixe le cadre dans lequel les différents États vont élaborer leur budget. Peut-on accepter qu'un tel document émane de la seule Commission ? Non. L'examen annuel de croissance, qui a une place centrale, devrait au moins faire l'objet d'un débat au Parlement européen et aussi, à mon avis, dans les parlements nationaux, parce qu'il faut, en amont du semestre européen, une expression démocratique sur ce sujet.
Deuxième point : la question du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'union économique et monétaire – le TSCG.Élisabeth Guigou s'est longuement interrogé sur sa nécessité. J'ajoute seulement une précision : M. Van Rompuy, avant la décision des gouvernements de se lancer dans l'élaboration d'un traité budgétaire, avait démontré qu'il était possible de faire autrement. Sa lettre était extrêmement claire : sur le plan juridique, il aurait été possible de renforcer la discipline budgétaire sans recourir à un nouveau traité.
J'ai rencontré hier un de ses collaborateurs, et je peux vous dire qu'il a assez mal vécu la manière extrêmement sèche dont la France et l'Allemagne ont écarté ses propositions. Ce traité budgétaire est essentiellement un effet d'affichage. Monsieur le ministre, vous savez bien qu'au départ la France n'y était pas favorable. Il était possible, je le répète, de procéder sans le traité, ce qui aurait évité plusieurs inconvénients : tout d'abord, on n'aurait pas tordu le droit communautaire – il y a maintenant des problèmes juridiques, dont nous reparlerons lors du débat sur le traité –, et puis cela aurait peut-être permis de préserver la cohésion de l'ensemble de l'Union.
Le traité peut-il être renégocié ? À l'évidence oui, pour une raison simple : il n'a pas été ratifié. Dès lors, et la ratification n'aura en tout état de cause pas lieu avant l'élection présidentielle, le débat est possible. Imaginons que la future majorité, quelle qu'elle soit d'ailleurs, décide de voter contre : il y aura évidemment renégociation. Vous savez bien, monsieur le ministre, que cela s'est passé ainsi avec le traité constitutionnel : il n'a pas été ratifié, il y a eu discussion, et le traité de Lisbonne a été élaboré. Par conséquent, tant que la ratification n'est pas intervenue, il y a évidemment possibilité de rediscuter et de renégocier. C'est ce que nous souhaitons car le traité tel qu'il nous est présenté ne répond pas clairement à la nécessité d'une relance économique en Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ce débat a été riche et technique tout en étant important pour le positionnement des uns et des autres ; je remercie tous les orateurs pour l'intérêt qu'ils y ont apporté.
Je serai bref car nous allons bientôt nous retrouver pour débattre du Mécanisme européen de stabilité et du traité. Sans vouloir minimiser l'intérêt que j'ai eu à être parmi vous aujourd'hui, il s'agit donc d'un avant-goût de la discussion que nous aurons ultérieurement.
Dans ce contexte, je reviendrai seulement sur quelques points.
Je réponds à Mme Karamanli que, selon les sondages effectués en Grèce, 70 % des Grecs sont contre le plan, mais la même proportion est pour rester dans l'Europe et dans l'euro. Cela veut bien dire qu'il n'y a pas un rejet de l'Union et de l'euro de la part des Grecs. Il s'agit d'un rejet des erreurs passées et de la démarche politique qui a été suivie.
Monsieur Brindeau, je vous ai écouté avec intérêt dire que les dispositifs sont de bon sens et vont dans la bonne direction. Vous avez parfaitement raison de dénoncer dans cette proposition de résolution une démarche de nature politique, pas forcément politicienne, mais qui arrive dans un contexte où les clivages peuvent évidemment s'exacerber.
Madame Guigou, monsieur Lecoq, vous avez formulé des remarques importantes. Madame la députée, vous avez dit qu'il n'y avait pas d'autre voie possible que celle que vous proposez, tandis que vous, monsieur le député, vous avez bien montré qu'il y en avait une autre.
En effet. Mais l'autre voie ne se trouve pas au même endroit pour les uns et pour les autres. Je me demande comment M. Mélenchon, qui définit une voie totalement différente de celle de M. Hollande, trouvera la solution, après une éventuelle victoire de la gauche de l'hémicycle.
C'est d'une grossièreté, monsieur le ministre ! C'est de la politique politicienne !
Je continue à considérer que les communistes existent, qu'ils ont un passé…
Je suis vraiment désolé que cela vous énerve, monsieur le député, quand je dis qu'il y a une autre voie, celle proposée par les communistes et le Front de gauche, même si je ne l'approuve pas. Ils sont contre le traité de Maastricht, contre l'organisation d'une économie de marché, et ils suivent leur propre logique. Permettez-moi donc de rappeler que la logique qu'a défendue Mme Guigou n'est pas la même que celle qu'a défendue M. Lecoq, et que je suis en droit de m'interroger sur la façon dont pourrait se constituer une éventuelle majorité sur ce sujet. Mais je sais très bien que les arrangements politiciens dépasseraient à ce moment-là les logiques politiques. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je voudrais aussi poser le problème de la démocratisation. Le traité de Lisbonne, principale avancée en la matière, a permis au Parlement européen d'être codécideur avec le Conseil. Personne ne le nie. Pourtant, le parti socialiste proposait encore deux solutions à l'époque : le plan A et le plan B. Voyez, madame Guigou, que même à l'intérieur de votre parti il peut y avoir encore de larges divergences.
Reste le problème évoqué par M. Caresche, que j'ai écouté avec intérêt : puisque le traité ne doit pas être ratifié avant les élections, il peut donc ne pas l'être. J'y vois une nouvelle contradiction, car Mme Guigou estime qu'une partie de la déclaration est intéressante : l'enveloppe de 82 milliards d'euros – ce qui n'est pas négligeable – consacrée à la formation des jeunes, aux petites et moyennes entreprises et donc à la croissance, en référence au titre IV et aux articles 9, 10 et 11 du traité, qui concernent justement la croissance et l'emploi.
Tantôt vous trouvez le traité inutile, tantôt vous trouvez dommage que les éléments de croissance qui figurent dans la déclaration ne soient pas repris dans le traité. Il faudrait savoir : ou bien nous avons un traité, ou bien nous n'en avons pas, et si nous en avons un, il n'est pas illogique d'y trouver des éléments que vous attendez.
Qu'impliquerait la non-ratification du traité ? Permettez-moi de rappeler une chose : la France peut le décider, mais il y a autour d'elle seize autres pays de la zone euro et vingt-six – bientôt vingt-sept – autres pays de l'Union européenne.
On ne peut pas vouloir que la France soit hégémonique tout en défendant une vision parlementaire ouverte et communautaire. On ne peut pas regretter que la Commission européenne n'ait pas été écoutée tout en réclamant de la démocratie. Pour ma part, je préfère que les décisions soient prises par des chefs d'État et par des Parlements plutôt que par la Commission, qui n'a pas été élue.
Il faudra assumer toutes ces contradictions et aussi le fait de dire, la main sur le coeur, que les Grecs ne doivent pas être étouffés par la dette. Vous expliquerez aux Français que nous ne devons imposer aucune discipline budgétaire à aucun pays et que nous devons continuer à mutualiser les dettes, y compris celles qui résultent des erreurs passées et commises non pas par le peuple grec mais par des hommes et des femmes démocratiquement élus par lui.
Je vous invite à réfléchir à toutes ces problématiques. Je ne dis pas que c'est la seule voie, que tout est abouti, que la démocratie ne peut pas continuer au-delà des propositions intelligentes de Pierre Lequiller qui ont été adoptées. Je ne dis pas non plus que le pacte tel qu'il est aujourd'hui a trouvé le parfait équilibre. Je dis simplement que la situation actuelle en matière d'emploi et de croissance implique la discipline d'un côté et la solidarité de l'autre : d'un côté, le Mécanisme européen de stabilité qu'a voulu la France et qui a été adopté, de l'autre, et en même temps, la discipline budgétaire et la règle d'or.
Martin Schultz, socialiste allemand, est pour la règle d'or. En Europe, un seul parti est contre la règle d'or : le parti socialiste français.
Je vous invite à y réfléchir.
C'est vrai, pardonnez-moi. Merci, monsieur Lecoq, d'avoir rappelé une fois de plus, aux socialistes et à moi-même, l'existence du parti communiste. (Sourires.)
La commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire ayant conclu au rejet de l'article unique de la proposition de résolution, l'Assemblée, conformément à l'article 151-7, alinéa 2, du règlement, est appelée à voter sur ces conclusions de rejet.
Si ces conclusions sont adoptées, la proposition de résolution sera rejetée.
Si elles sont rejetées, nous examinerons l'article unique de la proposition.
Je mets aux voix les conclusions de rejet de la commission
(Les conclusions de rejet de la commission sont adoptées.)
L'Assemblée ayant adopté les conclusions de rejet de la commission, la proposition de résolution est rejetée.
Il n'y aura donc pas lieu de procéder au vote solennel prévu par la Conférence des présidents.
Vote sur les conclusions de rejet de la commission
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures vingt-cinq.)
L'ordre du jour appelle le débat sur le logement, organisé à la demande du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement, chers collègues, 3,6 millions de personnes sont mal logées, 5 millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement et plus de 10 millions de personnes sont touchées par cette crise. Pour trois Français sur quatre, il est difficile de se loger ; 1,2 million de ménages sont en attente d'un logement ; plus de 4 millions de ménages sont en situation de précarité énergétique ; plus de 1,3 million de ménages connaissent des difficultés de paiement ; plus de 100 000 décisions pour impayés de loyers ont été prononcées ; les expulsions locatives avec concours de la force publique ont doublé en moins de dix ans ; 565 000 propriétaires et accédants à la propriété sont en difficulté de paiement ; le nombre de copropriétés dégradées ne cesse de progresser selon le dernier rapport du sénateur Dominique Braye.
La situation est devenue dramatique pour les ménages les plus modestes, les personnes isolées, les jeunes en difficulté d'insertion, les femmes seules avec enfants et les classes moyennes, notamment dans les zones tendues.
Mal logés mais le dos au mur, nombreux sont nos concitoyens contraints d'accepter des taux d'effort élevés tout en révisant leurs exigences de confort à la baisse. Ils sont de plus en plus contraints d'arbitrer entre les autres dépenses du ménage telles que l'alimentation, la santé, l'éducation ou les loisirs.
La crise du logement, exacerbée par la crise économique, est source d'inquiétude pour tous nos concitoyens. C'est aussi un facteur d'exclusion pour les pauvres et les précaires, notamment parce que le mal-logement est une machine à produire des inégalités.
Aujourd'hui, il manque près de 900 000 logements et il faudrait un rythme de construction d'environ 500 000 logements par an pour combler le déficit.
Monsieur le secrétaire d'État, quelle a été votre action au cours des cinq dernières années, depuis l'élection du Président de la République ? Quel est le résultat de l'action de votre majorité depuis dix ans ? Quels ont été vos choix ? Quel est votre bilan ? Telles sont les questions que nous voulons vous poser.
Pour résorber cette crise, la France a besoin de logements abordables et accessibles en nombre suffisant. Or vous avez fait le choix de déserter ce secteur. Nous avons déploré à maintes reprises, année après année, le désengagement financier de l'État, un budget sans l'État. Le budget est en diminution continue et constante : baisse de 33 % des crédits de paiement dans le budget 2012 et chute drastique des aides à la pierre, l'État ne participant plus qu'à hauteur de 4 % au coût de réalisation d'un logement construit par un bailleur social. Or les aides à la pierre sont un des leviers de la construction de logements. Votre pseudo-stratégie du « logement d'abord » se traduit dans la réalité par moins de logements et pas plus d'hébergements.
Depuis 2009, l'État ne participe plus financièrement à la lutte contre l'habitat indigne ou à la réhabilitation des logements sociaux. Les crédits alloués à la construction locative et à l'amélioration du parc ont baissé de plus de 61 % depuis 2007.
Afin de compenser ce désengagement, dans un total mépris de ses partenaires historiques, l'État a pillé les fonds du 1 % pour financer l'Agence nationale pour la rénovation urbaine et l'Agence nationale de l'habitat dont l'avenir est plus qu'incertain. Il a ponctionné les HLM, si bien que de nombreux organismes ont stoppé net des projets de construction pour s'acquitter de cette dîme.
Que répondez-vous à ce constat irréfutable du désengagement de l'État en matière de logement ? Reconnaissez-le, le logement n'a pas été votre priorité au cours des cinq dernières années. En revanche, que n'avez-vous pas investi pour cette France des propriétaires dont vous vous réclamez ?
Je vais être indulgent : je ne vous demanderai pas le bilan de la maison Borloo à 100 000 euros et encore moins celui de la maison Boutin à 15 euros par jour. Par contre, comment ne pas vous interpeller sur le gouffre financier du crédit d'impôt de la loi TEPA et sur l'universalisme d'un PTZ + inflationniste et non encadré ?
Comment ne pas vous interpeller sur le gouffre financier des défiscalisations – les Robien, Borloo et autres Scellier –, totalement injustes et inefficaces, qui ont coûté les trois dernières années, entre 2009 et 2012, plus de 2,9 milliards d'euros à l'État ?
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, tous ces dispositifs aux effets inflationnistes n'ont pas permis de produire des logements abordables. Ils resteront le symbole de l'injustice fiscale que vous devez assumer avec votre gouvernement et le Président de la République.
Au-delà de vos choix dogmatiques, je veux dénoncer également votre manque de volonté et de courage politique,…
…notamment face aux mauvais élèves de la loi SRU, qui a pourtant permis, je veux le rappeler, de construire plus de 300 000 logements sociaux en dix ans, mais pas dans tous les territoires de la République.
Enfin, il m'est difficile de vous interpeller sur la lutte contre la cherté du logement, puisque vous n'avez rien fait pour aider à la solvabilisation des ménages.
Votre conception du logement coûte cher à la France, mais elle coûte aussi très cher aux Français, avec ses mesquineries comme le délai de carence pour l'APL, la limitation à 18 euros du paiement des loyers et l'arrêt de l'indexation des aides au logement.
Le Président Nicolas Sarkozy, son gouvernement et sa majorité assument une lourde responsabilité dans l'aggravation de la crise du logement. Nous allons aujourd'hui vous poser un certain nombre de questions. Elles témoignent de l'inquiétude de nos compatriotes et de l'interrogation politique qui est la nôtre sur le réel engagement de la majorité et du Gouvernement pour donner à nos concitoyens le minimum qu'exige la République : un toit accessible. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je rappelle que la Conférence des présidents du 24 janvier a décidé que ce débat serait organisé sous forme de questions.
La durée des questions et des réponses est de deux minutes. La réponse du Gouvernement sera donnée après chaque question. Il n'y aura pas de droit de réplique.
Nous prendrons successivement les trois premières questions du groupe SRC, les deux questions du groupe Nouveau Centre, les deux questions du groupe GDR et la question du groupe UMP ; nous terminerons avec les trois dernières questions du groupe SRC.
Pour le groupe SRC, la parole est à Mme Jacqueline Maquet.
Monsieur le secrétaire d'État, quel bilan de la loi instaurant le droit au logement opposable cinq ans après son adoption ? Le dispositif sera universel cette année. Sera-t-on prêt à relever le défi ? Depuis la mise en place en 2007 du DALO, le bilan n'est guère satisfaisant ; les récents chiffres de la Fondation Abbé Pierre l'attestent.
Le DALO, c'est 6 000 recours par mois : 85 % pour un logement et 15 % pour un hébergement. Moins d'un dossier sur deux aboutit. Régulièrement, dans cet hémicycle ou en commission, nous avons alerté le Gouvernement sur les carences de la loi et sur les disparités d'un territoire à un autre dans l'attribution des logements DALO.
Depuis 2007, tous les ministres chargés du logement nous ont assuré qu'ils demanderaient aux préfets de ne plus attribuer de logements DALO ni dans les ZUS ni dans les quartiers ANRU. Mais le constat est bien différent : les préfets continuent quotidiennement à attribuer des logements DALO dans ces zones sensibles. La conséquence, vous la connaissez : c'est le renforcement des ghettos urbains, tout à fait contraire aux objectifs du premier PNRU.
Le DALO, qui devait permettre à tous d'avoir un toit, devient un obstacle à la mixité sociale. De plus, de nombreux dossiers DALO, imposés par les préfets sur leur contingent, viennent de communes voisines qui ne respectent pas l'obligation de 20 % de logements sociaux prévue par la loi SRU. Pourtant les préfets, représentants de l'État dans nos territoires, ne devraient-ils pas imposer la construction de logements sociaux aux communes qui ne respectent pas la loi ?
Ce triste constat de ghettoïsation des quartiers défavorisés n'est que le fruit de la politique a minima menée dans ces quartiers et de votre laxisme face aux territoires hors-la-loi.
Des solutions existent ; nous vous en proposons. Parmi elles, la construction de logements sociaux, voire très sociaux, dans les communes qui ne respectent pas les 20 %, ou encore l'attribution des logements DALO en dehors des zones sensibles et des bâtiments occupés à plus de 66 % par des bénéficiaires de l'APL. Des pistes intéressantes ont également été évoquées par le comité de suivi de la mise en oeuvre du DALO, notamment l'hébergement de toute personne en détresse et le lancement d'un plan d'urgence pour reloger les ménages prioritaires dans les zones tendues.
On pourrait également organiser une gouvernance pour le logement dans chaque bassin d'habitat, avec, par exemple, des commissions d'attribution de logements inter-organismes, complétées par des protocoles d'occupation du parc social.
Monsieur le secrétaire d'État, il reste encore beaucoup d'efforts à consentir pour améliorer ce dispositif et ce n'est certainement pas avec vos propositions très faibles en matière de construction de logements sociaux dans certains secteurs que la situation des demandeurs de logement va s'améliorer.
La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement.
Madame la députée, vous m'interrogez sur le bilan de la loi DALO. Cette loi a été votée, je vous le rappelle, par cette majorité…
…il y a maintenant cinq ans. Quel bilan peut-on en faire ? Elle est parfaitement appliquée dans la quasi-totalité des départements de France,…
…à l'exception de l'Île-de-France – en tout cas de quatre départements sur les huit que compte la région – et de trois départements en Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Les difficultés que nous avons à appliquer cette loi dans certains territoires montrent bien que le marché du logement est très différent selon les régions : la situation de la Bretagne n'a rien à voir avec celle de l'Auvergne ou de l'Île-de-France.
Je le répète : dans quatre-vingt-douze départements français, 100 % des personnes reconnues éligibles au DALO par les commissions sont relogées dans les délais impartis.
Vous avez néanmoins raison : nous rencontrons de grandes difficultés en Île-de-France et en PACA. Pour autant, nous ne nous arrêtons pas à ce constat. En 2008, en Île-de-France, nous relogions 80 demandeurs DALO par mois. Nous sommes passés à 250 en 2009, 500 en 2010 et 600 en moyenne en 2011.
On progresse donc. Ce n'est pas suffisant, certes, mais ces chiffres encourageants concernent l'Île-de-France.
De plus, nous avons signé avec un tiers des bailleurs sociaux d'Île-de-France des relogements DALO hors ZUS pour répondre au problème que vous évoquez.
Malheureusement, les autres n'ont pas souhaité signer ; je le regrette comme vous.
Par ailleurs, nous avons mis en place, via la loi MOLLE, initiée par Christine Boutin,…
…la capacité de récupérer pour le DALO une partie du contingent du 1 % logement. Cette disposition est aujourd'hui en vigueur.
Surtout, nous avons engagé la récupération du contingent préfectoral, qui nous a permis de progresser – d'où les chiffres que j'évoquais à l'instant.
Enfin, parmi les propositions que vous avez formulées, madame la députée, j'en retiens une sur laquelle je vous rejoins tout à fait : les commissions d'attribution inter-organismes. Je pense que cette solution, qui existe d'ores et déjà dans certains territoires,…
…notamment à Rennes, monsieur Rogemont,…
…ou à Orléans, est l'une des voies à explorer si l'on souhaite répondre à l'ensemble des demandeurs DALO, particulièrement en Île-de-France.
La question de l'hébergement d'urgence s'est retrouvée à la une de l'actualité pendant la période de grand froid que vient de traverser l'hexagone. S'agissant d'une composante essentielle de notre politique de solidarité, on ne peut que se féliciter de cet intérêt journalistique qui permet de mettre en lumière les réussites comme les échecs de l'hébergement d'urgence. Le redoux s'est cependant accompagné d'un désintérêt certain pour cette question dans les médias. Tous les problèmes d'hébergement ont-ils été réglés pour autant ? Malheureusement non.
J'ai reçu plusieurs informations m'indiquant que des places ouvertes en raison du grand froid ont déjà été fermées. Pourtant, tout le monde s'accorde à dire que dormir à la rue ne constitue pas un problème dont la gravité varie en fonction de la saison. Surtout, beaucoup s'interrogent sur la pertinence des seuils de température retenus pour l'ouverture des places d'hébergement supplémentaires.
Des personnes étaient en difficulté dans la rue avant que la température ne descende trop bas. Leur situation ne sera pas forcément beaucoup plus enviable quand le mercure aura remonté. À Paris, on estime entre 1 000 et 1 500 le nombre de personnes qui regagneront la rue après la fermeture des capacités d'accueil supplémentaires ouvertes pendant la période hivernale.
Dans un récent rapport rédigé avec mon collègue Arnaud Richard, ici présent, nous avons proposé la pérennisation des places hivernales. Les encouragements nombreux et venant de tous horizons que nous recevons depuis la publication de ce rapport transpartisan me laissent penser que certaines de ses recommandations survivront au désaccord que vous avez exprimé, monsieur le secrétaire d'État, sur plusieurs points. Mais je ne comprends vraiment pas l'une de vos objections. Pourquoi ne pas accepter la pérennisation des places hivernales ? On ne peut plus se contenter de se reposer sur les efforts des collectivités accomplis dans l'urgence.
Je vous rappellerai enfin, en rapport avec la réponse que vous venez de faire et aux chiffres que vous avez cités, qu'il manque toujours 12 500 places DALO en Île-de-France.
Madame la députée, je voudrais tout d'abord saluer le travail que vous avez accompli sur l'hébergement avec Arnaud Richard. C'est un excellent rapport, dont je partage presque toutes les conclusions, sauf une – celle que vous avez citée – à laquelle je vais revenir.
Avant cela, permettez-moi de faire un état des lieux s'agissant de l'hébergement d'urgence. Je vous rappelle que 116 000 places sont actuellement ouvertes toute l'année, c'est-à-dire 25 000 de plus qu'en 2007.
Nous avons donc augmenté le nombre de places d'hébergement ouvertes toute l'année de 27 % pendant le quinquennat.
À ces 116 000 places permanentes s'ajoute un dispositif hivernal permettant de mettre des personnes à l'abri : 16 000 places cette année contre 11 000 l'année dernière.
Nous avons surtout décidé, en accord avec l'ensemble des associations, d'engager une transformation profonde de notre stratégie d'hébergement. Notre démarche est aujourd'hui partagée par le monde associatif, mais aussi par la Cour des comptes, qui a rédigé un rapport à ce sujet, sans oublier celui que vous avez vous-même publié. L'idée est d'accélérer les sorties vers le logement par la mise en place de la stratégie du logement d'abord et de mieux coordonner l'ensemble des acteurs associatifs.
Vous proposez de pérenniser l'ensemble des places ouvertes pendant la période hivernale. Un bémol tout d'abord : ce ne sont pas les collectivités locales qui ouvrent ces places, puisque 95 % d'entre elles sont ouvertes et financées par l'État.
Je sais bien qu'à vous entendre, les collectivités locales font tout ! La réalité n'en est pas moins que les places de renfort hivernal sont ouvertes et financées par l'État et non par les collectivités locales.
Ensuite, la pérennisation des places hivernales, c'est exactement ce que nous faisons depuis cinq ans. Si nous avons décidé de stopper cette politique, c'est que nous sommes intimement convaincus que la question n'est pas d'augmenter encore et toujours le nombre de places hivernales ou de places pérennisées à l'année. Cette politique-là a été un échec. Il nous faut aujourd'hui changer de logique, en commençant par accélérer les sorties vers le logement. C'est ce que nous faisons ; c'est comme cela que nous redonnerons de la fluidité au dispositif. Au contraire, ouvrir toujours plus de places, c'est remplir le tonneau des Danaïdes.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai la désagréable mission de rappeler le discours du Président de la République du 11 mars 2007. Il disait alors : « Tous les Français ont vu la hausse des prix du logement ronger peu à peu leur pouvoir d'achat. » Et concluait : « Je ne veux plus du renoncement. J'ai été élu pour agir, je vais donc agir ».
A-t-il agi ? Qu'a-t-il fait ? Prenons le taux d'effort des ménages pour le logement. Les aides à la personne ont été revalorisées, en 2012, de 1 % seulement, quand l'indice de référence imposait 1,9 %.
Les actualisations successives ont eu un effet désastreux sur le taux d'effort des ménages. Depuis 2000, les loyers effectifs ont augmenté de 29 %, alors que les barèmes n'ont progressé que de 16 %. Le résultat en est que 60 % des locataires du parc social et 90 % des locataires du secteur privé acquittent un loyer supérieur à celui qui est pris en compte pour les aides à la personne.
La conséquence est sans appel : 20 % des ménages les plus modestes, ceux logés en HLM, ont des taux d'effort qui atteignent 27 %, charges comprises ; pour ceux du privé, le taux d'effort peut atteindre 39 %.
Tout cela se traduit dans les faits par une augmentation des impayés qui pèse sur la situation financière des organismes HLM – que je connais bien puisque je suis président de l'un d'entre eux. Au final, cela signifie que certains locataires paient pour les autres. Autrement dit, vous organisez une solidarité horizontale allant des plus modestes vers les plus modestes.
La solidarité, ce n'est pas cela ! Quand comprendrez-vous qu'elle doit jouer des plus aisés vers les plus modestes ? Quand prendrez-vous en compte le taux d'effort des familles les moins favorisées ? Vous adorez le président du pouvoir d'achat : quand agirez-vous effectivement sur le premier poste de dépense des ménages qu'est le logement ?
Monsieur le député, nous avons très clairement une différence d'approche.
Pour notre part, nous considérons que les prix augmentent principalement en raison du jeu de l'offre et de la demande. Si, aujourd'hui, les prix baissent ou stagnent dans douze régions françaises sur vingt-deux, c'est parce que l'offre de logements y est largement supérieure à la demande.
Effectivement. D'ailleurs, la baisse de la population est une explication qui vaut aussi pour l'Allemagne, devenue votre référence en matière de loyers.
C'est vous qui voulez copier le système allemand sans l'avoir compris.
Dans les autres régions, comme en Île-de-France ou en Bretagne, les prix augmentent parce que l'offre n'est pas suffisante. Depuis le début du quinquennat, nous avons fait le choix politique d'augmenter l'offre de logements, et nous poursuivons dans cette voie avec le projet de loi qui sera examiné la semaine prochaine dans l'hémicycle.
Vous parlez de résultats : comparons les bilans ! Combien de logements sociaux ont été construits durant ce quinquennat ? Un total de 600 000. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Combien de logements sociaux ont-ils été construits lorsque M. Jospin était Premier ministre et M. Hollande, premier secrétaire du parti socialiste ? Seulement 265 000. (« Cela fait dix ans ! » sur les bancs du groupe SRC.) Voilà la différence entre vous et nous : quand vous produisiez 265 000 logements sociaux, nous en faisons 600 000. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J'entends que vous nous reprochez de produire essentiellement des PLS. Mais combien de PLAI produisiez-vous par an entre 1997 et 2002 ? Vous en faisiez 5 000,…
…alors que nous en produisons 25 000. Voilà la différence ! Je vous rappelle que la loi DALO, initiée et votée par l'actuelle majorité, avait prévu un minimum de 20 000 PLAI annuels ; nous en faisons 25 000.
Il y a donc bien une véritable différence entre les discours et la réalité. Nous poursuivons une politique de l'offre qui est la seule façon de faire baisser les prix.
La promesse de votre candidat en 2007, c'était : tous les Français propriétaires. A-t-elle été tenue ?
Pour faire baisser les loyers, vous préconisez d'encadrer les prix. On n'a toujours pas compris le détail de votre mesure. Est-ce un encadrement à la baisse, à la hausse ? Concerne-t-il uniquement les zones tendues ? Pour la clarté du débat, il serait bon que vous précisiez vos propositions.
Ce n'est pas au mois de juin qu'il faudra nous dire ce que vous comptez faire ! L'élection présidentielle se déroule en avril et en mai : c'est avant cette échéance et non après que vous devez expliquer vos propositions aux Français. Attendre le mois de juin, ce ne serait pas la marque d'une campagne électorale sincère. Expliquez vos propositions aujourd'hui !
Le blocage des loyers s'est soldé par des catastrophes à chaque fois qu'il a été mis en place dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous n'avons pas parlé de blocage mais d'encadrement des loyers ! Vous êtes malhonnête !
Nous sommes calmes, mais le secrétaire d'État profère des contrevérités !
Vous avez déjà eu la parole, monsieur Rogemont. Et je l'ai dit, il n'y a pas de droit de réplique.
Nous en venons aux questions du groupe Nouveau Centre.
La parole est à M. Pascal Brindeau, et à lui seul.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous constatons tous qu'il y a aujourd'hui une crise du logement. Elle n'est pas récente, elle ne date pas de ces dix dernières années : elle dure depuis trente ans. Je ne pense pas que le bilan des années Jospin donne autorité au parti socialiste en la matière – pas plus d'ailleurs que dans d'autres domaines.
Cette crise de l'accès au logement touche particulièrement les jeunes et les étudiants, en faveur desquels nous pensons qu'un effort supplémentaire doit être consenti.
En 1973, les moins de trente ans représentaient 25 % des locataires de HLM. Ils ne sont plus que 11 % aujourd'hui, et seulement 1 % en ce qui concerne les étudiants.
Par ailleurs, le parc de logement social est très peu adapté aux jeunes isolés. Les studios ne représentent que 5 % du parc et les deux pièces 18 %, soit un total de 23 % de petits logements alors que le parc locatif privé en compte plus de 40 %.
Le Gouvernement a pris la mesure de ce problème et, dans le cadre de la loi de finances de septembre dernier, il a proposé une taxation des micro-logements – ceux de moins de 14 mètres carrés. Les députés du Nouveau Centre ont soutenu ce dispositif de bon sens visant à taxer les loyers abusifs. Nous ne comprenons d'ailleurs toujours pas pourquoi les sénateurs socialistes s'y étaient opposés, mais nos débats permettront peut-être de nous apporter une réponse sur ce point.
Nous voulons bien vous répondre mais il faudrait qu'on nous donne la parole !
En attendant cette explication, j'avancerai trois propositions sur lesquelles je souhaite entendre la réaction du secrétaire d'État.
Nous souhaitons d'abord développer la colocation dans le parc locatif social afin d'apporter une réponse rapide à la pénurie de petites surfaces.
Nous proposons ensuite d'annualiser les aides aux logements, ce qui permettrait de mobiliser un plus grand nombre de logements pour les étudiants.
Enfin, nous estimons qu'il est possible d'élargir à tous les étudiants, et pas seulement aux boursiers, la suppression de la caution personnelle pour accéder au parc locatif social.
Monsieur Apparu, pouvez-vous nous rappeler l'action du Gouvernement en la matière et nous donner votre sentiment sur ces propositions ?
Monsieur le député, il est vrai que le parc actuel de logements ne correspond pas aux besoins des jeunes ménages, en particulier en termes de surface. Depuis une trentaine d'années, nous avons continué à produire des logements répondant aux standards familiaux classiques – papa, maman et deux enfants. Trop peu de petits logements ont été construits pour répondre aux problématiques actuelles : celle des jeunes que vous évoquez, mais aussi celle liée à la baisse du nombre d'occupants par logement. Nous devons produire plus de petits logements, notamment dans le parc social, car c'est dans ce secteur que nous accusons le plus grand retard. C'est la raison pour laquelle les orientations signées avec les bailleurs sociaux dans le cadre des conventions d'utilité sociale insistent sur ce point.
Nous avons développé l'offre de logements pour les étudiants. Dans le cadre du rapport Anciaux, nous avons pris l'engagement de produire 5 000 logements étudiants par an. Cette année, nous sommes allés au-delà puisque nous en avons créé 5 900.
Vous faites trois propositions afin de développer à court terme l'offre de logements pour les jeunes et pour les étudiants.
Dans le secteur du logement social, la colocation est possible grâce à la loi de 2009.
Il faut développer cette solution. Je compte sur l'engagement des bailleurs sociaux pour répondre à cette très forte attente.
Vous suggérez également de supprimer la caution personnelle demandée aux étudiants. Ma position est plus nuancée sur cette proposition que sur la précédente. Si nous supprimons la caution en tant que telle, sans lui substituer, par exemple, un dispositif de garantie, nous prenons le risque majeur de voir le marché se fermer à l'ensemble des jeunes.
Aujourd'hui, les propriétaires demandent soit une caution, soit une garantie afin d'avoir l'assurance que les loyers seront payés. Je suis donc favorable à la suppression de la caution à la condition qu'un autre dispositif la remplace.
Vous avez enfin parlé des aides aux étudiants. Le montant des aides personnalisées au logement destinées aux étudiants s'élève à 1,3 milliard d'euros par an. Une question déjà maintes fois abordée se posera dans les années à venir : faut-il mettre les APL étudiantes sous conditions de ressources ?
Voilà qui est intéressant, monsieur Rogemont ! Je rappelle que la mise sous conditions de ressources des APL étudiantes est combattue par la gauche et par les syndicats étudiants depuis de très nombreuses années. Je constate que vous rejoignez aujourd'hui nos positions : c'est une grande nouvelle et je vous remercie d'être intervenu pour nous signifier l'accord du parti socialiste à la mise sous conditions de ressources des APL étudiantes.
Je ne suis pas le parti socialiste à moi seul ; je n'ai pas cette ambition !
Aujourd'hui, seule l'APL étudiante n'est pas sous conditions de ressources : un jeune bénéficie de l'APL même lorsque ses parents qui en ont les moyens lui apportent un fort soutien financier. Au nom de la justice sociale à laquelle nous sommes tous attachés, cette question méritera d'être posée dans les mois à venir.
À la crise en termes de nombre de logements s'ajoute celle de la précarité de certains logements.
Aujourd'hui, près de 4 millions de Français ne peuvent plus subvenir aux charges énergétiques de leur logement. Avec la vague de froid que nous avons connue ces dernières semaines, la question se fait encore plus pressante.
En effet, depuis un an, le prix de l'énergie a augmenté de près de 15 %, et même de 20 % pour le gaz. Nous savons que la raréfaction du pétrole n'inversera pas cette tendance dans les années à venir. Je rappelle qu'à chaque augmentation de 20 % du prix de l'énergie, c'est 10 % de plus de la population qui tombe dans la précarité énergétique.
Monsieur Rogemont, vous ne m'écoutez pas : j'ai parlé d'une tendance naturelle…
Monsieur Rogemont, pourriez-vous, de temps en temps, écouter les orateurs ?
La dépense supplémentaire liée à la hausse des prix de l'énergie est de 900 à 1 000 euros par an pour une famille se chauffant au gaz ou au fioul et qui fait un plein d'essence par semaine.
Afin de protéger les plus fragiles, le groupe Nouveau Centre a fait adopter dans la loi Grenelle une définition juridique de la notion de précarité énergétique. En effet, dans le cadre du pacte de solidarité écologique lancé par le ministère du développement durable, une démarche de concertation innovante avait été engagée, réunissant les acteurs de la solidarité, du logement et de l'énergie, afin d'établir un consensus sur le constat et les actions concrètes à mener pour éradiquer la précarité énergétique qui pèse sur ces ménages modestes. Le groupe de travail avait souligné de manière unanime que la précarité énergétique est insuffisamment perçue ou appréhendée, et qu'elle souffre d'un manque de connaissances et de définition.
Monsieur le secrétaire d'État, près d'un an après l'adoption du Grenelle II et au regard de l'inscription dans la loi de cette définition, pouvez-vous nous éclairer quant aux réflexions et aux pistes d'action que le Gouvernement envisage en matière de précarité énergétique ?
Monsieur le député, à l'occasion du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement a souhaité mettre l'accent sur les économies d'énergie dans le logement, qui constituent un véritable triptyque du développement durable. Ces économies permettent d'abord de minimiser les dépenses énergétiques, ce qui est bon pour l'environnement. Elles permettent ensuite de réaliser des travaux dans les logements, ce qui est bon pour le développement économique du pays, notamment pour le secteur du BTP. Elles permettent enfin que le montant de la facture énergétique des consommateurs baisse, ce qui est souhaitable sur le plan social. En la matière, nous souhaitons clairement changer de logique car, pour un même résultat social, nous estimons qu'il est bien plus efficace en termes énergétiques et économiques d'inciter à faire des travaux qui vont permettre de diminuer le montant de la facture énergétique plutôt que d'aider les consommateurs à régler cette facture.
Vous avez eu raison de rappeler qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi Grenelle II les députés du groupe Nouveau Centre avaient souhaité définir la précarité énergétique. Nous en avons tiré les conséquences en mettant en place le programme « Habiter mieux », qui nous permettra de traiter dans les sept années qui viennent 300 000 logements appartenant notamment à des propriétaires occupants modestes en milieu rural.
Pour les plus démunis, nous ne nous sommes pas contentés de ce programme. Nous avons mis en place un éco-prêt pour le logement social afin de traiter 800 000 logements sociaux à l'horizon 2020 ; le crédit d'impôt-développement durable qui aura permis à six millions de Français de bénéficier d'un crédit d'impôt leur permettant d'effectuer des travaux dans leur logement ; enfin l'éco-prêt à taux zéro, qui a le même objet. Comme vous pouvez le constater, le parc de logements existants bénéficie d'un projet global.
Nous avons également instauré une nouvelle norme pour les logements neufs avec la réglementation thermique 2012 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2013, date à laquelle tous les logements neufs devront respecter des normes de basse consommation.
Ces éléments n'ont pas échappé au Nouveau Centre ; il me semble qu'ils avaient échappé à M. François Hollande puisque, dans son fameux discours du Bourget,…
… il a pris l'engagement très fort de faire 1 million de logements performants sur le plan énergétique par an, neufs comme anciens. Trois jours après, lors de sa conférence de presse, il a réduit ce chiffre à 600 000, parce qu'il a dû s'apercevoir entre-temps que les 400 000 logements neufs qu'il voulait traiter sur le plan énergétique étaient déjà prévus par la loi, et qu'il ne servait donc pas à grand-chose de prendre un engagement en la matière. J'imagine que les spécialistes du logement présents aujourd'hui dans l'hémicycle n'avaient pas relu le discours de M. Hollande.
Il faudrait également dire à M. Hollande, à propos des 600 000 logements anciens qu'il entend mettre aux normes, que nous en faisons d'ores et déjà beaucoup plus, et que les engagements pris par la France au niveau européen comme devant le Parlement vont déjà beaucoup plus loin.
Bref, je regrette la faible ambition du parti socialiste en la matière ; heureusement que le Nouveau Centre et la majorité sont beaucoup plus ambitieux.
Nous en venons aux questions du groupe GDR.
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Monsieur le secrétaire d'État, les sommes consacrées au logement par l'État, les collectivités locales et les bailleurs correspondent au total à 1,7 % du PIB. Mais au cours des dernières années, la part de l'État n'a cessé de décroître. De 1,34 % du PIB en 2000, elle est passée à 1,1 % en 2011.
Jusque dans les années soixante-dix, l'argent public ne finançait pas le logement privé. Actuellement, avec les différentes niches fiscales, comme le dispositif Scellier, la moitié des crédits d'État lui sont alloués.
Parallèlement, le financement du logement social a été totalement refondé et ses crédits ont été ponctionnés. L'épargne du livret A a été offerte sur un plateau d'argent aux établissements financiers au détriment de la construction du logement social. La réforme du 1 % patronal a permis à l'État de se désengager du financement de l'ANAH et de l'ANRU. Elle coûte près de 340 millions par an aux bailleurs sociaux.
Pour faire face à la grave crise du logement mise en lumière par les associations de droit au logement, et soulager les souffrances qu'elle engendre, le logement social doit redevenir une priorité de la nation.
Les députés du Front de gauche proposent que l'épargne du livret A soit entièrement recentralisée à la Caisse des dépôts et consignations, et le plafond du livret porté à 20 000 euros. Un prêt à taux zéro pourrait également être proposé aux bailleurs. Le 1 % patronal – aujourd'hui en fait une contribution de 0,45 % de la masse salariale des entreprises de plus de 50 salariés – doit retrouver son taux. Une majoration de dix points de la taxe sur les logements vacants pourrait être dissuasive, tout comme l'augmentation de la taxation des plus-values pourrait contribuer à financer davantage la construction.
Ces mesures permettraient de relancer une politique ambitieuse en faveur du logement social. Qu'en pensez-vous et allez-vous réengager une politique publique du logement ?
Madame la députée, vous dites une nouvelle fois que le Gouvernement s'est désengagé du logement social. Je ne vais pas refaire la démonstration que j'ai faite tout à l'heure sur la production et le financement du logement social ; ce qui compte, c'est de savoir combien de logements sociaux sont mis à disposition des plus faibles.
C'est cela l'intérêt d'une politique publique. Et je le répète : nous avons fait, en moyenne, 125 000 logements sociaux par an pendant le quinquennat, alors qu'entre 1978 et 2004, très longue période pendant laquelle la droite et la gauche ont gouverné, on en construisait 50 000 par an en moyenne. Oui, ce gouvernement a pris les devants et a produit beaucoup plus de logements sociaux que dans le passé.
Vous m'interrogez sur le financement du logement social. Là encore, vous commettez la même erreur que M. Le Bouillonnec il y a quelques instants. Cette erreur est la suivante : vous ne jugez le financement de l'État que sur les seules aides à la pierre.
Si vous considérez, madame Amiable, que les trente niches fiscales dont bénéficie le logement social sont inutiles, il faut les supprimer. Dans ce cas, 5 milliards d'euros de financement d'État au bénéfice du logement social seront supprimés. Mais assumez vos positions en la matière : si vous estimez que seules comptent les aides à la pierre, dites-le. Mon petit doigt me dit que dans ce cas, MM. Le Bouillonnec et Rogemont, qui oublient bien sûr cette composante, ne seront pas très contents le jour où vous ferez une telle proposition. Que le Front de gauche nous précise sa position en la matière.
S'agissant du soutien à l'investissement locatif, je vous rappelle qu'il existe depuis une trentaine d'années. Droite et gauche confondues, chaque gouvernement a créé un dispositif d'investissement locatif : nous avons connu le « Besson », le « Méhaignerie » monté par Pierre Méhaignerie, ici présent, lorsqu'il était ministre du logement, et tous les autres dispositifs qui ont suivi.
Nous considérons qu'il faut aujourd'hui supprimer une bonne partie du financement public en faveur de l'investissement privé. Pourquoi ?
Pour une raison très simple : ces dispositifs alimentent la hausse des prix. Si l'on regarde l'investissement réalisé par les pouvoirs publics depuis une trentaine d'années, et que l'on compare avec nos voisins, on constate que notre État, au sens large, investit beaucoup plus pour le logement que beaucoup d'autres pays. Pourtant, nos prix continuent à augmenter. Il y a donc une relation de causalité entre les deux. Nous souhaitons inverser la tendance en investissant moins d'argent public et en octroyant plus de droits à construire, car il nous faut inventer un modèle économique différent.
Enfin, madame Amiable, j'ai cru comprendre que le livret A faisait l'objet d'importants débats. Vous nous proposez, comme François Hollande, de relever le plafond du livret A. Je vous rappelle que cela ne bénéficierait qu'à 10 % des titulaires et que ces 10 % qui sont au plafond appartiennent aux classes les plus aisées de France. Je vous remercie de vouloir permettre aux Français les plus aisés de bénéficier d'un avantage complémentaire.
Deuxième élément : est-ce que le plafond du livret A est aujourd'hui insuffisant pour assurer la construction de logements sociaux en France ? Non. Les fonds disponibles à la Caisse des dépôts atteignent 180 milliards d'euros, les encours de crédit sont de 120 milliards. Il reste donc encore 60 milliards disponibles.
Votre proposition apporterait 20 milliards d'euros supplémentaires, mais cela ne financerait pas la construction d'un logement social de plus ; vous ne feriez qu'une chose : continuer à endetter les bailleurs sociaux.
Je vous rappelle que l'endettement des bailleurs sociaux est maastrichtien, mais vous avez dû l'oublier.
Le résultat, madame Amiable, est que votre seule proposition valable pour construire plus de logements sociaux, c'est la baisse des taux auxquels les bailleurs sociaux peuvent emprunter. C'est une proposition que fait le Front de gauche mais que ne fait pas le parti socialiste.
Non, ce n'est pas dans votre projet…
J'ai parfaitement lu votre projet, monsieur Le Bouillonnec ; vous proposez d'augmenter le plafond du livret A, pas de baisser les taux pour les bailleurs.
Si l'on diminuait les taux, il pourrait y avoir un impact, mais il faut alors nous préciser une chose : qui paie ? Parce que si le PS nous propose la baisse des taux du livret A au profit du logement social, il faut donc rajouter quelques milliards aux 20 milliards d'euros de dépenses nouvelles que vous avez déjà programmées, parce que cette dépense-là ne figure pas dans le programme présenté aux Français.
Il y a là une supercherie du parti socialiste. Au moins le Front de gauche assume-t-il ses projets jusqu'au bout.
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour poser une seconde question.
Qui portera, monsieur le secrétaire d'État, sur le problème de l'encadrement des loyers.
En Île-de-France, le loyer moyen du marché locatif privé a augmenté de 47,3 % entre 1998 et 2011. À Paris, le prix moyen en location au mètre carré se situe entre 20 et 39 euros. Dans ma circonscription, à Montrouge, il atteint plus de 25 euros. Je vous laisse faire le calcul.
Entre 2002 et 2006, le nombre d'impayés de loyer a bondi de 83 % dans le secteur privé. Trop de locataires sont pris à la gorge et n'en peuvent plus.
Selon une étude récente de l'Association des maires d'Île-de-France, plus de 68 % des maires se disent favorables à un encadrement des loyers par la loi. Mais vous expliquez que cette mesure nuirait à la sacro-sainte loi du marché.
Pourtant, avoir un toit contribue à la dignité humaine. C'est un droit qui doit être garanti. C'est le rôle de la solidarité nationale de protéger nos concitoyens.
Force est de constater que l'empilement de lois – sept en sept ans – et les mesures budgétaires de ces dernières années n'ont pas été à la hauteur de la situation ; pire, elles l'ont aggravée.
Votre gouvernement, qui nous présente souvent l'Allemagne comme un modèle, pourrait s'inspirer aussi de sa politique d'encadrement des loyers par le fameux dispositif du « miroir des loyers ». Il existe également des politiques d'encadrement aux Pays-Bas.
Les députés du Front de gauche ont eu plusieurs fois l'occasion de détailler leurs propositions dans l'hémicycle. Un encadrement des loyers du parc privé, fixé par arrêté du préfet de région, permettrait de limiter le taux d'effort des ménages et freinerait la spéculation. Bien sûr, cette mesure ne peut être mise en place sans la conjuguer avec un plan de construction ambitieux de 200 000 logements par an.
Monsieur le ministre, les habitants ont besoin d'engagements fermes contre la spéculation ; d'ailleurs ils ne comprennent pas la passivité des pouvoirs publics. Quelles sont vos orientations pour combattre la spéculation et les prix exorbitants des loyers ?
Madame la députée, vous évoquez la question de l'encadrement des loyers. Là encore, le Front de gauche a une proposition qui est claire : il souhaite baisser les loyers du privé. En revanche, je n'ai toujours pas compris si le PS voulait encadrer ou bloquer, encadrer à la baisse ou encadrer à la hausse. La proposition de loi de Jean-Pierre Bel prévoit de baisser les loyers. À la lecture du projet du PS, ce n'est pas très clair ; j'ai cru comprendre cependant qu'il proposait un encadrement à la hausse.
Autrement dit, le parti socialiste nous annonce : les loyers sont trop chers, mais on ne les baissera pas.
Au moins, le Front de gauche va au bout de la démarche.
Vous nous dites, au PS, qu'il faut encadrer les loyers, je ne partage pas cette analyse.
Cette décision serait totalement contre-productive sur le marché du logement. Si vous dites aux propriétaires que vous allez faire baisser leur rentabilité locative, je comprends idéologiquement votre position, mais les résultats sur le marché seront catastrophiques !
Les bailleurs iront investir leur argent ailleurs,…
…ils quitteront le marché du logement. C'est ce qui s'est passé chaque fois que des mesures d'encadrement des loyers ont été prises : après la guerre de 14-18 ou après la guerre de 39-45.
Vous comparez la situation à celle de l'Allemagne. Allez vérifier ce qui se passe en Allemagne ! Le « miroir des loyers », c'est juste une transparence du marché pour que chacun connaisse les prix.
Ensuite, que se passe-t-il ? La loi allemande offre en effet un recours au locataire devant les tribunaux si, à la relocation, le loyer dépasse de 20 % le niveau du miroir. Cela n'a strictement rien à voir avec l'encadrement, avec la fixation administrative du prix des loyers que vous préconisez.
Surtout, M. Le Bouillonnec le sait car il connaît bien le marché allemand, il n'y a dans ce pays aucune hausse. Comme, en Allemagne, la population baisse, il n'y a pas de tension sur le marché locatif.
L'Allemagne prévoit de produire 180 000 logements par an à peine, alors que nos besoins sont de 500 000.
Comparons des choses comparables. On ne peut pas comparer le marché allemand, qui est totalement détendu, au marché francilien qui est très tendu. Vouloir appliquer la solution allemande à la situation française serait contre-productif.
Vous parlez également, madame Amiable, de l'augmentation des loyers. Vous avez raison, c'est un élément très important. Je vous rappelle quand même que durant ce quinquennat, selon l'indice CLAMEUR, les loyers ont augmenté moins vite que l'inflation.
En revanche, pendant la période 2002-2007, les loyers avaient explosé. Il faut donc nuancer les analyses à ce sujet.
Enfin, la seule solution si l'on veut durablement et efficacement lutter contre la hausse des loyers, c'est d'augmenter l'offre de logements. Or l'Île-de-France est malheureusement la région qui produit le moins de logements par habitant. On en produit deux fois plus en Auvergne. Tant que ce problème n'aura pas été réglé, les prix continueront à augmenter. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a pris l'engagement, dans la loi sur le Grand Paris, de porter la production à 70 000 logements par an, alors qu'on en construit actuellement 42 000. C'est la seule politique jouable pour lutter durablement et efficacement contre la hausse des prix.
Dans la continuité de l'intervention de Mme Hoffman-Rispal, je vais évoquer, monsieur le secrétaire d'État, l'hébergement d'urgence.
Dans le cadre du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, et avec l'appui de la Cour des comptes, nous avons accompli un travail sérieux, auquel j'associe Jean-Yves Le Bouillonnec, Michel Piron et Danièle Hoffman-Rispal. J'espère que notre travail contribuera à ce que cette question complexe de l'hébergement d'urgence ne soit plus un sujet d'anathème. En effet, c'est un sujet sérieux qui ne doit pas se résumer à des échanges d'invectives entre la droite et la gauche.
Selon nous, la volonté du Gouvernement a été très forte depuis le plan de cohésion sociale : vous savez de quoi je parle, madame la présidente. Cependant, pour importants qu'ils soient, les moyens mis en oeuvre ne sont peut-être pas à la hauteur, en termes de nombre de logements et d'accueil dans le cadre du droit d'asile, de la grave crise que nous connaissons.
En l'occurrence, même si les médias, friands de ce sujet en période de grand froid, ont simplifié notre rapport en disant simplement qu'il manquait des places, nous avons salué – Jean-Yves Le Bouillonnec pourra le confirmer – la politique du logement menée en la matière. Comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, la principale difficulté réside dans la production de logements, qui est une nécessité.
Après avoir rendu hommage à l'action du Gouvernement en la matière, je veux tout de même faire part de mon inquiétude sur un point. Dernièrement, le Conseil d'État a pris une disposition qui va, à mon sens, empêcher le Gouvernement de considérer que l'on peut établir une hiérarchie dans les situations d'urgence. C'est là un problème très complexe sur lequel il me semble que ce gouvernement – ou le suivant – devra se pencher. Alors que les différents acteurs politiques en présence sont plutôt d'accord sur la stratégie du logement, il est possible que cette décision du Conseil d'État oblige le Gouvernement à revoir sa stratégie en matière d'hébergement d'urgence, consistant actuellement à privilégier les vraies solutions de logement.
Enfin, quand vous dites que chercher à remédier à la situation actuelle revient à vouloir remplir le tonneau des Danaïdes, je ne peux pas vous suivre, monsieur le secrétaire d'État, puisque cette expression issue de la mythologie grecque est le symbole d'une tâche absurde, sans fin et impossible.
Allons ! N'en faites pas trop !
Telle n'est pas ma conception de la vie politique, que je préfère concevoir comme une tâche difficile, complexe, et qui appelle à ce que les différents acteurs oublient leurs divergences pour se retrouver autour d'une table. Ne l'oublions pas, la force d'un pays se mesure à la place qu'il réserve aux plus faibles !
Monsieur le député, vous avez sans doute oublié une partie de la phrase que j'ai prononcée lorsque j'ai évoqué le tonneau des Danaïdes. J'ai simplement parlé des places d'hébergement que l'on augmente sans fin, ce qui n'était que le constat d'une réalité. Vous pouvez ne pas être d'accord avec cette analyse mais, de grâce, ne faites pas comme vos collègues du groupe socialiste : évitez de transformer mes propos !
Je veux vous répondre en sortant un peu de l'aspect quantitatif des choses. En effet, le débat se trouve trop souvent résumé à une simple dimension quantitative. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Notre démarche doit être profondément différente si nous voulons sortir durablement les personnes de la rue. La question que nous devons aujourd'hui nous poser ne consiste pas à se demander comment mieux héberger les personnes, mais comment mieux les sortir d'une situation d'hébergement.
Je parle sous le contrôle de Catherine Vautrin, qui préside aujourd'hui nos débats, et qui avait engagé une réforme d'ampleur en 2006 et 2007. Poursuivant actuellement cette réforme, nous cherchons à assurer une meilleure coordination de l'ensemble des acteurs via un outil nouvellement mis en place, le système intégré d'accueil et d'orientation, ou SIAO, qui commence à produire de vrais résultats. Il n'est pas acceptable que le 115 réponde systématiquement qu'il n'y a pas de place, alors même que ce service ne sait pas ce qui se passe sur l'intégralité du parc. Lorsque j'ai eu l'honneur d'accepter mon poste ministériel en 2009, le taux de visibilité du SAMU social de Paris sur le nombre de places d'hébergement disponibles était à peine de 30 % – autrement dit, le 115 de Paris répondait non aux demandes d'hébergement en ignorant l'état des disponibilités de 70 % du parc ! La mise en place du SIAO a profondément modifié cet état de choses.
Par ailleurs, nous devons travailler sur les coûts et les prestations réalisées dans l'ensemble des centres d'hébergement d'urgence et des centres d'hébergement et de réinsertion sociale – les CHRS. En effet, nous ne pouvons accepter durablement que la même prestation revienne à 15 euros dans un centre et à 60 euros dans un autre. Nous devons harmoniser les coûts afin de parvenir à une meilleure efficacité de la dépense publique, mais aussi sociale, et de rendre ainsi un meilleur service.
Enfin et surtout, notre stratégie du « logement d'abord » est basée sur un principe simple, selon lequel il n'est pas socialement acceptable de laisser des personnes en situation d'hébergement, alors qu'elles pourraient accéder à un logement : une telle réponse ne répond pas aux besoins de la personne. Si nous souhaitons bloquer le nombre de places d'hébergement, c'est parce que l'hébergement est devenu un palliatif au manque de logements. Or, installer durablement des personnes dans l'hébergement alors qu'elles pourraient avoir accès à un logement, ce n'est pas leur rendre service. Nous souhaitons inverser la logique en faisant en sorte que l'hébergement devienne subsidiaire, la première réponse à apporter à une personne en grande fragilité consistant à lui fournir un logement assorti d'un accompagnement social. Compte tenu de la mise en place de cette stratégie nouvelle, nous devons, parallèlement, mettre fin à l'augmentation perpétuelle du nombre de places d'hébergement – une pratique qui, je le maintiens, revient à vouloir remplir le tonneau des Danaïdes.
Vous ne m'avez pas écouté, monsieur Rogemont, car j'en ai parlé !
Nous revenons aux questions du groupe SRC.
La parole est à Mme Frédérique Massat.
En vous écoutant, monsieur le secrétaire d'État, on se rend bien compte que des éléments de langage ont été récemment communiqués aux membres du Gouvernement. Votre collègue présent au banc des ministres dans le cadre du précédent débat nous a tenu des propos similaires aux vôtres,…
…tentant, tout comme vous, d'opposer les députés du groupe GDR et ceux du groupe SRC. Mais quand on veut s'aventurer sur ce terrain, il faut lire attentivement les projets des uns et des autres, plutôt que de prendre le micro pour dire n'importe quoi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
À vous entendre, il n'y a plus rien à faire en matière de logement, puisque vous avez déjà tout fait, rendant la situation parfaitement satisfaisante. Or il suffit de se rendre sur le terrain pour constater que le logement pose encore d'énormes problèmes, en particulier dans les territoires ruraux. Étant élue d'un territoire rural, c'est sur ce point que je veux attirer votre attention.
Premièrement, les territoires ruraux manquent d'une offre locative adaptée. Outre le nombre important de résidences secondaires, la situation des campagnes se caractérise également par une offre en logement social très insuffisante – et la situation ne s'arrange pas, compte tenu du désengagement de l'État.
Deuxièmement, un nombre croissant de personnes vivant dans les territoires ruraux se trouvent en situation de précarité énergétique. Cette question a déjà été évoquée tout à l'heure, mais aussi hier soir, dans le cadre du débat sur la TVA sociale – nous avons, pour notre part, défendu un amendement proposant de ne pas augmenter la TVA sur les fournitures de gaz et d'électricité. Vous savez, monsieur le secrétaire d'État, que les factures d'énergie prennent actuellement une place énorme dans le budget des ménages.
Par ailleurs, le mauvais état des logements – que leurs occupants en soient propriétaires ou locataires – entraîne de gros problèmes de déperdition d'énergie. Selon vous, tout va être réglé au 1er janvier 2013, avec la mise en oeuvre de la norme BBC. Encore faut-il que les territoires concernés disposent des moyens nécessaires à la réalisation des travaux ! Certes, les collectivités locales, notamment les conseils généraux, s'investissent dans ces politiques, mais nous avons également besoin de la solidarité nationale, c'est-à-dire de l'État.
Je sais qu'en matière de logement, les grandes villes connaissent des situations souvent beaucoup plus dramatiques, mais je tenais tout de même à attirer votre attention sur les problèmes spécifiques des territoires ruraux, dont les habitants ont droit, tout autant que ceux des villes, à des logements décents. Certains logements ne disposent d'aucun chauffage : sur ce point, vous avez peut-être vu le reportage diffusé par Envoyé spécial la semaine dernière au sujet d'une habitante du Gers qui, ne percevant qu'une petite retraite, allait devoir quitter son logement.
Je tiens à vous dire, madame la députée, que j'ai lu très attentivement le projet du parti socialiste et l'ensemble de ses préconisations sur le logement.
Le problème, c'est que ce projet change pratiquement tous les jours, ce qui le rend difficilement compréhensible. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Après ses premières interventions sur le blocage des loyers, le parti socialiste n'évoque plus désormais que l'encadrement de la relocation à la hausse ou à la baisse : avouez que tout cela n'est pas d'une très grande clarté ! Si vous avez une position définitive, n'hésitez pas à me la communiquer, je serai heureux de pouvoir enfin prendre connaissance du projet socialiste sur le logement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Non, madame Massat, je ne suis pas satisfait de la situation du logement dans notre pays, je n'essaie pas de vous convaincre que nous avons fait tout ce qu'il y avait à faire et que la situation est merveilleuse. Mais c'est une caricature de prétendre, comme votre groupe le fait tous les jours, que nous n'avons strictement rien fait…
…car en réalité, nous avons construit beaucoup plus de logements que vous, lorsque vous étiez au pouvoir. Oui, la situation est meilleure, et nous continuons à avancer dans la bonne direction.
Je vous rappelle que la Fondation Abbé Pierre préconise la construction de 500 000 logements, dont 150 000 logements sociaux. Nous aurons construit cette année 425 000 logements, dont 125 000 logements sociaux…
…et nous continuons de progresser en direction des objectifs évoqués – que nous atteindrons, je l'espère, le plus rapidement possible.
Vous avez raison sur un point, madame Massat : la politique du logement doit s'adresser à tous les territoires, des plus urbanisés aux plus ruraux, et répondre à toutes les problématiques, quelle que soit leur nature. En territoire urbain, nous avons surtout besoin de produire plus de logements pour répondre à la demande des populations. En territoire rural – je suis moi-même élu d'un territoire rural –, les problématiques sont radicalement différentes : s'il est parfois nécessaire de construire de nouveaux logements, nous devons, la plupart du temps, organiser la reconquête du parc existant. Les territoires ruraux sont, en effet, confrontés à un développement inquiétant de la vacance de logements, du fait de nombreux départs de populations.
Je vous rejoins également sur la question de la précarité énergétique. Là encore, nous ne nous contentons pas de discours : nous avons mis en place le programme « Habiter mieux », pour lequel nous avons conclu des conventions avec l'ensemble des départements français, afin de remédier à la situation des 300 000 logements les plus énergivores de propriétaires occupants en milieu rural. L'année 2011 présente un bilan mitigé, du fait que nous avons dû négocier avec l'ensemble des conseils généraux – en période électorale – pour mettre ce programme en place. Aujourd'hui, il est lancé, et j'espère que nous pourrons traiter cette année 30 000 à 40 000 logements. Comme vous le voyez, la lutte contre la précarité énergétique est bien engagée.
La politique du logement doit répondre, je l'ai dit, aux problématiques de l'ensemble des territoires : nous ne pouvons pas nous contenter de mener une politique unique, les marchés et les besoins étant trop différents selon les lieux. Traiter le milieu rural de la même façon que le milieu urbain serait une hérésie : nous devons adapter nos politiques en fonction des besoins, très différents d'une région à l'autre.
Enfin, notre principal outil pour agir en milieu rural, c'est l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat. Nous avons souhaité réorienter les dépenses de l'ANAH en faveur des propriétaires occupants. Jusqu'alors, l'ANAH réservait 80 % de ses financements aux propriétaires bailleurs – les investisseurs –, 20 % seulement allant aux propriétaires occupants, qui sont pourtant souvent les plus modestes. Cette réorientation nous permet d'exercer une action beaucoup plus forte en milieu rural, où l'on trouve essentiellement des propriétaires occupants.
Monsieur le secrétaire d'État, le rapport 2012 de la Fondation Abbé Pierre a, une nouvelle fois, dénoncé le désengagement de l'État en matière de logement, alors que, dans ce domaine également, la crise bat son plein.
Je vous rappelle les chiffres : 1,2 million de ménages sont sur des listes d'attente pour un logement social ; trois millions de Français sont mal logés et plus de neuf millions se trouvent dans une réelle situation de fragilité de logement.
Malgré cette situation, vos choix budgétaires successifs ont conduit à un budget du logement en voie de disparition.
Alors qu'il manque toujours près de 900 000 logements, l'effort pour le logement social marque le pas : 109 809 logements ont été financés en 2011, contre 131 106 en 2010, et en dix ans la subvention de l'État pour construire est passée de 8 000 euros à 600 euros par logement HLM.
Les subventions destinées à la réalisation de logements sociaux sont en voie d'extinction. L'État ne participe plus qu'à hauteur de 4 % au coût de réalisation d'un HLM et les crédits de paiement en 2012 baissent encore de 33 % par rapport à 2011.
Les baisses de crédits et le désengagement de l'État se confirment année après année.
Depuis 2009, le budget de la nation ne comprend plus un centime pour la lutte contre l'habitat indigne ni pour la réhabilitation des logements sociaux, avec la disparition des PALULOS.
Les crédits destinés à la construction locative et à l'amélioration du parc ont fondu : depuis 2007, ils sont passés de 827 millions d'euros à 322 millions, soit une baisse de 61 %.
Les crédits destinés à l'hébergement d'urgence fondent également.
La stratégie du « logement d'abord » se révèle en réalité une stratégie du « ni logement ni hébergement ».
En outre, l'État s'est progressivement désengagé du financement de l'ANRU, transférant la charge au 1 % logement, notamment depuis la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
Le financement de l'ANAH suit la même voie !
Aujourd'hui l'aide à la pierre représente 280 millions d'euros. C'est bien trop peu. Il faudrait la doubler dès l'année 2013 pour revenir à son niveau d'il y a trois ans, proche des 500 millions d'euros.
Les ressources de la nation devront être mobilisées au service de la réalisation de logements compatibles avec les revenus de nos concitoyens, notamment en donnant aux bailleurs sociaux une plus grande capacité de production de logement.
Le logement devra être une priorité nationale pour le prochain quinquennat, avec des choix budgétaires qui reposent enfin sur une politique fiscale juste : pas d'avantage fiscal sans contrepartie sociale ! Autant dire l'exact inverse de ce que votre gouvernement a fait pendant cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Benoist Apparu, secrétaire d'État. Nous avons tous compris que le projet du parti socialiste, que vous venez de nous exposer rapidement,…
…c'était de l'argent public, toujours de l'argent public, rien que de l'argent public ! Il vous aura donc échappé qu'il y avait une crise budgétaire et financière en Europe. Vous prévoyez d'ailleurs un retour à l'équilibre des finances publiques non pas en 2016 mais en 2017. Chacun constatera, en avril et mai, qu'il y a d'un côté un Gouvernement et un candidat crédible et sérieux sur la dépense publique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et de l'autre ceux qui, comme d'habitude, veulent multiplier les dépenses. Vous venez encore de le prouver.
Vous nous dites qu'il y a moins d'aide à la pierre. C'est vrai, vos chiffres sont exacts. Mais il y a beaucoup plus de logements construits.
Oui, il y a eu moins d'argent de l'État et moins d'argent public dans le logement social. Cela ne nous a pas empêché de doubler la production de logements sociaux. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Et ce n'est pas en raison de l'intervention des collectivités locales en remplacement, mais parce que les bailleurs sociaux utilisent mieux leurs fonds propres. (Mêmes mouvements.) Leur taux d'utilisation des fonds propres par opération a fortement progressé depuis dix ans.C'est comme cela que l'on crée de la valeur et que l'on construit plus de logements avec moins d'argent public.
Par ailleurs, monsieur le député, j'admire la façon dont vous avez essayé de dénoncer une baisse du financement du logement social entre 2010 et 2011. Quel extraordinaire numéro d'artiste ! Le gouvernement de gauche produisait 38 000 logements sociaux en 2000, nous en produisons 125 000, et vous nous dites que notre bilan est absolument scandaleux ?... Je suis ébahi d'un tel culot !
Monsieur Rogemont, vous rêvez peut-être d'une carrière d'artiste, mais laissez le ministre s'exprimer !
Votre culot n'est pas moindre quand vous proférez cet énorme mensonge : les crédits de l'hébergement ont baissé. Prouvez-le ! Ils ont augmenté de 30 % durant le quinquennat. Vous avez le droit de dire que c'est insuffisant, mais pas qu'ils ont baissé.
Enfin, vous nous ressortez ce classique de la gauche depuis quelques années, le fameux chiffre de 4 % de financement du logement social par l'État. Alors répétons-le une fois de plus : vous oubliez les niches fiscales, la compensation par l'État de l'exonération de taxe sur le foncier non bâti, l'aide au circuit du logement par la Caisse des dépôts et consignations…
Il s'agit d'une moindre recette pour l'État de 1,1 milliard d'euros par an,…
…c'est simplement une aide débudgétisée.
Je le répète donc : l'État finance 40 % de la production de logements sociaux. Si vous considérez qu'il n'en finance que 4 %, allez donc jusqu'au bout du raisonnement : proposez la suppression de toutes les niches fiscales dont bénéficie le logement social.
Ce ne sont pas des « niches ». Les niches, c'est pour Mme Bettencourt !
Supprimez donc ces 36 % de financement, puisque vous considérez que cela ne sert à rien.
Monsieur le ministre, heureusement que vous avez augmenté la production de logements sociaux par rapport à il y a dix ans, quand Lionel Jospin était Premier ministre ! En effet, en dix ans vous avez fait progresser énormément le chômage : de un million de personnes, mille par jour en ce moment. Vous avez donc accru la précarité. Et je n'aurai pas la cruauté de comparer les promesses du candidat Sarkozy et la réalité de la vie de nos concitoyens.
C'est de l'ANRU que je veux vous parler. Si le PNRU paraît donner, globalement, de bons résultats, il reste un certain nombre de problèmes qu'il faudra régler très rapidement.
D'abord, le travail du comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU n'est pas satisfaisant. Un certain nombre d'acteurs le trouvent même contestable. Il faudrait en rediscuter rapidement et réaliser une véritable évaluation.
De plus, le remplacement de la contribution de l'État par un prélèvement sur le 1 % patronal et sur le budget des HLM, ce qui est une mesure scandaleuse, fragilise le système.
Par ailleurs, le rapport du comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU souligne les difficultés que rencontrent les élus locaux pour élaborer et mettre en oeuvre des projets de renouvellement urbain. Il faut donc que l'État mette à leur disposition des outils et leur fournisse un accompagnement.
La Fondation Abbé Pierre souligne également le décalage persistant entre le nombre de démolitions de logements et le nombre de reconstructions. Près de 30 000 logements démolis n'ont pas été reconstruits, ce qui alimente les tensions dans le logement social. Une des solutions, que vous n'avez absolument pas utilisée, serait de mettre en oeuvre de façon effective la loi SRU. Cela permettrait de mieux gérer le relogement des familles. Il se fait le plus souvent à proximité des immeubles détruits ou dans les quartiers, ce qui contribue à la segmentation des quartiers.
Enfin, le président du comité d'évaluation et de suivi en convient, l'ingénierie doit absolument prendre en compte tout ce qui ressort de l'économique et du social. On ne l'a pas fait suffisamment, alors que cela permettrait de mieux vivre dans son quartier.
Madame la députée, je vous remercie de rendre hommage au travail de cette majorité qui, à l'initiative de Jean-Louis Borloo, a créé l'ANRU…
Monsieur Le Bouillonnec, je sais qu'il vous est difficile d'écouter les autres. Je répète donc la formule que je viens d'utiliser : « je vous remercie de rendre hommage au travail de cette majorité » ; rien de plus. Elle a créé l'ANRU et mis ainsi en place une politique du logement social sans précédent pour rénover l'ensemble des quartiers en difficulté. C'est cette majorité qui l'a décidée, votée et mise en oeuvre et nous pouvons être fiers, les uns et les autres, de cette politique.
Désormais, l'ANRU est effectivement financée par le 1 % logement, de même que l'ANAH est financée à 100 % par le 1 % logement. Pourquoi, il y a trois ans, avons-nous pris cette décision ?
C'est que la trésorerie des organismes collecteurs du 1 % logement était très élevée – 6 milliards d'euros à l'époque. A la fois dans un souci d'équilibre budgétaire et pour continuer à oeuvrer pour les quartiers les plus difficiles, nous avons donc transféré le financement de l'ANRU au 1 % logement, sans mettre en danger ce partenaire historique de l'ANRU.
Vous dites ensuite, madame Crozon, que le décalage persistant entre démolitions et reconstructions affaiblit l'offre de logements, notamment en Île-de-France. Vous avez raison sur ce point. Cependant, 2012 sera la première année pendant laquelle nous construirons plus de logements que nous n'en détruirons. Nous ne pourrons pas, dès cette année, résorber les retards accumulés. Mais vous conviendrez avec moi qu'avant de reconstruire, il fallait d'abord détruire. En revanche, dans les années qui viennent, nous allons accélérer le taux de reconstruction, diminuer les démolitions et ainsi, à terme, à la fin du programme de l'ANRU, retrouver l'équilibre. C'est toujours dans cet esprit que nous avons envisagé les programmes de rénovation urbaine.
Enfin, puisque vous tenez tant à comparer les périodes, je vous rappelle qu'en 2000, le gouvernement de M. Jospin bénéficiait d'une croissance de 4 %. Souvenez-vous du débat sur la cagnotte.
Mais vous avez continué à faire de la dépense publique, dont la charge continue à aggraver notre endettement.
Avec 4 % de croissance, vous faisiez 38 000 logements sociaux. Pour notre part, avec moins de 1 % de croissance, nous en faisons 125 000. Voilà la différence entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Débat sur l'emploi ;
Débat sur l'éducation.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron