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Intervention de Alain Claeys

Réunion du 18 octobre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Claeys :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la recherche-développement ainsi que l'innovation constituent les éléments essentiels de la croissance et de la compétitivité dans les économies dites de la connaissance.

Le volume des activités de recherche-développement engagées en France apparaît à cet égard insuffisant. En effet, avec 2,1 % de son PIB consacré à la recherche-développement en 2006, la France se situe dans une position intermédiaire, certes au-dessus de la moyenne européenne, mais très en-deçà de l'Allemagne, des pays scandinaves, des États-Unis et du Japon.

Pour inciter les entreprises à développer leurs activités de recherche et développement, la France a instauré des aides indirectes par des dispositifs d'allégements fiscaux. Le crédit d'impôt-recherche en constitue la mesure phare. De 1983 à 2008, le crédit d'impôt-recherche a connu de nombreuses modifications. La dernière, en 2008, en a introduit quatre essentielles : sa simplification tout d'abord, par l'abandon de la déduction fiscale appliquée à la part en accroissement des dépenses de recherche et développement ; l'élargissement de son assiette, en rendant éligible la somme totale des dépenses de recherche et développement engagées par l'entreprise ; son renforcement par le relèvement du taux du crédit d'impôt applicable de 10 à 30 % ; enfin, sa sécurisation pour les entreprises par l'extension du rescrit et l'assouplissement des conditions du contrôle sur demande.

Si nous devions faire rapidement le bilan de cette réforme de 2008, nous constaterions qu'elle a quatre effets essentiels.

D'abord le coût du crédit d'impôt-recherche a connu une forte augmentation. D'un montant de 457 millions en 2000, il était de 700 millions en 2005 et de 1,5 milliard en 2008. Le remboursement anticipé et accéléré des créances a considérablement accru le coût du dispositif, qui a atteint 5,8 milliards en 2009 et 4,2 milliards en 2010.

Deuxième effet, la réforme de 2008 a conduit à un accroissement des bénéficiaires : plus 34 %, ceux-ci étant en 2009 de 14 000.

Troisième effet, les PME profitent majoritairement du crédit d'impôt-recherche. Elles représentent 83 % du total des entreprises bénéficiaires en 2008 contre 69 % en 2007. Cependant, l'analyse de la répartition du crédit d'impôt- recherche par tranche d'effectif est essentielle pour mesurer le soutien réel apporté par le dispositif fiscal aux entreprises. Or on constate que la part des entreprises dont l'effectif n'est pas renseigné représente, en 2008, 11 % du nombre total des entreprises et 14 % de l'enveloppe du crédit d'impôt. Le nombre d'entreprises bénéficiaires fiscalement intégrées de moins de dix salariés est passé de 188 à 814 entre 2007 et 2008. La progression très importante du nombre total de groupes d'entreprises fiscalement intégrées – plus 250 % entre 2007 et 2008 – pourrait confirmer la mise en oeuvre d'une stratégie d'optimisation fiscale.

Enfin, comme l'indique le Conseil des prélèvements obligatoires, du fait de la réforme, les grandes entreprises bénéficient d'une part plus importante de crédit d'impôt-recherche en 2008 qu'en 2007. Cette évolution tient au fait qu'est pris en compte le seul volume des dépenses pour le calcul du montant. Pour ces raisons, monsieur le ministre, je fais partie de ceux qui estiment que le crédit d'impôt-recherche a entraîné des effets d'aubaine. Le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle en fait d'ailleurs une analyse très précise. C'est pourquoi je pense que certaines améliorations sont possibles pour mieux cibler la dépense fiscale. Ces améliorations permettraient d'abord de limiter l'évolution prévisible du coût du crédit d'impôt-recherche à l'horizon 2012 ou 2013. Dans le contexte budgétaire actuel, il serait incompréhensible pour nos concitoyens, à qui l'on demande par ailleurs tant d'efforts pour participer au redressement des finances publiques, qu'une telle politique de ciblage ne soit pas entreprise. Ce ciblage du dispositif permettrait en outre de clarifier l'objet de la dépense de recherche et développement dans l'entreprise. Cet objet n'est pas de réduire les impôts acquittés par l'entreprise, mais bien de préparer la croissance à venir.

Est-il incohérent de préconiser à la fois d'inscrire le dispositif du crédit d'impôt-recherche dans la durée et de proposer des ajustements deux ans après une réforme de grande ampleur ? Je ne le pense évidemment pas. Lorsqu'un dispositif fiscal n'est pas totalement ajusté, il est tout à fait normal de le préciser rapidement et nos concitoyens le comprennent parfaitement. Je relève que lorsqu'une disposition fiscale fait l'objet d'une optimisation par les contribuables particuliers, le Gouvernement n'a, en règle générale, aucun mal à accepter le principe d'un meilleur ciblage.

Dans le présent projet de loi, de nombreux articles procèdent de cette logique à destination des particuliers. Il semble donc juste et équitable que la logique soit la même pour les entreprises. Plusieurs avancées devraient exister.

Tout d'abord, clarifier la délimitation entre dépenses éligibles et dépenses non éligibles, améliorer les contrôles a priori et a posteriori du crédit d'impôt-recherche.

D'autre part, plusieurs amendements adoptés en commission des finances seront présentés, sans remettre aucunement en cause l'architecture générale du crédit d'impôt-recherche. Le premier amendement a pour objet de supprimer les majorations de taux applicables au titre des deux premières années. Il nous est en effet apparu clairement que certaines entreprises créent des filiales nouvelles pour bénéficier de ce taux majoré, ce qui est évidemment contraire à la philosophie du dispositif.

Ce premier amendement conduit par ailleurs à fixer le forfait des dépenses de fonctionnement prises en compte au titre du crédit d'impôt-recherche à 50 % des dépenses de personnel, le taux actuel de 75 % étant certainement excessif au regard de la réalité.

Je précise que les dépenses de personnel au titre des jeunes chercheurs sont prises en compte pour le double de leur montant, ce qui devrait éviter de peser sur le recrutement.

Enfin, ce premier amendement impose la réalisation par l'entreprise elle-même d'au moins la moitié des dépenses de recherche déclarées pour éviter la création par des entreprises, notamment étrangères, de filiales boîtes aux lettres…

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