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Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 16 février 2012 à 9h30
Relance européenne et renforcement du contrôle démocratique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires européennes, avec qui nous travaillons très bien, cette proposition de résolution est en effet politique. C'est volontaire, car nous considérons qu'il n'y a pas qu'une seule politique possible en France et au niveau européen pour résoudre la crise grave dans laquelle nous sommes depuis trois ans, et même depuis bien plus longtemps. Une autre politique est possible que la politique libérale menée depuis des années et qui nous a conduits dans le mur. Une autre voie est possible pour résoudre la crise économique, sociale et politique que l'Union européenne traverse depuis 2008.

C'est une proposition politique, donc, mais non partisane. Nous avons depuis longtemps un différend : il faut arrêter de considérer que l'Union et les politiques européennes doivent être placées en dehors du débat politique légitime. Il n'y a pas qu'une seule voie possible, et c'est ce que notre proposition de résolution s'attache à démontrer. Nous présentons plusieurs pistes d'amélioration du gouvernement économique européen, car c'est indispensable si nous voulons sortir de la crise.

Nous souhaitons en particulier répondre à la fois au déficit de croissance, car sans croissance nous ne résoudrons pas les problèmes de dette et de déficit, sans parler de l'explosion du chômage et de la précarité, ainsi qu'au déficit démocratique, vieux problème lancinant dans l'Union européenne, par la solution duquel je suis convaincue que passe le renforcement de l'intégration.

La réponse des dirigeants européens ne nous paraît pas du tout à la hauteur. Elle est de surcroît bien tardive. Les décisions prises depuis mai 2009, donc un an après le début de la crise, n'ont d'ailleurs pas été appliquées. Le Mécanisme européen de stabilité, qui organise la solidarité et dont nous débattrons dans cet hémicycle la semaine prochaine, mardi, n'entrera hélas en vigueur qu'au mois de juillet.

Je concentrerai mon propos sur le projet de traité intergouvernemental d'ores et déjà signé et qui sera présenté devant notre assemblée dans quelques mois. C'est un dispositif juridique complexe. Il a été élaboré dans l'urgence, non pour apporter des solutions concrètes à la crise ni relancer une véritable politique européenne, mais pour envoyer un signal que l'on espérait convaincant aux marchés. Pourquoi pas ? Le problème, c'est que le signal a été reçu mais que cela n'a malheureusement pas permis d'éviter la dégradation, que je déplore, de la note de notre pays par l'agence Standard & Poor's, alors qu'une autre agence risque de prendre la même décision.

Ce projet de traité intergouvernemental ne répond pas à l'urgence de la crise, ce qui aurait impliqué de mutualiser la dette. On a laissé enfler le problème grec. Ce qui était au départ un problème de 50 milliards d'euros est devenu celui de l'ensemble de la zone euro. Voilà à quoi les atermoiements, le déficit de décision politique, la fatigue politique nous ont conduits. L'urgence aurait été de briser par des mesures fortes la spéculation qui s'attaque à la Grèce après s'être attaquée au Portugal, et qui risque de se propager vers l'Espagne et l'Italie et peut-être un jour – espérons que non – de menacer notre propre pays. L'urgence était de desserrer l'étau de la spéculation et non d'élaborer un nouveau projet de traité.

Car ce projet n'était pas nécessaire. La discipline budgétaire est évidemment indispensable. J'ai négocié le traité de Maastricht et je sais donc ce qu'il y a dedans ; ses règles ont été renforcées par tous les traités suivants. La règle d'or existe déjà dans les traités, qui s'imposent à notre propre Constitution. François Hollande a pris des engagements clairs dans le sens de la discipline budgétaire en annonçant que nous respecterons dès 2013 le déficit de 3 % et que nous reviendrons à l'équilibre en 2017, si les Français nous font confiance.

Il eût donc suffi d'appliquer les traités, les règlements de la Commission, dont le Six Pack, et nous n'avions pas besoin de ce nouveau traité, qui n'ajoute qu'une seule chose : le contrôle par la Cour de justice. Or est-il raisonnable de judiciariser ce genre de choses ? S'imagine-t-on qu'en cas de déficit structurel excessif quelque part – au passage, je ne remets pas en cause la notion de déficit structurel, qui me paraît plus intelligente, car contracyclique, que la prise en compte des déficits annuels –, un recours devant la Cour de justice, qui serait jugé quatre ou cinq ans plus tard, apportera une solution au problème, qui est avant tout politique ? Évidemment non ! On s'est engagé dans un mauvais chemin, qui nous fait perdre du temps. Face à la dégradation de la situation, il n'y a eu que tergiversations et procrastination.

Or nous n'en serions pas là si l'on avait, comme sous le gouvernement Jospin, respecté les règles. Mais, depuis 2003, c'est-à-dire bien avant la crise, qui a éclaté en 2008, la France a été constamment en déficit excessif. Nous n'aurions pas de demandes de garanties supplémentaires de la part de l'Allemagne si notre pays avait su, comme notre voisin, revenir dans les clous. Je ne dis pas qu'il aurait fallu appliquer les remèdes allemands ; il convenait plutôt d'adopter un bon policy mix, comme nous l'avons fait entre 1997 et 2002.

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