Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 18 octobre 2010 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • fiscalité
  • taxe

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion commune du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (nos 2823, 2840), après engagement de la procédure accélérée, et du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2857).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement, sur le projet de loi de finances pour 2011.

La parole est à M. Pierre Moscovici.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, partout en Europe, les États sont aujourd'hui confrontés à la double nécessité de gérer la sortie de crise et d'enrayer le dérapage de la dette publique. Partout en Europe, la reprise économique reste décevante et la situation budgétaire souvent dangereuse, car, partout en Europe, les marges de manoeuvre ont été réduites par les facilités, et parfois les complaisances, des budgets précédents.

L'enjeu, aujourd'hui, est certes de garder le contrôle de nos finances publiques. Mais cet objectif doit être atteint sans handicaper la reprise. C'est ce double objectif qui conditionne toute la capacité d'action de l'État dans les années qui viennent. Et autant dire que le danger est le même des deux côtés. Car si la reprise fléchit sous le coup d'une politique de rigueur brutale et décalée par rapport au cycle économique, ou si la dégradation des finances publiques se poursuit, pour des raisons liées à un accroissement des déficits et à une remontée des taux d'intérêt, la France risque de perdre son autonomie budgétaire et de se voir imposer ses choix par les marchés au gré de la conjoncture économique du moment. Cette préoccupation a été au coeur des échanges du G 20 de Toronto en juin, et elle doit rester au coeur de nos débats.

Établir un budget, disait Pierre Mendès France en 1948, c'est faire un choix. Et le premier choix que vous avez fait, monsieur le ministre, c'est clairement celui de la rigueur aux dépens de la croissance. Ce choix, qui passe par la suppression des dépenses liées au plan de relance et par des coupes claires dans les grands budgets d'intervention de l'État, sans oublier le plan de rigueur, brutal et inédit, que vous imposez aux collectivités locales, n'est pas le bon. Il nous met et vous met complètement à rebours de la politique américaine, qui envisage actuellement un second plan de relance. Vous risquez de mettre l'économie française à part, sans pour autant rétablir la situation des finances publiques. Je crois que c'est votre première erreur, car l'objectif d'une politique économique doit rester le soutien à la croissance par le renouvellement des investissements publics dans les projets d'avenir, par la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui embauchent ou qui réinvestissent leurs bénéfices, par la relance des contrats aidés ou par le soutien au microcrédit, à l'entreprenariat, mais surtout à la recherche, à innovation et à l'écologie. L'objectif doit rester le soutien à la consommation, par exemple par la construction de logements permettant de dégager du revenu disponible pour les ménages bénéficiaires et par la revalorisation du salaire des fonctionnaires.

Enfin, l'objectif doit être d'honorer les missions essentielles de l'État, en redonnant ses forces à l'éducation nationale, afin de lui permettre de remplir sa mission d'être le lieu d'intégration et d'égalité républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Pour continuer à soutenir ainsi l'économie sans dégrader les finances publiques, ce qui n'est pas de la démagogie mais le rôle de l'État, il y a cependant une condition à respecter : que la politique fiscale reste au service de la politique économique et que vous preniez la mesure de tout ce que la crise économique implique de changer dans votre politique fiscale. Là est votre deuxième grande erreur.

Nous sommes en train de traverser l'une des crises les plus brutales de l'après-guerre. Nos finances publiques ont subi leur plus forte dégradation depuis 1945, avec une hausse de la dette publique de 20 points de PIB, soit plus en deux ans que pendant les vingt dernières années. De 2002 à 2010, la dette publique est passée de 910 milliards d'euros à près de 1 600 milliards. Cela représente une hausse de la dette de 26 500 euros par ménage depuis que vous êtes au pouvoir. Chaque Français peut comprendre ce que représente cette somme de 26 500 euros par ménage. Et chaque Français peut légitimement se demander si les politiques mises en place par votre famille politique valaient vraiment ce montant astronomique qu'ils devront rembourser tôt ou tard. Nous vous répétons depuis trois ans – et la Cour des Comptes comme le Conseil des prélèvements obligatoires viennent encore de le confirmer – que cette dégradation est très largement liée aux cadeaux fiscaux et aux baisses d'impôts que vous avez accordés aux plus fortunés depuis 2007.

Et pourtant, vous refusez imperturbablement de remettre en cause les lignes de votre politique fiscale. Or ce qui était ressenti comme une injustice à l'été 2007 est devenu une ineptie avec la crise. L'État a perdu 70 milliards de recettes entre 2000 et 2009 au titre des baisses d'impôts. Depuis 2007, les mesures relatives à l'impôt sur le revenu, aux allégements contenus dans la loi TEPA, à la TVA sur la restauration et à la taxe professionnelle ont représenté, à elles seules, 15 milliards de moins-values pour le budget de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

À un moment où vous dites vous-mêmes que la situation exige de réduire de 60 milliards le déficit de l'État, votre seule réponse est la suppression du plan de relance, la stabilité des dépenses et des recettes fiscales, et de ne pas toucher à votre politique fiscale.

Cette réponse, la plus conservatrice que l'on pouvait imaginer, est comparable à celle que Necker avait lui-même définie en 1788, – et l'on sait comment l'aventure a fini assez rapidement. On verra ce qui se passera l'an prochain.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Les moeurs ont évolué depuis !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Encore faudrait-il avoir l'honnêteté d'avouer que votre discours évolue en réalité au fil des semaines dans une direction qui est incontestablement celle de la reconnaissance de la gravité de la situation.

Je prendrai quelques exemples. En juin, vous refusiez de parler de rigueur. Désormais, sans toujours en parler, vous en acceptez la réalité lorsqu'on évoque la réduction de certains budgets essentiels de l'État et qu'on vous rappelle les 4 milliards de baisse des dépenses promis à Bruxelles d'ici 2013.

Vous refusiez de parler d'augmentation d'impôts et vous acceptez désormais qu'on évoque cette perspective, comme l'a fait tout à l'heure le rapporteur général dans un exercice rhétorique assez brillant dont j'ai oublié la formule.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Vous avez évoqué vous-même cette perspective dans le plan d'ajustement transmis aux autorités européennes, à Bruxelles, en juin dernier, qui prévoit 55 milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2013. Dites-le clairement, sans vous livrer à des contorsions sémantiques : en réalité, vous êtes en train d'augmenter les impôts.

Enfin, vous refusiez de parler d'une remise en cause du paquet fiscal et on entend ici et là dans les rangs du Gouvernement et de la majorité se multiplier des propositions de réforme fiscale, de suppression du bouclier fiscal que, fort opportunément, vous repoussez au courant de l'année prochaine.

Si on dresse un bilan complet, on peut dire que le projet de loi de finances pour 2011 est un réel aveu d'échec du quinquennat. En effet, vous détricotez progressivement ce que vous avez construit depuis 2007 pour mettre en oeuvre le projet du candidat Sarkozy.

Je veux encore citer quelques exemples, comme la déductibilité des intérêts d'emprunts immobiliers : vous avez reconnu que ce dispositif ne fonctionnait pas, et vous l'avez quasiment supprimé. Il y a aussi le bouclier fiscal dont vous reconnaissez maintenant l'injustice et l'inefficacité en commençant à préparer sa suppression. Quant à la baisse de la TVA sur la restauration, votre président de groupe en attaque les fondements en préconisant une hausse de la TVA, prétendument pour défendre notre compétitivité.

Dans le fond, à bien regarder le paysage idéologique que vous redessinez, il ne reste du paquet fiscal, ce péché originel, que la défiscalisation des heures supplémentaires. Autrement dit, la seule mesure encore applicable de votre grande stratégie économique initiale, c'est le subventionnement du chômage, à l'exact inverse du programme allemand de Kurzarbeit qui a donné de si bons résultats pour protéger l'emploi outre-Rhin. Décidément, vous êtes complètement à contre-courant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et en Allemagne, pour les salaires, c'est autre chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Ce budget confirme l'échec de votre stratégie économique, mais il confirme aussi la faillite de votre méthode politique, car vous ne nous dites pas toute la vérité.

Permettez-moi de vous rappeler que les choix faits aujourd'hui engageront l'avenir pour longtemps, et que les Français auront très vite et très longtemps à en subir les conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Monsieur le ministre, si vous avez des projets complémentaires d'ajustement budgétaire – cela se dit, on prête même des intentions en ce domaine au Président de la République en personne –, n'hésitez surtout pas à les évoquer devant l'Assemblée nationale au moment du vote du budget de la nation, plutôt qu'au micro des radios en parlant d'un projet de Grenelle de la fiscalité dont la date n'est pas encore fixée. En fait, nous votons aujourd'hui une loi de finances dont nous savons qu'elle ne s'appliquera pas !

Si vous avez des doutes, des réflexions ou même des remords quant à la politique fiscale et budgétaire du gouvernement auquel vous appartenez, de grâce, n'ayez pas peur de vous en ouvrir aux membres de cette assemblée, car nous sommes prêts à les entendre et à vous pardonner.

Prouvez-nous, en tout cas, que vous mesurez la gravité de la situation économique que traverse notre pays, et la nécessité de continuer à soutenir fortement la croissance. Prouvez-nous que vous mesurez tout ce que l'ampleur de la crise économique implique de changer dans votre politique.

Quelle est la vision économique qui anime au fond le Gouvernement, et quelle est votre stratégie ? Sur les bancs de la gauche, nous sommes un certain nombre à nous interroger, et le mot est faible, sur la cohérence d'une trajectoire qui a conduit le Gouvernement à adopter, en 2007, une politique fiscale un peu à la George Bush, fondée sur la distribution de cadeaux fiscaux aux plus riches, puis à s'engager, en 2008, dans un tournant prétendument volontariste et néo-keynésien, pour finir, après avoir creusé les déficits et la dette comme aucun autre gouvernement n'a jamais réussi à le faire en temps de paix dans l'histoire de France, par venir, aujourd'hui, nous parler de rigueur budgétaire, de maîtrise de la dette et bientôt, on s'y attend, de réforme constitutionnelle pour un encadrement des déficits. Tout cela n'a ni queue ni tête, ou, plutôt, cela constitue une série de tête-à-queue qui vous tient lieu de politique depuis 2007.

Le discours de rigueur que vous tenez aujourd'hui et votre volonté de supprimer le plan de relance donnent l'impression d'une sorte de politique accélérée de stop and go, telle qu'on en pratiquait en Europe dans les années 60. Qu'en est-il, dans ces conditions, de la nécessaire stabilité législative si chère aux investisseurs et aux entrepreneurs ? Quelle utilité pour les investissements dits «d'avenir » du plan de relance si on les interrompt aussi brutalement ?

En fait, monsieur le ministre, vous misez au moins la moitié de vos chances sur le retour de la croissance pour assurer la stabilité des recettes fiscales. Mais expliquez-nous pourquoi vos prévisions de croissance n'intègrent pas les effets récessifs de votre toute nouvelle rigueur budgétaire ? Expliquez-nous pourquoi ces prévisions de croissance ne tiennent aucun compte des restrictions budgétaires que vous imposez aux collectivités locales, alors même qu'elles assurent trois-quarts de l'investissement public en France et qu'elles font fonctionner l'essentiel des services publics de proximité.

L'ensemble de la sphère locale est aujourd'hui contrainte d'opérer des choix drastiques dans les budgets locaux à cause de la suppression de la taxe professionnelle et du gel des dotations de l'État – et je ne parle pas des dispositions fiscales dont on nous annonce tous les jours qu'elles vont frapper davantage encore les collectivités. Jusqu'où irez-vous dans la fragilisation de leur action pourtant indispensable au soutien de l'économie française ?

Rassurez-vous : je ne vous accuse pas de dissimuler les chiffres, ni de construire ce qu'Edgar Faure, qui avait un grand sens de la formule, appelait un « budget Potemkine ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il avait peut-être le sens de la formule, mais sa culture historique sur ce sujet était faible !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Monsieur Brard : il ne faut pas que le mot Potemkine vous fasse sursauter : je pensais à ces villages présentant des façades riantes derrière lesquelles il n'y a rien…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Certes, mais dans le cuirassé, il y avait quelque chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Je n'entrerai pas non plus dans un long débat sur la crédibilité de vos prévisions, même si, depuis 2007, vous avez témoigné en la matière d'un don inégalé pour l'erreur.

Pourquoi n'écouteriez-vous pas notre proposition d'un plan de soutien à l'investissement des collectivités locales, qui sont, pour des raisons que je m'explique mal, les grandes oubliées de votre politique économique ? Les transports collectifs, les économies d'énergie, l'habitat à haute qualité environnementale : voilà des investissements d'avenir qui pourraient être soutenus par l'État et réalisés au niveau local. Tout cela nous aiderait à rendre notre société plus écologique et à mieux envisager l'avenir.

Enfin, notre pays, vous le savez, souffre de la stagnation de son pouvoir d'achat. Dites-nous quelle cohérence il y a, dans ces conditions, à continuer d'alourdir la pression fiscale sur les classes moyennes et populaires, qui sont, précisément, celles qui soutiennent quotidiennement la consommation ? Quelle logique y a-t-il dans l'augmentation des impôts à hauteur de 10 milliards, et dans le gel des salaires des fonctionnaires, si ce n'est de ponctionner le pouvoir d'achat et d'affaiblir le seul moteur de la croissance qui fonctionne encore : la consommation ? Qu'il est bien loin le temps où le Président de la République, Nicolas Sarkozy – il est vrai qu'il était à l'époque candidat de l'UMP –, pouvait encore faire croire qu'il serait le « président du pouvoir d'achat » ! Finalement, il est plutôt le président de l'injustice fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Depuis 2007, la hausse de la fiscalité locale et des prélèvements sociaux est principalement supportée par les classes moyennes, sans qu'elles aient bénéficié à aucun moment des avantages fiscaux accordés aux 20 % de Français les plus aisés. Les augmentations massives de prélèvements que vous envisagez concernant ces classes moyennes – car il s'agit bien d'augmentation des impôts et pas de « reconstitution des recettes » –, risquent de se traduire par une série d'effets hautement déflationnistes. Dites-nous donc clairement que, dans votre esprit, les ménages doivent être la cible prioritaire de tous les efforts fiscaux et budgétaires !

Sur tous ces points, votre projet de budget témoigne de graves faiblesses. Il sacrifie systématiquement l'avenir à un présent confus et sans envergure, fait d'ajustements au fil de l'eau, du refus obstiné d'abandonner une politique fiscale dépassée, et de celui d'adapter votre politique budgétaire aux nécessités économiques du moment.

La réduction du déficit aurait pourtant pu se faire au même rythme à partir d'une autre équation, à la fois plus juste et plus efficace, d'une part, par l'augmentation des contributions des plus fortunés et, d'autre part, grâce à cette augmentation des recettes, par une dépense publique maintenue pour continuer à soutenir la relance économique et des services publics de qualité. Là était sans doute la clé d'une croissance plus solide et d'un effort plus justement réparti en fonction de la capacité contributive de chacun. C'est ce choix que vous refusez de faire.

Au contraire, vous avez voulu considérer la réduction des dépenses comme le seul moyen de résoudre l'équation de ce budget 2011 – le Premier ministre ne cesse de le répéter tous les jours. Cette solution aurait peut-être été juste dans une conjoncture normale, mais elle s'avère complètement irréaliste et contre-productive au vu de l'énormité des efforts que l'État devra consentir dans les années qui viennent.

Nous ne sommes pas hostiles par principe à la réduction des dépenses. Elle constitue certainement un moyen utile, et nous pouvons sans difficulté souscrire à des mesures symboliques comme la rationalisation du parc automobile et immobilier de l'État ou la révision des logements de fonction. Mais que pèsent de telles mesures symboliques face à celles, autrement plus injustes et dangereuses pour les services publics que sont la réduction de 16 000 postes dans l'éducation nationale, le gel des salaires des fonctionnaires ou la réduction générale et aveugle de 5 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention des ministères ? L'ensemble de ces mesures laisse présager une nouvelle dégradation des services publics et un nouvel abandon des missions jusque-là exercées par l'État sur le terrain.

À cet égard, permettez-moi de vous dire l'inquiétude que nous éprouvons quant à la préservation des moyens d'action de l'État et des services publics dans notre pays. Permettez-moi de vous rappeler qu'il n'y a pas de consolidation valable des finances publiques sans la volonté sincère d'assurer la pérennité de l'action publique, de restaurer ses capacités de réaction dans les crises à venir, ses capacités d'action au service d'une croissance juste et durable.

Plutôt que de vous arc-bouter sur la réduction des dépenses, l'enjeu principal aurait dû être la restructuration de nos choix budgétaires : un effort négocié de productivité dans le secteur public – nous n'y sommes pas opposés –, associé à des réformes ambitieuses dans le domaine des administrations sociales et locales, devrait permettre de dégager, parallèlement à l'ajustement des soldes primaires, les moyens d'une relance des investissements publics – le contraire de votre action – dans le cadre d'une programmation rénovée des finances publiques.

Au lieu de cela, vous préférez poursuivre votre politique dogmatique de suppression de postes dans la fonction publique, qui entraînera 100 000 pertes d'emplois d'ici à 2013, avec la disparition de 16 000 postes d'enseignants qui s'ajouteront aux 40 000 postes déjà détruits depuis 2008. Il s'agit d'une dégradation sans précédent dans notre pays du service public de l'éducation nationale.

L'objectif doit être le soutien à la croissance par le renouvellement des investissements publics dans les projets d'avenir, par la baisse de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui embauchent ou qui réinvestissent leur bénéfice, par la relance des contrats aidés ou par le soutien au microcrédit, à l'entreprenariat, et surtout à la recherche, à l'innovation et à l'écologie. Là encore, votre projet de loi de finances reflète votre entêtement à négliger les contrats aidés, les aides à l'apprentissage ou encore les dispositifs d'insertion des chômeurs, dont vous diminuez drastiquement le nombre.

L'objectif doit être le soutien à la consommation.

L'objectif doit être d'honorer les missions essentielles de l'État, en redonnant ses forces à l'éducation nationale afin de lui permettre d'assurer sa mission de lieu d'intégration et d'égalité républicaine. Tout cela supposerait de sortir de la seule logique de réduction des dépenses et d'envisager de traiter dans sa globalité la question fiscale.

Sur ce point, il est pour le moins troublant et surprenant qu'il ait fallu plusieurs mois d'intenses débats sur le bien-fondé du bouclier fiscal pour que vous en veniez à commencer d'envisager – encore que la majorité reste divisée sur ce sujet – la possibilité de rouvrir le dossier de la fiscalité du capital, du patrimoine et des entreprises. Là sont pourtant les véritables marges de manoeuvre ; là sont pourtant les réponses que, par une sorte de tropisme idéologique, vous vous refusez d'envisager.

Depuis 2007, les plus hautes rémunérations ont été épargnées par la crise et franchement favorisées par la politique du Gouvernement. Aussi, pour nous socialistes, la priorité est d'en finir avec votre politique de redistribution à l'envers ; avec une politique qui, sous prétexte de libéralisme, sacrifie tout à la satisfaction de certaines clientèles électorales. L'enjeu pour nous est d'accroître la distributivité globale du système de prélèvement en France et, en même temps, de dégager de nouvelles marges pour relancer l'économie et restaurer la qualité des services publics.

La liste est longue des mesures que vous refusez d'envisager et qui, pourtant, s'imposeraient du seul point de vue de l'équité et de la rationalité budgétaire. Elles permettraient pourtant de dégager 15 à 20 milliards d'euros. Je pense à la hausse du taux d'imposition de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu et à la création d'un impôt citoyen sur le revenu, prélevé à la source et vraiment progressif ; à la taxation plus franche et plus nette des revenus du capital et de l'épargne ; à l'abrogation du bouclier fiscal, mais sans suppression concomitante de l'ISF.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Monsieur de Courson, si vous supprimez, d'un côté, le bouclier qui permet aux gros patrimoines et aux grandes fortunes d'économiser 600 millions d'euros, pour leur rendre, de l'autre, plus de 3 milliards d'euros en supprimant l'ISF, cela revient globalement, vous le savez bien, à alléger encore leur imposition.

De ce point de vue, la proposition du Président de la République de revoir les deux dispositifs en même temps à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de finances rectificative est inacceptable.

Elle est inacceptable car, une fois de plus, vous allez nous demander de voter un budget insincère et fiscalement instable, et nous savons d'ores et déjà que la loi de finances initiale que nous nous apprêtons à examiner ne sera pas appliquée.

Citons également une taxation plus franche sur les activités risquées des grandes banques – 500 millions, c'est encore très peu ! – et sur les stock options : 70 millions de recettes supplémentaires en 2011, c'est toujours très peu !

Pourquoi également ne pas taxer les entreprises en fonction de leur participation à la croissance ou encore supprimer les allégements de charges sur les heures supplémentaires, qui ont prouvé leur inefficacité en termes d'augmentation du pouvoir d'achat et d'emploi ?

J'insiste plus particulièrement sur les niches fiscales, auxquelles vous ne vous attaquez que pour un montant de 10 milliards, sur les 75 visés par le PLF, alors même que ces dispositifs ont progressé de plus de cinq milliards par an depuis 2007. Encore le Gouvernement a-t-il soigneusement évité de s'attaquer aux plus injustes, celles qui ne sont pas plafonnées, qui servent à l'optimisation des plus aisés et pour lesquelles l'effet d'aubaine avéré est total.

Il faut aller plus loin dans le plafonnement des niches, la réduction de leur nombre et la simplification de leurs mécanismes. Pourquoi refusez-vous de revoir la baisse de la TVA dans la restauration, pourtant critiquée par le président du groupe UMP ? Pourquoi refusez-vous de revoir l'exonération des heures supplémentaires ? Tous ces dispositifs sont coûteux, inefficaces et profondément injustes.

Au-delà, l'enjeu est aussi celui de la fiscalité dérogatoire, des inégalités qu'elle autorise et, plus généralement, de la réforme globale de notre système de prélèvements obligatoires dans le sens de l'équité et de l'efficacité économique.

Pour pouvoir aborder ce débat, il conviendrait cependant d'en finir avec les idées reçues, qui voudraient que la taxation des plus aisés freine la croissance, que la concurrence fiscale s'exerce du point de vue des ménages, alors que tout nous indique qu'elle s'exerce surtout du point de vue des grandes entreprises. Il faudrait admettre au contraire que la redistribution de recettes en faveur des classes moyennes et populaires alimente la consommation et la demande, comme le prouve le rôle joué par les stabilisateurs automatiques lors de la récente crise.

Notre objectif doit être la réduction des inégalités économiques et la construction d'une société plus solidaire et consciente des chances et malchances de chacun.

Mais pour sortir de l'optique strictement comptable et hostile à la dépense publique dans laquelle vous cherchez à enfermer le débat, encore faudrait-il tenir – et j'en reviens à Pierre Mendès France – un discours de vérité et de transparence à la fois sur l'état du pays et sur les intentions qui sont les vôtres. Il faudrait pour cela admettre plus franchement que vous ne le faites que les choix d'hier ne sont plus d'actualité aujourd'hui, voire qu'ils ont pu être des erreurs. Il faudrait surtout développer un véritable programme de transformation économique du pays, appuyé sur des réformes ambitieuses, partagées avec les forces vives du pays, c'est-à-dire, précisons-le pour nos amis de la majorité, un spectre d'acteurs sociaux plus large que le seul MEDEF !

C'est cette vision économique qui manque cruellement à votre projet de budget, et c'est pourtant bien elle qu'il faudra proposer au pays lors du grand débat qui nous attend en 2012. Parce que le projet de loi de finances que vous nous présentez aujourd'hui est insincère, parce qu'il est profondément injuste et parce nous savons tous qu'il sera inefficace face à la crise, le groupe SRC en appelle à un nouvel examen par la commission des finances, à laquelle je vous invite à le renvoyer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Soisson

Ces interventions de nature politicienne que vous nous infligez depuis le début de nos débats sont regrettables !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mon cher collègue, vous pourrez vous exprimer ultérieurement. Pour l'heure, la parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Les propos du ministre d'État Jean-Pierre Soisson sont intéressants, car ils marquent le début d'une contestation des positions défendues par Pierre Moscovici.

Monsieur Moscovici, je trouve que vous vous radicalisez dans tous les sens du terme. Citer dans le même propos Edgar Faure et Pierre Mendès France témoigne en effet d'une radicalisation extrême, même si, s'agissant d'Edgar Faure, il est légitime qu'un Franc-comtois cite l'un de ses illustres prédécesseurs.

Votre radicalisation se manifeste aussi dans vos propos sans nuances, dans votre absence de projet alternatif ou de propositions constructives. Même si vous êtes dans l'opposition et contestez la politique du Gouvernement, vous ne pouvez écarter d'un revers de la main la réalité de la crise mondiale que nous avons traversée et qui n'est en rien le fait du Gouvernement. C'est un manque de lucidité et d'honnêteté intellectuelle pour le spécialiste des finances publiques que vous êtes, proche de M. Strauss-Kahn, lui-même directeur général du FMI (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et qui, le premier, a considéré que le plan de relance était adapté, que son périmètre était correctement défini et qu'il avait offert à la France une stratégie de sortie de crise lui permettant de se situer en pole position et d'avoir affronté une récession deux fois moins importante que l'Allemagne sans avoir augmenté les impôts.

Vous m'interpellez sur la cohérence et sur le choix du Gouvernement d'agir sur la dépense. Mais c'est un choix d'évidence et de continuité. Depuis 2007, le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, a toujours été attentif à la maîtrise de la dépense publique, qu'il s'agisse des dépenses de l'État, de celles de la sécurité sociale ou des collectivités territoriales.

La seconde raison pour laquelle nous devons nous attaquer à la dépense publique, c'est qu'elle dépasse cette année 56 % de la richesse nationale. Nous sommes dans le peloton de tête des pays ayant le plus fort taux de dépense publique par rapport au PIB, et il est donc naturel que nous nous attaquions à cette dépense, d'autant que notre taux de prélèvements obligatoires nous place dans le même temps dans le tiercé de tête des pays de l'Union européenne ayant, si l'on additionne les impôts et les cotisations sociales, le plus fort taux de prélèvements obligatoires rapporté à la richesse nationale.

Oui, le choix de ce budget – et nous l'assumons – est d'abord et avant tout de réduire la dépense. Nous en avons les moyens et l'obligation. Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'un effort portant sur un seul exercice budgétaire mais qu'il s'inscrit dans la durée, que des engagements sont pris pour réduire notre niveau de déficit public à 2 % en 2014 et revenir à l'équilibre budgétaire vers 2016, en même temps que les Allemands, dont l'objectif est d'atteindre 0,3 % en 2016. Cet objectif consensuel n'est contesté par personne en Allemagne, où la totalité des recettes liées à la croissance exceptionnelle, « X large » comme dit le ministre des finances allemand, sera affectée à la réduction du déficit.

Au nom de quoi la France échapperait-elle à cette réalité ? Notre objectif intangible est de passer à 6 % l'an prochain, puis à 4 % l'année suivante et enfin à 3 % en 2013, soit notre niveau d'avant la crise.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Notre choix fiscal est cohérent, et il est singulier, cher Pierre Moscovici, de vous entendre parler comme vous le faites, quand, il y a quelques semaines encore, certains d'entre vous étaient prêts, avec courage et responsabilité, à ouvrir le débat sur le bouclier fiscal et l'impôt de solidarité sur la fortune. Mieux vaudrait que vous assumiez le fait que le bouclier fiscal est une de vos inventions et que c'est un Premier ministre de gauche, Michel Rocard, qui, en 1988, a instauré le plafonnement des impôts.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Il estimait en effet qu'il convenait de ne pas trop charger la barque, alourdie par le cumul de l'ISF, de la CSG et de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.

Qu'avons-nous fait depuis ? Le gouvernement Villepin, auquel je suis fier d'avoir appartenu, a mis en place un bouclier à 60 %, abaissé désormais à 50 %, à la demande du Président de la République soutenu par l'ensemble de la majorité, pour éviter que l'impôt ne devienne confiscatoire.

Nous refusons un impôt confiscatoire ! Tel est l'enjeu fiscal des prochains mois, au cours desquels il nous appartiendra de réfléchir, sans tabou, à l'évolution possible de l'impôt de solidarité sur la fortune et du bouclier fiscal – l'une n'ira pas sans l'autre – et, plus globalement, à celle de la fiscalité patrimoniale. En évitant la facilité du verbe et la démagogie facile en période de crise, nous aurons le courage d'en débattre ici même. Le Gouvernement s'est engagé à tenir ce débat au cours du premier trimestre 2011, sur la base du rapport de la Cour des comptes et des contributions de la représentation nationale, à l'issue de quoi nous prendrons rendez-vous pour une loi de finances rectificative en juin prochain.

Enfin quant à la définition de la règle d'or, une fois encore je vous tends la main, et le Premier ministre se mettra à votre disposition pour en discuter dès que vous en serez d'accord et réfléchir à l'instauration d'une règle constitutionnelle confiant au Premier ministre la responsabilité du retour à l'équilibre budgétaire. Comment pouvez-vous prétendre être un parti de gouvernement et tolérer un niveau de déficit tel que celui où nous a plongés la crise ? Comment pouvez-vous tourner le dos à une mesure qui servira l'intérêt général ?

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Comment pouvez-vous refuser une réforme de notre loi fondamentale et laisser planer sur notre souveraineté nationale cette épée de Damoclès ? Il ne s'agit pas ici d'être de droite ou de gauche, mais de servir l'intérêt général. C'est un esprit de responsabilité qui souffle sur ce projet de budget, sur la main que nous vous tendons à propos de la révision constitutionnelle, sur la loi de programmation des finances publiques, sur la maîtrise des dépenses et, je l'espère, sur la qualité de nos débats au cours des jours qui viennent. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Monsieur le ministre, vous avez votre héritage à gérer car, malgré tout ce que vous dites, il s'agit bien de votre héritage, de vos droits de succession, dont vous ne pouvez vous exonérer.

Ce qui nous frappe le plus dans votre budget, c'est que vous naviguez à vue. Il faut serrer les boulons, alors vous les serrez, très durement pour certains, avec beaucoup plus d'indulgence pour les autres – chacun sachant qui sont les uns et les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Il faut cependant faire de la communication, aussi prétendez-vous faire du social et rabotez-vous les niches fiscales. C'est un petit coup de rabot, un petit coup de remords, mais certains signes ne trompent pas, comme vos refus réitérés de supprimer le bouclier fiscal, dont le sort est repoussé à 2012… peut-être. Même chose concernant la péréquation pour les collectivités, ce qui fait beaucoup de reports.

Vous comptez donc sur un retour de la croissance. Monsieur le ministre, nous vous la souhaitons, nous la souhaitons à la France et aux Français, car l'emploi retrouverait de la vigueur. Nous vous la souhaitons, mais nous pensons que vous ne la préparez pas, et le candidat du pouvoir d'achat a oublié le sens de ces deux mots.

Vous ne permettez pas davantage aux collectivités locales de poursuivre leurs investissements et vous n'en ignorez pas les conséquences. Vous n'avez pas tenu compte du rapport de la Cour des comptes, dans lequel vous auriez pourtant pu puiser des solutions intéressantes, notamment sur les niches fiscales.

Pierre Moscovici vous a démontré tout à l'heure que ce budget ne répondait en rien aux attentes que vous vous êtes vous-même fixées. Avec toutes les données dont nous disposons aujourd'hui, il faut donc que nous puissions en débattre ensemble. C'est la raison pour laquelle le groupe SRC votera pour le renvoi de ce projet en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il y avait un peu de tout, dans le discours de notre collègue Moscovici. Il a osé parlé de productivité. C'est un gros mot, dans la bouche d'un socialiste. Parce que la productivité, cela signifie qu'on fait plus avec les mêmes moyens. Par conséquent, mes chers collègues, vous devriez ne pas pouvoir vous dire favorables à un maintien des effectifs de la fonction publique. Une réduction de 30 000 du nombre des fonctionnaires est d'ailleurs extrêmement modérée. Allez demander à vos collègues socialistes espagnols, portugais et grecs de combien ils ont réduit les effectifs, ainsi que les rémunérations. Je le répète, puisque M. Moscovici n'était pas là tout à l'heure, lorsque j'ai répondu à notre excellent collègue Pierre-Alain Muet, vous êtes une anomalie en Europe. Il faut en prendre conscience : une anomalie. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et le Nouveau Centre, alors ! Ce n'est pas une anomalie d'aller se domicilier en Polynésie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Cela étant, je ne désespère pas de voir, chez vous, les modérés l'emporter un jour. Je crains cependant qu'il ne soit trop tard, le jour où ils l'emporteront.

Vous avez parlé de productivité, donc. Mais vous n'êtes jamais allé jusqu'au bout, cher collègue. La productivité, cela implique d'accepter de réduire les effectifs. Car vous n'avez pas traité d'une question centrale : comment réduisez-vous le déficit du budget de l'État et celui de la sécurité sociale ?

En outre, vous êtes resté très archaïque.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

En effet, vous en êtes resté à un keynésianisme totalement dépassé : la relance par la consommation. Notre collègue Muet défendait d'ailleurs cette thèse au début de la crise. Il s'est entièrement trompé. Pour qu'un schéma keynésien soit défendable, encore faudrait-il que les entreprises françaises soient très compétitives. Chaque fois que l'on a appliqué cette politique – et vous l'avez fait à plusieurs reprises, tout comme, hélas, certains gouvernements de droite et du centre –, elle s'est révélée une catastrophe, puisque nous importions massivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

C'est du Jobert ! Souvenez-vous de l'arrêt des magnétoscopes à Poitiers !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Et donc, tant que la France ne sera pas compétitive, le système keynésien que vous préconisez se traduira par un effondrement.

Dernier point : vous invoquez Pierre Mendès France. Mais qu'est-ce, aujourd'hui, qu'un discours de vérité et de transparence, mes chers collègues ? C'est un discours qui affronte la dure réalité, qui dise que la priorité, c'est de réduire la dépense, et qui dise où. Il ne s'agit pas de se contenter d'un vague débat, en affirmant que l'on va augmenter les recettes pour combler les trous. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre votera contre cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne sais pas, pour le coup, à qui il faut répondre : à Charles-Amédée de Courson et à son idéologie des châteaux – je comprends bien qu'à Keynes il préfère la logique de « not' bon maître », comme en Vendée – ou bien à François Baroin, qui est certes éloquent, qui connaît sa partition par coeur, mais qui est dans la fiction. Quand il parlait du « Premier ministre issu des urnes », je pensais à la lampe d'Aladin et au génie qui en sort. Mais les génies sont de deux sortes : ils peuvent être bons ou mauvais. Vous, vous êtes le ministre de la politique des mauvais génies. C'est bien cela, le problème.

Mais vous êtes habile. Autrefois, on nous reprochait de regarder vers Moscou. Vous, vous regardez vers Berlin. Autrefois, certains ont souvent regardé vers Berlin, et l'on sait comment cela s'est terminé. Je vous propose, monsieur le ministre, de ne chercher votre modèle nulle part, mais de faire confiance au génie du peuple français, qui a souvent montré la voie au monde entier.

D'ailleurs, vous faites référence aux « Allemands », mais qu'y a-t-il de commun entre un Bavarois et un Prussien ? Rien du tout, monsieur le ministre, vous le savez bien. Et Yves Bur, qui connaît ses voisins d'outre-Rhin, opine du chef.

Monsieur le président, nous allons voter cette motion de renvoi en commission, parce qu'il y a des choses avec lesquelles nous sommes d'accord dans ce qu'a dit Pierre Moscovici. Par exemple, il a proposé la construction de logements sociaux, la revalorisation du salaire des fonctionnaires, davantage de moyens pour l'éducation nationale, une politique fiscale au service de la politique économique.

Il y en a d'autres, cependant, avec lesquelles nous ne sommes pas d'accord, parce que M. Moscovici sous-estime le ministre, par exemple quand il dit qu'il est « dans l'erreur », ou encore qu'il apporte une réponse « conservatrice ». Nous, nous ne faisons pas dans l'eau tiède, et nous disons que c'est une réponse carrément réactionnaire…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Il y a longtemps que je n'avais pas entendu ce mot !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…que celle qui est apportée par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je conclus d'un mot, monsieur le président. Le problème du Gouvernement, sa contradiction, c'est de poursuivre ses objectifs tout en conservant l'appui d'une partie de ses victimes. Le Gouvernement n'est pas dans l'erreur, il développe ses politiques, avec ses objectifs, au bénéfice des privilégiés qu'il défend. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Bien évidemment, le groupe UMP n'entend pas renvoyer le budget en commission. Depuis des mois, la commission des finances a eu largement le temps de débattre. Ses débats ont d'ailleurs été alimentés par des rapports de qualité, qu'il s'agisse de ceux de la Cour des comptes ou des siens propres.

La vérité, mes chers collègues, et je le dis avec toute la considération que j'ai pour Pierre Moscovici, c'est que personne n'a été plus vertueux depuis trente ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La vertu dont vous parlez, c'est celle des vieilles prudes, celles qui ne peuvent plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Chaque année, non pas en pourcentage du PIB mais en valeur absolue, la dette s'est accrue. Malgré les lois de décentralisation, les effectifs de l'État se sont eux aussi accrus, et ce alors même que des pans entiers de compétences étaient transférées aux collectivités locales. Ces dernières ont aussi, durant la même période, créé des postes. Certes, cela a correspondu à un certain nombre de services supplémentaires rendus à la population. Mais il reste que, dans le même temps, nous avons accru les dépenses de fonctionnement. Depuis trente ans, chaque gouvernement a eu tendance à diminuer les recettes fiscales – même s'il s'agit là d'une tendance qui est plus récente –, à créer des opérateurs qui n'ont pas été suffisamment contrôlés, et, bien évidemment, on n'a pas maîtrisé la dépense fiscale.

Aujourd'hui, la question n'est pas de savoir qui a la plus grande responsabilité dans le stock de dette que nous avons. La vraie question, compte tenu du fait que cette dette est d'une ampleur exceptionnelle et qu'elle s'est « courtermisée », est de savoir comment faire face pour éviter qu'au relèvement de cent points de base qu'évoquait par exemple Gilles Carrez tout à l'heure, nous ayons 2 milliards d'intérêts de plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

La singularité de ce budget, c'est qu'il marque une rupture par rapport aux tendances observées depuis une trentaine d'années. C'est la raison pour laquelle nous le soutenons.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune aux deux projets de loi. Je vous rappelle que les porte-parole des groupes interviendront demain après-midi, après les questions au Gouvernement et les votes solennels.

La parole est à M. Michel Bouvard.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la loi de finances pour 2011, dont nous commençons l'examen aujourd'hui, reste par bien des aspects marquée du signe de la crise. Il s'agit cependant, aussi et surtout, d'un budget de reprise.

Celle-ci est visible dans le retour progressif à la normale des recettes fiscales nettes : si elles restent inférieures à leur niveau de 2008 – 265 milliards –, elles auront été meilleures que prévu en 2010, avec 254,7 milliards, et se stabiliseront à ce niveau en 2011. C'est là un signe de la prudence qui caractérise la construction budgétaire, comme cela avait été le cas dans le budget dont l'exercice est en train de s'achever.

La reprise est visible aussi côté dépenses, à travers la suppression de la mission « Plan de relance de l'économie », devenue moins nécessaire, et de mesures ad hoc, comme le remboursement anticipé aux collectivités du FCTVA, les prêts en faveur de la filière automobile ou ceux octroyés par le CIRI, qui avaient représenté 23,8 milliards en 2009 et encore 5,3 milliards en 2010.

Cet allégement relatif des contraintes budgétaires liées à la crise permet de mettre enfin en oeuvre une première étape du rétablissement progressif de nos finances publiques, rendu indispensable par l'accroissement de notre endettement et le contexte financier tendu qui domine cette période d'après-crise. Les nombreuses mesures prises pour atteindre cet objectif traduisent la détermination du Gouvernement à oeuvrer en ce sens, mais aussi le soin qu'il porte à ce qu'elles ne soient pas trop brutales, afin de ne pas obérer par un resserrement excessif le retour à la croissance. Ces mesures portent à la fois sur les volets recettes et dépenses.

En ce qui concerne les dépenses, l'introduction dans la loi de programmation des finances publiques d'une nouvelle norme d'évolution des dépenses de l'État, « zéro valeur hors charge de la dette et pensions », à côté de la norme « zéro volume », désormais traditionnelle, devrait contribuer, de façon plus systématique, à une réduction des dépenses de l'État. En l'occurrence, l'application de cette norme aboutit à une réduction en volume des dépenses de l'État de 0,2 %, qui contribue à la réduction du déficit. Ce résultat est obtenu par des mesures extrêmement volontaristes et courageuses, dont il faut se féliciter mais dont la mise en oeuvre illustre malheureusement la trop grande rigidité des dépenses de l'État et la nécessité de profondes réformes structurelles si l'on souhaite aller plus loin dans cette voie.

On le constate par exemple en matière d'effectifs de l'État. Les efforts de réduction fournis ces dernières années, à travers le non-remplacement d'un départ en retraite sur deux, sont encore loin de permettre de stabiliser la masse salariale de l'État, comme l'a montré le travail de la Cour des comptes réalisé à la demande de notre commission. Ainsi, les suppressions nettes de postes entre 2010 et 2011 s'établissent à 30 396 équivalents temps plein, représentant une économie brute de 810 millions d'euros en 2011. Sur une période de trois ans, d'ici à 2014, et pour 100 000 postes – chiffre inférieur, soit dit en passant, au nombre de postes qui ont été créés depuis 1982 malgré les lois de décentralisation –, cette économie devrait monter jusqu'à 3 milliards.

Poursuivie depuis déjà plusieurs années, cette politique n'a pourtant pas empêché la masse salariale de l'État de progresser de 1 % par an ces trois dernières années, et de devoir encore progresser de 0,6 % en 2011. La masse salariale de l'État représentait, en 2010, 82,1 milliards d'euros, soit 31 % des dépenses hors pensions et intérêts de la dette : il semble évident qu'il sera difficile de maîtriser les dépenses de l'État sans maîtriser sa masse salariale.

Cela passe par la poursuite de la réduction des effectifs, mais aussi par une réflexion sur l'évolution du point d'indice et sur les mesures catégorielles au titre de l'intéressement des fonctionnaires à la réforme, qui consomment la moitié de l'économie réalisée sur les suppressions de postes, et même au-delà dans certains ministères, comme l'a rappelé tout à l'heure le rapporteur général.

À la problématique de la masse salariale des fonctionnaires en activité s'ajoute celle des pensions, dont la progression, extrêmement dynamique, s'explique essentiellement par l'envolée des pensions civiles. L'arrivée des générations issues du baby-boom, qui est un constat démographique et non pas un phénomène dû à l'opposition ou à la majorité, provoque en effet une explosion du nombre des pensionnés civils, qui a augmenté de près de 25 % en dix ans. Parallèlement, le montant des pensions versées est passé de 35,4 milliards en 2005 à 46,7 milliards en 2010, soit une augmentation de près de 32 %. En 2011, ce montant devrait encore augmenter de 1,6 milliard, soit une augmentation de 4 %, qui aurait été de 5 % sans la prise en compte des effets de la réforme des retraites dont nous discutons actuellement.

Ces chiffres illustrent bien la nécessité impérieuse de la poursuite et de l'accentuation, par des réformes structurelles, de nos efforts de maîtrise des effectifs. Sans cela, nous serions tenus de rogner encore plus sur les faibles dépenses d'investissement, qui sont les principales dépenses d'avenir.

Étant donné la rigidité des dépenses, c'est, dans un premier temps, sur les recettes que l'effort de restauration des équilibres peut être le plus immédiatement payant, et le Gouvernement s'est engagé dans cette voie avec des mesures autorisant une hausse des recettes de l'ordre de 11 milliards d'euros. L'effort s'est concentré sur les dispositifs fiscaux et sociaux dérogatoires, à hauteur de 6,8 milliards, ce qui répond à une exigence d'équité fiscale, mais aussi à la volonté maintes fois exprimée de mettre un frein à l'envolée des dépenses fiscales constatées ces dernières années, qui correspond trop souvent à un pur et simple contournement de la norme de dépenses.

Pour en rester aux recettes, et au-delà du PLF, je souhaite évoquer la question de la fiscalité du patrimoine. Je partage l'idée d'une remise à plat. Elle suppose tout d'abord une réflexion globale sur ce que représente la fiscalité du patrimoine, les objectifs qu'on lui assigne et la cohérence de ses composantes. Cela nécessite de prendre le temps de la réflexion et des études d'impact. Nous pourrions, je l'espère, aboutir d'ici l'été, comme le Président de la République s'y est engagé. Les travaux menés par le Conseil des prélèvements obligatoires en 2009, sous la présidence de Philippe Séguin, esquissent à cet égard les pistes de ce que pourrait être une réforme d'ensemble. Elle ne saurait se limiter à une suppression pure et simple ni du bouclier fiscal ni de l'impôt sur la fortune, mais doit toucher tous les aspects : modernisation de l'imposition foncière, des droits de mutation, de la fiscalité des revenus du patrimoine. Il convient aussi de favoriser une fiscalité du patrimoine correspondant à une approche dynamique du développement de l'économie.

Bien entendu, cette remise à plat ne pourra ignorer la concurrence fiscale qui sévit en Europe, ni le contexte général dans lequel elle s'insérera, ce que notait déjà le Conseil des prélèvements obligatoires en 2009.

À cet égard, le rapport demandé à la Cour des Comptes pour une approche permettant de prendre en compte les évolutions du principal partenaire économique et financier qu'est l'Allemagne sera tout à fait utile.

Je voudrais maintenant évoquer, à travers deux exemples –les niches et les opérateurs –, la question du contournement de la norme de dépenses, des façons de lutter contre mais aussi des pièges et excès de vertu à éviter.

Dans le cadre de l'effort pour restaurer les recettes de l'État, je souscris pleinement à la volonté de maîtrise de la dépense fiscale. Dans le présent projet de loi de finances, peut-être pour des raisons de délai, c'est la méthode du rabot qui a été retenue. Si cette approche n'est pas si indiscriminée, puisqu'elle ne touche que vingt-deux dispositifs, il s'agit cependant fondamentalement d'une méthode empirique. Il conviendra pour les années à venir que la réflexion soit menée niche par niche, en examinant si les dépenses sont toujours justifiées par rapport à l'époque où elles ont été créées, si l'évolution de la dépense est proportionnée à son utilité économique, sociale ou de création de valeurs, si les retours en termes de fiscalité directe ou indirecte ne compensent pas largement le coût. De la même façon, la question souvent évoquée de l'effet d'aubaine doit être étudiée au cas par cas. Enfin, il serait probablement nécessaire de prévoir, pour chaque dépense, un réexamen tous les cinq ans de son utilité, permettant de limiter l'empilement des dispositifs.

Les travaux d'économies d'énergie fournissent un bon exemple, matériel par matériel ; je me souviens des reproches qui m'avaient été adressés, l'an dernier, sur les mesures d'ajustement, pour les chaudières par exemple.

Je voudrais évoquer ensuite le cas des opérateurs, qui a fait l'objet de travaux réguliers de la MILOLF. De nombreux progrès en ce qui concerne leur contrôle ont été enregistrés ces dernières années. On ne peut que saluer à cet égard la décision prise dans le projet de loi de programmation pluriannuel des finances publiques d'interdire aux organismes divers d'administration centrale, hors CADES et SPPE, d'emprunter au-delà de douze mois. Une telle décision devrait contribuer largement à la maîtrise de l'endettement de l'État, et s'inscrit dans la droite ligne des conclusions du rapport Camdessus de 2010. Elle s'ajoute à l'identification sur le jaune « opérateurs » des dettes de ces derniers – mesure adoptée l'an dernier à mon initiative -, à la mise sous plafond effectif de leurs emplois et au recensement de leur patrimoine.

Si positives et nécessaires que soient ces avancées, elles doivent cependant être appréciées en cohérence avec l'activité des opérateurs visés et avec la réalité. L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail a un projet immobilier de regroupement sur un seul site, au lieu de la dispersion actuelle sur trois sites, ce qui peut s'avérer positif. Ce regroupement et les économies qu'il permettrait fut d'ailleurs l'une des motivations du regroupement des trois agences. Un tel investissement serait réalisable par emprunt sur vingt ans, avec des traites annuelles égales aux loyers versés pour les trois sites payés sur la dotation de l'État. L'opération serait donc blanche, financée par les économies de loyers. Mais cela suppose un emprunt supérieur à un an ou que l'État consente à intégrer une logique de loyers budgétaires dans son approche au niveau des dotations effectuées aux opérateurs.

De la même manière, il faut prendre en compte, sur les plafonds d'emplois, l'activité des opérateurs. Certains sont industriels et dégagent la majorité de leurs ressources des contrats qu'ils souscrivent.

Enfin, puisque nous en sommes aux opérateurs, je voudrais évoquer la question des affectations. Aux termes de la LOLF, celles-ci devaient rester exceptionnelles, et les opérations retracées dans les comptes d'affectation spéciale être « financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ». Or il semble que l'habitude se prenne de financer des opérateurs par affectations de recettes sans rapport. Il en va ainsi du financement du fonds interministériel de prévention de la délinquance par une partie du produit des amendes radars.

Il en va également ainsi des affectations effectuées dans la durée par un certain nombre d'opérateurs pour lesquels nous n'avons ensuite plus de nouvelles puisque la recette a été affectée, et dès lors qu'elle l'a été en totalité le Parlement n'a plus à en délibérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Nous ne connaissons ni l'évolution en montant ni l'usage qui en est fait. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé que puissent être apportées à l'occasion de l'article 28 un certain nombre de modifications et un retour au Parlement qui relèverait normalement d'une loi organique, mais que je proposerai par voie d'amendement.

En conclusion, je reprendrai les mots de notre rapporteur général, qui voit dans ce projet de loi de finances « l'aube » d'une « nouvelle ère budgétaire », celle du rétablissement de nos finances publiques. S'il n'en constitue qu'une première étape, ce projet de loi de finances, inscrit dans la loi de programmation des finances publiques, va incontestablement dans le bon sens. C'est la raison pour laquelle il mérite notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la recherche-développement ainsi que l'innovation constituent les éléments essentiels de la croissance et de la compétitivité dans les économies dites de la connaissance.

Le volume des activités de recherche-développement engagées en France apparaît à cet égard insuffisant. En effet, avec 2,1 % de son PIB consacré à la recherche-développement en 2006, la France se situe dans une position intermédiaire, certes au-dessus de la moyenne européenne, mais très en-deçà de l'Allemagne, des pays scandinaves, des États-Unis et du Japon.

Pour inciter les entreprises à développer leurs activités de recherche et développement, la France a instauré des aides indirectes par des dispositifs d'allégements fiscaux. Le crédit d'impôt-recherche en constitue la mesure phare. De 1983 à 2008, le crédit d'impôt-recherche a connu de nombreuses modifications. La dernière, en 2008, en a introduit quatre essentielles : sa simplification tout d'abord, par l'abandon de la déduction fiscale appliquée à la part en accroissement des dépenses de recherche et développement ; l'élargissement de son assiette, en rendant éligible la somme totale des dépenses de recherche et développement engagées par l'entreprise ; son renforcement par le relèvement du taux du crédit d'impôt applicable de 10 à 30 % ; enfin, sa sécurisation pour les entreprises par l'extension du rescrit et l'assouplissement des conditions du contrôle sur demande.

Si nous devions faire rapidement le bilan de cette réforme de 2008, nous constaterions qu'elle a quatre effets essentiels.

D'abord le coût du crédit d'impôt-recherche a connu une forte augmentation. D'un montant de 457 millions en 2000, il était de 700 millions en 2005 et de 1,5 milliard en 2008. Le remboursement anticipé et accéléré des créances a considérablement accru le coût du dispositif, qui a atteint 5,8 milliards en 2009 et 4,2 milliards en 2010.

Deuxième effet, la réforme de 2008 a conduit à un accroissement des bénéficiaires : plus 34 %, ceux-ci étant en 2009 de 14 000.

Troisième effet, les PME profitent majoritairement du crédit d'impôt-recherche. Elles représentent 83 % du total des entreprises bénéficiaires en 2008 contre 69 % en 2007. Cependant, l'analyse de la répartition du crédit d'impôt- recherche par tranche d'effectif est essentielle pour mesurer le soutien réel apporté par le dispositif fiscal aux entreprises. Or on constate que la part des entreprises dont l'effectif n'est pas renseigné représente, en 2008, 11 % du nombre total des entreprises et 14 % de l'enveloppe du crédit d'impôt. Le nombre d'entreprises bénéficiaires fiscalement intégrées de moins de dix salariés est passé de 188 à 814 entre 2007 et 2008. La progression très importante du nombre total de groupes d'entreprises fiscalement intégrées – plus 250 % entre 2007 et 2008 – pourrait confirmer la mise en oeuvre d'une stratégie d'optimisation fiscale.

Enfin, comme l'indique le Conseil des prélèvements obligatoires, du fait de la réforme, les grandes entreprises bénéficient d'une part plus importante de crédit d'impôt-recherche en 2008 qu'en 2007. Cette évolution tient au fait qu'est pris en compte le seul volume des dépenses pour le calcul du montant. Pour ces raisons, monsieur le ministre, je fais partie de ceux qui estiment que le crédit d'impôt-recherche a entraîné des effets d'aubaine. Le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle en fait d'ailleurs une analyse très précise. C'est pourquoi je pense que certaines améliorations sont possibles pour mieux cibler la dépense fiscale. Ces améliorations permettraient d'abord de limiter l'évolution prévisible du coût du crédit d'impôt-recherche à l'horizon 2012 ou 2013. Dans le contexte budgétaire actuel, il serait incompréhensible pour nos concitoyens, à qui l'on demande par ailleurs tant d'efforts pour participer au redressement des finances publiques, qu'une telle politique de ciblage ne soit pas entreprise. Ce ciblage du dispositif permettrait en outre de clarifier l'objet de la dépense de recherche et développement dans l'entreprise. Cet objet n'est pas de réduire les impôts acquittés par l'entreprise, mais bien de préparer la croissance à venir.

Est-il incohérent de préconiser à la fois d'inscrire le dispositif du crédit d'impôt-recherche dans la durée et de proposer des ajustements deux ans après une réforme de grande ampleur ? Je ne le pense évidemment pas. Lorsqu'un dispositif fiscal n'est pas totalement ajusté, il est tout à fait normal de le préciser rapidement et nos concitoyens le comprennent parfaitement. Je relève que lorsqu'une disposition fiscale fait l'objet d'une optimisation par les contribuables particuliers, le Gouvernement n'a, en règle générale, aucun mal à accepter le principe d'un meilleur ciblage.

Dans le présent projet de loi, de nombreux articles procèdent de cette logique à destination des particuliers. Il semble donc juste et équitable que la logique soit la même pour les entreprises. Plusieurs avancées devraient exister.

Tout d'abord, clarifier la délimitation entre dépenses éligibles et dépenses non éligibles, améliorer les contrôles a priori et a posteriori du crédit d'impôt-recherche.

D'autre part, plusieurs amendements adoptés en commission des finances seront présentés, sans remettre aucunement en cause l'architecture générale du crédit d'impôt-recherche. Le premier amendement a pour objet de supprimer les majorations de taux applicables au titre des deux premières années. Il nous est en effet apparu clairement que certaines entreprises créent des filiales nouvelles pour bénéficier de ce taux majoré, ce qui est évidemment contraire à la philosophie du dispositif.

Ce premier amendement conduit par ailleurs à fixer le forfait des dépenses de fonctionnement prises en compte au titre du crédit d'impôt-recherche à 50 % des dépenses de personnel, le taux actuel de 75 % étant certainement excessif au regard de la réalité.

Je précise que les dépenses de personnel au titre des jeunes chercheurs sont prises en compte pour le double de leur montant, ce qui devrait éviter de peser sur le recrutement.

Enfin, ce premier amendement impose la réalisation par l'entreprise elle-même d'au moins la moitié des dépenses de recherche déclarées pour éviter la création par des entreprises, notamment étrangères, de filiales boîtes aux lettres…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

…ayant pour seul objet l'optimisation fiscale du crédit d'impôt-recherche, au titre des dépenses réalisées à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

Là encore, il s'agit simplement de corriger un effet pervers du crédit d'impôt-recherche, que nous avons constaté dans le cadre de la MEC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Claeys

La seconde piste tend à consolider au niveau du groupe les dépenses de recherche et développement prises en compte au titre du CIR. Nous pourrons avoir un débat sur ce sujet. Mais le crédit d'impôt-recherche est actuellement calculé au taux de 30 % sur la fraction des dépenses de recherche inférieure à 100 millions d'euros et à un taux de 5 % sur la fraction excédant ce montant. Cette règle étant appréciée entreprise par entreprise, sans consolidation des groupes, elle permet l'optimisation par le découpage des dépenses de recherche au sein de plusieurs filiales. Il est donc normal d'éviter, là encore, ce qui n'est, ni plus ni moins, qu'un contournement de l'esprit de la loi.

Mes chers collègues, ces deux dispositifs ne conduisent pas à remettre en cause l'esprit du crédit d'impôt-recherche, mais au contraire à en revenir à l'esprit dans lequel il a été voté en 2008. Il corrige certains dysfonctionnements, sans casser la dynamique de la dépense fiscale ainsi réalisée en faveur de la recherche-développement des entreprises.

Pour l'ensemble de ces raisons, monsieur le ministre, j'espère que à la suite à ces préconisations, nous pourrons trouver dans le cadre du débat budgétaire une démarche partagée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur le ministre, en présentant votre budget vous avez indiqué qu'il s'agissait d'un « budget historique par l'ampleur de la baisse des déficits ». Il aurait été plus juste de dire que ce qui était historique, c'était l'ampleur des déficits.

D'autant plus que votre réponse à cette situation n'a vraiment rien d'exceptionnel, puisque vous appliquez les recettes les plus éculées du système économique que vous soutenez : taxer les classes moyennes et populaires, réduire les politiques sociales et publiques pour mieux épargner la rente et, entre autres, ces fleurons du CAC 40 dont le journal Les Échos a expliqué récemment qu'ils « retrouvaient des profits en forte croissance ».

En effet, s'il y a quelque chose qui est en forte croissance dans notre pays, c'est bien l'enrichissement des plus riches, aidés à coups de cadeaux fiscaux et d'exonérations en tous genres, dont la caricature est le cas de Mme Bettencourt. D'un côté, il y a bien la France que vous favorisez, que vous choyez, de l'autre, la France que vous taxez, celle des classes populaires et moyennes.

Votre budget n'échappe pas à ce choix politique que l'on ne peut qualifier autrement que de choix de classe. Pour cette raison votre budget est à la fois un budget de régression sociale, un budget dangereux pour l'économie de notre pays, un budget d'assujettissement total aux marchés financiers.

La grande cause nationale est de réduire les déficits, dites-vous. Soit, mais alors il n'y a qu'une seule question qui vaille : d'où provient l'explosion des déficits de la France ces huit dernières années ?

Ils ne proviennent pas de l'explosion de la dépense publique : les chiffres sont là pour le démontrer. En 1993, la dépense publique représentait 55 % du PIB. En 2000, elle en représentait 51,5 % et en 2009, 52,5 %. Avoir commis un projet de loi de programmation des finances publiques sur quatre ans dans lequel on ne parle ni d'investissement, ni de recettes, mais uniquement de la dépense n'est pas un projet de loi de programmation. C'est au mieux un plaidoyer de nature idéologique centrant tous nos malheurs sur l'argent utile, c'est-à-dire celui qui sert à nous soigner, à éduquer notre jeunesse, à réaliser des infrastructures performantes, à soutenir l'investissement public pour l'industrie, l'environnement, le logement. Chacun le sait, nos problèmes ne proviennent ni de l'infirmière ni de l'enseignant ; ils proviennent de la crise et des cadeaux fiscaux accordés aux plus riches.

D'après la Cour des comptes, la crise est responsable au moins pour un tiers des déficits budgétaires, c'est-à-dire 40 à 50 milliards d'euros. Mais pour résorber la dette due à la crise, encore faudrait-il s'en prendre à ceux qui en sont responsables et non à ceux qui la subissent. Là aussi, vous protégez les coupables : les marchés financiers, les banques, les spéculateurs, tout un système conçu, comme l'a rappelé récemment Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, « pour contourner les normes comptables et échapper aux impôts nécessaires pour financer les investissements publics en matière d'infrastructures et de technologies qui sous-tendent la croissance réelle et non la croissance fantôme promue par le secteur financier ».

Or ce n'est pas à ceux-là que vous vous attaquez alors qu'ils sont pour un tiers responsables de nos déficits et de leurs conséquences désastreuses. Les deux autres tiers du déficit, c'est-à-dire 80 à 90 milliards d'euros, sont dus pour l'essentiel aux cadeaux fiscaux que vous n'avez cessé de prodiguer le plus souvent sans contrôle, sans jamais en mesurer l'efficacité économique. Il en est ainsi des exonérations de cotisations sociales, qui coûtent 25 milliards d'euros.

La Cour des comptes a démontré que les trois quarts de ces exonérations ne servaient pas l'objectif pour lequel elles avaient été créées, à savoir l'emploi. Je ne multiplierai pas les exemples, ils sont innombrables. Je rappellerai simplement que la Cour des comptes vient d'estimer à 172 milliards d'euros l'ensemble des niches et cadeaux fiscaux effectués en direction des entreprises. C'est évidemment bien plus que le déficit budgétaire.

De même, une estimation récente indique que la perte de recettes fiscales due chaque année aux cadeaux, dont la plus grande partie va aux plus aisés, se monte à 120 milliards d'euros. C'est pratiquement la moitié des recettes fiscales de l'État.

Ce sont bien vos choix politiques et le système que vous soutenez qui ont plombé notre pays. Ce ne sont pas les gesticulations et les coups de menton contre les paradis fiscaux qui feront bouger quoi que ce soit. Cet appel d'économistes du CNRS et de l'OFCE confirme ce constat : « La crise économique et financière qui a ébranlé le monde en 2008 n'a pas affaibli la domination des schémas de pensée qui orientent les politiques économiques depuis trente ans. Le pouvoir de la finance n'est pas remis en cause [...], une forme de dictature des marchés s'impose partout ».

Voilà la réalité ! C'est à cette dictature que vous cédez,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

… y compris avec votre contre-réforme des retraites.

Tout aussi grave et inquiétant est l'étau dans lequel vous enfermez notre pays : régression sociale d'un côté, régression économique de l'autre. En effet, lorsque vous vous en prenez aux salaires des fonctionnaires et à leur nombre ; aux concours de l'État pour les collectivités locales, que vous gelez ; aux crédits d'intervention pour les infrastructures, le logement ; lorsque vous introduisez de nouvelles taxations prétendument sur les banques ou les assurances, mais qui vont se répercuter sur nos concitoyens ; lorsque vous laissez filer les hausses des tarifs du gaz, de l'électricité, des assurances, des mutuelles, les non-remboursements de médicaments, de soins ; lorsque vous encouragez, de fait, dans ce projet de loi de finances pour 2011, la SNCF à augmenter ses tarifs, vous plombez le pouvoir d'achat de nos concitoyens, donc la consommation et l'emploi. Vous allez réduire les capacités d'investissement des collectivités locales, qui réalisent 73 % de l'investissement public en France.

Vous créez toutes les conditions d'une régression économique, et donc de l'emploi. Là aussi, les plus grands économistes, y compris les ultralibéraux de l'OCDE, ont prévenu : « L'austérité est une menace pour la reprise économique. »

Ce qu'il convient de faire, c'est l'inverse de ce que vous faites. Il faut interdire aux banques de spéculer sur les marchés financiers afin de les recentrer sur la distribution du crédit. Il faut affranchir les États de la tutelle des marchés financiers en garantissant le rachat des titres publics par la BCE.

Nous avons besoin de sortir de la soumission à la dictature des marchés, nous avons besoin d'une autre répartition des richesses et d'une autre façon de les produire. C'est pourquoi, afin d'amorcer une réflexion en ce sens, nous déposerons dans les jours prochains une proposition de loi essentiellement d'ordre fiscal comportant douze articles.

Article 1er : suppression du bouclier fiscal.

Article 2 : refondre le barème de l'impôt sur le revenu en le rendant plus juste, plus progressif, avec un taux marginal de 54 %.

Article 3 : rapprocher la taxation du capital de celle pesant sur le travail avec une majoration à 35 % de l'ensemble des taxations proportionnelles sur les plus-values de cession mobilières et immobilières.

Article 4 : rétablissement du taux facial de l'impôt sur les sociétés fixé à 33,3 % – 9 milliards d'euros – et introduire une imposition séparée au taux de 46 % pour les entreprises qui privilégient la distribution de dividendes par rapport à l'investissement productif et à l'emploi. Suppression de la niche Copé : 6 milliards d'euros.

Article 5 : taxe additionnelle de 15 % à l'impôt sur les sociétés pour les établissements bancaires.

Article 6 : suppression des exonérations de cotisations sociales qui ne servent pas à l'emploi.

Article 7 : suppression des mesures de 2007 sur les droits de succession bénéficiant aux plus aisés.

Article 8 : limiter de 1 à 15 l'échelle des rémunérations dans les entreprises.

Article 9 : taxer de façon dissuasive les avantages tels que parachutes dorés, retraites chapeaux, stock-options au taux de 95 %.

Article 10 : demander au Gouvernement un rapport sur l'optimisation fiscale qui coûte 20 milliards d'euros aux finances publiques.

Article 11 : mettre en oeuvre un pôle public bancaire national pour permettre un crédit à taux bonifié aux PME-PMI qui font un investissement productif et créent des emplois.

Article 12 : établir un rapport sur la concurrence fiscale dans l'Union européenne et notamment les transferts de charges qu'elle produit sur l'emploi, les salaires, la protection sociale et les retraites ; élaborer des propositions d'harmonisation fiscale.

Ces mesures permettraient d'engranger plus de 50 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires, ce qui réduirait le déficit budgétaire, introduirait de la justice fiscale, orienterait l'argent vers l'emploi et le détournerait de la spéculation et des divers gaspillages privés.

Les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront contre votre budget parce qu'il est dangereux pour notre économie et qu'il marque un nouveau recul social pour notre peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, les récents débats sur une remise à plat de notre fiscalité ont donné un sens plus fort encore aux exigences de justice sociale et fiscale que le Nouveau Centre n'a eu de cesse de défendre depuis 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Dans la crise économique et sociale que nous traversons, l'engagement solennel du Gouvernement qu'un débat et des décisions sur la remise à plat de la fiscalité du travail et du patrimoine auront lieu au cours du premier semestre de l'année prochaine confère une importance toute particulière à ce projet de loi de finances pour 2011 et au collectif budgétaire à venir.

Je salue votre courage, monsieur le ministre, lorsque vous avez déclaré que nous devions maintenant réfléchir à une nouvelle stratégie fiscale qui réponde à un double objectif : l'équité fiscale et l'efficacité économique.

Dans cet esprit, vous avez vous-même évoqué la possibilité de supprimer le bouclier fiscal, au nom de la convergence fiscale entre la France et l'Allemagne, chère aux centristes et, plus largement, à beaucoup d'entre nous.

Toutefois, ainsi que vous l'avez rappelé récemment, le débat sur la suppression du bouclier fiscal « n'est pas nouveau ». Les 125 députés UMP qui ont déposé un amendement de suppression de l'ISF et du bouclier fiscal n'ont fait qu'un copier-coller de la proposition que le Nouveau Centre porte depuis trois ans maintenant.

Nous ne pouvons que nous réjouir que cette idée ait fait son chemin, lentement mais sûrement, chez nos amis de l'UMP.

Mais, mes chers collègues socialistes, les centristes ne sont pas, contrairement à vous, dans l'affichage politique. Depuis 2007, avec courage et constance, nous avons suivi cette voie juste, celle du Centre, celle qui réconcilie efficacité économique et justice sociale, loin des postures démagogiques de la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais refusant le pacte fiscal inéquitable défendu hier encore par nos alliés de l'UMP.

Le constat est clair : les plus modestes ne comprennent pas le bouclier fiscal, les plus riches ne comprennent pas l'ISF. Nous nous félicitons aujourd'hui de voir qu'une grande partie de la majorité, le Gouvernement et une partie de l'opposition silencieuse partagent désormais ce constat et défendent ces thèses qui sont les nôtres.

Au-delà de la posture purement idéologique dont font état nos collègues de l'opposition sur ce texte, cette proposition pose un problème plus large, celui de la justice sociale et de l'indispensable refonte de notre système fiscal, que le Nouveau Centre appelle depuis longtemps de ses voeux.

Ce véritable « Grenelle de la fiscalité » dont le Président de la République a annoncé qu'il aurait lieu au premier semestre 2011 embrasserait, à dire vrai, un champ bien plus large que celui du plafonnement de l'impôt, afin de préparer véritablement la France aux défis économiques immensément plus lourds auxquels nous sommes confrontés.

Dans ce débat, notre proposition est simple, et je tiens à remercier nos collègues de l'UMP qui, en prenant l'initiative de la soutenir, lui ont conféré une médiatisation plus importante. Laissez-moi, mes chers collègues, vous rappeler ce que nous n'avons cessé de dire depuis trois ans : abrogation simultanée du bouclier fiscal et de l'ISF.

En contrepartie, nous proposons de créer une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu et d'augmenter la fiscalité du patrimoine, qui a été trop abaissée par rapport à celle pesant sur le travail.

Cette proposition a ainsi pour objectif de conjuguer quatre impératifs essentiels :

Un impératif économique, tout d'abord. Il faut le dire clairement : le bouclier fiscal n'a pas permis un retour au bercail des exilés fiscaux ni même freiné l'évasion fiscale. Oui, l'ISF est un impôt anti-économique. Je pense ici aux petites entreprises familiales.

Un impératif de justice sociale, ensuite, puisque la recherche de la progressivité de l'impôt et la justice fiscale sont des éléments constitutifs de la cohésion de notre tissu social. Au moment où l'on demande de nombreux efforts aux Français, il serait incompréhensible que les plus hauts revenus n'y participent pas, mais il serait tout aussi injuste que l'impôt soit confiscatoire et inefficace.

L'un d'entre vous, messieurs de l'opposition, Laurent Fabius, n'a-t-il pas baissé l'impôt sur les sociétés au nom de la compétitivité lorsqu'il était ministre de l'économie et des finances dans le gouvernement Jospin ?

Un impératif de convergence, également. Une politique fiscale moderne est une politique fiscale qui va de pair avec les choix effectués par nos plus proches partenaires économiques, à commencer par les pays de la zone euro avec lesquels notre famille politique a toujours souhaité, à terme, une véritable convergence économique, sociale et fiscale.

Un impératif de simplification et de cohérence, enfin. Notre fiscalité est aujourd'hui devenue illisible, c'est une évidence. Je le dis ici de façon très claire au Gouvernement : comment peut-on comprendre que la majoration d'un point de l'imposition des hauts revenus et des revenus du patrimoine soit délibérément exclue du calcul du bouclier alors que le financement du RSA ne l'est pas ?

On le voit bien, le bouclier fiscal est aujourd'hui intenable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Il ajoute à la confusion et au ressentiment de nos concitoyens.

Presque tous nos partenaires européens ont choisi cette voie, à commencer par l'Allemagne, où il n'y a ni ISF ni bouclier fiscal depuis 1997. Il n'est donc pas besoin d'attendre le rapport de la Cour des comptes à ce sujet pour agir et opérer dès maintenant l'exercice de convergence fiscale voulu par le chef de l'État.

L'ISF a d'ailleurs été supprimé dans neuf des onze pays de l'Union européenne où il était en vigueur depuis 1994 : l'Autriche, le Danemark, la Finlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Suède et l'Espagne. Mon collègue Charles de Courson le rappelle souvent : notre amendement, ce n'est rien d'autre que l'amendement du parti socialiste ouvrier espagnol ! Je ne vois donc pas pourquoi vous ne voudriez pas l'adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

À l'inverse, et en désaccord avec tous leurs amis européens – comme c'est d'ailleurs le cas concernant les retraites – les socialistes français réclament une abrogation pure et simple du bouclier fiscal.

Chers collègues socialistes, vous avez la mémoire courte, car le bouclier fiscal, c'est votre idée ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Et votre proposition actuelle nous ramènerait à la situation antérieure au plafonnement de l'impôt décidé par le gouvernement de Michel Rocard en 1988 : après avoir rétabli l'ISF, vous avez été forcés d'introduire un plafond qui limitait à 70 % le poids combiné de l'ISF et de l'impôt sur le revenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Vous aviez vous-mêmes compris que l'impôt ne pouvait pas être confiscatoire ! C'est rassurant.

Alors pourquoi ce changement de posture ? Est-ce le parfum de 2012 qui vous fait perdre le sens commun ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ce qui est inquiétant, c'est qu'au parti socialiste, rien n'a changé depuis 1988 : vous demandez aujourd'hui de nouveau la suppression du bouclier fiscal. Cela conduirait à imposer certains de nos concitoyens à hauteur de 80 %, et vous seriez forcés, vous le savez parfaitement, de vous désavouer une seconde fois en réintroduisant un mécanisme de plafonnement. Je vous mets en garde : le bouclier fiscal est et restera une idée de gauche si vous ne votez pas notre proposition.

Vous êtes farouchement opposés à la suppression de l'ISF et vous accusez la majorité de vouloir faire un cadeau aux riches.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

J'aimerais vous dire combien cette posture est à la fois incohérente et démagogique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Elle est incohérente, puisque le bouclier fiscal n'a été créé que pour atténuer les effets pervers de l'ISF – à commencer par l'évasion fiscale ; je note d'ailleurs qu'en la matière aucune efficacité ne lui a été reconnue à ce jour. Tant qu'il y aura un ISF, nous serons condamnés à maintenir un mécanisme de plafonnement, et ce d'autant plus que les trappes à ISF sont nombreuses, et vous le savez bien. On voit là toute la différence entre une gauche qui est clairement dans l'affichage politique et la majorité présidentielle qui, elle, place la crédibilité économique et la justice sociale au coeur de son action. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Elle est démagogique, ensuite, puisque la gauche voudrait nous faire croire que nous profitons de la suppression du bouclier fiscal pour faire un cadeau plus important aux ménages les plus aisés : la suppression de l'ISF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

La logique est imparable : 4 milliards d'euros de recettes d'un côté, 700 millions d'euros de dépenses de l'autre, nous ferions un chèque de 3,3 milliards d'euros aux riches. Mais ce raisonnement ne tient pas.

Il est vrai que vous avez eu quelques difficultés lorsqu'il s'agissait de faire des propositions réalistes et crédibles pour le financement de la réforme des retraites, ainsi que l'a brillamment démontré Charles de Courson.

Comment ne pas voir, en effet, que ce que nous proposons depuis plus de trois ans, c'est de remplacer un impôt sur le patrimoine par des impôts sur les revenus du patrimoine ? Comment pouvez-vous être aussi aveugles et nier le fait que la suppression de l'ISF est parfaitement compensée par des impositions qui pèseront sur le flux et qui ne pénaliseront pas le travail ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Nous ne sommes pas au Gouvernement, vous l'aurez remarqué !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Je pense ici à la création d'une nouvelle tranche marginale d'impôt pour les plus hauts revenus, dont on sait bien qu'ils sont davantage constitués de revenus du patrimoine que de revenus du travail.

Mes chers collègues, pour conclure, j'aimerais vous faire une proposition. Le Président de la République a pris l'engagement d'une remise à plat de notre fiscalité à l'été 2011. Le groupe Nouveau Centre sera aux côtés du Gouvernement pour que la France se joigne à tous les pays modernes qui l'entourent en se dotant d'une fiscalité juste et efficace.

Nous avons déjà fait une proposition simple et efficace dans ce débat, je n'y reviendrai pas. Nous continuerons à travailler avec vous de manière constructive, monsieur le ministre. Si notre assemblée rejetait cette proposition de bon sens dans l'attente d'une expertise relative à la fiscalité du patrimoine, nous nous honorerions, de part et d'autre de ces bancs, à adopter au moins une disposition qui, je le crois, fait consensus : l'exclusion des prestations sociales et du financement du RSA du calcul du bouclier fiscal.

Nous ne pouvons plus attendre, car personne sur ces bancs ne saura expliquer aux Français pourquoi, dans ce budget, l'effort en faveur des retraites est exclu du calcul du bouclier, alors que ce n'est le cas ni des cotisations sociales, ni du financement du RSA. Personne ne pourra expliquer non plus que les personnes les plus aisées ne participent pas au financement de la protection sociale, dont on connaît les difficultés. Personne ne pourra expliquer que les plus aisés ne contribuent pas au remboursement d'une dette que toute la collectivité rembourse.

Ce succès, ce ne serait ni le succès de la majorité présidentielle ni celui de la gauche, mais la victoire de la raison et de la justice sociale. J'ose espérer que vous saurez y souscrire. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC ainsi que sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

« Nous devons protéger nos recettes » : cette phrase a été prononcée, au cours de sa très brillante intervention, par notre rapporteur général. Partageant son analyse, je voudrais en illustrer le bien-fondé par un exemple qui pourrait être un cas d'école : les avantages fiscaux attachés à la production d'électricité photovoltaïque.

La commission des finances a demandé à Jean Launay et à moi-même de déposer un rapport d'information sur ce sujet, ce que nous avons fait il y a quelques jours. Ce rapport est transpartisan et traduit, je crois, la recherche d'une analyse objective de ce secteur.

Lors du Grenelle de l'environnement s'est exprimée une volonté largement partagée de diversifier la production d'énergies renouvelables, afin de diversifier nos sources d'approvisionnement et de diminuer notre dépendance énergétique, mais aussi de protéger la planète et de favoriser le développement d'une croissance verte.

Le Gouvernement ne s'est pas contenté de définir des objectifs ; il a donné des moyens : il s'agissait de rendre l'investissement attractif, grâce à des tarifs intéressants, à un avantage fiscal sous forme de crédit d'impôt et enfin, depuis 2000, à une obligation d'achat de l'ensemble de la production par Électricité de France.

Trois ans plus tard, où en sommes-nous ? Incontestablement, le système a fonctionné ; il a même trop bien fonctionné. Je ne reprendrai pas les chiffres donnés au Parlement par le ministre chargé de l'écologie il y a quelques jours ; je rappellerai simplement que l'objectif quantitatif de production fixé par le Grenelle de l'environnement pour l'année 2020 sera finalement atteint dès l'année prochaine.

C'est la conséquence d'une véritable bulle spéculative, qui s'est formée progressivement. En effet, dans le chaos boursier créé par la crise financière, l'investissement dans ce secteur d'activité est rapidement apparu comme une sorte de placement miracle : à un rendement très élevé – l'inspection des finances l'a évalué à 20 % environ par an – s'alliait en effet une sécurité totale, compte tenu de l'obligation d'achat par EDF sur une période de vingt ans. C'est sans doute ce qui explique que l'on ait vu affluer du monde entier des capitaux en quête de placements spéculatifs.

Aujourd'hui, que faut-il faire ? À mon sens, il faut d'abord appliquer la loi : celle-ci fait en effet obligation à la collectivité de compenser intégralement la charge financière supportée par EDF. Cette contribution due par la collectivité, c'est-à-dire par les consommateurs, n'a pas été ajustée en 2008 et en 2009 : nous étions en effet en période de crise, et la priorité était de préserver le pouvoir d'achat. Nous sommes en train de sortir de cette phase : il faut désormais ajuster, et sans tarder.

Qui doit prendre cette décision ? Si c'est le Gouvernement, la décision revêt évidemment un caractère politique ; si c'est un organisme à caractère technique, en l'occurrence la Commission de régulation de l'énergie, la décision serait peut-être plus facilement acceptable. C'est pourquoi j'ai présenté un amendement, qui a été approuvé par la commission des finances : il prévoit que le Gouvernement garde son pouvoir de décision, mais aussi que, si le Gouvernement n'applique pas dans un délai donné la proposition de la CRE, c'est à celle-ci qu'il revient de prendre la main.

L'augmentation des tarifs d'électricité, nous le savons tous, est un sujet très sensible. Mais je ne pense pas que l'on puisse souhaiter le développement des énergies renouvelables sans accepter d'en assumer le coût.

Il m'apparaît également opportun de raboter la niche fiscale ; contenue dans le projet du Gouvernement, cette mesure me semble inévitable. Les difficultés que nous rencontrons en ce domaine ne doivent certes pas condamner le principe même des allègements fiscaux, mais lorsqu'une administration prévoit des mesures de cette nature, elle doit, je crois, en suivre de manière presque quotidienne les conséquences sur les ressources fiscales de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Ce qui est en cause, ce n'est donc pas le principe même des niches fiscales, mais la manière dont elles sont suivies.

J'aborderai pour conclure l'aspect le plus difficile : il importe de veiller à ce que le coup de frein donné à la spéculation ne soit pas un coup d'arrêt donné à l'ensemble de la filière industrielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Car nous avons là une filière prometteuse ; des entreprises ont investi, en métropole comme outre-mer ; des emplois ont été créés ; à l'initiative du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives et de l'Institut national de l'énergie solaire, une recherche s'est développée pour mettre au point des panneaux solaires de deuxième génération. Il nous faut donc trouver dans ce domaine le juste équilibre. C'est ce que nous ferons en discutant avec la profession : dans ce domaine comme dans d'autres, nous avons besoin de davantage de régulation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Monsieur le ministre, je vous parlerai d'emploi et de précarité ; je vous parlerai de nos inquiétudes sur l'état social de notre pays.

Au début du mois, parce qu'il vous fallait plus de croissance, vous vous étiez servi d'un point de conjoncture publié par l'INSEE pour voir dans la réévaluation de la prévision de croissance pour 2010 – de 1,4 % au printemps, elle était portée à 1,6 % – la preuve de l'accélération de la croissance et de la sortie de crise.

Il est vrai que la croissance française devrait connaître une petite embellie cette année, avec 0,1 point de plus que l'hypothèse retenue dans la loi de finances initiale. Mais une variation de 0,1 ou 0,2 point, c'est l'épaisseur du trait ; cela ne révèle rien des tendances de fond qui affectent l'économie française. Car l'année touche bientôt à son terme, et le débat porte maintenant sur un horizon un peu plus lointain : en 2011, la France ne risque-t-elle pas d'être victime d'une rechute économique ? Les facteurs en faveur d'une prévision pessimiste sont très nombreux.

D'abord, il apparaît qu'après la très grave récession de 2009 – une diminution de 2,5 % du PIB – la reconstitution des stocks des entreprises a offert à notre économie une petite bouffée d'oxygène. Or ce phénomène, passager, ne jouera plus en 2011.

Mais il y a plus grave : le projet de loi de finances pour 2011 met en oeuvre une politique d'austérité au moyen d'une rafale de hausses d'impôts – même si ce sont, paraît-il, des réductions de dépenses fiscales – et de diminutions des dépenses publiques. Cette politique très restrictive risque de peser fortement sur la croissance : de très nombreux économistes le redoutent, notamment Joseph Stiglitz, l'ancien économiste de la Banque mondiale qui est aussi prix Nobel d'économie. Le Président de la République l'avait, je crois, récemment consulté.

Le risque est d'autant plus grand qu'aux États-Unis, la conjoncture est en train de se retourner, ce qui provoque un fléchissement de la demande adressée à l'Europe et à la France en particulier. Quoi qu'en dise aujourd'hui le Gouvernement, les perspectives sont donc plutôt inquiétantes, du fait, notamment, de votre politique.

Les experts relèvent en effet que la reprise mondiale est fragile et qu'elle montre des signes d'essoufflement : les conséquences du ralentissement américain toucheront la zone euro à l'horizon de la fin de l'année, via les débouchés à l'exportation. Tous les instituts de prévision expriment aujourd'hui, à des degrés divers, la même inquiétude : contrairement à ce que prévoit le Gouvernement, nous ne sommes pas dans une phase d'accélération. Après une croissance évaluée à 1,5 % en 2010, le Gouvernement table sur 2 % en 2011 ; mais le consensus des instituts privés de prévision est de seulement 1,5 %. Certains, comme Natixis ou Euler-Hermès, tablent même sur 1,1 %. Une croissance si faible serait évidemment inapte à relancer l'emploi comme à combler les déficits.

Cet environnement dépressif, conjugué à une politique économique violemment restrictive, laisse peu d'espoir sur le front de l'emploi : le chômage atteindra toujours des niveaux record. Le taux de chômage, qui s'est élevé à 9,7 % de la population active au deuxième trimestre, serait, selon l'INSEE, « quasiment stable » et se maintiendrait à 9,6 % à la fin de l'année. La première et la plus grave des fractures sociales ne se réduirait donc en rien.

Il faut bien prendre en compte le fait que ce chiffre ne reflète que très imparfaitement les souffrances sociales de très nombreux Français. Ce taux correspond à presque 2,7 millions de demandeurs d'emploi mais si l'on prend en compte toutes les catégories de chômage, en intégrant notamment les chômeurs ayant effectué quelques missions, ce chiffre grimpe aussitôt à plus de 4,2 millions.

Malgré la mini-croissance de 2010, le chiffre global des demandeurs d'emploi, toutes catégories confondues, reste en hausse très forte : 7,3 % sur un an à la fin du mois d'août, taux qui vaut à lui seul alerte. La France est sortie de la récession en 2009 mais le chômage a explosé.

Si le chômage a si fortement augmenté, c'est que l'emploi ne progresse que très peu. Les créations d'emplois s'élèveraient, selon l'INSEE, à 50 000 dans le secteur marchand non agricole au second semestre 2010 après avoir atteint 60 000 au premier semestre. De plus, elles concernent en grande majorité des formes d'emploi précaires : CDD, intérim, travail à temps partiel. Sur les 60 000 emplois créés au premier semestre, 56 700 sont des emplois intérimaires.

Cela permet de prendre la mesure d'une autre fracture sociale majeure. Si la France souffre toujours d'un chômage de masse, l'emploi est, lui, de plus en plus flexible, résultat de l'onde de choc d'un marché du travail très fortement dérégulé. Les entreprises n'embauchent désormais que très peu et, quand elles le font, elles n'ont recours qu'aux statuts d'extrême précarité afin d'ajuster en permanence leurs effectifs à leurs commandes.

Une autre étude récente de l'INSEE portant sur les évolutions de l'emploi sur les cinquante dernières années permet de prendre, de manière impressionnante, la mesure de la précarité qui ronge de plus en plus l'univers du salariat, autrefois protégé par le statut attaché aux contrats à durée indéterminée. Ainsi, de 1990 à 2007, la part des emplois temporaires dans l'emploi salarié est passée de 10 % à 15 % et la proportion des salariés à temps partiel, de 12 % à 18 %.

Dans la colère sociale qui s'exprime aujourd'hui dans notre pays, monsieur le ministre, il n'y a pas que le refus de votre réforme des retraites, il y a aussi le sentiment que l'emploi n'a plus l'effet protecteur d'autrefois. Ce sentiment est alimenté par la menace des délocalisations qui plane sur l'emploi de nombreux salariés, notamment dans l'industrie, mais aussi par le fait que, pour trop de salariés et trop de familles, l'emploi ne permet plus de vivre décemment.

Dans son point de conjoncture, l'INSEE affirme encore que le pouvoir d'achat des ménages progresserait selon un rythme de 0,5 % par trimestre pour la deuxième partie de l'année 2010, ce qui porterait la hausse du pouvoir d'achat du revenu brut des ménages à 1, 3 %. Ces chiffres globaux sont toutefois trompeurs et ne reflètent pas la réalité sociale car une partie de cette hausse provient de revenus du capital dont est exclue la majorité des ménages. Dans ce même périmètre, si l'on prend l'évolution du pouvoir d'achat par ménage, la hausse sera probablement nulle. Ces chiffres ne laissent pas transparaître la souffrance sociale qu'éprouvent beaucoup de Français, comme nous le constatons dans nos permanences.

L'INSEE a établi qu'en 2008, la proportion de ménages vivant sous le seuil de pauvreté était de 13 % et qu'elle atteignait 30 % pour les familles monoparentales, qui, pour la moitié d'entre elles, ont un niveau de vie inférieur à 1 340 euros par mois. Le niveau de vie médian s'élevait à un peu moins de 19 000 euros par an en 2008, autrement dit la moitié des Français vivait avec moins de 1 580 euros par mois.

Il est probable que les chiffres ne se sont pas améliorés en 2009 et 2010, compte tenu de la crise. Ils donnent la vraie mesure de la fracture qui mine le pays et que votre politique aggrave : vous cajolez les grandes fortunes mais malmenez le monde salarial.

C'est à cette aune que nous jugeons votre politique économique et sociale : nous la déplorons, qu'il s'agisse du projet de loi de finances, qui impose l'austérité à la majorité de nos compatriotes, ou de la réforme des retraites, qui protège le capital et accable le travail. Tout cela alimente aujourd'hui cette inquiétante colère sociale, qui est loin d'être motivée par la seule réforme des retraites.

Votre politique, telle qu'elle transparaît dans ce projet de loi de finances, ne peut répondre à cette souffrance. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous la condamnons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Je le regrette.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2011 confirme la volonté du Gouvernement d'achever les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Comme le Premier ministre et le Président de la République l'avaient annoncé, ce budget prévoit un gel des dotations d'État aux collectivités territoriales, qui devrait se prolonger jusqu'en 2013.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'un gel des dotations équivaut, en réalité, à une baisse nette, du fait de l'inflation. Très faible en 2009, celle-ci revient aujourd'hui à son niveau d'avant la crise, aux alentours de 2 %. Or l'augmentation de l'indice des prix des dépenses communales, appelé communément « panier du maire », est généralement le double de l'inflation. C'est donc bien à une baisse réelle des dotations de l'État que seront confrontés nos territoires et nos collectivités en cette difficile année qui s'annonce. Ce dogmatisme libéral est inacceptable et il marque encore plus gravement, cette année, la rupture du pacte républicain, dont les communes sont un fondement.

En 2010, 20 000 communes étaient sorties perdantes de la loi de finances pour la dotation globale de fonctionnement. Pour 2011, le secrétaire général de l'Association des maires de France estime que le gel va se traduire par une baisse de la DGF pour 20 000 à 22 000 des 36 000 communes que compte notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Nos communes subissent décidément des attaques tous azimuts de la part du Gouvernement !

Le projet de loi de finances pour 2011 vient parachever le travail de destruction entamé par la suppression de la taxe professionnelle, qui ampute nos collectivités de leurs marges de manoeuvre financière, et poursuivi par la funeste réforme des collectivités territoriales.

C'est cette réforme qui aura pour conséquence le transfert des compétences fiscales et financières des communes aux intercommunalités, aux pôles métropolitains et aux métropoles.

C'est cette réforme qui veut faire fusionner de force les communes au sein de « communes nouvelles ».

C'est cette réforme qui rabote les pouvoirs des maires, élus préférés des Français, pour les confier aux préfets, exécutants du chef de l'État.

Ce projet de loi de finances se présente donc comme un complément financier de cette fameuse réforme : ces deux textes ont pour objectif l'application de la révision générale des politiques publiques à nos collectivités territoriales.

Alors que nos territoires contribuent pour moins de 10 % à l'endettement public et pour plus de 70 % à l'investissement public, et sont au plus près des besoins de nos concitoyens, ce budget les muselle et les affaiblit.

Le Gouvernement, avec ce projet de loi de finances, ne laisse pas d'autre choix aux collectivités territoriales que d'augmenter les impôts locaux. Lui qui prétend ne pas augmenter les impôts organise en fait institutionnellement une hausse des prélèvements obligatoires. Car comment nos territoires pourront-ils répondre aux besoins croissants de nos concitoyens alors qu'ils sont frappés de plein fouet par la crise et disposent de moindres ressources ? La droite aura beau jeu de dénoncer ces hausses d'impôts qu'elle aura elle-même provoquées.

De la même façon, ce projet de loi de finances entérine le dogme du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux : plus de 30 000 emplois publics seront à nouveau détruits. Soulignons au passage que cet objectif de suppression massive d'emplois publics est une proposition inscrite noir sur blanc dans le nouveau rapport de la commission Attali, rendu public il y a quelques jours. Ces destructions de postes sont gravissimes à l'heure où le chômage est au plus haut, notamment chez les jeunes. Détruire des milliers d'emplois alors que les Français sont dans la rue, voilà encore un mauvais coup que vous assénez !

Le gel des dotations et le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux viennent donc conjuguer leurs effets dévastateurs aux mesures déjà contenues dans la réforme. Je veux rappeler ici que la droite et le Gouvernement organisent un saccage scandaleux des finances publiques locales en retirant aux départements et aux régions la clause de compétence générale, en interdisant les cumuls de financements entre ces deux échelons et en obligeant toute collectivité maître d'ouvrage à avancer au moins 30 % de tout investissement qu'elle souhaiterait faire. Comment une petite commune peut-elle se lancer dans le moindre projet quand il faut en financer au moins 30 % et que vous coupez les vivres des collectivités ?

Cet arsenal de mesures n'a qu'un seul objectif : limiter l'investissement public et le dynamisme de nos territoires. Le dogme de ceux qui sont au pouvoir est très clair : moins de services publics, plus de parts de marché pour leurs amis du CAC 40. Vous organisez ainsi l'éviction des services publics par les prestations privées lucratives et marchandes. Vous organisez la rentabilisation des territoires pour que la bande du Fouquet's puisse se goinfrer de profits !

Nous défendons au contraire l'existence et le dynamisme des services publics sur tout le territoire de la République, pour établir un développement égalitaire de nos territoires et pour apporter une réponse aux besoins de la population.

Ce projet de loi de finances est un projet de loi pour la finance là où il faudrait un projet pour les citoyens ! C'est bien le pacte républicain que vous mettez en morceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, on ne peut que se féliciter de l'innovation que constituent les lois de programmation des finances publiques, même si elles ne sont qu'une réponse par anticipation aux exigences introduites par la nouvelle procédure du semestre européen.

S'agissant de la programmation elle-même, le Gouvernement poursuit un objectif qui, dans son principe, est bon puisqu'il s'agit de revenir aux normes du pacte de stabilité à l'horizon 2013. La vraie question est cependant celle des moyens. La règle du « zéro valeur » en matière de dépenses publiques est très ambitieuse mais son application suscite malheureusement beaucoup de questions sur le terrain.

Prenons l'exemple de la réduction du nombre des fonctionnaires de l'État, devenue préoccupante. Elle ne s'accompagne pas de l'effort de formation qui permettrait aux fonctionnaires qui restent d'avoir la polyvalence nécessaire.

Par ailleurs, comme nous l'avons vu en commission des finances, nous nous interrogeons également sur les interventions des opérateurs extérieurs de l'État qui se déroulent dans des conditions, il faut le dire, de plus en plus brouillonnes et difficiles à maîtriser.

S'agissant des recettes, j'ai bien entendu que, selon le rapporteur général, l'objectif était de « protéger la recette ». C'est en soi une belle ambition mais, si nous voulons venir à bout des déficits dans le délai que vous vous êtes fixé, monsieur le ministre, il est évident qu'on ne peut s'en contenter : il faut développer des recettes nouvelles.

Or nous voyons bien que nous sommes bloqués en ce domaine par la problématique du bouclier fiscal, dont vous avez dit vous-même qu'il était perçu comme un symbole d'injustice. Il entrave en effet toute possibilité d'accroissement des recettes à caractère pérenne et universel. Le débat sur la gestion de la dette sociale en a été, il y a quelques jours, l'illustration.

La grande question est de savoir comment relancer la croissance. M. Attali sera entendu à ce sujet par les différentes commissions de notre assemblée dans la semaine qui vient. Cette question renvoie à la compétitivité mais aussi à l'effort qu'il faut demander aux Français. Or cet effort ne peut être demandé que s'il y a consensus, ce qui pose à nouveau le problème de la justice fiscale et de la justice sociale. Il n'y a jamais eu et il n'y aura pas de croissance en France sans consensus.

J'en viens maintenant au semestre européen, qui constitue un progrès essentiel puisqu'il vise tout à la fois à compléter le traité de Maastricht, en comblant une grave lacune, et à donner un cadre aux politiques budgétaires des différents États membres. Il se pose toutefois un problème d'articulation avec notre procédure budgétaire. Je reviendrai au cours du débat sur cette question, notamment à l'occasion de certains amendements. Pour l'heure, monsieur le ministre, j'insiste sur le fait qu'on ne saurait accepter que ce progrès pour l'Europe se traduise dans notre pays par un affaiblissement de la souveraineté budgétaire de la Nation et du Parlement. Il est indispensable que nous mettions en place les procédures – actuellement inexistantes – qui permettront d'associer le parlement français et les autres parlements nationaux le plus en amont possible.

Enfin, je relaye les préoccupations d'un certain nombre d'associations et d'ONG, qui auraient souhaité que l'aide publique au développement figure dans la programmation des finances publiques. Des objectifs ont été fixés en 2000 par la communauté internationale, et certains de nos partenaires européens se sont efforcés de sanctuariser ces dépenses dans leurs documents budgétaires. Je regrette que, dans cette loi de programmation, il n'y ait pas un mot sur l'aide publique au développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le budget que nous nous apprêtons à examiner prévoit, en son article 16, l'instauration d'une taxe systémique sur le secteur bancaire français.

Je salue le courage et la lucidité du Président de la République et de vous-même, monsieur le ministre, qui prouvez, une fois de plus, votre détermination à agir pour mettre enfin un terme aux excès du système financier.

Deux semaines seulement après l'adoption du projet de loi sur la régulation bancaire et financière, la création de cette taxe vient renforcer considérablement notre arsenal de protection contre des comportements irresponsables et préjudiciables à l'ensemble de nos concitoyens.

Elle crédibilise également l'action de notre pays au moment où nous nous apprêtons à prendre la présidence du G20 et à faire des propositions majeures en matière de régulation monétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Le Gouvernement a également fait deux annonces majeures dans ce débat, répondant ainsi à des questions en suspens. Il s'agit de l'accroissement de la participation des établissements financiers au fonds de garantie des dépôts afin de financer le relèvement de 70 000 à 100 000 euros du montant garanti pour chaque déposant imposé par la Commission européenne, et de la contribution des banques aux frais de leur propre supervision pour un montant de 125 millions d'euros au total sur trois ans.

Ces deux annonces n'ont pas été appréciées à leur juste mesure. Mais elles s'inscrivent dans un mouvement d'ensemble dont la taxation que nous allons examiner participe à juste titre.

Néanmoins, si notre groupe politique partage l'initiative d'une telle taxation, il défend aussi l'idée de son alignement sur le modèle allemand, à savoir une taxe non déductible de l'impôt sur les sociétés, affectée à un fonds dédié destiné à être utilisé en cas de crise systémique et assise sur le passif des banques, diminué de leurs fonds propres et des dépôts de clientèle.

En effet, au moment où nous engageons avec raison une convergence économique avec nos partenaires d'outre-Rhin, il serait incompréhensible de nous démarquer en adoptant une taxe qui ne correspond en rien à ce qui a été fait en Allemagne. Cet alignement nous semble d'autant plus nécessaire qu'au Nouveau Centre, nous avons toujours défendu l'idée d'une taxation européenne des entreprises de crédit.

Notre groupe a donc déposé toute une série d'amendements en ce sens, qui ne trouvent leur cohérence que s'ils sont considérés globalement. En commission, notre collègue Jérôme Chartier s'interrogeait sur la possibilité de rendre cette taxe non déductible si elle était reversée au budget général. Je lui réponds : c'est précisément parce que nous souhaitons que cette taxe soit affectée à un fonds de secours que nous souhaitons la rendre déductible !

Premièrement, donc, nous souhaitons que cette taxe soit affectée à un fonds dédié, destiné à être utilisé en cas de risque systémique élevé. Il s'agit à la fois de rendre la démarche plus lisible et de responsabiliser les acteurs financiers. Nous en sommes convaincus, l'Etat ne doit pas être leur dernier recours, il ne doit pas servir de caution, d'aléa moral aux errements spéculatifs.

Deuxièmement, nous souhaitons que cette taxe ne soit pas déductible au titre de l'impôt sur les sociétés. L'écart de rendement entre la taxation britannique, soit 2 milliards de livres, la taxation allemande, soit 1,5 milliard d'euros et la taxation française – 500 millions d'euros – justifie à lui seul cet effort supplémentaire que nous exigeons des banques.

Troisièmement, et toujours dans le but d'accroître le rendement de la taxe, nous demandons la suppression de la franchise de 500 millions d'euros de fonds propres pour l'assujettissement à cette taxation. Reprenons, une fois encore, le modèle d'outre-Rhin où l'ensemble des établissements placés sous supervision allemande sont soumis à cette taxe alors qu'elle n'affectera en France, en réalité, que dix-neuf établissements.

Enfin, nous souhaitons une révision de l'assiette afin que cette taxe joue pleinement son rôle : faire contribuer les banques au coût de la crise pour les pouvoirs publics et nos concitoyens et prévenir de nouveaux risques systémiques.

En effet, l'Allemagne comme les États-Unis ont choisi de taxer le recours à l'endettement des institutions financières. Cette assiette correspond à l'ensemble du passif moins les fonds propres et moins les dépôts ; elle couvre ainsi tous les instruments de dette en bilan utilisés comme effet de levier : dettes interbancaires, dettes obligataires émises à court et à long terme, prêts-emprunts de titres.

Nous voyons là toute la différence de philosophie de part et d'autre du Rhin avec, d'un côté, une taxe destinée à rembourser le coût de la crise – c'est la vision allemande, que nous trouvons juste – et de l'autre, une taxe dont l'objectif serait de prévenir les risques à venir sans tenir compte des effets induits par la crise sur l'endettement des ménages, des entreprises et des administrations publiques.

C'est aussi toute la différence qu'il y a entre une taxe qui porte sur le recours à l'endettement des institutions financières et une taxe qui porte sur les actifs pondérés par les risques.

J'ai écouté avec attention, monsieur le ministre, les arguments que vous nous avez présentés pour défendre la spécificité de la taxe systémique française. J'entends bien, en particulier, l'argument selon lequel les places financières de Londres et de Francfort sont bien plus importantes que celle de Paris – ce qu'on peut regretter. Cela joue et jouera dans l'écart de rendement.

J'entends également l'argument selon lequel l'Allemagne a consacré 5 % de son PIB au sauvetage des banques pendant la crise, contre 1,1 % en France, et celui qui consiste à dire que les trois quarts des banques françaises ont remboursé leur créance envers l'État, lequel s'est même enrichi grâce à ces prêts puisqu'il a recouvré 2,4 milliards d'euros.

Néanmoins, le coût de la crise et l'irresponsabilité de certains comportements hautement spéculatifs ont eu une incidence évidente non seulement sur l'endettement de l'État, mais aussi sur celui des ménages et des entreprises. Or, nous l'avons vu au cours de la crise, l'État ne peut plus être jugé au regard de sa seule situation financière. Puisqu'il est l'assureur en dernier ressort de l'ensemble des acteurs économiques, la situation patrimoniale des ménages et des entreprises influence grandement la qualité de sa signature. C'est pourquoi nous devons impérativement réclamer un effort plus important de la part des banques.

En outre, le rapport Lepetit, sur lequel se fonde la spécificité de la taxation française, n'est pas absolument explicite et catégorique quant à l'intérêt d'une assiette ne retenant que les actifs pondérés par les risques. Il avance en effet trois arguments à ce propos.

Premièrement, toutes les institutions financières ne calculent pas d'encours d'actifs pondérés par les risques, si bien que la mise en oeuvre d'une telle taxation à grande échelle est pour le moins incertaine.

Deuxièmement, la complémentarité d'une telle taxe avec la réglementation micro-prudentielle est faible. En effet, la taxe serait assise sur les mêmes mesures de risque que celles de la réglementation micro-prudentielle, dont on a vu qu'elle mesurait imparfaitement le risque systémique. C'est une carence importante qu'il faudra combler.

Enfin, le rapport Lepetit précise que cette assiette favorise les banques de marché par rapport aux banques universelles, compte tenu du fait que la pondération des activités de crédit est relativement plus élevée que celle des activités de marché.

Pour ces raisons, si nous nous réjouissons de la mise en place d'une taxation systémique du secteur bancaire, nous n'en partageons pas pour autant les modalités d'application.

Le groupe Nouveau Centre est très attaché à la convergence des modèles économiques français et allemand, qui donnera lieu à un débat important dans quelques mois. Elle est sans doute de nature à faire accepter l'évolution de notre fiscalité de manière différente. Elle est aussi le préalable indispensable à l'instauration d'une véritable politique macroéconomique européenne, dont nous avons constaté pendant la crise à quel point elle faisait défaut.

C'est pourquoi nous vous proposons, dès ce débat budgétaire, d'oeuvrer en faveur de cette entreprise de convergence en donnant à la taxe sur le secteur bancaire toute l'efficacité et toute l'efficience qu'elle offre outre-Rhin. Ce sera l'objet d'amendements à cette loi de finances et, je l'espère, d'un débat utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, je centrerai mon propos sur une question qui intéresse beaucoup d'élus, le sort réservé aux collectivités locales dans ce budget.

On connaît le contexte économique et budgétaire, ainsi que le dogme qui prévaut et qui consiste à refuser systématiquement d'augmenter les impôts, et donc les recettes, lorsque les difficultés financières et les déficits sont graves. Cela se traduit, je l'ai dit lors des discussions budgétaires des années précédentes, par un parti pris du gouvernement, qui est de diminuer l'action publique, et en particulier l'action publique locale. C'est ce qui se passe de nouveau dans ce budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'aborde d'abord la question du gel de l'enveloppe normée en valeur. Depuis que l'UMP est arrivée au pouvoir en 2002, elle n'a eu de cesse de réduire le rythme d'évolution de l'enveloppe normée. Sous le gouvernement de Lionel Jospin, l'essentiel des dotations était indexé sur la somme de l'inflation et de la moitié de la croissance. Désormais, l'indexation est nulle : la majorité des collectivités verront donc leurs dotations baisser, leurs budgets fragilisés et leurs capacités d'action réduites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Non content de négliger ainsi la contribution à la croissance des collectivités en réduisant à néant l'indexation des dotations, le Gouvernement n'hésite pas à se livrer à des manoeuvres comptables pour en réduire encore davantage le montant.

Ainsi, sortir le FCTVA de l'enveloppe normée permet de réaliser une économie de 200 millions d'euros tout en revenant sur la décision indue de l'année dernière. Si le caractère de remboursement du FCTVA est ainsi confirmé, personne n'est dupe de la manoeuvre.

C'est également le cas s'agissant de la façon dont la neutralisation des effets de la réforme de la taxe professionnelle dans l'enveloppe normée a été réalisée, comme l'a souligné Gilles Carrez dans le tome II de son rapport :

« Le Gouvernement a neutralisé, dans le " paquet global " des mouvements liés à la réforme de la taxe professionnelle, la baisse de 149 millions d'euros de la dotation pour compensation pour pertes de base, alors même que cette baisse correspond à une moindre dépense nette de l'Etat à compter de 2011, y compris à périmètre consolidé. Hors cette neutralisation, qui n'obéit ni à la lettre de la loi de programmation pluriannuelle, ni à un impératif budgétaire lié à la réforme de la taxe professionnelle, le périmètre normé s'élèverait, en valeur 2010, à 50 575 millions d'euros.

« Compte tenu de cette neutralisation injustifiée, il est présenté dans le présent projet de loi de finances pour un montant total de 50 425,718 millions d'euros. […]

« En tout état de cause, le rapporteur général souligne l'importance de la neutralisation de la baisse de la compensation pour pertes de base dans l'établissement du périmètre en valeur 2010. A périmètre constant, 149 des 158 millions d'euros nécessaires pour financer les choix du Gouvernement devraient provenir du redéploiement de cette baisse. Si le périmètre normé était donc réellement gelé en valeur, la baisse des variables s'établirait à – 0,7 % et non à – 11,22 %. »

Le constat est donc bien établi, et ce n'est pas, vous le voyez, mes chers collègues, un délire de Balligand !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La deuxième idée que je souhaite avancer, c'est que ce gel des dotations se cumule avec la réforme de la fiscalité locale.

La suppression de la taxe professionnelle ne s'est pas seulement traduite par une baisse d'impôt indiscriminée et coûteuse pour les finances publiques, alors que, je le rappelle, il existait un consensus parlementaire pour conduire une réforme qui soit au bénéfice de l'industrie et neutre financièrement. Elle a aussi abouti à la réduction très forte de l'autonomie fiscale des collectivités, et même – soyons francs – à l'anéantissement pur et simple de l'autonomie des régions.

La clause de revoyure, dont on nous a rebattu les oreilles au Sénat et dans de nombreuses enceintes, y compris au dernier congrès des maires, et qui avait servi à faire adopter plus facilement le texte l'année dernière, a finalement été réduite à sa plus simple expression et ne devrait donc pas modifier cette situation.

La conséquence est claire : on réduit les dotations tout en empêchant les collectivités qui le souhaitent d'assumer auprès de leurs contribuables une hausse d'impôt pour mener à bien les projets qui sont les leurs et sur lesquels leurs conseils ont été élus, en 2008 ou avant.

Le Gouvernement, en raison notamment de sa paresse à réformer des impôts parmi les plus injustes, en particulier la taxe d'habitation et la taxe foncière, impose ainsi aux collectivités, en violation du principe constitutionnel de libre administration, son propre choix de réduction des impôts et donc de réduction du champ de l'action publique locale.

Cette volonté de réduction de l'action publique locale est également illustrée par le choix du Gouvernement de laisser pourrir la situation financière des départements. On commande un rapport, puis on attend, puis on parle de péréquation alors que ce n'est pas le problème, puis on repousse à la réforme du cinquième risque, ce qui rajoute encore plusieurs mois.

De 2004 à 2009, pour le seul dispositif du RMI-RSA, le coût net des départements est passé de 950 millions à l,4 milliard d'euros, pour un total de près de 7 milliards d'euros : 6,950 milliards précisément.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

N'est-ce pas là une contribution majeure à la réduction du déficit de l'État qui justifierait d'épargner aux départements, dont la situation financière est fragile, l'effort de rigueur que le Gouvernement voudrait leur imposer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Monsieur le ministre, je suis connu, comme co-président de l'Institut de la décentralisation, avec mon collègue Michel Piron, pour rechercher des démarches transpolitiques sur ces questions. Mais, entre nous, la situation des départements français est absolument catastrophique. Et ce ne sont pas les propositions qu'a récemment présentées le Gouvernement, notamment le Premier ministre, de créer une commission,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

…puis de garantir en tout et pour tout des avances remboursables aux départements, qui y changeront quoi que ce soit. On se moque du monde !

Nous le savons bien, les conseils généraux ont à acquitter des dépenses de fonctionnement incompressibles : l'explosion du RMI-RSA, qui tient à la conjoncture socio-économique – cela s'améliorera peut-être mais nous sommes dans le moment le plus dur –, le vieillissement de la population, qui n'est pas quant à lui un phénomène que l'on puisse endiguer, la maladie d'Alzheimer, la loi handicaps – on ne s'est jamais occupé du vieillissement des handicapés –, le SDIS, les collèges… Les départements sont dans une situation catastrophique et je pense, alors que je ne suis pas connu dans mon groupe pour être un départementaliste, que vingt à trente départements seront en cessation de paiements en 2011 ou 2012. Je le dis avec beaucoup de solennité : c'est très injuste et il faut faire très attention, car c'est la seule structure qui assure du lien social dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Les régions, à l'exception de l'Alsace et de La Réunion, sont dirigées par la gauche. Mais la démocratie n'ayant pas vocation, que je sache, à sanctionner le suffrage universel, il n'est pas normal que les régions n'aient plus aucune autonomie fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

On peut croire à l'autonomie financière mais, connaissant la situation des finances de l'État, je pense qu'il n'est pas sain de faire dépendre à ce point les collectivités des dotations qu'il leur verse. C'est moins difficile pour les communes et les intercommunalités, l'arbitrage rendu, s'il n'est pas formidable, n'étant pas le plus mauvais. En revanche, pour les régions, c'est une catastrophe et, pour les départements, les conseils généraux sont en très grande difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Faites très attention, mes chers collègues. On peut se lancer dans des jeux politiciens et vouloir sanctionner les votes du suffrage universel, ce qui est tout de même assez curieux pour des républicains, mais mettre en difficulté les collectivités qui ont assuré la relance – le plan de relance a été pris en charge par elles ! –, ne pas vouloir regarder la réalité de la situation des départements et des régions est profondément injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Monsieur le ministre, votre projet de loi de finances pour 2011 colle à la situation actuelle, qui n'est pas brillante ; il tourne autour du pari sur la croissance, de la diminution du déficit par rapport au PIB, du niveau contrasté des prélèvements obligatoires, du gel des dotations aux collectivités, comme vient de le rappeler M. Balligand, et autour des niches, les célèbres niches, après lesquelles les chiens aboient et la caravane passe.

Au départ, « niches » rime avec « riches ». Si l'on additionne celles de M. Copé : 22 milliards d'euros en trois ans, les exonérations des heures supplémentaires : 4 milliards, la TVA dans la restauration à 5,5 % et le bouclier fiscal à 700 millions d'euros, ce ne sont plus des niches mais des gouffres ! Et en faisant le compte sincère des bénéficiaires, on n'en trouvera pas beaucoup dans les classes dites moyennes.

Un peu plus bas dans les dispositifs que rêvait de raboter la varlope gouvernementale, vous oscillez entre des avantages étroitement ciblés pour les plus riches et des coupes sombres dans les exonérations sociales et fiscales d'intérêt territorial. Pourtant, là, ce ne sont plus des niches mais juste des trous de souris.

Vous avez tout de même choisi de supprimer les exonérations sur les emplois d'aide à la personne en zone de revitalisation rurale, c'est-à-dire en zone défavorisée : d'une part, à l'article 88, en n'accordant plus qu'aux seuls employeurs de moins de dix salariés les exonérations consenties aux opérations d'intérêt général, et cela dès le 1er janvier 2011, c'est-à-dire à la hache ; d'autre part, à l'article 90, avec la remise en cause des avantages partiels de charges sociales aux structures agréées en prestataires de services aux personnes, y compris pour les publics fragilisés, contrairement aux engagements pris.

Concernant l'article 88, l'exposé des motifs du Gouvernement estime que le dispositif de la loi DTR de 2005 était trop largement ouvert, engendrant en 2009 un coût de 219 millions d'euros sans, je cite, « atteindre son objectif initial de soutien aux associations du monde rural ». Je connais le refrain. Ici même, en 2007, M. Woerth l'avait entonné sur le même air : trop cher pour trop peu d'emplois créés. Vu de Bercy, l'argument semble imparable. Sur le terrain dominent les emplois maintenus, et vous allez en payer le prix en impact économique et social.

C'est pareil pour l'article 90. Portant ici le message de ma collègue ariégeoise Frédérique Massat, je tiens à dire que votre division du nombre de millions par le nombre d'emplois créés va se fracasser sur la dure réalité. Sans ces exonérations, les augmentations représenteraient 10 % pour les familles, mais aussi des licenciements pour maîtriser une masse salariale déjà limite. Au final, le gain espéré par vos cotisations sociales collectées serait largement annulé par les pertes d'emplois que ce dispositif entraînerait.

Je sais que des économies s'imposent, qu'il n'est pas facile de faire des choix et que chaque député voit midi à la porte de la niche, mais je déplore que vous vous trompiez à la fois de cible fiscale, de solidarité nationale et de choix de société territoriale. Les habitants des zones défavorisées ne sont pas des « sous-citoyens ». L'aménagement du territoire ne consiste pas à le déménager en faisant le vide. La France que vous nous préparez en 2030, avec 92 % de la population qui vivrait dans trente-cinq métropoles, sera une poudrière.

Monsieur le ministre, un dernier mot sur les résidences de tourisme liées au dispositif Demessine de 1999. J'aimerais également que M. le rapporteur général m'écoute car il est sensibilisé à ce problème, et nous ne sommes pas nombreux à l'être, en commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Après avoir été productif jusqu'en 2007, le dispositif provoque aujourd'hui des faillites économiques, des friches touristiques et des drames humains. Je résume. Des promoteurs montent des opérations immobilières en ZRR, ils vendent des mètres carrés et des parts à des particuliers fort peu lucides sur les taux de rentabilité extravagants qui leur sont présentés, et puis surviennent les catastrophes en cascade. Les programmes ne vont pas à leur terme, les gestionnaires disparaissent, les particuliers sont floués à tous les étages : fortes annuités à rembourser, pas le moindre loyer reçu et Bercy qui, faute de résidences ouvertes à la location, vient leur faire des reprises de TVA et de défiscalisation.

Pour bien comprendre, il faut revenir à la genèse. L'initiative privée, cherchant la valorisation fiscale, est substituée à la puissance publique pour la réalisation d'un pôle d'aménagement du territoire dont celle-ci assurait auparavant la maîtrise. Le dispositif peut se discuter mais il a une vraie légitimité car il apporte lits banalisés et travaux importants à des stations touristiques. Hélas, il est menacé par le dévoiement de certains spéculateurs, vendeurs d'un effet d'aubaine qui n'existe pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Nous devons donc revoir ensemble les règles pour encadrer les opérations des promoteurs et sécuriser les investissements des particuliers. M. Woerth ne m'a pas entendu ; il est vrai qu'il n'entend pas grand-chose. J'espère, monsieur le ministre, que vous serez plus sensible que lui aux drames personnels que j'ai hélas pu côtoyer dans mon rôle d'élu, ainsi qu'à l'avenir des territoires en déclin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, la crédibilité du budget, c'est la lucidité dans l'analyse de la situation et c'est l'efficacité des mesures qui doivent être prises, autour d'une vision de l'avenir de nos finances publiques.

Le budget 2001, c'est un déficit historique diminué, ce qui était indispensable, des dépenses maîtrisées, modérément, et des recettes en progression du fait d'une amélioration de la situation économique et d'une augmentation de l'impôt, résultat d'une analyse utile des niches fiscales principalement.

La programmation pluriannuelle que vous nous proposez, monsieur le ministre, est intéressante. Nous partageons ses objectifs. Je rappelle simplement qu'il sera important, à l'avenir, au-delà du texte pluriannuel, que, loi de finances après loi de finances, l'acte budgétaire proposé au Parlement soit présenté de manière stable et autorisant des comparaisons dans le temps, à la fois dans la technique de présentation budgétaire et dans la communication du Gouvernement aux assemblées.

Je pense qu'il faudrait également trouver avec nos partenaires européens des formes de cohérence et d'homogénéité des présentations budgétaires. Il ne s'agit pas de contraindre l'acte budgétaire à une harmonisation européenne sur le fond ; mais le cadre pourrait permettre de meilleures comparaisons de pays à pays.

De même, après les débats que nous avons connus sur les prévisions économiques, il me semble qu'autant les choix politiques de fond appartiennent naturellement à la souveraineté nationale, autant nous pourrions imaginer que les prévisions économiques fassent l'objet d'une concertation, si ce n'est d'un consensus, à l'échelle communautaire.

Ce débat est aussi l'occasion d'ouvrir, pour les mois à venir, une période d'échanges, de discussions et de projets sur la réforme fiscale. Il est important, monsieur le ministre, de rappeler qu'une réforme fiscale, c'est d'abord des repères, à savoir les principes politiques de l'impôt, le niveau d'imposition que nous trouvons légitime et l'engagement de notre majorité de ne pas augmenter les impôts. Au-delà des variations, éventuellement légitimes, qui peuvent exister d'une année à l'autre, la fidélité à ces repères s'apprécie et se démontre du début à la fin du mandat, et nous devrons, en 2012, être au rendez-vous de cet engagement et de cette exigence politiques.

Pour ce qui est des principes, en particulier ceux portant sur la fiscalité des personnes, il s'agit de l'attachement au foyer et à la politique familiale. L'attachement au foyer ne légitime pas la suppression de la succession des déclarations d'impôt lorsqu'il y a mariage. La décision du Conseil constitutionnel, il y a une dizaine de jours, sur les différents types de liens conjugaux, justifie en revanche que le législateur fasse une différence entre ces liens pour leur appréciation fiscale.

Parmi les repères, il y a aussi le choix que nous avons fait ces dernières années et que nous ne devons pas démentir : alléger la fiscalité des revenus. À cet égard, je n'ai pas soutenu l'amendement de mes collègues qui aurait abouti, dans une logique curieuse, à alourdir la fiscalité des revenus pour alléger la fiscalité du patrimoine.

Une réforme fiscale, disais-je, c'est des repères : il s'agit d'engager une réforme sur le fond, et pour ce qu'elle vaut. Je suis quelque peu surpris que l'on ait critiqué tel ou tel dispositif, y compris le bouclier fiscal, non pas au nom d'arguments de fond, de son absence d'efficacité, mais au nom du sentiment qu'il provoquait. Nous devons être capables d'expliquer les choses à nos concitoyens et de ne pas résumer l'analyse d'un dispositif fiscal à la seule impression qu'il laisse. La fiscalité du patrimoine constitue un sujet de réforme important, mais nous évoquons souvent la base de cette fiscalité, rarement ses taux. Or chacun sait que le rapport entre le taux de l'impôt sur la fortune et les rendements du patrimoine est tout à fait différent de l'époque où cet impôt a été créé. Il est donc important, dans le débat sur la fiscalité, d'avoir en tête la question de l'évolution des taux.

Enfin, il y a la question de la convergence. La convergence fiscale doit être un choix, pas un argument d'autorité, mais pas non plus une facilité. Dans chaque mesure que nous prendrons, il pourra y avoir de la convergence si elle est justifiée. Au moment où s'engage le débat sur la convergence fiscale, je souhaite connaître l'opinion du gouvernement français sur les perspectives d'un impôt européen – on l'entend évoquer de-ci de-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Nous avons besoin d'une gouvernance de la convergence fiscale et nous aurons aussi besoin d'une gouvernance de la convergence économique pour assurer notre compétitivité. Il y a des outils à développer à cet effet. Je pense en particulier, monsieur le ministre, que notre politique de rémunération de la fonction publique peut constituer un outil judicieux pour faire converger nos fiscalités au service du développement économique – c'est là le choix des parlements –, et surtout nos économies. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Michel Vergnier, dernier orateur que nous entendrons ce soir.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergnier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, tout le monde connaît la situation : des déficits creusés et des niches fiscales qui se sont multipliées. Devant l'état des finances publiques après neuf budgets, vous indiquez qu'il est maintenant indispensable de réagir et vous annoncez des mesures de rigueur budgétaire que vous qualifiez de courageuses. Elles sont surtout obligatoires, et vous n'aviez pas d'autre choix que de les prendre. De nombreuses erreurs d'appréciation ont été commises, optimisant régulièrement les prévisions des différents organismes, histoire de gagner un peu de temps, ce qui a conduit à devoir réajuster au fil du temps.

Les recettes attendues n'étant pas au rendez-vous, votre volonté de préserver les plus aisés vous a conduits, pour limiter les dégâts, à jouer sur un seul levier : celui des dépenses. Et là, vous vous en êtes donné à coeur joie, stigmatisant les emplois publics, que vous avez réduits massivement sans vous préoccuper réellement des conséquences pour les territoires.

Je veux bien sûr parler de la RGPP, qui a considérablement régionalisé les décisions. L'efficacité renforcée que vous annoncez n'est pas au rendez-vous ; les principales victimes sont d'abord les élus ruraux, qui n'ont plus l'assistance qu'ils recevaient auparavant de l'État et qui se sentent abandonnés. Cet acte III de la décentralisation est avant tout un acte de recentralisation, et votre réforme des collectivités – que vous n'arrivez pas à achever d'ailleurs – en constitue une preuve supplémentaire. Vous transférez sur d'autres des charges qui vous incombaient et, mesures après mesures, vous transférez des charges, mais vous ne compensez pas. Un seul exemple : les passeports ; les préfectures ne les font plus et ils sont maintenant à la charge des mairies.

Des dépenses en plus pour les uns, des dépenses en moins pour les autres puisque, les supprimant, vous supprimez également des emplois. Mais il faut que vous sachiez que les réductions que vous imposez n'ont pas seulement un impact sur la qualité du service, elles en ont un aussi sur les personnels restants qui avouent ne plus pouvoir assumer leurs missions et qui se trouvent ainsi démobilisés. Les nouvelles technologies ne peuvent pas tout résoudre. Vous avez atteint un point critique au-delà duquel il n'est pas possible d'aller.

Des économies, vous en faites également en baissant les dotations aux collectivités. C'est un mauvais calcul, tout le monde l'a dit : moins d'investissement public, c'est moins de travail pour les entreprises. Monsieur le ministre, vous êtes maire : vous devez recevoir des chefs d'entreprise qui viennent vous demander de maintenir les investissements à un niveau convenable, faute de quoi ils vont devoir licencier. En tout cas, c'est ce qu'ils me disent. Il ne s'agit pas uniquement de collectivités de gauche, toutes sont concernées – je préside la commission des territoires ruraux au sein de l'Association des maires de France, et je peux vous assurer qu'il n'y a pas de différence entre nous.

Voilà donc ce que vous appelez un budget vertueux : vertueux avec l'argent des autres ! Vous allez en effet économiser à peu près un milliard d'euros sur le dos des collectivités.

Dans le même temps, vous nous demandez plus avec moins d'argent. J'attire votre attention sur un point qui ne relève pas du législatif mais du réglementaire : évitez de dépenser pour nous en imposant des normes d'accessibilité dans des délais intenables. Vous nous contraignez à faire des dépenses que nous n'arriverons pas à assumer. Un peu plus de souplesse serait bienvenue. On nous annonce que l'on pourrait geler quelque peu le processus. Ce serait un minimum. Exiger par exemple des hôtels-restaurants de nos campagnes des normes d'accessibilité impossibles à atteindre pour eux va les conduire à fermer leurs portes.

Le Gouvernement a supprimé la taxe professionnelle. Nous en étions d'accord. Il l'a fait à grand renfort de déclarations médiatiques ; c'est normal politiquement, mais il y a un problème : la clause de revoyure est toujours une clause de revoyure. Je ne sais pas quand on se reverra, mais si nous n'avons pas trop d'inquiétude pour 2011 en ce qui concerne les communes et les communautés de communes, c'est la plus grande inconnue pour 2012. On parle de péréquation, mais il faudra qu'elle soit vraiment au rendez-vous car tout le monde n'est pas égal : il y a ceux qui sont plus égaux que d'autres, et ceux qui souffrent plus que les autres. C'est pourquoi il faut regarder les territoires ruraux. Je vous remercie par avance de les prendre en compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Cinq votes solennels portant sur le projet de loi relatif à la gestion de la dette sociale, la proposition de loi constitutionnelle et la proposition de loi organique pour une République décente, la proposition de loi renforçant la transparence financière dans la vie politique, la proposition de loi organique relative au cumul des mandats ;

Suite de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 et du projet de loi de finances pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 19 octobre 2010, à zéro heure dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma