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Séance en hémicycle du 20 mai 2008 à 21h30

Résumé de la séance

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  • référendum
  • ve

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (n° 820, n° 892).

La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée a souvent l'occasion de débattre de projets de loi qui opposent la majorité et la minorité. Chacun défend alors ses convictions. C'est la démocratie. C'est légitime et sain.

Mais la Constitution n'est pas une loi parmi d'autres. Elle n'appartient ni à la droite ni à la gauche. Elle est notre loi fondamentale, celle qui régit, au-delà des partis et des alternances, le fonctionnement de notre République. Ses révisions ne peuvent donc être l'instrument d'une affaire partisane. C'est une affaire grave, qui engage notre pays au-delà de nos personnes et de nos attaches politiques. Pour tout dire, c'est une oeuvre d'union nationale.

Vous êtes aujourd'hui, plus que jamais, invités à assumer votre devoir sacré de législateur. En votre âme et conscience, vous ferez à l'issue de ces débats un choix pour la République. Je m'adresse à vous avec la conviction déjà ancienne que nos institutions doivent être rénovées. Fidèle à l'esprit de la Ve République, je n'en demeure pas moins convaincu que notre démocratie doit être modernisée.

Je suis partisan d'un État respecté et agissant, et cet objectif n'est pas, à mes yeux, dissociable d'un parlement fort et influent, car l'équilibre des pouvoirs est à la source de l'efficacité et de la responsabilité.

Mesdames, messieurs les députés, vous le savez bien, la situation actuelle est favorable au pouvoir exécutif, et le Président de la République aurait pu se satisfaire d'une règle qui a profité à tous ses prédécesseurs. Rien ne l'obligeait à vous soumettre cette révision de la Constitution, qui fait la part belle au Parlement. Mais voilà, nous avions pris l'engagement de rénover nos institutions, et nous tenons parole. Nous le faisons avec la volonté de servir la démocratie française.

La question institutionnelle est posée presque à chaque échéance politique. Chacune de nos formations s'est interrogée et exprimée sur ce sujet. Chacun d'entre nous porte en soi ses priorités et ses préférences. Certains sont partisans d'un régime exclusivement parlementaire, d'autres – et j'en fus ! – militent pour un régime présidentiel. Certains défendent le statu quo, d'autres mettent l'accent sur les modes de scrutin. Aucune de ces thèses n'est négligeable. Mais tous, ici, nous sommes conviés à faire un pas vers l'autre et appelés à nous prononcer sur le compromis innovant et réaliste que ce projet incarne.

Réviser la Constitution, c'est tenir la plume pour l'histoire, quitte à rester en deçà, ou à aller au-delà de ce que notre tempérament propre nous inspire. C'est tenir la plume pour un peuple, quitte à faire taire, pour un temps, nos filiations partisanes.

Je m'adresse aujourd'hui à vous dans ce double esprit de responsabilité historique et de cohésion nationale. Je veux, devant vous, souligner, avec solennité, le caractère exceptionnel du texte qui nous occupe.

Notre Constitution a déjà fait l'objet de vingt-trois révisions, mais les révisions importantes sont des procédures rares. Il y eut celle de 1962 qui instaura l'élection du Président de la République au suffrage universel. Il y eut, en 1974, la saisine du Conseil constitutionnel par soixante parlementaires. Il y eut, enfin, l'établissement du quinquennat en 2000.

L'occasion qui vous est offerte ne se présente pas fréquemment. J'invite donc celles et ceux qui seraient tentés d'y renoncer à bien évaluer leur choix. Dire « non » maintenant, ce sera dire « oui » au statu quo, et cela sans doute pour de longues années.

En 2001, le Parlement a adopté à une très large majorité la loi organique relative aux lois de finances. Nous avons su, alors, dépasser nos clivages pour voter ce qui nous tient lieu de constitution financière. Aujourd'hui, vous avez le pouvoir d'en faire de même pour nos institutions politiques.

Depuis le discours prononcé à Épinal par le Président de la République, le 12 juillet 2007, nous nous efforçons de bâtir un consensus autour de la question institutionnelle. L'ancien Premier ministre, Édouard Balladur, a joué dans cette réflexion novatrice et consensuelle un rôle décisif que je tiens à saluer avec une gratitude particulière. Le groupe de travail constitué sous sa présidence était composé d'experts de tous bords, de personnalités aux sensibilités variées, adverses même. Cette diversité n'a pas empêché ce groupe de faire preuve de perspicacité et d'ambition. Au cours de très nombreuses et longues auditions qu'il a conduites, plusieurs de ses membres ont vu leur point de vue changer. Leur franchise nous encourage ; elle prouve le caractère ouvert et constructif du débat préparatoire qu'ils ont tenu.

À la demande du Président de la République, j'ai fait suivre ce débat d'un travail de concertation sincère. J'ai reçu et entendu tous les principaux responsables politiques. Avec eux, j'ai distingué patiemment, parmi les propositions de la commission Balladur, celles qui étaient les plus susceptibles de recueillir le consensus. Des responsables consultés, tous m'ont dit leur souci de voir le rôle du Parlement revalorisé.

Je sais que sur d'autres points, la même unité n'était pas atteignable. Fallait-il pour autant renoncer à la révision de la Constitution ? Fallait-il, au nom de certaines divergences que nous ne devons certes pas nous dissimuler, tourner le dos à l'essentiel ? Je ne le crois pas, et je compte sur le sens de l'intérêt général qui guide chacun d'entre vous.

Notre discussion, mesdames, messieurs les députés, intervient l'année du cinquantième anniversaire de notre Constitution. Cet anniversaire est un encouragement, parce qu'il prouve la solidité de la Ve République et qu'il nous invite à la faire évoluer en toute confiance, sans craindre pour sa pérennité.

Le Directoire, le Consulat, l'Empire, la Restauration… depuis 1789, quinze régimes distincts se sont succédé dans ce qu'il faut bien appeler une démonstration permanente d'instabilité constitutionnelle. La Ve République a rompu avec cette triste et dangereuse tradition française. Si l'on excepte le cas très spécifique de la IIIe République, elle a donné à la France le régime le plus stable que nous ayons connu.

Notre Ve République ne s'est pas contentée de durer. Elle a fait ses preuves face aux circonstances : la guerre d'Algérie, les alternances politiques, la gestion des cohabitations. En adaptant intelligemment ses pratiques, elle a démenti les critiques parfois très dures qui avaient accueilli sa naissance. Elle a enrichi notre vie démocratique. Elle a confirmé la prescience du général de Gaulle, qui faisait de la stabilité politique le cadre du développement économique et social de notre pays. Il s'agit là d'un héritage inestimable et personne, ni le président de la République ni moi-même, n'imagine d'en faire bon marché !

Ainsi, nous avons été particulièrement attentifs à ne rien compromettre des grands équilibres de nos institutions. Le comité de réflexion présidé par Édouard Balladur suggérait de modifier les articles 5 et 20 de la Constitution, qui précisent la répartition des rôles entre le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement. Le président de la République a jugé plus sage de n'en rien faire. Il a écarté d'emblée tout risque de changement dans la nature même du régime.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Nous sommes nombreux ici à afficher pour le général de Gaulle une admiration et une estime immenses. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Eh bien, ce sont ces mêmes sentiments qui nous interdisent d'aborder la Constitution de 1958 comme un texte intouchable !

L'inspiration gaullienne réside dans le mouvement, dans la lucidité. Elle répond au souci d'efficacité. Et c'est précisément au nom de l'efficacité nationale que je défends le principe d'une démocratie plus moderne, plus vivante, plus transparente, d'une démocratie au sein de laquelle les pouvoirs de l'exécutif seraient véritablement équilibrés par ceux du législatif.

Du reste, à quel texte songent ceux qui prétendent sanctuariser la Constitution de la Ve République ? À celui de 1958 ? À celui de 1962 ? Ou à celui de 2000 ? Au-delà des modifications, parfois substantielles, qui ont été apportées au texte, la pratique institutionnelle a tellement varié en fonction des configurations politiques que les constitutionnalistes sont bien en peine de rattacher notre régime à une catégorie donnée !

Un texte a été promulgué il y a cinquante ans. Nous en pratiquons un autre aujourd'hui, sans doute moins équilibré. La force de la légitimité politique du Président, issue du suffrage universel depuis la réforme de 1962, et l'« effet de souffle » acquis au parti présidentiel sur les législatives par l'inversion du calendrier électoral y sont évidemment pour beaucoup. Force est de constater que le temps a passé sur le parlementarisme rationalisé, qu'il a privé le Parlement d'une partie des pouvoirs dont il était à l'origine doté.

Parlementaire moi-même pendant de longues années, plus longtemps dans l'opposition que dans la majorité, je n'ignore rien du poids du carcan qui pèse sur le Parlement. Dans l'esprit des rédacteurs de notre Constitution, le parlementarisme rationalisé devait faire oublier le spectacle désolant de la IVe République et les déséquilibres constants du régime d'assemblée. L'objectif a été atteint : la Constitution de 1958, depuis son adoption, a permis à tous les gouvernements de fonctionner. À ce dispositif, il y avait une logique dominante : celle de la stabilité et de l'efficacité. Cette logique est excellente. Elle est actuelle. Nous ne renoncerons à aucun des principes qui la conditionnent.

Le projet de réforme respecte ainsi la définition d'un domaine de la loi, la possibilité de recourir au vote bloqué, la maîtrise de la procédure pour les lois de finances, l'encadrement strict de la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement. Le projet n'atteint, je veux le souligner, que les points dont cinquante ans de recul autorisent aujourd'hui l'ajustement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

De tous les déséquilibres que la réflexion identifie aujourd'hui dans la pratique institutionnelle, le Gouvernement pouvait continuer de tirer une prééminence commode. Il pouvait s'installer dans le confort des prérogatives étendues que la pratique lui conférait, mais il a choisi d'agir parce que les circonstances l'exigent.

À la source de cette révision, il y a la prise en compte des mutations de notre société. Notre démocratie parlementaire se trouve aujourd'hui prise dans un jeu de concurrence inédit. Au-dessus d'elle, la démocratie européenne progresse tous les jours en présence, en dynamisme, en extension. En dessous d'elle, la démocratie locale confirme un même essor : régions, départements, communes rivalisent pour développer et faire jouer leurs pouvoirs. Tout autour d'elle, enfin, la démocratie directe des réseaux et des associations invente chaque jour de nouveaux moyens de concertation, d'expression, de décision. Toutes ces mutations démocratiques tendent à relativiser le poids du Parlement qui incarne pourtant la souveraineté nationale.

Réviser notre démocratie parlementaire, c'est d'abord prévenir cette dépossession de ses pouvoirs, de sa légitimité et de son autorité. Mais c'est aussi répondre à l'appel des Français qui, depuis l'affaissement des grandes idéologies, ont soif de débats et d'idées. L'ère des maîtres à penser, des affrontements binaires, des oppositions doctrinales est révolue.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

La société française réclame des débats riches, comme elle, vivants, comme elle, complexes, comme elle. Nous avons le devoir d'offrir à ces débats, qui de toute façon se tiendront avec ou sans nous, d'autres tribunes que les rues, d'autres espaces que les forums interactifs sur le Net, d'autres lumières que celle des plateaux de télévision, d'autres tribuns que les démagogues qui font de l'antiparlementarisme le tremplin de leurs ambitions. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Nous avons le devoir de ramener les débats qui traversent notre société dans cette enceinte. Nous avons le devoir de revitaliser les corps intermédiaires, et cela est vrai pour le Parlement comme pour les partenaires sociaux. Or, justement, ces derniers ont eu récemment le courage de repenser les termes de leur représentativité dont les règles sont au moins aussi anciennes que notre Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

François Fillon y avait déjà pensé pour eux ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

La modernisation de notre démocratie sociale est un appel à la modernisation de notre démocratie politique. Toutes deux convergent vers le même objectif : poser les bases d'une société de confiance, de responsabilité et de participation.

Voilà pourquoi le Président de la République et le Gouvernement vous proposent de réviser les institutions. Voilà dans quel esprit je soumets à votre assemblée la plus profonde réforme d'ensemble de notre Constitution depuis 1962. D'autres réformes ont été provoquées par des circonstances particulières, par un engagement international. Ce n'est pas le cas de celle-ci. D'autres réformes ont été ponctuelles. Celle-ci relève d'un large réexamen des textes. D'autres réformes ont répondu à une préoccupation technique. Celle-ci répond à une préoccupation politique majeure : revaloriser le rôle des représentants du peuple, c'est-à-dire le vôtre. Le suffrage universel vous a consacrés. Vos pouvoirs doivent retrouver leur plénitude et répondre à votre légitimité !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mesdames, messieurs les députés, les mesures proposées modifieront en profondeur nos méthodes de travail, les vôtres comme celles du Gouvernement.

Le Gouvernement dialogue et collabore avec le Parlement : il n'est pas son maître d'études ! Au Parlement de fixer son ordre du jour, arrêté par la conférence des présidents.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Le texte part d'un principe : la concertation et le pragmatisme doivent animer les relations entre les pouvoirs. Ce projet mise ainsi sur votre responsabilité ! À défaut, des mécanismes garantiront le bon fonctionnement des pouvoirs publics, puisque le Gouvernement conservera la faculté d'imposer l'examen des textes préparés par lui sur la moitié du temps de séance. L'autre moitié restera à la disposition des assemblées. Elle sera partagée à leur gré entre les fonctions législatives et les fonctions de contrôle. (« Très bien ! »sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale disposeront du régime particulier que leur originalité impose.

Le projet s'efforce également d'assurer au Parlement une meilleure maîtrise du travail législatif par la valorisation du travail en commission. J'ai vu fonctionner ces commissions – j'ai même eu l'honneur d'en présider une. Je sais ce qu'elles rassemblent de compétences et de professionnalisme. Désormais, le texte débattu en séance publique sera non plus celui du Gouvernement, mais celui de la ou des commissions concernées. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est une mesure audacieuse, parce qu'elle vous donne une haute responsabilité législative, qui va bien au-delà du droit d'amendement.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Elle est aussi audacieuse pour le Gouvernement qui, en séance, devra défendre sa cause avec force et conviction si, d'aventure, la réécriture de son projet ne lui convenait pas.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très juste !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il suffira de convoquer les commissions à un petit-déjeuner !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Liberté sera laissée aux assemblées parlementaires d'élargir le nombre des commissions permanentes. Cela doit permettre que des champs nouveaux de réflexions, tels que le développement durable, soient mieux pris en compte, mieux différenciés. Des compétences plus cohérentes et des effectifs resserrés rendront le travail de ces commissions plus efficace.

L'encadrement du recours à l'article 49, alinéa 3, constitue une des mesures emblématiques de ce véritable processus d'émancipation. Comme l'a relevé le comité Balladur, l'usage de cet article s'est banalisé. Il a permis d'encadrer une majorité structurellement étroite et incertaine entre 1967 et 1968, puis entre 1988 et 1993. Mais depuis quinze ans, il est essentiellement destiné à surmonter l'obstruction parlementaire. Ce dévoiement doit prendre fin. Le recul historique nous permet de constater que l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, concerne très souvent les lois de finances : son usage sera désormais restreint à ces textes et à un seul autre texte par session.

Parce que la précision des textes fait leur autorité, le renforcement du Parlement passera également par l'amélioration de la qualité des lois. Les assemblées disposeront désormais de plus de temps pour examiner les textes dont elles seront saisies. Le Gouvernement se montrera ouvert sur une proposition dont je sais qu'elle tient à coeur au président Warsmann et à beaucoup d'entre vous : celle qui tend à rendre plus contraignante l'obligation pour le Gouvernement d'assortir ses projets de loi d'études d'impact. Je suis réceptif à cette proposition parce que c'est, plus qu'une simple précaution, une question de maturité. Légiférer à la lumière des projections et des prévisions est une nécessité. Nous nous efforçons déjà de le faire. Nous le ferons encore mieux avec les dispositions ici proposées.

C'est avec le même esprit d'ouverture que nous accueillons votre volonté de conforter le rôle du Parlement en matière d'évaluation des politiques publiques.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Rendre compte de l'efficacité et des coûts de chaque politique publique est un devoir qui incombe à chacun de nous.

La culture de l'évaluation n'est pas séparable de celle de la responsabilité budgétaire. L'amendement de Charles de Courson, Gilles Carrez et plusieurs d'entre vous, qui prévoit le vote de lois de programmation des finances publiques s'inscrit dans cet objectif. Définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques, ces lois de programmation permettront au Gouvernement et au Parlement de s'engager politiquement sur des trajectoires budgétaires vertueuses.

Nous avons eu ici, il y a quelques semaines seulement, un débat nourri sur l'engagement des troupes françaises en Afghanistan.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Le projet de révision constitutionnelle s'en fait l'écho. Il renforce entre l'armée et la nation un lien dont le vote de la représentation nationale peut manifester le caractère entier. En cas d'engagement des troupes françaises, le Gouvernement sera tenu d'en informer le Parlement dans les plus brefs délais. Une autorisation parlementaire sera désormais nécessaire pour prolonger leur présence à l'étranger au-delà d'une certaine durée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce projet revient sur la rédaction de l'article 88, alinéa 5, issu de la révision constitutionnelle de 2005, qui prévoit un référendum automatique en cas de nouvelles adhésions à l'Union européenne. Cette disposition introduisait une exception inédite au principe rappelé à l'article 3 selon lequel le peuple, seul détenteur de la souveraineté, l'exerce indifféremment par ses représentants ou par la voie du référendum. Je sais que cette disposition du projet de loi suscite de l'incompréhension. Nous l'avons entendue, et je peux vous assurer que le Président de la République et le Gouvernement sont déterminés à trouver un compromis satisfaisant.

Mesdames, messieurs les députés, les droits nouveaux conférés au Parlement ne produiront leur plein effet que si l'opposition dispose, pour les exercer, de garanties renforcées. En proposant à la gauche d'exercer la présidence de la commission des finances, la majorité a montré sa volonté d'ouverture. Nous sommes prêts à aller plus loin. C'est un pari sur la responsabilité, sur le dialogue, sur le respect des différences, et, ce faisant, c'est un pari pour dégager des points de consensus entre majorité et opposition.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Sur les sujets essentiels, la France doit savoir se rassembler. Et c'est au Parlement de montrer l'exemple.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Ce projet lève les obstacles constitutionnels qui s'opposaient jusqu'ici à l'élaboration d'un véritable statut de l'opposition. Ce statut conférera des droits particuliers aux partis non majoritaires, que ce soit dans les assemblées parlementaires ou plus généralement dans le débat démocratique.

De toutes les garanties de rééquilibrage, les plus fortes que nous puissions donner concernent l'encadrement des prérogatives du président de la République. À cet égard, il est paradoxal et franchement très injuste de soupçonner le Président de la République de vouloir le contraire de ce qu'il propose ! Aucun de ses prédécesseurs n'est allé aussi loin dans la voie qui consiste à revaloriser le Parlement et à encadrer certaines des prérogatives présidentielles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) C'est la vérité !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Dans cet esprit, il s'agit d'interdire l'exercice de plus de deux mandats consécutifs pour inviter le titulaire des fonctions suprêmes à donner toute priorité à l'action sur la gestion du temps. Il s'agit aussi de soumettre certaines des nominations présidentielles, effectuées jusqu'ici de manière souveraine, au droit de regard du Parlement.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Seront concernés les emplois qui revêtent une importance particulière pour la garantie des droits et des libertés ou pour la vie économique et sociale de la nation. Cette proposition, qui est sans précédent, a fait l'objet de nombreux amendements pour renforcer encore cette nouvelle prérogative dévolue au Parlement. Le Gouvernement est prêt à aller plus loin en accueillant favorablement la proposition conférant un droit de veto à la majorité qualifiée des membres de la commission qui procédera à l'audition des personnalités pressenties.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Il s'agit, enfin, d'encadrer le recours à l'article 16, dont l'application fera l'objet d'un contrôle accru par le Conseil constitutionnel. Quant au droit de grâce, il ne pourra plus s'exercer qu'à titre individuel, après avis d'une commission.

L'encadrement du droit de message est issu de circonstances historiques très particulières : celles des premières années de la IIIe République, si incertaines, si délicates, et de son improvisation institutionnelle. Cette règle remonte à 1873, et le caractère désuet de plusieurs de ses précautions n'échappe à personne. Après cinquante ans de stabilité politique, je pense que nous pouvons nous accorder plus de confiance et nous parler sans interprète !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Le projet s'efforce, là encore, de présenter une solution équilibrée. Il permet au chef de l'État de s'exprimer devant le Parlement, sans que cette intervention puisse donner lieu à un vote. En proposant de la réserver au Parlement réuni en Congrès, votre rapporteur marque encore davantage le caractère exceptionnel de cette intervention du Président de la République.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Cela correspond à nos intentions, et le Gouvernement donnera un avis favorable à cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)

En outre, ce projet de réforme renforce le pouvoir des citoyens et la protection des individus. Il prévoit la possibilité de saisir le Conseil économique et social par voie de pétition citoyenne. Je vous propose aujourd'hui d'aller encore plus loin en retenant la proposition du comité Balladur relative au droit d'initiative populaire. Un cinquième des membres du Parlement soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales pourraient imposer au Parlement d'examiner, dans un délai d'un an, une proposition de référendum entrant dans le champ de l'article 11 de la Constitution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) À défaut d'examen par le Parlement, le Conseil constitutionnel constaterait la nécessité d'organiser un référendum.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Certes, nous devons réfléchir aux modalités de mise en oeuvre d'un tel droit d'initiative, que ce soit sur la manière dont la collecte des signatures est organisée ou sur son périmètre, afin d'éviter la remise en cause de lois votées par le Parlement, mais, dans son principe, j'adhère à cette proposition à laquelle, je le sais, plusieurs d'entre vous sont attachés.

Créer un défenseur des droits des citoyens, c'est mieux garantir le respect des libertés individuelles. Ce défenseur pourra être saisi par toute personne qui s'estimera lésée par le fonctionnement d'un service public.

Le médiateur de la République et les autres autorités indépendantes qui se consacrent à la défense des droits et libertés accomplissent un excellent travail, que le Gouvernement salue, mais donner au défenseur des droits des citoyens un ancrage constitutionnel lui conférera une autorité morale et une efficacité encore plus grandes.

Le même pragmatisme ouvrira aux citoyens la faculté de soulever la question de la constitutionnalité d'une loi à l'occasion d'un procès. Jusqu'à présent, le juge pouvait à tout moment écarter l'application d'une loi qu'il jugeait contraire à une convention internationale. En revanche, il ne se prononçait pas lorsque la conformité de cette loi avec la Constitution était mise en doute. En définitive, nous étions plus respectueux des normes étrangères que des nôtres.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Cette curiosité française peut prendre fin, si vous le décidez.

Certains diront que cette possibilité nouvelle ouvre des tentations d'abus. Je n'en ignore rien, et je sais aussi que des pays de tradition juridique différente les gèrent très bien. Un système de filtre est d'ores et déjà prévu pour faire barrage à l'afflux des requêtes invoquant l'inconstitutionnalité de la loi. Le Conseil d'État et la Cour de cassation feront le tri de celles qui présentent un caractère sérieux. Ils en saisiront le Conseil constitutionnel, qui tranchera.

Enfin, le projet organise la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. L'évolution du rôle dévolu à l'autorité judiciaire dans une démocratie moderne recommande que le Président de la République cesse d'en assurer la présidence. Celle-ci pourra être confiée au Premier président de la Cour de cassation et au procureur général près la Cour de cassation. Pour garantir, outre l'indépendance de l'institution, sa nécessaire ouverture, il est également prévu d'intégrer au sein de ce conseil des personnalités qualifiées.

Le général de Gaulle, qui mena lui-même à bien trois réformes de la Constitution qu'il avait inspirée, n'était pas dupe à l'égard de la permanence des constructions politiques. « Les régimes, » disait-il à Dunkerque en 1959, « nous savons ce que c'est : des choses qui passent. Mais les peuples ne passent pas ».

Nous ne parlons pas aujourd'hui seulement pour un texte ; nous parlons pour un peuple. Nous avons le privilège de disposer d'une grande, d'une utile, d'une bonne Constitution. Le bon sens nous commande d'en conserver l'esprit, mais l'audace nous demande aussi de lui imprimer les changements dont dépendent la vigueur de notre démocratie et la créativité de notre nation.

Pour atteindre un meilleur équilibre institutionnel sans prendre le risque de retomber dans le régime des partis que nous avons connu et qui nous avait conduits au bord du gouffre, la voie est étroite, mais elle existe. Elle est affaire de volonté et de raison. Ce projet est à l'image de ces deux vertus.

Il vous est proposé de donner une quinzaine de droits nouveaux au Parlement, et il vous revient de répondre à une question simple : vais-je me saisir de ces droits, vais-je dépasser mes objections politiques pour contribuer à un compromis historique ?

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

L'avenir jugera ceux qui diront « oui » ou « non » aux questions suivantes. Voulons-nous le partage de l'ordre du jour du Parlement ? Voulons-nous un examen en séance publique des projets de loi issus de la commission, l'institution d'un véritable délai d'examen d'un texte après son dépôt ? Souhaitons-nous l'augmentation du nombre des commissions ? Sommes-nous favorables au droit de veto sur les nominations du président ?

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Voulons-nous la limitation du recours au 49-3 ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Sommes-nous favorables à la garantie pour l'opposition et les groupes minoritaires de droits spécifiques,…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…dont la fixation de l'ordre du jour d'une journée chaque mois ? Sommes-nous favorables à la reconnaissance du rôle du Parlement en matière d'évaluation des politiques publiques (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre), à l'assistance de la Cour des comptes dans le contrôle des lois de finances et l'évaluation des politiques publiques, au contrôle de l'utilisation de l'article 16 (Mêmes mouvements), à la possibilité de faire examiner les propositions de loi par le Conseil d'État, à l'obligation d'informer le Parlement des opérations militaires dans un délai de trois jours, au pouvoir qui lui est donné de prolonger une intervention militaire, ou encore à l'amélioration du contrôle de subsidiarité à l'échelle européenne, en permettant le vote de résolutions sur tous les projets d'actes ?

