Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 18 octobre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Moscovici :

Monsieur le ministre, si vous avez des projets complémentaires d'ajustement budgétaire – cela se dit, on prête même des intentions en ce domaine au Président de la République en personne –, n'hésitez surtout pas à les évoquer devant l'Assemblée nationale au moment du vote du budget de la nation, plutôt qu'au micro des radios en parlant d'un projet de Grenelle de la fiscalité dont la date n'est pas encore fixée. En fait, nous votons aujourd'hui une loi de finances dont nous savons qu'elle ne s'appliquera pas !

Si vous avez des doutes, des réflexions ou même des remords quant à la politique fiscale et budgétaire du gouvernement auquel vous appartenez, de grâce, n'ayez pas peur de vous en ouvrir aux membres de cette assemblée, car nous sommes prêts à les entendre et à vous pardonner.

Prouvez-nous, en tout cas, que vous mesurez la gravité de la situation économique que traverse notre pays, et la nécessité de continuer à soutenir fortement la croissance. Prouvez-nous que vous mesurez tout ce que l'ampleur de la crise économique implique de changer dans votre politique.

Quelle est la vision économique qui anime au fond le Gouvernement, et quelle est votre stratégie ? Sur les bancs de la gauche, nous sommes un certain nombre à nous interroger, et le mot est faible, sur la cohérence d'une trajectoire qui a conduit le Gouvernement à adopter, en 2007, une politique fiscale un peu à la George Bush, fondée sur la distribution de cadeaux fiscaux aux plus riches, puis à s'engager, en 2008, dans un tournant prétendument volontariste et néo-keynésien, pour finir, après avoir creusé les déficits et la dette comme aucun autre gouvernement n'a jamais réussi à le faire en temps de paix dans l'histoire de France, par venir, aujourd'hui, nous parler de rigueur budgétaire, de maîtrise de la dette et bientôt, on s'y attend, de réforme constitutionnelle pour un encadrement des déficits. Tout cela n'a ni queue ni tête, ou, plutôt, cela constitue une série de tête-à-queue qui vous tient lieu de politique depuis 2007.

Le discours de rigueur que vous tenez aujourd'hui et votre volonté de supprimer le plan de relance donnent l'impression d'une sorte de politique accélérée de stop and go, telle qu'on en pratiquait en Europe dans les années 60. Qu'en est-il, dans ces conditions, de la nécessaire stabilité législative si chère aux investisseurs et aux entrepreneurs ? Quelle utilité pour les investissements dits «d'avenir » du plan de relance si on les interrompt aussi brutalement ?

En fait, monsieur le ministre, vous misez au moins la moitié de vos chances sur le retour de la croissance pour assurer la stabilité des recettes fiscales. Mais expliquez-nous pourquoi vos prévisions de croissance n'intègrent pas les effets récessifs de votre toute nouvelle rigueur budgétaire ? Expliquez-nous pourquoi ces prévisions de croissance ne tiennent aucun compte des restrictions budgétaires que vous imposez aux collectivités locales, alors même qu'elles assurent trois-quarts de l'investissement public en France et qu'elles font fonctionner l'essentiel des services publics de proximité.

L'ensemble de la sphère locale est aujourd'hui contrainte d'opérer des choix drastiques dans les budgets locaux à cause de la suppression de la taxe professionnelle et du gel des dotations de l'État – et je ne parle pas des dispositions fiscales dont on nous annonce tous les jours qu'elles vont frapper davantage encore les collectivités. Jusqu'où irez-vous dans la fragilisation de leur action pourtant indispensable au soutien de l'économie française ?

Rassurez-vous : je ne vous accuse pas de dissimuler les chiffres, ni de construire ce qu'Edgar Faure, qui avait un grand sens de la formule, appelait un « budget Potemkine ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion