Attaquer l'euro, c'est attaquer l'Europe, c'est donc attaquer la France. Il nous faut par conséquent venir en aide à la Grèce, et nous le ferons. Le message au monde doit être sans ambiguïté : la solidarité des membres de la zone euro n'est pas qu'une promesse, c'est une réalité.
Après nous avoir protégés du pire pendant la crise financière sous la présidence française, l'euro est aujourd'hui attaqué sur les marchés financiers. Le symbole le plus fort de l'unification européenne doit être non seulement préservé mais renforcé, à moyen et long termes.
Le Président de la République a fait savoir rapidement que la France prendrait part à une action commune pour aider la Grèce, et la France a joué, je m'en réjouis, un rôle majeur dans la négociation d'un accord. Les réticences ont été surmontées. L'accord est unanime. Le sommet européen du 7 mai sera suivi par l'octroi effectif des prêts bilatéraux et l'intervention complémentaire du FMI.
Il n'est pas question, comme vous l'avez justement souligné à Washington, madame la ministre, d'être complaisants envers la Grèce. Ce pays a gravement violé les règles, tant sur le fond, en vivant très au-dessus de ses moyens, que sur la forme, avec des statistiques glissantes. Les partenaires de la Grèce ne l'aideront pas gratuitement : on ne demande pas aux contribuables français, allemands et aux autres citoyens européens de faire cadeau de plusieurs milliards d'euros à la Grèce, mais de lui accorder des prêts.
La Grèce s'est engagée dans des réformes certes douloureuses et une politique de rigueur difficile à faire accepter à ses citoyens, mais c'est indispensable. Ses partenaires de l'Eurogroupe et la Commission européenne y veilleront régulièrement. Toutefois, je pose également la question : comment a-t-on pu laisser passer cela ces dernières années ? L'Eurogroupe et la Commission doivent également saisir cette occasion pour repenser les dispositifs de contrôle de la véracité des statistiques.
De même, tous les pays de l'Union doivent comprendre que si la solidarité européenne est bien réelle, elle n'est pas automatique. Elle suppose des efforts concrets et exigeants de rigueur et de discipline budgétaires. Le temps qui a été nécessaire pour aboutir à un accord européen à propos de la crise grecque aura eu à cet égard une vertu pédagogique par rapport aux autres pays de l'Union pour lesquels un effort de discipline est également indispensable. Car même si les situations ne sont pas comparables, la leçon de la nécessité des équilibres est valable pour le Portugal, l'Espagne, l'Irlande, mais aussi la Grande-Bretagne, que l'on n'a pas citée mais qui présente des chiffres très inquiétants.
Comme vous le dites dans votre interview au Monde, madame la ministre, nous avons réalisé chez nous un calibrage subtil entre soutien à la croissance et réduction des déficits, qui implique autant le soutien à l'investissement que la réforme des retraites et la réductions des dépenses. Je crois que ce calibrage subtil doit être appliqué à l'ensemble des pays européens.
C'est pourquoi je plaide activement, comme vous, pour la création d'un gouvernement économique européen. Cela fait longtemps que la France défend cette idée, sans parvenir à la faire passer. Mais d'une crise il faut tirer les enseignements. La chancelière Angela Merkel a déclaré y être favorable. Il ne faut pas laisser passer cette chance de traduire les paroles en actes.
Les travaux dirigés par M. Van Rompuy, auxquels le couple franco-allemand apportera sa contribution, doivent aboutir à la fin de l'année à des propositions ambitieuses. Les parlements nationaux et le Parlement européen doivent apporter leur propre contribution à cette réflexion. Notre commission des affaires européennes a d'ailleurs engagé cette réflexion, en lien avec la commission des affaires européennes du Bundestag, et Michel Herbillon et Christophe Caresche ont été désignés rapporteurs sur ce sujet.
La démarche est double : il s'agit de se fixer ensemble des objectifs et de définir des méthodes et des instruments pour les atteindre. Il n'est évidemment pas question d'imposer des politiques identiques aux différents États. Cela n'aurait aucun sens et serait contraire à l'esprit de la souveraineté nationale. Il s'agit pour chaque État de procéder à ses choix nationaux en prenant en considération leur impact sur ses partenaires, de manière à ce que la croissance économique de chacun soit aussi celle de tous.
Comme le Premier ministre l'a clairement indiqué la semaine dernière, il faut organiser une convergence progressive des systèmes économiques et sociaux des pays de l'Union. On ne peut gérer de façon cohérente des réalités économiques et donc des intérêts économiques divergents.
Cette démarche ambitieuse, qui doit concerner aussi bien les politiques budgétaires que la fiscalité et les systèmes sociaux, ne peut se faire que dans la durée, pour surmonter progressivement les divergences de situations et d'intérêts.
En conclusion, je souhaite que nous avancions sur la question de la régulation financière ; vous en avez parlé tous les deux, madame et monsieur les ministres. Il faut aller plus loin et plus vite au niveau européen comme au niveau du G20, et je suis confiant dans le succès de la future présidence française du G20 pour faire acter des progrès indispensables. Nous vous soutenons pleinement, madame la ministre, dans les efforts engagés en ce sens.