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Les assemblées, saisies d'une telle réforme institutionnelle de fond, ont une responsabilité que peu d'autres ont portée avant elles et que peu porteront après elles.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Pour tout dire, vous avez aujourd'hui entre vos mains le pouvoir de donner à la République la démocratie rénovée qu'elle mérite.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Je forme le voeu que nous sachions, au cours des débats qui vont s'engager ici, à l'Assemblée nationale, au Sénat puis au Congrès, nous rassembler pour être au rendez-vous de cette opportunité exceptionnelle. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous allons vivre ensemble l'un des moments forts de la législature en débattant de ce projet de loi de révision de notre Constitution.

Je veux d'abord redire publiquement mon attachement aux institutions de la Ve République. Notre pays a la chance d'avoir une Constitution qui lui a permis de faire face aux nombreuses épreuves qu'il a rencontrées, de la guerre d'Algérie aux événements de mai 68.

Notre Constitution nous a permis de faire face à toutes les péripéties politiques, à la grande alternance de 1981, à toutes les autres alternances et cohabitations. Elle a permis à des personnalités aussi différentes que le général de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy de donner le meilleur d'eux-mêmes à la tête de notre pays et, dans tous les cas, elle a garanti l'efficacité du Gouvernement. Elle a permis à la parole de la France d'être portée haut et d'être respectée dans le monde.

Dans toutes les situations, le suffrage universel a été respecté. Les Français ont porté à leur tête des majorités différentes selon les élections présidentielles ou législatives, mais leur vote a toujours été respecté. Pour être clair, je n'aurais pas été le rapporteur d'un texte qui aurait dénaturé nos institutions et, si je suis là aujourd'hui pour apporter tout mon soutien à cette révision, c'est parce que je crois que ces institutions doivent évoluer et s'adapter à notre temps.

Aujourd'hui est une étape de la longue démarche qui a débuté il y a plus d'un an. Lors des campagnes électorales pour les élections présidentielle et législatives, chacun des candidats a expliqué à nos concitoyens quels étaient ses choix. Cette démarche s'est poursuivie le 12 juillet 2007 avec l'intervention du Président de la République à Épinal, puis avec la constitution du comité de réflexion qui, sous l'autorité d'Édouard Balladur, rassemblait des personnalités de toutes origines, diverses par leur expérience. Je tiens à saluer le sérieux et la transparence du travail qui a été ainsi accompli. Le Gouvernement a ensuite mené une longue concertation, et je tiens à souligner également l'important travail mené par le président de notre assemblée, Bernard Accoyer, qui a constitué dès le début du processus un groupe pluraliste regroupant toutes les tendances et qui, réunion après réunion, a cherché à dégager de grandes lignes de consensus. Un an après, il est logique que nous, constituants, soyons saisis de ce texte.

La commission des lois a poursuivi ce travail de fond en auditionnant la garde des sceaux, le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, ainsi que le président du comité de réflexion, Édouard Balladur. Elle a ensuite procédé à plus d'une trentaine d'auditions, ouvertes à chacune et chacun d'entre vous, en présence de la presse. Pendant plus de dix heures, elle a ensuite débattu du texte et travaillé sur son contenu, en retenant de nombreux amendements venant de tous les bancs. Plus de quinze amendements ont été adoptés à l'unanimité.

Aujourd'hui, je suis là pour vous rendre compte de ce travail qui a visé à soutenir les axes principaux du projet et à renforcer les droits du Parlement – évolution attendue sur tous les bancs depuis des décennies – ainsi que ceux de nos concitoyens.

Très concrètement quels changements pouvons-nous attendre ?

Premier changement, selon moi fondamental pour notre pays, avec ce projet nous pourrons légiférer moins et mieux. Nous allons introduire dans la Constitution l'obligation d'études d'impact. Les gouvernements successifs devront ainsi, lorsqu'ils auront entamé un processus d'écriture d'un projet de loi, se demander si c'est bien utile, combien cela va coûter et s'il n'y a pas d'autres moyens d'atteindre les mêmes objectifs. Cela me semble indispensable si nous voulons fermer quelque peu le robinet de la production législative dans notre pays, et je suis persuadé que nos concitoyens, comme nos entreprises, attendent une telle évolution.

La deuxième amélioration concerne les délais. À l'unanimité, nous avons voté en commission des amendements fixant des délais minimaux de six semaines, ou trois semaines en cas d'urgence, afin que nous ayons le temps d'approfondir l'examen des projets qui nous sont soumis.

La troisième grande amélioration nous permettra d'éviter les redites, d'éviter que, dans l'hémicycle, on recommence les mêmes débats qu'en commission. La proposition du Gouvernement de faire discuter dans l'hémicycle le texte tel qu'il aura été voté par la commission est une très grande avancée.

Nous avons ajouté d'autres dispositions, notamment l'extension du droit d'amendement, qui permettra de desserrer le carcan imposé ces dernières années par le Conseil constitutionnel. Je veux également parler de l'amendement voté à l'unanimité, à l'initiative de nos collègues du Nouveau Centre, qui vise à introduire dans la Constitution le principe de non-rétroactivité. Un autre amendement, également adopté à l'unanimité, tend à obliger le Gouvernement à ratifier les ordonnances de manière expresse et non plus tacitement. Cela permettra d'améliorer la qualité du travail parlementaire.

Avec cette révision, le Parlement pourra-t-il mieux contrôler l'action du Gouvernement ? Oui, évidemment ! Pour la première fois, nous pourrons donner un avis sur les projets de nomination par le Président de la République des représentants de l'État dans les hautes autorités administratives indépendantes ou à la tête des grandes entreprises publiques. Sur tous les bancs, à un moment ou à un autre, nous avons eu l'impression que telle ou telle nomination était non pas due aux seules compétences du candidat, mais liée à tel ou tel rapprochement ou connivence de circonstance. Nous avons là l'occasion d'avoir des auditions et des débats clairs, et je remercie le Gouvernement d'accepter le principe d'un droit de veto permettant au Parlement de dénoncer d'éventuelles erreurs manifestes dans les désignations.

Avec cette révision, le Parlement pourra-t-il mieux contrôler l'action du Gouvernement ? Oui, et je voudrais citer en exemple l'énorme avancée, qu'aucun gouvernement n'avait proposée sous la Ve République, que constitue le fait que le Gouvernement s'engage à informer dans les trois jours le Parlement de toute intervention militaire et qu'un débat avec vote soit obligatoire pour une prolongation au-delà de six mois. C'est un amendement de M. Montebourg, qui a été adopté.

Comme il existe une déclaration de politique générale, qui permet au Gouvernement d'engager sa responsabilité devant nous, nous souhaitons qu'à l'avenir celui-ci puisse faire devant l'Assemblée une déclaration à caractère thématique – éducation nationale, défense ou autre. Retenant là aussi un amendement de l'opposition, la commission propose que cette déclaration puisse, à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire, être suivie d'un débat et le cas échéant d'un vote. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela permettrait au Parlement de se prononcer sans être obligé de légiférer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Nous pourrons également mieux contrôler l'action des gouvernements qui se succéderont à la tête de notre pays parce que nous allons renforcer la place de l'opposition. Je le dis comme je le pense, à la suite de prédécesseurs tels que Didier Migaud, qui a commencé il y a quelques années ce travail de construction d'un statut de l'opposition : le contrôle parlementaire nécessite, pour s'exercer de la façon la plus approfondie et objective possible, qu'une place particulière soit réservée à l'opposition. Le projet de révision constitutionnelle pose les fondements du renforcement de ce contrôle.

Avec cette révision, le Parlement pourra-t-il mieux contrôler l'utilisation de l'argent public, comme l'exigent aussi nos concitoyens ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) À cette question, je réponds oui…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

… parce que nous allons inscrire dans la Constitution que le rôle du Parlement ne se limite pas à voter les lois et à contrôler le Gouvernement, mais qu'il inclut également l'évaluation des politiques publiques, c'est-à-dire le rapport qualité-prix des politiques engagées par le Gouvernement.

Nous pourrons mieux contrôler l'utilisation de l'argent public, parce que la Constitution nous permettra de bénéficier pour ce faire de l'assistance de la Cour des comptes. Surtout, le Parlement pourra consacrer par priorité une semaine sur quatre au contrôle des politiques publiques et de la manière dont l'argent public est dépensé, au lieu de voter toujours plus de lois, ce dont nos concitoyens ne veulent plus. Ce sont là aussi des changements concrets que les Français attendent.

Outre ces améliorations, qui vont nous permettre de mieux légiférer, le projet de loi comporte une autre dimension : il tend à donner de nouveaux droits à nos concitoyens, et ce dans plusieurs domaines.

Dans le domaine de la justice d'abord, il réalise plusieurs avancées. En ce qui concerne la modernisation du Conseil supérieur de la magistrature, monsieur le Premier ministre, nous avons fait évoluer votre projet de loi et je ne doute pas que le débat parlementaire permette d'aller plus loin encore, jusqu'à ce que nous parvenions à une composition et un fonctionnement propres à rallier nos suffrages, par le biais notamment d'une diversification du recours aux personnalités qualifiées.

Mais nous sommes particulièrement attachés, monsieur le Premier ministre, à l'amendement visant à permettre à tous les justiciables de saisir le Conseil supérieur de la magistrature. C'était une préconisation de la commission « Outreau », qui rassemblait des parlementaires siégeant sur tous ces bancs.

Nous tenons également, monsieur le Premier ministre, à permettre à nos concitoyens d'accéder plus facilement au juge compétent. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que le législateur puisse définir le périmètre des ordres juridictionnels, afin de pouvoir dans les années à venir y introduire de la cohérence et de la simplification.

Nous souhaitons également créer de nouveaux droits pour nos concitoyens, notamment celui de pouvoir se prévaloir de notre Constitution devant les tribunaux : si cette révision est votée, chaque justiciable pourra obtenir l'assurance que la loi que le tribunal lui applique n'est pas contraire à la Constitution. Il est paradoxal, en effet, que n'importe quel tribunal de notre pays puisse écarter l'application d'une loi française au prétexte qu'elle est contraire à un accord international, mais que nos concitoyens ne puissent à aucun moment demander qu'on vérifie la conformité à la Constitution de la disposition qu'un tribunal s'apprête à lui appliquer.

Je fais partie des parlementaires prudents sur ce sujet, car soucieux de concilier ce nouveau droit avec l'impératif de sécurité juridique. Je crois que nous parviendrons à un bon équilibre avec la mise en place d'un mécanisme de double filtre par le Conseil d'État et la Cour de cassation, pourvu que leur intervention soit encadrée par des délais précis. Nous sommes très attachés à cette condition, parce que nous ne voulons pas que ce recours puisse constituer une manoeuvre dilatoire au bénéfice de justiciables particulièrement riches ou particulièrement bien défendus.

Nous souhaitons également étendre les possibilités d'expression de nos concitoyens. C'est pourquoi nous avons voté, à l'unanimité, un amendement élargissant le recours au référendum dans le cadre de l'article 11 aux questions économiques et sociales, et aux questions environnementales.

Sous réserve peut-être d'adaptations et d'explications, nous vous rejoignons, monsieur le Premier ministre, pour accueillir favorablement la proposition du comité Balladur concernant le référendum d'initiative populaire et permettant, sous réservé de la signature d'une pétition signée par un cinquième des parlementaires, le dépôt d'une pétition pouvant aboutir à un débat au Parlement ou, à défaut, à un référendum.

Le vote de cette révision garantira également le respect de l'avis de nos concitoyens dans la construction de l'Union européenne. La commission des lois a ainsi adopté un amendement permettant de consulter nos concitoyens sur tout élargissement de l'Union européenne à un pays dont la population serait suffisamment importante pour modifier substantiellement son fonctionnement.

De la même manière, nous avons voté à l'unanimité un amendement de M. Caresche visant à permettre à soixante députés ou soixante sénateurs de proposer au Parlement de déclencher l'action de la France devant la Cour de justice de l'Union européenne en cas de non-respect du principe de subsidiarité. En clair, au cas où une institution européenne prendrait à l'avenir un acte qui excéderait les compétences de l'Union européenne et violerait notre souveraineté, les droits de nos concitoyens seraient ainsi mieux protégés. Il s'agit là encore d'un progrès.

Mes chers collègues, je vous ai rendu compte – trop brièvement – du travail de notre commission. Il s'est voulu concret, ouvert aux réflexions et aux apports des uns et des autres sur tous ces bancs. Ce travail d'amélioration, nous allons le poursuivre dans les jours qui viennent, mais je vous demande dès maintenant, au nom de la commission des lois, d'apporter votre soutien à la démarche de modernisation des institutions à laquelle le Président de la République et le Gouvernement nous appellent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Axel Poniatowski, président et rapporteur de la commission des affaires étrangères saisie pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Cette vingt-quatrième réforme des institutions est la plus importante après celle qui, en 1962, a posé le principe de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct.

Si ce projet de loi constitutionnelle suscite des débats si nombreux et si passionnés, c'est parce qu'il nous interpelle sur le fonctionnement même de notre démocratie et remet en cause certaines pratiques observées depuis cinquante ans. Mais s'il est un domaine où la volonté de moderniser et de rééquilibrer nos institutions peut nous rassembler, quelle que soit notre sensibilité politique, c'est bien celui du renforcement des prérogatives du Parlement en matière de politique étrangère et européenne.

La politique étrangère de la France peut-elle en effet continuer longtemps encore à ne relever que du seul « domaine réservé » de l'exécutif ? Qu'on le veuille ou non, les questions internationales sont sorties du cercle des initiés. Les acteurs se sont multipliés sur la scène mondiale : je pense aux organisations internationales, à l'influence des organisations non gouvernementales, au poids financier des grandes fondations privées, au rôle des médias, en particulier celui de l'Internet, qui permet aux opinions publiques de se mobiliser de plus en plus facilement pour défendre des causes et manifester la primauté du respect des droits de l'homme.

Dans ce contexte nouveau, rien ne justifie que le parlement français reste insuffisamment impliqué dans les enjeux internationaux du monde contemporain ; rien ne justifie qu'il conserve un statut d'exception parmi toutes les grandes démocraties du monde. C'est pourquoi je me félicite que le projet de loi constitutionnelle qui nous est présenté ouvre de nouvelles perspectives en faveur d'un Parlement mieux associé à la politique étrangère et plus engagé en matière européenne.

Le débat qui s'ouvre ce soir est l'occasion de réfléchir à la façon la plus appropriée de mieux impliquer la représentation nationale sur les grands sujets internationaux. Alors que le projet de loi instaure un nouveau droit de résolution parlementaire, sur le modèle de ce qui existe dans la plupart des démocraties occidentales ainsi qu'au Parlement européen, la commission des lois a voté la suppression de ce droit de résolution, en raison des dérives auxquelles il pourrait conduire dans notre système institutionnel. Tout en comprenant ces craintes, je crois nécessaire de réfléchir ensemble à un autre mécanisme de nature à ouvrir davantage notre parlement sur l'Europe et sur le monde.

L'amendement du président Warsmann, visant à ce que la Constitution permette au Gouvernement de faire devant le Parlement des déclarations à caractère thématique, suivies d'un débat et le cas échéant d'un vote, me semble être un bon compromis. Cela permettra au Parlement d'exprimer une opinion sans présenter les risques de dérive inhérents à la pratique du droit de résolution.

Je veux toutefois souligner l'intérêt de maintenir un régime juridique spécifique pour les résolutions européennes de l'article 88-4, qui voient leur champ d'application étendu. En effet, conformément à la préconisation du comité Balladur, les résolutions européennes pourront à l'avenir porter sur n'importe quel projet d'acte européen, et non plus sur les seuls textes soumis par le Gouvernement. J'y vois un progrès très important, car cela permettra à notre assemblée de fixer elle-même les frontières du contrôle parlementaire sur les affaires européennes. Mieux informé grâce aux nouvelles dispositions du traité de Lisbonne, notre parlement sera également plus engagé dans la construction européenne grâce à la réforme de nos institutions.

La réforme pourrait utilement être complétée sur deux points, et je m'associe aux deux amendements déposés en ce sens : l'un vise à faire reconnaître par la Constitution les symboles européens ; l'autre prévoit, dans un souci de clarté des débats et de simplification des procédures, que lorsque la ratification d'un traité est soumise à une révision préalable de la Constitution, l'adoption de la révision constitutionnelle vaut autorisation de ratification dudit traité.

Il y a toutefois une disposition du projet de loi qui pose problème : celle qui concerne la nouvelle rédaction de l'article 88-5 relatif à la procédure de ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne. Il est vrai que la remise en cause de 1'automaticité du recours au référendum pour tout élargissement futur provoque un malaise au sein de notre majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Ce malaise explique en grande partie l'avis défavorable rendu par la commission des affaires étrangères à ce stade de nos discussions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Faut-il soumettre à une procédure identique la ratification des traités d'adhésion à l'Union de tous les pays candidats, quelles que soient leur taille, leur population et leur situation géographique ? Faut-il systématiquement organiser un référendum pour l'adhésion à l'Union de pays dont la vocation européenne ne prête pas à débat au sein de l'opinion ?

Chacun d'entre nous sait parfaitement que l'article 88-5 a été introduit en 2005 dans le seul but d'éviter que le référendum sur la Constitution européenne ne se transforme en référendum sur la Turquie. Chacun d'entre nous peut constater que cette stratégie de circonstance n'a pas fonctionné.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

…mais je comprends ceux qui craignent que le peuple français ne soit privé de s'exprimer sur la Turquie. Il nous faut donc trouver un moyen de concilier la poursuite des élargissements de l'Union – je pense en particulier aux pays des Balkans – avec l'assurance que la volonté des Français sera respectée. Pour éviter de stigmatiser tel ou tel pays, je souhaite que nous puissions trouver une formule qui permette d'ouvrir le débat sur chacun des élargissements sans pointer du doigt un pays en particulier. Si les Français veulent un référendum sur la Turquie, le plus simple ne serait-il finalement pas de leur donner la possibilité de le demander eux-mêmes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je ne suis pas fermé par principe à l'idée d'un amendement démographique, mais je souhaite que l'on réfléchisse aussi à l'idée d'introduire à l'article 88-5, en complément de la rédaction actuelle du projet de loi, un mécanisme d'initiative populaire et parlementaire.

J'en viens maintenant à un point très important du projet de loi, qui concerne le renforcement des pouvoirs du Parlement en matière de contrôle des opérations extérieures. Mis à part le cas de la déclaration de guerre prévu par l'article 35 de la Constitution, le Parlement ne dispose en effet que de prérogatives trop limitées dans le domaine de la défense. Or, plus de 11 000 militaires français participent actuellement à des interventions à l'étranger, souvent dans le cadre d'opérations de sécurité collective sans que nous ayons déclaré la guerre à qui que soit.

Le projet de loi constitutionnelle modernise nos institutions sur ce point en prévoyant que les interventions des forces armées à l'étranger feront dorénavant l'objet d'une information systématique du Parlement et que leur prolongation au-delà de six mois sera soumise à autorisation parlementaire. La rédaction actuelle du projet de loi ne fixe toutefois aucun terme à la prolongation autorisée par le Parlement. Or, il me semble souhaitable que nous puissions nous prononcer sur l'évolution des interventions. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement prévoyant la tenue d'un débat parlementaire annuel sur l'ensemble des interventions ayant fait l'objet d'une autorisation.

Je pense également que nous devons garantir l'information du Parlement sur les accords de défense en permettant à l'Assemblée nationale et au Sénat d'en être destinataires, sous réserve évidemment du respect de leur confidentialité. Il s'agissait là d'une proposition du comité Balladur qu'il me semble opportun d'inscrire dans la Constitution. Je rappelle que, dans un passé récent, le Gouvernement est même allé beaucoup plus loin en publiant au Journal officiel les accords de défense franco-libyens, en réponse au souhait d'avoir connaissance des dispositions de ces accords manifesté par la commission d'enquête parlementaire sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye.

Jamais une réforme de nos institutions n'aura comporté autant d'avancées quant à l'implication du Parlement dans la politique européenne et étrangère de la France. Des points de blocage subsistent, en particulier sur la rédaction de l'article 88-5 de la Constitution, mais je souhaite que nous puissions tout mettre en oeuvre pour trouver les solutions les plus appropriées aux problèmes soulevés. Il y a, dans cette réforme des institutions que nous propose le Président de la République, une opportunité réelle de faire du Parlement un acteur à part entière de la politique étrangère de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Guy Teissier, président et rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées saisie pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Teissier

rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Le fait que la commission de la défense nationale et des forces armées se soit saisie pour avis de quatre articles du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République ne surprendra personne, car ces articles concernent directement des questions liées à son domaine de compétence.

J'aborderai tout d'abord l'article 13, qui introduit un véritable bouleversement des rapports entre l'exécutif et le Parlement. Hormis le cas très particulier de la déclaration de guerre, la Constitution ne prévoit pas de procédure d'information ou de contrôle du Parlement au sujet des interventions extérieures de nos forces, alors même que les opérations extérieures – OPEX – constituent désormais une de leurs missions essentielles. En effet, le monde de la défense a connu bien des bouleversements depuis le début de la Ve République. Notre armée, professionnalisée, vit désormais au rythme des opérations extérieures, qui ponctuent son temps et témoignent du rôle international de notre pays.

Le faible rôle des deux chambres apparaît largement comme une anomalie par rapport aux autres grandes démocraties au regard tant de l'importance des enjeux budgétaires que du besoin de renforcer la légitimité des opérations. L'ampleur des déséquilibres entre les pouvoirs du Parlement et ceux du Président de la République dans ce domaine a alimenté des réflexions nombreuses. À cet égard, je tiens à rendre hommage au rapport d'information très complet élaboré par notre collègue François Lamy et, plus récemment, les travaux du comité présidé par M. Édouard Balladur, qui a largement inspiré le texte qui nous est soumis. Qu'il me soit permis, à ce stade, de souligner que c'est au gouvernement actuel que revient le mérite d'être passé à l'action et de présenter un texte renforçant de manière historique les pouvoirs des assemblées.

Le dispositif proposé par l'article 13 est double : information et, en cas de prolongation d'une OPEX, autorisation.

Pour ce qui est, en premier lieu, de l'information, le projet prévoit que le Gouvernement informe, dans les délais les plus brefs, le Parlement des interventions des forces armées à l'étranger. Cette rédaction offre au Gouvernement la plus grande souplesse pour le choix de la procédure d'information, tout en lui créant une nouvelle obligation. Il est cependant regrettable que le délai ne soit pas précisé. Aussi la commission a-t-elle adopté un amendement prévoyant que le Parlement doit être informé au plus tard sous huit jours. Selon le projet de loi, cette information « peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote ». Il convient donc de bien souligner que le système proposé se distingue très largement de certains dispositifs étrangers prévoyant une autorisation préalable pour le déclenchement d'une opération, par exemple chez nos voisins espagnols ou allemands – mais nous n'avons pas la même histoire ! C'est un point essentiel pour garantir la nécessaire souplesse opérationnelle et pour répondre aux spécificités des responsabilités militaires et internationales de la France. Il me semble qu'introduire un vote autorisant les opérations, après leur déclenchement mais dans un délai très bref, reviendrait en pratique, pour toutes les opérations d'une certaine ampleur, à introduire une forme d'autorisation préalable. Or, celle-ci ne correspond ni à notre histoire ni à notre culture institutionnelle et, dans les faits, elle aurait pour seule conséquence de retarder, voire de paralyser la réactivité de nos troupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Teissier

Je peux comprendre la volonté de ceux qui voient dans l'autorisation préalable le moyen de renforcer le rôle du Parlement, mais je sais que notre mission est aujourd'hui de trouver un point d'équilibre, et non d'aboutir à un système corseté et inutilement complexe.

Le second volet est celui de l'autorisation. Lorsque la durée de l'intervention excède six mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. Ce délai de six mois a fait débat au sein de la commission de la défense : il peut sembler bien long, tant il est vrai qu'au terme d'une telle durée les troupes sont déjà largement installées. La commission a donc adopté un amendement ramenant ce délai à quatre mois, ce qui correspond à la période de relève. Il faut observer que cette autorisation n'est délivrée qu'une fois par opération. Cependant, lorsque l'une d'entre elles viendrait à se prolonger ou à changer de nature, le Parlement, en application des nouvelles mesures relatives à la fixation de l'ordre du jour, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le Premier ministre, aura toujours le loisir d'organiser un débat sur le sujet.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé son souhait de fixer au 1er janvier 2009 la date d'entrée en vigueur de cet article, ce qui le conduira à demander à ce moment l'autorisation de prolongation de toutes les opérations en cours depuis déjà longtemps. Devra donc être soumise à autorisation la prolongation des opérations menées au Tchad, en Côte-d'Ivoire ou ailleurs, pour lesquelles aucun débat parlementaire n'a jamais eu lieu.

Je reviens maintenant aux autres articles dont la commission s'est saisie. Celle-ci a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 5, qui crée une procédure d'encadrement de la mise en oeuvre de l'article 16 et améliore ainsi la garantie des libertés publiques. Elle a fait de même pour l'article 11, qui élargit le champ des lois de programmation et permettra ainsi de continuer à utiliser l'indispensable outil que constituent les lois de programmation militaire.

La commission a émis un avis défavorable à l'adoption de l'article 8, qui modifie la distribution des rôles au sommet de l'exécutif en matière de défense nationale. Il convient en effet de ne pas s'engager dans une telle réforme : la répartition actuelle des tâches a fait ses preuves et la nécessité d'une concentration accrue des pouvoirs n'est pas établie, le chef de l'État, chef des armées, disposant déjà d'une prééminence indiscutable.

Comme d'autres, enfin, j'ai été surpris de ne pas trouver dans ce projet de loi un article relatif aux accords de défense. Ceux-ci, il est vrai, ne font pas partie des accords internationaux énumérés à l'article 53 de la Constitution et n'ont pas à être ratifiés ou approuvés par une loi. L'information du Parlement à leur sujet est donc restée d'autant plus parcellaire et inégale que nombre d'entre eux comprennent des clauses confidentielles. Compte tenu de l'importance de ce type d'engagement international, susceptible d'entraîner nos forces dans des interventions armées en raison de clauses d'aide et d'assistance, une évolution est particulièrement souhaitable, ne serait-ce que pour mettre fin à des soupçons bien souvent injustifiés. Au demeurant, les données de la question ont sensiblement évolué : à l'occasion de son voyage en Afrique du Sud, le 28 février dernier, le Président de la République a souhaité des discussions avec tous les partenaires africains concernés pour adapter les accords de défense aux réalités actuelles. De plus, le principe de transparence devrait devenir la norme en la matière, ces accords ayant désormais vocation à être intégralement publiés. Il est souhaitable que le Gouvernement saisisse l'occasion de ce débat pour préciser comment il entend progresser dans ce domaine.

Pour terminer, mes chers collègues, il faut souligner l'ampleur des changements proposés. Il s'agit ici de la première avancée significative et concrète depuis cinquante ans dans le domaine de la défense et il convient de la saluer. Le Gouvernement se voit imposer de nouvelles contraintes et le Parlement devra se saisir pleinement de ses nouvelles responsabilités. Ce projet de loi est donc un bon texte, qui modernise notre Constitution sans la dénaturer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe du Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Benoist Apparu, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le cinquantième anniversaire du putsch ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

…le Gouvernement entreprend, conformément aux engagements pris par le Président de la République durant sa campagne, une audacieuse réforme de nos institutions.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a décidé de se saisir pour avis de l'article 17 du projet de loi constitutionnelle, qui prévoit de faire passer de six à huit le nombre des commissions permanentes. Il s'agit là d'une formidable opportunité pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de se scinder enfin en deux. Permettez-moi cependant, avant d'évoquer ce sujet, de m'arrêter quelques instants sur l'ensemble du texte.

Depuis un an, les commentateurs politiques dissèquent la pratique présidentielle de Nicolas Sarkozy et insistent sur la présidentialisation de nos institutions. Cette analyse est frappée au coin du bon sens et il est vrai que le Président actuel se montre plus directement présent sur la scène politique intérieure que son prédécesseur. Il assume médiatiquement, et avec le Premier ministre, la direction des réformes. Cependant, si l'on souhaite comparer le mode de fonctionnement des chefs de l'État, encore faut-il le faire à contexte identique et comparer les débuts de mandats.

Or, qui peut croire qu'en 1981 François Mitterrand ou, en 1995, Jacques Chirac étaient de simples spectateurs de l'action gouvernementale ? Bref, au début de son mandat, un président s'implique davantage sur la scène politique intérieure pour affirmer son autorité et mettre en oeuvre le projet sur lequel il vient d'être élu.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

Mais ce qui a fondamentalement changé depuis 2007, c'est la mise en place réelle du quinquennat. Jacques Chirac fut certainement le dernier Président à exercer ses fonctions dans un cadre réglé par la Constitution de 1958. Dans le débat institutionnel actuel, nous oublions que la réforme majeure des institutions est non seulement celle que nous sommes en train de discuter, mais également celle initiée par Jacques Chirac et Lionel Jospin. L'instauration du quinquennat et la concomitance des élections présidentielles et législatives ont modifié en profondeur nos institutions, au même titre que la réforme de 1962. En effet, l'élection des députés n'est plus aujourd'hui que la suite logique de l'élection présidentielle. Ce lien de dépendance nouveau et inéluctable entre le chef de l'exécutif et la majorité parlementaire a fortement renforcé la prééminence du Président et engendré ce que les commentateurs appellent aujourd'hui « l'hyper-présidentialisation ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et que dites-vous des godillots qui l'acceptent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

…c'est bel et bien le quinquennat.

C'est la raison pour laquelle il est essentiel et urgent de rééquilibrer nos institutions au profit du Parlement et de mieux encadrer les pouvoirs du Président et de l'exécutif sous peine d'avoir plus que jamais un parlement croupion. Et il serait pour le moins surprenant que ceux qui dénoncent l'omniprésence présidentielle refusent une révision constitutionnelle qui, justement, lutte contre cette omniprésence et rééquilibre les pouvoirs au profit du Parlement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

En réformant la Constitution de 1958, qui a su montrer sa souplesse et son efficacité, nous modifions nos institutions pour longtemps. Chaque décision, chaque amendement doit faire l'objet d'une réflexion intense et de nombreux échanges. Réviser la Constitution confère aux parlementaires une lourde responsabilité qui ne doit pas être entachée de querelles partisanes plus quotidiennes. Loin d'être un texte ordinaire, le projet qui nous est présenté nécessite un dialogue républicain entre les différentes familles politiques. Il s'agit, pour les uns ou pour les autres, non pas de renier ce qu'ils croient, mais de faire oeuvre commune pour renforcer les droits et les devoirs du Parlement. Je voudrais à ce titre rendre hommage au rapporteur de la commission des lois, qui a su se montrer particulièrement inventif et ouvert pour soutenir des amendements qui modifient substantiellement ce projet de loi. Je sais que le Gouvernement sera attentif et ouvert à ces propositions émanant de la majorité comme de l'opposition. À ce titre, je voudrais évoquer rapidement quelques points qui peuvent donner le sentiment, contraire à l'esprit de la réforme, d'un renforcement des pouvoirs du Président.

Si l'intervention de ce dernier devant l'Assemblée nationale et le Sénat fait débat, à droite comme à gauche d'ailleurs, pourquoi ne pas reprendre l'idée, formulée par le président de l'Assemblée nationale et par Laurent Fabius, d'une intervention plus solennelle devant le Congrès, comme le propose également notre rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

De même, si la modification de la répartition des pouvoirs entre le Président et le Premier ministre en matière de défense nationale choque certains de nos collègues, supprimons cette disposition qui n'est pas fondamentale !

Mais dès lors que nous aurons supprimé de ce texte tout ce qui peut ressembler à une augmentation des pouvoirs du Président, et surtout que nous aurons voté les limitations nouvelles du pouvoir exécutif – je pense notamment à l'encadrement du pouvoir de nomination du Président –, je ne comprendrais plus pourquoi certains de nos collègues, qui passent leur temps à dénoncer le présidentialisme renforcé, ne voteraient pas ce texte qui limite celui-ci. Ou plutôt je comprendrais que si le parti socialiste refusait de voter de nouveaux pouvoirs au Parlement et de limiter le pouvoir du Président de la République, ce serait tout simplement parce que le congrès du PS approche. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

Par ailleurs, permettez-moi de revenir quelques instants sur ce qui justifie la saisine de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à savoir l'augmentation du nombre de commissions.

Je crois pouvoir affirmer que le choix opéré en 1958 d'une commission unique pour traiter les affaires culturelles et sociales est aujourd'hui considéré, sur tous les bancs, comme inadapté aux enjeux de notre temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

En 1958, les rédacteurs de la Constitution avaient voulu rompre avec la tradition républicaine des commissions permanentes et spécialisées, accusées d'être les expressions parlementaires d'intérêts particuliers menaçant la stabilité gouvernementale. Pour cela, les constituants ont instauré des commissions temporaires et spéciales, créées expressément pour l'étude d'un projet de texte, et limité le nombre de commissions permanentes à six alors qu'il y en avait dix-neuf sous le régime précédent. Ces commissions permanentes, dans l'esprit des constituants, ne devaient être saisies que pour des textes simples et d'intérêt mineur.

Or, très rapidement, les commissions permanentes ont retrouvé leurs prérogatives en matière législative et développé leur activité de contrôle. Dès lors, les défauts de l'organisation sont devenus criants : des effectifs pléthoriques et un champ de compétences extrêmement vaste. Ces évolutions, ajoutées à la montée en puissance des activités d'information et de contrôle, font qu'aujourd'hui la commission des affaires culturelles est la plus active des commissions permanentes : elle comprend un quart des membres de l'Assemblée et occupe près du tiers du temps de séance. Cela rend sa charge de travail excessive, et plus difficile chaque jour l'exercice de ses missions, car cela signifie que des pans entiers de son champ de compétences sont mis de côté pour parer au plus urgent.

C'est la raison pour laquelle, sous l'impulsion de son président Pierre Méhaignerie, notre commission souhaite unanimement une césure : d'un côté, une commission qui prenne en charge les affaires sociales, c'est-à-dire le travail et l'emploi, y compris la formation professionnelle, la sécurité sociale, la santé, et, de l'autre, une commission chargée des affaires culturelles comprenant l'éducation, la recherche, l'enseignement supérieur, la culture, la communication, la jeunesse et les sports.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Et qui serait présidée par M. Apparu ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

L'activité législative de la future commission des affaires culturelles sera loin d'être négligeable. Elle disposera d'un champ de compétences plus cohérent, mais ses limites sont sujettes à débat. On peut ainsi envisager, comme l'avait fait le président Debré dans sa proposition de résolution de 2006, que l'ensemble des questions de recherche, dont une partie relève aujourd'hui de la commission des affaires économiques, lui soit attribuée. Le président Debré avait également avancé l'hypothèse de confier à la commission des affaires culturelles les textes relatifs à la propriété intellectuelle, aujourd'hui renvoyés à la commission des lois. Se pose également la question, plus stratégique encore,…

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

…du rattachement du secteur des télécommunications, actuellement renvoyé à la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

La coupure avec le secteur de la communication, décidée en 1959, apparaît comme de plus en plus artificielle, les tuyaux et le contenu étant désormais intimement liés. J'en veux pour preuve la une d'un quotidien de ce matin qui précise que France Télécom est en passe de devenir l'opérateur numéro un en matière de télévision.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

Il nous faudra, dans notre futur règlement intérieur, trancher ces questions délicates.

En somme, avec des effectifs resserrés, un champ de compétences plus cohérent et des travaux plus techniques, la future commission des affaires culturelles participera pleinement à la revalorisation du rôle du Parlement, et, par la même, à la modernisation de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les institutions de la République sont la maison commune à tous les Français, le moyen par lequel ils prennent les décisions qui les engagent tous. C'est aussi la quantité de démocratie qu'ils acceptent, pour eux-mêmes, de mettre ou de ne pas mettre dans leur République.

Depuis la Révolution française, la droite et la gauche se sont affrontées sur les institutions. La droite, pendant longtemps, est restée monarchiste, tandis que la gauche, avant l'établissement de la République, militait pour celle-ci. Puis lorsque la République fut établie, on se disputa la part de monarchie ou de démocratie qu'on devait y introduire. La confrontation entre le gaullisme et les partis qui participèrent à la IVe République amena le débat sur le terrain du choix simpliste entre la démocratie qui, elle, serait impuissante, et l'absolutisme des pouvoirs concentrés sur la tête d'un seul homme,…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

…qui, lui, serait au contraire efficace. Les cinquante années d'existence de la Ve République nous démontrent le contraire. Ce régime, qui promettait l'efficacité au prix de la mise au pas de la démocratie, nous a donné à la fois l'autoritarisme, l'inefficacité et l'impuissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Teissier

de la commission de la défense nationale. Qu'avez-vous donc fait pendant vingt ans ?

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Certes, il faut le reconnaître, la Ve République a rendu des services indéniables à la France. Elle a permis, il y a cinquante ans, de sortir du tumulte de la décolonisation. Elle a permis de bâtir les instruments de notre puissance nucléaire militaire, d'ailleurs aujourd'hui bien entamée. Elle a construit, il y a quarante ans, notre indépendance énergétique, sans qu'à aucun moment le Parlement ait été associé à ces choix politiques essentiels ainsi qu'aux conséquences que ceux-ci emportaient pour les Français, aujourd'hui obligés de les endurer. Elle a pris la décision, il y a maintenant quinze ou vingt ans, de mondialiser jusqu'à l'excès notre économie, sans mandat et presque sans aucune discussion sérieuse sur ce sujet devant la représentation nationale. Il n'existe pas de lieu dans notre pays où la stratégie industrielle de la France ait fait l'objet de débats d'orientation et de décisions cohérentes, alors même qu'il n'existe pas une puissance industrielle dans le monde qui n'ait politisé ces questions et construit collectivement une stratégie d'unité nationale face à de tels enjeux internationaux.

Toutes ces décisions, parce qu'elles ont été prises sans discussion, parfois sans le peuple, sans l'adhésion de la population, sont une des causes de l'affaissement politique de notre république et de l'affaiblissement de notre pays. La Ve République a pris les mêmes aises autoritaires (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour participer à la construction européenne,…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

…et y imposer des choix et des priorités portés par des gouvernements qui ont très souvent agi sans vérifier l'adhésion populaire. L'avertissement de Maastricht avait déjà montré l'écart entre la volonté des dirigeants et les demandes de la population à l'égard de l'Europe. Cet écart, amplifié par plus d'une décennie de promesses non tenues, a provoqué, le 29 mai 2005, le rejet du traité constitutionnel européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Construire l'Europe sans qu'à aucun moment soit vérifiée la confiance dans ce projet que nous avons pour la nation, sans que le débat politique ait pu s'instaurer sur des choix qui, finalement, n'ont été qu'une succession d'interdits :…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

…telle est l'oeuvre de notre république. Tous ces choix fondamentaux, et bien d'autres encore, n'ont jamais été débattus sérieusement. Le système politique de la Ve République a interdit le débat, à nos yeux excessivement. Il a privé les représentants de la nation de la possibilité d'en contrôler les tenants et les aboutissants, et laissé les gouvernements successifs – j'inclus tous les gouvernements, mes chers collègues – dans la liberté absolue de leurs mouvements.

Il suffit d'ailleurs de porter le regard sur nos voisins européens pour mesurer combien la situation française est singulièrement peu démocratique. Dans tous les domaines, le retard de la France sur le plan institutionnel est considérable : référendum d'initiative populaire, cumul des mandats, contrôle des finances publiques, droits de l'opposition, commission d'enquête parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La Ve République a en vérité organisé l'alliance d'un monarque avec des corps technocratiques intermédiaires au profit d'une sorte de dictature éclairée.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Mais le monarque est de moins en moins éclairé, de plus en plus obscurci dans sa moralité, dans sa clairvoyance et dans son génie personnel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous en conviendrez, mes chers collègues, on ne trouve pas, dans une grande nation comme la nôtre, un général de Gaulle ou un François Mitterrand tous les dix ans. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Aujourd'hui, la Ve République fait l'objet d'un grand rejet et d'un discrédit. Je m'étonne que vous protestiez, car c'est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes là : il s'agit de discuter des remèdes.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Je pensais que, au moins sur le diagnostic, les médecins que nous sommes pouvaient tomber d'accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Mais je vois que non. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela montre que nous avons encore du chemin à faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Avec un peu de mélancolie, je voudrais vous dire une chose : il n'y a plus aujourd'hui en France de lieu où l'on puisse construire sereinement des compromis politiques (« Allons bon ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.),…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

…échanger des concessions, travailler à l'intérêt général, surmonter des désaccords et construire l'avenir de notre pays. C'est un ancien jeune parlementaire qui entame sa douzième année de présence à l'Assemblée nationale…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

…qui se permet de le dire à titre personnel : le Parlement n'est qu'un théâtre où chacun apprend par coeur son rôle facile de godillot ou d'opposant. Il n'y a plus que des victoires par la force des uns sur les autres, précisément parce que le Parlement enchaîné n'est plus que la chambre d'enregistrement des volontés d'un pouvoir exécutif surpuissant et qui ne répond pas de ses actes.

Lorsque la population ne se sent plus représentée, se trouve dans l'incapacité de faire entendre sa voix, parce qu'elle sait intuitivement que l'organisation politique de son pays ne le lui permet pas, c'est la démocratie elle-même qui est en danger. Encore intuitivement, chacun a compris la dangerosité d'un système qui donne tout le pouvoir à un homme seul. Voilà pourquoi nous discutons de façon constructive de ce projet de loi.

Ce que nous appelons « l'omniprésidence », « l'hyperprésidence » dont, chers collègues de la majorité, vous souffrez autant que nous, c'est cette forme de délégation totale et sans limite accordée à un homme seul dont le caractère providentiel reste – et restera encore longtemps – à démontrer. C'est le problème irrésolu de ce pays ; c'est aussi le problème majeur de ce texte qui concerne l'aptitude ou l'inaptitude d'un président au profil si particulier à auto-limiter, avec ses amis ici présents, ses propres pouvoirs.

Pierre Mendès France avait eu la prescience, dès 1962, dans ce livre si beau et si juste intitulé La République moderne, de caractériser les dangers pour la démocratie de la personnalisation du pouvoir. Il écrivait : « Choisir un homme sur la seule base de son talent, de ses mérites, de son prestige ou de son habileté électorale, c'est une abdication de la part du peuple, une renonciation à commander et à contrôler lui-même, c'est une régression par rapport à une évolution que toute l'histoire nous a appris à considérer comme un progrès. Adopter une politique et faire confiance à un homme plutôt qu'à un autre pour l'appliquer, parce que c'est lui qui a été estimé le plus apte et le plus digne, c'est aussi se réserver le droit de juger sur ses actes. C'est, très exactement, se comporter en citoyen, cela n'a rien à voir avec le fait de se démettre entre ses mains, pour lui laisser le soin de résoudre à sa manière tous les problèmes. »

Les combats de la gauche française qui nous ont conduits ici, dans ce débat, s'inscrivent dans cet esprit mendésiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

Cela n'a pas empêché Mitterrand de se couler dans le moule de la Ve République !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Notre combat sur ce texte, pied à pied, prend son inspiration dans cet état d'esprit. Nous ne voyons pas la démocratie comme une source d'inquiétude, de crainte ou de méfiance. Nous n'avons pas peur du peuple, des référendums d'initiative populaire, du droit de pétition, de l'esprit de responsabilité – le droit des résolutions. Nous n'avons pas peur des espérances qu'un peuple peut former dans sa démocratie, car la démocratie, sous toutes ses formes, est un outil formidable : politique, social, représentatif, participatif, culturel. C'est un outil pour l'adhésion populaire à un pays qui veut se transformer.

Notre projet, à gauche, propose le dépassement de cette croyance que la démocratie serait un facteur d'empêchement, l'impossibilité d'agir, le désordre organisé. Il repose sur la croyance et la conviction que les Français veulent se réconcilier avec leur République, et qu'il faudra leur ouvrir les portes et les fenêtres de cette République qui n'est pas encore suffisamment la leur.

Notre vision, sur ce texte, c'est donc la recherche permanente de l'équilibre. Nous rejetons, bien sûr, les excès dangereux de la IVe République, mais nous refusons aussi ceux, tout aussi dangereux, de la Ve ! Nous n'avons aucune espèce de nostalgie pour ce régime incapable de régler les problèmes que fut la IVe République. Néanmoins vous nous permettrez de mesurer, aujourd'hui, la forme de discrédit qui s'est emparée de nos institutions, y compris les plus élevées dans l'ordre de l'État.

Nous nous projetons, au contraire, dans un futur où toute sorte d'excès de pouvoir doit être contrecarrée par des contre-pouvoirs. C'est le sens d'institutions modernes que nous ne pouvons pas refuser aux Français. Nous voulons l'équilibre entre la part de stabilité que la Ve République a offert à notre pays, et la part de délibération nécessaire qui lui manque aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Nous voulons l'équilibre entre le leadership que les Français et nous-mêmes recherchons pour notre pays, et l'esprit de responsabilité – qui manque aujourd'hui – attaché aux attributs dudit leader.

Léon Blum – il n'existe pas que dans les discours de campagne du Président de la République – le rappelait : « Pas de pouvoir là où n'est pas la responsabilité. » Nous ne voulons pas d'une République entre les mains d'un clan partisan, quel qu'il soit, qui gouvernerait seul ; nous souhaitons une démocratie où ceux qui dirigent acceptent la confrontation permanente avec les contre-pouvoirs : avec le Parlement, disposant d'une opposition constituée et forte comme dans tous les pays européens ; avec le pouvoir judiciaire dont l'indépendance doit être garantie contre les intrusions du Gouvernement et les intérêts partisans ; avec le pouvoir médiatique dont le pluralisme doit être concrètement assuré.

Voilà donc ce que l'esprit du grand projet de VIe République, que les socialistes ont porté pendant l'élection présidentielle, peut apporter à la France. Nous l'avons défendu morceau après morceau, pièce après pièce, dans ce débat, sans relâche, en commission des lois face à vous tous et maintenant, face aux membres du Gouvernement.

Nos idées ont infusé et ont même contaminé (Sourires) les propositions de la commission Balladur. D'ailleurs, nous avons dû en reprendre certaines contre vos propres refus. Nous avons proposé 29 amendements qui reprennent textuellement les propositions du comité Balladur. Sur ces 29, vous en avez rejeté plus de 22 en commission de lois !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Nous avons même dû batailler pour éviter les reculs infligés par la majorité à son Gouvernement ici présent. Et nous voici, par une cruelle plaisanterie de l'histoire, les porteurs de réformes balladuriennes que vous vous échinez vous-mêmes à rejeter. C'est dire notre sens aiguisé de la modération et c'est tout dire de l'insuffisance de vos ambitions, messieurs du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

D'ailleurs, ce qui a guidé nos pas tout au long de ce travail constructif est assez simple : tout ce qui accroît la concentration des pouvoirs doit être proscrit ; tout ce qui augmente la séparation et l'équilibre des pouvoirs doit être soutenu ; tout ce qui modère les excès de pouvoir doit être encouragé ; tout ce qui incline et incite au pouvoir personnel doit être rejeté ou encadré. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Tout au long de notre travail de constituants, nous avons veillé à garder une chance que nos propositions puissent être reprises par les vôtres, que nos positions puissent se rencontrer, sans perdre de vue ce qu'elles pourraient apporter de meilleur à la République, à la France et aux Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Vous me permettrez donc de faire ici à voix haute, publiquement, les comptes et les mécomptes de notre travail devant la commission des lois. J'identifierai les points qui constituent des avancées et qui sont – je le dis franchement – des raisons de voter pour. Puis j'identifierai ceux qui manifestent des reculs, des régressions, et qui justifient à nos yeux – je le dis tout aussi sincèrement – le fait de voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Commençons donc par ce qui est positif.

L'augmentation des pouvoirs du Président en matière de défense nationale n'aura pas lieu puisque vous avez accepté que le domaine réservé, en la matière, ne soit pas consacré entre les mains du Président. Le Premier ministre reste donc, dans ce projet, le responsable de la défense nationale, rendant des comptes devant nous, parlementaires.

C'est un point important pour nous qui pensons que tout pouvoir doit conduire à assumer la responsabilité corrélative. Toutefois vous observerez qu'il ne s'agit là que d'une absence de recul et non d'un progrès. Nous avons préservé, par nos efforts, le statu quo. Voyez où nous en sommes !

Deuxième point : s'agissant de l'envoi de forces militaires à l'extérieur de nos frontières par le Gouvernement et le chef de l'État, nous avons demandé que le Parlement soit saisi de la possibilité de débattre et de se prononcer par un vote sur l'opportunité d'envoyer nos militaires risquer leur vie. C'est bien le minimum que nous demandions ce contrôle qui, je le rappelle, existe dans tous les Parlements européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Cela nous a été refusé, même si le texte consacre l'information systématique du Parlement dans un délai de trois jours, portant sur le niveau des effectifs engagés comme sur les objectifs poursuivis. Lorsque nous avons demandé le vote systématique, le rapporteur nous a proposé que le Gouvernement puisse, s'il le souhaite, dans sa libre appréciation et dans sa souveraineté, nous proposer à sa guise un débat suivi d'un vote.

Le progrès, c'eût été que le vote fût automatique, à la demande d'un groupe parlementaire, de la majorité ou de l'opposition. Nous n'aurions pas demandé de vote sur les engagements qui ne font pas débat, comme l'envoi de troupes au Timor Oriental, y compris sous mandat international. En revanche il eût été normal d'avoir la possibilité de demander un vote, lorsque se pose un problème stratégique ou diplomatique, d'orientation de notre politique à l'extérieur. Sur ce sujet, monsieur le Premier ministre, nous avons donc marqué « Peut mieux faire », car ne permettre le contrôle qu'après six mois, c'est finalement organiser l'approbation du fait accompli.

Troisième point : vous nous avez refusé – et ce n'est pas anodin – la transmission au Parlement du contenu des accords de défense et de coopération militaires. Certains, toujours en vigueur, remontent aux années soixante ou soixante-dix, et nous sont encore, pour la plupart, totalement inconnus. C'est pourtant sur ce fondement-là que les expéditions militaires – sous mandat international ou pas – de l'armée française ont été envoyées au Rwanda ou en Côte d'Ivoire. Priver le Parlement d'une information aussi décisive est inacceptable du point de vue démocratique.

Quatrième point : j'en viens à la question fondamentale du contrôle par le Parlement des nominations importantes décidées par le Président de la République : au Conseil Constitutionnel, au Conseil supérieur de la magistrature, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, et dans toutes les autorités administratives indépendantes intervenant dans le cadre des libertés fondamentales ou de la vie économique de la nation.

Pour nous, il s'agit d'une question décisive, car elle nous permet de reprendre confiance dans ces autorités au poids considérable et qui sont devenues des outils de contrôle excessivement dévoués aux intérêts de l'exécutif. Il nous paraissait nécessaire – c'est ce que nous avons défendu pied à pied dans la commission des lois – que le Parlement et la présidence de la République aient un pouvoir de co-décision.

Le vote par la commission des lois de la disposition accordant un droit de veto aux trois cinquièmes des commissions permanentes compétentes est évidemment un progrès ! Il vaut mieux que cela existe, plutôt que le contraire. Cependant les règles qui déterminent la composition de ces commissions rendent quasi inutilisable et sans effet, le contrôle parlementaire sur les risques d'abus de nomination par le chef de l'État.

Sur la nomination, par exemple, d'un futur membre du CSM ou du Conseil Constitutionnel, dont les fonctions sont décisives, pour obtenir les voix des trois cinquième des membres de la commission des lois, il faudrait que les opposants à la nomination – qui peuvent surgir de tous les bancs – parviennent à convaincre 27 députés de la majorité de voter contre, en désavouant le choix du Président de la République. C'est une mission impossible qui ne sera peut-être jamais accomplie.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Sur la nomination du président de l'Autorité des marchés financiers par les membres de la commission des affaires économiques, il faudra en convaincre 47 ce qui est encore plus considérable. Voilà pourquoi nous craignons que ces mécanismes ne soient finalement qu'un habillage du fait majoritaire.

S'agissant de la procédure parlementaire, le texte contient des avancées significatives.

Le délai minimal d'examen des textes législatifs est porté à six semaines entre le dépôt et l'examen, ce qui permet aux parlementaires d'améliorer leur travail et leurs contre-propositions par rapport au texte du Gouvernement.

La règle selon laquelle le débat portera sur le texte sorti de la commission représente une avancée. Malheureusement, la limitation de l'usage et de l'abus de l'urgence par le Gouvernement est exclusivement entre les mains de la majorité, l'opposition en étant exclue.

La protection accordée, sur l'initiative d'un amendement du rapporteur et président de la commission des lois, au droit d'amendement des parlementaires d'où qu'ils viennent, est aussi un point positif, car il contrecarre la jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui, dans son interprétation tatillonne, a étouffé le droit d'amendement des parlementaires. Nous avons aussi mesuré l'avancée importante que matérialise la portion de l'ordre du jour désormais réservée à l'opposition ; elle a été multipliée par trois par rapport à la situation existante.

Nous considérons également que, dans l'ordre du jour, réserver une semaine sur quatre au contrôle et à l'évaluation des politiques gouvernementales constitue une avancée positive. Toutefois cet espace dédié à l'évaluation permanente, à l'enquête parlementaire, doit être ouvert autant à la majorité qu'à l'opposition. Or nous n'avons pas obtenu – malgré les demandes venues de tous les bancs, de la majorité comme de l'opposition –, la possibilité d'inscrire dans la Constitution, un droit pour 60 députés, ou 60 sénateurs ou même un groupe parlementaire, de constituer une commission d'enquête travaillant sur pièces et sur place, sans avoir à demander à l'Hôtel Matignon, l'autorisation d'enquêter sur un sujet qui intéresse les Français. Les commissions d'enquêtes parlementaires comme celle d'Outreau ou celle qui n'a jamais eu lieu sur l'amiante, portent sur des sujets essentiels sur lesquels le Parlement est encore bâillonné et soumis à l'autorisation du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Nous demandons l'évolution de la position gouvernementale sur ce point. J'adresse ce message avec une certaine solennité ; le Premier ministre l'a compris.

Nous notons avec intérêt que, du côté des citoyens et des justiciables, des progrès importants sont réalisés, en rapport avec d'anciennes propositions que nous avons défendues avec force depuis longtemps. C'est le cas de la saisine du Conseil Constitutionnel par les justiciables, à l'occasion d'un procès où ils seraient confrontés à une disposition anticonstitutionnelle. C'est encore la possible saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables, dans des conditions qui restent à mesurer.

C'est peut-être aussi le cas du référendum d'initiative populaire. Si le Premier ministre nous en donne les modalités précises et concrètes, nous pourrons apprécier le nombre d'obstacles qui demeurent. Nous pensons qu'il est nécessaire d'avancer sur ce sujet.Il ne s'agit pas d'un droit de pétition, d'un droit sur l'ordre du jour des assemblées, mais d'un droit au référendum. Nous ne sommes pas encore aujourd'hui en mesure de nous prononcer sur la proposition concernée.

J'aborde les points négatifs, qui, en conscience, nous conduisent à être contre le texte.

Nous sommes radicalement opposés, ce n'est un mystère pour personne, à la prise de parole du Président de la République devant le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

C'est impensable et une telle mesure ferait de la France le seul pays au monde – à une exception près – dans lequel le chef de l'État, politiquement irresponsable et disposant, avec la dissolution, du droit de vie et de mort sur les parlementaires, pourrait venir parler devant le Parlement réuni en Congrès, sans que ledit Parlement ne puisse lui poser la moindre question ni s'exprimer en sa présence. C'est surtout, selon nous, empiéter sur les pouvoirs du Premier ministre. Lui peut venir devant nous car il est responsable devant nous : nous pouvons le renverser, l'applaudir, le rejeter, le complimenter (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ou le sanctionner, mais le Président de la République, que nenni !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Que vient-il donc faire devant un Parlement qui n'a pas de pouvoir sur lui, tandis que lui a du pouvoir sur le Parlement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Deuxième point négatif : nous déplorons la disparition du droit de résolution pour les assemblées, qui, monsieur le Premier ministre, figurait dans votre projet initial ainsi que dans le rapport Balladur. La reconnaissance de ce droit éviterait en effet au Parlement d'avoir à voter des lois dénuées de toute portée normative, lois incantatoires qui encombrent l'ordonnancement juridique. Je pense notamment à celle qui proclamait les aspects positifs de la colonisation : mésaventure fâcheuse pour ceux qui l'avaient votée.

Le rapporteur dit craindre que ces résolutions ne deviennent des outils pour mettre en jeu la responsabilité gouvernementale. En ce cas, qu'il propose un amendement pour l'empêcher et limiter les effets de cette mesure. Le rapporteur a peur que tel ou tel ministre soit sanctionné par un vote de la majorité à son encontre : qu'il organise donc la riposte et encadre le dispositif. Pour l'heure, nous n'acceptons pas ce recul et vous demandons, monsieur le Premier ministre, de défendre votre texte initial face à votre majorité.

Nous regrettons aussi que l'article 49-3 de la Constitution reste en vigueur, et que sa limitation à un seul usage par session pour les lois ordinaires n'ait qu'une portée décorative.

Nous condamnons la création d'un référendum automatique en cas d'augmentation de plus de 5 % de la population de l'Union européenne. Il s'agit là d'une modification constitutionnelle de circonstance, destinée à résoudre les problèmes internes d'un parti politique.

Il en va de même de la fameuse « règle d'or » des finances publiques, qui, finalement, a été édulcorée, et même neutralisée en commission des lois, au point que nous nous demandons ce qu'elle viendrait faire dans la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

S'agissant de l'égalité du temps de parole entre la majorité et l'opposition dans l'exercice des fonctions de contrôle du Gouvernement, le président Accoyer s'est, paraît-il, engagé à l'inscrire dans le règlement intérieur des assemblées, mais nous ne voulons pas nous contenter de promesses : des garanties aussi fondamentales doivent être gravées dans le marbre de la Constitution. Et cette égalité de temps de parole, nous la voulons aussi à l'extérieur de l'hémicycle, dans les médias ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il n'est pas acceptable que le temps de parole de l'exécutif et de l'UMP augmente de 250 % sur une chaîne hertzienne de premier plan, pendant que l'opposition est réduite au pain sec et à l'eau médiatiques. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Où êtes-vous passés ? nous dit-on. C'est que l'on ne nous donne plus guère la parole !

Un mot également au sujet de ces hommes et femmes régulièrement installés sur le territoire de la République, qui n'ont pas la nationalité française mais participent à la vie économique, sociale, culturelle de la nation et qui, je le rappelle, sont, comme tous les Français, assujettis à l'impôt. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Puisque le Président de la République s'était, comme nous, fait l'apôtre d'une réforme en leur faveur, il était possible d'inscrire cela dans le présent texte. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Enfin, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, la place de la justice ne nous donne pas satisfaction. Je pense à l'absence de parité entre magistrats et non magistrats dans la formation plénière, et au risque de politisation des nominations, puisque le dispositif des trois cinquièmes rend leur contrôle inaccessible à l'opposition. Bref, la nomination, sous contrôle politique, des personnalités qualifiées au sein du conseil supérieur de la magistrature rend, d'une certaine manière, impossible la protection de l'indépendance de la justice.

Au nom des socialistes, j'ai déclaré que nous étions disponibles pour un compromis historique afin de transformer en profondeur notre République. Je le redis à cette tribune.

Pourquoi un compromis ? Parce que nous avons des désaccords, et que nos points de départ sont si éloignés que l'effort consenti par chacun pour rapprocher les positions profitera à l'intérêt général. Pour les défenseurs de la Ve République, quel intérêt y a-t-il à la voir s'enfoncer dans le discrédit auprès de nos concitoyens ? Pour les promoteurs de la VIe République, quel intérêt à attendre un « grand soir » qui ne viendra peut-être jamais, alors que des avancées peuvent être obtenues sans prolonger davantage nos souffrances ? Avancer vers l'idéal et tenir compte du réel : tel est notre vade-mecum.

Le compromis, c'est précisément ce que le système politique de la Ve République rend impossible, et nous le mesurons dans cette discussion un peu trop agitée : c'est toujours la victoire des mêmes et l'humiliation des autres, l'arrogance des premiers et la réduction au silence des seconds.

Les responsables politiques que nous sommes ont le devoir de chercher les moyens d'améliorer la République, qui appartient à tous les Français. Un tel compromis serait historique car, jusqu'à présent, il n'a jamais pu intervenir que sur des points de couture de notre Constitution. Toutes les réformes d'importance – y compris celles voulues par le Président Mitterrand – ont échoué.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Des réformes ont tout de même été adoptées par référendum !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Ce compromis serait historique parce qu'il créerait un précédent utile pour l'avenir, et nous permettrait d'imaginer une évolution encore plus forte de notre démocratie et de notre République, peut-être à l'initiative, cette fois, de la gauche revenue au pouvoir, sans drames, sans haine et sans heurts.

Je m'adresse à ceux qui ont décidé par avance de refuser cette réforme.

Aux premiers, à ma droite, je dis : vous ne perdrez rien à démocratiser un système discrédité ; c'est même peut-être sa dernière chance de survie avant un effondrement possible, voire probable, devant les crises politiques qui se profilent à l'horizon. Acceptez de venir davantage vers nous, faites l'effort qui nous manque aujourd'hui, levez les uns après les autres les points de désaccord qui nous empêchent d'avancer. Je le dis notamment au rapporteur, qui a fait preuve d'une rigidité excessive. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aux autres, à ma gauche, je dis : nous gagnerons toujours à transformer, même à petite dose, un système qui est la négation même de nos valeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

J'en termine, monsieur le président.

Nul ne sait vraiment si nous serons en position d'aller plus loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Nous devons aux Français un certain nombre de progrès démocratiques, qui n'ont pu être réalisés mais qui pourraient l'être. La fatalité de l'histoire en serait déjouée : ceux qui pensent et répètent que l'on ne peut changer les institutions que dans le sang et la tragédie en seraient pour leurs frais. Dans l'ordre du réel comme dans celui du symbolique, ceux qui préfèrent – et je parle pour moi – l'idéal que la réalité interdira s'interdisent finalement de réaliser leurs rêves, même à petits pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Je lance un appel à M. le Premier ministre : au nom de nos valeurs, levez les réserves, avancez vers nos convictions, réduisez les causes du rejet. Le compte n'y est pas encore ; à vous de faire en sorte qu'il le soit.

Pour conclure (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) je vais citer Jean Jaurès, qui, dans son discours à la jeunesse de 1903, déclarait : « Dans notre France moderne, qu'est-ce donc que la République ? C'est un grand acte de confiance. Instituer la République, c'est proclamer que des millions d'hommes sauront tracer eux-mêmes la règle commune de leur action ; qu'ils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l'ordre ; qu'ils sauront se combattre sans se déchirer. »

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Pour ce grand acte de confiance, monsieur le Premier ministre, nous attendons vos gestes. Ils seront, je le crains, décisifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Pierre Moscovici, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Nous n'examinons pas n'importe quel texte. Il s'agit de modifier non pas une loi ordinaire mais la Constitution, c'est-à-dire le texte qui est au coeur de l'organisation et de l'équilibre des pouvoirs ; celui et qui régit le fonctionnement démocratique de notre pays.

La spécificité de ce projet de loi, l'ampleur de la tâche qui est devant nous, l'ambition d'une réforme qui touche à une révision globale de la Constitution, et non, comme c'est souvent le cas, à des retouches limitées : tout cela aurait dû justifier que le Gouvernement, dans sa méthode, son approche du dossier et sa collaboration avec le Parlement soit irréprochable, et que la main prétendument tendue soit vraiment ouverte. L'enjeu l'exigeait, et l'exige encore.

Toutefois, à ce stade, nous sommes obligés de constater une double déception.

La première concerne un certain flou, corollaire d'une précipitation du Gouvernement. Le présent texte n'est pas finalisé ; il est plein de trous, de renvois, de questions en suspens. Que l'on en juge : j'ai pour ma part compté pas moins de sept renvois à des lois organiques, quatre renvois à des lois ordinaires et deux renvois aux règlements des assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Il est évidemment normal, monsieur Goasguen, de séparer ce qui relève de la Constitution et ce qui relève de normes juridiques inférieures. Néanmoins les choses sont liées. Le Gouvernement aurait dû nous présenter simultanément les textes auxquels renvoie le projet de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Il en avait le temps ! Trop pressé, il ne l'a pas fait, et il nous demande aujourd'hui de nous prononcer sur des textes en devenir, sur des textes qui n'existent pas encore et ont pourtant des conséquences très graves.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Pour ne prendre qu'un exemple, je ne sais quoi penser d'une disposition comme celle-ci : « [Le Sénat] assure la représentation des collectivités territoriales de la République en tenant compte de leur population. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Ou plutôt je ne sais que trop ce qu'il faut en penser, dès lors que la droite a, ce matin, refusé toutes nos propositions sur la réforme du mode de scrutin du Sénat (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), montrant que, en réalité, elle n'a pas l'intention de changer quoi que ce soit au mode d'élection de cette chambre étrange – que Lionel Jospin qualifiait avec raison d'« anomalie démocratique » –, car privée pour l'éternité de l'alternance. Tant que nous n'aurons pas vu de modifications effectives, ou au moins leur ébauche, nous serons bien en peine d'évaluer à sa juste mesure la valeur du texte. Surtout, nous ne pouvons croire en votre sincérité.

La deuxième déception tient à des reculs, à des blocages et à cette forme de brutalité qu'Arnaud Montebourg vient d'évoquer. Blocage et fermeture, par exemple, sur le contrôle des nominations ou le contrôle de l'exécutif par le Parlement. Dans les reculs, j'en distingue un, particulièrement grave : la manière dont le Gouvernement s'apprête à écouter la majorité au sujet d'une disposition sur laquelle le Président de la République avait fait preuve de courage.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Je veux parler de cette disposition scandaleuse, selon laquelle un référendum serait obligatoire sur un seul sujet : l'élargissement de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Anciaux

Monsieur le président, son temps de parole est écoulé !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

On viserait ainsi, sans le dire, un seul pays : la Turquie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aujourd'hui, la commission propose de le stigmatiser ouvertement avec le recours au référendum pour l'adhésion de tout pays représentant plus de 5 % de la population européenne. Je le dis comme je le pense, il s'agit d'une disposition scandaleuse, bien pire encore que ce que prévoit déjà la Constitution, et elle va générer une situation de crise avec ce grand pays. Il aurait donc été sage de la supprimer.

Notre groupe a joué le jeu (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et il le joue encore !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Personne n'y croit ! Vous nous menez en bateau !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Nous avons indiqué d'emblée que nous jugerions les propositions du Gouvernement sur pièces avant de nous prononcer sur ce texte et que nous prendrions nos responsabilités en tenant compte de l'intérêt général, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous avons ainsi présenté des amendements qui ne visent pas à faire de l'obstruction, mais dont l'objet est d'améliorer le texte. Contrairement à ce que je lis ici ou là, nos demandes ne sont pas des surenchères stériles, mais l'expression d'une véritable aspiration démocratique.

La manière très cavalière dont le Gouvernement traite l'ensemble du Parlement en dit long sur sa volonté affichée – mais non suivie d'effets – de renforcer le pouvoir délibérant.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Moscovici

Il y a quelques instants, M. Montebourg vous appelait à un compromis démocratique historique : il est encore temps d'y parvenir, si chacun se mobilise. Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, monsieur le président, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Nous, monsieur le Premier ministre, nous ne sommes pas déçus : nous n'attendions rien, et c'est ce que nous avons ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le Premier ministre, qui est le grand vizir depuis l'élection du sultan l'an dernier, nous a donné une belle prestation. Il avance avec habileté et « madrerie » tout en énonçant les pires contrevérités sur le ton de l'évidence. Benoîtement, il nous propose d'ingurgiter un remède, une poudre de perlimpinpin pour nous endormir ou nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Tenons-nous en aux faits.

Ainsi que le président Teissier l'a rappelé, il s'agit de la vingt-quatrième réforme constitutionnelle. La Constitution de la Ve République est usée jusqu'à la corde !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous l'avez rapiécée ici et là, mais, voyant qu'elle craque de partout, vous proposez un raccommodage général. En fait vous vous trompez : il faut changer de costume (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et abandonner la Ve République pour une République démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous nous faites bien des promesses, mais c'est sur ce qu'ils font, et non sur ce qu'ils disent, que l'on juge les hommes et les femmes politiques. Prenons deux exemples récents : pour le traité de Lisbonne, nous aurions pu recourir au référendum, mais vous l'avez refusé ; et aujourd'hui encore, nous pouvons apprécier vos pratiques à propos des OGM.

Vous envisagez bien un référendum pour l'entrée de nouveaux membres dans l'Union, mais seulement avec la fameuse clause prévoyant que le pays en question comporte plus de 5 % de la population européenne.

Pure hypothèse d'école, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, hormis le cas de la Turquie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Imaginons que le Vatican souhaite adhérer à l'Union européenne. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Dans la mesure où il ne représente pas 5 % de la population, accepteriez-vous son entrée dans l'Union européenne sans référendum ? Vous voyez bien que cette disposition pose un problème de fond ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le problème capital, que vous n'avez pas évoqué, c'est le fait majoritaire que nous impose la Constitution de la Ve République, et qui suppose une majorité qui marche au sifflet : quand elle n'est pas là pour voter, on la siffle et elle rapplique pour voter comme on le lui ordonne ! (Bruits sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il n'y a donc pas de place pour le débat, et ce fait majoritaire ôte toute signification aux quelques modifications que vous nous proposez.

Vous parlez d'études d'impact : voilà la dernière invention du magasin de farces et attrapes de la compagnie Sarkozy-Fillon ! Mais elles existent déjà, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État : le bon M. Séguin, jadis excellent président de notre assemblée et aujourd'hui non moins excellent premier président de la Cour des comptes, vous soumet chaque année un rapport pour vous rappeler de ne pas gaspiller l'argent public en inutiles réductions de cotisations sociales, mais vous n'en tenez aucun compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et vous voulez nous faire accroire que, demain, grâce à cette réforme constitutionnelle, vous ferez de vice vertu ? Non : vous êtes inaccessibles à la vertu politique et démocratique ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aujourd'hui, notre pays vit sous l'un des régimes les plus autoritaires de l'Union européenne, encore aggravé par la politique sarkozienne. Bien qu'étant députés, chers collègues, je doute fort que vous ayez lu la Constitution. Je vous rappelle donc son article 5 : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

« Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Brard, veuillez nous indiquer le sens de votre vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je m'apprête à le faire, monsieur le Président !

Plus loin, notre Constitution énonce que le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation, et précise que le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Tous les jours, vous violez la Constitution ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le Président de la République lui-même la viole par ses lettres d'instruction illégales et anticonstitutionnelles. Appliquez donc notre loi fondamentale avant de masquer le renforcement de l'autoritarisme par un nouveau texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Veuillez conclure, monsieur Brard, et indiquez votre vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'en termine, monsieur le président, pour vous être agréable.

Vous allez donc légaliser ce viol, le sanctifier même. (Rires et Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le compromis est impossible : ce serait une compromission, un reniement, pire, une capitulation face à la nécessaire démocratisation du régime, que seule une nouvelle Constitution pourra garantir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur le vote de la question préalable, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Dès que le Président de la République a fait connaître ses intentions, un flot d'émotion s'est exprimé sur un seul sujet : l'intervention du Président de la République devant l'Assemblée nationale et le Sénat, à croire que c'est le seul objet de cette révision constitutionnelle, alors qu'il ne s'agit que d'une mesure anecdotique, qui a d'ailleurs été traitée en commission. J'espère qu'elle sera votée dans cet hémicycle et, plus tard, par le Congrès.

M. Montebourg nous invite à voter sa question préalable prétendant qu'il n'y a pas de parité au Conseil supérieur de la magistrature, et M. Moscovici ajoute que l'on ignore ce que seront les lois organiques ou le Règlement de l'Assemblée nationale, tout en reconnaissant que c'est normal puisque l'on ne peut pas voter tous ces textes simultanément. En somme, puisque l'on ignore ce qu'il adviendra du référendum désormais obligatoire pour toute adhésion à l'Union européenne, il faut voter la question préalable. Et puisqu'on ne sait pas où va nous mener le débat, il est préférable de ne pas débattre du tout !

Nous pensons au contraire que c'est une très mauvaise raison, et que le débat va permettre des évolutions. D'ailleurs, et nos collègues socialistes, membres de la commission des lois, ne diront pas le contraire, il en a déjà permis. Ainsi, à la demande du groupe socialiste, qui s'en est ému, la modification de l'article 21 de la Constitution tendant à transférer au chef de l'État des responsabilités essentielles en matière de défense nationale a été abandonnée. Cela montre bien que si vous acceptez le débat – donc si vous rejetez la question préalable – nous pourrons avancer.

Sur ce sujet comme sur d'autres – le contrôle des nominations par exemple, ou encore la règle d'or – j'ai l'impression que l'opposition cherche des faux-semblants pour ne pas débattre, car ce texte la gène. Le rejet a priori de la règle d'or est d'autant plus surprenant qu'il s'agit de la responsabilité financière, laquelle figure dans la loi fondamentale allemande et fonctionne très bien puisque le taux de croissance de l'Allemagne atteignait récemment 6 %.

Ce texte est le premier, depuis 1958, à redonner des pouvoirs au Parlement. Ce n'est peut-être pas suffisant, mais on peut en débattre. Ce que cache ce malaise et ces faux-semblants, à mon avis, c'est simplement que ce texte renforce les droits du Parlement – qu'il s'agisse de l'ordre du jour, du travail des commissions ou des nominations – et ceux des citoyens, avec l'exception d'inconstitutionnalité et le droit d'initiative, comme l'a indiqué le Premier ministre, pour des lois votées par le Parlement ou par référendum.

Ajoutons la responsabilité financière, que je viens d'évoquer, ou encore le contrôle des interventions militaires. Faut-il rappeler que la France est la seule démocratie au monde où l'exécutif ordonne aux forces armées d'intervenir à l'étranger sans que le Parlement ait son mot à dire ? Regardez ce qui se passe en Côte d'Ivoire ! Et que dire du contrôle de l'article 16, dont tout étudiant en droit sait qu'il est invraisemblable qu'il ne fasse l'objet d'aucune forme de contrôle ?

Ces avancées sont nombreuses. Certes, on peut toujours dire que ce n'est pas assez et préférer le tout ou rien. Toutefois si l'on veut que, demain, elles deviennent réalité, nous devons engager le débat et enrichir le texte. Que le Gouvernement conserve l'esprit d'ouverture dont il a fait preuve jusqu'à présent et que l'opposition joue le jeu de la construction commune de la Constitution.

Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur le président, avant de vous expliquer les raisons pour lesquelles le groupe UMP votera contre cette question préalable, je veux poser trois questions à ses auteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Tout d'abord, pourquoi avez-vous présenté cette question préalable, alors que vous dites vous-même vouloir engager le débat ? Depuis plusieurs mois déjà, la commission Balladur, qui comprend un membre de votre groupe, M. Jack Lang…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…a mené une concertation éclairée sur le fonctionnement de nos institutions, ses maux et ses remèdes.

Vous dites, monsieur Montebourg, que vous souhaitez engager le débat et que vous êtes prêt à accepter certaines évolutions. Pourtant comment avancerons-nous si vous refusez d'emblée le débat ? Je vous rappelle que si la question préalable est adoptée, il n'y aura pas de débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Faut-il circuler car il n'y a rien à voir, et refuser ainsi cette chance historique qui nous est offerte aujourd'hui de rééquilibrer les pouvoirs entre le Parlement et le Gouvernement ?

Deuxième question, monsieur Montebourg : voulez-vous vraiment tous ces pouvoirs que le Gouvernement se propose de nous confier ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je les rappelle rapidement : la moitié de l'ordre du jour des assemblées laissée à leur initiative, le contrôle et l'évaluation des lois, le pouvoir de veto – qui fait l'objet d'un amendement adopté par la commission des lois –, l'absence de cumul entre les fonctions de membre du Gouvernement et de président d'une collectivité – sur laquelle je passe rapidement, car cela provoquerait un autre débat – et le référendum d'initiative populaire, auquel vous tenez tant. Telles sont les nombreuses avancées proposées par le Gouvernement, avec le soutien de la majorité.

Vous qui êtes un connaisseur des institutions, monsieur Montebourg, vous savez bien que celles-ci ne connaîtront pas de grand soir, mais une évolution progressive. Or il s'agit là d'une réforme majeure, qui accorde davantage de pouvoirs au Parlement. Vous qui avez su revenir sur l'un des principes – l'absence de cumul des mandats – qui faisait votre fierté, saurez-vous revenir sur votre opposition à des évolutions institutionnelles que vous avez toujours appelées de vos voeux ?

Enfin, troisième question, messieurs les socialistes (« Et mesdames ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.), mesdames et messieurs les socialistes, serez-vous suffisamment sincères (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour franchir le Rubicon et voter un projet de loi, présenté par François Fillon et voulu par Nicolas Sarkozy – que vous ne cessez de fustiger par ailleurs –, qui donnerait davantage de pouvoirs au Parlement ?

Aujourd'hui, je ne vous sens pas prêts, mais j'espère que, demain, vous le serez, car il s'agit d'un débat historique, constructif, qui grandira l'Assemblée. Serez-vous, mesdames et messieurs les socialistes, mesdames et messieurs les communistes, mesdames et messieurs les Verts, à la hauteur des attentes de la République et des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la question préalable.

Je demande à chacun d'être honnête dans son vote, c'est-à-dire de n'appuyer que sur les plots de son pupitre.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 377

Nombre de suffrages exprimés 376

Majorité absolue 189

Pour l'adoption 134

Contre 242

La question préalable est rejetée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Prochaine séance, mercredi 21 mai 2008 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma