Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous discutons ce matin constitue une réponse aux trois projets de traité européens qui, excepté le Mécanisme européen de stabilité, n'ont pas donné lieu à un débat significatif au sein du Parlement. Cette proposition de résolution pose deux questions essentielles sur lesquelles il est indispensable de débattre : celle de la démocratie, en l'occurrence la place des parlements nationaux dans le processus de décision européen, et celle de la sortie de crise, qui sera extrêmement difficile si la croissance n'en est pas l'une des dimensions.
Tout d'abord la démocratie : la mise en oeuvre du semestre européen, destinée à combler ce qui manque au traité de Maastricht par l'adoption d'un cadre et d'une procédure de suivi commun à l'ensemble des budgets nationaux, a posé dès le départ la question du contrôle par les parlements nationaux. Je rappelle que le consentement à l'impôt et l'adoption des crédits budgétaires sont à l'origine même de l'institution parlementaire. La difficulté est réelle en l'espèce pour trois raisons : il faut définir le ou les stades de la procédure où les parlements devraient intervenir ; ensuite, la portée de leurs interventions au regard de procédures régies par des concepts éloignés des nôtres – advice, assessment n'ont pas d'équivalent précis dans notre droit ; enfin, il doit y avoir une articulation entre le semestre européen et notre programmation pluriannuelle des finances publiques inscrite dans l'article 34 de la Constitution depuis 2008.
Certes, des efforts ont été engagés puisque les propositions de résolution issues de la commission des affaires européennes peuvent venir plus facilement en séance publique, et c'est le cas aujourd'hui. À l'échelle de l'Union, le Six-Pack a lui-même prévu une association plus étroite des parlements nationaux. Mais nous nous trouvons aujourd'hui, particulièrement avec le TSCG, devant une procédure qui prétend refondre tout le cadre des politiques budgétaires en Europe en ne laissant, tant dans son élaboration que dans sa mise en oeuvre, qu'une place résiduelle et indéterminée à l'intervention des législateurs nationaux. Ce traité, qui résulte d'une démarche purement intergouvernementale et qui relègue à l'arrière-plan les parlements nationaux et donc les peuples, rappelle fâcheusement, à deux siècles de distance, l'esprit du Congrès de Vienne. Cette procédure doit être corrigée pour permettre au Parlement d'être impliqué dès le départ dans les orientations de croissance définies par la Commission et par le Conseil. J'observe que j'avais déposé en octobre 2010 un amendement proposant que ces orientations soient transmises et débattues au Parlement et que, malgré les engagements pris à l'époque par M. Baroin, il n'y a eu depuis ni transmission – pas même à la commission des affaires européennes – ni débat. Le Parlement, monsieur le ministre, sera-t-il mieux respecté en mars 2012 ?
L'article 13 du traité prévoit, certes, une conférence interparlementaire, mais comme le souligneÉlisabeth Guigou dans son rapport, les parlements de l'Union ne sauraient être cantonnés dans un dialogue se déroulant en marge de la prise de décision. L'implication systématique du Parlement européen et des parlements nationaux devrait être un des moteurs de la construction européenne. Il y a aujourd'hui deux légitimités démocratiques : celle du Parlement européen, qui a été renforcée par le traité de Lisbonne, et celle des États-nations, qui restent dans l'esprit des citoyens le lieu privilégié de l'exercice de la démocratie. Impliquer plus fortement les parlements nationaux, si possible dans le cadre d'une structure permanente – la COSAC ou une autre à définir – constituerait un pas déterminant pour l'avenir de l'Europe.
S'agissant de la croissance, je rappellerai brièvement que nous sommes dans une situation où la plupart des États européens sont confrontés à l'exigence immédiate de rétablissement de leurs comptes publics et de réduction de leur dette. Ils ne peuvent dès lors qu'être médiocrement acteurs de la croissance et ne profitent pas, dans les circonstances présentes, d'un environnement international qui facilite leurs efforts en la matière. Or il est clair que l'Union européenne, qui a la chance de ne porter aucune dette à ce jour, pourrait constituer la source exogène de mesures propres à relancer la croissance pour l'ensemble de l'Europe. Des emprunts de l'Union ou de la BEI pour financer des programmes d'infrastructures et de modernisation, l'émission d'euro-obligations et un renforcement du budget européen pourraient être les instruments de leurs efforts. Il est donc profondément regrettable que le TSCG n'envisage pas une telle possibilité et que l'on reste dans une vision strictement budgétaire. Il faut une vision ambitieuse et plus forte de l'Europe.
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles il me paraît nécessaire d'adopter cette proposition de résolution.