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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 3 mai 2010 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2010 — Article 3 et état b, amendement 36

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac, président de la commission des finances :

Le débat qui a été lancé par Charles de Courson et par les deux collègues qui se sont exprimés après lui est évidemment le débat de fond de ce soir. Nous pouvons au moins nous accorder sur ce constat.

Quels sont les enjeux ? Selon le Financial Times, 51 milliards. Selon la Banque des règlements internationaux, 54 milliards. Selon les chiffres des autorités financières, qui ont effectué un travail plus approfondi, c'est-à-dire tenant compte en particulier des fonds communs de placement, de l'ordre de 70 milliards d'euros. Sur ces 70 milliards d'euros, il est probable que les banques françaises détiennent environ 16 milliards de dettes souveraines. Le reste concerne des dettes privées.

Je comprends bien la position de certains, qui, n'ayant jamais cru à la zone euro – je ne partage pas ce point de vue, mais je le respecte –, espèrent voir se lever des orages afin que la pluie diluvienne lave ce qu'ils estiment être des institutions superfétatoires et balaye des politiques menées avec constance par toutes les autorités publiques de ce pays depuis des dizaines d'années.

Je ne fais pas partie de ceux qui souhaitent voir ces orages se lever. Parce que, si, à cette occasion, certains peuvent être punis, on sait que d'autres le seront plus fortement encore que ceux qui sont visés, et probablement de manière plus durable.

L'exemple de la crise financière de l'automne 2008 est éclairant. Les autorités américaines ont voulu punir une banque, pour des raisons dont certaines étaient probablement d'une rare médiocrité. Il est clair qu'une banque a disparu, et qu'au moins certains de ses dirigeants ont pu se sentir punis. Mais la punition est allée largement au-delà de la cible qui, à l'époque, était affichée. Et nous en payons tous le prix, encore aujourd'hui. Quand je dis nous, je veux parler des peuples européens, qui ne portaient pas de vraie responsabilité, ni dans le déclenchement de cette crise, ni dans l'accumulation des prémices qui auraient dû la faire prévoir avec plus de lucidité par les dirigeants nationaux.

Je crois que cette comparaison est éclairante. Je peux comprendre la volonté de certains de voir des établissements bancaires punis à l'occasion de la résolution de la crise grecque. Car, objectivement, des institutions bancaires ou financières ont profité de la fragilité de la Grèce pour lui prêter à des taux outrageusement scandaleux. Cette punition est possible, mais nous savons qu'elle débordera largement le cadre prévu par ceux qui souhaitent responsabiliser, en l'espèce, les acteurs bancaires et financiers.

Aussi désagréable que cela puisse paraître, je pense donc qu'il faut accepter qu'à l'occasion de ce plan, des banques se voient remboursées par un État grec n'ayant plus de problème de liquidités, précisément grâce à la solidarité de la zone euro.

Mais il est vrai, aussi, que si cette résolution permet, dans les vingt-quatre à trente-six mois qui viennent, d'envisager avec une certaine sérénité la situation de la Grèce, puisque son problème de liquidités est réglé, la question de sa solvabilité ne l'est pas. D'aucuns pensent même qu'à cette occasion, il faudra faire ce que certains appellent aujourd'hui de leurs voeux, de manière à mon sens totalement prématurée, à savoir procéder au rééchelonnement, à la restructuration de la dette grecque. À cette occasion-là, les pouvoirs publics auront rendez-vous avec la conscience de leurs peuples. Car c'est à cette occasion-là que les responsabilités des uns et des autres devront être rappelées. C'est alors que les dettes auxquelles les États ont consenti pour résoudre cette crise devront être privilégiées, si les créances que les banques ont sur ce pays devront, elles, être considérées comme secondaires.

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