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Intervention de Henri Emmanuelli

Réunion du 3 mai 2010 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Emmanuelli :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, au milieu de la satisfaction affichée ce soir, j'ai un sentiment un peu contrasté car j'ai tout de même l'impression qu'on a laissé passer la fenêtre de tir.

Au plus fort de la crise, nous avons eu droit à de nombreuses proclamations d'intention. Je ne sais pas si vous avez en mémoire le discours de Toulon, monsieur le rapporteur général. Depuis, pratiquement rien n'a été fait, et ce sont les marchés, que les États ont dû soutenir, qui prétendent dicter à ces derniers la rigueur et la politique budgétaire qu'ils devraient mettre en oeuvre. On en est là parce qu'on a laissé passer la fenêtre de tir.

Aujourd'hui, non seulement pas grand-chose n'a changé mais, en plus, les assistés sont devenus les maîtres, et brandissent le fouet. Je lisais cet après-midi, comme vous tous, une série d'appréciations d'éminents conjoncturistes expliquant que les marchés allaient exiger des pays européens, de la France en particulier mais pas seulement, une politique plus drastique. M. Bouvard vient d'ailleurs à sa manière de poser lui aussi la question.

Je ne sais pas pourquoi on a laissé passer cette fenêtre de tir, mais je ne peux m'empêcher de m'interroger sur le fait qu'il n'y a pas eu de très forte volonté politique pour mettre au pas les marchés financiers. Aujourd'hui, ils prennent allégrement leur revanche, et, au passage, ils prennent aussi leurs bénéfices.

Je ne sais pas si les banques françaises sont concernées par le produit Abacus, mais je sais que des banques européennes le sont. Si les gouvernements européens voulaient agir, madame la ministre, il serait bon que l'Europe se manifeste et porte plainte elle aussi contre ce qui a été manifestement non pas un coup de génie financier mais une énorme escroquerie. Avoir réussi à transformer 90 produits de catégorie BB + en catégorie AAA, c'est tout de même un exploit. Allez-vous rester une fois de plus les bras ballants ou simplement la menace à la bouche, sans agir ? Je vous pose la question et j'aimerais avoir une réponse.

Sur la Grèce, vous vous êtes félicité de notre position, monsieur le rapporteur général, mais nous n'avons pas à nous féliciter les uns ou les autres car j'ai le sentiment que nous n'avons pas beaucoup le choix. Si nous avions eu l'irresponsabilité de ne pas agir ainsi, la sanction aurait été terrible et les risques majeurs, de sorte que nous ne sommes pas en train de faire un exploit, nous assumons tout simplement nos responsabilités, à la place où nous sommes.

Ce que l'on peut souligner, c'est que l'on a beaucoup traîné. Je ne me souviens plus combien de fois, au coeur de la crise, l'an dernier, la prophétie a été faite qu'après la crise des finances privées, il y aurait la crise des finances publiques. Nous y sommes. Pour prévenir cette crise, il y a peut-être eu des discussions dans les couloirs, mais il n'y a pas eu d'acte pour se mettre en position de résister le moment venu, de sorte qu'aujourd'hui nous faisons tout simplement face à notre responsabilité.

Je suis également un peu étonné des modalités. Avant de dire, monsieur le rapporteur général, que vous irez vérifier tous les trimestres ou tous les ans ce qui se passe, réfléchissez. Supposez qu'un trimestre, la réponse soit négative. Imaginez-vous la catastrophe ? Imaginez-vous pouvoir dire qu'ayant constaté que la Grèce n'accomplit pas ses obligations, nous retirons tous nos soutiens ? Je vous garantis que, le lendemain, il y aura du sport dans les couloirs du Palais Brongniart. Tout cela n'est donc pas sérieux.

De plus, quand on va au secours de quelqu'un, on n'en profite pas pour faire des affaires. Or c'est tout de même ce que nous sommes en train de faire. Le spread est tel, la différence est telle que l'opinion publique grecque sera évidemment informée du fait que les pays qui viennent à son secours inscriront dans leurs budgets des recettes budgétaires. C'est bien ce que vous nous avez dit, monsieur le rapporteur général, cela ne va pas coûter, cela va rapporter.

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