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Intervention de François Fillon

Réunion du 20 mai 2008 à 21h30
Modernisation des institutions de la ve république — Discussion d'un projet de loi constitutionnelle

François Fillon, Premier ministre :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les députés, votre assemblée a souvent l'occasion de débattre de projets de loi qui opposent la majorité et la minorité. Chacun défend alors ses convictions. C'est la démocratie. C'est légitime et sain.

Mais la Constitution n'est pas une loi parmi d'autres. Elle n'appartient ni à la droite ni à la gauche. Elle est notre loi fondamentale, celle qui régit, au-delà des partis et des alternances, le fonctionnement de notre République. Ses révisions ne peuvent donc être l'instrument d'une affaire partisane. C'est une affaire grave, qui engage notre pays au-delà de nos personnes et de nos attaches politiques. Pour tout dire, c'est une oeuvre d'union nationale.

Vous êtes aujourd'hui, plus que jamais, invités à assumer votre devoir sacré de législateur. En votre âme et conscience, vous ferez à l'issue de ces débats un choix pour la République. Je m'adresse à vous avec la conviction déjà ancienne que nos institutions doivent être rénovées. Fidèle à l'esprit de la Ve République, je n'en demeure pas moins convaincu que notre démocratie doit être modernisée.

Je suis partisan d'un État respecté et agissant, et cet objectif n'est pas, à mes yeux, dissociable d'un parlement fort et influent, car l'équilibre des pouvoirs est à la source de l'efficacité et de la responsabilité.

Mesdames, messieurs les députés, vous le savez bien, la situation actuelle est favorable au pouvoir exécutif, et le Président de la République aurait pu se satisfaire d'une règle qui a profité à tous ses prédécesseurs. Rien ne l'obligeait à vous soumettre cette révision de la Constitution, qui fait la part belle au Parlement. Mais voilà, nous avions pris l'engagement de rénover nos institutions, et nous tenons parole. Nous le faisons avec la volonté de servir la démocratie française.

La question institutionnelle est posée presque à chaque échéance politique. Chacune de nos formations s'est interrogée et exprimée sur ce sujet. Chacun d'entre nous porte en soi ses priorités et ses préférences. Certains sont partisans d'un régime exclusivement parlementaire, d'autres – et j'en fus ! – militent pour un régime présidentiel. Certains défendent le statu quo, d'autres mettent l'accent sur les modes de scrutin. Aucune de ces thèses n'est négligeable. Mais tous, ici, nous sommes conviés à faire un pas vers l'autre et appelés à nous prononcer sur le compromis innovant et réaliste que ce projet incarne.

Réviser la Constitution, c'est tenir la plume pour l'histoire, quitte à rester en deçà, ou à aller au-delà de ce que notre tempérament propre nous inspire. C'est tenir la plume pour un peuple, quitte à faire taire, pour un temps, nos filiations partisanes.

Je m'adresse aujourd'hui à vous dans ce double esprit de responsabilité historique et de cohésion nationale. Je veux, devant vous, souligner, avec solennité, le caractère exceptionnel du texte qui nous occupe.

Notre Constitution a déjà fait l'objet de vingt-trois révisions, mais les révisions importantes sont des procédures rares. Il y eut celle de 1962 qui instaura l'élection du Président de la République au suffrage universel. Il y eut, en 1974, la saisine du Conseil constitutionnel par soixante parlementaires. Il y eut, enfin, l'établissement du quinquennat en 2000.

L'occasion qui vous est offerte ne se présente pas fréquemment. J'invite donc celles et ceux qui seraient tentés d'y renoncer à bien évaluer leur choix. Dire « non » maintenant, ce sera dire « oui » au statu quo, et cela sans doute pour de longues années.

En 2001, le Parlement a adopté à une très large majorité la loi organique relative aux lois de finances. Nous avons su, alors, dépasser nos clivages pour voter ce qui nous tient lieu de constitution financière. Aujourd'hui, vous avez le pouvoir d'en faire de même pour nos institutions politiques.

Depuis le discours prononcé à Épinal par le Président de la République, le 12 juillet 2007, nous nous efforçons de bâtir un consensus autour de la question institutionnelle. L'ancien Premier ministre, Édouard Balladur, a joué dans cette réflexion novatrice et consensuelle un rôle décisif que je tiens à saluer avec une gratitude particulière. Le groupe de travail constitué sous sa présidence était composé d'experts de tous bords, de personnalités aux sensibilités variées, adverses même. Cette diversité n'a pas empêché ce groupe de faire preuve de perspicacité et d'ambition. Au cours de très nombreuses et longues auditions qu'il a conduites, plusieurs de ses membres ont vu leur point de vue changer. Leur franchise nous encourage ; elle prouve le caractère ouvert et constructif du débat préparatoire qu'ils ont tenu.

À la demande du Président de la République, j'ai fait suivre ce débat d'un travail de concertation sincère. J'ai reçu et entendu tous les principaux responsables politiques. Avec eux, j'ai distingué patiemment, parmi les propositions de la commission Balladur, celles qui étaient les plus susceptibles de recueillir le consensus. Des responsables consultés, tous m'ont dit leur souci de voir le rôle du Parlement revalorisé.

Je sais que sur d'autres points, la même unité n'était pas atteignable. Fallait-il pour autant renoncer à la révision de la Constitution ? Fallait-il, au nom de certaines divergences que nous ne devons certes pas nous dissimuler, tourner le dos à l'essentiel ? Je ne le crois pas, et je compte sur le sens de l'intérêt général qui guide chacun d'entre vous.

Notre discussion, mesdames, messieurs les députés, intervient l'année du cinquantième anniversaire de notre Constitution. Cet anniversaire est un encouragement, parce qu'il prouve la solidité de la Ve République et qu'il nous invite à la faire évoluer en toute confiance, sans craindre pour sa pérennité.

Le Directoire, le Consulat, l'Empire, la Restauration… depuis 1789, quinze régimes distincts se sont succédé dans ce qu'il faut bien appeler une démonstration permanente d'instabilité constitutionnelle. La Ve République a rompu avec cette triste et dangereuse tradition française. Si l'on excepte le cas très spécifique de la IIIe République, elle a donné à la France le régime le plus stable que nous ayons connu.

Notre Ve République ne s'est pas contentée de durer. Elle a fait ses preuves face aux circonstances : la guerre d'Algérie, les alternances politiques, la gestion des cohabitations. En adaptant intelligemment ses pratiques, elle a démenti les critiques parfois très dures qui avaient accueilli sa naissance. Elle a enrichi notre vie démocratique. Elle a confirmé la prescience du général de Gaulle, qui faisait de la stabilité politique le cadre du développement économique et social de notre pays. Il s'agit là d'un héritage inestimable et personne, ni le président de la République ni moi-même, n'imagine d'en faire bon marché !

Ainsi, nous avons été particulièrement attentifs à ne rien compromettre des grands équilibres de nos institutions. Le comité de réflexion présidé par Édouard Balladur suggérait de modifier les articles 5 et 20 de la Constitution, qui précisent la répartition des rôles entre le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement. Le président de la République a jugé plus sage de n'en rien faire. Il a écarté d'emblée tout risque de changement dans la nature même du régime.

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