Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 3 mai 2010 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (n°s 2452, 2460).

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour dix minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vous remercie, monsieur le président, même si j'apprécie toujours modérément que l'on rationne mon temps de parole !

Nous sommes aujourd'hui appelés à examiner le projet de loi de finances rectificative qui fait suite à la décision du Gouvernement d'apporter à la Grèce une « aide » financière – je le disais tout à l'heure, les guillemets sont de rigueur.

Face à cette situation, je dois confesser un certain trouble, voire un trouble certain : soit le Gouvernement est réellement convaincu que ce prêt constitue une aide salutaire pour la Grèce, soit il pousse l'ironie très loin. En effet, comment considérer sérieusement un prêt à 5 % à un pays comme une aide, alors que les vautours de la finance obscurcissent le ciel d'Athènes et s'apprêtent à fondre sur la Grèce – n'est-ce pas, madame la ministre ?

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

C'est mieux que les oies du Capitole ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il s'agit d'un autre débat, qui nous entraînerait sur un autre terrain ! (Rires.)

Madame la ministre, la semaine dernière, vous avez déclaré avec une certaine satisfaction que ce prêt serait l'occasion pour la France de gagner de l'argent. Certes, je comprends que vous vous réjouissiez de réunir quelques euros supplémentaires pour boucher une partie des nombreux trous du budget de la nation française. Mais il n'est tout de même pas convenable de prêter à 5 % de l'argent emprunté à 2 % environ ; d'autres l'ont dit tout à l'heure. La situation précaire des finances grecques était déjà suffisamment exploitée par les établissements financiers pour ne pas l'être maintenant par les États membres de l'Union.

Cependant, avant d'approfondir davantage les raisons qui nous poussent à rejeter ce projet de loi de finances rectificative, je voudrais rappeler ce que la civilisation européenne doit à la Grèce, à cette Grèce aujourd'hui décriée, taxée de corruption, de laxisme et de paresse. J'entends déjà les députés de la majorité – si d'autres que MM. Lequiller, Perruchot et Carré étaient présents – me reprocher avec indignation d'être hors sujet. Mais il faut traiter les peuples, quels qu'ils soient, avec respect ; or le respect repose sur la connaissance et la reconnaissance de leur histoire et de ce qu'ils ont apporté aux autres peuples.

Remémorez-vous donc ce que le peuple grec nous a montré et apporté au cours des siècles. Socrate n'est-il pas le père de toute la philosophie, lui qui a posé les fondements de la recherche de la vérité et de la sagesse ? Hérodote et Thucydide ne furent-ils pas les premiers à raconter le monde en chroniques, fondant l'histoire comme narration des événements et des processus, dépassant ainsi la seule transmission des mythes ? On pourrait également citer Thalès de Millet, considéré comme le père de la science parce qu'il a attribué aux phénomènes des causes naturelles et non surnaturelles. Cet héritage si précieux est celui d'une quête inextinguible de progrès. Je me dois d'évoquer en outre la tragédie grecque, cette formidable sublimation des passions et des interrogations humaines.

Ce foisonnement du savoir est largement dû au développement, dans la Grèce antique, d'un mode de pensée original qui, pour la première fois dans l'histoire occidentale, a placé l'homme au centre des préoccupations. Vous voyez que je reviens à mon sujet : dans l'affaire grecque qui nous occupe aujourd'hui, ce n'est pas l'homme – grec ou d'ailleurs – qui est au centre, mais les revenus des banquiers ! Nous y reviendrons au cours de la discussion.

Cette place centrale accordée à l'homme a logiquement amené l'élaboration d'un système politique auquel nous devons notre présence dans cet hémicycle : la démocratie. En posant les fondements de ce régime politique, le peuple grec a nourri une ambition qui s'étend à toute l'humanité. À travers les aléas de l'histoire, de la guerre d'indépendance contre l'Empire ottoman, en 1821, à l'héroïque résistance contre les troupes de l'Axe tout au long de la Deuxième Guerre mondiale, ce peuple est resté farouchement attaché à sa liberté et aux principes de ses antiques ancêtres, pour lesquels l'harmonie ne pouvait être obtenue que par le gouvernement du peuple pour le peuple.

Hélas, cette exemplarité a rencontré notre ingratitude. Ainsi, pendant la dictature des colonels, de 1967 à 1973, la France comme l'Allemagne fédérale avaient choisi de maintenir leurs relations diplomatiques avec le régime fasciste au pouvoir à Athènes ; pire, ils lui vendirent des armes. Oui, chers collègues : il y a quarante ans, le gouvernement français soutenait une junte meurtrière qui avait abrogé la Constitution et toutes les libertés publiques ; et, aujourd'hui, nous nous vantons de réaliser un profit sur le dos d'un État et d'une population déjà bien malmenés.

En fait de solidarité européenne, on a vu mieux ! Est-ce donc là votre vision de l'Union ? Est-ce le message que vous voulez adresser à la jeune génération grecque, dite des « sept cents euros » ? Cet épisode nous éloigne encore davantage d'une Europe politique, instrument de progrès et de protection des peuples.

Par le plan que vous développez, vous allez monter la population grecque contre l'Europe. Vous l'humiliez ! Vous persistez à vouloir construire une civilisation au rabais, empreinte d'égoïsme et marquée par la seule recherche du profit à court terme, un modèle de société au service des intérêts privés et des banques, négligeant l'émancipation humaine et le droit de chacun à l'épanouissement.

Pourtant, une autre politique est possible, et je voudrais, madame la ministre, monsieur le ministre, vous suggérer quelques pistes.

Tout d'abord, il faut associer financièrement les banques au redressement des finances grecques. Il faut taxer les bénéfices, créer enfin la taxe Tobin – dont j'ai cru comprendre, madame Lagarde, que, après quelques hésitations, vous étiez devenue une apôtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Oui : c'est moi qui l'avais fait voter, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il faut donc la doter d'un taux un peu plus rémunérateur pour ceux qui l'encaissent. (Sourires.)

En effet, monsieur Emmanuelli, je me rappelle cette nuit mémorable, à l'époque où, je crois, Dominique Strauss-Kahn était ministre. On connaît votre pouvoir de conviction…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est toujours par ses camarades de parti qu'on est trahi – n'est-ce pas, monsieur Emmanuelli ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

On ne peut pas dire que nous ayons été suivis par les autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous devriez aussi réfléchir à l'interdiction des produits dérivés de type credit default swaps. Il faut enfin créer une agence de notation publique et imposer aux banquiers la restructuration de la dette grecque.

Demain, madame la ministre, monsieur le ministre, il faudra accepter, qu'on le veuille ou non, de renégocier les traités européens dans un sens favorable aux peuples en luttant contre le dumping fiscal et salarial. Car c'est déjà, concrètement, de cela qu'il s'agit.

Il faudra enfin restituer aux gouvernements la possibilité de s'affranchir de la tutelle des marchés financiers en créant une sorte de Fonds monétaire européen sous contrôle politique et en négociant directement avec les États dont les fonds souverains permettent de mettre les banquiers hors d'état de nuire.

À ce propos, plusieurs de mes amendements ont été retoqués sans que je sache sur quel article se fondait ce rejet – vous n'y êtes pour rien, madame la ministre. Il s'agissait de demander au Gouvernement des rapports sur l'instauration de cette sorte d'homologue européen du FMI, sur la création d'une agence de notation publique et sur l'établissement de relations avec des États extérieurs à la zone euro qui disposent de fonds souverains.

Sur ce dernier point, l'idée est simple : avec un État, on peut toujours négocier. Or je pense que de grands pays comme la République populaire de Chine ou les Émirats arabes unis sont également intéressés à la stabilité des relations entre États et ne le sont pas plus que cela aux mouvements erratiques sur les marchés financiers.

Madame la ministre, vous étiez à Pékin avec le président Sarkozy ; très franchement, puisque aucun grand contrat n'était à l'ordre du jour, on se demande ce que vous y avez fait, à part aller visiter l'armée enterrée et assister au spectacle d'inauguration de l'exposition universelle de Shangai. Le moment n'aurait-il pas été bien choisi pour discuter par exemple avec M. Jintao d'un prêt d'une cinquantaine de milliards d'euros à l'Union européenne, pour une dizaine d'années, sans passer par les banques ? La Chine agit ainsi depuis longtemps avec certains pays. Pourquoi ne pas imaginer un accord politique visant à stabiliser les relations économiques internationales ?

Je le répète, j'ignore pourquoi mes amendements ont été refusés ; mais ces sujets, madame la ministre, méritent d'être discutés. Je souhaite donc que vous les évoquiez dans vos réponses, afin d'offrir le cas échéant de nouvelles perspectives.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Monsieur Brard, vous savez comme moi que vous avez déjà légèrement dépassé votre temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Absorbé par mon propos, je n'avais pas vu l'heure. Je vais donc m'acheminer vers ma conclusion, monsieur le président.

Madame la ministre, monsieur le ministre, bien d'autres mesures sont envisageables. À cet égard, le Président de la République ferait bien de mieux s'inspirer de son modèle, Napoléon Bonaparte, qui avait bien vu ce que le pouvoir des banques enlève à celui des peuples.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Une fois n'est pas coutume, je vais donc vous citer Napoléon Bonaparte : « Lorsqu'un gouvernement est dépendant des banquiers pour l'argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement, qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. L'argent n'a pas de patrie ; les financiers n'ont pas de patriotisme et n'ont pas de décence ; leur unique objectif est le gain. »

Même si le Président de la République ne lit pas beaucoup, je vous propose, madame la ministre, monsieur le ministre, de soumettre cette citation à sa réflexion. (Sourires.)

De grâce, mes chers collègues, ne souillez pas l'idée européenne en présentant votre projet de loi comme inspiré des valeurs de fraternité et de solidarité, alors qu'il n'a qu'un objet : nourrir la cupidité des spéculateurs en conduisant à la ruine le peuple grec.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est une situation d'urgence qui nous conduit aujourd'hui à examiner ce second projet de loi de finances rectificative au titre de l'année 2010. En effet, au-delà de ses problèmes structurels en matière de finances publiques, l'État grec rencontre, depuis quelques mois maintenant, de graves difficultés de financement. Bien évidemment, la crise économique et financière apparue après la faillite de la banque Lehman Brothers le 15 septembre 2008 est en grande partie responsable de ce désastre économique. En effet, depuis cette date, les conditions relatives de financement des pays d'Europe du Sud, en particulier la Grèce et l'Italie, se sont fortement dégradées en lien avec la révision à la baisse des notes de crédit à long terme de certains pays. Nous nous trouvons en conséquence aujourd'hui dans une situation absolument aberrante et paradoxale : les établissements de crédit que la majeure partie de nos partenaires européens et nous-mêmes avons sauvés, il y a deux ans maintenant, se retournent actuellement contre ces mêmes États en spéculant contre eux.

Cette crise est donc aussi une crise de la spéculation à tout va et elle suffit à démontrer qu'aux yeux des marchés les États sont des acteurs comme les autres et qu'ils sont des biens périssables et parfois vulnérables. Elle renforce donc d'autant la nécessité d'une régulation sans délai du système économique et financier international, régulation pour laquelle la France fait figure d'avant-garde grâce, notamment, aux efforts que le Président de la République et vous-même, madame la ministre, avez déployés ces deux dernières années. Nous sommes, c'est vrai, quelque peu inquiets après que les représentants américains ont décidé, voici quelques jours, de repousser un texte qui aurait justement permis une meilleure régulation aux États-Unis, et ce d'autant plus que nous savons le poids des Américains en matière de régulation financière. Mais nous ne désespérons pas et croyons beaucoup en votre capacité de parvenir à les convaincre !

Au Nouveau Centre, nous attendons d'ailleurs beaucoup du débat qui va bientôt se dérouler dans cet hémicycle concernant le projet de loi sur la régulation bancaire et financière…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

… et qui est une transcription nationale des décisions prises lors des derniers sommets du G20.

Je l'ai dit : la crise est en partie responsable de la situation grecque, mais pas seulement. A dire vrai, si la situation de la Grèce nous oblige aujourd'hui à prendre toutes les dispositions nécessaires au plan national pour être en mesure de lui fournir, dans les plus brefs délais, un secours financier, c'est aussi parce que la situation de ses comptes publics est très largement dégradée. La révision du déficit grec de 6 à 12 % liée à une « erreur de prévision » en novembre 2009 est d'ailleurs le premier élément qui a déclenché la suspicion des marchés à l'encontre d'un défaut de paiement éventuel de la Grèce. Aujourd'hui, l'Office européen des statistiques nous apprend même que le déficit public grec serait estimé à 13,6 % et que ce chiffre pourrait encore être revu à la hausse, de l'ordre de 0,3 à 0,5 point de PIB d'ici à l'été.

Mes chers collègues, ces propos liminaires m'amènent à faire trois remarques : l'une relative au devoir de solidarité européenne ; l'autre concernant les deux conditions indispensables au décaissement de ces crédits – la mise en place d'un plan de redressement drastique des finances grecques, d'une part, et le suivi parlementaire de ces fonds, d'autre part – la dernière se référant enfin au risque de contagion que fait peser le spectre de la faillite grecque sur l'ensemble de la zone euro.

Premièrement, l'adoption de ces mesures d'urgence est évidemment indispensable afin que le dispositif d'aide puisse être activé au plus vite, et ce d'autant plus que le gouvernement grec vient d'en faire la demande. En effet, au-delà de la cohésion de la zone euro et de la stabilité de la monnaie unique, c'est le principe même de la solidarité européenne qui est ici en jeu. Fidèle en cela à l'héritage de la famille centriste, ce principe représente pour le groupe Nouveau Centre une exigence absolue. Aussi, nous ne pouvons que nous réjouir de voir notre Parlement saisi de cette question si fondamentale. Cela répond à une exigence forte en matière de transparence, dont je ne peux, madame la ministre, que saluer l'initiative. En effet, si certains de nos partenaires n'ont pas besoin, à court terme, d'autorisation parlementaire, comme c'est le cas en Italie, d'autres pays ont déjà pris des dispositions qui leur permettent d'intervenir dans le droit national, comme l'Autriche, par exemple. D'autres encore – la Belgique ou les Pays-Bas, entre autres – sont dans la phase de rédaction d'un projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous considérons que cette discussion ne doit en aucun cas être polluée par d'autres débats, strictement nationaux et hors de propos avec la question ici évoquée, et ce d'autant plus que le présent collectif n'inclut aucune autre disposition. Nous aurons l'occasion d'y revenir très prochainement, ne serait-ce que lors de la discussion en séance publique de la proposition de loi socialiste visant à abroger le bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Cette semaine est effectivement assez chargée.

Vous remarquerez, d'ailleurs, mes chers collègues, que nous n'avons déposé aucun amendement se référant à des débats nationaux au présent projet de loi. Nous espérons ainsi que l'esprit de responsabilité saura l'emporter chez la majeure partie d'entre nous, comme cela a été le cas à l'automne 2008, lors de la loi de finances rectificative relative au financement de l'économie. C'est aussi la raison pour laquelle nous espérons un vote unanime de notre assemblée sur ce texte. Quand la solidarité européenne elle-même est en jeu et quand des principes aussi fondamentaux que la stabilité et la cohésion de la zone euro sont menacés, les clivages politiques ne tiennent plus. Pire encore, ils semblent totalement dérisoires et tout à fait hors de propos. C'est un signal fort que nous devons en effet adresser à nos partenaires européens : celui d'une France unie dans l'adversité, unie contre la spéculation sans limites. J'en profite ici pour redire que les ouvertures de crédits prévues dans le présent projet de loi n'auront aucun effet sur la charge de la dette de notre pays et qu'elles ne supposent pas de modifier le programme d'émission de la dette française. Surtout, elles n'auront d'impact que sur notre déficit budgétaire, même si ce n'est pas une dépense définitive, mais non sur notre déficit public, puisqu'il s'agit d'une opération financière et non d'une dépense définitive pour le budget de l'État.

J'aimerais faire une deuxième remarque ce soir : l'aide que nous allons apporter à la Grèce ne doit en aucun être un « chèque en blanc » offert sans conditions aux autorités de l'État hellénique. Comme vous le savez, en temps de crise, les finances publiques sont soumises à des injonctions paradoxales : si la plupart des gouvernements sont acquis aux principes de la relance budgétaire, l'impact de ces mesures sur l'endettement public est impressionnant, alors que les économies avancées vont connaître le choc du vieillissement démographique. Selon les projections du FMI, la dette publique pourrait dépasser 100 % du PIB en 2014 aux États-Unis et atteindre 234 % du PIB au Japon. Le chiffre est de 90 % en France, soit une hausse de près de trente points de PIB par rapport à 2006. Néanmoins – et c'est d'ailleurs l'un des enseignements de cette crise profonde que traverse actuellement l'Eurogroupe – les pays qui étaient marqués, avant la crise, par une situation fragile de leurs comptes publics sont aujourd'hui les plus durement affectés par l'éventualité d'un défaut de paiement, et ce dans un contexte d'aversion accrue au risque sur les marchés financiers. Comme je viens de le souligner, la Grèce est aussi menacée en raison même de la situation de ses finances publiques, situation bien antérieure à la crise, d'ailleurs, la dette grecque et les déficits publics de l'État hellénique n'ayant fait qu'ajouter de l'incertitude à l'incertitude actuelle.

C'est la raison pour laquelle nous souhaitons impérativement que le soutien financier que nous apportons aujourd'hui à la Grèce ne puisse se faire sans de véritables engagements drastiques de réduction de ses déficits publics. Sur ce point, nous rejoignons sans complexes nos collègues allemands – et nous comprenons aisément leurs réserves, leur pays étant le plus gros contributeur de la zone euro – à financer un État qui a délaissé de longue date la question du retour à l'équilibre budgétaire et dont on peut également douter de la transparence budgétaire.

Tout cela, bien sûr, implique également un renforcement du contrôle budgétaire que nous, parlementaires, serons en mesure et en droit d'effectuer au regard de l'évolution du plan de redressement des finances publiques grecques dans les trois prochaines années.

Dernière remarque : le cas grec n'est pas un cas isolé et il résonne comme un véritable signal d'avertissement pour les vingt-sept, à commencer par notre propre pays. Permettez-moi d'insister sur ce point : ce que nous montre cette crise, c'est que la « soutenabilité » de nos finances publiques n'est pas une question périphérique que l'on peut ajourner à l'infini ou que l'on pourra résoudre une fois le retour à la croissance acquis. C'est prendre l'effet pour la cause. En fait, le cas grec a cela de didactique – je dirai presque d'intéressant – qu'il permet de replacer la question de l'équilibre de nos finances publiques au coeur même de nos priorités en rappelant trois paramètres essentiels. Premièrement, le risque de contagion à d'autres pays membres de la zone euro est aujourd'hui avéré. Cette menace concerne, comme vous le savez, ces pays que l'on nomme trop dédaigneusement les « PIGS », à savoir le Portugal, l'Irlande, l'Espagne et la Grèce, dont les taux à court et moyen terme se sont amplement tendus ces derniers jours. Derrière ce vilain mot de « PIGS » se cachent des situations qui, on l'a malheureusement constaté, peuvent être parfois assez dramatiques.

J'aimerais à ce propos vous interroger, madame la ministre, sur les moyens que la France et le G20 comptent mettre en oeuvre pour freiner cette dérive spéculative et éviter la faillite pure et simple de la monnaie unique. Si nous pouvons peut-être nous rassurer et nous réjouir, ce soir, sur l'évolution de cette situation, il serait utile et fondamental que, lors des prochaines réunions du G20, ces dérives spéculatives, ces faillites pures et simples de nos monnaies, puissent être évoquées. J'ajoute que le groupe Nouveau Centre souhaite également obtenir dans les plus brefs délais une évaluation précise de ces risques pour les trois pays que je viens de citer. Si nous sommes en effet réunis ce soir pour évoquer la Grèce, c'est aussi pour ne pas être contraints de nous réunir dans quelques mois pour parler des autres pays à risques : le Portugal, l'Irlande ou l'Espagne, que je viens de citer. Nous avons donc besoin d'être quelque peu rassurés quant à leur situation. Je suis certain que vous ne manquerez pas de nous apporter en la matière, madame et monsieur les ministres, un certain nombre d'éléments.

L'exemple grec prouve combien la solvabilité de la dette dépend à la fois du niveau de la dette et du taux d'emprunt.

En effet, le Japon, avec une dette de 200 % du PIB, mais un taux de 1,5 %, aura le même niveau de charges d'intérêt que la France avec 80 % de dette. C'est la raison pour laquelle nous ne devons pas considérer le fait que nous empruntons aujourd'hui à des taux préférentiels comme définitivement acquis. Faut-il encore le redire : notre signature « AAA » n'est pas une donnée inamovible, c'est un construit économique et financier en lien direct avec la situation de nos finances publiques. Il nous appartient de préserver ce gage de sérieux en adressant des signaux clairs aux marchés financiers relatifs à la maîtrise de nos comptes publics. Pour cela – et vous le savez depuis longtemps maintenant –, le groupe Nouveau Centre a fait une proposition très simple : l'adoption d'une règle d'or, d'une loi organique qui interdirait le vote en déficit des lois de finances de l'État et de la sécurité sociale, avec quelques exceptions. Cette règle ne serait pas brutale et n'entraverait pas la relance actuelle : le retour à l'équilibre serait graduel et ne s'appliquerait qu'à partir de 2018 ou 2020. Nous emprunterions là un chemin beaucoup plus vertueux que celui sur lequel nous sommes aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre et moi-même n'adoptons pas aujourd'hui un discours de circonstance. Nous l'avons dit et nous continuerons à le dire : la France ne peut vivre indéfiniment à crédit.

Enfin, la dette et les déficits publics posent une question plus large, celle de l'équité entre les générations. Cette question a été particulièrement prégnante en Grèce où de nombreux citoyens – en particulier dans la fonction publique – ont manifesté l'injustice qu'ils vivaient de devoir porter le poids d'une dette dont leur génération n'a pas directement bénéficié. Il s'agit ici non plus de la question de la solvabilité de la dette, mais de sa soutenabilité elle-même. Celle-ci dépend de l'actif net public, c'est-à-dire de l'écart entre le niveau de la dette publique et la valeur des actifs dont une génération hérite des précédentes. Aujourd'hui, en France, plus de la moitié des intérêts de la dette payés chaque année représente une ponction sans contrepartie en termes d'actifs : cette situation n'est pas tenable et elle n'a pas, en l'état actuel des choses, vocation à s'améliorer. Cette question d'équité intergénérationnelle ne doit, en aucun cas, faire l'objet d'un traitement minimaliste tant elle pose un problème fondamental, celui du rapport même entre le coût et le bénéfice du service public.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce texte dans un esprit de responsabilité et de solidarité européenne. Nous faisons néanmoins valoir que cette situation d'urgence rend d'autant plus prégnante la question du retour à l'équilibre des finances publiques dans notre propre pays si nous ne souhaitons pas que cette situation soit amenée à se reproduire.

Je souhaiterais pour conclure vous faire part de trois remarques, ou plus exactement vous poser trois questions, car les réponses me manquent encore.

Cette crise aura révélé une nouvelle carence, l'absence totale de leadership européen, que ce soit de la part de la Commission européenne, de M. Van Rompuy ou de la présidence espagnole du Conseil européen. C'est une question qui en appelle beaucoup d'autres. J'espère qu'à terme nous pourrons comprendre la nécessité qu'il y aura à mettre en place un gouvernement économique au plan européen.

Ma deuxième remarque concerne l'évolution des taux d'intérêt. La croissance européenne est faible, et la sortie de crise n'est pas pour demain en Europe. Si le reste du monde repart plus vite, ce qui peut se produire, les prix des matières premières, du pétrole, pourraient monter, poussés par la demande mais aussi par la spéculation, de quoi rendre nerveuses la Banque centrale européenne, mais aussi la FED, qui pourrait alors décider de remonter ses taux. Cette remontée des taux aurait un impact lourd sur le coût de la dette publique si les taux à long terme suivaient. Le risque existe que, face à des situations budgétaires tendues et à un endettement public élevé, les marchés réclament de plus forts taux d'intérêt pour continuer à prêter aux États endettés ou surendettés. Par conséquent, pour l'évolution des taux d'intérêt également, nous entrons dans une zone à risque.

Troisième remarque, cela pourrait entraîner un retour de la rigueur. Face aux exigences des marchés financiers, les gouvernements peuvent être tentés de serrer la vis budgétaire par des réductions de dépenses plus rapides. Ce scénario, alors même que l'endettement privé sera encore atone, pourrait étouffer le dernier moteur de la croissance. Il faut donc éviter que la zone euro ne devienne une machine à fabriquer de la divergence entre les économies. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour un nouveau collectif, traduisant une réponse du Gouvernement, de la collectivité nationale, à la crise économique et financière, mais ce collectif, à la différence des autres, concerne non pas une institution financière, non pas l'économie d'une manière générale, mais un État, la Grèce, et c'est en fait une première, et une première lourde de conséquences.

Avant d'en venir à quelques appréciations sur cette partie essentielle du collectif, je voudrais partager la satisfaction du rapporteur général devant les recettes supplémentaires de TVA qui sont enregistrées, traduisant une certaine reprise de l'activité économique, qui est incontestable.

Quant à votre analyse de la loi organique, monsieur le président de la commission des finances, et j'en ai quelques souvenirs puisque, à l'époque où la disposition en question a été votée, j'étais le président de la commission spéciale, si j'en partage la lettre, il n'en reste pas moins que l'esprit dans lequel elle a été votée est bel et bien respecté puisque, si cette mesure avait été prise, c'était pour éviter que des recettes supplémentaires n'alimentent de nouvelles dépenses de fonctionnement récurrentes de l'État. En l'occurrence, il s'agit d'une avance consentie à un État étranger, non d'une dépense récurrente de l'État, il n'y a donc pas d'entorse absolue à la loi organique, ce qui serait critiquable.

S'agissant de la Grèce, le groupe UMP va apporter son soutien au dispositif d'aide à la Grèce patiemment construit dans de longues négociations complexes dont nous avons compris, madame la ministre, qu'elles se sont achevées par la prise en compte dès maintenant de l'aide sur une période de trois ans avec, pour objectif, 2014 au lieu de 2013 pour les ratios auxquels l'État grec doit parvenir.

Oui, cette aide est légitime, dès lors que nous partageons la même monnaie. Oui elle est légitime au regard des intérêts financiers de la France, 70 milliards d'engagement, dont 16 milliards de dette souveraine, de ceux des États de l'Eurogroupe en Grèce, même si la Grèce ne pèse que 2,15 % du PIB de l'Eurogroupe.

Oui, cette aide doit avoir des contreparties, avec un véritable engagement de la Grèce de revenir à de meilleures pratiques budgétaires afin de ne pas affaiblir la monnaie commune.

Cela étant, la situation grecque doit nous amener à poser un certain nombre de questions, vous les avez évoquées dans votre intervention, qui ont trait à la gouvernance de la monnaie commune. Dès lors qu'il y a une monnaie partagée, nous devons avoir des références partagées.

La première question est donc celle des références statistiques et d'Eurostat. Comment la crédibilité de la Grèce n'aurait-elle pas été affectée lorsque ces autorités ont révisé au mois d'octobre les prévisions de déficit pour 2009 de 6 à 12,9 % du PIB, soit plus qu'un doublement ? L'incapacité des autorités grecques à publier des statistiques fiables sur l'état des finances publiques est un vrai sujet, y compris pour la crédibilité d'un plan de redressement calculé en points de PIB pour la réduction du déficit.

La deuxième question est celle de la faiblesse de la zone euro en cas de défaillance d'un État. Dès lors que les pays en difficulté ne disposent plus de l'arme de la dévaluation ni de la possibilité de faire monétiser la dette par les banques centrales, on aurait pu prévoir un dispositif d'aide. Cette absence est, on le sait, volontaire, et un tel dispositif a été de facto interdit. Cette absence a toutefois entraîné un délai de réaction trop long, en dépit des efforts de la France, pour une situation identifiée depuis au moins dix mois.

Il y a également la question majeure, la situation générale de la dégradation des finances publiques. La crise, par le jeu des stabilisateurs automatiques, des plans de relance, du soutien au secteur financier, a entraîné une dérive globale des finances publiques. La dette publique de l'ensemble des pays industrialisés devrait dépasser 100 % du PIB en 2010, selon les calculs de l'OCDE, et la Banque des règlements internationaux a rappelé dans une étude de février 2010 qu'il s'agissait d'une situation inédite dans l'histoire du temps de paix.

Comment allons-nous arbitrer entre le resserrement indispensable des politiques budgétaires pour regagner la confiance des marchés et la nécessité par ailleurs de ne pas casser la croissance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Les cas de rechute de l'activité sont bien connus, aux États-Unis dans les années 30 mais, plus récemment, dans les années 90, au Japon. L'arbitrage des autorités budgétaires sera nécessaire. Quelle coordination aurons-nous au sein de la zone euro à ce sujet ? Nous avons bien compris qu'un groupe de travail allait être mis en place sous l'autorité de M. Van Rompuy, mais quand aurons-nous les conclusions du groupe de travail sur des décisions qui nécessitent une coordination immédiate des politiques économiques de l'Union ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Voilà quelques questions que je souhaitais poser à l'occasion de ce texte, qui, me semble-t-il, nous interpellent tous car, au-delà, ce qui est essentiel, c'est de savoir si nous pouvons continuer avec une monnaie commune qui a été souhaitée par les différents États. Ce fut un débat long, approfondi, mais cela suppose qu'on en tire toutes les conséquences. Or j'ai la faiblesse de croire que ce ne fut pas le cas pour la gouvernance économique lors de la création de la monnaie commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, au milieu de la satisfaction affichée ce soir, j'ai un sentiment un peu contrasté car j'ai tout de même l'impression qu'on a laissé passer la fenêtre de tir.

Au plus fort de la crise, nous avons eu droit à de nombreuses proclamations d'intention. Je ne sais pas si vous avez en mémoire le discours de Toulon, monsieur le rapporteur général. Depuis, pratiquement rien n'a été fait, et ce sont les marchés, que les États ont dû soutenir, qui prétendent dicter à ces derniers la rigueur et la politique budgétaire qu'ils devraient mettre en oeuvre. On en est là parce qu'on a laissé passer la fenêtre de tir.

Aujourd'hui, non seulement pas grand-chose n'a changé mais, en plus, les assistés sont devenus les maîtres, et brandissent le fouet. Je lisais cet après-midi, comme vous tous, une série d'appréciations d'éminents conjoncturistes expliquant que les marchés allaient exiger des pays européens, de la France en particulier mais pas seulement, une politique plus drastique. M. Bouvard vient d'ailleurs à sa manière de poser lui aussi la question.

Je ne sais pas pourquoi on a laissé passer cette fenêtre de tir, mais je ne peux m'empêcher de m'interroger sur le fait qu'il n'y a pas eu de très forte volonté politique pour mettre au pas les marchés financiers. Aujourd'hui, ils prennent allégrement leur revanche, et, au passage, ils prennent aussi leurs bénéfices.

Je ne sais pas si les banques françaises sont concernées par le produit Abacus, mais je sais que des banques européennes le sont. Si les gouvernements européens voulaient agir, madame la ministre, il serait bon que l'Europe se manifeste et porte plainte elle aussi contre ce qui a été manifestement non pas un coup de génie financier mais une énorme escroquerie. Avoir réussi à transformer 90 produits de catégorie BB + en catégorie AAA, c'est tout de même un exploit. Allez-vous rester une fois de plus les bras ballants ou simplement la menace à la bouche, sans agir ? Je vous pose la question et j'aimerais avoir une réponse.

Sur la Grèce, vous vous êtes félicité de notre position, monsieur le rapporteur général, mais nous n'avons pas à nous féliciter les uns ou les autres car j'ai le sentiment que nous n'avons pas beaucoup le choix. Si nous avions eu l'irresponsabilité de ne pas agir ainsi, la sanction aurait été terrible et les risques majeurs, de sorte que nous ne sommes pas en train de faire un exploit, nous assumons tout simplement nos responsabilités, à la place où nous sommes.

Ce que l'on peut souligner, c'est que l'on a beaucoup traîné. Je ne me souviens plus combien de fois, au coeur de la crise, l'an dernier, la prophétie a été faite qu'après la crise des finances privées, il y aurait la crise des finances publiques. Nous y sommes. Pour prévenir cette crise, il y a peut-être eu des discussions dans les couloirs, mais il n'y a pas eu d'acte pour se mettre en position de résister le moment venu, de sorte qu'aujourd'hui nous faisons tout simplement face à notre responsabilité.

Je suis également un peu étonné des modalités. Avant de dire, monsieur le rapporteur général, que vous irez vérifier tous les trimestres ou tous les ans ce qui se passe, réfléchissez. Supposez qu'un trimestre, la réponse soit négative. Imaginez-vous la catastrophe ? Imaginez-vous pouvoir dire qu'ayant constaté que la Grèce n'accomplit pas ses obligations, nous retirons tous nos soutiens ? Je vous garantis que, le lendemain, il y aura du sport dans les couloirs du Palais Brongniart. Tout cela n'est donc pas sérieux.

De plus, quand on va au secours de quelqu'un, on n'en profite pas pour faire des affaires. Or c'est tout de même ce que nous sommes en train de faire. Le spread est tel, la différence est telle que l'opinion publique grecque sera évidemment informée du fait que les pays qui viennent à son secours inscriront dans leurs budgets des recettes budgétaires. C'est bien ce que vous nous avez dit, monsieur le rapporteur général, cela ne va pas coûter, cela va rapporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous avez dit qu'il y avait une différence de taux. J'ai l'impression qu'on ne va pas en faire cadeau à l'Assistance publique, au Secours populaire ou au Secours catholique ; à mon avis, c'est plutôt pour le budget de l'État.

Tout cela est donc tout de même très étrange et très curieux. Qu'à la rigueur on cherche à ne pas encourager le laxisme, c'est normal, c'est justifié, mais était-ce la bonne méthode ? Je ne crois pas. La bonne méthode aurait été de mettre en place les lignes de crédit et ensuite, dans un second temps, d'exiger peut-être de la Grèce des efforts à titre de remboursement ultérieur. Là, on dit aux Grecs qu'ils vont devoir faire des sacrifices monumentaux, dont on n'avait pas vu la nécessité auparavant, ce qui, je le dis au passage, laisse tout de même songeur quant à la capacité d'analyse de prétendues instances européennes. Je ne sais pas ce que fait Eurostat mais, manifestement, cela ne sert pas à grand-chose.

J'ajoute, sans nommer personne, qu'il n'y a pas que la Grèce. Tout le monde sait que, dans un certain nombre d'économies, un pourcentage non négligeable de l'activité est, comme disent les banquiers, « à côté de la plaque » ; il n'apparaît pas dans la comptabilité. Et nous ne pouvons pas dire que nous sommes surpris : je me souviens que, déjà dans les années 1980, au conseil des ministres du budget à Bruxelles, on ironisait sur certaines tenues de comptabilité. Nous sommes en 2010 ; il faut croire qu'entre-temps la progression du contrôle n'a pas été fulgurante, c'est le moins que l'on puisse dire.

Je pense qu'il faut être prudent, monsieur le rapporteur général. Il ne faut pas se féliciter ni brandir le bâton comme je le vois faire, parce qu'il y a un peuple, une opinion publique en Grèce, et je ne crois pas qu'elle soit disposée à payer à la place des autres. Lorsqu'on menace le peuple grec de représailles, de punitions, il faudrait au moins avoir la décence de faire aussi quelque chose contre les banques qui ont spéculé contre ce pays. En commission des finances, madame la ministre – vous l'avez peut-être oublié –, nous vous avons demandé s'il y avait moyen de savoir quels étaient les opérateurs qui se trouvent en première ligne. Nous n'avons reçu aucune réponse et je ne pense pas que nous en recevions davantage ce soir ou même ultérieurement, parce que je suppose que cela ne se fait pas !

Nous serions pourtant d'autant plus autorisés à être critiques et sérieux avec le peuple grec que nous aurions pris quelques mesures de rétorsion contre les spéculateurs, à tout le moins les plus avérés. Je pense en particulier à l'un d'entre eux, qui fait parler de lui par ailleurs et s'est montré très bon conseiller dans l'affaire.

Telles sont mes inquiétudes et mes interrogations. Et j'en conclus sur ce sujet comme M. Bouvard, ce qui ne l'étonnera pas : il serait urgent de faire quelque chose de sérieux. La moitié des transactions financières continuent d'avoir lieu dans les paradis fiscaux, sur lesquels on nous a fait plancher pendant plus d'un an et demi et pour lesquels il ne se passe quasiment rien, si ce n'est qu'ils ont signé entre eux de très belles conventions, dont nous jugerons ultérieurement de l'application. Tout cela n'est pas très sérieux.

J'espère que le groupe dont nous a parlé M. Bouvard, placé sous la houlette du puissant M. Van Rompuy, se mettra très rapidement au travail et que vous en sortirez quelque chose tout aussi rapidement. Autrement, nous verrons repasser certains cours boursiers dans le rouge, de quoi, en quelque sorte, vous redonner la dynamique qui semble vous faire tant défaut lorsque le feu ne brûle pas la maison.

Un dernier point. On vote 6 milliards pour cette année. Vous avez inscrit, monsieur le ministre du budget, 3,9 milliards en crédits de paiement. Ça n'est pas sérieux ! Pour les incendies de forêt, il m'arrive toutes les semaines d'envoyer au feu des camions-citernes ; quand la citerne fait mille mètres cubes, je ne dis pas aux pompiers qu'ils n'en utiliseront que 500. Si vous voulez décourager les spéculateurs, laissez-leur croire que le mur est solide et haut ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, à travers la Grèce, c'est notre monnaie, l'euro, qui est gravement, violemment menacée par les abus de la spéculation sur les marchés financiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Attaquer l'euro, c'est attaquer l'Europe, c'est donc attaquer la France. Il nous faut par conséquent venir en aide à la Grèce, et nous le ferons. Le message au monde doit être sans ambiguïté : la solidarité des membres de la zone euro n'est pas qu'une promesse, c'est une réalité.

Après nous avoir protégés du pire pendant la crise financière sous la présidence française, l'euro est aujourd'hui attaqué sur les marchés financiers. Le symbole le plus fort de l'unification européenne doit être non seulement préservé mais renforcé, à moyen et long termes.

Le Président de la République a fait savoir rapidement que la France prendrait part à une action commune pour aider la Grèce, et la France a joué, je m'en réjouis, un rôle majeur dans la négociation d'un accord. Les réticences ont été surmontées. L'accord est unanime. Le sommet européen du 7 mai sera suivi par l'octroi effectif des prêts bilatéraux et l'intervention complémentaire du FMI.

Il n'est pas question, comme vous l'avez justement souligné à Washington, madame la ministre, d'être complaisants envers la Grèce. Ce pays a gravement violé les règles, tant sur le fond, en vivant très au-dessus de ses moyens, que sur la forme, avec des statistiques glissantes. Les partenaires de la Grèce ne l'aideront pas gratuitement : on ne demande pas aux contribuables français, allemands et aux autres citoyens européens de faire cadeau de plusieurs milliards d'euros à la Grèce, mais de lui accorder des prêts.

La Grèce s'est engagée dans des réformes certes douloureuses et une politique de rigueur difficile à faire accepter à ses citoyens, mais c'est indispensable. Ses partenaires de l'Eurogroupe et la Commission européenne y veilleront régulièrement. Toutefois, je pose également la question : comment a-t-on pu laisser passer cela ces dernières années ? L'Eurogroupe et la Commission doivent également saisir cette occasion pour repenser les dispositifs de contrôle de la véracité des statistiques.

De même, tous les pays de l'Union doivent comprendre que si la solidarité européenne est bien réelle, elle n'est pas automatique. Elle suppose des efforts concrets et exigeants de rigueur et de discipline budgétaires. Le temps qui a été nécessaire pour aboutir à un accord européen à propos de la crise grecque aura eu à cet égard une vertu pédagogique par rapport aux autres pays de l'Union pour lesquels un effort de discipline est également indispensable. Car même si les situations ne sont pas comparables, la leçon de la nécessité des équilibres est valable pour le Portugal, l'Espagne, l'Irlande, mais aussi la Grande-Bretagne, que l'on n'a pas citée mais qui présente des chiffres très inquiétants.

Comme vous le dites dans votre interview au Monde, madame la ministre, nous avons réalisé chez nous un calibrage subtil entre soutien à la croissance et réduction des déficits, qui implique autant le soutien à l'investissement que la réforme des retraites et la réductions des dépenses. Je crois que ce calibrage subtil doit être appliqué à l'ensemble des pays européens.

C'est pourquoi je plaide activement, comme vous, pour la création d'un gouvernement économique européen. Cela fait longtemps que la France défend cette idée, sans parvenir à la faire passer. Mais d'une crise il faut tirer les enseignements. La chancelière Angela Merkel a déclaré y être favorable. Il ne faut pas laisser passer cette chance de traduire les paroles en actes.

Les travaux dirigés par M. Van Rompuy, auxquels le couple franco-allemand apportera sa contribution, doivent aboutir à la fin de l'année à des propositions ambitieuses. Les parlements nationaux et le Parlement européen doivent apporter leur propre contribution à cette réflexion. Notre commission des affaires européennes a d'ailleurs engagé cette réflexion, en lien avec la commission des affaires européennes du Bundestag, et Michel Herbillon et Christophe Caresche ont été désignés rapporteurs sur ce sujet.

La démarche est double : il s'agit de se fixer ensemble des objectifs et de définir des méthodes et des instruments pour les atteindre. Il n'est évidemment pas question d'imposer des politiques identiques aux différents États. Cela n'aurait aucun sens et serait contraire à l'esprit de la souveraineté nationale. Il s'agit pour chaque État de procéder à ses choix nationaux en prenant en considération leur impact sur ses partenaires, de manière à ce que la croissance économique de chacun soit aussi celle de tous.

Comme le Premier ministre l'a clairement indiqué la semaine dernière, il faut organiser une convergence progressive des systèmes économiques et sociaux des pays de l'Union. On ne peut gérer de façon cohérente des réalités économiques et donc des intérêts économiques divergents.

Cette démarche ambitieuse, qui doit concerner aussi bien les politiques budgétaires que la fiscalité et les systèmes sociaux, ne peut se faire que dans la durée, pour surmonter progressivement les divergences de situations et d'intérêts.

En conclusion, je souhaite que nous avancions sur la question de la régulation financière ; vous en avez parlé tous les deux, madame et monsieur les ministres. Il faut aller plus loin et plus vite au niveau européen comme au niveau du G20, et je suis confiant dans le succès de la future présidence française du G20 pour faire acter des progrès indispensables. Nous vous soutenons pleinement, madame la ministre, dans les efforts engagés en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous prétendez sauver la Grèce tout en faisant gagner de l'argent aux Français. Je vous estime trop intelligents tous les deux pour penser que vous croyez un seul instant à cette fable. Les Français ne vous croiront pas davantage car ils ne croient plus depuis belle lurette aux contes de fées, surtout pas après deux décennies de monnaie unique appelée euro.

Car les promesses d'aujourd'hui rappellent les promesses faites il y a très précisément dix-huit ans, dans cet hémicycle, lorsque le débat parlementaire sur Maastricht faisait rage. Déjà l'idéologie de l'euro était à l'oeuvre. Déjà le parti socialiste mêlait sa voix à celles de la droite et du centre pour soutenir ce nouveau dogme, cette pensée unique. Alors oui, mes chers collègues, mêmes causes, mêmes effets : les promesses de 2010 ne seront pas davantage tenues que celles de 1992.

Je prends date devant vous : ce plan de « sauvetage » si mal nommé ne sauvera pas la Grèce, pas plus qu'il ne fera gagner de l'argent aux Français, qui risquent plutôt de se réveiller un de ces quatre matins avec un déficit supplémentaire de près de 17 milliards d'euros, soit 253 euros par Français. Il faut qu'ils le sachent.

Nos concitoyens, qui ne comprennent pas pourquoi vous mettez tant d'ardeur à supprimer des policiers dans les commissariats, des enseignants dans les écoles, des infirmiers dans les hôpitaux, pour gagner 500 millions ou 1 milliard d'euros, voient à l'Assemblée PS et UMP unis pour dépenser 17 milliards d'euros d'un coup, alors même que tant de sacrifices leur sont demandés.

Ils ne seraient pas hostiles à l'idée d'une solidarité avec les Grecs, mais la solidarité que vous proposez est des plus étranges, car avec ce plan on va aider la Grèce, oui, mais on va l'aider à mourir ! Elle mourra guérie ! Un peu comme les médecins de Molière saignaient les malades, croyant les ressusciter, on va saigner la Grèce encore davantage. Un ballon d'oxygène apparemment financier va certes être apporté à Athènes, mais au prix d'un supplice inouï pour le peuple et l'économie grecs, qui ne s'en relèveront pas. Qui s'en soucie, d'ailleurs ? Cette thérapie de choc va tuer la Grèce car cette dernière sera bien incapable de redresser sa compétitivité et donc sa croissance, définitivement martyrisées par l'impossibilité de dévaluer.

Oui, mes chers collègues, c'est bien là le point central. On n'a jamais vu dans l'histoire économique du monde – j'aimerais, madame la ministre, que vous me citiez un exemple – un pays rebondir sans dévaluation. On n'a jamais vu un plan de rigueur tenir ses promesse sans être accompagné parallèlement d'une dévaluation qui stimule le moteur économique permettant de rembourser les dettes. Souvenez-vous des vains efforts de l'Argentine, accrochée à la zone dollar, qui a tenu trois ans et puis s'est effondrée. Vous aurez la cessation de paiement et ensuite l'effet de domino !

Mais on ne veut pas voir la question, notamment ce que vous savez pertinemment au sujet de la différence des coûts salariaux entre l'Allemagne – 2 % depuis la fondation de l'euro –, la moyenne de la zone euro – 20 % environ –, et l'Espagne ou la Grèce – 46 %. Alors dites-le : voulez-vous une déflation qui permette de rattraper la situation de l'Allemagne ? Cela signifie qu'il faut imposer aux Grecs une déflation des salaires et des prix de 40 %. Aucun pays au monde n'a subi un tel traitement de choc sans réagir.

En infligeant ce traitement à la Grèce, vous allez la précipiter soit dans la récession la plus totale, et elle ne pourra évidemment pas rembourser, soit dans la révolution, parce que les Grecs ne supporteront pas ce remède de cheval. Et nous aurons perdu nos 17 milliards.

C'est pourquoi ce plan miraculeux n'empêchera pas non plus la contagion aux autres maillons faibles de la zone euro, que les marchés financiers vont bien évidemment s'empresser de mettre à l'épreuve. Ce sera alors beaucoup plus difficile de faire preuve de soi-disant solidarité car, pour l'Espagne et le Portugal, ce ne sont pas 110 milliards d'euros qu'il faudra mais, vous le savez bien, des centaines de milliards, que nous ne pourrons pas mobiliser. Voilà d'ailleurs pourquoi, à la fin des fins, l'euro lui-même ne sera pas sauvé, ce qui risque d'entraîner dans son naufrage la construction européenne, et ce serait dommage. Ce scénario catastrophe est écrit d'avance. Il résulte tout bonnement de la fuite en avant dans l'idéologie de l'euro monnaie unique et non pas monnaie commune.

Il y a dix-huit ans presque jour pour jour, le regretté Philippe Séguin, dans son Discours pour la France, mettait en garde le pays contre l'aventurisme et l'idéologie de la monnaie unique : « Dans le domaine monétaire comme dans les autres, il faut se plier aux réalités. Il faut donc savoir ajuster les parités quand c'est nécessaire, non pour faire de la dévaluation compétitive, mais pour éviter la déflation. En choisissant la monnaie commune au lieu de la monnaie unique, on choisirait, je crois, l'efficacité contre l'idéologie. » Aucun mot n'est à retrancher de cet avertissement. Aujourd'hui, nous payons les comptes. Vous faites semblant de ne pas voir la crise de dominos qui va entraîner l'euro à sa perte parce que l'on n'a pas voulu comprendre qu'une monnaie unique n'était pas adaptée pour des réalités différentes.

Certes, M. Lequiller nous parlait à l'instant, avec cohérence, d'une politique unique. Mais il n'y en a pas. Jacques Rueff disait : « Soyez libéral, soyez socialiste, mais ne soyez pas menteur. » Soyez cohérents. Or il n'y a aucune cohérence. Et il n'y aura pas de politique unique puisque l'Allemagne ne le souhaite pas.

Vous êtes donc confrontés, madame la ministre, monsieur le ministre, à l'impossibilité de votre politique, au naufrage de l'euro monnaie unique qui asphyxie les économies du Sud de l'Europe et la France ; vous êtes confrontés au compte à rebours de la fin de l'euro. Deux solutions : soit on anticipe la fin de l'euro en créant une monnaie commune et en réhabilitant les monnaies nationales, permettant ainsi à la Grèce de sortir de l'euro et de convertir ses dettes à la parité d'entrée, puis de dévaluer, ce qui revient à négocier avec ses créanciers ; soit vous allez vous faire plaisir, mais en trompant les Français et les autres Européens, et nous nous retrouverons dans un, deux ou trois ans, sinon avant, pour assister à l'inexorable obligation d'ajuster la monnaie unique à la réalité des économies, qui sont divergentes, que vous le vouliez ou non !

Voilà pourquoi la seule solution raisonnable,…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…si on veut sauver la solidarité européenne, est de mettre fin à la monnaie unique pour passer à la monnaie commune. Sinon, cette solidarité sera entraînée dans le chaos, j'en suis certain à la lumière des aveuglements manifestés et des dogmes célébrés quasiment sur tous les bancs.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise grecque est probablement une des crises les plus graves que l'Europe ait connue depuis sa création, en tout cas la plus grave depuis la mise en place de l'euro. Chacun a bien compris, même tardivement, qu'à travers la Grèce c'était l'euro qui était menacé, c'est-à-dire un des instruments essentiels du développement économique de l'Europe, mais aussi un symbole de son unité.

On peut évidemment se réjouir du sursaut des États de la zone euro, qui, après de nombreux mois d'indécision, se sont décidés à adopter un plan de sauvetage et à le mettre en oeuvre. On peut se rassurer en se répétant que l'Europe ne progresse que par crises et qu'elle finit toujours par trouver les ressources lui permettant de surmonter les obstacles.

Mais on peut aussi s'inquiéter de la réaction des États de la zone euro. Les atermoiements de l'Europe, dans cette circonstance comme dans d'autres, sont le signe d'un recul de l'idée européenne et d'un repli sur les seuls intérêts nationaux. Ce n'est en définitive que si ces derniers sont menacés que la réponse européenne intervient. En l'occurrence, la solidarité avec la Grèce a été imposée à l'Europe. Elle n'a pas été choisie. Je rejoins ce qu'a ditHenri Emmanuelli sur ce point.

Un tel mode de fonctionnement n'est évidemment pas satisfaisant. Il est dangereux car l'Europe et les États qui la composent jouent avec les limites, au risque de les dépasser et de menacer la pérennité de l'Union. L'Europe n'est pas une construction intangible, nous le savons bien ; elle est fragile et peut être emportée par une crise plus forte que les autres ou qui ne serait pas finalement maîtrisée. La divergence des économies entre pays européens, qui explique en grande partie la situation actuelle – j'y reviendrai –, rend plausible un scénario de ce type. De plus, ce fonctionnement erratique ne produit pas les meilleures décisions. On en a un exemple éclatant avec le plan de sauvetage de la Grèce. En effet, faute d'anticipation, celle-ci se voit imposer un plan d'austérité qui lui laisse très peu de marges de manoeuvre, avec le risque qu'il ne soit pas appliqué – mais la question de son maintien dans la zone euro se poserait alors –…

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

…ou qu'il la plonge dans une récession sans précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Cette alternative est à prendre au sérieux. L'Europe, en cédant aux marchés dans la précipitation, n'a pas donné à la Grèce les moyens d'une stratégie offensive sur le plan économique.

Il ne s'agit évidemment pas d'exonérer les autorités grecques de leur responsabilité. Mais nous savons que pour la Grèce comme pour les autres États du Sud de l'Europe, et aussi pour la France, le seul scénario viable est celui du retour à la croissance. Certes, j'ai conscience qu'au stade où en étaient les attaques spéculatives, il n'y avait plus vraiment le choix, et c'est pourquoi je voterai bien évidemment la part de l'aide qui revient à la France : soit la Grèce acceptait ces conditions drastiques, soit c'était la faillite. Peut-être était-ce le but recherché par certains : acculer la Grèce à accepter un plan d'une extrême rigueur et en faire un exemple pour les autres pays européens qui seraient tentés par la facilité ou qui envisageraient de s'affranchir de règles budgétaires contraignantes – suivez mon regard ! Mais il n'est pas certain que l'Europe se soit donné les meilleures chances d'un règlement pérenne de la situation grecque. Entre le respect d'exigences difficilement soutenables économiquement et socialement, et la nécessaire relance de 1'économie, la voie sera très étroite pour les Grecs. S'ils échouent, l'Europe se retrouvera à nouveau sous le feu des marchés.

Cette crise n'a fait en effet que révéler les faiblesses de l'euro lorsqu'il a été conçu. Fruit d'un compromis avec l'Allemagne, il s'est appuyé sur une vision essentiellement monétaire, qui suppose une forte unité des économies concernées. C'est pourquoi l'Allemagne ne voulait pas de l'adhésion de certains pays tels que la Grèce, ne l'oublions pas. L'Allemagne s'est placée depuis le début dans la perspective d'une zone économique fortement intégrée, liée par un pacte de stabilité assurant le respect de règles budgétaires contraignantes. Ce ne peut pas être une surprise pour la France car notre voisin est extrêmement cohérent sur ce point, et depuis longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Absolument, mon cher collègue.

De même, M. Bouvard l'a rappelé, l'Allemagne a refusé tout mécanisme d'ajustement en cas de défaillance d'un des pays membres, considérant que chacun devait être responsable de sa situation économique et financière. Cela explique les difficultés à répondre aux demandes de la Grèce. Notre voisin n'est à l'évidence pas sorti de cette conception même si, depuis, les économies européennes n'ont cessé de diverger. Non seulement le temps n'a pas rapproché les économies membres de l'euro, mais la crise a accentué les différences.

Les critères de stabilité financière et budgétaire qui devaient accompagner la création de l'euro n'ont jamais été réellement satisfaits, même avant la crise, reconnaissons-le. La responsabilité de cette situation est pour le moins partagée. L'Allemagne a mené une politique de déflation salariale pour doper sa compétitivité, ce qui a pesé fortement sur les économies des autres pays européens en rendant moins attractives leurs productions. Vous l'avez, madame la ministre, regretté publiquement. Vous avez souligné le déséquilibre majeur au sein de l'Union causé par cette politique de compétitivité menée ces dernières années selon un modèle exportateur. Mais il faut reconnaître que la France a aussi sa part de responsabilité car, comme d'autres pays, elle n'a pas réduit ses déficits lorsqu'elle le pouvait pour se conformer à ses engagements.

Au-delà de la mise en place d'un véritable instrument de gestion de crise et du nécessaire renforcement de la régulation financière, et même s'il faut évidemment travailler sur ces sujets, c'est évidemment la question de la gouvernance économique de l'Europe et de l'euro qui se pose, et l'architecture de la zone euro doit être repensée en conséquence. Nous attendons des réponses claires de la France sur ces points. Notre pays a évidemment un rôle majeur à jouer dans cette crise. Il doit éclairer l'avenir et tracer des perspectives. C'est la seule manière de sortir de logiques devenues délétères.

Le premier problème, c'est l'avenir du pacte de stabilité. L'idée qu'il suffirait de revenir au pacte de stabilité en l'assortissant de sanctions pour ceux qui ne le respectent pas n'est guère pertinente. Mais c'est manifestement à quoi pense l'Allemagne puisque Mme Merkel a déclaré qu'il fallait envisager de retirer le droit de vote à un État qui ne respecterait pas ses obligations financières et budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Que l'Allemagne paye d'abord ses dettes à la Grèce !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Cette déclaration de la chancelière n'est pas anodine. Elle traduit la volonté d'entrer dans une logique de sanctions, voire d'écarter les pays qui ne seraient pas en situation de respecter le pacte de stabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Je voudrais savoir, madame la ministre, quelle est la position de la France sur les sanctions : cette question a-t-elle été discutée ce week-end ? Des engagements ont-ils ou non été pris ? Mme Merkel semble sous-entendre que oui. Il serait tout de même intéressant que le Gouvernement nous donne sa position et nous informe des engagements qui ont éventuellement été pris.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Je note, madame la ministre, que vous venez d'évoquer, dans votre intervention liminaire, de nouvelles disciplines. S'agit-il de sanctions définies en accord avec l'Allemagne ?

Second problème : sur le plan économique, le retour à la seule logique du pacte de stabilité risque d'enfermer les pays de la zone euro dans une équation infernale : dans l'incapacité de dévaluer, ils seraient contraints de diminuer drastiquement leurs déficits au prix d'une récession inévitable. Même si je ne partage pas les positions de M. Dupont-Aignan, je note qu'il l'a rappelé à juste titre. Si vous n'avez plus ni monnaie ni budget, que reste-t-il ? La possibilité de décider un ajustement qui ne peut se faire que sur les salaires et sur les dépenses, notamment les dépenses sociales. Un tel scénario étant intenable, certains évoquent d'ores et déjà la possibilité de créer deux zones euro. Des économistes étudient très sérieusement cette éventualité – je pense à un membre du Conseil d'analyse économique. Il y aurait une zone euro pour les pays compétitifs et une zone euro pour les pays qui le sont moins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ce serait comme en Union soviétique, où il y avait le rouble convertible et le rouble local ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

J'attire votre attention sur ces idées qui commencent à circuler, car on voit bien où on veut nous mener : ceux qui ne seront pas capables de suivre seront sanctionnés et relégués en deuxième division.

Vous semblez, madame la ministre, avoir conscience de cette situation puisque vous avez déclaré dans Le Monde de ce soir qu'il fallait envisager d'intégrer d'autres critères dans le pacte de stabilité pour tenir compte des différences de compétitivité entre les États membres. À la question : « Le fonctionnement du pacte de stabilité doit-il être modifié ? », vous avez répondu : « Oui, il faut impérativement inclure dans notre radar l'examen de la compétitivité et de la stabilité financière. » la France va-t-elle soumettre cette idée à ses partenaires pour modifier le pacte de stabilité ? Vous n'avez pas évoqué ce soir cette question. Nous attendons donc des éclaircissements de votre part.

Mais, au-delà de l'évolution du pacte de stabilité, il faut mettre en place une véritable gouvernance économique de la zone euro. Si on veut échapper à l'alternative que j'ai évoquée – soit les déficits, soit la récession –, il faut donner aux institutions communautaires une véritable capacité d'intervention et de soutien à l'économie européenne. Cela passe par une augmentation significative du budget européen. L'Europe vient de débloquer 80 milliards sur trois ans pour la Grèce. Le budget européen atteint aujourd'hui quelque 800 milliards sur sept ans, et il est possible de l'augmenter significativement pour en faire un véritable instrument de relance économique au niveau européen. De même, il faut donner à l'Union la possibilité d'emprunter pour soutenir les pays qui en ont besoin, comme la Grèce aujourd'hui. C'est en donnant à l'Union des capacités d'intervention économique que l'on pourra envisager une réelle convergence des politiques économiques. Mais rester enfermé dans le pacte de stabilité sans cette contrepartie, c'est le plus sur moyen d'entériner le décrochage économique de certains pays, dont peut-être la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, tout à l'heure Gilles Carrez indiquait que nous en étions au quatrième collectif lié à la crise financière.

Une nouvelle fois, le Gouvernement et Président de la République méritent des félicitations : depuis le début – la majorité doit le répéter car on ne le dira jamais assez – ils ont parfaitement bien affronté cette crise ; ils ont fait exactement ce qu'il fallait faire quand il fallait le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Un peu de calme, monsieur Brard ! Tout à l'heure, vous nous avez fait une démonstration marxiste absolument fabuleuse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Bien sûr, au moment où les Français sont confrontés à la crise dans leur vie personnelle, ils ont du mal à mesurer ce qu'a fait le Gouvernement et l'efficacité de son action.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Mais à force de le répéter, de montrer que nous avons sauvé le système financier, de dire que notre plan de relance était mieux calibré et ciblé que ceux des pays comparables, nous arriverons à faire passer ce message.

Au cours des derniers jours, vous avez encore fait la démonstration que la France a joué un rôle majeur afin d'assurer la solidarité au niveau européen. Si vous n'aviez pas été présents et actifs pour décider nos amis Allemands à suivre, les choses ne se seraient peut-être pas passées comme elles se sont passées.

Redisons-le : vous avez remarquablement agi depuis le début. Il faut le répéter sans cesse et je suis persuadé que les Français vous en seront, un jour ou l'autre, profondément reconnaissants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Autre point : les agences de notation. Tout à l'heure, madame la ministre, vous avez anticipé en déclarant que certaines règles allaient s'imposer à elles au cours des semaines et des mois à venir. Nous avons déjà eu l'occasion d'en parler, au coeur de la crise financière.

Certes, il ne faut pas avoir la tentation de casser le thermomètre parce qu'il donne des indications qui ne nous satisfont pas. En revanche, la manière dont ces agences sont constituées et gérées, les conflits d'intérêts potentiels qui existent en leur sein nous donnent des inquiétudes quant à leur façon de travailler et aux conséquences qui en découlent.

Aussi irions-nous dans un sens extrêmement positif si nous pouvions mieux les encadrer et réguler leur fonctionnement.

Troisième point : la gouvernance de la zone euro, évoquée ce soir par tous les orateurs. Excusez cette trivialité, mais il est beaucoup plus facile de dire « y a qu'à, faut qu'on » en la matière, que de passer aux actes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Cela représente un défi considérable de parvenir à harmoniser les positions des vingt-sept pays de l'Union européenne, dont les situations, les tentations et les aspirations diffèrent.

Réussir à faire bouger les choses et aboutir à la tenue d'un débat tel que celui qui nous rassemble ce soir, c'est déjà la preuve de notre réelle capacité à être les chefs de file de l'Union européenne, afin qu'elle soit efficace.

Pour conclure, j'aborderai un point qui nous concerne plus directement. Bien sûr, nous sommes tous très tristes de voir ce qui arrive au peuple grec et nous éprouvons tous une véritable compassion à son égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Cela étant, monsieur Brard, c'est aussi, hélas la sanction du laisser-aller et de la facilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le vigneron avec son sécateur, en quoi s'est-il laissé aller ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Nous devons aussi en tirer les conclusions en ce qui nous concerne.

Depuis trois ans, sous l'impulsion du Président de la République, vous avez mis en oeuvre une politique qui refusait justement le laisser-aller et la facilité, c'est-à-dire des dépenses publiques trop importantes, trop lourdes, qui grevaient largement notre budget, aggravaient les déficits et créaient la dette.

C'est la raison pour laquelle les économies de gestion réalisées par l'État ont constitué une première initiative forte et efficace. Nous devons incontestablement aller plus loin au cours des semaines et des mois à venir.

Nous devons avoir le courage d'aller au-delà. Très franchement, je répète que deux domaines n'ont pas été véritablement traités au fond : celui des collectivités territoriales, dont les dépenses doivent absolument être réduites (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR)...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Les dépenses de fonctionnement, vous connaissez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mancel

… afin que leur rythme de croissance ne soit pas largement supérieur à celui des dépenses de l'État.

Par ailleurs, quitte à vous faire gronder encore plus, mes chers collègues, je crois que nous devrions aussi avoir le courage d'aborder le sujet des dépenses sociales et de prendre les mesures qui s'imposeront.

Soyez courageux, madame et monsieur les ministres, continuez à l'être, nous vous soutiendrons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, comme nous l'avons dit en commission la semaine dernière, le groupe socialiste considère que, dans la situation actuelle, la priorité est d'agir vite. Il fallait enrayer un processus spéculatif qui pouvait mettre en danger l'ensemble de la zone euro.

Aussi, dès la réunion de la commission, nous avons indiqué que nous soutiendrions ce plan d'aide à la Grèce, même si nous n'étions pas d'accord sur toutes ses modalités.

L'Europe a trop tardé à intervenir et chaque jour perdu a été malheureusement un jour gagné pour la spéculation. Qu'il faille quatre mois pour passer du principe à son application montre une fois encore à quel point le processus intergouvememental est inadapté à la gestion des crises.

Les tergiversations de l'Allemagne, les élections en Rhénanie-Westphalie ont finalement coûté très cher à la zone euro et à la Grèce.

D'une certaine façon, nous pouvons remercier Dominique Strauss-Kahn d'avoir usé de toute son influence…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…afin de convaincre Angela Merkel et les parlementaires allemands qu'il y avait urgence à mettre en place ce plan, sans attendre le 10 mai.

Premier élément positif de ce plan : son montant – 110 milliards d'euros – qui permet à la Grèce de ne pas dépendre des marchés pour financer sa dette pendant dix-huit mois, et donc de résoudre la crise de liquidités. Autre élément positif : l'allongement de 2012 à 2014 de la période de retour au seuil de 3 %.

Cependant, ce plan comporte aussi des éléments négatifs dont nous avons déjà discuté : le niveau du taux d'intérêt et le risque que représente la thérapie de choc demandée à la Grèce.

Le niveau de taux d'intérêt auquel l'Europe prête à la Grèce, proche de 5 %, est clairement trop élevé. Il ne s'agit pas de punir mais d'aider la Grèce.

Puisqu'il s'agit de prêts bilatéraux, pourquoi chaque pays n'aurait-il pas prêté au taux auquel il emprunte lui-même, augmenté de 50 points de base pour tenir compte du coût de gestion de la dette ?

Si l'idée est d'avoir un taux d'intérêt unique dans toute l'Europe, pourquoi ne pas avoir mis en place un vrai mécanisme de solidarité : prêter à la Grèce au taux moyen auquel s'endettent les pays de la zone euro, augmenté toujours de 50 points de base ? Le taux aurait alors été de 2 à 2,5 % et non pas de 5 %. La création d'un tel mécanisme nécessitait seulement un peu de solidarité entre les États prêteurs.

Vous avez souvent utilisé l'argument de la rémunération du risque afin de justifier les 300 points de base. Cet argument est choquant et inexact. Ce n'est pas avec un taux d'intérêt élevé que l'on s'assure contre le risque de défaillance de la Grèce ; c'est exactement l'inverse !

Si l'on veut que la Grèce puisse rembourser, il nous faut prêter au taux le plus bas possible. Dans les scénarios présentés, les charges d'intérêt de la Grèce atteignent entre 5 et 5, 5 % de son PIB. Si l'on veut que la Grèce réduise son déficit, il faut lui offrir le taux le plus bas possible, lui permettant de réduire fortement ses charges d'intérêt.

Cette crise grecque montre surtout que l'Union monétaire est défaillante dans la gestion des crises. Nous avons créé un système monétaire fédéral sans jamais réellement mettre en place un gouvernement économique de la zone euro.

Il ne s'agit pas d'un gouvernement qui se préoccuperait de la politique interne de chaque État – y compris sur le plan macroéconomique –, mais qui serait capable, en situation de crise, de mettre en oeuvre une politique commune et de mobiliser les moyens nécessaires à une action commune. Voilà ce qui manque à l'Union monétaire.

Notons un formidable paradoxe : lorsque l'Union prête à des pays qui ne font pas partie de la zone euro, elle le fait à des taux d'intérêt compris entre 1,5 et 2 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Pourquoi ce mécanisme de solidarité ne pourrait-il pas être mis en place au sein de la zone euro ? Je crois – les socialistes européens l'ont dit – qu'il est parfaitement compatible avec le principe de no bail out. Il faut simplement que l'on imagine un dispositif qui permettre d'appliquer les mêmes conditions aux pays en difficulté de la zone euro qu'aux pays extérieurs à la zone.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Pour réduire l'endettement, il faut des taux d'intérêt bas, mais aussi ne pas casser la croissance par une politique d'austérité excessive. Malgré un déficit élevé au cours des années 2000, la Grèce a pu stabiliser la progression de sa dette grâce à une croissance de 4 % par an.

Si le plan d'austérité conduit à casser sa croissance, la Grèce aura beaucoup de mal à rétablir ses comptes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

La Grèce a besoin d'une politique de réduction des déficits adaptée et de taux d'intérêt bas. Reconnaissons que les conditions dans lesquelles l'aide européenne a été mise en place sont souvent éloignées de ces deux nécessités.

Enfin, il y a un fossé entre la vitesse à laquelle les États sont intervenus pour sauver les banques sans aucune condition de régulation et les quatre mois de délai qu'a demandé l'établissement de ce plan assorti de conditions imposées à la Grèce.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Où en est la régulation financière ? Qu'a-t-on fait réellement contre les paradis fiscaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Pas grand-chose. Qu'avons-nous fait en matière de limitation du risque de crédit par les banques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

On les oblige à détenir 5 % de leurs crédits dans leurs comptes. Ce n'est pas ça qui empêchera la spéculation de se développer !

Est-il normal que la régulation se fonde sur des agences de notation qui se permettent de dégrader la notation d'un État souverain à quelques dizaines de minutes de la fermeture des marchés, déclenchant la spéculation ?

Il existe vraiment un fossé entre ce qui a été fait pour les banques et ce qui est fait pour les citoyens de l'Union monétaire.

Puisque j'évoque les banques, je voudrais soulever un dernier point. En contribuant à soutenir la Grèce, nous soutenons aussi les banques françaises, qui sont fortement engagées. Alors, serait-il anormal de les faire contribuer au redressement des comptes publics, comme nous le proposions avec la taxe de 10 % sur les profits bancaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

En votant ce collectif budgétaire, nous exprimerons notre solidarité avec la Grèce. Cela ne nous empêche pas d'en désapprouver certains aspects comme la fixation des taux d'intérêt et la politique d'austérité.

Nous, socialistes, rappelons que l'Union monétaire n'a de sens que si elle s'accompagne d'une véritable solidarité entre ses membres. Dans ce domaine, force est de reconnaître que nous avons encore un long chemin à parcourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Carré

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la situation de la Grèce à proprement parler. On peut cependant s'interroger, comme l'ont fait certains collègues, sur le suivi des conditions d'entrée d'un pays dans la zone euro : cela fait penser à ces concours grâce auxquels les étudiants, une fois qu'ils les ont obtenus après un bachotage de quelques mois, peuvent couler des jours heureux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Voilà qui fait penser à quelqu'un ! Une fois que l'on est élu…

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Carré

On oublie que le mécanisme ne fonctionne que si le principe de la convergence des États vers un certain nombre de « pré-requis » est bien mis en oeuvre ; faute de quoi l'accès à l'euro permet de se financer dans les conditions les plus favorables, et par conséquent alimente la facilité dans laquelle un État peut se complaire. La crise grecque le rappelle : ce qui, au pays des philosophes, ressemblait à un paradoxe est en fait un sophisme. Le retour à la réalité n'en a été que plus violent ; c'est la première leçon à tirer des événements que nous venons de vivre.

Second point : la gouvernance européenne est mal adaptée à la résolution d'une telle crise ; nous avons donc besoin d'un nouvel outil. La confiance que l'on a dans une monnaie tient essentiellement à la capacité politique de son émetteur à garantir sa valeur. La question est aujourd'hui posée de savoir quels sont les déterminants politiques qui fondent la valeur de l'euro : le traité, la solidarité des États de la zone euro entre eux ?

Certes, nous engageons notre signature pour emprunter en lieu et place d'un État qui n'a plus les capacités de le faire sereinement. De ce point de vue, il faut souligner la reconstitution des avoirs de change de la France, passés, de façon inaperçue, de 19 milliards d'euros au premier trimestre de 2009 à près de 34 milliards aujourd'hui. Mais en apportant notre signature, nous endossons tous, et chaque État endosse, une partie du risque. Finalement, on prend donc le risque de miner la confiance dont jouit la monnaie commune.

À mes yeux, le risque d'effet domino demeurera tant que la Banque centrale n'affirmera pas elle-même qu'elle est, d'une façon ou d'une autre, aux côtés de tous les États pour contrer toute velléité spéculative contre l'un d'entre eux. Il est impératif que les fonds spéculatifs, qui vont d'une position à une autre et d'un pays à l'autre, craignent à un moment de se faire piéger. Le problème, pour la Banque centrale, est que, ce faisant, elle s'avouerait prêteuse des États en dernier ressort, ce qui est incompatible avec ses statuts. On voit donc l'ampleur des difficultés.

Pourtant c'est bien l'euro, et non la Grèce, qui est menacé. L'organisation économique européenne a trouvé sa limite dans le fait que l'euro n'est pas le tout qui transcende les parties et les États. Le FMI intervient aujourd'hui parce qu'il est multinational sans être supranational, et que, autorité publique et émanation de ses membres tout à la fois, il n'empiète pas sur la souveraineté des États. Toutefois, si son intervention résout un certain nombre de difficultés, on peut s'interroger sur l'évolution de son rôle.

La situation, en effet, n'est pas celle d'une crise de la balance des paiements classique mais d'un État pour qui les avantages de l'euro ne jouent plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Carré

Cela démontre bien la nécessité, pour l'Europe, de se doter d'une institution propre qui, au-delà de la Banque centrale, pourrait recevoir un mandat des États de la zone euro. Ayant la capacité d'agir vite, elle représenterait le bras séculier de l'Eurogroupe sans pour autant piloter elle-même la politique économique de l'Europe. C'est pour moi la seconde leçon de cette crise : sans un tel outil, le risque de crise demeure.

En conclusion, je dirai que nous ne sommes plus face aux crises liées aux changes ou aux dettes que nous avons connues au cours des dernières années. Il est essentiel que tout ait été mis en oeuvre pour juguler cette première vraie crise de la zone euro. Mais nous ne pouvons en rester là : il manque une institution robuste, adossée à l'Eurogroupe et techniquement copilotée par la Banque centrale européenne ; en un mot, il nous manque ce fonds monétaire européen qu'évoquait M. Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est le début d'un pacs entre vous et moi ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Carré

Avec le temps, une telle institution empêchera les turbulences que pourraient subir, l'un après l'autre, différents États auxquels notre destin est lié, et qui nourrissent cette volatilité qui fait le bonheur des fonds spéculatifs et peut-être, demain, le malheur des peuples – en tout cas, aujourd'hui, de l'un d'entre eux. Si cet outil est créé, la crise grecque n'aura été qu'un avertissement entendu par les pays aujourd'hui sollicités ; dans le cas contraire, elle risque d'être un précédent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en convenons presque tous, les ministres des finances de la zone euro ont adopté hier à l'unanimité, avec le FMI, un plan historique pour aider la Grèce et, à travers elle, les pays de la zone euro. Ce plan d'aide sur trois ans, concrétisation de la solidarité européenne, s'élève à 110 milliards d'euros, dont 80 milliards mobilisés par les pays de l'Eurogroupe. La France, avec Mme la ministre de l'économie, a été un pays pilote pour cet événement sans précédent : c'est tout à l'honneur de notre pays et de son gouvernement d'avoir su, dès les prémisses de la crise en novembre 2009, puis tout au long de celle-ci, alerter les pays de la zone euro et les inciter à agir. C'est aujourd'hui chose faite, et il y a lieu de s'en féliciter. Veillons à ce que ce plan exceptionnel – réponse de l'Europe à la situation elle-même exceptionnelle que traverse la Grèce, qui ne parvient plus à se financer sur les marchés – soit suivi d'effets : j'y reviendrai.

Ce plan concrétise le principe de solidarité qui avait été posé dès le mois de février dernier. Son objectif est clair : marquer un coup d'arrêt à la spéculation et assurer la stabilité de la zone euro dans son ensemble. Comme l'ont rappelé Christine Lagarde et François Baroin en commission cet après-midi, il ne faut pas être naïf : lorsque la Grèce est attaquée par des opérations spéculatives, c'est tout le système financier de la zone euro qui l'est et, au bout du compte, nos entreprises et nos emplois. Nous avions donc intérêt à aider la Grèce car, ce faisant, nous aidons l'Europe et la France.

Oui, le Gouvernement a pris ses responsabilités en étant solidaire de la Grèce ; mais cette solidarité ne doit pas exclure l'exigence. En contrepartie de l'aide qui lui est octroyée, la Grèce a présenté un plan d'économies certes très dur, mais indispensable pour rétablir la confiance, redresser ses finances publiques et réduire, dès cette année, le déficit public de 4 % de PIB. Elle s'est également engagée à poursuivre cet effort en 2011 et en 2012 pour ramener le déficit public sous le seuil des 3 % de PIB – 2,4 % très exactement – d'ici à 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Avant de faire la leçon aux autres, il faut balayer devant sa porte !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Chacun, je le sais, sera attentif au respect scrupuleux des engagements de la Grèce : tout à l'heure, en commission, Mme la ministre de l'économie a rappelé les intentions des pays de l'Eurogroupe et du FMI à ce sujet. Il reviendra d'ailleurs à la Commission européenne et au FMI d'y veiller, les décaissements étant conditionnés par le respect du programme convenu.

J'en rappelle les principaux aspects ; réalistes mais sévères, ils auront en effet des conséquences pour le peuple grec : gel des salaires des fonctionnaires jusqu'en 2014 ; suppression des treizième et quatorzième mois des traitements des fonctionnaires ; hausse de l'âge légal de départ à la retraite, aucun départ n'étant autorisé avant soixante ans ; majoration de la TVA de 2 % ; enfin, nouvelle taxe de 10 % sur l'alcool. Telles sont, parmi d'autres, les mesures les plus significatives de ce plan extrêmement rigoureux, qui doit permettre à la Grèce de ramener son déficit public sous la barre des 3 % du PIB, selon les critères de Maastricht en vigueur avant la crise financière.

Que les choses soient claires, monsieur Muet : il ne s'agit ni de punir la Grèce, ni de lui faire un cadeau. Cette aide exceptionnelle est finalement un système donnant-donnant. Le prêt sur trois ans que nous lui octroyons, à un taux très proche de celui du FMI, a pour contrepartie l'engagement fort et massif de ce pays s'agissant du désendettement et de la gestion rigoureuse des finances publiques. Ce taux de 5 % a suscité quelques commentaires. Mais je rappelle que le 29 mars dernier, lors de sa dernière émission obligataire, la Grèce a émis pour 5 milliards d'euros sur sept ans à 6 %, soit un taux très proche. Bref, l'objectif est que la Grèce emprunte à des conditions voisines de celles du marché : des conditions trop avantageuses pourraient, en plus de rompre la solidarité entre les pays de la zone euro – dont les spreads diffèrent –, conduire certains d'entre eux à solliciter, pour rétablir leur situation financière, un dispositif similaire. Bref, appliquer un taux proche du marché me semble de bonne politique.

Face à la crise grecque, l'Europe a montré qu'elle était capable de se serrer les coudes et d'apporter une réponse à la hauteur des enjeux. Bien sûr on peut toujours, à l'instar de M. Muet, critiquer la lenteur et la complexité du processus de décision. Mais il faut rappeler que la zone euro n'est pas un État fédéral : pour décider à l'unanimité un plan d'une telle ampleur, il faut prendre le temps de la discussion ; cela ne se fait pas en dix minutes sur un coin de table. Je me félicite d'ailleurs, madame la ministre, que la France et l'Allemagne souhaitent améliorer la gouvernance de la zone euro.

Ce qui compte à mes yeux est le résultat, c'est-à-dire l'aide de 110 milliards d'euros, dont 80 milliards en provenance des pays de l'Eurogroupe, qui ont décidé de se mobiliser pour aider la Grèce. Ce résultat est à la hauteur des enjeux. Bien sûr, il faudra aller plus loin, non seulement dans la gouvernance, mais aussi dans la régulation des marchés financiers et celle des agences de notation, comme l'a fort bien rappelé Jean-François Mancel : nous pourrons sans doute le faire dans quelques semaines à travers un projet de loi relatif à la régulation bancaire et financière, que le Gouvernement a déposé il y a quelques semaines. Au demeurant il a été annoncé en séance que l'AMF, l'Autorité des marchés financiers, était l'autorité de régulation compétente s'agissant des agences de notation, ce qui me semble juste.

En dépit de ce plan massif, les Français pourraient s'inquiéter d'une contagion possible de la situation grecque aux autres pays de la zone euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Une telle contagion est-elle vraiment possible ? Il me semble qu'il ne faut pas tout mélanger. La situation des autres pays européens n'a rien à voir avec celle de la Grèce. La crise que ce pays traverse tient à deux raisons majeures, qui en font un cas particulier : l'ampleur de son déficit ; la méfiance suscitée par le doublement de celui-ci – de 6 % à 12 % du PIB –, en novembre dernier, suite à une revue statistique d'Eurostat. S'agissant du Portugal et de l'Espagne – puisque ces deux pays sont dans tous les esprits depuis la dégradation de la note de leur dette –, la situation est très différente,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…et rien n'autorise à remettre en question la crédibilité de leurs finances publiques : ils sont victimes d'une crise spéculative, qui obéit aussi à des enchaînements mécaniques, et d'une notation mal à propos, effectuée au plus fort de la crise grecque – nous aurons l'occasion d'y revenir dans les prochaines semaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Toujours la spéculation : les mêmes causes produisent les mêmes effets !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

S'agissant enfin de la France, chacun sait qu'elle jouit, comme l'Allemagne, d'une crédibilité sur les marchés primaire et secondaire des obligations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

En outre, dans une période telle que celle que nous traversons, les émissions des États dont la signature est la meilleure jouent un rôle de valeur-refuge.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est ça. De toute façon, nous sommes protégés par Jeanne d'Arc !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Grâce – pourquoi le cacher ? – à la politique responsable menée par le Gouvernement pendant la crise, la France a su préserver la qualité de sa signature et donc garder la confiance des marchés.

Ainsi, les derniers chiffres du déficit budgétaire de l'année 2009 ont été inférieurs à nos propres prévisions, comme l'a tout à l'heure rappelé le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Cela a été permis par une efficace politique de maîtrise de la dépense publique, fondée sur le gel des dépenses de l'État en volume et notamment caractérisée par la réduction des effectifs des fonctionnaires. Cette politique sera, sans nul doute, confirmée lors de la deuxième session de la conférence sur les déficits publics qui se tiendra ce mois-ci, dans quelques jours.

Il faut, monsieur le ministre, poursuivre les réformes structurelles dont notre pays a besoin pour que la signature de la France conserve sa qualité sur les marchés et pour que le potentiel de croissance de notre pays augmente.

Madame la ministre, monsieur le ministre, je suis convaincu – et le groupe UMP avec moi – que vous êtes déterminés à préserver l'attractivité de notre territoire, à conserver et développer le potentiel de croissance de la France et à pratiquer une gestion publique de nature, précisément, à le développer. Aussi le groupe UMP votera-t-il des deux bras ce projet de loi de finances rectificative pour soutenir la Grèce, donc soutenir la France et la zone euro. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La discussion générale est close.

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, avant de répondre sur quelques-uns des principaux points évoqués par les nombreux orateurs, je remercie d'ores et déjà ceux qui ont soutenu le principe de ce plan concerté qui permet de soutenir l'État grec.

Vous avez été nombreux à évoquer la question des taux d'intérêt. Je vous rappelle la ligne que nous avons adoptée.

Premier principe, nous avons souhaité « y aller ensemble », si je puis m'exprimer ainsi, c'est-à-dire que tous les États appliquent le même taux d'intérêt, bien qu'il s'agisse en fait du taux d'intérêt des prêts bilatéraux accordés par les États et, pour l'Allemagne, par la KfW, à la Grèce.

Deuxième principe, nous avons cherché à nous rapprocher autant que possible des taux pratiqués par le Fonds monétaire international, qu'un taux fixe – par hypothèse évidemment plus élevé qu'un taux variable – ou qu'un taux variable soit retenu. Nous souhaitions une quasi-parité avec le Fonds monétaire international.

Troisième principe, la non-concessionnalité des prêts a été longuement débattue, notamment à l'occasion de la réunion de l'Eurogroupe tenue le 11 avril dernier. Il s'agit, en l'espèce, non pas de faire de la bonification de taux d'intérêt mais de permettre à la Grèce de se financer et de se refinancer à des taux bien meilleurs que ceux, de l'ordre, aujourd'hui, de 12 %, auxquels elle aurait accès si le marché lui était ouvert, sans que ces taux soient inférieurs, par exemple, à ceux auxquels se refinancerait aujourd'hui le Portugal. En effet, si l'on appliquait, monsieur Pierre-Alain Muet, le mécanisme que vous suggérez, on parviendrait quasiment à des taux inférieurs aux taux de refinancement actuels du Portugal.

Certes, le taux retenu n'est pas parfait et il pourrait être moindre, mais c'est le taux auquel nous parvenons si nous respectons les trois principes retenus pour que la zone euro adopte une attitude cohérente.

Certains d'entre vous, notamment M. Brard, ont évoqué le rôle de la BCE. Je rappellerai simplement que, après avoir été un financeur, la BCE est aujourd'hui un refinanceur, à des conditions qui ont été clarifiées ce matin. La BCE a effectivement indiqué que, pour une durée indéterminée, elle acceptait en refinancement tous les titres présentés par la Grèce au titre du financement de sa dette souveraine, quelles que soient, par ailleurs, les notations attribuées par quelque agence de notation que ce soit. Cela signifie que la BCE a aujourd'hui suffisamment confiance dans le plan mis en oeuvre pour ignorer totalement les notations attribuées par les agences aux titres présentés par la Grèce. Cela exprime, en outre, la volonté de la BCE d'asseoir son jugement sur ses propres analyses et non pas sur celles des agences de notation.

Par ailleurs, la BCE a fourni hier, lors de la réunion de l'Eurogroupe, une analyse très précise, très détaillée, de l'ensemble du dispositif auquel le gouvernement grec a décidé de souscrire dans le cadre du plan négocié entre la Commission et le Fonds monétaire international.

Vous avez été nombreux à évoquer le risque de contamination à un certain nombre de pays, notamment sur l'arc nord de la Méditerranée, voire en mer d'Irlande. Évitons cependant de comparer ce qui n'est pas comparable. Je crois en particulier qu'un trait distingue la Grèce : l'absence de données statistiques fiables, avec des chiffres infondés et un déficit de confiance grave dont ce pays souffre depuis le mois de novembre dernier. Cela a empiré avec les révisions successives du montant de son déficit et les dégradations que vous savez, que vous avez qualifiées comme elles devaient l'être. Les mêmes incertitudes ne pèsent pas sur les statistiques des autres pays évoqués, qu'il s'agisse du Portugal, de l'Espagne ou de l'Irlande. D'autre part, leur situation financière est sans rapport avec celle de la Grèce, et bien plus favorable, que ce soit en matière de déficit public ou de ratio d'endettement rapporté au PIB. Comparer la Grèce avec, notamment, le Portugal ou l'Irlande est donc tout à fait hasardeux et parfaitement inadéquat.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Nous le souhaitons tous, et je crois qu'il ne faut pas procéder à des assimilations ou des comparaisons auxquelles les chiffres ne donnent pas de fondement.

Certains d'entre vous ont également évoqué la situation des banques grecques. Clarifions ce point : sur les 110 milliards d'euros de l'enveloppe du plan qui nous a été proposé hier par la Commission et par le Fonds monétaire international, 10 milliards d'euros ont été identifiés spécifiquement pour être éventuellement utilisés à recapitaliser les banques grecques. Lorsqu'on affirme qu'il s'agit d'un plan de sauvetage des banques, c'est donc faux. Simplement, selon le Fonds monétaire international et la Commission, je le répète, sur 110 milliards d'euros, 10 milliards d'euros peuvent être spécifiquement alloués à des programmes de recapitalisation des banques grecques.

Vous avez été nombreux à proposer des modifications pour l'avenir, à évoquer ce qu'il faut changer en matière de gouvernance économique. À ce propos, certains d'entre vous, qui avaient lu l'interview que j'ai donnée au journal Le Monde, ont eu l'extrême amabilité d'y faire référence. Je suis convaincue que les travaux de la Commission, dont les résultats seront l'objet d'une communication qui nous sera soumise avant la fin du mois de mai, et ceux du groupe de travail présidé par M. Van Rompuy, qui devront être remis avant la fin de l'année 2010, nous permettront d'y voir un peu plus clair, à la fois en matière de gouvernance, c'est-à-dire en matière d'articulation des différents organes entre eux, et en matière d'autorité supplémentaire conférée aux pays membres formant l'Eurogroupe, en vertu de l'article 136 du traité de Lisbonne qui permet de mieux organiser les relations entre les États membres de l'Eurogroupe, ce qui n'était évidemment pas prévu par le traité de Maastricht. Cela nous permettra aussi, on peut l'espérer, de développer le pacte économique liant les pays utilisateurs de cette monnaie unique et commune.

Pour ma part, outre des convergences en matière de politique économique, outre l'existant – engagements de stabilité et de croissance définis par un certain nombre de paramètres, parmi lesquels on peut évidemment retenir ceux concernant le déficit et le rapport de la dette au PIB – j'appelle de mes voeux l'impératif rapprochement des compétitivités des économies, notamment entre les pays les plus compétitifs, comme l'Allemagne, et les pays les moins compétitifs, notamment l'Irlande, le Portugal et la Grèce, pour qui la situation est beaucoup plus difficile.

Voilà donc un certain nombre d'améliorations que l'on peut espérer à la suite de la communication de la Commission et des travaux du groupe de travail présidé par M. Van Rompuy, ledit groupe ayant en outre mission de prescrire un certain nombre de modifications juridiques sans pour autant remettre en cause le traité tel qu'il existe aujourd'hui.

L'un d'entre vous – je crois qu'il s'agissait de M. Dupont-Aignan – a évoqué d'autres pays, comme si aucun autre pays n'avait jamais pris de mesures structurelles de fond pour améliorer sa situation après une phase de déflation durable. Rappelons-nous la Corée du Sud, à la fin des années 1990, la Suède au début des années 1990, la Belgique, plus récemment, l'Irlande, tout dernièrement. Chacun de ces pays aurait pu passer par une phase de déflation grave, éventuellement de récession ; ce ne fut le cas d'aucun. Chacun, en revanche, a mené des réformes structurelles en profondeur. Ces pays ont rétabli leur compétitivité et retrouvé une croissance qui leur a permis de rétablir leurs finances publiques. Je pense particulièrement à la Corée et à la Suède.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Tout à fait ! Le Canada a également rétabli sa situation dans des délais encore plus courts que certains des pays auxquels je pense, tout en renouant avec la croissance.

L'un d'entre vous – était-ce M. Pierre-Alain Muet ou M. Caresche ? – a demandé comment les mécanismes pouvaient être améliorés. La Commission et le groupe Van Rompuy nous feront des propositions. La chancelière Angela Merkel a, pour sa part, évoqué hier des mesures drastiques, comme la suspension des droits de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Il ne faut pas l'écouter ! Elle était un peu énervée !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je crois qu'il faut explorer toutes les pistes, être ouverts, en particulier et avant tout à des mécanismes d'alerte plus efficaces, qui interviennent ex ante et pas nécessairement ex post, lorsqu'il est trop tard et que des mesures très lourdes doivent être prises. Tel est l'objet des travaux en cours.

S'agissant de la régulation financière, vous m'avez interpellée, monsieur Pierre-Alain Muet, en affirmant que rien n'aurait été fait depuis dix-huit mois. Comme vous l'imaginez, je m'inscris évidemment en faux contre vos affirmations. Ainsi, en matière de paradis fiscaux et de paradis prudentiels, plus de 300 accords ont été signés.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Ils n'ont pas, monsieur Emmanuelli, été signés entre paradis fiscaux, à l'exception de 10 % d'entre eux, effectivement conclus entre États pratiquant la rétention d'information. Il y a donc 270 accords qui ne sont pas dans ce cas.

Il est vrai que, si le temps est galant homme, il ne nous est pas toujours propice. Pourquoi donc ? Une fois les accords signés, ils doivent être ratifiés de part et d'autre, après quoi il faut vérifier sur pièces et sur place la réalité des échanges.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je suis à votre disposition pour vous le montrer : il ne se passe rien !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je ne vous laisserai pas dire que rien n'a été fait, parce que nous sommes sans arrêt à la manoeuvre pour faire en sorte que les choses avancent.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

S'agissant des rémunérations, notamment celles des opérateurs de marché, la France a aussi été à la manoeuvre. Les conclusions du rapport remis par le conseil de stabilité financière montrent que, à l'examen de l'ensemble des politiques de rémunération, un peu de mesure a été apporté, qu'il s'agisse soit de mécanismes de principe, soit de mécanismes de régulation, qui ont plutôt été l'apanage des systèmes bancaires des pays anglo-saxons. Si un peu moins de mesure a été apportée dans ce second cas, toujours est-il que les autorités prudentielles sont désormais habilitées à sanctionner, par une exigence d'augmentation des capitaux propres, la non-conformité aux principes établis par le G20.

En outre, en matière d'augmentation des capitaux propres, les dispositions nécessaires ont été prises au niveau européen, dans la directive « capitaux propres », pour augmenter le niveau des capitaux propres. Il est ainsi exigé que les établissements conservent par-devers eux une partie de leurs programmes d'émissions, ce qui conduit à un partage du risque.

Toujours à la pointe de ce combat, la France essaie par tous les moyens de faire avancer des chantiers qui sont longs. Prenons l'exemple des agences de notation : c'est au mois de novembre 2008 que la France a obtenu le vote du règlement permettant l'enregistrement et le contrôle des agences de notation.

Les délais de maturation du processus législatif nous amènent au 7 juin, date à laquelle le règlement sera enfin applicable et nous permettra de soumettre les agences de notation, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, à l'Autorité des marchés financiers pour ce qui concerne leur enregistrement et leur contrôle.

C'est un travail lent et fastidieux, qui nécessite de passer par l'ensemble des mécanismes réglementaires et législatifs à l'échelon international, à l'échelon régional pour ce qui concerne l'Europe et à l'échelon national. Mais sachez-le, ce n'est pas un chantier sur lequel nous sommes mous, flexibles et dans l'attente ; nous sommes, au contraire, en permanence en situation de combat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais à mon tour faire part aux membres de la représentation nationale qui se sont exprimés dans la discussion générale, à gauche comme à droite de cet hémicycle, de la reconnaissance du Gouvernement tant en ce qui concerne la méthodologie suivie que la gestion du calendrier par la commission des finances. Nous sommes allés aussi vite et aussi loin que possible en suivant la ligne tracée par le gouvernement français pour anticiper la politique d'accompagnement d'un pays qui traverse la crise que nous savons et dont nous sommes solidaires.

Je m'adresse à celles et ceux qui ont fait part de leurs interrogations. Je ne reviendrai pas sur les modalités de prêt. Mais les choix du Fonds monétaire international, de la Banque centrale européenne et des instances de l'Union européenne ne sont pas seulement compatibles, ils sont aussi de nature à exercer une pression vertueuse sur le gouvernement grec, il faut le rappeler, pour qu'il mène à bien les réformes structurelles. Nous ne voulons pas faire de l'argent sur le dos de la misère grecque ou sur les difficultés du peuple grec ; nous voulons équilibrer des politiques publiques et en terminer enfin avec une insincérité de présentation des comptes pour aller vers un élément mieux partagé et mieux vécu par tous les partenaires de l'Union.

À celles et ceux qui se sont interrogés sur le volume ou l'enveloppe, j'indique que la règle retenue est celle du prorata – Christine Lagarde l'a développé avec le talent qu'on lui connaît. Pour ce qui est de la position française, je dirai que notre soutien a le même niveau d'exigence que celui de nos voisins et amis allemands concernant la mise en place dans le calendrier des trois années de réformes structurelles qui, nous le reconnaissons, seront douloureuses et nécessiteront un engagement total du gouvernement grec et, bien sûr, l'acceptation par la population. Nous essaierons d'être à leurs côtés pour les accompagner en ces temps difficiles.

Pour conclure, je me tournerai vers Nicolas Dupont-Aignan en rappelant un combat qui a vigoureusement animé la famille politique à laquelle nous appartenions – et dont beaucoup de membres sont ici présents –, autrement dit la famille gaulliste, au moment de Maastricht. Cher Nicolas Dupont-Aignan, tout en respectant vos convictions, je vous répondrai qu'il faut raisonner en creux et imaginer que, conformément à vos idées, le traité de Maastricht n'ait pas été appliqué ni, par conséquent, la monnaie unique. La situation serait bien pire !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Nous serions dans une situation de dévaluation compétitive orchestrée par les pays du sud, qui minerait les investissements de notre économie, ainsi que nos entreprises et qui altérerait en profondeur l'emploi. Le nier, c'est ne pas vouloir reconnaître l'évidence. Mais nier l'évidence, ce n'est pas l'effacer ! Voilà pourquoi, selon moi, il est inutile de continuer ce combat. Au contraire, il faut réfléchir à la manière de renforcer l'organisation de la gouvernance économique européenne. C'est tout le sens des conclusions déjà rendues sur une réflexion concernant les agences de notation, la gouvernance européenne et le positionnement du Fonds monétaire international par rapport à l'accompagnement de la Commission européenne. Regarder dans le rétroviseur n'est pas de bonne politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Nous ne regardons pas dans le rétroviseur, nous regardons au contraire en avant !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Il faut plutôt se projeter vers l'avenir, dans la perspective du renforcement de l'union politique, avec une déclinaison économique, dans une situation mondiale déstabilisée par un transfert de dette privée vers la dette publique. Aujourd'hui, ce sont les États qui sont attaqués et notre politique sera la meilleure réponse pour protéger notre économie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

J'appelle maintenant les articles de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Nous commençons par une série d'amendements portant articles additionnels avant l'article 1er, présentés par M. Brard.

Vous avez la parole, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, je vais vous faire une proposition honnête, comme il sied dans cette assemblée, qui nous permettrait, si Mme la ministre, M. le ministre et M. le président de la commission des finances en sont d'accord, d'avoir un véritable dialogue plutôt que d'égrener un par un les amendements de façon fastidieuse.

La question dont nous débattons est fondamentale et, vous l'aurez compris, nos amendements sont prétexte à discussion. Si nous pouvions regrouper les sujets, nous y gagnerions en densité, en intérêt et en temps.

Si vous êtes d'accord avec cette méthode, monsieur le président, car ce n'est pas moi qui préside, mais vous…

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

En effet, et je n'ai pas l'intention de vous laisser ma place, monsieur Brard ! (Sourires.)

Vous avez donc la parole sur l'amendement n° 30 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'en viens ainsi aux sujets qui me tiennent le plus à coeur.

Madame la ministre, vous avez dit tout à l'heure que la BCE avait décidé de ne pas tenir compte des notations. C'est bien, mais pourquoi ne l'a-t-elle pas fait avant que la situation ne se dégrade au point que la Grèce touche le fond ?

Vous avez dit que le Portugal ne pourrait pas subir le même sort. Mais aujourd'hui, il emprunte à des taux de 6 ou 7 %. Il est sur la mauvaise pente, car les spéculateurs savent que, pour la Grèce, la tonte sera bientôt terminée et qu'il faut chercher le prochain mouton ! Le Portugal, entre autres, a vocation à l'être.

Vous n'avez pas évoqué les pratiques que, pourtant, vous avez présentes à l'esprit : je pense à Goldman Sachs, qui était chargée de placer les bons du Trésor grec et qui a contribué à les déprécier, tandis qu'elle faisait la promotion des fameux CDS. Autrement dit, elle a gagné sur tous les tableaux ! Or il n'y a rien aujourd'hui dans le discours public qui ouvre la possibilité d'empêcher cela.

J'ai déposé des amendements qui ont été retoqués par le président de la commission des finances, pour des raisons qui lui appartiennent et que je ne conteste pas. Cela étant, j'eusse préféré qu'il ne les retoquât point ! Dans ces amendements, je proposais la constitution d'une sorte de fonds monétaire européen régional sous contrôle public, la constitution d'une agence de notation régionale sous contrôle public et la possibilité d'ouvrir des négociations d'État à État, avec des États qui ont des fonds souverains et pratiquent déjà de cette façon avec certains partenaires, se mettant ainsi en dehors des champs de la spéculation et des circuits bancaires. Une sorte de nouvelle régulation internationale est, de cette façon, établie entre les États qui ont une vision planétaire et recherchent la stabilité des relations internationales afin que les rapports économiques ne soient pas perturbés par les spéculateurs. Je souhaiterais, madame la ministre, vous entendre sur ce point.

En réalité, ce que je veux montrer, avec une partie de mes amendements, c'est qu'il y a de l'argent et qu'il faut le prendre là où il est.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je pense à certaines niches auxquelles vous semblez attachée, comme le bouclier fiscal. Je ne répéterai pas tout ce que nous nous disons depuis des mois, vous dans un sens, nous dans l'autre, mais si j'avais, à toutes ces questions, des réponses assez précises, cela me permettrait ensuite d'être plus bref dans la défense de mes amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Monsieur Brard, je reprends la liste de vos amendements. Vous venez de les évoquer en passant sur le dessus de la vague. Lorsque Mme la ministre ou M. le ministre vous auront répondu, vous n'entendez pas les reprendre un par un ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pas nécessairement. Je les reprendrai sans doute de façon plus globale. Mais, en fonction de la précision et de la densité de la réponse de la ministre, je reviendrai peut-être sur mes amendements pour ciseler autant que nécessaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

J'estime tout à fait normal d'expliquer à Jean-Pierre Brard les raisons qui ont amené le président de la commission des finances à ne pas retenir certains amendements qu'il avait déposés et qui n'ont donc pas été examinés par notre commission au titre de l'article 88 du règlement.

Il y a deux raisons à cela.

La première est que certains de ces amendements étaient des cavaliers. Or il est expressément prévu par la loi organique relative aux lois de finances que l'on ne peut retenir des amendements n'ayant rien à voir avec l'objet de la loi de finances qui doit être examinée. C'était le cas de ceux que vous aviez déposés, monsieur Brard, et qui visaient à demander des rapports au Gouvernement, qu'il s'agisse de la constitution d'un éventuel fonds monétaire européen, des actions menées par le gouvernement français comme par les gouvernements de la zone euro ou de la constitution d'une agence de notation.

Ces amendements visant à demander un rapport n'augmentent pas les charges publiques, mais sont en réalité sans relation avec l'objet même de la loi de finances rectificative que nous nous apprêtons à examiner. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante en la matière : ces amendements sont des cavaliers et ne peuvent être reçus dans une loi de finances. Voilà pourquoi j'ai été contraint, comme mes prédécesseurs pour des amendements de même nature concernant d'autres textes, de les déclarer irrecevables.

La deuxième raison est l'aggravation de la charge. C'est un motif d'irrecevabilité classique, auquel tous nos collègues sont sinon habitués, du moins résignés. Je constate, monsieur Brard, que vous faites partie des rares députés refusant de se résigner. Cela étant, il s'agit de prescriptions pour lesquelles je n'ai, comme mes prédécesseurs, aucune liberté d'appréciation.

Voilà pourquoi, mon cher collègue, vos amendements n'ont pas pu être retenus dans le cadre de cette loi de finances. Si le projet de loi de régulation financière est bien programmé par le pouvoir exécutif au sein de notre assemblée au mois de juin, ce type d'amendement pourrait alors trouver une place plus légitime pour être examiné en commission et, le cas échant, débattus en séance si vous l'estimez nécessaire.

Voilà les explications de forme que je souhaitais vous donner. Il va de soi qu'elles n'emportent aucun jugement de fond quant à l'objet des amendements que vous avez déposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

M. Brard évoque des questions importantes qui touchent au fond de notre débat et qui ont fait l'objet de discussions au cours des dernières semaines, lors de la préparation de ce plan.

Les agences de notation ayant posé de sérieux problèmes de fonctionnement, nous sommes conduits à nous interroger sur l'application de codes de bonne conduite et à faire enregistrer et contrôler ces agences par l'Autorité des marchés financiers – ce qui sera le cas à compter du 7 juin. Mais, plus largement, nous sommes amenés à nous interroger sur le nombre des agences de notation et sur la situation réelle de concurrence entre elles. Ce qui nous amène également à nous interroger tous ensemble sur la fiabilité et la confiance que l'on peut accorder à certains mécanismes de notation.

Des commentateurs, notamment outre-Rhin, avaient suggéré la mise en place d'une agence de notation publique qui serait, elle aussi, amenée à fournir des recommandations et des analyses financières sur des sociétés privées comme sur des États souverains. Pourquoi pas ? Nous devons examiner cette perspective, mais nous pouvons faire d'autres propositions qui permettraient, par exemple, de recourir à des indices de notation, à des analyses financières émises soit par des banques centrales, soit par des banques favorisant l'exportation, soit par des organismes comme la Caisse des dépôts, analyses dont l'agrégation permettrait de constituer un instrument peut-être un peu plus solide, notamment en matière d'appréciation de la qualité des dettes souveraines.

Voilà une réflexion qu'il nous paraît souhaitable d'engager à l'échelon européen. C'est en tout cas une proposition qui devrait être débattue pour réfléchir à l'amélioration de la gouvernance, en particulier sur les marchés financiers.

Le deuxième sujet que vous avez évoqué concerne la création d'un fonds monétaire européen. Dans le cadre des débats que nous avons eus depuis les mois de janvier et février avec, notamment, nos partenaires allemands, c'était l'une des propositions allemandes. Mon collègue Wolfgang Schäuble avait suggéré la constitution d'un fonds monétaire européen, qui aurait pu venir soutenir un État membre de la zone euro.

À l'heure actuelle, le traité de Lisbonne comporte un mécanisme de soutien en faveur des États situés en dehors de la zone euro : il s'agit du Fonds de mobilisation, déjà activé en faveur de la Hongrie, de la Roumanie ou de la Lettonie. Nous avons d'ailleurs décidé de l'abonder, en pleine crise financière, pour lui permettre de répondre aux besoins. En revanche, il ne peut être mobilisé au sein de la zone euro puisque la clause de no bail out, que vous avez évoquée, est inscrite dans les mécanismes du traité. Dans l'esprit initial de la zone euro – nous pourrions interroger ceux qui l'ont créée –, une fois les critères de convergence réunis par les candidats à l'entrée dans la zone, l'engagement de respecter le pacte de stabilité et de croissance devait prémunir tous les membres contre la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement avec la Grèce.

Nous constatons aujourd'hui qu'un mécanisme pérenne de soutien financier est nécessaire. Il faut évidemment examiner à quelles conditions il peut être mis en place. Passe-t-il par la constitution d'un fonds monétaire européen ? Pour ma part, je ne suis pas convaincue que la constitution de réserves similaires à celles du Fonds monétaire international soit appropriée dans des zones régionales. C'est l'évolution que l'on peut observer dans la zone Asie mais je ne suis pas certaine que l'on soit obligé de la dupliquer à l'échelle de l'Union européenne. La mise en commun de mécanismes bilatéraux sous forme d'accord intergouvernemental sous les auspices de la Commission, en liaison avec le FMI, telle que nous l'expérimentons actuellement, sera peut-être un mécanisme qui fera ses preuves et sera suffisant.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Pour autant, la solution d'un fonds monétaire européen ne doit pas être écartée : nous pourrons l'examiner avec nos partenaires de la zone euro.

Enfin, vous avez évoqué le recours à des fonds souverains, citant l'exemple de certains pays d'Asie. Nous n'avons pas examiné cette possibilité. Mais pourquoi pas ? On pourrait imaginer que des fonds singapouriens, le CIC chinois ou d'autres structures du même type, plutôt que de contribuer au financement du déficit américain, souhaitent intervenir en faveur d'autres pays dans d'autres zones monétaires. Cette solution intéressante n'a toutefois pas été examinée.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Il faudrait l'équivalent des bons du Trésor américain.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Nous avons préféré, dans un premier temps, rechercher une solution interne à la zone euro, puis établir une coordination avec le FMI, du fait de son expertise et de l'ampleur du financement nécessaire.

Voilà, monsieur le président, les réponses de fond que je souhaitais apporter à M. Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vous remercie, madame la ministre, pour ces réponses : enfin, le dialogue s'instaure même si nous ne sommes pas d'accord sur certaines choses. En l'occurrence, je suis plus pro-germanique que vous s'agissant de la création d'une agence de notation publique. J'ai cru entendre dans votre propos quelques dissonances, du moins quelques réserves, par rapport à la position allemande. Mais, si j'ai bien compris, le débat est ouvert et nous devrions y revenir dans le cadre d'un projet de loi qui sera soumis avant l'été à notre assemblée, ce qui est plutôt une bonne chose, à condition toutefois d'aller jusqu'au bout de la démarche.

S'agissant du fonds monétaire européen, je ne reviens pas sur votre position.

S'agissant des fonds souverains, il ne doit pas y avoir d'ambiguïtés. S'il s'agit pour eux de faire du business, comme les banques, ce n'est pas une solution. Pour ma part, je pense plutôt à de grands États comme la République populaire de Chine ou les Émirats, qui sont convaincus qu'il est de l'intérêt commun de rechercher des relations économiques stables, qui ne soient pas perturbées par les mouvements erratiques des spéculateurs, stabilité qui bénéficie en dernier ressort aux peuples dans leur diversité et qui constitue une vraie garantie pour la paix dans le monde. Partant de là, il faut inventer de nouveaux rapports entre les États. Madame la ministre, je vous disais que vous ne vous étiez certainement pas contentée d'aller voir les guerriers enterrés à Xian. Vos rencontres avec le président Jintao ont dû vous faire comprendre que c'était là une occasion rêvée pour poser ce genre de problèmes. Mais si j'ai bien compris nous reviendrons à ces questions dans le cadre du projet de loi que nous examinerons en juin.

Je ne veux pas allonger le débat, mais je voudrais savoir, madame la ministre, vous qui, bien qu'angliciste, avez assisté à un conseil des ministres allemand, ce qu'il en est de la dette de l'Allemagne à l'égard de la Grèce. Je considère qu'elle doit s'en acquitter. C'est une question économique, financière et morale, et tant qu'elle ne sera pas réglée, une ombre continuera de planer sur l'Europe. Il faut liquider les séquelles du passé. Les Grecs ont payé cher cette période de l'histoire récente. Les Allemands doivent consentir aux Grecs les réparations accordées aux autres, d'autant qu'un accord germano-hellène n'a pas été honoré jusqu'à présent.

Pour finir, monsieur le président, je vous précise que je considère avoir défendu en même temps que l'amendement n° 30 , les amendements nos 23 , 26 et 21 .

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Monsieur Brard, vous avez déposé dix-sept amendements portant articles additionnels avant l'article 1er. Leur objet a été évoqué dans votre dialogue avec Mme la ministre. Je vous suggère ou de les retirer ou de les défendre en une seule fois, ce qui nous permettra de passer à l'article 1er, sur lequel vous aurez toute latitude de vous exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, je sens en vous un héritier de Stakhanov ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Or, vous savez que sa réussite a été discutable. Je vous propose donc de ne pas vous inspirer de son exemple.

J'en reste à ces quatre amendements, car j'aimerais dire un mot des suivants. Je serai vraiment très bref.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Quel est donc l'avis de la commission sur les amendements nos 30 , 23 , 26 et 21 ?

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

(Les amendements nos 30 , 23 , 26 et 21 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mieux vaut être seul que mal accompagné et le fait de ne pas avoir convaincu ne doit pas conduire à désespérer du futur.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ce qui est charmant pour Mme Billard, présente à vos côtés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais il y a des nuances ! Il n'y a que vous, monsieur de Courson, qui cherchiez l'homogénéité totale.

Les amendements nos 19 et 20 partent du postulat que l'on ne s'en sortira pas tant qu'on ne rétablira pas la justice fiscale, laquelle passe par le rétablissement de la progressivité de l'impôt, que vous avez passée au Caterpillar. Il y va de la réinstauration de liens de légitimité entre les citoyens et l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Quel est donc l'avis de la commission sur les amendements nos 19 et 20 ?

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

(Les amendements nos 19 et 20 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Avec quels autres amendements allez-vous défendre le 33, monsieur Brard ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Avec le 24, et c'est tout !

Il s'agit d'améliorer le rendement de l'impôt que les sociétés doivent acquitter dès lors que l'État a joué son rôle d'assureur de dernier ressort au cours de la crise bancaire. Il est normal que l'État reçoive une contrepartie, d'autant que ces établissements vont bénéficier de l'accord avec la Grèce. Nous sommes défavorables au taux d'intérêt retenu, même si c'est vous qui en déciderez en dernier ressort. Nous réaffirmons qu'il n'y a pas de raison que les établissements financiers puissent en bénéficier dans les proportions habituelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Quel est donc l'avis de la commission sur les amendements nos 33 et 24 ?

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

(Les amendements nos 33 et 24 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Nous passons à l'amendement n° 29 . Lui tout seul, monsieur Brard ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Ah oui, monsieur le président, car il correspond à une revendication ancienne visant à rendre effective la taxe Tobin. M. Emmanuelli rappelait que le principe de cette taxe a été adopté par notre assemblée il y a fort longtemps, avec un taux hélas réduit à 0 %. La taxe Tobin fait régulièrement sa réapparition dans le débat sur la taxation des flux financiers internationaux. Elle fait même l'objet aujourd'hui d'un large consensus puisque Gordon Brown y voit une nouvelle source de financement pour lutter contre la pauvreté. En France également, puisque Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères – que l'on n'entend plus beaucoup – a déclaré qu'il avait fait cette proposition lorsqu'il était membre du gouvernement Jospin. À cet égard, madame la ministre, je me demande si M. Kouchner a aujourd'hui plus d'autorité au sein du Gouvernement qu'il n'en avait à l'époque. Pour l'instant, il ne semble pas avoir eu gain de cause.

En ce qui concerne notre pays, la discussion est quelque peu surréaliste puisque cette taxe, comme je l'ai rappelé, est déjà inscrite dans le code des impôts. Nous avons anticipé votre réaction et proposé un taux faible pour qu'elle soit efficace sans être confiscatoire, comme vous le diriez.

Vous qui soutenez, chers collègues, ce gouvernement qui a multiplié les discours sur la moralisation du capitalisme et la régulation financière, l'occasion vous est offerte de franchir une étape symbolique. Aujourd'hui, nous constatons tous que les fonds spéculatifs s'acharnent sur la Grèce. L'augmentation des taux consentis au Portugal montre qu'il est aussi menacé. C'est le moment de prendre une décision afin d'adresser un signal à l'égard des mouvements spéculatifs.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, je veux bien que nous allions vite mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Monsieur Brard, je ne passe pas encore à la mise aux voix. Je donne la parole à M. Nicolas Dupont-Aignan.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Madame la ministre, rassurez-vous je n'ai pas le talent de M. Brard et je ne vais pas prolonger les débats éternellement. Je tenais cependant à lui dire que, pour une fois, j'étais d'accord avec lui. Le problème de fond de votre prêt qui n'en sera pas un, c'est qu'il donne une fois de plus l'impression que les dirigeants européens sont tout à fait capables de se mobiliser quand les intérêts bancaires sont en cause, comme ils l'ont fait à juste titre lors de cette crise terrible, mais que les discours du Président de la République restent à l'état de voeux pieux lorsqu'il s'agit de prendre des mesures qui changent les choses, notamment la taxe Tobin, reconnue comme l'une des solutions susceptibles de réguler le système.

J'ajoute, madame la ministre, que si la Grèce avait la structure économique de la Suède, du Canada ou de la Corée, cela se saurait. En tout cas, ce sont les pires exemples que l'on peut donner car personne ne peut croire que la Grèce nous remboursera comme le feraient la Suède, le Canada ou la Corée qui n'ont pas du tout les mêmes structures. C'est méconnaître la réalité de l'économie de la Grèce et sa situation politique que de penser une telle chose.

Enfin, monsieur Baroin, ce n'est évidemment pas parce que des arguments, même s'ils ont été présentés il y a quelques années, s'avèrent justes et que ce qui se passe aujourd'hui est conforme aux prévisions que nous avions pu faire, que nous devons changer de conviction. Ce serait absurde. On a besoin de solutions.

Voilà pourquoi je ne changerai d'avis ni sur la taxe Tobin ni sur la monnaie unique, qui ne nous est pas commune et qui ne vise qu'à servir les intérêts de l'Allemagne.

(L'amendement n° 29 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Nous en venons maintenant, monsieur Brard, aux amendements nos 32 ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur Perruchot, vous parlez de quelque chose que vous connaissez mieux que moi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Nous sommes convaincus que la crise actuelle repose avant tout sur la question de la répartition des richesses et sur l'inégalité de cette répartition qui va, d'un côté, à la rémunération du capital et, de l'autre, à la rémunération du travail.

Avec la TVA, on taxe la consommation, on réduit le pouvoir d'achat. Et c'est un impôt injuste puisqu'il ne tient pas compte des revenus.

Madame la ministre, cet amendement de principe conteste fondamentalement votre politique, et nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de la loi de finances. Nous ne sortirons pas de la crise si vous ne redonnez pas de pouvoir d'achat à nos concitoyens. Vous ne pouvez le faire qu'en réduisant d'autant les privilèges consentis aux privilégiés.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

(L'amendement n° 32 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Monsieur Brard, je pense que les amendements nos 34 et 27 peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

..puisque ces quatre-là concernent l'ISF sous des formes diverses.

Nous voulons montrer qu'il y a de l'argent à condition de se baisser pour le ramasser là où il se trouve. Or, en la matière, madame la ministre, il faut reconnaître que vous avez du mal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pour ma part, je suis pour les grandes assiettes, parce qu'on y met plus de choses.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Pas dans la nouvelle cuisine ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Étant donné votre profil, monsieur le ministre, vous devez abuser de la nouvelle cuisine. Et elle ne vous profite pas beaucoup ! (Rires.)

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Je suis prudent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Beaucoup d'éléments échappent à l'assiette de l'ISF. Vous souhaitez combattre la fraude, et vous la dénoncez quand elle se développe chez les Grecs. Mais, c'est bien connu, en France ce n'est pas pareil ! Pourtant, vous le savez, les oeuvres d'art, par exemple, sont un vecteur fort du blanchiment et de trafics en tout genre.

Ces amendements visent à signifier à nos collègues qu'il y a encore de la marge. Puisque vous faites souvent référence au Président de la République – toutefois moins que d'autres, ce qui risque de nuire à votre carrière – vous avez là la possibilité de progresser dans la voie de la moralisation qu'il prétend favoriser. Vous ne serez crédible que lorsque vous joindrez l'acte aux déclarations d'intention.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

(Les amendements nos 34 , 27 , 28 et 22 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi de trois amendements, nos 31 , 25 et 6 , qui semblent, monsieur Brard, pouvoir faire l'objet d'une présentation commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous avez l'oeil perçant, monsieur le président.

L'amendement n° 31 vise à plafonner le montant du droit à restitution résultant du bouclier fiscal.

L'amendement n° 25 propose de soumettre les avantages qui résultent de la pratique de distribution de stock-options à une contribution sociale au taux de 8 %. Quand on voit ce que vient de toucher M. Riboud au titre de 2009, on se dit que, même si dans le quartier où il habite le prix du bifteck est plus élevé qu'à Montreuil, il pourrait payer davantage d'impôts sans pour autant être plus pauvre. Et ce serait excellent pour le Trésor public.

L'amendement n° 6 concerne les fameux CDS. Obtenir des bénéfices grâce à la pratique de ces produits complètement frelatés est immoral. Voilà pourquoi nous proposons une taxation à un taux qui, je le reconnais, est quasiment confiscatoire puisqu'il atteint 95 %.

J'ai cru comprendre, madame la ministre, que vous n'étiez pas loin de partager mon opinion sur le fait que ces CDS sont complètement déstabilisateurs et immoraux. Aussi serait-il normal que vous contribuiez à leur dissuasion, à défaut de leur interdiction totale.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Nous reviendrons, je crois, sur ce problème, avant la fin du mois de juin.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

(Les amendements nos 31 , 25 et 6 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 1er.

La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Je souhaite intervenir à ce stade de ce débat de grande qualité, compte tenu du caractère particulièrement novateur de l'article 1er.

L'article 1er prévoit la création, au sein du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », d'une section nouvelle : « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro ».

Je ferai trois constats.

D'abord, c'est la première fois qu'un tel événement se produit depuis la création de l'euro, ce qui met en évidence, par définition, contrairement à ce que pense Nicolas Dupont-Aignant, la solidité de cette monnaie. Les pays qui sont restés en dehors de la zone euro, et je pense en particulier à la Grande-Bretagne, ont connu un autre phénomène que nous avons nous-mêmes vécu au début des années 80, c'est-à-dire une dépréciation de leur devise. Pour la livre sterling, cette dévaluation de fait est de l'ordre de 30 % par rapport au dollar et à l'euro.

Ensuite, l'article 1er démontre que cette situation n'avait pas été prévue. Le cas de la Grèce qui nous préoccupe ce soir met en évidence le fait que la parité d'entrée de la monnaie grecque, la drachme, dans l'euro, peut être le point de départ de cette situation car aucun mécanisme d'ajustement à l'intérieur de l'euro par rapport aux parités d'entrée n'est prévu.

Enfin, on se rend compte que les instances de contrôle n'ont pas joué le rôle que l'on pouvait attendre, y compris à l'intérieur de la zone euro – je pense à Eurostat, voire à la Banque centrale européenne – car c'est à ce niveau qu'auraient dû intervenir les mécanismes d'alerte à l'égard des finances publiques grecques.

Madame la ministre, ceci a rendu aux agences de notation un rôle préjudiciable que vous souhaitez voir mieux encadré, à juste titre, car la spéculation est née de ce déficit de contrôle parmi les pays de l'euro-zone.

L'article 1er crée ce nouveau programme « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro », qui nous permet de donner un cadre législatif et budgétaire à la solidarité vis-à-vis de la Grèce. Nous ne pouvons qu'y souscrire, tout en souhaitant que ce programme ne comporte qu'une seule ligne et qu'il puisse faire l'objet, le plus tôt possible, d'un complet remboursement, et ainsi ne plus exister dans notre nomenclature budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Madame la ministre, dans un quotidien du soir, vous avez déclaré que ceux qui ne voteraient pas ce projet de loi refusaient en fait de soutenir la Grèce.

Je voterai contre ce texte au nom du Parti de gauche, non parce que je refuse de soutenir le peuple grec, au contraire, mais parce que je suis en désaccord avec le système proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Vous avez parlé des taux d'intérêt. En la matière, il y a une contradiction entre le président du FMI et vous-même. Qui empochera la différence ? Pas le contribuable français – ce ne serait pas très moral – mais, une fois de plus, les banques françaises qui détiennent une part importante de la dette grecque. Voilà une première raison pour ne pas voter ce texte.

Si la BCE avait prêté tout de suite à 1 % à la Grèce, nous n'en serions pas là. L'article 123 du traité de Lisbonne permet d'intervenir en cas de circonstances qui échappent au contrôle du pays concerné. L'Eurogroupe a décidé que l'on n'était pas dans cette situation et donc que l'on ne pouvait pas utiliser cet article. Or il aurait très bien pu décider le contraire. Voilà la deuxième raison pour ne pas voter ce texte.

Ensuite, ces prêts dont nous critiquons déjà la forme sont assortis de la mise en place d'un plan très violent d'austérité qui ne frappera pas les responsables de l'insincérité du budget, ce qui pourrait être justifié, ni les banques qui ont spéculé sur la dette grecque, mais le peuple grec qui n'y est pas pour grand-chose. Depuis plusieurs jours, les médias français nous expliquent que les Grecs ne travaillent pas mais qu'ils perçoivent quinze mois de salaire. Qu'en est-il réellement ? Contrairement à ce que l'on nous a dit, l'âge de départ en retraite n'est pas de cinquante-sept ans, ni même de cinquante-trois ans, mais de soixante-cinq ans pour les hommes et de soixante ans pour les femmes, avec un âge moyen de 61,4 ans. Les Grecs vont donc vivre une dégradation de leurs retraites.

Quant au salaire moyen d'un fonctionnaire grec, il est au mieux de 1 400 euros si l'on rapporte les quatorze mois sur douze mois. Un quotidien du soir nous donne l'exemple d'un technicien en radiologie médicale de l'hôpital public qui gagne 950 euros par mois. Les quatorze mois de salaires servent à rattraper les bas salaires. Les Grecs vont devoir supporter une baisse très importante de leurs revenus. Voilà un troisième élément de désaccord.

La façon dont a été gérée la crise en Grèce depuis le début est une véritable incitation à la spéculation boursière. Contrairement à ce que l'on entend, le problème, ce n'est pas la contagion de la crise grecque à d'autres pays, mais l'encouragement des banques à continuer de spéculer sur des pays comme le Portugal. Selon M. Strauss-Kahn, le Portugal va prêter à la Grèce à un taux inférieur à celui auquel il emprunte pour son compte. Le président du FMI s'extasie même devant cette réalité, de même qu'il s'enthousiasme en constatant que des pays pauvres comme le Mali sont parties prenantes de ce sauvetage. Voilà la quatrième raison pour laquelle nous sommes en désaccord avec ce plan.

Comment, en effet, est-il possible qu'on demande à des pays déjà en grande difficulté d'en aider un autre alors que les plus riches de la zone euro avaient la possibilité d'organiser la solidarité rapidement pour éviter que la crise ne prenne son ampleur actuelle ?

Je voterai donc contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je souhaite revenir sur un point essentiel : on parle d'aide à la Grèce, de remboursements… mais traite-t-on la cause du mal grec ? On peut certes déplorer un manque de rigueur de la part des dirigeants de ce pays, mais tout n'est pas là. Vous le savez d'autant mieux que la France est confrontée à la même difficulté, à savoir la baisse de sa compétitivité.

Je me suis procuré un petit graphique très parlant qui a été établi par Eurostat – gage de sérieux. Il montre, depuis 2000, de quelle manière les pays gèrent leur balance des paiements courants, et retrace leur déficit de compétitivité. La balance des paiements courants de la Grèce s'effondre ; celle de l'Espagne également ; celle de l'Italie baisse fortement et celle de la France l'accompagne. À l'inverse, la balance des paiements courants allemande progresse de façon continue. Pourquoi ? Parce qu'on ne traite pas la cause du problème.

Si l'on se limite à une course au dumping social et fiscal au sein de la zone euro, une récession globale permanente est inévitable. C'est le déficit de notre balance des paiements courants, nourri par notre consommation, qui a fait le succès des exportations allemandes et permis de maintenir dans la zone euro un semblant de croissance.

Le jour où tous les pays agiront de même, que se passera-t-il ? La zone euro s'enfoncera, comme elle commence d'ailleurs déjà de s'enfoncer, dans la croissance lente.

On semble considérer la dévaluation ou, du moins, la dépréciation monétaire, comme une catastrophe. Mais que font les États-Unis ? Que fait le Royaume Uni ? Que fait la Chine ? Ces pays profitent de la dévaluation monétaire ou de la dépréciation de leur monnaie pour gagner des positions à l'export, pour renforcer leurs excédents commerciaux, cependant que la zone euro est celle du chômage maximum. Comment pouvez-vous imaginer que le système puisse ainsi tenir à la longue ? À combien de sacrifices va-t-il falloir soumettre les peuples européens, leur jeunesse ? Combien de retard allons-nous continuer d'accumuler en matière d'investissements productifs, décisifs pour gagner la compétition mondiale du XXIe siècle ? Combien de temps allons-nous subir ce malthusianisme économique qui nous enfonce tous, les uns après les autres ?

Vous ne voulez pas voir la cause du mal, à savoir la manière dont est géré l'euro, cette monnaie unique qui ne correspond pas aux intérêts des différents pays. Quand vous aurez administré trop de potion amère aux pays de la zone euro, il ne restera qu'une solution : en finir avec la monnaie unique. (Murmures sur les bancs du groupe NC.) Vous allez faire détester l'Europe aux Européens alors même que l'Europe devrait être le moyen de nous aimer les uns les autres et de construire l'avenir, de bâtir le XXIe siècle scientifique et industriel en investissant massivement, comme le font bien sûr la Chine et les États-Unis qui, eux, jouissent d'une liberté monétaire que nous interdit l'euro.

La création prévue de cette nouvelle section « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » risque de concerner bien vite d'autres pays que la Grèce, à moins que le système n'explose avant.

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je mets aux voix l'article 2 et l'état A.

(L'article 2 et l'état A sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

(L'ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

J'appelle, dans le texte du Gouvernement, les articles de la seconde partie.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 8 , portant article additionnel avant l'article 3.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame et monsieur les ministres, vous paraissez soucieux de contrôler, de vérifier ce que les Grecs vont faire. Cet amendement vise à responsabiliser les États en les obligeant à contrôler les activités de leurs établissements financiers – ce qui vaudra pour le gouvernement français.

Je rappelle que les établissements français détiennent 25 % de la dette grecque, soit environ 50 milliards d'euros, que les établissements suisses en détiennent 21 % et les établissements allemands 14 %. Leur part de responsabilité dans la crise actuelle ne fait aucun doute. Ils ont contribué à l'endettement de l'État grec à des taux très rémunérateurs pour eux et ils voudraient maintenant ne pas avoir à payer les conséquences de cet endettement excessif.

Or votre texte les conforte dans leur volonté de s'exonérer de leurs devoirs. La responsabilité des gouvernements censés les contrôler doit donc être financièrement engagée pour que la surveillance de l'économique par le politique puisse se révéler réellement efficace.

Les 238 et 163 millions d'euros de profits que les gouvernements allemand et français vont respectivement réaliser sur le dos de la population grecque grâce au prêt dont nous discutons aujourd'hui, ne doivent pas dissimuler au yeux des Français les risques du chantage que font courir les banquiers aux populations grecques comme françaises. Ce sont bel et bien 50 milliards d'obligations de dette grecque que les établissements financiers français détiennent.

Le temps du grand ménage de printemps est venu pour le Gouvernement. Les organismes financiers ne doivent plus pouvoir agir en dehors de tout contrôle. Le Gouvernement doit donc enfin réfléchir aux conséquences de cette politique de course aux profits qu'il favorise de facto et en tirer les leçons qui s'imposent. Les fautifs doivent payer à hauteur de leurs responsabilités, surtout ceux qu'on retrouve, passez-moi l'expression, dans tous les coups foireux, comme la Société générale qu'on voit du Sentier à la Grèce en passant par l'affaire Kerviel. Ce sont toujours les mêmes et sont-ils mis en situation de payer ? Eh bien, non ! Ce sont les clients et les contribuables qui payent.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

M. Brard pose un vrai problème. Ce sentiment d'irresponsabilité exaspère de plus en plus nos concitoyens qui se retrouvent finalement être les prêteurs en dernier ressort alors qu'on leur demande toujours plus de sacrifices.

Je citerai Martin Wolf, dont je pense qu'il est plus libéral que M. Brard,…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…qui écrit dans une tribune du Monde de ce soir : « Le rôle des grands établissements financiers est, de toute évidence, problématique : ils sont tout à la fois les casinos, les plus gros joueurs, les agents d'autres joueurs et, si les choses tournent mal, ce sont eux qui tirent avantage de la responsabilité limitée et qui sont les premiers bénéficiaires des plans de sauvetage des gouvernements. C'est là, la garantie assurée de nouvelles catastrophes. »

Je constate que le Gouvernement, à nouveau, avec le soutien de l'opposition, est le premier assureur des personnes qui nous ont mis dans ces difficultés.

(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. le ministre du budget, pour soutenir l'amendement n° 37 rectifié .

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Cet amendement n'apporte rien de nouveau ; il reprend les ouvertures et les annulations de crédits du projet de décret d'avance, sur lesquelles la commission a donné son avis. Je rappelle juste que 45 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement et 35 millions d'euros en crédits de paiement pour Haïti, et 60 millions d'euros en autorisations d'engagement et 40 millions en crédits de paiements pour faire face aux conséquences de la tempête Xynthia.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

C'est M. le président de la commission qui va l'exprimer puisqu'il est à l'origine de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Vous êtes d'excellents duettistes et je suppose que M. Cahuzac, comme vous l'auriez fait, va donner l'avis favorable de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Si je ne m'abuse, les deux missions « Écologie, développement et aménagement durables » et « Recherche et enseignement supérieur » vont être les plus touchées par les annulations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement prévues par cet amendement. On peut se demander si, pour ce qui concerne la mission « Écologie, développement et aménagement durables », nous ne nous situons pas dans le droit fil de la déclaration du Président de la République au salon de l'agriculture, selon laquelle « l'environnement, ça suffit » !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Non, il a dit : « ça commençe à bien faire ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Quant à la recherche et à l'enseignement supérieur, compte tenu des besoins et si l'on en juge par tous les discours qui ne cessent d'insister sur la nécessité de stimuler l'une et l'autre pour sortir de la crise, on ne peut que s'étonner.

(L'amendement n° 37 rectifié est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Sur l'article 3 et l'état B, je suis saisi d'un amendement de coordination n° 35, présenté par le Gouvernement.

(L'amendement n° 35 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

L'état B devient donc l'état C.

La parole est à Mme la ministre de l'économie, pour soutenir l'amendement n° 36 .

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences de l'accord intervenu hier soir à l'issue de la réunion des membres de l'Eurogroupe, et donc de faire passer le financement convenu de 30 milliards d'euros pour la première année à 80 milliards d'euros sur trois ans dans le cadre d'un programme conjoint établi avec le Fonds monétaire international.

Au total, les autorisations d'engagement s'élèveront donc à 16,8 milliards d'euros, soit 20,97 % du montant total sur les trois années. Cette répartition correspond à une clef bien connue et se révèle manifestement plus favorable que celle correspondant aux engagements des banques.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je crois, madame la ministre, qu'il s'agit de l'amendement le plus coûteux que vous ayez jamais déposé depuis que vous siégez au Gouvernement.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Ah ! Vous savez…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

En effet, s'il était adopté, les autorisations d'engagement passeraient de 6,3 à 16,8 milliards d'euros. Avant que nous ne votions, laissez-moi vous poser une question très simple.

On nous demande d'augmenter les autorisations d'engagement pour que nous prenions notre part au prêt de 110 milliards d'euros accordé à la Grèce, dont 30 milliards sont pris en charge par le FMI et 80 milliards par les quinze États de la zone euro. Il s'agit de financer la totalité du déficit budgétaire grec estimé pour les années 2010, 2011 et 2012, déficit auquel on doit ajouter le remboursement de la dette actuelle évaluée à environ 300 milliards d'euros.

Mes positions politiques ne coïncident pas avec celles de notre collègue Dupont-Aignan – notamment sur les questions européennes –, mais il pose une vraie question, une question récurrente. Si nous agissons comme vous l'envisagez, nous nous substituons à la responsabilité des banquiers. Or, quand une entreprise se trouve en difficulté, on réunit autour de la table les banquiers, éventuellement un représentant de l'État, les représentants des actionnaires et ceux des salariés quand des plans sociaux sont envisagés, l'écoute des uns et des autres devant contribuer à redresser la situation. Ma grande crainte est que, par le mécanisme que vous proposez, nous n'en venions à totalement déresponsabiliser les banquiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je me suis livré à un petit calcul approximatif, mais qui n'en est pas moins significatif. Quelle est la part des 110 milliards d'euros versés à l'État grec pendant deux ans et demi qui servira à rembourser les banques qui lui ont prêté ? Presque 50 %, à savoir à peu près 55 milliards d'euros. Est-ce normal ? Je pense que non.

J'ajoute, madame la ministre, et je vous en avais fait l'observation en commission, qu'il n'est pas bon de faire croire aux opinions publiques que ces prêts ne dureront que trois ans. Chacun sait que c'est totalement impossible. J'ai donc posé la question de savoir pourquoi on n'avait pas mis tout le monde autour de la table pour étudier le rééchelonnement de la dette grecque, qui est inéluctable.

Après la Première guerre mondiale, certains hommes politiques français, immatures, ont fait croire au peuple français que le malheureux peuple allemand, ruiné, allait rembourser et payer les dommages de guerre. Bien entendu, au bout de deux ou trois ans, il était à genoux. Et en faisant cela, on a abouti à la montée du nationalisme, puis du nazisme dès que la grande crise s'est déclenchée.

Pourquoi ne pas dire clairement que le rééchelonnement de la dette grecque est inéluctable, qu'il faut le faire dès maintenant et que les États de l'Union sont prêts à aider, bien entendu, mais à condition que tout le monde fasse des efforts ?

Le peuple grec fait des efforts, peut-être à son corps défendant. Mais il a des représentants légitimes, et l'opposition de la Nouvelle démocratie appuie le gouvernement du PASOK. Parce qu'ils sont conscients qu'ils ont tous une certaine responsabilité dans la totale dérive de la gouvernance des finances publiques grecques.

Madame la ministre, ma question est très simple : pouvez-vous nous éclairer sur cette question de la substitution des États à l'irresponsabilité des banquiers ? Car notre famille politique a toujours défendu – pendant des décennies, nous étions d'ailleurs très seuls, nous centristes – le libéralisme économique, mais un libéralisme responsable : quand des fautes sont commises, l'auteur en paie les conséquences.

Par conséquent, pouvez-vous nous répondre : dans l'accord gouvernemental auquel vous êtes arrivés, comment les banquiers vont-ils contribuer à aider au redressement des finances publiques grecques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, c'est la providence qui nous envoie Charles-Amédée de Courson. Que dit-il, sinon ce que nous disons nous-mêmes depuis le commencement de ce débat ? Et il le dit avec des chiffres encore beaucoup plus précis que les miens. Moi, j'en étais resté à la conviction que tout ce plan n'était pas au bénéfice des Grecs, mais des créanciers. Et que nous dit Charles-Amédée de Courson ? Que 50 % des sommes vont aller directement aux banquiers. Je remercie notre collègue pour sa contribution à notre démonstration.

Si nous étions les seuls à dire cela, les journalistes pourraient croire que c'est un point de vue a priori. Or la démonstration que vient de faire notre collègue est imparable. Quand il y a un sinistre, que se passe-t-il, du moins lorsque nous n'avons pas un gouvernement qui s'empresse de jouer le rôle de saint-bernard en se portant à la rescousse des actionnaires des banques ? Eh bien, les banquiers, pour ne pas tout perdre, se mettent à table pour trouver un compromis et renoncent à une partie de leurs actifs, sur la base d'une négociation. C'est là quelque chose d'extrêmement banal.

Mais nos banquiers, soutenus avec ardeur par le Gouvernement, sont inflexibles. Et cela ne date pas d'aujourd'hui. Écoutez plutôt, chers collègues, vous allez être édifiés : « La finance française domine également à Athènes. Ce n'est certes pas sans de vigoureuses empoignades, notamment avec le concurrent allemand qui, du premier rang qu'il tenait, est passé au quatrième. La Grèce est déjà fortement endettée et en état de semi-banqueroute lorsque, en 1897, elle attaque l'Empire ottoman. Battue, elle est sauvée du désastre par les puissances qui imposent la création, en 1898, d'une Commission financière internationale de contrôle. » Cela ne ressemble pas à ce qu'on nous propose ? « À partir de cette date, tandis que de nombreux titres passent d'Allemagne en France, des banques anglaises sont les partenaires privilégiés du groupe français qui s'active à Athènes. » Et qui est dans ce groupe français ? Écoutez bien, mes chers collègues : le Comptoir national d'escompte – le grand-père de la BNP –, la Société Générale, le Crédit Lyonnais.

Le texte que je viens de vous lire relate des faits qui se sont produits en 1914 et les années précédentes. Vous voyez qu'il y a des constantes dans l'histoire du grand capital. Mais il y a une différence. À l'époque, les Français portaient cela à la pointe des baïonnettes. Aujourd'hui, la guerre économique se mène autrement, mais toujours au bénéfice des mêmes intérêts. Vous trouverez ce texte dans un livre excellent intitulé La France impériale.

Je conclurai avec cette phrase, un peu plus bas : « En 1914, le capital français a une situation dominante, qui trouve son répondant dans l'influence du représentant français à la Commission financière internationale installée à Athènes. »

Quelle est la situation, aujourd'hui ? Le premier créancier de l'État grec, ce sont les banques françaises. Comme quoi, il y a des constantes, dans l'histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Notre collègue Charles de Courson a mis le doigt sur le point clé. À minuit et demie, dans un hémicycle un peu vide, nous débattons, quand même, de sommes extravagantes. Comment pouvez-vous demander aux Français un effort sur les retraites, à hauteur de plusieurs milliards d'euros – un effort que je crois légitime –, et en même temps, dans une seule soirée, engager la France pour des montants aussi extravagants, et le faire sans exiger aucun esprit de responsabilité des banquiers que vous couvrez ? C'est impensable. C'est alimenter la défiance de l'opinion publique à l'égard de l'ensemble de la classe politique. Ce n'est pas simplement la question de la droite ou de la gauche. Faut-il attendre que l'abstention atteigne 80 % des inscrits ? Faut-il attendre des protestations populaires ? Sentez-vous l'écoeurement qui monte dans le pays ? La décision que vous prenez aujourd'hui participe de cet écoeurement. Après, il ne faudra pas se plaindre, quand vous verrez certains partis, notamment extrémistes, faire toujours plus de voix aux élections. Il ne faudra pas se plaindre, surtout que le PS et l'UMP sont totalement solidaires, dans cette affaire. Vous couvrez quelque chose d'inacceptable.

Pour moi, comme pour M. de Courson, même si nous ne sommes pas du tout d'accord sur l'avenir de l'Union européenne, il n'y a pas de libéralisme sans esprit de responsabilité. Et il n'y a pas d'esprit de responsabilité sans un minimum de respect, par des intérêts privés, de l'autorité de l'État. Or, ici, c'est l'autorité de l'État qui est bafouée.

Le tour de passe-passe est clair. Vous allez réduire les créances des banques sur la Grèce, mais qui restera créancier de la Grèce ? Ce sont les contribuables. C'est cela, la réalité. Que dit M. de Courson, très limpidement ? Que vous allez réduire les créances des banques, et qu'ensuite, puisque vous savez très bien, au fond de vous-mêmes, qu'il y a une très forte probabilité pour que la Grèce ne puisse pas honorer ses dettes, le rééchelonnement aura lieu. Mais les banques n'y participeront pas. Vous aurez protégé les créances bancaires, et ce sont les contribuables français qui se retrouveront, dans un, deux, ou trois ans, à devoir rééchelonner la dette. Il est là, le tour de passe-passe inacceptable qui est devant nos yeux. Et je ne vois pas au nom de quoi les dirigeants européens n'auraient pas pu convoquer les banques engagées sur la Grèce pour faire un tour de table permettant au moins de partager le fardeau.

Voilà pourquoi le débat de ce soir est extrêmement important et extrêmement grave pour l'avenir de notre pays, ainsi que pour la crédibilité des autorités politiques.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je voudrais souligner que ce plan n'est pas un plan de soutien aux établissements bancaires. C'est un plan de soutien à l'État grec, dont la situation financière est considérablement dégradée, notamment en raison d'une certaine incurie dans la gestion des finances publiques. C'est confrontés à cette situation que l'ensemble des membres de l'Eurogroupe, y compris des États particulièrement rigoureux en matière de finances publiques et de contrôle des établissements bancaires, ont décidé de porter secours, collectivement, dans le cadre du soutien à une institution à laquelle nous croyons – peut-être pas tous, dans cet hémicycle, et je le regrette, parce que je crois qu'il y a une ambition collective à vouloir défendre la zone euro.

Je précise que l'IIF, l'Institut international de la finance, a appelé l'ensemble de ses membres à soutenir le plan, et donc à maintenir leurs expositions sur le risque grec.

C'est un effort qui a été engagé, appelé, soutenu, par l'ensemble des pays de la zone euro, et ce pour une raison très simple : nous croyons, au même titre que le FMI, en la qualité de ce plan, nous croyons aux engagements du peuple grec représenté par son gouvernement, et nous pensons ensemble, avec notamment la Banque centrale européenne, que ce plan permettra à la Grèce de rétablir sa crédibilité sur la scène internationale et d'accéder à nouveau au marché financier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Le débat qui a été lancé par Charles de Courson et par les deux collègues qui se sont exprimés après lui est évidemment le débat de fond de ce soir. Nous pouvons au moins nous accorder sur ce constat.

Quels sont les enjeux ? Selon le Financial Times, 51 milliards. Selon la Banque des règlements internationaux, 54 milliards. Selon les chiffres des autorités financières, qui ont effectué un travail plus approfondi, c'est-à-dire tenant compte en particulier des fonds communs de placement, de l'ordre de 70 milliards d'euros. Sur ces 70 milliards d'euros, il est probable que les banques françaises détiennent environ 16 milliards de dettes souveraines. Le reste concerne des dettes privées.

Je comprends bien la position de certains, qui, n'ayant jamais cru à la zone euro – je ne partage pas ce point de vue, mais je le respecte –, espèrent voir se lever des orages afin que la pluie diluvienne lave ce qu'ils estiment être des institutions superfétatoires et balaye des politiques menées avec constance par toutes les autorités publiques de ce pays depuis des dizaines d'années.

Je ne fais pas partie de ceux qui souhaitent voir ces orages se lever. Parce que, si, à cette occasion, certains peuvent être punis, on sait que d'autres le seront plus fortement encore que ceux qui sont visés, et probablement de manière plus durable.

L'exemple de la crise financière de l'automne 2008 est éclairant. Les autorités américaines ont voulu punir une banque, pour des raisons dont certaines étaient probablement d'une rare médiocrité. Il est clair qu'une banque a disparu, et qu'au moins certains de ses dirigeants ont pu se sentir punis. Mais la punition est allée largement au-delà de la cible qui, à l'époque, était affichée. Et nous en payons tous le prix, encore aujourd'hui. Quand je dis nous, je veux parler des peuples européens, qui ne portaient pas de vraie responsabilité, ni dans le déclenchement de cette crise, ni dans l'accumulation des prémices qui auraient dû la faire prévoir avec plus de lucidité par les dirigeants nationaux.

Je crois que cette comparaison est éclairante. Je peux comprendre la volonté de certains de voir des établissements bancaires punis à l'occasion de la résolution de la crise grecque. Car, objectivement, des institutions bancaires ou financières ont profité de la fragilité de la Grèce pour lui prêter à des taux outrageusement scandaleux. Cette punition est possible, mais nous savons qu'elle débordera largement le cadre prévu par ceux qui souhaitent responsabiliser, en l'espèce, les acteurs bancaires et financiers.

Aussi désagréable que cela puisse paraître, je pense donc qu'il faut accepter qu'à l'occasion de ce plan, des banques se voient remboursées par un État grec n'ayant plus de problème de liquidités, précisément grâce à la solidarité de la zone euro.

Mais il est vrai, aussi, que si cette résolution permet, dans les vingt-quatre à trente-six mois qui viennent, d'envisager avec une certaine sérénité la situation de la Grèce, puisque son problème de liquidités est réglé, la question de sa solvabilité ne l'est pas. D'aucuns pensent même qu'à cette occasion, il faudra faire ce que certains appellent aujourd'hui de leurs voeux, de manière à mon sens totalement prématurée, à savoir procéder au rééchelonnement, à la restructuration de la dette grecque. À cette occasion-là, les pouvoirs publics auront rendez-vous avec la conscience de leurs peuples. Car c'est à cette occasion-là que les responsabilités des uns et des autres devront être rappelées. C'est alors que les dettes auxquelles les États ont consenti pour résoudre cette crise devront être privilégiées, si les créances que les banques ont sur ce pays devront, elles, être considérées comme secondaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

M. le président de la commission ne fait pas partie de ceux qui remettent en cause l'euro. Soit. Cela n'empêche pas de constater que des établissements bancaires ont profité de la situation de la Grèce : et finalement, ces banques qui ont prêté à des taux outrageux, à des taux scandaleux, s'enrichiront encore une fois aux dépens de l'État grec, aux dépens du peuple grec !

On en revient à la situation que nous avons vécue avec la crise des subprimes. Alors, les banques avaient gagné ! Aujourd'hui, les banques françaises ont reconstitué leurs profits comme avant la crise ; aujourd'hui, les banques qui ont prêté à la Grèce vont pouvoir reconstituer leurs profits – ce n'est pas elles qui vont payer la crise grecque ! Elles ne sont jamais punies quand elles spéculent, sur la dette des États ou sur autre chose : mais alors qu'est-ce qui les arrêtera ? Qu'est-ce qui les convaincra de ne pas chercher une nouvelle raison, un nouveau moyen de spéculer ? Qu'est-ce qui les convaincra de ne pas attaquer demain le Portugal, après-demain l'Espagne, et pourquoi pas ensuite la Grande-Bretagne et la France ?

Si on ne met aucun frein à la spéculation des banques, on pourra continuer à se plaindre et à pleurer dans les années qui viennent.

Madame la ministre, monsieur le ministre, il existait pourtant une solution : obliger les banques qui détiennent la dette grecque – dont les banques françaises – à prêter à la Grèce, à un taux qui aurait été par exemple de 2 %. Ainsi, la Grèce serait sortie de la crise dans laquelle elle se trouvait, sans que ce soit le peuple qui paye massivement les profits de banques qui vont s'enrichir une fois de plus sur le dos d'un pays – en attendant les suivants.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Charles de Courson, à condition qu'il apporte au débat un élément nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je retire l'amendement n° 2 , monsieur le président.

Je voudrais également faire remarquer au Gouvernement que, si l'État grec respecte ses engagements, le niveau de la dette publique grecque en 2014 sera de presque 150 % – ce qui signifie que les prêts à trois ans consentis par les quinze États de la zone euro ne peuvent absolument pas être remboursés en trois ans. Vous nous l'avez expliqué en commission : ces prêts peuvent être prolongés. Ils le seront, bien entendu !

Ce que je demande, c'est qu'on le fasse dans le cadre d'une entente globale avec les banquiers. Il n'y a pas de raison que seuls les États, c'est-à-dire les peuples de la zone euro, soutiennent la Grèce. Ceux qui ont prêté à la Grèce doivent aussi assumer leurs responsabilités !

À la différence de mes deux collègues Brard et Dupont-Aignan, je suis profondément européen. Et je leur dis à tous deux : avez-vous réfléchi à ce qui se passerait s'il y avait, comme vous le demandez, une clause de sortie de la zone euro pour la Grèce ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je n'ai jamais dit ça ! M. de Courson sera de Domrémy : il entend des voix.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

C'est ce que M. Dupont-Aignan – que j'apprécie par ailleurs – préconise.

Si la Grèce sort de la zone euro, il faudra réémettre des drachmes – il y en a bien sûr pour quelques mois. Et cette monnaie s'effondrera par rapport à l'euro : la dette publique grecque, qui n'est pas exprimée en drachmes mais en euros, explosera. La dette ne serait plus à 146 % ; elle pourrait atteindre 300 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Et alors l'État grec s'effondrerait à son tour ! Ce serait pure folie !

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Merci, monsieur de Courson. Je crois que nous avons bien compris vos explications.

(L'amendement n° 36 est adopté.)

(L'amendement n° 2 est retiré.)

(L'article 3 et l'état C annexé, amendés, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 12 .

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le plan d'austérité qui va s'abattre sur la Grèce taillera dans les dépenses publiques, pour le plus grand bonheur des banquiers et des intérêts privés, pour le plus grand malheur du peuple grec. Le chômage, les bas salaires, la santé inaccessible, l'éducation au rabais : voilà ce qui menace les Grecs aujourd'hui. Désormais, l'État grec surendetté est passé entre les mains des banquiers. Il y a donc fort à parier que les nouveaux maîtres de l'Acropole continueront ce qu'ils ont toujours fait : spéculer plus pour gagner plus. Si les spéculateurs gardent leur pleine latitude d'action, la population grecque va continuer à souffrir. Il faut donc les obliger à diriger leurs investissements vers des projets susceptibles d'accroître le patrimoine collectif de la Grèce, vers des projets susceptibles donc de profiter à tous les Grecs.

Comme le disait Keynes, la dépense publique a un effet multiplicateur sur l'activité économique : au lieu de supprimer des postes de fonctionnaires, de réduire le pouvoir d'achat des citoyens, de les fragiliser en faisant peser sur eux la menace du déclassement, il faut rehausser les salaires, rétablir la confiance des ménages et mettre en oeuvre une politique de grands travaux. Voilà des solutions de compromis qui devraient être mises en oeuvre pour remettre la Grèce sur pied.

Les banquiers nous ont largement prouvé ce dont ils étaient capables. Ne les laissons pas continuer et obligeons-les à assainir durablement la situation économique de la Grèce.

(L'amendement n° 12 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Monsieur Brard, je crois que la philosophie de l'amendement n° 11 est la même que celle du précédent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pas vraiment, monsieur le président : vous avez une vue trop globalisante.

Qui peut comprendre que la solidarité entre les États de l'Union européenne puisse être financièrement intéressée ? Alors qu'Athènes est au bord de la faillite, alors que la population grecque manifeste et se met en grève pour la défense de ses droits et de ses salaires, alors qu'un plan de casse sociale sans précédent est en train d'être mis en place par le FMI et les instances européennes avec le soutien actif du gouvernement grec, qui pourrait comprendre que des États comme l'Allemagne ou la France puissent faire des profits en vendant de l'argent à la Grèce ?

Aujourd'hui, Bercy se procure de l'argent à cinq ans à 2,28 %. Le prêter à la Grèce à un taux de 5 % rapporterait des intérêts. Par humanité, par respect pour le sens même des valeurs que nous avons vocation à défendre ensemble, pour que le principe de solidarité conserve tout son sens, nous vous demandons d'adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je ne ferai que deux remarques.

D'une part, si nous étions effectivement dans le cadre de la solidarité européenne dont tout le monde se gargarise ici, le prêt ne serait pas à 5 % ! J'ajoute même que, quand on connaît les conditions de refinancement auprès de la Banque centrale européenne, on peut s'interroger sur la marge permanente offerte aux banques pour assurer le refinancement des États. La proposition de M. Brard me paraît donc de bon sens, même si Mme la ministre nous a bien expliqué tout à l'heure que certains pays ne pourraient pas se situer à ce niveau-là de taux d'intérêt.

D'autre part, je réponds à M. de Courson qu'en cas de cessation de paiement de la Grèce, il serait tout à fait possible de revenir à la drachme, qui serait fixée au niveau auquel elle était lorsque la Grèce est entrée dans la zone euro ; ensuite seulement, elle serait dévaluée : cela équivaudrait à une cessation de paiement sur 30 % environ de l'ensemble. Mais vous verrez que vous arriverez très prochainement à ces 30 % de cessation de paiement : compte tenu de ce que vous venez d'expliquer, la Grèce ne peut en vérité pas s'en sortir. Elle est prise dans un piège sans fin.

(L'amendement n° 11 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 1 rectifié .

La parole est à M. Charles de Courson, pour en faire une présentation rapide.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Cet amendement est extrêmement simple, monsieur le président. Depuis que je suis député – cela ne fait que dix-sept ans –, on nous a souvent proposé des plans de redressement, le plus célèbre étant celui du Crédit lyonnais, mais il y en a eu quelques autres. Ensuite, ils disparaissent : le Parlement n'est pas informé des suites.

L'amendement proposé par le groupe Nouveau Centre consiste donc simplement à demander au Gouvernement de nous rendre compte chaque trimestre puisque c'est le délai choisi dans l'accord scellé dimanche.

Un tel rapport permettrait aux commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat de suivre la situation, et éventuellement d'en tirer les conséquences – par exemple par une réduction du montant de l'autorisation d'engagement ou par l'absence d'ouverture des crédits de paiement, si l'État grec ne devait pas respecter strictement les engagements pris ce dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Avis défavorable. Plutôt qu'un rapport, la commission a souhaité que le Gouvernement s'engage à nous faire un compte rendu régulier, au moins chaque trimestre, puisque le plan de redressement de la Grèce sera trimestriel.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je crois plus sûr – et moins dangereux pour l'avenir de nos forêts, puisque nous économiserons le papier d'un rapport de plus – de demander au Gouvernement de venir nous rendre compte trimestriellement devant la commission des finances.

Je suis tout à fait disposé à m'engager devant l'Assemblée à demander, tous les trois mois, aux ministres qui siègent aujourd'hui dans cet hémicycle, de venir nous dire ce qu'il en est du suivi et de l'exécution de ce plan, ainsi que de la manière dont chacun observe les engagements qu'il a pu prendre vis-à-vis de l'autre. Outre que ce sera sans doute plus agréable pour les ministres concernés, je pense également qu'en termes de contrôle parlementaire, ce sera plus efficace qu'un rapport.

Je suggère donc à notre collègue – même si ce n'est pas mon rôle – de retirer son amendement, en tenant compte des indications que je viens de lui donner avec l'accord des ministres concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je crois comprendre que Mme la ministre approuve les propos de M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Tout à fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Dans ce cas, je retire mon amendement.

(L'amendement n° 1 rectifié est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le nuage de cendres islandais à peine dissipé, voilà qu'un nouveau spectre hante l'Europe : le spectre du défaut de paiement. Pour le traquer, toutes les puissances de la vieille Europe, d'Athènes à Lisbonne et de Madrid à Reykjavik, se sont unies en une Sainte Alliance : il ne s'agit plus cette fois-ci du pape et du tsar, de Metternich et de Guizot, des radicaux français et des policiers allemands réunis par la peur partagée du communisme émergent, mais des capitales européennes terrorisées par l'ampleur des dettes qu'elles ont contractées et par la perversité d'un système qu'elles ont elles-mêmes engendré et favorisé. Des capitales terrorisées en fait par le capitalisme et ses effets. À cette peur bien légitime, les gouvernements européens n'ont trouvé qu'une seule réponse : il faut rassurer les marchés ! Et pour cela, tous les moyens sont bons.

Et revoilà la politique de dumping fiscal et social ! Or la Grèce est un modèle de dumping, ce qui explique pour une part la crise actuelle. Cet amendement demande donc au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 30 septembre 2010, un rapport relatif à l'opportunité de lutter efficacement contre le dumping fiscal et salarial au sein de l'Union européenne, dumping dont nous avons largement souffert – nous pensons à l'Irlande – pour des bénéfices en sa faveur qui montrent aujourd'hui leur fragilité. Nous voyons bien qu'il n'y a pas dans cette voie de solutions pour le développement économique. De ce fait, une étude approfondie et un rapport du Gouvernement contribueraient à éclairer notre lanterne pour définir des politiques permettant d'endiguer ce dumping.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Avis défavorable.

(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 15 .

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je comprends parfaitement que le Gouvernement fatigue. Mais comment peut-il tenir dans les négociations internationales s'il fait preuve d'aussi peu de tonus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Par cet amendement, nous proposons de réfléchir à la création d'un fonds européen de solidarité financière, qui serait alimenté par tous les États de la zone euro. Ce fonds pourrait accorder des prêts à des taux d'intérêt très faibles – cela a été évoqué par Martine Billard – aux États dont la situation économique le nécessiterait. Les États n'auraient donc plus à se tourner vers les banques privées dont l'objectif est le profit immédiat. Il convient de réfléchir aux moyens de libérer les acteurs publics de leur dépendance, de leur asservissement aux intérêts privés.

En libérant les États de cette emprise, le fonds européen de solidarité financière assurerait la stabilité de la zone euro. M. de Courson n'a certainement pas bien écouté ce que nous avons dit au cours de la soirée : nous n'avons pas du tout proposé que la Grèce sorte de la zone euro. Nous sommes des marxistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je laisse le léninisme à Charles-Amédée de Courson. Encore qu'il pourrait en faire des choses pires que Lénine lui-même !

J'en reviens à l'amendement n° 15 . Nous vous demandons, mes chers collègues, d'avoir l'audace de réfléchir à ces problèmes avec nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Personne ne refuse de réfléchir, mais la commission et le Gouvernement doivent se prononcer.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Même avis.

(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances rectificative, la parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Le groupe SRC votera ce collectif budgétaire. Je voudrais cependant, mes chers collègues, vous mettre en garde contre un triomphalisme que j'ai cru percevoir, notamment dans les propos de M. Jérôme Chartier. Présenter ce texte comme une grande victoire de la France, voire du Président de la République, me paraît très largement excessif. Je préfère l'humilité de M. François Baroin ou de Mme Lagarde, qui n'en font pas une victoire.

Quel sont nos regrets ?

Premièrement, nous regrettons la lenteur de ce plan. Vous nous avez dit : « Nous y sommes arrivés » – ou presque. Mais n'oublions pas que les ordinateurs des traders fonctionnent au millionième de seconde alors qu'il nous a fallu plusieurs mois pour parvenir à ce plan de sauvetage.

Deuxièmement, notre regret a trait aux taux. Et l'on peut avoir le sentiment, ne vous en déplaise, que des bénéfices seront réalisés sur la misère d'un peuple, aux côtés duquel nous souhaitons nous engager.

Troisièmement, madame la ministre, vous dites réfléchir, vous prétendez même avoir écrit des courriers pour obtenir des codes de bonne conduite. Vos prises de position sur la régulation, sur les agences de notation, sur les CDS, que vous ne souhaitez pas interdire mais que vous souhaitez voir organiser dans un marché ordonné, nous montrent que la régulation n'est pas encore effective.

Notons aussi que c'est finalement l'Allemagne qui a imposé sa loi et ses règles. Pour ce qui est des diktats des marchés, notre collègue Perruchot a indiqué à quatre reprises que les marchés exigeaient telle ou telle mesure, telle ou telle démarche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

C'est donc aussi une victoire des marchés.

Dernier élément, qui me paraît le plus important : les banques – le débat l'a montré – s'en sortent finalement bien. Une fois de plus, les risques supportés par les États vont se substituer, et probablement dans la durée, aux risques actuellement supportés par les banques. Nous regrettons d'autant plus votre absence de volonté de taxer le système bancaire. Nous vous l'avions proposé ; vous avez refusé de nous suivre.

Les États vont se substituer aux banques, pour ce qui est du fonctionnement de l'économie et de l'organisation de la finance internationale. Il nous semble que la contrepartie serait d'avancer sur la question de la taxation des bénéfices des banques. Des pistes existent, elles ont été explorées, mais vous les avez malheureusement abandonnées.

Le groupe socialiste restera vigilant quant à la mise en oeuvre des mesures de régulation et au suivi, dont M. le président de la commission des finances a souligné la nécessité.

Nous voterons néanmoins ce texte, mais sans triomphalisme. Restons humbles ! Il ne s'agit pas d'une grande victoire ni de la France, ni du Président de la République, ni de l'Europe. Il s'agit d'éteindre un incendie qui menace de s'étendre à l'ensemble de notre Communauté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la ministre, dès le début de votre propos, vous avez formulé votre credo. Vous avez parlé de « confiance des marchés » et, juste après, de « défiance des marchés. » C'est l'avers et l'envers d'une même médaille. Vous avez cette médaille au cou, comme d'autres portent un saint Christophe. Vous pensez que cela va vous sauver ou, plus exactement, nous sauver, parce que, d'une certaine manière, vous avez une vache sacrée : c'est le veau d'or. Le veau d'or du capital qui doit toujours être rentabilisé ! Dans votre logique, il est rentabilisé par ceux qui le possèdent, et qui sont insatiables.

Vous avez dit : « Nous n'avons pas le choix. » Si ! nous avons le choix. Mais vous êtes ainsi formatée que vous penchez toujours dans cette direction-là et que vous n'avez pas remarqué qu'il pourrait y avoir des aiguillages.

Solidarité, avez-vous dit, et fermeté.

Solidarité : oui, avec les créanciers, comme l'a parfaitement démontré tout à l'heure Charles de Courson, puisqu'une bonne partie du plan qui sera voté par votre majorité va leur profiter. Vous avez nié tout à l'heure que l'argent soit destiné aux banques et affirmé qu'il irait au gouvernement grec. Mais il ne fera que transiter entre ses mains. Vous avez monté ce plan pour que le gouvernement grec puisse assurer les échéances des banquiers qui, au premier chef, sont français. Il ne faut pas oublier non plus les marchands d'armes – allemands et français –gros créanciers de l'État grec, qui dépense pour son budget militaire vingt fois plus que la moyenne des autres États de la planète. C'était déjà vrai au début du XXe siècle.

Solidarité avec les créanciers et fermeté contre le peuple grec : telle est la réalité, une sorte de dichotomie.

Vous imaginez bien que telle n'est pas notre position. Je pense, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous sous-estimez le fait que nous sommes en train de changer de phase. La spéculation dont les subprimes ont été l'illustration correspondait à une époque. Maintenant, nous passons à une autre époque.

Aujourd'hui, les spéculateurs s'attaquent directement aux États. Vous avez décidé d'avoir des perspectives de régulation, qui ne sont pas actuellement mises en oeuvre. Vous voulez donner quelques règles, mais non remettre en cause le système qui a permis la déstabilisation de l'économie internationale.

Nous sommes, nous, dans une autre logique. Nous pensons que, face à la rentabilité du capital, toujours recherchée, qui se traduit par la destruction des richesses et de l'emploi, il faut affirmer le droit des peuples et des individus à exister comme des personnes et non comme des objets au service de la machine économique.

On parle beaucoup d'Europe. Je pense alors à Saint-Just, qui disait : « Le bonheur est une idée neuve en Europe. » Cette pensée est particulièrement actuelle, car elle reste plus que jamais un objectif et moins que jamais une réalité.

Nous, face à l'Europe de la finance que vous soutenez, nous sommes pour l'Europe de la fraternité. Nous ne voulons pas de cette solidarité avec l'Europe des créanciers que vous promouvez avec votre projet de loi.

Nous sommes solidaires du peuple grec, comme, demain, nous serons solidaires du peuple portugais quand il sera attaqué à son tour. Nous souhaitons que les gouvernements n'attendent pas que les spéculateurs s'attaquent aux uns puis aux autres, mais nous entendent pour que, grâce à cette fraternité des peuples qui exigent chacun leur part de bonheur, vous commenciez à comprendre que nous sommes en train de changer d'époque.

Si vous ne le comprenez pas, vous risquez de déstabiliser non seulement notre pays et notre continent, mais de continuer à ébranler l'économie internationale avec des risques qui provoqueront des effets que vous ne contrôlez déjà plus et que vous ne contrôlerez plus du tout, et avec les confrontations entre les États qui peuvent en résulter. Rappelons-nous – ce n'est pas loin de nos frontières – ce qui s'est passé en Yougoslavie, où des mariages mixtes avaient été conclus par dizaines de milliers. Quand la crise économique est arrivée, la crise politique s'y est conjuguée, et les peuples de Yougoslavie se sont étripés avec l'énergie que vous connaissez.

Si vous ne définissez pas un cadre nouveau où chaque peuple ait un droit égal à se développer en reconnaissant le droit au bonheur pour chacun, vous exposez notre humanité à des risques majeurs pour le futur.

Nous, nous faisons le choix de la fraternité face à la concurrence sans pitié que vous promouvez au bénéfice des tenants de l'argent et au mépris de ceux qui travaillent.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe NC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ce projet de loi de finances rectificative revêt une importance toute particulière pour deux raisons.

La première, c'est qu'il met en exergue l'indispensable devoir de solidarité européenne qui lie les pays membres de la zone euro. C'est pour notre groupe un principe absolu. En effet, au-delà de la cohésion de la zone euro et de la stabilité de la monnaie unique, c'est le principe même d'une Europe politique et unie que nous devons soutenir sans délai. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons ratifier au plus vite la quote-part qui incombe à la France dans le cadre du plan de sauvetage décidé de concert avec le FMI.

Sauver la Grèce, c'est en partie se sauver nous-mêmes quand on sait le degré d'exposition des banques françaises à un éventuel défaut de paiement de l'état hellénique de l'ordre de 70 milliards d'euros, concentré sur les filiales du Crédit agricole et de la Société générale.

Le texte que nous examinons ce soir dépasse donc largement les frontières de la Grèce puisqu'il fait peser à la fois une menace sur la cohésion politique de la zone euro et une menace économique sur l'ensemble des pays membres à commencer par notre propre pays.

Au nom du groupe Nouveau centre, j'émettrai plusieurs réserves.

La première, c'est que si l'aide à la Grèce représente un impératif absolu, il n'est pas pour autant inconditionnel. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement visant à ce que le concours financier de la France soit conditionné au strict respect par Athènes du plan de redressement drastique de ses finances publiques. Cette remarque ne vaut pas simplement pour cette loi de finances rectificative ; elle vaut également pour les prochains ajustements budgétaires que nous aurons à effectuer, puisque, comme vous le savez, ce ne sont pas 6,3 milliards d'euros que nous aurons à débourser, mais près de 16,8 milliards d'euros en trois ans. De plus, vu l'état de la dégradation de nos finances publiques, si nous devions venir en aide aux trois autres états en difficulté de la zone euro, ce sont près de 80 milliards supplémentaires qu'il faudrait dégager dans les trois années qui viennent.

La deuxième réserve concerne le cruel déficit de gouvernance économique dont fait preuve la zone euro depuis sa création, car cette crise n'est pas seulement une crise économique et monétaire, elle est avant tout une crise institutionnelle. En effet, elle révèle un cruel déficit de convergence de nos politiques économiques, sociales et fiscales au sein de la zone euro. La monnaie unique n'ouvre pas que des droits, elle ouvre aussi des devoirs aux pouvoirs publics européens : devoir de cohérence, de convergence et de bonne gouvernance.

La troisième réserve concerne l'attitude des banques, qui ont souscrit une bonne partie – de l'ordre de 60 % – des 300 milliards de la dette publique grecque. Est-il normal qu'elles ne contribuent pas à l'effort du peuple grec et des contribuables de la zone euro en rééchelonnant la dette grecque ? En effet, dès fin 2012, la moitié des 110 milliards apportés par le FMI et les États de la zone euro seront remboursés et les dettes publiques s'y substitueront.

Le cas grec replace la question de la « soutenabilité » des finances publiques et de la solvabilité des dettes souveraines au coeur de nos priorités. Au Nouveau centre, nous n'avons cessé de le redire : le retour à l'équilibre budgétaire n'est pas une question périphérique, c'est une question centrale à laquelle nous devons nous attaquer sans délai. Je déplore d'ailleurs que nous nous trouvions au bord d'une crise systématique pour en faire le constat. Quoi qu'il en soit, nous devons impérativement tirer les conséquences de cette crise au plan national car le niveau d'endettement des pays aujourd'hui menacés – la Grèce, le Portugal, l'Espagne et l'Irlande – ne sont pas au fond si éloignés des nôtres. En effet, en 2012, notre endettement public pourrait friser les 100 % du PIB ; quant à la charge de la dette publique française, elle serait supérieure de plus d'une vingtaine de milliards d'euros à celle versée en 2008 et avoisinerait 80 milliards d'euros. Demain, le montant des intérêts de la dette pourrait dépasser les seules ressources issues de l'impôt sur le revenu ; c'est un niveau historique jamais atteint hors période de guerre.

On peut se demander jusqu'à quel point cette évolution peut se poursuivre puisque, s'il nous est possible de financer à court terme un écart entre dépenses et recettes par l'émission de dettes, la dette présente doit pouvoir être remboursée par des surplus futurs. Or rien ne nous assure aujourd'hui que cette situation soit garantie pour notre pays.

Avant de conclure, je souhaite m'adresser à nos collègues socialistes qui soutiennent ce texte pour les en remercier – car c'est rare – et leur dire qu'ils doivent aller encore plus loin et clarifier leurs positions sur l'impérieuse nécessité de réduire les dépenses publiques en France…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…comme leurs collègues socialistes grecs, portugais et espagnols qui sont au pouvoir le font dans leur pays respectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous allez voir où cela les mènera : dans le mur !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Faire croire que l'on peut redresser les finances publiques françaises par la seule augmentation des recettes fiscales, c'est semer des illusions.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe Nouveau centre votera en faveur de ce texte sous les réserves que je viens d'émettre : c'est une évidence, mais surtout une exigence au regard de la solidarité européenne dont nous devons tous faire preuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Le débat a permis d'éclairer utilement la représentation nationale sur l'objectif de ce projet de loi, à savoir le plan d'aide de 110 milliards d'euros permettant à la Grèce de sortir de la crise financière. M. Eckert a laissé entendre qu'il s'agissait d'une fanfaronnade. Certes, il n'a pas employé ce terme, mais il l'a pensé très fort.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Si M. Jérôme Chartier se met à lire dans les pensées, on est perdu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Il n'est pas question de fanfaronner, monsieur Eckert. La Grèce est dans une situation périlleuse. N'y a-t-il pas lieu de se féliciter de la réaction des pays de l'Eurogroupe ? Pour ma part, je le pense. Personne, il y a encore quelques mois, ne pouvait imaginer qu'ils réagiraient ainsi face à la situation grecque. Vous savez très bien, vous qui êtes un fin observateur de la politique économique, qu'un grand nombre de personnalités au sein de la zone euro étaient opposées à ce que nous votons ce soir. Par conséquent, la décision prise par l'Eurogroupe est la première décision – concertée et unanime – de politique économique majeure après Maastricht. L'événement est considérable et je le qualifierai d'historique. Nulle fanfaronnade dans cette affaire. Il s'agit d'une première pierre de ce qui pourrait être, enfin, la politique économique de la zone euro.

Reconnaissons que nous avions mis la charrue avant les boeufs. Nous avions décidé le principe d'une monnaie commune sans en tirer les conséquences, à savoir se doter d'une politique économique. Dix-huit ans après, nous en payons le prix. Certains ont joué avec des déficits abusifs. Par conséquent, parce que la solidarité de la zone euro est nécessaire, les autres sont collectivement obligés d'assumer la responsabilité prise par un État, lui-même obligé de prendre des décisions très rudes pour sa population en présentant un plan budgétaire acceptable, se situant en dessous des critères de convergence de Maastricht.

Oui, ce plan d'aide était nécessaire. Oui, il s'agit d'un événement historique. Oui, il fallait le souligner et il n'y a là aucune fanfaronnade.

Le débat a également permis de mettre en relief deux éléments importants. À qui la faute ? Au-delà de la décision des Grecs de provoquer du déficit budgétaire, qui est responsable ? Les agences de notation, les banques ? Et puis qui va payer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Pouvons-nous, ce soir, décider de ne pas faire de politique fiction ? Pour l'instant, nous avons pris une grande décision. Mettons tout en oeuvre pour que les Grecs puissent assumer ce plan. Espérons que le suivi – tous les trois mois – par la communauté européenne et le FMI sera particulièrement efficace. Nous aurons un compte rendu régulier, le Gouvernement l'a assuré. Voilà ce qu'il faut espérer ce soir.

Ce qui m'intéresse, c'est la pierre angulaire de la nouvelle politique économique de la zone euro que nous mettons en oeuvre ce soir, comme le souhaite Mme la ministre, afin que l'épisode grec ne se reproduise plus jamais dans la zone euro. Le groupe UMP votera donc le collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le groupe GDR vote contre !

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Prochaine séance, mardi 4 mai à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Quatre votes solennels : sur le projet de loi relatif aux réseaux consulaires ; la proposition de loi sur les têtes maories ; la proposition de loi sur les maisons d'assistants maternels ; la proposition de loi relative aux recherches sur la personne ;

Projet de loi portant engagement national pour l'environnement.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 4 mai 2010, à une heure vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma