Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 20 novembre 2007 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Monsieur le Premier ministre, en ce jour d'ouverture du congrès des maires, nous voudrions vous remettre quelques rubans tricolores. Car vous êtes fort !

Oui, monsieur le Premier ministre, vous êtes très fort pour annoncer la réforme des régimes spéciaux au nom de l'équité, alors qu'il s'agit d'imposer aux cheminots, aux agents de la RATP et à ceux d'EDF-GDF, de travailler plus longtemps pour gagner moins.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Vous êtes très fort, monsieur le Premier ministre, pour parler de réformer l'État alors que des dizaines de milliers d'emplois sont supprimés dans les services publics, avec en prime une baisse régulière du pouvoir d'achat des fonctionnaires.

Vous êtes très fort pour réformer la justice : des centaines de tribunaux sont rayés de la carte sans justification.

Vous êtes très fort pour réformer l'université : vous imposez une réforme au pas de charge pendant l'été, tout en refusant les moyens financiers indispensables.

Vous êtes toujours très fort quand il s'agit d'évoquer l'augmentation du pouvoir d'achat tandis que les prix explosent, que le SMIC stagne, et que vous créez des franchises pour accéder à la santé et même à la justice !

Mais là où vous êtes le plus fort, monsieur le Premier ministre, là où vous méritez vraiment la Marianne d'or, c'est lorsque vous dressez les Français les uns contre les autres… (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

…pour masquer l'essentiel de votre politique : les milliards d'euros de cadeaux faits aux privilégiés à qui vous réservez la plus belle de vos réformes qui consiste à donner toujours davantage aux plus riches au détriment du plus grand nombre.

Dans ce contexte, monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous répondre aux revendications exprimées par le mouvement social, et plus particulièrement sur les salaires, le pouvoir d'achat, les retraites et les franchises médicales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le député, ceux qui dressent les Français les uns contre les autres, ce sont ceux qui refusent la démocratie, ceux qui refusent le jugement des urnes, ceux qui refusent d'entendre la grande majorité des salariés des entreprises de transport, qui, vous le savez, n'est pas en grève aujourd'hui.

Mais je suis sensible à vos compliments , monsieur Chassaigne : plus j'entends vos critiques, plus je me dis que nous sommes dans la bonne voie ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Quelle est en effet la voie que vous nous proposez ? Vous nous proposez de rester le pays d'Europe où l'on travaille le moins. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous nous proposez de rester le pays où certains cotisent quarante annuités pour obtenir une retraite à taux plein et doivent en plus payer soixante euros par an pour financer la retraite de ceux qui partent après trente-sept annuités et demie de cotisation ! Vous nous proposez de rester le pays dont la dette est le premier budget,…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. À qui la faute ?

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…celui qui refuse de regarder en face le scandale d'Outreau parce qu'il n'ose pas remettre en cause une carte judiciaire vieille de cinquante ans, (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre), celui qui accepte que l'université continue de perdre sur les deux tableaux, sur celui de l'excellence comme sur celui de la démocratisation, celui qui laisse ses entreprises perdre des parts de marché parce qu'elles sont les plus imposées parmi les pays les plus développés !

Nous, monsieur Chassaigne, nous avons choisi de faire exactement le contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons choisi de sécuriser le régime de retraite de tous les Français, nous avons choisi de réformer l'État pour le rendre plus efficace, nous avons choisi de donner à l'université l'autonomie et les moyens dont elle a besoin pour assurer sa réussite, nous avons choisi d'encourager la modération salariale en proposant la modulation des allégements de charge, nous avons choisi de rendre la confiance aux Français en respectant tous nos engagements. Je comprends que, pour vous, ce genre de promesse soit difficile à tenir, vous qui avez soutenu en 1997 un gouvernement de gauche qui a battu tous les records de privatisation de la Ve République. (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Monsieur Chassaigne, je ne sais pas si je mérite la Marianne d'or, les Français le diront. Mais une chose est sûre : aux dernières élections, ils ne vous ont donné ni la Marianne d'argent ni même la Marianne de bronze. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvan Lachaud

Madame la ministre de l'économie des finances et de l'emploi, l'été dernier, lors de la discussion du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat sur le TEPA, le groupe Nouveau Centre a largement soutenu la réforme des heures supplémentaires parce qu'elle valorisait le travail et relançait le pouvoir d'achat.

Cependant, dès le mois de juillet, nous vous avions alertée sur la difficulté de la mettre en oeuvre en raison de la complexité du dispositif retenu. Le bulletin de salaire, déjà bien difficile à lire, est d'ores et déjà passé vingt-quatre à vingt huit lignes et devient pratiquement illisible.

Les chefs d'entreprises nous ont fait savoir la difficulté qu'ils rencontrent pour mettre en place cette bonne réforme : la circulaire d'application ne comporte pas moins de vingt-six pages… Aussi, afin d'éviter que cette loi ne devienne une loi inefficace, comme le craignait fort justement le président des chambres de commerce et d'industrie, le Nouveau Centre vous fait trois propositions.

Premièrement, il faudrait ne retenir que le seul taux effectif de majoration des heures supplémentaires. Deuxièmement le contingent annuel d'heures supplémentaires devrait être déplafonné. Troisièmement, nous vous proposons de prendre des mesures favorables aux salariés, notamment en cas de violations des règles concernant la durée du travail.

Madame la ministre, êtes-vous prête aujourd'hui à prendre des mesures pour simplifier cette bonne réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

Monsieur Lachaud, je vous remercie pour votre question. C'est vrai, la réforme n'est pas simple à mettre en place, mais c'est parce qu'elle succède à un système dont nous avons hérité : celui des trente-cinq heures, qui comportait dix modes d'organisation du travail et autant de modes de calcul des heures supplémentaires et des heures complémentaires !

C'est sur cette base que nous avons travaillé en tentant d'informer au maximum les sociétés qui mettent en place un système gagnant-gagnant. Dans ce but, nous avons distribué plus de cinq millions de prospectus aux petites et moyennes entreprises, nous avons ouvert une ligne téléphonique URSSAF-fisc, pour permettre une bonne diffusion de l'information – plus de 30 000 appels ont été reçus sur cette ligne. J'ai aussi désigné un « Monsieur heures supplémentaires » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et de la Gauche démocrate et républicaine.) qui ira dans les vingt-deux régions de France visiter toutes vos circonscriptions pour expliquer le mécanisme de la réforme.

La deuxième grande attente des entreprises concerne la sécurité juridique. Nous avons bien entendu l'ensemble des questions qu'elles se posent à ce sujet et, pour y répondre, nous allons leur faire parvenir des documents rédigés sous la forme de questions-réponses qui leur permettront de bien mettre en place la réforme avec les sociétés d'édition de paye. Nous demanderons par ailleurs aux URSSAF de contrôler normalement le mécanisme en place sans effectuer de contrôle spécifique sur les heures supplémentaires qui ciblerait les entreprises mettant en place la réforme.

Je voudrais préciser pour finir que si les trente-cinq heures ont coûté très cher à la France (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), je crois que les heures supplémentaires rapporteront beaucoup aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cardo

Monsieur le ministre, aujourd'hui, au-delà du mouvement de grève des fonctionnaires, commence le sixième jour de la grève des transports en commun contre la réforme des régimes spéciaux de retraite.

Électricité et Gaz de France ont déjà entamé les négociations avec vous, il semblerait que la RATP souhaite engager les discussions demain matin et la SNCF demain après-midi.

Monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous fassiez part de votre vision de la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui. Le dialogue social que vous préconisez permettra-t-il de résoudre enfin un conflit alimenté par les angoisses des uns, notamment sur leur pouvoir d'achat, la désinformation des autres et l'incompréhension de beaucoup ?

Dans ce contexte, pouvez-vous exposer à la représentation nationale la méthode et les moyens par lesquels vous comptez favoriser la négociation et trouver une issue à ces conflits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

Demain, cela fera en effet une semaine que le conflit et la grève dans les transports pénalisent les usagers, une semaine de galère.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le septième jour, une journée de repos, ainsi en a décidé le Seigneur !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

Certains maires, dont vous-même monsieur Cardo, ont pris des initiatives pratiques, que je veux saluer, pour venir en aide aux parents qui se demandaient comment leurs enfants pourraient être accueillis alors qu'ils partent plus tôt le matin et rentrent plus tard le soir.

Ce conflit est une gêne pour la SNCF et pour la RATP : les sommes ainsi perdues seraient mieux utilisées dans des négociations attendues par plus des trois quarts des agents de ces entreprises, comme le soulignait le Premier ministre. Mais il handicape aussi notre économie dans son ensemble : il faut donc en sortir, et en sortir par le haut, le plus tôt possible. C'est possible et c'est déjà chose faite dans l'énergie : à EDF comme à GDF, la grève est derrière nous. Les négociations avec l'ensemble, et je dis bien l'ensemble, des organisations syndicales ont déjà eu lieu vendredi dernier, elles se sont poursuivies hier après-midi et se tiendront à nouveau demain et jeudi.

Dans le secteur des transports, des réunions auront lieu demain matin entre la direction des entreprises et les organisations syndicales, avec la participation de l'État. Mais nous voulons, tout comme les usagers, qu'il y ait une dynamique de reprise du trafic, car même si des trains et des bus circulent depuis le début, ils ne sont pas suffisants pour assurer une desserte satisfaisante.

Il aurait été possible d'organiser ces discussions plus tôt, car nous avions fait part de notre disponibilité. Mais, aujourd'hui, les conditions sont réunies comme jamais pour que chacun fasse preuve de la meilleure volonté possible. Le Gouvernement l'a fait à chaque fois que cela lui a été demandé. Après les nombreuses discussions qui ont eu lieu, plusieurs organisations – la FGAAC, au début (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), la CFDT et l'UNSA, avec courage, la semaine dernière, et la CFTC ce week-end – sont déjà sorties du conflit.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

Nous savons aujourd'hui qu'il est possible d'en sortir rapidement par le haut, pour le bien des usagers et de notre pays. Telle est en tout cas la logique de dialogue dans laquelle s'inscrit le Gouvernement avec détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Huées sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Hollande

Monsieur le Premier ministre, le pouvoir d'achat est devenu la première priorité des Français, une priorité lancinante. Au-delà des fonctionnaires, qui se mobilisent fortement aujourd'hui, un grand nombre de nos concitoyens connaissent tout à la fois une stagnation de leurs revenus depuis plusieurs années et une hausse continue du coût de la vie : carburant, alimentation, loyers.

Vous aviez pourtant pris des engagements. Nicolas Sarkozy voulait être le Président du pouvoir d'achat. Président, il l'est depuis six mois, mais le pouvoir d'achat, lui, n'est toujours pas au rendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Hollande

Vous aviez annoncé la croissance : elle n'est pas là. Vous aviez promis des mesures immédiates pour les Français : elles n'ont concerné que les plus favorisés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Hollande

Quant aux heures supplémentaires, le dispositif, de l'aveu même des chefs d'entreprise, est inapplicable. Il n'est plus temps d'attendre !

C'est pourquoi, au nom des socialistes, je vous fais quatre propositions. (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Hollande

Je vous remercie de saluer cette initiative.

Tout d'abord, une conférence salariale. Grenelle de l'environnement, Grenelle de l'insertion : vous évoquez souvent des « Grenelle ». Eh bien, faites un Grenelle sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires et des salariés du secteur privé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Et, pour aider à la négociation, conditionnez les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises à la conclusion d'accords salariaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Deuxième proposition : la mise en place immédiate d'un chèque transports. La mesure a déjà été votée (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), elle peut être financée par une taxation sur les superprofits des compagnies pétrolières.

Debut de section - PermalienPhoto de François Hollande

Troisième proposition : l'encadrement des loyers en 2008 au niveau du coût de la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Quatrième proposition : la transparence totale des marges de la grande distribution et la répercussion sur les consommateurs des avantages obtenus sur les producteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Hollande

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : voilà notre plan pour le pouvoir d'achat. Quel est le vôtre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur de nombreux bancs de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur Hollande, oui, il y a un problème de pouvoir d'achat en France (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), et je crois d'ailleurs me souvenir que le premier à l'avoir signalé est le Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il n'a rien fait !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Toute l'énergie que le parti socialiste met à démontrer l'existence de ce problème ne suffira pas à le résoudre. Depuis dix ans,…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…l'augmentation des salaires est à peine supérieure à celle de l'inflation. (« Cinq ans ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Pourquoi ? Parce que nous avons une croissance trop faible et le taux d'activité le plus bas des pays développés, faute d'avoir eu le courage de réformer le marché du travail. Parce que les 35 heures ont entraîné la rigueur salariale (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Enfin, parce que nous avons le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé des pays développés.

Première constatation : ce n'est pas avec les solutions que proposait le parti socialiste dans sa campagne que l'on résoudra les problèmes de pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Ce n'est pas en généralisant les 35 heures dans les PME que l'on favorisera l'augmentation des salaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas en prônant le statu quo sur la réforme des retraites que l'on résoudra le problème du pouvoir d'achat des retraités ! Du reste, quel serait le niveau de celui-ci si nous n'avions pas eu le courage de faire la réforme de 1993, celle de 2003 et celle des régimes spéciaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Enfin, ce n'est pas la réhabilitation de l'impôt qui apporterait une réponse au pouvoir d'achat. (« Répondez à la question ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Le Gouvernement a choisi de défiscaliser les heures supplémentaires. Cela ne fonctionne pas, avez-vous dit.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Eh bien, allez l'expliquer aux 6 millions de Français qui, au mois de novembre, verront sur leur fiche de paie l'augmentation de leur salaire grâce à cette mesure.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Nous avons également choisi de permettre la déduction des intérêts d'emprunt pour tous ceux qui acquièrent leur logement et de supprimer les droits de succession pour 95 % des Français. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Huit milliards d'euros seront ainsi réinjectés en 2008, au profit du pouvoir d'achat des Français.

Par ailleurs, nous doublons la prime à la cuve mise en place l'an passé. Nous augmentons de près de 3 % l'aide personnalisée au logement, pour faire face à l'augmentation des loyers. Nous accordons plus de 100 000 bourses supplémentaires aux étudiants et nous augmentons de plus de 7 % celles qui sont destinées aux étudiants les plus défavorisés.

Dans quelques heures, l'Assemblée nationale examinera un projet de loi sur la consommation qui vous permettra, monsieur Hollande, de mettre en application les propositions que vous faisiez à l'instant, puisqu'il prévoit notamment une transparence totale sur la négociation des prix.

Enfin, nous avons décidé de moduler les allégements de charges en fonction des politiques salariales conduites dans les entreprises. Contrairement à vous, monsieur Hollande, je me réjouis que celles-ci fassent de gros bénéfices, mais je voudrais qu'une partie d'entre eux soit reversée aux salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mais surtout, le Gouvernement a choisi d'actionner tous les leviers de la croissance :…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…la recherche, l'innovation, la fiscalité, la lutte contre l'excès de réglementation. Car la France ne distribuera plus de richesses aux Français que si elle est capable d'en produire plus.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

C'est parce que vous avez oublié cette évidence que vous êtes toujours dans l'opposition ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrick Verchère, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, alors que, pour la première fois depuis vingt ans, un gouvernement décide de faire de l'enseignement supérieur une grande priorité nationale, voilà que des mouvements ont lieu dans certaines universités pour remettre en cause cette ambition historique.

Comme la majorité de mes collègues, j'ai été particulièrement choqué par les images de violences et les dégradations perpétrées sur certains sites universitaires, à Paris comme en province. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Des minorités d'extrême gauche, aux méthodes et aux idées archaïques, protestent de façon purement dogmatique contre cette réforme, pourtant élaborée dans le dialogue et la concertation.

Devant le retard que nos universités ont pris par rapport à de nombreux pays européens, la modernisation de l'enseignement supérieur apparaît comme une évidence,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

… sauf aux yeux de quelques rétrogrades qui n'ont pas encore changé de siècle.

Comme de nombreux Français, je suis particulièrement choqué de voir que certains bafouent des votes démocratiques, alors qu'ils sont les premiers à dénoncer une prétendue absence de démocratie. Mais qu'a-t-on à vous reprocher ? De mettre des moyens financiers à la hauteur de vos ambitions ? De tenir les engagements pris par le Président de la République devant les électeurs ? (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Madame la ministre, des craintes se sont exprimées ; vous les avez dissipées une à une. La parole d'un ministre vaudrait-elle moins que celle de quelques étudiants, porte-voix en main ? Si, en art, toute répétition est nulle, en politique, c'est souvent la seule façon de faire passer ses idées et ses réformes. Aussi, madame la ministre, pouvez-vous préciser une nouvelle fois devant la représentation nationale l'envergure des moyens, notamment financiers, que le Gouvernement entend mobiliser pour mettre en oeuvre cette réforme urgente de notre enseignement supérieur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le député, vous avez évoqué les blocages qui, dans certaines universités, entravent la réussite des étudiants. Je réaffirme ici solennellement devant la représentation nationale que je condamne fermement ces actions....

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

C'est vous qui n'allez pas tarder à être condamnée !

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

… qui sont source d'affrontements, de violences et de dégradation et j'appelle à nouveau tous les syndicats et tous les partis politiques présents dans cet hémicycle à les condamner sans équivoque. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

En juillet, lorsque j'ai présenté ici même la loi sur les libertés et les responsabilités des universités, je m'étais engagée à revenir devant vous à l'automne avec un budget inédit, d'une ampleur historique, doté d'1 milliard d'euros supplémentaires pour les universités.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

C'est chose faite.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

En 2008, le budget des universités augmentera bien d'1 milliard, c'est-à-dire de 8 %, d'abord au profit des étudiants.

Pour que les universités soient accueillantes et qu'ils aient envie d'y étudier, 310 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à l'immobilier universitaire, 1 milliard supplémentaire pour les campus, les amphis et les bibliothèques.

Ensuite, parce qu'être étudiant, c'est aussi acquérir son autonomie, nous nous fixons, en matière de logement étudiant, les mêmes objectifs que ceux du plan Anciaux : 5 000 logements neufs, 7 000 rénovations. Ainsi 155 millions sont ajoutés au budget du logement étudiant.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Par ailleurs, en deux ans, 100 millions d'euros supplémentaires contribueront à augmenter le pouvoir d'achat des étudiants boursiers, notamment des plus défavorisés, et permettront d'étendre les bourses aux classes moyennes.

Enfin, la réussite en licence sera notre grand chantier cette année, car 40 % des étudiants échouent en première année.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Nous allons donc améliorer l'orientation, développer le tutorat pour ceux qui sont le plus en difficulté, proposer des cours supplémentaires pour consolider les acquis et créer un bureau d'insertion professionnelle dans chaque université.

Vous le voyez, les moyens promis sont là. C'est un budget pour les étudiants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'aménagement et du développement durables.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Le Grenelle de l'environnement a permis la rencontre de nombreux acteurs publics comme privés autour d'enjeux majeurs pour la planète. Parmi ces acteurs, les collectivités territoriales se sont impliquées, depuis longtemps parfois, dans les transports en commun, l'habitat, voire l'urbanisme, et les maires jouent souvent un rôle de premier plan dans ces domaines.

Qu'attendez-vous désormais des collectivités territoriales et quel partage des rôles imaginez-vous demain entre l'État et les collectivités s'agissant de l'environnement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Monsieur le député, le Grenelle de l'environnement aura été un moment fondateur pour l'écologie en France. Les premiers acteurs de cette « révolution écologique » voulue par le président de la République sont les collectivités locales, très présentes dès le départ puisqu'elles formaient un collège à part entière, composé de membres issus de l'Association des maires de France, mais aussi des associations des régions, des départements et des communautés de France, ainsi que d'élus de la montagne et d'élus du littoral. Je les remercie d'avoir accepté de prendre place autour de la table et d'avoir apporté leurs idées dans une discussion où tous les acteurs n'étaient pas situés au même niveau d'engagement et de responsabilité, ce qui constituait pour elles un exercice inhabituel et – j'en suis consciente – sans doute relativement ardu. Les collectivités locales ont également participé de manière très active aux réunions que nous avons organisées en région et, à chaque fois, ont apporté des propositions concrètes et innovantes, parfois décisives.

Très présentes lors de la phase d'élaboration des propositions, les collectivités locales vont également constituer un maillon incontournable de leur mise en oeuvre, qui commence en ce moment. C'est d'ailleurs ce que les Français attendent d'elles, comme le montre le succès de la consultation populaire que nous avons lancée.

L'une des priorités du Grenelle de l'environnement sera de renforcer la gouvernance territoriale en matière de développement durable. Cette politique doit se construire d'abord au niveau des territoires, les collectivités territoriales étant les meilleurs défenseurs de la qualité de vie et du bien-être de nos concitoyens. Dans ce nouveau contexte, il va falloir rebattre les cartes avant de les redistribuer aux différents acteurs, afin d'obtenir plus de cohérence et d'efficacité dans des domaines aussi importants que le climat, l'énergie, l'articulation entre les transports, l'habitat, le développement économique et la préservation des espaces.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Des actes !

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Dès 2008, une loi-programme fixera les grandes orientations de cette politique et ses premières déclinaisons…

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

…auxquelles le Parlement sera très directement associé. Sans attendre, Jean-Louis Borloo et moi-même présenterons, dès la mi-décembre, les premières actions envisagées.

Comme vous l'aurez compris, le Grenelle de l'environnement constituera un nouveau départ pour les collectivités territoriales, qui devront assumer toutes leurs responsabilités en matière de développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Ma question s'adresse au Premier ministre, qui aura ainsi une seconde chance de faire part de sa position sur le plan de lutte contre la baisse du pouvoir d'achat présenté au nom des socialistes par François Hollande. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Prétentieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

En 2004, le gouvernement Villepin décidait brusquement d'aligner la collecte de la redevance audiovisuelle sur celle de la taxe d'habitation, dont l'assiette a ainsi été élargie à des contribuables jusqu'alors exonérés de redevance. La suppression des exonérations antérieures ayant été très opportunément repoussée jusqu'à l'élection présidentielle du printemps dernier, ce sont désormais quelque 800 000 foyers qui vont devoir acquitter, pour la première fois, 116 euros au titre de la redevance audiovisuelle ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Seront principalement touchées les personnes de plus de 65 ans non imposables, mais aussi celles de plus de 60 ans dont le revenu fiscal ne dépasse pas 9 437 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Le fait que 3 % de ces foyers – les plus fragiles d'entre eux – seront épargnés n'ôte rien à l'injustice flagrante de cette mesure qui, s'ajoutant aux franchises « santé » et à la franchise judiciaire à venir, constitue une attaque délibérée contre le pouvoir d'achat des plus âgés et des moins favorisés de nos concitoyens, ceux-là même dont les petites retraites n'ont pas suivi l'augmentation du coût de la vie de ces dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Monsieur le Premier ministre, allez-vous pérenniser cette exonération de redevance audiovisuelle, qui ne coûterait pas plus cher que les économies de collecte réalisées chaque année ? Ou bien vous obstinerez-vous, après avoir accordé 15 milliards d'euros de cadeaux fiscaux à certains privilégiés, à récupérer 100 millions sur le dos des retraités les plus modestes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Monsieur le député, votre présentation des faits me paraît tout à fait caricaturale, pour ne pas dire scandaleuse de démagogie ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Si la redevance est désormais prélevée en même temps que la taxe d'habitation, cela constitue en fait une mesure de simplification et d'égalité répondant à une attente exprimée depuis fort longtemps.

L'Assemblée nationale avait décidé en 2004 d'instaurer une période transitoire de trois ans entre les deux systèmes d'exonération – au terme de laquelle nous arrivons actuellement. Le Conseil constitutionnel n'avait d'ailleurs validé la réforme de la redevance qu'en raison de la présence de cette période transitoire. À partir de maintenant, les personnes exonérées de taxe d'habitation seront donc également exonérées de redevance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) 24 millions de foyers français sont soumis à la taxe d'habitation tandis que 4 millions – ce qui est considérable – en sont exonérés.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Auriez-vous trouvé juste de geler la situation de 2004, alors que certains contribuables ont changé de situation depuis cette date ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous savez bien que cela aurait été tout à fait inéquitable, et que la représentation nationale a eu raison de prévoir une période transitoire ! Par ailleurs, à la demande de M. Martin-Lalande, l'Assemblée vient de décider d'aller un peu plus loin en étendant les exonérations aux personnes handicapées sous certaines conditions de revenu. Mais votre manière de présenter les choses travestit la réalité, monsieur le député ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

Ma question s'adresse à Mme Rama Yade, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et européennes, chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.

Madame la secrétaire d'État, le Bangladesh pleure aujourd'hui ses morts après avoir été la proie d'une catastrophe climatique. Jeudi 15 novembre, Sidr, un cyclone de catégorie 4, a ravagé le sud du pays, faisant plus de 3 500 victimes sur son passage. Ce n'est là qu'un bilan provisoire, le Croissant Rouge estimant le bilan définitif plus proche de 10 000 victimes. Ce cyclone a touché plus de quatre millions de personnes et fait près de 300 000 sans-abri. 300 000 maisons ont été complètement détruites et plus de 600 000 autres gravement endommagées. La plus grande partie des cultures a été totalement ravagée.

Ce nouveau drame humanitaire va aggraver la situation d'un pays déjà en proie à de lourdes difficultés. Le Bangladesh, qui figure parmi les pays les plus pauvres du monde, est également l'un des plus peuplés, avec 150 millions d'habitants pour une superficie de 144 000 kilomètres carrés, soit le tiers de la France.

Depuis lundi, les secouristes se sont lancés dans une véritable course contre la montre pour acheminer vivres et médicaments aux millions de sinistrés. Leur tâche est rendue difficile par la configuration géographique du Bangladesh. Nombre de villages, isolés, sont particulièrement difficiles d'accès, et près de 200 îles n'ont pas encore été atteintes par les secours.

Face à cette nouvelle catastrophe, la communauté internationale doit plus que jamais se mobiliser. L'Arabie Saoudite a déjà annoncé l'octroi d'une aide d'urgence…

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

…tout comme les Etats-Unis, ainsi qu'un certain nombre de partenaires européens.

Les Bengalis vont porter longtemps le deuil de ce nouveau ravage de la nature. Les images sont terribles, la situation alarmante. Au deuil, à la faim et à la soif s'ajoute le risque d'épidémie de choléra. La France ne peut rester sourde à la détresse de ces milliers de familles. Alors que le bilan s'alourdit d'heure en heure, pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d'État, quelles mesures le gouvernement français envisage de prendre afin de venir en aide à cette population ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.

Debut de section - PermalienRama Yade, secrétaire d'état chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme

Madame la députée, je comprends votre émotion, que partage toute la France : nous ne pouvons rester insensibles à la nouvelle catastrophe qui vient de frapper le Bangladesh et de plonger ses habitants dans la détresse. Depuis 130 ans, c'est la deuxième catastrophe naturelle la plus grave qui ait frappé ce pays : on recense déjà plus de 3 000 victimes, et le bilan ne cesse de s'alourdir à mesure que les secours accèdent aux zones sinistrées. Au total, plus de 7 millions de personnes ont été touchées.

Dès ce week-end, le Gouvernement a affirmé sa totale solidarité avec le Bangladesh…

Debut de section - PermalienRama Yade, secrétaire d'état chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme

…et sa pleine disponibilité pour répondre aux besoins de ce pays.

Une première aide d'urgence, d'un montant de 600 000 euros, a été mise en place par la France dès dimanche matin.

Debut de section - PermalienRama Yade, secrétaire d'état chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme

Une moitié de cette aide sera consacrée à l'aide alimentaire tandis que l'autre ira à une ONG franco-bangladaise présente sur place. Par ailleurs, la France contribuera à l'aide européenne à hauteur de 6,5 millions d'euros.

Debut de section - PermalienRama Yade, secrétaire d'état chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme

La délégation à l'action humanitaire du ministère est en contact permanent avec les ONG et la Croix Rouge. Des organisations humanitaires françaises et internationales sont déjà sur place, où elles travaillent sans relâche depuis dimanche ; plusieurs autres nous ont fait part de leur disponibilité.

L'action sur place est difficile : les zones touchées et les sinistrés sont dispersés, et les voies d'accès souvent inutilisables. L'aide doit être d'autant plus coordonnée, rationnelle et adaptée aux besoins du pays. Comme vous le voyez, la France ne ménage pas ses efforts et continuera à le faire tant que la situation l'exigera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Reynier

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, mesdames, messieurs les ministres, ma question s'adresse à Mme la ministre du logement et de la ville

Madame la ministre, depuis quelques semaines, des familles campent à tour de rôle rue de la Banque à Paris. Le week-end dernier, un SDF d'une soixantaine d'années a été retrouvé mort dans les quartiers nord de Marseille. Les grands froids qui sont revenus sur le pays la semaine dernière demandent la plus grande vigilance et la plus grande mobilisation.

Beaucoup de villes – notamment Montélimar, dont je suis maire – ont mis en place un SAMU social et de très nombreuses associations caritatives agissent avec la plus grande détermination pour le respect de la dignité humaine. Nous n'avons pas la naïveté de les confondre avec les agitateurs professionnels qui poussent cyniquement des hommes, des femmes et des bébés à sortir des hôtels pour aller dormir dans le froid sous des tentes de fortune. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Devant les caméras, ils ont la main sur le coeur et exigent des solutions à cor et à cri, mais dès que les projecteurs s'éteignent, dès que les pouvoirs publics proposent d'étudier la situation des personnes en question, ils refusent catégoriquement de donner la liste de ces familles. Ils se moquent éperdument du travail de tous ceux qui, jour après jour, essaient de trouver des solutions pour ceux qui n'ont plus de toit.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Reynier

Au XXIe siècle, il devient de plus en plus inacceptable de voir des hommes et des femmes mourir de froid dans un pays comme la France.

Ce scandale doit cesser, madame la ministre. Notre majorité a consacré par une loi le droit au logement et à l'hébergement opposable, qui doit devenir effectif l'an prochain. Sans attendre, nous aimerions avoir un état des lieux du dispositif mis en place pour affronter les longs mois d'hiver. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre du logement et de la ville.

Debut de section - PermalienChristine Boutin, ministre du logement et de la ville

Monsieur le député, je vous remercie de votre question, qui me permet de faire le point sur l'action menée en réponse aux problèmes d'hébergement.

Debut de section - PermalienChristine Boutin, ministre du logement et de la ville

Je vous en prie ! Je sais M. Reynier très sensible au sort des plus fragiles de ses concitoyens. Il dirige une ville moyenne qui a su mettre en place un numéro 115 ; j'aimerais que beaucoup d'autres en fassent autant !

Nous disposons actuellement de 35 000 places dans les CHRS, de 6 500 places de stabilisation et de 11 000 places en centre d'hébergement d'urgence. Depuis six mois, quatre actions fortes ont été menées.

Tout d'abord, j'ai pris une circulaire « grand froid » dès le 19 octobre dernier, laissant aux préfets le soin de décider du niveau adéquat de mobilisation et d'hébergement.

Ensuite, deux conventions ont été signées. La première l'a été au mois de juillet avec les organismes du 1 %, pour libérer 3 000 logements HLM en trois ans, en faveur notamment des travailleurs pauvres. La seconde a été signée avec l'ANAH et les organismes du 1 % pour remettre sur le marché 70 000 logements vacants en cinq ans.

Par ailleurs, la situation n'est pas la même sur tout le territoire. Il y a quatre zones tendues : le Nord, la région PACA, et plus encore les Bouches-du-Rhône, et l'Île-de-France. S'agissant de cette dernière, j'ai installé ce matin la conférence régionale de l'hébergement avec deux groupes de travail, l'un qui suivra l'application du plan hiver 2007-2008, et l'autre, dont j'attends avec intérêt les propositions, qui doit se concentrer sur la nouvelle gouvernance et la mutualisation des besoins.

S'agissant, enfin, de la rue de la Banque, je ne peux pas loger des personnes dont je ne connais pas le nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà maintenant trois semaines que je demande en vain au président de l'association de me donner une liste nominative. Le ministre du logement peut reloger non pas des catégories, mais des personnes, des femmes, des hommes et des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Monsieur le Premier ministre, j'espère que vous ne répondrez pas par l'invective, comme vous l'avez fait pour les deux questions précédentes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Depuis ce matin, les maires des 36 000 communes de France sont réunis en congrès. Ils ne manqueront pas de répéter, une fois de plus, les difficultés auxquelles ils sont confrontés du fait de la politique d'étranglement que vous menez depuis six ans. Les élus des départements et des régions pourraient tenir le même discours. Pourtant, c'est grâce aux élus locaux que la République a pu se moderniser sans se défaire.

Depuis 2002, le Gouvernement fait payer sa faillite économique et financière aux collectivités territoriales. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Or ces dernières réalisent 72 % des investissements civils. Elles sont à l'origine de deux tiers des créations d'emplois dans le secteur privé et associatif. Par votre politique – mais c'était déjà le cas avec vos deux prédécesseurs –, vous défigurez la décentralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Vous ne respectez pas la parole de l'État. Vous ne respectez pas la loi. Vous ne respectez pas la Constitution. En effet, les transferts de 2003 et 2004 ne sont pas compensés intégralement, quoi qu'en ait dit pendant des années M. l'avocat Copé, qui nous serinait le refrain de l'euro près dans chacune de ses réponses.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

À ce jour, vous n'avez toujours pas effectué les versements au fonds de compensation de la TVA pour 2006 et 2007. Il n'est pas normal que vous obligiez les collectivités territoriales à faire plus avec moins.

Quand allez-vous enfin permettre aux élus locaux d'exercer leurs responsabilités avec des moyens suffisants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur Derosier, je le rappelle, les transferts de l'État vers les collectivités territoriales représentent un quart du budget de l'État.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et alors ?

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Je ne peux pas vous laisser dire que les dotations aux communes n'ont pas augmenté. Par le biais notamment de la DGF, elles ont globalement progressé une fois et demie plus vite que l'inflation. Et ce mouvement se poursuivra pour 2008, au-delà de ce dont bénéficie l'ensemble des administrations de l'État : la DGF progressera de 2,08 %.

Je ne peux pas non plus vous laisser dire, parce que c'est faux, qu'il n'y a pas eu compensation intégrale des transferts de compétences. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est faux !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Nous en avons déjà parlé et vous le savez très bien, monsieur Derosier. Il y a une obligation constitutionnelle en la matière : chaque fois qu'une compétence est transférée, l'État doit transférer aussi les sommes qu'il y consacrait. Cela a été fait intégralement et systématiquement, en application de la Constitution. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est faux ! Mensonge !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Vous faites semblant de ne pas comprendre que les compétences transférées continuent d'évoluer et que cela a des conséquences sur les volumes financiers.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Demandez aux maires UMP ce qu'ils en pensent !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

L'État est même allé au-delà de ses obligations, notamment en ce qui concerne le transfert du RMI. Non seulement nous avons intégralement transféré les montants versés jusqu'alors, mais, pressentant que le nombre de RMIstes continuerait de progresser, nous sommes allés au-delà en transférant chaque année plus de 500 millions d'euros. Et nous continuons à le faire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Monsieur Derosier, lorsque l'on prend la parole, il faut le faire en toute honnêteté intellectuelle. C'est bien la moindre des choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

Monsieur le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, j'ai voté, pour ma part, la création de la franchise médicale (Huées sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) uniquement parce que la situation financière l'exigeait et que des décisions courageuses s'imposaient. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il faut rappeler que les personnes en situation d'extrême précarité en sont heureusement exclues et je sais que vous travaillez, sous l'autorité du Premier ministre, à la mise en place d'un bouclier sanitaire, permettant à chacun de mieux se soigner.

Compléter les revenus des travailleurs les plus en difficulté pour en réduire leur nombre est également une volonté du Gouvernement dont vous êtes l'artisan grâce à la création du revenu de solidarité active. Le RSA, qui vient d'entrer en application dans plusieurs départements, a pour but de mettre fin aux incohérences d'un système qui privilégie trop souvent les revenus de l'assistance au détriment de ceux du travail. Il est en effet choquant que des personnes voient leur revenu diminuer lorsqu'elles reprennent le chemin du travail.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Brunel

La loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat a permis l'extension du dispositif relatif au RSA à dix nouveaux départements. Ainsi, vingt-cinq départements devaient expérimenter le nouveau système. Mais vendredi dernier, l'Assemblée a adopté un amendement ouvrant le champ de l'expérimentation à tous les départements qui se sont portés candidats.

Monsieur le haut commissaire, combien de départements vont réellement participer à l'expérimentation ? Quel est le montant des crédits qui accompagnent cette extension, crédits si nécessaires à la réintégration de nombreux travailleurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Madame la députée, vous m'avez interrogé sur le bouclier sanitaire et sur le revenu de solidarité active. Je commencerai par ce dernier. Oui, depuis le mois d'août, les conseils généraux volontaires peuvent expérimenter le RSA sur tout ou partie de leur territoire. Ils vont ainsi garantir à des personnes qu'elles gagneront de l'argent en reprenant un travail. C'est fondamental au moment où l'on parle beaucoup de pouvoir d'achat. Les exclure de ce débat serait scandaleux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Effectivement, les choses vont beaucoup plus vite que nous ne l'avions pensé. C'est dû au fait que la démarche est fondée sur la confiance et la loyauté. La confiance parce que les conseils généraux construisent eux-mêmes leur RSA comme ils l'entendent, en l'adaptant aux problématiques locales. Du coup, quarante départements ont déposé leur candidature. Devions-nous la rejeter alors que leur dossier était motivé et de bonne qualité ? Nous avons souhaité – et le Premier ministre l'a très vite accepté – répondre favorablement à leur demande, sur la base de ce contrat de confiance et de loyauté. La loyauté parce que, pour la première fois en la matière, l'État s'est engagé à financer à hauteur de 50% les surcoûts et à laisser aux conseils généraux 100% des économies qui pourront être générées si le dispositif marche.

C'est la raison pour laquelle, aux 25 millions d'euros initiaux, nous avons rajouté dix millions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) cinq par des crédits nouveaux l'année prochaine, et cinq par redéploiement dès cette année pour payer d'emblée les départements candidats.

C'est ainsi que nous avons pu lancer le RSA dans l'Oise, dans le Val-d'Oise, la Vienne, en Charente, en Haute-Corse. Nous l'avons fait département après département et sur mesure. J'espère que nous irons plus loin encore sur ce chemin d'espoir pour tous les bénéficiaires du RMI, de l'allocation parent isolé et, demain, pour les travailleurs pauvres. Si cela fonctionne, ils auront du pouvoir d'achat grâce à leur travail.

Quant au bouclier sanitaire, il ira dans le même sens, si la représentation nationale le veut. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Monsieur le Premier ministre, cette fin de semaine s'ouvre, à Grenoble, la première étape d'un énième Grenelle, celui de l'insertion. Il est vrai que la situation, de plus en plus difficile pour un grand nombre de nos concitoyens, peut le justifier.

Mais ce Grenelle fait suite à plusieurs semaines de débats parlementaires sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et sur le projet de loi de finances pour 2008 dont le moins que l'on puisse dire, est qu'ils ne paraissent pas en phase avec les orientations prises.

Jugez plutôt. Grenelle de l'insertion, certes, mais baisse de 25 % du nombre de contrats aidés comme l'a confirmé M. le haut-commissaire aux solidarités actives. Grenelle de l'insertion, mais instauration des franchises médicales, qui viendront pénaliser les ménages, et donc les déstabiliser… Grenelle de l'insertion, mais enveloppe financière insuffisante pour la mise en oeuvre, au 1er janvier 2008, du droit au logement opposable… Grenelle de l'insertion, mais modification dans l'attribution de la couverture maladie universelle complémentaire ce qui exclura 20 000 bénéficiaires actuels, prioritairement des familles avec enfants… Grenelle de l'insertion, mais les crédits pour financer le secteur spécifique de l'économie sociale subiront en 2008 une baisse de 40 %, une partie de ces crédits servant à financer le RSA !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

J'arrête là mon énumération. Il n'en reste pas moins cependant que votre augmentation de 3 % des crédits de la mission « Solidarité », qui va générer une enveloppe supplémentaire de 370 millions d'euros, semble bien faible comparée aux 15 milliards d'euros que vous avez consentis pour les catégories les plus aisées, début juillet 2007, dans le cadre de la loi TEPA. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Par ailleurs, chacun a bien compris que, comme pour le RSA, le RMI, mais aussi la prise en charge de la dépendance, vous opérez un transfert sur les collectivités locales et les départements, en contradiction d'ailleurs avec votre slogan de la compensation à l'euro près du coût de la décentralisation.

Ma question est donc simple : quelle est votre réelle motivation en organisant ce Grenelle de l'insertion ? Comment croire aux effets d'annonce lorsque l'on voit la réalité de vos actes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté

Monsieur le député, vous avez, la semaine dernière, participé aux réunions de travail qui préparent le Grenelle de l'insertion. Vous ne pouvez donc pas douter de la sincérité et de la motivation qui président à cette démarche. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comme chacun le sait, malheureusement, la réussite de l'insertion ne peut plus se mesurer à l'aune des dépenses qu'on y consacre mais seulement à celle des résultats qu'on obtient. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Pourquoi les contrats aidés posent-ils problème ? Parce que, dans le secteur non-marchand, 80 % des bénéficiaires sont de retour à la case départ au bout d'un an ; et parce que, dans le secteur marchand, les embauches qu'ils ont permises auraient eu lieu quoi qu'il en soit… Il faut donc remettre les choses à plat. Tout le monde plaide pour le contrat unique d'insertion ; encore nous faut-il un dispositif adapté à la fois aux besoins de ceux qui veulent travailler et à ceux des employeurs si nous voulons que l'insertion passe par un emploi pérenne et durable.

Nous nous sommes engagés avec les départements dans une démarche loyale. Nous ne les piégerons pas, car nous avons besoin d'eux, comme nous avons besoin de tous les acteurs et de tous les usagers pour construire des dispositifs qui nous permettront d'atteindre notre objectif de réduction d'un tiers de la pauvreté. Voilà pourquoi j'ai demandé aux régions, aux départements et aux communes de participer à cet engagement partagé, afin que personne ne vienne ensuite se plaindre d'avoir été dupé ou de ne pas avoir été consulté au départ. La porte est ouverte. Le Grenelle de l'insertion sera lancé vendredi et samedi prochains. Nous comptons sur vos propositions constructives.

Grenelle de l'insertion

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2008.

La parole est à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous avons proposé un budget fondé sur deux piliers : la maîtrise de la dépense publique, d'une part, une politique économique volontaire, d'autre part.

D'abord, la maîtrise de la dépense publique.

Nous opérons, rappelons-le, dans le cadre d'engagements pris par la France à l'égard de ses partenaires européens, engagements qui doivent nous amener, à l'échéance 2012 et avant si la croissance le permet, à un objectif de déficit public zéro et à un objectif d'endettement de la France de 60 % du produit intérieur brut. C'est dans ce cadre et à l'aune de ces engagements que l'exécution budgétaire, de même que la maîtrise des dépenses publiques, doivent continuer à s'améliorer. C'est dans ce cadre-là que ce budget vous est présenté.

Ensuite, une politique économique volontaire.

Je tiens à cet égard à remercier tout particulièrement la représentation nationale pour l'effort particulier qui a été consacré au crédit d'impôt recherche. Cette mesure, clairement assortie d'incitations fiscales exemplaires, place la France au premier rang des nations européennes pour l'attractivité en matière de recherche et de développement, ainsi que d'innovation. C'est évidemment déterminant ; je vous avais d'ailleurs parlé, lors de la présentation du projet de loi, de l'attractivité fiscale et de l'impôt intelligent. S'il en est un, que vous avez contribué à élaborer de façon progressive et à améliorer – 50 %, 40 %, 30 % en régime de croisière jusqu'à concurrence de 100 millions d'euros, puis 5 % sans plafond, et élimination de l'obligation d'accroissement des dépenses –, c'est bien celui-là. Voilà un impôt intelligent que toutes les entreprises françaises qui investissent en recherche et développement sur notre territoire attendaient depuis longtemps. Il contribuera à l'attractivité du territoire.

Je voudrais également vous remercier d'être intervenus pour supprimer l'impôt sur les opérations de bourse. C'est une mesure que, personnellement, j'attendais depuis longtemps. Indispensable compte tenu de la mise en oeuvre de la directive sur les marchés d'instruments financiers, elle contribuera, elle aussi, à renforcer l'attractivité du territoire français et à maintenir en France ceux des opérateurs boursiers qui continuaient, envers et contre tout, à y réaliser des opérations.

J'ajoute que les trois moteurs de la croissance sont en bon état de marche. La croissance est de 0,7 % au troisième trimestre, soit le double de celle du deuxième trimestre. Le chômage décline – 8,1 % aujourd'hui. Dans ces conditions, et nonobstant les hypothèses que nous avons retenues pour l'élaboration du budget qui, d'une certaine manière, se neutralisent l'une l'autre, notre objectif de croissance situé dans une fourchette de 2 % à 2,5 % nous paraît tout à fait raisonnable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Harpagon ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Brard, nous connaissons votre culture, mais enfin… (Sourires.)

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Monsieur Brard, voyons !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, la discussion du projet de loi de finances s'est achevée dans la nuit de vendredi à samedi.

Elle a été l'occasion de faire, ensemble, le point sur nos grandes orientations budgétaires. Elle aura aussi permis de discuter de manière détaillée chacune des missions et d'éclairer l'avenir.

Pour dix d'entre elles, nous avons suivi une procédure nouvelle, avec un examen approfondi en commission élargie, où chaque ministre a pu répondre de façon détaillée à toutes les questions des parlementaires, suivi d'un examen plus succinct dans l'hémicycle autour de la discussion des amendements.

Cette expérimentation pourrait préfigurer l'exercice que nous pourrions conduire l'année prochaine. Elle serait, je pense, une façon à la fois de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement, d'aller plus dans le détail et de faire en sorte que l'exercice budgétaire ne pèse pas sur le calendrier du Parlement d'une façon anormale.

Cet objectif explique aussi la démarche de transparence totale que nous avons voulu suivre vis-à-vis de chacune et de chacun d'entre vous. Un nouvel effort a ainsi été fait pour améliorer la qualité des documents budgétaires qui vous ont été transmis ; je pense notamment au rapport détaillé sur la dépense, qui éclaire très précisément nos engagements.

Je remercie tout particulièrement le président Didier Migaud et le rapporteur général, Gilles Carrez, pour leur contribution, précise, précieuse et constructive, dans des registres certes différents (Sourires), mais avec le sérieux qui les caractérise l'un et l'autre.

Je remercie également l'ensemble des parlementaires de la commission des finances et les rapporteurs pour avis dont le travail au fond et les observations, parfois critiques, toujours constructives, ont contribué à la qualité de nos discussions.

Je remercie enfin la majorité pour son engagement et son soutien, et je n'oublie pas l'opposition, avec qui nous avons pu débattre courtoisement de nos différences d'analyses et de propositions.

Ensemble, nous avons enrichi ce projet de loi sans remettre en cause les objectifs de réduction du déficit et de maîtrise de la dépense publique.

Vous n'avez pas souhaité modifier l'équilibre général du texte. Le déficit de l'État est passé, au cours du débat, de 41,72 à 41,79 milliards d'euros, et reste, en tout état de cause, inférieur au déficit affiché en loi de finances initiale pour 2007. Cette baisse s'accompagnera, dans le même temps, d'un allégement de nos prélèvements obligatoires, qui seront ramenés de 44,2 à 43,7 % du PIB.

Cette réduction parallèle du déficit et des prélèvements est rendue possible par une stricte maîtrise de la dépense publique, dont le poids dans le PIB passera de 53,4 % en 2006 à 52,6 % en 2008.

L'année prochaine, les dépenses de l'État ne progresseront pas plus vite que l'inflation. Cet effort est d'autant plus notable qu'il s'inscrit dans un contexte de renchérissement de la charge de la dette et d'augmentation des dépenses de pensions.

J'ajoute que cette maîtrise des dépenses est vertueuse, et non pas comptable, comme je l'ai parfois entendu. Elle repose en effet sur des redéploiements actifs. Je tiens d'ailleurs à rappeler que tous les amendements que votre assemblée a adoptés et qui affectent les dépenses ont été financés sans dégrader le solde ; je pense, par exemple, à la réforme des exonérations dans les zones de revitalisation rurale, thème qui a fait débat entre nous.

Cette maîtrise des dépenses repose aussi sur un effort de rationalisation de la part de chacun des ministères, comme vous avez pu le noter.

Elle repose enfin sur un nombre inusité de départs à la retraite. C'est le début de la réduction des effectifs de la fonction publique de l'État, dans le cadre d'une réforme de l'État.

La maîtrise de la dépense publique se double d'une politique visant à muscler la croissance, comme Christine Lagarde a pu, encore une fois, vous le rappeler.

Dans le cadre de ces orientations générales, nos discussions ont conduit à plusieurs avancées notables.

Nous avons trouvé une solution consensuelle concernant la fiscalité sur les revenus du capital. Ainsi, nous étendons la retenue à la source par prélèvement forfaitaire libératoire aux revenus des actions, mais en portant le taux de ce prélèvement de 16 à 18 % pour l'ensemble des revenus concernés, qu'il s'agisse de produits de taux ou de dividendes. Notre objectif est ainsi respecté : les produits risqués ne seront pas plus pénalisés par rapport aux produits qui le sont moins – actions et obligations. Et cette réforme, qui apportera des recettes supplémentaires en 2008, n'aura aucun coût les années suivantes, comme vous l'avez souhaité.

Nous avons par ailleurs clarifié le budget de la Présidence de la République.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Nous avons en outre modifié le contenu du nouveau contrat de stabilité avec les collectivités territoriales, afin de mieux prendre en compte la situation des communes rurales les plus fragiles, tout en préservant les objectifs de la réforme.

Enfin, nous avons supprimé, à compter de 2009, l'impôt sur les opérations de bourse, afin de renforcer la compétitivité de la place de Paris et d'éviter une délocalisation des transactions. Cette suppression a été gagée en portant à 18 % le taux de la taxation sur les plus-values mobilières.

Mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances que nous soumettons à vos suffrages est fondé sur la confiance et la sincérité. La confiance, parce que c'est un budget qui respecte la parole donnée de l'État : nous tenons les engagements. La sincérité, parce que les hypothèses de croissance sont raisonnables et réalistes, les prévisions de recettes prudentes et les dépenses évaluées au plus juste.

C'est ce projet de loi de confiance et de sincérité, au service de l'avenir de tous les Français, que je vous appelle maintenant à voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2008, que la commission des finances vous invite à voter, nous propose un bon budget, je dirai même un très bon budget ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

En effet, cette loi de finances applique les principes de bonne gestion, de bonne gouvernance budgétaire que nous avons mis en oeuvre et qui ont fait leur preuve sous la précédente législature. J'en vois trois : premièrement, la stabilisation des dépenses, qui ne doivent pas évoluer plus vite que l'inflation…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Deuxièmement, des prévisions de recettes prudentes, soutenues par une politique économique volontaire, comme vient de le dire le ministre ; troisièmement, un déficit prévisionnel en baisse par rapport à celui que nous avions prévu en 2007 et qui, en exécution, sera, j'en suis sûr, davantage en réduction par rapport à cette année.

Ce budget s'inscrit donc très clairement dans notre stratégie constante, volontaire de redressement de nos finances publiques, qui nous conduira à annuler les déficits d'ici à la fin de la présente législature.

Je voudrais insister sur un aspect particulier : l'accentuation de la maîtrise de nos dépenses. Pour la première fois, l'ensemble des prélèvements sur recettes destinés aux collectivités locales et à l'Union européenne, ainsi que les recettes affectées aux opérateurs de l'État, sont inclus dans la norme d'évolution au seul rythme de l'inflation.

Autre point très important : nous avons mis sous pression l'ensemble des dépenses, sauf celles qui sont prioritaires. Sans oublier, comme vient de l'indiquer Mme Lagarde, la disposition très importante qu'est la mise en place, en 2008, du crédit d'impôt recherche grâce auquel notre système d'encouragement à la recherche deviendra un des plus performants en Europe, si ce n'est le plus performant.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Mais non ! Regardez les chiffres aux États-Unis !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Cela dit, il faut chaque année franchir une étape, et chaque année il nous reste une étape à franchir. Le président de la commission des finances ne me démentira pas : nous devons nous attacher à contenir, à maîtriser les dépenses fiscales qui ont par trop tendance à se multiplier.

Enfin, le déficit est en réduction par rapport à celui que nous avions prévu l'an dernier. Mais comme nos recettes sont très prudentes et que nous avons voté dans cette loi de finances le principe de l'affectation en totalité des éventuels surplus de recettes à la baisse du déficit, je fais ici le pari que, en exécution, le déficit sera très inférieur à la prévision.

Je voudrais en conclusion, madame la ministre, monsieur le ministre, saluer la qualité du travail accompli pendant toute la discussion budgétaire. Je voudrais vous remercier tous les deux, ainsi que vos collaborateurs, dont certains sont assis aujourd'hui derrière vous, pour votre qualité d'écoute et de dialogue.

De très nombreux et très importants amendements d'origine parlementaire, dont certains déposés par l'opposition, ont été adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nous avons, je crois, amélioré le projet de loi de finances sans dégrader le niveau de déficit, et je remercie le ministre du budget d'avoir insisté sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je voudrais vous remercier également, mes chers collègues, pour votre participation très active, pour vos propositions imaginatives et constructives. Nos débats ont été extrêmement intéressants. Je remercie également le président de la commission des finances, et les présidents de séance qui ont su conduire les débats avec un grand talent. Nous avons battu des records de durée et cette loi de finances a été l'occasion d'une grande productivité du travail parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Enfin, je voudrais remercier tous les fonctionnaires de l'Assemblée, ainsi que la presse, qui a fidèlement rendu compte des débats.

Dans ces excellentes conditions, la commission des finances vous invite à adopter ce très bon budget de 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2008, chacun des porte-parole des groupes s'exprimera pendant cinq minutes.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. Carrez a eu raison de le souligner : jamais discussion budgétaire n'avait été aussi courte. Il y a une raison à cela : il n'y avait rien dans ce projet de loi de finances, hormis des cadeaux aux plus riches. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Tout au long de ces cinq semaines de discussion, nous vous avons alertés, madame et messieurs les ministres, sur les dégâts que vont provoquer les réductions d'effectifs et de moyens dans de nombreux services publics et administrations de l'État. Nos concitoyens vont ressentir ces dégâts dans leur vie quotidienne et dans celle de leurs enfants, en même temps qu'ils subissent les conséquences de l'envolée des prix des denrées alimentaires, des produits pétroliers, des loyers et des charges, des dépenses médicales non remboursées. Vous avez certainement été attentifs, madame et messieurs les ministres, aux propos de M. François Fillon, qui a reconnu tout à l'heure qu'un problème de pouvoir d'achat se posait. On l'a même entendu dire devant les caméras de télévision – et vous étiez là aussi, monsieur Karoutchi – qu'il souhaitait redistribuer les gros bénéfices aux salariés. Il y a de quoi faire ! On vous jugera évidemment sur votre capacité à faire ce que vous dites…

Dans ce contexte, les proclamations triomphalistes de Mme Lagarde, de M. Woerth et d'autres, au seul vu du chiffre de la croissance au troisième trimestre, relèvent tout bonnement de l'intoxication. D'ailleurs, Mme Lagarde a évoqué, tout à l'heure, le déficit public qu'il faudrait réduire, ajoutant prudemment : « si la situation le permet ». Madame Lagarde, nous serions en droit de vous demander ce que vous pouvez bien voir dans votre boule de cristal, vous qui faites toujours des prévisions extraordinaires. On sent, dans votre propos d'aujourd'hui, que la prudence commence à pointer son nez. (Sourires.)

Ces proclamations viennent après que Mme Lagarde a benoîtement conseillé aux personnes pour lesquelles le carburant est devenu trop cher de marcher à pied ou de rouler à bicyclette. Je l'ai dit : nous attendions la reine Christine et nous avons eu Marie-Antoinette. (Sourires.) La reine Christine, elle au moins, allait à cheval, pas à pied !

Les prévisions de croissance à moyen terme, notamment celles de l'Union européenne, démentent vos rodomontades. Rappelons-les : 1,9 % pour 2007, 2 % pour 2008 et 1,8 % pour 2009. Le Gouvernement s'entête à entretenir les illusions, les faux espoirs qui ont, il est vrai, nourri toute la campagne présidentielle de M. Sarkozy lorsqu'il se présentait comme le président de la hausse du pouvoir d'achat : il avait oublié de préciser qu'il parlait du sien. L'évolution du pouvoir d'achat et, plus globalement, du niveau de vie, mesurée par l'INSEE dans la dernière édition de France, portrait social, fait apparaître que, entre 2002 et 2005, notre société est devenue plus inégalitaire. Cela, madame et messieurs les ministres, c'est votre bilan. Vous êtes au pouvoir depuis 2002. Le niveau de vie moyen des 10 % de Français les plus pauvres a baissé de 0,1 % en moyenne chaque année, alors que celui des 5 % les plus riches a augmenté de 1 % par an. Comme le constate l'INSEE, « 2002-2005 tranche avec la période 1996-2002, caractérisée par une tendance à la baisse des inégalités de niveaux de vie et de la pauvreté monétaire ». Votre politique creuse les inégalités, aggrave les déséquilibres et les tensions de notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vous remercie, monsieur le président, mais je suis sûr que vous êtes attentif à la conclusion de mon propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Prononcez-la : cela m'évitera d'avoir à vous couper le micro.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Au lieu de corriger ces inégalités, la fiscalité les aggrave, et ces déséquilibres sont accentués à grands coups de cadeaux aux ménages les plus riches. Je n'aurai pas besoin de les énumérer, vous l'avez déjà fait. Vous aggravez les coupes sombres, on l'a dit, avec des suppressions de postes à l'éducation nationale, dans les tribunaux ou ailleurs.

Monsieur le président, puisque vous m'y incitez, je veux conclure en vous disant ce que nous allons voter. À propos de ce budget, Mme la ministre a parlé d'une politique économique volontaire. J'ignore ce qu'est une politique économique volontaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Si l'on parle français, on peut dire d'une politique qu'elle est « volontariste », mais sans doute un séjour prolongé aux États-Unis fait-il perdre une certaine familiarité avec notre langue.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Peut-être savez-vous ce que votre groupe va voter : je vous remercie de l'indiquer à l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je termine, monsieur le président, en disant que, en matière de finances publiques et, dans la continuité de ce que vous avez fait ces dernières années, vous aggravez encore vos dispositions. Pour ce qui nous concerne, nous nous opposerons à ce budget de non-assistance aux habitants de notre pays qui connaissent des fins de mois de plus en plus difficiles, alors que les privilégiés nagent dans l'opulence…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…et, pour le coup, madame la ministre, volontairement, du fait de votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est au regard de trois critères – redressement des finances publiques sans aggravation de la pression fiscale et sociale, conformément aux engagements pris devant le peuple français, justice sociale entre les Français en matière d'impôt et de dépenses publiques, efficacité économique des mesures proposées au regard de la croissance et de l'emploi – que le groupe Nouveau Centre porte une appréciation globalement positive sur le projet de budget (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), tout en regrettant que les propositions de notre groupe visant à réduire le déficit n'aient pas été retenues dès le budget 2008.

Tout d'abord, le groupe Nouveau Centre se félicite de trois progrès. En premier lieu, le Gouvernement a fait un incontestable effort de maîtrise des dépenses publiques en clarifiant les relations financières entre l'État et la sécurité sociale, en augmentant la productivité des administrations publiques par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur trois, en élargissant aux prélèvements sur recettes au bénéfice des collectivités locales et de l'Union européenne, la norme limitant la progression des dépenses de l'État à l'inflation et en encourageant les collectivités locales à participer à cet effort.

En deuxième lieu, le Gouvernement a défini, à juste titre, trois grandes priorités : la justice, avec un budget en hausse de 4,6 %, l'enseignement supérieur et la recherche, avec des budgets en hausse de 8,4 %. Nous avons là un budget qui favorise les dépenses d'avenir, qui s'inscrit dans une stratégie de relance de la compétitivité et qui comporte plusieurs mesures propres à encourager l'innovation – de l'allégement de la fiscalité des brevets à l'augmentation du crédit d'impôt recherche –, tout en soutenant le pouvoir d'achat et en valorisant le travail, notamment grâce à la meilleure rémunération des heures supplémentaires.

À ce titre, il est faux de prétendre, comme le fait l'opposition, que la loi TEPA profite aux plus riches. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Au contraire, ce sont, pour 75 % du coût des mesures, les ménages modestes qui bénéficieront du dispositif relatif aux heures supplémentaires et des mesures pour favoriser l'accession sociale à la propriété. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

En troisième lieu, le Gouvernement a pris en compte diverses propositions formulées par le Nouveau Centre, aussi bien sur la première que sur la seconde partie du projet de budget : adoption de notre amendement permettant d'investir dans sa propre entreprise, engagements sur la mise en oeuvre d'un dispositif de plafonnement des niches fiscales, sur la moralisation des stock-options ou en matière de fiscalité locale, revalorisation des pensions en faveur des anciens combattants.

Toutefois, le groupe Nouveau Centre regrette que ses propositions visant à réduire les déficits n'aient pas été mieux entendues.

Le Gouvernement s'est dit prêt à examiner le plafonnement des niches fiscales, mais il a repoussé notre amendement sur la réduction des exonérations de charges sociales accordées aux grandes entreprises. Sur chacun de ces deux points, un groupe d'étude sera constitué au sein de la commission des finances pour faire des propositions au Gouvernement. Ces deux groupes accueilleront des membres des différents partis, ce dont on ne peut que se réjouir.

En outre, le contexte économique international, notamment américain, doit inciter le Gouvernement à conserver précieusement la réserve de 7 milliards, car le déficit annoncé risque d'être supérieur en cas de dégradation des perspectives économiques. Ce contexte difficile fragilise les hypothèses économiques – plutôt optimistes – du Gouvernement, et par conséquence, risque d'alourdir encore un peu plus le poids de l'endettement public dans la richesse nationale.

Parce qu'une croissance plus forte et la maîtrise des déficits publics et de l'endettement public vont de pair, le Nouveau Centre souhaite alerter le Gouvernement sur l'absolue nécessité de ne pas différer l'assainissement de nos finances publiques.

En somme, la révolution culturelle que nous souhaitons, consisterait à privilégier les mesures d'économie et non celles qui augmentent la dépense publique ou la dépense fiscale. Cette révolution culturelle n'est que timidement amorcée. Seule l'accélération des réformes permettra de tenir les engagements pris devant le peuple français et le groupe Nouveau Centre est prêt à y participer.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Nous voterons donc en faveur de ce projet de budget (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) tout en appelant le Gouvernement à aller plus loin dans le redressement des finances publiques, sans lequel la croissance française demeurera insuffisante. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'annonce dès à présent le scrutin public sur le vote de l'ensemble du projet de loi de finances pour 2008.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Mes chers collègues, afin de réduire le suspens à son strict minimum, je m'empresse de préciser que le groupe de l'UMP votera pour le projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – « Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Il le votera d'autant plus volontiers que la coïncidence des calendriers fait que deux bonnes nouvelles ont été annoncées récemment. Je veux profiter de cette explication de vote pour les rappeler.

La première bonne nouvelle concerne le chiffre de la croissance du troisième trimestre. Elle est de 0,7 point. Or, chacun s'en souvient, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, des orateurs du groupe socialiste ont, à plusieurs reprises, remis en cause les prévisions de croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Ils prétendaient que non seulement nous n'atteindrions pas, au troisième trimestre, les chiffres du deuxième, mais que nous n'atteindrions pas, au quatrième, ceux du deuxième, que nous ne serions pas à 1,5 %. Je suis très heureux d'annoncer au groupe socialiste que, d'ores et déjà, leurs prévisions de croissance sont dépassées et que, très probablement, nous frôlerons les 2 % à la fin de l'année.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

C'est une excellente nouvelle pour la France et pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

La seconde bonne nouvelle vient des chiffres de créations d'emplois nets dans le secteur marchand. Elles sont de 211 000 au 30 septembre 2007. Cela signifie que, à cette date, nous avons déjà dépassé les chiffres de 2006, c'est-à-dire 188 000 créations d'emplois nets dans le secteur marchand. Il est probable que, à la fin de l'année, selon les prévisions de l'INSEE, nous allons pouvoir multiplier par 1,3 les créations d'emplois nets dans ce secteur. Là aussi, c'est une bonne nouvelle pour la France et pour les Français désireux de travailler.

Nombreux sont les orateurs de l'opposition qui ont reconnu que le chômage baissait, tout en considérant que certaines personnes sans ressources et ne retrouvant pas un emploi avaient été rayées des listes. Cela prouve une fois de plus, s'il en était besoin, que les Français échappent au chômage et reviennent à l'emploi du fait de la progression des créations d'emplois dans le secteur marchand. C'est une autre très bonne nouvelle, dont le groupe UMP se félicite.

Le climat dans lequel s'est déroulée la discussion de ce projet de budget a été remarquable et je voulais tout particulièrement souligner le travail du Gouvernement. L'ouverture dont celui-ci a fait preuve à chaque article du projet de loi a permis que les propositions, tant de la majorité que de l'opposition, puissent être débattues et que celles qui méritaient d'être retenues le soient.

Madame Christine Lagarde, le groupe UMP tient tout particulièrement à vous remercier…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Fayot !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…ainsi que votre résistance aux propos parfois déplacés de M. Brard dans l'hémicycle. Franchement, monsieur Brard, Marie-Antoinette, non ! Mais Christine Lagarde, oui ! Une femme constructive, ouverte, soucieuse de prendre les décisions pour que notre pays sorte de cet état d'émollience, de croissance molle qui ne correspond pas à l'attente des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Vous aussi, monsieur Éric Woerth, le groupe UMP tient à vous remercier pour votre esprit constructif et pour le temps que vous avez bien voulu consacrer à ce projet de budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Bien que vous soyez devenu ministre, vous n'avez pas oublié le parlementaire de la commission des finances que vous fûtes pendant tant d'années ; nous ne pouvons qu'y être sensibles.

Nous souhaitons, mais nous savons que cela sera le cas, que la collaboration qui a prévalu pour le premier projet de budget de la treizième législature se développe pour les prochains projets de budget.

Je voudrais souligner, pour conclure, que ce projet de budget est aussi l'occasion d'une véritable révolution politique. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je savais que cela plairait à l'opposition.

Souvenez-vous de l'époque où vous étiez dans la majorité, mesdames, messieurs de l'opposition : les Français se plaignaient de la hausse du coût de la vie, et vous ne faisiez rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Et lui, monsieur le président, vous ne lui demandez pas de conclure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Aujourd'hui, les Français nous demandent ce que nous faisons pour le pouvoir d'achat, et c'est 9 milliards de pouvoir d'achat en plus qui atterriront dans leurs poches en 2008 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Voilà ce que fait le Gouvernement pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà pourquoi le groupe UMP votera ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « rendre des comptes », c'était une phrase forte prononcée par un candidat qui s'appelait Nicolas Sarkozy pendant la campagne pour l'élection présidentielle. Un candidat qui, une fois élu, eut également des mots très forts, affirmant qu'il ne décevrait ni ne trahirait ceux qui lui avaient fait confiance.

Le temps n'est certes pas encore venu de dresser un bilan, mais peut-être est-ce déjà l'heure des comptes.

Le candidat Nicolas Sarkozy avait indiqué aux fonctionnaires que, dès lors qu'ils consentiraient des efforts, leurs rémunérations seraient augmentées. Or s'ils vont bien faire des efforts puisque près de 23 000 emplois sont supprimés, ils ne connaîtront pas d'augmentation de leurs rémunérations en 2008, pas plus qu'ils n'en ont connue en 2007 ou les années précédentes. En réalité, depuis 2002, leur pouvoir d'achat n'a cessé de diminuer, particulièrement pour les fonctionnaires.

Le candidat Nicolas Sarkozy avait indiqué qu'à chaque moment de leur existence, il aiderait les familles. Le problème est que l'augmentation des allocations familiales ne sera l'année prochaine que de 1,1 %, c'est-à-dire beaucoup moins que l'inflation. Cet engagement-là non plus ne sera pas tenu.

Le candidat Nicolas Sarkozy avait indiqué à nos concitoyens handicapés et à leur famille que l'allocation pour les adultes handicapés augmenterait de 25 % sur le quinquennat. C'était un engagement très fort et certains y ont cru. Or, nous le savons, l'augmentation sera, au 1er janvier, de 1 %, comme pour les allocations familiales. Ainsi, à la fin du mois de janvier, les handicapés pourront constater que l'augmentation qui leur a été accordée par votre majorité est de 6,83 euros, ce qui prouve que le ministre de la solidarité, M. Bertrand, peut être un homme précis, à défaut d'être un ministre généreux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Du reste, y a-t-il encore un ministre de la solidarité ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Pendant la campagne de l'élection présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy avait pris des engagements forts pour revaloriser les retraites, toutes les retraites, notamment les plus modestes.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

L'année prochaine, ces retraites n'augmenteront que de 1,1 %. Nous connaissons la loi comme vous ; mais l'explication donnée par ce ministre de la solidarité, comme par ceux qui le soutiennent sur ces bancs, est tout de même difficilement recevable. Comment expliquer aux retraités modestes que s'ils ne bénéficient que d'une augmentation de 1,1 %, c'est parce qu'ils ont été trop augmenté cette année ? En réalité, si la loi permet de tenir compte de l'inflation, une autre loi, que vous avez votée, aurait permis de vous délier de cet engagement. Il est d'ailleurs curieux que fin 2007, le Premier ministre François Fillon oublie la loi que le ministre Fillon a fait voter en 2003, une loi qui vous aurait permis d'augmenter les petites retraites. Vous n'avez pas voulu le faire, vous l'assumerez devant le pays, notamment devant les retraités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Le candidat Nicolas Sarkozy avait promis que le budget du ministère des sports et de la jeunesse représenterait 3 % du budget de l'État. En 2008, ce budget sera de 0,3 %, c'est-à-dire dix fois moins. Et encore, sur ces 800 millions d'euros de budget, un peu plus de 30 millions serviront à aider des sportifs de haut niveau à gérer leurs droits à l'image, autrement dit à ne payer ni impôts ni cotisations sociales. Ainsi, nous verrons des sportifs gagner plus finalement en faisant plus de publicité pour des paires de chaussures, des survêtements et, pourquoi pas, des tranches de jambon… (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Une autre promesse avait été prise de manière solennelle, il fallait mettre un frein au scandale des stock options. Nous le savons, il n'y sera pas mis fin, pas plus en 2008 que pendant tout le reste du quinquennat.

Cela fait beaucoup de promesses qui ont été faites qui ne sont pas et qui ne seront pas, à l'évidence, tenues.

Mais il est vrai que d'autres promesses ont été faites qui, elles, sont tenues, des promesses qui s'adressaient non au plus grande nombre mais à une minorité, des promesses qui lestent lourdement les finances publiques et qui compromettent toute possibilité de relance budgétaire et toute mesure en faveur des plus défavorisés, des plus fragiles et des plus démunis d'entre nos concitoyens.

C'est parce que vous avez voté ces mesures que vous êtes amenés à voter ce budget cette année, un budget qui mécaniquement vous contraindra, mes chers collègues de la majorité, à augmenter les impôts l'année prochaine, naturellement après les municipales et bien évidemment avant le mois de juin, puisque c'est à partir de juin que la France présidera l'Union européenne ; or on voit mal comment le chef de notre État pourrait valablement présider le Conseil formé par ses pairs, chefs d'État et de gouvernement, avec des finances à la dérive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

C'est parce que vous avez tenu ces promesses-là que vous ne pourrez pas tenir les autres. Faire des promesses que l'on ne peut tenir (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je vous remercie, monsieur le président, de faire preuve à mon égard de la même tolérance qu'à l'égard des autres.

Faire des promesses que l'on ne peut tenir, en bon français, cela s'appelle faire du boniment. Ce budget révèle que les promesses n'étaient que du boniment et c'est parce que ce n'était que du boniment que nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2008.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 549

Nombre de suffrages exprimés 548

Majorité absolue 275

Pour l'adoption 323

Contre 225

Le projet de loi de finances pour 2008 est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La séance est suspendue.

Explications de vote et vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Marc-Philippe Daubresse.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

L'ordre du jour appelle la discussion des projets de loi, adoptés par le Sénat, relatifs à l'accord de Cotonou entre les membres du groupe ACP et la Communauté européenne, ainsi qu'au financement des aides de la Communauté pour la période 2008-2013. (nos 354, 355, 410.)

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, le maintien d'une relation forte avec les pays en développement, et particulièrement les plus pauvres d'entre eux, constitue de longue date une priorité de l'action de la France, comme de l'Union européenne.

L'accord de partenariat entre la Communauté européenne et les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique – ACP –, signé à Cotonou le 23 juin 2000, vise, conformément aux objectifs du millénaire pour le développement, à éradiquer la pauvreté et à promouvoir l'intégration des pays ACP dans l'économie mondiale.

L'accord de Cotonou fait suite aux deux conventions de Yaoundé et aux quatre conventions de Lomé. Cet accord, entré en vigueur le 1er avril 2003 pour une durée de vingt ans, a connu sa première révision quinquennale en 2005. C'est la ratification de cette révision qui est soumise aujourd'hui à votre autorisation. Elle s'accompagne de celle de l'accord mettant en place le 10e Fonds européen de développement sur la période s'étalant de 2008 à 2013.

Le cadre, c'est l'accord de Cotonou. L'instrument, c'est le FED. L'accord de Cotonou privilégie un vrai dialogue politique entre les pays ACP et l'Union européenne sur la bonne gestion des affaires publiques ; la prévention et la résolution des conflits ; la prise en compte des enjeux des migrations, les pays ACP s'engageant à négocier des accords de réadmission des migrants illégaux conformément à la politique définie par l'Union européenne au Conseil européen de Tampere.

Ces exigences complètent celles de Lomé relatives aux droits de l'homme, à l'État de droit et aux principes démocratiques. Ce dialogue s'exerce aujourd'hui avec les acteurs de la société civile, les entreprises, les collectivités locales. Il est donc en grande partie décentralisé, conformément à ce que nous souhaitions.

La révision proposée, intervenue le 25 juin 2005 à Luxembourg, approfondit encore cette perspective : de nouvelles clauses politiques relatives à la promotion de la paix ont été introduites à la demande de l'Union européenne. Elles portent sur la promotion de la justice internationale ; la lutte contre le terrorisme ; la lutte contre les armes de destruction massive : les États parties s'engagent à participer à la lutte contre la prolifération dans le cadre des obligations internationales.

La procédure de l'article 96 de l'accord, qui est une clause de non-exécution en cas de violation des principes essentiels de l'accord, a été aménagée pour faire en sorte que les deux parties « épuisent toutes les possibilités de dialogue » prévu par l'article 8 de l'accord, en cas de violation des obligations.

Pour que les accords trouvent leur pleine application, il faut un budget. Or, à la date de la signature de l'accord, le Conseil de l'Union européenne n'avait pas encore tranché entre un financement par le budget communautaire ou la poursuite d'un financement hors budget par le FED.

D'où l'importance de l'accord intervenu ultérieurement entre les États membres de l'Union pour instituer le 10e FED. Celui-ci apporte un nouvel élan à la politique de développement de l'Union européenne.

Le Fonds européen de développement constitue, depuis l'accord conclu à Bruxelles le 17 juillet 2006, le cadre pluriannuel de coopération au développement de l'Union européenne.

Sur la période 2008-2013, le FED demeure un fonds spécifique financé sur la base des contributions des États membres.

Le montant du 10e FED s'élève à 22,682 milliards d'euros. Par rapport au neuvième, qui s'étalait de 2002 à 2007 et dont le montant était de 13,5 milliards d'euros, cette somme tient compte non seulement de l'allongement de la durée d'application de cinq à six ans, ainsi que des taux de croissance et d'inflation, mais aussi et surtout de l'élargissement de l'Union européenne.

C'est un montant très significatif, car l'accord a été conclu avec des États membres qui ont des relations moins denses que nous avec les pays ACP.

Avec la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, la France a obtenu le maintien du financement par le FED des pays et territoires d'outre-mer. Ainsi, la part relative des crédits du FED destinés à ces pays et territoires a pu être préservée. Elle s'élève à 286 millions d'euros sur la période 2008-2013.

Dans le cadre du compromis final sur les perspectives financières de l'Union européenne – 2007-2013 –, le Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 a fixé la clef de contribution entre les États membres et la France devient le deuxième État membre contributeur au 10e FED, après l'Allemagne. La contribution de la France au 10e FED s'élèvera à 4,4 milliards d'euros, soit une contribution annuelle moyenne de 739 millions d'euros, c'est-à-dire un peu plus de 20 % du total des contributions.

Dans cet esprit, je veux souligner que l'accord trouvé permet une gestion plus efficace du FED. Dans le cadre du dialogue avec les ACP, l'aide au budget est désormais privilégiée par rapport à l'aide au projet. Pourquoi ? Parce que le soutien budgétaire offre aux pays bénéficiaires une meilleure prévisibilité des ressources dont ils pourront disposer et instaure entre celui qui finance et le bénéficiaire un échange élargi sur la gouvernance, la gestion des finances publiques et, surtout, l'atteinte des objectifs de réduction de la pauvreté. Le fait qu'une aide budgétaire se soit substituée à l'aide au projet constitue une modernisation de la gestion du Fonds européen de développement.

Le 10e FED prévoit des incitations financières pour les pays qui réduiront le plus la pauvreté. Compte tenu de l'importance que cet accord revêt pour nombre de pays en développement, notamment ceux liés à la France, il importe que cet accord puisse entrer en vigueur sans délai.

Pour conclure, je voudrais vous dire que, dans la négociation de l'accord de Cotonou révisé et du 10e FED, la France a joué son rôle afin non seulement d'assurer la continuité de l'engagement européen en faveur des pays ACP, mais aussi de promouvoir les adaptations nécessaires à la mise en place d'un véritable partenariat avec ces pays.

Aujourd'hui plus que jamais, la politique européenne en faveur des pays ACP constitue l'élément clé de notre politique de développement, de la vision que porte l'Europe sur la scène internationale, de sa contribution à la stabilité mondiale. D'ailleurs, le prochain sommet Union européenne-Afrique, qui aura lieu à Lisbonne les 8 et 9 décembre prochains, devrait consacrer l'importance de ce cadre de coopération et le rôle du Fonds européen de développement. Telles sont les raisons pour lesquelles, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir autoriser la ratification de l'accord de Cotonou révisé et de l'accord interne instituant le 10e Fonds européen de développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme vous le savez, les relations entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, les pays ACP, sont anciennes et étroites. Depuis les deux premières conventions de Yaoundé, puis les quatre conventions de Lomé, ces relations s'inscrivent dans le cadre d'un partenariat global qui met l'accent à la fois sur l'aide au développement et la coopération économique et commerciale.

L'accord de Cotonou a pris la relève de ces conventions en 2000, date à laquelle il a été signé pour une durée de vingt ans. Cet accord contient une clause de révision quinquennale dont la mise en oeuvre a conduit à l'adoption, le 25 juin 2005, de l'accord modifié qui nous est soumis aujourd'hui.

L'accord de Cotonou a pour finalité de « promouvoir et d'accélérer le développement économique, culturel et social des États ACP, de contribuer à la paix et à la sécurité et de promouvoir un environnement politique stable et démocratique ».

Dans cette perspective, il repose sur trois grands volets : le dialogue politique, des préférences commerciales et un programme d'aide publique au développement.

La dimension politique de l'accord est incontestablement renforcée par la première révision quinquennale de 2005. Celle-ci prévoit en effet un rôle accru des acteurs locaux. L'objectif est d'éviter une concentration par les autorités publiques de la mise en oeuvre des projets financés dans le cadre de l'accord, et de renforcer, dans le même temps, les capacités de la société civile. Par ailleurs, l'accord révisé contient désormais une référence à la Cour pénale internationale, qui permet d'affirmer le refus commun aux États parties de toute impunité des crimes contre l'humanité. L'accord modifié comporte également deux dispositions : l'une, confirmant l'engagement des partenaires dans la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme ; l'autre, relative à la prévention des activités des mercenaires. Enfin, la révision de 2005 a permis d'élargir l'accord de Cotonou aux questions de sécurité, en introduisant une référence à la coopération en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.

En matière d'aide au développement, la première révision quinquennale a apporté une série de modifications aux stratégies sectorielles de développement en accentuant notamment la référence aux OMD, les objectifs du millénaire pour le développement. Je note également avec satisfaction qu'une référence spécifique à la lutte contre les maladies liées à la pauvreté, à la protection de la santé sexuelle et reproductive, ainsi qu'à la promotion des droits des femmes dans les secteurs sociaux, a été introduite dans l'accord. Il me paraît essentiel que cette dimension se traduise par des retombées concrètes dans la politique européenne de coopération. J'aurai l'occasion d'y revenir. L'accord révisé que nous examinons vise par ailleurs à promouvoir une plus grande flexibilité de l'aide. C'est ainsi que les conditions de mise en oeuvre de la facilité d'investissement, gérée par la BEI, la Banque européenne d'investissement, ont été assouplies. Dans le cas des pays concernés par l'initiative en faveur des PPTE, les pays pauvres très endettés, la BEI doit désormais proposer des taux permettant de limiter les risques d'un nouveau surendettement. Enfin, la révision de 2005 a conduit à un assouplissement des procédures d'éligibilité aux ressources du Fonds européen de développement en faveur des parlements nationaux, des acteurs non étatiques, des collectivités locales et des États non-membres du groupe d'États ACP, lorsqu'une initiative commune est envisagée.

Le troisième volet de l'accord de Cotonou, qui n'est pas concerné par la révision de 2005, fait l'objet de négociations difficiles, dont les échéances sont imminentes. Il s'agit du volet commercial du partenariat entre l'Union européenne et les pays ACP. Je rappelle que l'accord de Cotonou a mis fin au régime des préférences commerciales non réciproques et prévoit la mise en place, à partir du 1er janvier 2008, d'accords de partenariat économique. À l'heure actuelle, les négociations ont pris beaucoup de retard, alors que la dérogation dont bénéficie le régime des préférences commerciales en faveur des pays ACP expire à la fin de l'année. Je souligne simplement qu'il me paraît important que ces négociations privilégient, comme notre pays l'a recommandé en début d'année, une ouverture des marchés la plus asymétrique possible, ainsi qu'une période de transition bien supérieure au droit commun. J'ajoute que des mesures d'accompagnement substantielles sont absolument nécessaires dans l'intérêt des pays ACP.

J'en viens maintenant au deuxième texte qui nous est soumis : l'accord interne entre les États membres de l'Union européenne, qui institue le dixième fonds européen de développement. Le FED est le principal instrument financier de la coopération européenne avec les pays ACP, ainsi qu'avec les pays et territoires d'outre-mer. Il s'agit d'un instrument tout à fait original dans le dispositif communautaire pour trois motifs principaux.

En premier lieu, il relève d'une logique intergouvernementale. Il est en effet alimenté par des contributions volontaires des États membres, négociées tous les cinq ans, dans le cadre d'accords intergouvernementaux. Il n'est donc pas intégré dans le budget de l'Union européenne et échappe, de ce fait, au contrôle du Parlement européen. Depuis de nombreuses années, notre pays est favorable à sa budgétisation, mais cette option ne pourra être évoquée à nouveau que lors de la négociation des prochaines perspectives financières de l'Union pour 2014-2020.

En second lieu, le FED mobilise des ressources financières importantes. L'enveloppe du neuvième FED s'est en effet élevée à 13,8 milliards d'euros, tandis que celle du dixième devrait atteindre 22,6 milliards d'euros. Ce montant prend en compte l'allongement de cinq à six ans de période de référence, ainsi que de la croissance, de l'inflation, et de l'élargissement de l'Union européenne. Il s'agit de montants significatifs : ramenée à notre effort d'aide publique au développement, la part de la contribution française au FED a représenté près de 8 % de notre aide totale en 2005 et 2006.

Enfin, le FED obéit à des mécanismes partenariaux inscrits dans l'accord de Cotonou, dont il ne constitue qu'un des volets.

Comme vous le savez, la gestion du FED a fait l'objet de vives critiques en raison de sa complexité et, surtout, du faible rythme de ses décaissements. Depuis 2000 et la réforme du dispositif de l'aide communautaire, le rythme de ses paiements s'est amélioré pour trois raisons principales : la déconcentration des compétences vers les délégations de la Commission européenne sur le terrain ; un recours accru à l'aide budgétaire, l'objectif de la Commission étant de parvenir à 50 % de l'aide sous cette forme ; enfin, l'obligation d'engager tout le budget du neuvième FED avant le 31 décembre 2007 – il s'agit de la clause dite « de couperet ».

Grâce à ces efforts, la Commission est parvenue à réduire progressivement la durée moyenne d'exécution des opérations financées. Les décaissements ont ainsi progressé, passant de 1,8 milliard d'euros à 2,8 milliards d'euros par an entre 2001 et 2006. Cette amélioration a naturellement un fort impact sur la contribution française, dont la hausse modifie sensiblement la structure de notre aide. Notre contribution au FED est passée d'environ 300 millions d'euros dans les années quatre-vingt-dix à 654 millions d'euros en 2006.

L'accord interne que nous examinons fixe le montant du dixième FED, ainsi que des contributions financières des États membres, sur la période de sa mise en oeuvre. Dans le cadre de cette nouvelle programmation, la contribution de la France s'élèvera à 4,43 milliards d'euros, soit une contribution moyenne annuelle de 739 millions d'euros. Si la France est parvenue à diminuer significativement – de 24,3 % à 19,55 % – son taux de contribution par rapport au neuvième FED, elle reste le premier État membre surcontributeur par rapport à sa clé de financement au budget général. À cet égard, permettez-moi de souligner que les appels à contribution portent, pour l'instant, sur l'enveloppe du neuvième FED, qui ne sera épuisée qu'à la moitié de 2011. La clé de contribution en vigueur restera donc de 24,3 % jusqu'à cette date ; l'enveloppe du dixième FED prendra ensuite le relais. Cette progression des appels à contribution au FED constitue un véritable défi budgétaire.

Cependant, monsieur le secrétaire d'État, j'appelle votre attention sur la nécessité qu'elle ne se fasse pas au détriment de nos autres engagements en faveur du développement, en particulier des moyens de notre aide bilatérale. Il me paraît également important de veiller à une meilleure complémentarité de l'action de la Commission européenne et de la coopération française. Enfin, il me semble que les moyens du FED pourraient être davantage concentrés sur des actions visant à promouvoir la santé, en particulier celle des femmes et des enfants, ainsi que sur l'éducation de base. Sur ces trois aspects, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les orientations privilégiées par le Gouvernement ?

Cela étant, je vous invite, mes chers collègues, à la suite de la commission des affaires étrangères, à voter ces deux projets de loi, qui contribuent à approfondir la coopération européenne en faveur des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, mes chers collègues, les deux textes qui nous sont soumis constituent des actes essentiels, affirmant la solidarité de l'Europe à l'égard des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ainsi que la permanence de notre engagement en faveur d'un partenariat global, équilibré et durable.

Comme l'a indiqué Mme Henriette Martinez, l'accord révisé de Cotonou contribue à approfondir le dialogue politique entre les pays parties, tandis que l'accord interne entre les États membres de l'Union européenne fixe l'enveloppe du dixième FED à plus de 22 milliards d'euros sur la période 2008-2013.

Ces deux textes appellent de ma part trois commentaires.

En premier lieu, je souhaiterais évoquer la part de l'aide publique au développement de notre pays qui transite par l'Europe, et plus largement par les institutions multilatérales oeuvrant en faveur du développement. Comme cela a été rappelé, la part de notre contribution au Fonds européen de développement représente environ 8 % de notre aide publique globale.

Mais notre contribution à l'aide européenne au développement ne se limite pas au FED qui, comme vous le savez, ne concerne que les États ACP. La France participe en effet au financement de l'ensemble des actions de coopération menées par l'Union européenne dans le monde. Au total, c'est donc près de 18 % de l'aide française, soit 1,5 milliard d'euros, qui empruntent le canal communautaire. Il s'agit, comme vous pouvez le constater, de montants significatifs, auxquels il convient d'ajouter les contributions de notre pays à d'autres instances multilatérales : le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et, naturellement, les agences spécialisées des Nations unies. Je sais qu'un effort important a été consenti afin d'enrayer la baisse des contributions françaises au système des Nations unies, mais leur niveau reste globalement faible – environ 90 millions d'euros – comparé à celui de certains pays nordiques, du Royaume-Uni ou de l'Espagne. Or, le niveau de cette contribution représente un indicateur important de la capacité de la France à intervenir dans le débat mondial sur le développement. C'est pourquoi je renouvelle le souhait – que j'ai déjà exprimé à plusieurs reprises – que notre effort envers les agences spécialisées des Nations unies soit significativement accru.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Plus globalement, je considère que notre participation au financement des instruments multilatéraux est essentielle, car elle permet à la France de tenir ses engagements tout en préservant sa capacité d'influence dans les différentes enceintes internationales.

Toutefois, et ce sera mon deuxième commentaire, la part croissante de l'aide multilatérale dans notre effort d'APD – environ 25 % au total – nécessite une vigilance accrue sur l'utilisation des fonds qui sont alloués. Notre rapporteure l'a rappelé, la Commission européenne recourt de manière croissante à l'aide budgétaire globale et entend, dans le cadre du dixième FED, allouer 50 % de l'aide aux pays ACP sous cette forme. Cet instrument a permis à la Commission d'augmenter ses décaissements de manière spectaculaire et de répondre ainsi à ses détracteurs qui lui reprochaient de « dormir sur un tas d'or ». De fait, l'aide budgétaire globale respecte les priorités nationales de développement du pays bénéficiaire, pour un coût de gestion moindre. En revanche, certains regrettent que cette forme d'aide soit trop peu visible, contrairement à la mise en oeuvre de projets, qui permet d'afficher l'origine des fonds utilisés. Pour ma part, je considère que l'aide budgétaire globale représente un outil responsabilisant et moderne, qui répond aux objectifs d'appropriation et de bonne gouvernance, à condition d'être entourée des contrôles adéquats.

En ce qui concerne plus particulièrement les deux projets de loi que nous examinons aujourd'hui, je sais que la notion de « bonne gestion des affaires publiques » est inscrite dans l'accord de Cotonou, dont l'article 97 prévoit que les « cas graves de corruption » peuvent conduire à une suspension de l'aide. J'aimerais cependant que vous nous précisiez, monsieur le secrétaire d'État, les modalités concrètes de mise en oeuvre de cette procédure, ainsi que les cas dans lesquels elle a pu être utilisée.

J'ajoute que l'accord de Cotonou prévoit également, dans son article 96, une procédure de suspension de l'aide en cas de violation des droits de l'homme et des principes démocratiques. Par le passé, les États parties à l'accord ont eu recours à cette procédure dans une dizaine de cas et il semblerait, qu'à ce jour, seul le Zimbabwe reste sous le coup de sanctions européennes.

Sauf erreur de ma part, l'accord révisé de Cotonou prévoit de multiplier les consultations et d' « épuiser toutes les possibilités de dialogue » avant de recourir à des mesures appropriées, notamment à une suspension de l'aide. Là encore, monsieur le secrétaire d'État, il me paraît souhaitable de préciser les conditions de mise en oeuvre de cette procédure ainsi que l'usage qui pourra en être fait à l'avenir, compte tenu des modifications apportées par l'accord révisé.

Toujours en lien avec cette logique du résultat, la Commission européenne réfléchit également, me semble-t-il, à l'idée de contractualiser certains objectifs du Millénaire pour le développement afin d'articuler la prévisibilité de l'aide à la réalisation de ces objectifs. Le système envisagé serait ainsi proche de celui de l'aide budgétaire, moyennant un affinement des critères. Savez-vous, monsieur le secrétaire d'État, où en est la réflexion de la Commission à ce sujet ?

Enfin, je souhaiterais prolonger la question de Mme Henriette Martinez sur la complémentarité de l'action de la Commission européenne avec celle de la coopération française. L'Union européenne – c'est-à-dire la Commission européenne et les États membres – est le premier bailleur de fonds des pays en développement, avec près de 56,6 % du total mondial de l'aide publique au développement. Au sein de cette enveloppe, l'aide communautaire représente une part croissante de l'effort de l'Union européenne, passant de 6,5 milliards d'euros en 2002 à 9,8 milliards d'euros en 2006. Cette place prépondérante appelle une coordination d'autant plus étroite entre la Commission et les États membres, à l'échelle mondiale.

En ce qui concerne la définition des politiques de développement, le Consensus européen pour le développement de 2005 réaffirme le principe de complémentarité tandis que la programmation et la mise en oeuvre de l'aide ont fait l'objet d'un code de conduite sur la complémentarité et la division du travail, adopté par le Conseil européen le 15 mai dernier. Ces efforts me paraissent aller dans le bon sens.

La présidence française de l'Union européenne coïncidera avec deux rendez-vous internationaux majeurs, l'un, à Accra, en septembre 2008, visant à établir un premier bilan de la déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide, l'autre, à Doha, fin 2008, sur le financement du développement. Le Parlement ne peut naturellement rester à l'écart de ces réflexions. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que le groupe de suivi sur la présidence française, qui a été institué au sein de la commission des Affaires étrangères, puisse être régulièrement informé de l'état d'avancement de ces réflexions ainsi que des premiers résultats des efforts engagés visant à assurer une meilleure coordination.

Je ne doute pas que vous aurez à coeur d'associer notre assemblée au suivi de ces travaux afin que nous puissions disposer d'une vue d'ensemble portant sur l'effort de notre pays en faveur de l'aide publique au développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est connu sous un acronyme que ne révèle pas l'intitulé du projet de loi : APE – accords de partenariat européen, EPA en anglais –, lequel cristallise le mécontentement des peuples et des États de toute l'Afrique, d'une partie de l'Asie et des DOM-TOM situés tant dans l'océan Indien que dans les Caraïbes, du fait qu'il désigne les zones de libre-échange que l'Europe cherche actuellement à établir. Je n'ignore pas qu'il s'agit là d'un raccourci, mais il faut dire les choses telles qu'elles sont. Depuis le milieu des années soixante-dix, les pays ACP jouissent d'un accès préférentiel au marché européen, qui a été jugé non compatible avec les règles de l'OMC : aussi a-t-il été remis en cause par l'Accord de Cotonou, signé en juin 2000 entre les pays ACP et l'Union européenne, lequel prévoit la fin de ce traitement préférentiel au 31 décembre 2007 et son remplacement à partir du 1er janvier 2008 par des accords de partenariat économique – APE – non obligatoires. Conclus entre l'Union européenne d'une part, et chacune des six régions ACP d'autre part, les APE comportent trois volets : intégration régionale des ACP, zone de libre-échange Union européenne-ACP et aide au développement. Il s'agit en effet de mettre en oeuvre une zone de libre-échange asymétrique – avec une ouverture totale du côté de l'Union européenne et un peu moindre du côté ACP – entre l'Union européenne et des marchés communs ACP. Le ou les pays ACP qui ne voudraient pas conclure un APE tomberaient alors sous le régime commercial général de l'Union européenne prévu pour les pays en développement : accès libre pour les pays les moins avancés dans le cadre de l'initiative « Tout sauf les armes » et système de préférences généralisées pour les autres, qui est moins intéressant que le régime ACP actuel.

De fait, l'Union européenne cherche à imposer un processus qui entretiendra la misère et la pauvreté dans de nombreux pays que nous prétendons aider dans le cadre du Millénaire pour le développement. Après le démantèlement des États et des services publics par les politiques dites d'ajustement structurel et après le service de la dette, nous entrons dans un nouveau tunnel qui marginalisera des millions de paysans par le biais d'une baisse massive du prix de leurs produits. Les zones de libre-échange que l'Europe souhaite mettre en place après le 31 décembre 2007 sont contestées non seulement par les organisations paysannes ou par les organisations syndicales, mais également par les chefs d'État africains eux-mêmes. Il est à cet égard symptomatique que le plus libéral d'entre eux, le président Wade, du Sénégal, ait dénoncé la semaine dernière dans le journal Le Monde ces accords qui mettent en danger le fragile équilibre économique de son pays. Ces dispositifs qui se situent dans la suite des accords de Cotonou, dont on nous propose aujourd'hui de ratifier la révision, sont une réponse aux exigences de l'Organisation mondiale du commerce. Visant à créer des marchés intégrés régionaux et à libéraliser progressivement les échanges commerciaux à partir de 2008, ils prévoient, à cet effet, l'ouverture du marché européen, sans quotas ni droits de douane, aux produits exportés par les pays ACP ainsi que l'entrée des exportations européennes dans les pays ACP en franchise de droits de douane après une période transitoire. Si l'échec des accords de Cotonou, comme ceux des accords de Yaoundé et de Lomé qui les ont précédés, est largement reconnu, il est incontestable que la formule des APE, appelée à les remplacer, suscite l'inquiétude dans nombre de pays ACP, quand elle ne soulève pas des protestations. Notre assemblée s'est d'ailleurs déjà prononcée sur cette question : en juillet 2006, la délégation parlementaire pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité le rapport de notre ancien collègue Jean-Claude Lefort, lequel a critiqué les positions du commissaire européen au commerce, Peter Mandelson, en ces termes : « irréalisme, prépondérance du commerce et, donc, danger ».

Selon ce rapport, « vouloir instaurer des zones de libre-échange entre l'Union européenne et les pays ACP relève d'une vision qui évacue tout simplement le fait, pourtant majeur, qu'aucun de ces pays ne peut supporter pareil défi qui peut se résumer ainsi : faire monter sur le même ring un poids plume et un poids lourd ».

Le rapporteur notait également que les vingt-cinq pays de l'Union européenne disposent d'un PIB par habitant de 22 600 euros alors que le PIB par habitant pour les pays ACP n'est, en moyenne, que de 424 euros.

Dans ses conclusions, la délégation a indiqué qu'elle « est gravement préoccupée par le fait que la mise en oeuvre du libre-échange, malgré les précautions actuellement envisagées par la Commission européenne, entraînera un choc fiscal, agricole, industriel et sur la balance des paiements d'une telle ampleur pour nos partenaires, qu'il pourrait compromettre la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, alors que l'Afrique subsaharienne souffre, dans ce domaine, de retards si inquiétants qu'ils constituent une menace pour la paix et la stabilité internationales. » Par ailleurs elle a estimé que « si les négociations se poursuivent dans la même voie, l'Union européenne commettrait une erreur stratégique, politique, économique et sociale à l'égard des pays ACP, qui se paiera par l'effritement d'une relation indispensable à la construction d'un monde plus sûr et plus juste et au rayonnement ainsi qu'au poids de l'influence européenne ».

Depuis ce rapport, que noter, sinon l'amplification du mécontentement des peuples africains et, cela est plus nouveau, de leurs dirigeants, ainsi que l'accentuation des pressions de la Commission européenne en vue de les faire céder sur la date de ratification au 31 décembre 2007 ? L'Union européenne ne cesse d'insister pour que les APE soient fondés sur une interprétation stricte des règles de l'OMC visant à supprimer toutes les entraves pour plus de 90 % des échanges commerciaux entre l'Union européenne et l'ACP, et ce avec les délais de transition les plus brefs possible. L'Union européenne exige en outre des négociations sur l'investissement, la concurrence, la facilitation du commerce, les marchés publics, la protection des données et les services. Pour les quatre premiers de ces domaines, les pays ACP, prévoyant des conséquences négatives sur le développement, ont refusé de négocier à l'OMC. Sous prétexte d'un « partenariat pour le développement », l'Union européenne réintroduit, au travers des APE, le programme libre-échangiste de l'OMC. En dépit d'une forte réticence des pays ACP, la Commission européenne exerce de lourdes pressions économiques et politiques sur eux afin qu'ils se précipitent, sans préparation adéquate, dans des négociations de libre-échange sur les APE. Les voix qui se sont fait entendre en Europe et dans les pays ACP, visant à inciter la Commission européenne à chercher d'autres options, ont tout simplement été ignorées. En raison de leur dépendance, les gouvernements ACP n'ont eu d'autre choix que de céder devant les exigences de l'Union européenne visant à ouvrir leurs marchés aux produits et aux services européens.

À l'instar du président Wade, je tiens moi aussi à dénoncer la fragmentation régionale en zoning : les APE vont mettre en danger le fragile processus d'intégration régionale et exposeront les producteurs des pays ACP à la concurrence déloyale de l'Europe sur les marchés internes et régionaux. L'unité du groupe ACP est, en d'autres termes, un des enjeux du dossier des APE. C'est un enjeu parce que, du côté du groupe ACP, à de multiples reprises, les APE ont été perçus, à juste titre, comme une menace pour cette unité. Les accords de partenariat économique que l'Europe veut conclure ont en effet ceci de particulier qu'ils fragmentent géographiquement le groupe des pays ACP en six zones – une pour le Pacifique, une pour les Caraïbes et quatre pour l'Afrique – aboutissant à six APE différents – c'est la raison pour laquelle ils portent également le nom d'accords de partenariat économique régionaux. Pour les deux blocs de pays, l'Europe et le groupe ACP, cela fait une sacrée différence ! L'Europe signera, pour chacun des six APE, au nom de l'Europe tout entière, ce qui ne sera pas le cas pour le groupe ACP, puisqu'il sera découpé en six zones : ce sont donc celles-ci qui, l'une après l'autre, signeront un accord de partenariat économique avec l'Europe. On comprend que le groupe ACP soit loin d'être satisfait d'une telle situation. On imagine du reste sans peine qu'il en aurait été de même de l'Europe si le groupe ACP avait cherché à subdiviser les vingt-cinq pays de l'Union en une demi-douzaine de zones afin de conclure avec ces derniers une série d'APE. L'Europe n'aurait pas accepté d'être ainsi court-circuitée, mais l'Afrique, qui est coupée en quatre, n'a pas le choix !

Ce qui est certain, c'est qu'une telle fragmentation a des conséquences sur la façon d'aborder le dossier des APE. Pour l'Europe, c'est relativement facile : comme elle négocie seule, elle peut concentrer le travail entre les mains de Peter Mandelson, commissaire européen au commerce. Ayant une vue d'ensemble sur tous les APE, il a un rôle de chef d'orchestre. Pour le groupe ACP, c'est l'inverse. N'étant pas invité à la table des négociations et ne coordonnant rien, il n'est pas en mesure de veiller à l'intérêt général du Groupe. Il se voit donc contraint d'avancer en ordre dispersé dans une stratégie du chacun pour soi. Or cette petite inégalité a de grandes conséquences : l'asymétrie des relations économiques en est accentuée. Pour les pays ACP, des APE fondés sur des accords commerciaux réciproques n'ont aucun sens sur le plan économique ou sur celui du développement. Ils présentent même de graves dangers puisque ces « partenariats économiques » reposent sur une différence de taille : contrairement à l'Afrique, l'Europe n'a pas besoin de se développer puisqu'elle l'est déjà, alors que pour les pays ACP, l'enjeu des APE, loin d'être commercial, consiste dans le développement économique, social et humain, voire dans la survie de centaines de millions de personnes.

C'est la raison pour laquelle je souhaite rappeler les raisons qui président au refus de ces accords.

Premièrement, la libéralisation commerciale que les APE introduiront risque de compromettre durablement le développement des pays ACP. Tous les pays aujourd'hui développés ne se sont-ils pas auparavant protégés ? Le risque, à moyen terme, de l'absence de politiques protectionnistes réside dans une désindustrialisation des pays ACP entraînant une régression économique et sociale. Deuxièmement, les APE ne seront d'aucune aide aux pays ACP pour sortir de leur dépendance en produits de base – un piège de la pauvreté qui profite à l'Europe. Rappelons que 29 % des exportations des pays ACP vers l'Europe sont des produits agricoles de base et que 61 % du total des exportations sont constitués par huit produits seulement : le pétrole, 28 %, les diamants, 9 %, le cacao, 8 %, les poissons, 6 %, le bois, 4 %, le sucre, 3 %, l'aluminium, 2 %, et le tabac, 2 %.

Troisièmement, les APE vont diminuer la capacité des pays producteurs ACP de concurrencer les importations européennes. Contrairement au discours sur le développement tenu par l'Union européenne, le gain pour les pays ACP, en termes d'ouverture du marché européen, sera très faible. En effet, ils ont aujourd'hui un très large accès au marché européen. Certes, le développement des exportations, s'il ne constitue pas l'unique voie vers le développement, contribue cependant à soutenir le développement économique de ces pays, et il est donc essentiel qu'ils puissent en tirer plus de profit.

Cependant, nous tenons à rappeler que ce n'est pas parce que les produits des pays ACP entreront sans droits de douane au sein de l'Union européenne que leurs exportations seront forcément stimulées. En effet, alors que l'accès de l'Union européenne est déjà ouvert à de nombreux pays, les acteurs économiques des États ACP ne sont pas toujours en mesure de produire des biens pouvant être commercialisés sur un marché européen aux exigences de qualité très élevées. Les normes européennes de qualité sanitaires et phytosanitaires, publiques et surtout privées, évincent les petites et moyennes entreprises des pays ACP.

Quatrièmement, les APE vont, par la suppression des « entraves » douanières et des recettes fiscales que celles-ci rapportent aux États, rendre ces derniers impuissants à accomplir leurs missions de service public, notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé. Il faut ici souligner que les pays ACP sont, au contraire de l'Europe, extrêmement dépendants de ces recettes : dans son rapport de 2003 sur l'économie de l'Afrique, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement note que « pendant la période 1991-2001, les droits à l'importation représentaient 34 % et 22 % des recettes publiques respectivement dans les pays les moins avancés et dans les autres pays d'Afrique ». Dans un rapport de mai 2004, l'Organisation mondiale du commerce note, quant à elle, que « le tarif douanier est aujourd'hui le principal instrument de la politique commerciale du Mali ». Le rapport ajoute : « Au total, 46,3 % des recettes budgétaires – hors dons – étaient levées à la douane en 2002. »

On pourrait pourtant envisager des solutions alternatives à ces accords inégaux si l'on prenait le temps et si l'on se donnait les moyens d'une négociation. Ces solutions passeraient par une coopération économique et commerciale axée sur le renforcement des capacités des pays ACP – notamment des capacités de production –, sur l'appui aux processus d'intégration régionale et, de manière plus générale, sur la consolidation de leurs marchés intérieurs. Une liste non exhaustive des produits pour lesquels on prévoirait des engagements de libéralisation des marchés serait élaborée par la suite.

Reste que cette nouvelle coopération exigerait un moratoire de cinq ans au moins, avant que l'on amorce les réductions des droits de douane et taxes assimilées et que l'on mette en place un processus d'évaluation assurant que la période de transition ne s'achèvera qu'après que leurs économies auront atteint un certain niveau de développement. Or la date butoir du 31 décembre 2007 ne le permet en aucune manière.

J'attire l'attention de l'Assemblée sur la situation des DOM-TOM. Huguette Bello m'a en effet prié de rappeler une fois de plus au Gouvernement la situation pour le moins particulière de ces départements dans le cadre de ces accords et de rappeler l'inquiétude grandissante qu'ils suscitent. À vrai dire, les départements d'outre-mer sont les régions de l'Union européenne les plus concernées par ces accords. Ils le sont à double titre : en tant que régions européennes et parce qu'ils sont situés à proximité géographique des pays ACP. Je prendrai le seul exemple de la Réunion. Seule région européenne de l'hémisphère sud, l'île de la Réunion est même concernée par deux des six APE : le groupe ESA pour l'Afrique orientale et australe, la SADC pour l'Afrique australe. Ce deuxième groupe comprend notamment l'Afrique du Sud, incontestable puissance régionale.

C'est dans un tel environnement que l'application mécanique des APE se traduirait par l'ouverture totale et sans réciprocité, sans quotas ni droits de douane, du marché réunionnais aux productions des pays voisins, forcément moins onéreuses du fait d'une législation sociale moins avancée ou du fait d'économies d'échelle. Ainsi, à l'exception d'un nombre limité de produits, comme le sucre, pour lesquels une période de transition de quelques années est prévue, toutes les productions locales, en particulier les denrées tropicales, seront confrontées à une concurrence exacerbée et inégale. Ce scénario remettrait aussi en cause un dispositif fiscal, l'octroi de mer, destiné à protéger l'économie locale. Cette libéralisation du commerce risque d'être fatale à des pans entiers de l'économie réunionnaise, de susciter des délocalisations en série, d'entraîner les répercussions que l'on devine sur l'emploi et sur la cohésion sociale.

L'ampleur de la menace a conduit l'ensemble des structures professionnelles et des responsables politiques réunionnais et, de façon plus inattendue, l'évêque de la Réunion, à plaider, depuis plusieurs mois, pour la nécessaire prise en compte, dans ces accords, des intérêts spécifiques de la Réunion en tant que région ultrapériphérique. Se référant à l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui permet de déroger au droit communautaire, ils demandent unanimement l'insertion d'une clause en ce sens, qui permettrait d'envisager un traitement différencié pour les régions d'outre-mer. Cette demande n'a pas été entendue jusqu'ici par la Commission européenne à laquelle la France a donné un mandat pour conduire les négociations.

Pourtant, le Parlement européen, dans une résolution votée en mai dernier sur cette question, s'est déclaré favorable à la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques dans les discussions des APE.

Plus récemment, un groupe d'États ACP a été à l'origine d'une initiative qui va dans le même sens. En effet, des îles de l'océan Indien – Maurice, Madagascar, les Comores et les Seychelles –, regroupées au sein de la Commission de l'Océan indien, la COI, ont convié la Réunion à une discussion sur la nécessité de signer un APE spécifique entre la COI et l'Union européenne au cas où aucun accord ne serait conclu, d'ici au 31 décembre 2007, entre cette dernière et le groupe d'États de l'Afrique orientale et australe.

L'hypothèse de ce nouvel accord marque une étape importante dans la mesure où il reconnaîtrait la situation particulière de la Réunion. Dans leur déclaration finale, les ministres de la COI ont en effet rendu publique leur décision « de s'assurer que tout APE prendra en considération les spécificités des îles de l'océan Indien, ainsi que leurs besoins en développement durable » et « de développer une coopération renforcée avec la Réunion, région ultrapériphérique de l'Union européenne ». Ainsi, le Parlement européen, élu par les peuples, d'une part, et des pays ACP voisins, d'autre part, reconnaissent à la Réunion des spécificités que la Commission européenne refuse toujours de considérer. Ce n'est pas là la meilleure manière de rapprocher l'Europe des citoyens.

Il y a quinze jours au Sénat, vous avez affirmé, monsieur le secrétaire d'État, que « la France est déterminée à défendre la prise en compte des intérêts légitimes des départements d'outre-mer dans le cadre des négociations en cours sur les accords de partenariat économique ». Il va de soi que cette détermination doit se manifester pour les secteurs du sucre et de la banane, mais qu'elle doit aller bien au-delà et concerner l'ensemble des productions de biens et de services.

La présente question préalable concerne donc à la fois l'Afrique et les régions d'outre-mer.

Le Gouvernement français va-t-il faire entériner la prorogation de la date du 31 décembre 2007 comme échéance obligatoire des négociations ? Va-t-il proposer leur poursuite en fonction des agendas proposés par les six régions ACP, afin que soient recherchées les solutions commerciales les plus favorables à la protection et au développement humains, au développement des économies locales, les conventions internationales en la matière prévalant sur tout accord commercial ?

Toutes les options alternatives doivent être explorées. La date couperet du 31 décembre est d'ailleurs déjà mise à mal puisque, après la demande de l'Afrique occidentale de reporter de deux ans la date butoir et de poursuivre les négociations, après le refus de l'Afrique du Sud de conclure un APE qui ne se limiterait pas aux seules marchandises, la Commission européenne a admis officiellement, dans une communication du 23 octobre dernier, que son objectif de conclure d'ici au 31 décembre « des APE complets avec toutes les régions et pays ACP intéressés » ne serait pas atteint dans la plupart des cas. Seule la zone Caraïbes pourrait faire exception. Ailleurs, on se contenterait de signer des « accords intérimaires sur les échanges de produits ». Dans tous les cas, les négociations devront être finalisées au cours de l'année 2008. Il faut donc refuser la ratification de cet accord.

Ensuite, comment le Gouvernement français va-t-il mettre à profit ce délai supplémentaire pour persuader la Commission européenne de reconnaître enfin, comme le prévoit l'article 299-2, la situation ultrapériphérique des départements français d'outre-mer ?

À la veille de la présidence française de l'Union européenne et au moment où le Gouvernement s'apprête à faire voter une nouvelle loi de programmation pour l'outre-mer, vos initiatives seront scrutées, vous vous en doutez, avec la plus grande vigilance. C'est pourquoi le groupe de la gauche démocrate et républicaine demande le retrait de ce texte qui renforce l'inégalité Nord-Sud et la marginalisation des départements d'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

J'avoue ne pas vraiment comprendre ni accepter le raisonnement quelque peu spécieux de M. Mamère. D'abord, il était nécessaire de réviser l'accord de Cotonou, ne serait-ce qu'en raison de l'échec relatif des conventions de Lomé et de Yaoundé. Ensuite, le volet commercial évoqué par M. Mamère n'est pas vraiment concerné par ces accords : il est en effet en cours de discussion, j'y reviendrai dans la discussion générale. Enfin, renoncer à ces accords contribue finalement à marginaliser davantage les pays ACP.

En effet, l'accord révisé de Cotonou pose les bases d'un vrai partenariat politique, au sens large du terme, comme l'a fort bien montré notre rapporteure. Quant au dixième FED, monsieur Mamère, il constitue un engagement fort de l'Union européenne avec une enveloppe financière de plus de 22 milliards d'euros sur six ans – somme considérable –, d'autant que la France est parvenue à y maintenir le financement des pays et territoires d'outre-mer, ce qui est très important compte tenu de la position de la Commission européenne, favorable à l'intégration de ce financement dans le budget général communautaire.

En fait, ces accords s'inscrivent dans le prolongement d'un partenariat ancien et étroit entre l'Europe et les pays ACP. Vous avez cité le commissaire Mandelson, monsieur Mamère ; laissez-moi le plaisir de le citer à mon tour. Il écrivait en effet, dans le journal Libération du 26 octobre : « Personne ne croit que le statu quo actuel puisse fonctionner. Freinée par sa dépendance à l'égard de quelques produits de base, l'Afrique accuse un lourd retard par rapport à l'Asie et à l'Amérique latine en matière de réduction de la pauvreté et de croissance économique. En l'absence d'une alternative crédible, réclamer l'abandon des négociations sur les APE revient à mettre en péril les moyens de subsistance de ceux que nous nous efforçons d'aider. »

Vous voyez, monsieur Mamère, je crois qu'il serait tout à fait regrettable de renoncer à ce cadre de dialogue et de coopération que nous essayons d'ailleurs de rendre plus efficace et c'est la raison pour laquelle le groupe UMP rejetera cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, notre collègue et ami Noël Mamère vient de tenir des propos justes, mesurés, pertinents et fort intéressants. L'essentiel de ce qu'il a dit devrait pouvoir être pris en compte par tous ceux qui se sont depuis longtemps investis dans la relation entre l'Europe et les pays concernés. Nous l'avons affirmé à maintes reprises, sans esprit critique systématique, simplement parce que c'est la réalité, parce qu'il s'agit de l'évolution déplorable à laquelle nous assistons. Je serais donc enclin, avec les députés de mon groupe, à accompagner la démarche de notre collègue et à inciter le Gouvernement à prendre ses critiques en considération dans le cadre des accords qui se négocient actuellement.

Cependant, comme vient de le préciser Mme Aurillac à la fin de son exposé, mettre fin au processus de ratification bloquerait la totalité de l'aide.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

C'est le président Wade – que vous avez cité à juste titre, et que d'autres après vous citeront sans doute, parce qu'il est l'auteur d'un article révélateur –, qui écrivait : « En l'absence de signature de ces nouveaux accords, ce serait le vide entre l'Union européenne et l'Afrique. » Il ajoutait : « Cette perspective est doublement catastrophique. En effet, disparaîtrait avec les accords de Cotonou le dispositif qui sert de base à l'aide européenne, et celle-ci est encore plus vitale aujourd'hui pour l'Afrique, au moment où la hausse des prix du pétrole entraîne celle des denrées de première nécessité et déclenche partout le mécontentement populaire. »

Il y a donc malheureusement urgence à ne pas bloquer ce système. Nous allons continuer d'en débattre et, par conséquent, cela conduit le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche à ne pas voter la question préalable défendue par Noël Mamère.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Ainsi que l'ont souligné Mme Aurillac et M. Loncle, l'intervention de M. Mamère pose de vraies questions.

Mais comme Mme Aurillac l'a parfaitement expliqué, mesdames, messieurs les députés, ces questions ne sont pas en rapport avec l'objet de l'accord dont l'autorisation de ratification vous est aujourd'hui proposée. La révision ne modifie en rien ce qui touche aux accords de partenariat économique intégrés dans l'accord de Cotonou.

Par ailleurs, Mme Aurillac a bien souligné que les accords de partenariat étaient fondés sur un dialogue global, politique et économique.

Et le plus important est que, comme l'a fait observer M. Loncle, ne pas ratifier cet accord aurait pour effet de bloquer les dispositifs d'aide, et notamment l'effort supplémentaire qui est consenti dans le cadre du 10e FED.

Cela étant, je veux répondre à M. Mamère sur le fond. S'agissant des APE, nous insistons pour qu'ils soient des accords de partenariat complets et globaux, pour qu'ils intègrent un volet consacré au développement, pour qu'ils favorisent l'intégration régionale. Les accords intérimaires ne doivent être qu'une étape vers de tels accords.

De ce point de vue, on le comprend, la situation des pays ACP est très contrastée : certains font partie des pays les moins avancés ; d'autres sont des pays à revenus intermédiaires. Et dans le cadre du dialogue mené avec l'Union européenne, on peut envisager que des accords de partenariat économique soient signés avec les pays de la région Caraïbes. On peut avoir bon espoir en ce qui concerne l'Afrique australe, l'Afrique de l'Est et le Pacifique. Le découpage retenu, que vous avez regretté, monsieur Mamère, répond justement aux aspirations d'un certain nombre de ces pays, qui souhaitent que soit adoptée, en fonction de leur position, une approche différenciée.

Ce qui nous paraît important, je le répète, c'est que les accords de partenariat économique soient complets et équilibrés, intégrant les dimensions du développement ainsi que les dimensions politiques. C'est le meilleur moyen de soutenir l'intégration régionale. De ce point de vue-là, vous avez raison, monsieur Mamère.

En ce qui concerne les pays et territoires d'outre-mer, je veux être clair : le Conseil des ministres du développement qui s'est tenu aujourd'hui à Bruxelles rappelle la nécessité de prendre en compte les intérêts spécifiques des régions ultrapériphériques dans le cadre de la négociation de ces accords.

Comme vous l'avez vous-même indiqué, monsieur Mamère, des efforts importants ont été faits en ce qui concerne le sucre. Sur la banane, nous sommes en voie de trouver un compromis avec les positions de la Commission qui protège les producteurs des départements d'outre-mer. Enfin, troisième et dernier élément, l'octroi de mer n'a jamais été sur la table de négociation de ces accords, et nous veillons à ce qu'il n'y soit pas.

Voilà les précisions que je souhaitais apporter, et qui me conduisent, à mon tour, à souhaiter le rejet de cette question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Dans la discussion générale commune, la parole est d'abord à Mme Martine Aurillac.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre rapporteure, Mme Henriette Martinez, l'a clairement exposé : les deux textes que nous examinons aujourd'hui portent sur la première révision quinquennale de l'accord de Cotonou ainsi que sur la mise en place du 10e FED, mais n'abordent pas directement le volet commercial du partenariat entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. C'est cependant sur ce volet, monsieur le secrétaire d'État, que je voudrais insister, car il fait actuellement l'objet de négociations difficiles et de prises de position fermes – notamment celle du président du Sénégal, M. Abdoulaye Wade, dont nous avons lu avec beaucoup d'intérêt dans Le Monde du 16 novembre dernier –, et sur lesquelles il me paraît important et utile d'apporter un certain nombre de précisions.

Comme vous le savez, l'accord de Cotonou, signé en 2000, prévoit, à partir du 1er janvier 2008, la mise en place d'« accords de partenariat économique », les APE, entre l'Europe et six sous-ensembles régionaux, constitués au sein du groupe des États ACP.

Cette division en six régions a été décidée, d'un commun accord, en octobre 2003, afin de prendre en compte la réalité de niveaux d'intégration et de développement très différents entre les pays du groupe ACP.

Cette approche pragmatique ne vise absolument pas à affaiblir les efforts d'intégration régionale en Afrique, mais bien au contraire à les renforcer en vue de favoriser l'insertion effective des économies du Sud dans les échanges mondiaux.

Cette première observation me conduit à rappeler que le constat d'échec des régimes de préférences tarifaires non réciproques, mis en place par les conventions de Yaoundé puis de Lomé, est aujourd'hui – malheureusement ! – largement partagé. Le bilan de ces conventions fait en effet apparaître trois résultats relevant d'un paradoxe que je n'hésiterai pas à qualifier d'insupportable : tout d'abord, une marginalisation des pays ACP dans le commerce mondial ; ensuite, le maintien d'une dépendance complète vis-à-vis des produits primaires et l'absence de diversification des produits exportés ; enfin, le maintien d'une dépendance vis-à-vis du marché européen, par ailleurs de moins en moins demandeur des produits en provenance des ACP.

Face à ce bilan plus que mitigé, la portée des négociations en cours visant à la conclusion d'accords de libre-échange mérite d'être clarifiée.

Permettez-moi tout d'abord d'insister sur le fait que la libéralisation des échanges ne sera ni totale, ni immédiate : certains produits resteront protégés – il s'agit des produits dits « sensibles » – car ils sont stratégiques pour les économies des pays ACP, ou seront libéralisés plus tard, quand les filières seront plus compétitives et pourront affronter la concurrence européenne. En outre, le processus de libéralisation prend en compte les inégalités des termes de l'échange, en instituant de nombreuses dérogations, comme l'aménagement de longues périodes de transition, qui sont indispensables. Je rejoins sur ce point la position de notre rapporteure.

Je veux également souligner que l'Union européenne, fidèle au partenariat avec les pays ACP, entend naturellement accompagner les réformes nécessaires à l'ouverture des économies du Sud. L'un des principaux défis que ces économies ont à relever réside notamment dans la diminution des recettes douanières, qui implique la conversion d'une « fiscalité de porte » en une « fiscalité intérieure ». L'Union européenne propose, pendant la période de transition, un volet d' « accompagnement », qui devrait permettre des investissements importants en faveur des petites et moyennes entreprises, ainsi que des exploitations agricoles, via des actions de formation ou de modernisation des infrastructures, par exemple.

Dans une tribune commune parue le 26 octobre dernier dans le quotidien Libération, Peter Mandelson et Louis Michel, commissaires européens chargés respectivement du commerce et du développement, ont précisé que les dépenses consacrées par l'Europe à l'aide au commerce devraient passer à 2 milliards d'euros par an, « la priorité allant aux mesures qui contribuent à la mise en oeuvre d'accords de partenariat économique ».

Cette décision démontre que les négociations engagées en vue de parvenir à la conclusion d'« accords de partenariat économique » ne visent évidemment en rien à déstabiliser les structures économiques du Sud, mais, tout au contraire, à tirer les enseignements du passé et à réfléchir ensemble aux moyens de les renforcer efficacement et durablement. J'ajoute que ces négociations s'inscrivent dans le cadre d'un partenariat ancien et étroit, qui privilégie aussi bien le dialogue politique que l'aide au développement afin de prendre en compte l'ensemble des problématiques auxquelles les pays ACP doivent faire face.

Je souhaite également mettre l'accent sur l'instrument financier principal de l'accord de Cotonou, le Fonds européen de développement, créé en 1957 à l'initiative de la France, et qui fait l'objet du deuxième accord soumis à notre approbation.

Outre nos contributions multilatérales, que le président Axel Poniatowski a largement évoquées, et hormis les fonds prélevés sur budget communautaire, c'est en effet par le FED que transite l'essentiel de la coopération européenne avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Les engagements pris dans le cadre de l'accord de Cotonou sont donc mis en oeuvre à travers le FED, qui fait l'objet de négociations intergouvernementales quinquennales.

Sur la période 2000-2007, l'enveloppe du 9e FED s'élève à plus de 13 milliards d'euros, 13,8 milliards d'euros pour être précis. En 2006, les crédits du FED ont principalement été engagés dans le secteur de l'éducation, de la santé et des équipements d'assainissement de base, avec un montant en hausse de 1,16 milliard d'euros.

Le budget du 10e FED s'élèvera à 22,682 milliards d'euros pour la période 2008-2013, soit 0,03 % du PIB européen. Par rapport au 9e FED, ce montant tient compte du passage d'une période de cinq à six ans, de la croissance, de l'inflation, ainsi que de l'élargissement de l'Union européenne.

Au cours des négociations intergouvernementales, la France a obtenu le maintien du financement des pays et territoires d'outre-mer, qui s'élèvera à 286 millions d'euros, en ramenant la contribution française à environ 20 %, comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État.

Cette contribution au 10e FED devrait s'élever à 4,4 milliards d'euros, soit une contribution moyenne annuelle de 739 millions d'euros.

L'accord interne instituant le 10e FED, qui nous est soumis aujourd'hui, témoigne de la permanence de l'engagement de l'Europe en faveur de ce partenariat. C'est la raison pour laquelle je souhaite que les négociations commerciales en cours, loin de la masquer, puissent rétablir la véritable portée de ce partenariat, auquel la France est attachée de longue date, et qui constitue un cadre, unique au monde, de dialogue et de coopération entre États.

Sous le bénéfice de ces observations, le groupe UMP votera bien entendu pour la ratification de ces deux accords. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons en effet deux textes, qui concernent les relations de l'Union européenne avec l'Afrique, les Caraïbes et le Pacifique. Ces projets de loi, à en juger par leur intitulé, s'inscrivent dans une continuité, celle des premiers accords de partenariat Europe-ACP signés en 1975. Mais est-on sûr que les rapports entretenus par l'Union européenne et les ACP reposent aujourd'hui sur les mêmes principes ?

Les accords de 1975, 1979, 1984 et 1989 – accords de Yaoundé, Cotonou, et Lomé – ont pendant des années fait figure de modèle de coopération entre pays du Nord et pays du Sud.

Le Nord européen acceptait de commercer avec certains pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, de façon inégale, au bénéfice de ces derniers. Pour une fois, l'inégalité profitait au sud. L'Europe, prenant en compte le déséquilibre économique existant entre les deux parties, avait accordé un avantage commercial à ses partenaires du Sud, leur donnant ainsi la possibilité d'un rattrapage, ou en tous les cas du développement.

Ces accords, que nombre d'observateurs jugeaient exemplaires, n'ont pas bien fonctionné. Seuls 28 % des crédits affectés pour la période 2000-2007 auraient, nous dit-on, été consommés. Les exportations de l'Europe vers l'Afrique ont nettement progressé, sans réciprocité. Il fallait donc réviser ces traités. Un esprit cartésien aurait pu penser qu'il s'agissait de remettre l'ouvrage en chantier sur la base des principes initiaux, et qu'il fallait maintenir un système de préférences favorable aux plus faibles, les ACP.

Mais le cycle des négociations commerciales internationales en a décidé autrement. L'Organisation mondiale du commerce, condamnant les discriminations positives, entend loger tous les pays du monde à la même enseigne commerciale. Ce louable souci d'égalité est-il bien raisonnable, quand l'une des parties est plus solide que l'autre et mieux armée ? En libéralisant les échanges Europe-ACP, en abaissant les droits de douane des deux zones en parallèle, pense-t-on vraiment favoriser leur progrès économique de façon convergente ?

L'Allemagne et la Namibie, l'Italie et l'Érythrée, le Royaume-Uni et la Sierra Leone, l'Espagne et la Guinée équatoriale, la Belgique et le Burundi, la France et les Comores sont ainsi mis sur le même plan, celui, nous dit-on, de l'égalité dans la concurrence. Mais cette égalité de statut commercial produira-t-elle de l'équité ? Les négociateurs, en acceptant les règles des fondamentalistes du libre-échange ne jouent-ils pas les apprentis sorciers ? Ne préparent-ils pas des lendemains difficiles, où les pots de fer du Nord, plus aptes à affronter les règles d'une concurrence absolue, auront brisé les pots de terre du Sud ? Voyez la situation du Mexique, qui, après la signature de l'accord de libre-échange nord-américain en 1994, a ouvert ses frontières agricoles à la concurrence : il importe aujourd'hui une bonne part de son maïs, et parmi les 400 000 Mexicains qui passent clandestinement la frontière pour chercher fortune aux États-Unis, se trouvent beaucoup des petits agriculteurs ruinés par une concurrence inégale.

Les nouveaux accords de partenariat proposés par Bruxelles aux ACP inquiètent du Niger au Sénégal. L'Europe devrait mieux tenir compte de cette inquiétude avant d'avoir à se mobiliser pour faire face à une, voire à plusieurs catastrophes humanitaires annoncées, et à un regain migratoire. C'est ainsi que M. Saliou Sarr, président de la Fédération des producteurs de riz sénégalais, tenait, il y a quelques jours, les propos alarmistes suivants : « Nous ne sommes pas prêts au libre-échange. Le paysan africain n'a accès ni aux crédits, ni à la mécanisation, ni aux semences, ni aux engrais, ni aux insecticides, dont profite son homologue européen. Si nos droits de douane disparaissent, disparaît aussi notre industrie du concentré de tomate, notre huile d'arachide, notre production d'oignon. Nous ne boxons pas dans la même catégorie ». Quant au président sénégalais Abdoulaye Wade, qui n'a rien d'un altermondialiste, il tire la leçon de ce que l'on hésite encore à qualifier d'accord de partenariat entre l'Europe et les pays ACP : « Selon une simulation du Centre d'étude et de recherche sur le développement, entre 2008 et 2015, les pertes de recette fiscale du Sénégal, si notre pays adopte ce système, passeraient de 38 à 115 milliards de francs CFA. Le Nigeria perdrait, lui, 800 millions d'euros par an. En somme, on nous invite à annoncer aux populations en guise de cadeau de Nouvel an, le message suivant : chers compatriotes, nous venons de signer avec l'Europe un nouvel accord de coopération qui supprime 35 % de nos budgets. En conséquence, nous allons supprimer des écoles, des dispensaires, des hôpitaux, des projets de routes. C'est indéfendable ».

Est-ce là le codéveloppement que défend avec conviction le Président de la République en France et en Afrique ? « L'Homme africain », qui sait lire les traités et se projeter dans l'avenir, contrairement à ce qui a été dit de façon injuste et blessante à Dakar, en doute avec raison, et nous interpelle, comme M. Wade pour qui « les partisans d'une alliance Europe-Afrique devraient envisager une alternative face à l'arrivée de nouveaux concurrents commerciaux asiatiques sur le continent africain ».

Par principe de responsabilité, nous ne nous opposerons pas au vote de ces accords. Le traité antérieur arrive à échéance le 31 décembre et il est hors de question de bloquer une aide aux ACP qui, même contestable et contestée, ne saurait être totalement suspendue. Cette volonté de ne pas faire obstacle ne nous empêche pas de douter et d'être inquiets, en espérant qu'au prochain sommet euro-africain, qui aura lieu le 6 décembre à Lisbonne, les préoccupations des pays ACP seront mieux entendues. Comme le disait au Sénat ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga, l'attitude du groupe socialiste « ne doit pas être considérée comme un chèque en blanc délivré au Gouvernement, mais, bien au contraire, comme un acte constructif et exigeant destiné à édifier une autre relation avec nos partenaires d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ». C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.

Ce débat, éclipsé pour certains par l'intervention du Président de la République au congrès des maires de France, est pourtant capital pour l'avenir des relations Nord-Sud, pour notre propre avenir. Des paroles justes et pertinentes ont été prononcées sur tous les bancs, en particulier par le président Poniatowski et Mme Martinez, qui a fait un excellent rapport. Des suggestions vous ont été faites et des critiques ont été formulées lors de la discussion du budget de la coopération. Nous vous demandons avec insistance de les prendre en considération, ainsi que la nécessité de résorber cette fracture si dangereuse et si dramatique entre les plus riches et les plus pauvres sur cette terre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui a une importance fondamentale pour les pays d'Afrique et du Pacifique et pour les territoires d'outre-mer de l'océan Indien et des Caraïbes. Si nous partageons l'objectif de mise en place de zones d'intégration régionale et si nous pensons que la priorité doit être donnée au développement des marchés régionaux des ACP, nous estimons que le calendrier de négociation et de mise en place est beaucoup trop court. L'Europe elle-même a eu besoin de plus de trente ans pour mettre en place son marché commun ! Les intégrations régionales doivent être construites par les États en concertation avec leur société civile, et non imposées à marche forcée par des négociations commerciales, qui doivent respecter les processus en cours.

L'Union européenne est le premier partenaire commercial des pays ACP. Les produits industriels européens bénéficient d'un environnement technologique de pointe et de techniques de production beaucoup plus compétitives. Dans un tel contexte, les pays ACP ont peu d'avantages comparatifs et il leur est difficile de tirer partie d'un libre-échange, même asymétrique. Dès le départ, l'Union européenne a proposé des accords de libre-échange asymétriques, consistant à ouvrir son marché à 100 % et à libéraliser 80 % de ses flux vers les pays ACP. Or il nous semble fondamental, comme le revendiquent déjà certains États ACP, que les négociations ne s'enferment pas dans ce chiffre de 80 %, mais qu'elles se fondent plutôt sur les besoins et les volontés politiques des pays, en identifiant avec eux les secteurs économiques importants dans une perspective de développement durable. De même, la période de mise en oeuvre de douze ans doit pouvoir être allongée, de façon à permettre une réelle adaptation des économies des pays ACP.

Enfin, les accords de partenariat économique doivent permettre aux États signataires de mettre en place des dispositions similaires à celles négociées actuellement à l'OMC pour les pays en voie de développement : désignation de produits spéciaux qu'ils souhaitent protéger en raison de leur importance pour la sécurité alimentaire, la garantie des conditions d'existence et le développement rural ; recours à un mécanisme de sauvegarde spécial consistant en mesures ponctuelles de protection des marchés en cas d'augmentation brusque des importations ou de baisse importante des prix. Les APE doivent être plus favorables au développement des pays ACP que l'OMC, et non l'inverse.

Par ailleurs, la création des marchés communs régionaux nécessite la mise en place de droits de douane communs – le tarif extérieur commun ou TEC. Sous la pression des institutions financières internationales, les régions négocient actuellement des TEC fixés à des niveaux très bas. Or nos partenaires ACP dénoncent – et nous les soutenons – le trop faible niveau de ces droits de douane. Par exemple, le TEC de la CEDEAO ne protégera pas suffisamment les économies d'Afrique de l'Ouest de la concurrence entre importations et productions locales, ce qui obèrera leur développement. Les produits agricoles et alimentaires constituent la majeure partie des revenus de la population active dans la plupart des pays ACP. Or leur importation à bas prix entraîne mécaniquement une baisse des prix des productions locales, donc une baisse du revenu des agriculteurs locaux, alors que les subventions – directes ou indirectes – versées aux agriculteurs européens leur permettent d'exporter leur production en dessous de son coût réel.

En décembre 2005, à Hong-Kong, l'Union européenne s'est engagée à mettre fin à ses subventions aux exportations agricoles d'ici à 2013, et à l'essentiel d'ici à 2008. Cependant, cela ne suffira pas à faire cesser le dumping, c'est-à-dire au fait d'exporter un produit à un prix inférieur à son coût de production. Les produits ayant bénéficié d'un quelconque soutien domestique – aides découplées en particulier – ne devraient pas se retrouver sur les marchés d'exportation. Il faut évaluer les soutiens au regard de la production d'excédents, de la compétition entre agriculteurs et de la préservation de l'environnement.

La suppression des taxes douanières sur les produits européens importés et dans les échanges intrarégionaux, cumulée à l'application de TEC bas, va réduire considérablement les recettes des États ACP, qui reposent fortement sur les taxes douanières. La capacité d'investissement des pays dans des infrastructures ou dans des programmes sociaux, éducatifs ou sanitaires va s'en trouver réduite. C'est un risque de plus qui pèse sur la réussite des intégrations régionales. Nous ne pouvons donc que refuser une mise en oeuvre de la libéralisation qui ne serait pas la plus progressive et la plus longue possible, afin que l'intégration régionale ait un effet d'entraînement suffisant pour permettre aux États de se procurer les recettes nécessaires au remplacement des taxes douanières, faute de quoi leur équilibre budgétaire serait remis en cause. Cela plaide aussi pour un renforcement du Fonds européen de développement, qui pourrait fournir aux États des moyens suffisants pour ajuster leurs économies et compenser les pertes budgétaires.

Stimuler l'intégration régionale et les exportations vers l'Europe nécessite que des moyens supplémentaires à ceux du FED soient dégagés par l'Union européenne. Cependant, il ne saurait être question de réduire les enveloppes consacrées aux programmes sociaux, éducatifs et sanitaires au prétexte de renforcer l'aide au commerce. Le FED ne doit pas devenir une monnaie d'échange pour ces négociations et l'aide aux pays ACP ne doit en aucun cas être conditionnée à la signature d'un APE ou à l'ouverture de leurs marchés. Ceux qui ne souhaiteraient pas entrer dans un APE doivent réellement avoir des alternatives sans que les montants du FED soient amputés en représailles. Les petites et moyennes entreprises et les organisations de producteurs agricoles doivent être prioritairement appuyées.

Le processus de négociation doit refléter la préoccupation du développement humain. C'est pourquoi nous souhaitons que les méthodes participatives soient plus largement utilisées et que, à cette fin, les moyens nécessaires soient dégagés par l'Union européenne. La participation demande, certes, du temps, mais elle permet de prendre en compte différents intérêts. Il est donc fondamental que la priorité dans la négociation soit la participation et non la rapidité. Il convient donc de prévoir un calendrier en conséquence et non l'inverse.

Nous sommes donc extrêmement préoccupés par le risque que cette ouverture commerciale fera peser sur les économies et donc sur l'emploi dans les pays ACP, et, notamment dans les départements d'outre-mer. À l'exception d'un nombre limité de produits, comme le sucre, pour lesquels une période de transition de quelques années est prévue, toutes les productions locales, en particulier les denrées tropicales, seront confrontées à une concurrence exacerbée et inégale. Ce scénario remettrait aussi en cause un dispositif fiscal – que j'ai évoqué lors de la défense de la question préalable –, l'octroi de mer, qui est destiné à protéger l'économie locale. Cette libéralisation du commerce risque d'être fatale à des pans entiers de l'économie réunionnaise, guadeloupéenne, martiniquaise et de susciter des délocalisations en série, d'entraîner des répercussions sur l'emploi et la cohésion sociale.

Les responsables des départements d'outre-mer plaident pour la nécessaire prise en compte, dans ces accords, des intérêts spécifiques de la Réunion en tant que région ultrapériphérique. Se référant à l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui permet de déroger au droit communautaire, ils demandent unanimement l'insertion d'une clause en ce sens. Elle permettrait d'envisager, au sein de ces accords, un traitement différencié pour les régions d'outre-mer. Cette demande n'a pas été entendue jusqu'à présent par la Commission européenne, à laquelle la France a pourtant donné un mandat pour conduire les négociations.

Cependant, le Parlement européen, dans une résolution votée en mai dernier sur cette question, s'est déclaré favorable à la prise en compte des spécificités des régions, ultrapériphériques dans les discussions des APE.

Il est absolument indispensable que le parlement français se prononce en ce sens. Les populations de ces régions, déjà touchées par les catastrophes du chikungunya, du chlordécone, des pesticides, du chômage et de la pauvreté, ne comprendraient pas que la France les abandonne à cette sorte de néocolonialisme économique lié à la mondialisation financière.

Pour toutes ces raisons les députés Verts et communistes du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne voteront pas ces textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gabrielle Louis-Carabin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs, je profite de ce débat pour sensibiliser une nouvelle fois le Gouvernement sur les conséquences pour la Guadeloupe, et d'une manière générale pour les régions de l'outre-mer, de la modification du volet commercial de l'accord de Cotonou.

La Guadeloupe, située dans la Caraïbe, se trouve à proximité de pays avec lesquels l'Union européenne négocie des accords de partenariat économique, qui instaureront une relation contractuelle en conformité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce, et notamment avec le principe du libre-échange.

Vous comprendrez bien que l'enjeu pour les départements d'outre-mer est capital, car ce sont leurs marchés qui seront atteints les premiers, et de plein fouet.

L'enjeu est capital, car, je vous rappelle la vulnérabilité de nos micro-marchés insulaires face à la concurrence de pays voisins, dont les coûts de production ne sont en rien comparables aux nôtres.

L'enjeu est capital car sans prise en compte des spécificités des filières agricoles et commerciales des départements d'outre-mer, c'est toute l'économie de ces régions françaises qui sera déstabilisée.

C'est aussi toute la cohérence du soutien communautaire au développement des filières agricoles des départements d'outre-mer qui est ici mise à mal.

La filière canne-sucre de la Guadeloupe en est un exemple criant. Sa spécificité a toujours été prise en compte dans le cadre communautaire, pour répondre à la logique du développement et préserver le marché local. Des dispositifs permettent ainsi de protéger le sucre de canne et autres produits des régions françaises.

Aussi, leur non-reconduction dans le cadre des accords de partenariat pourrait se traduire pour notre archipel par une disparition immédiate de 8 000 tonnes de débouchés commerciaux. Il en va de même des 5 000 tonnes de débouchés pour la Martinique. La perte pour la Réunion se chiffrerait à 16 000 tonnes.

Au total, ce sont les 30 000 tonnes de débouchés commerciaux des DOM qui seraient dissous. Cette situation semblait avoir été comprise en 2005, il y a à peine deux ans.

Le 7 novembre 2007, j'informais M. le ministre de l'agriculture de l'inquiétude de la profession quant aux conséquences de l'ouverture des marchés locaux des DOM au sucre des pays ACP et PMA, dans le cadre des négociations des APE.

Aujourd'hui, la volonté de la Commission européenne de conforter les filières de diversification et de revoir une période transitoire négociée à la baisse ne rassure nullement les professionnels. Car il semble qu'aucune garantie n'ait été apportée.

Il est capital d'éviter la mise en sursis, et je dirai même la mise à mort, de la filière canne-sucre des DOM, en soutenant et en obtenant durablement la clause tarifaire au titre des importations sur leur territoire. Tout autre mécanisme ne permettra pas le maintien durable de ce secteur.

Monsieur le secrétaire d'État, la ratification de la modification de l'accord de Cotonou pose plus généralement le problème de la reconnaissance des spécificités des régions ultrapériphériques.

Il semble qu'il soit de plus en plus difficile de les défendre, alors qu'elles ont été inscrites dans le marbre du traité européen. Le décalage entre les préoccupations de la Commission européenne et celle des DOM semble se creuser. Les problématiques des régions ultrapériphériques sont traitées à la marge. Il importe aujourd'hui de se poser la question de la pérennité des dispositifs essentiels au développement économique des régions françaises qui pourraient être des ponts-avant dans la Caraïbe.

J'appelle aussi votre attention sur l'octroi de mer. Les présidents de chambre de commerce ont envoyé à ce sujet une motion à tous les députés, car l'octroi de mer est une taxe interne qui permet aux entreprises de compenser les surcoûts et les handicaps structurels. Il importe que ce dispositif ne soit pas remis en cause – vous venez d'indiquer, monsieur le secrétaire d'État, que tel ne serait pas le cas – face au risque d'un éventuel alignement des taxes internes appliquées aux produits ACP importés et aux produits locaux identiques.

Si la libéralisation des échanges est un enjeu pour les pays ACP, elle ne doit pas se faire au total détriment des régions ultrapériphériques, qui sont partie intégrante de la République française, c'est-à-dire des DOM.

Mon souci premier est, monsieur le secrétaire d'État, que vous preniez en compte les réalités de nos régions, que vous fassiez entendre la voix des représentants de la filière canne-sucre et de la filière banane des DOM, qui souhaitent le maintien durable des dispositions existantes et l'introduction d'une clause d'exception dans la négociation des accords de partenariat économique. C'est à cette seule condition que je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la France et les pays membres de l'Union européenne entretiennent, pour des raisons historiques et culturelles, des liens privilégiés avec bon nombre de pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, dits pays ACP.

La politique européenne, fondée au départ sur des préférences commerciales, a aujourd'hui évolué. Elle a mûri, pour se diriger progressivement vers une politique de coopération et de partenariat, compatible avec les règles internationales. Il s'agit de mieux armer ces pays dans les luttes de la mondialisation.

La coopération avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique remonte à la création de la Communauté européenne. Elle constitue aujourd'hui un aspect particulièrement important de la politique de développement de l'Union européenne.

L'accord de Cotonou, signé le 23 juin 2000 pour une durée de vingt ans et révisé en 2005, visait à promouvoir et à accélérer le développement économique, social et culturel des États ACP, à contribuer à la paix et à la sécurité et enfin à promouvoir un environnement politique stable et démocratique dans ces pays.

Ainsi révisé, l'accord de Cotonou couvre un large éventail de thèmes. Il renforce le dialogue politique. Il confirme l'engagement des partenaires dans la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme et développe la prévention des activités des mercenaires. Il reconnaît également l'importance de la Cour pénale internationale.

La nouvelle approche de l'accord de partenariat qu'il nous est demandé d'approuver vise à renforcer la dimension politique, à assurer une nouvelle flexibilité et à accorder plus de responsabilités aux États ACP.

Elle repose sur trois dimensions principales : la politique, le commerce et le développement. Les interventions devraient viser un secteur spécifique et combiner de nombreux aspects de la coopération, afin de mieux cibler l'aide affectée au développement économique et politique de ces pays.

La nature de l'assistance évoluera vers des programmes d'aide budgétaire ou sectorielle et l'approche choisie sera plus globale, afin d'autoriser et de promouvoir la participation d'acteurs non étatiques.

De même, afin de simplifier le processus et de rendre plus flexible le financement, une rationalisation des instruments de la coopération est prévue, notamment concernant le Fonds européen de développement. En promouvant une politique de gouvernance démocratique et économique, fondée sur la participation de tous les acteurs, ce nouveau cadre de coopération permettra de rendre l'aide européenne plus efficace pour un développement durable des États partenaires de l'accord.

Enfin, le nouveau cadre financier choisi en juillet 2006 permettra également à l'Union européenne de maintenir son aide aux États ACP. La coopération avec les pays ACP se verra allouer 22,7 milliards d'euros pour la période 2008-2013 au titre d'un dixième FED.

Il est important de souligner que, en 2005, la part de la contribution française au FED a représenté 7,9 % de l'aide publique au développement – 12,1 % hors remise de dettes.

L'accroissement de la contribution de la France au FED se traduit, dans le PLF 2008, par une augmentation de 45 millions d'euros par rapport 2007 et l'inscription d'un montant total de 725 millions d'euros pour 2008. La contribution française au dixième FED s'élèvera à plus de 4,4 milliards d'euros. La France diminuera son taux de contribution par rapport au FED précédent : 19,55 %, contre 24,3 %, mais restera le premier État membre sur-contributeur par rapport à sa clef de financement au budget général.

L'accord de Cotonou, qui définit le cadre commercial et les principes d'aide au développement entre l'Union européenne et les États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, représente un partenariat ambitieux, qui s'appuie sur plus de trente ans d'expérience et s'inscrit dans la durée.

L'accord révisé en 2005 vient approfondir ce partenariat et poursuit une politique de coopération dont les origines remontent aux accords de Yaoundé de 1964 entre l'Europe et les pays ACP. Cependant, je rejoins les conclusions du rapporteur pour mettre en garde notre gouvernement. En effet, l'augmentation, en valeur, de la contribution française à cette politique de développement, aussi indispensable soit-elle pour le bon fonctionnement des actions multilatérales, ne doit pas se faire au détriment de nos moyens d'intervention sur le terrain, au plus près des besoins. Dans de nombreux cas, l'aide bilatérale est, en effet, mieux adaptée aux réalités et sa mise en oeuvre plus flexible.

Le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, il s'agit pour nous d'examiner deux projets de loi.

Dans un premier temps, vous nous invitez, monsieur le secrétaire d'État, à ratifier la révision quinquennale de l'accord de Cotonou, qui lie les États ACP à l'Union européenne, et, dans un second temps, vous nous demandez d'entériner les engagements des membres de l'Union européenne dans le cadre du Fonds européen de développement.

Loin de s'engager dans une voie de rupture en matière de coopération multilatérale, nous sommes ici dans une logique de continuité, avec une réactualisation de la politique européenne, à laquelle contribue sensiblement la France, à l'égard de plus de quarante-sept États d'Afrique, de seize États ou pays de la Caraïbe, et de quatorze États et pays du Pacifique.

Je centrerai mon intervention sur une zone régionale ; la Caraïbe. Je crois fortement à l'avenir de la Caraïbe, et c'est parce que l'avenir de cette région ultrapériphérique – RUP – constitue une préoccupation première que je porte sur ces projets de loi un regard à la fois optimiste et inquiet.

Un regard optimiste, car je suis convaincue de la nécessité d'intensifier la coopération, régionale, bilatérale et multilatérale dans le bassin caribéen.

Un regard inquiet, car je ne peux ignorer les impacts délétères que pourraient avoir les accords de partenariat économique – APE – découlant de Cotonou, sur nos économies domiennes.

Un regard optimiste, donc, car comment s'ériger en pourfendeur de l'accord de Cotonou, dès lors que la démarche vise à renforcer l'espace caraïbe dans une optique de développement des ACP en améliorant les politiques sociales et en luttant contre la pauvreté ? Je souscris pleinement à la démarche de conditionnalité des aides communautaires, par référence aux droits de l'homme et à la ratification du traité de Rome visant à consacrer la Cour pénale internationale.

Je promeus et soutiens cet accord dès lors qu'il se fonde sur une stratégie de lutte contre les grandes pandémies, dont le sida, qui frappe de plein fouet un certain nombre de populations de la Caraïbe.

Je conserve mon optimisme intact, dès lors que nous demeurons dans une logique d'efficacité et de performance de l'aide multilatérale apportée aux États de notre bassin, exposés aux aléas climatiques et au sous-développement. Cette aide peut, si elle est intégrée, contribuer à freiner les mouvements migratoires vers les régions ultrapériphériques de la Caraïbe, dont les sociétés insulaires sont économiquement et socialement fragiles.

Monsieur le secrétaire d'État, l'espace caraïbe est le creuset de la mondialisation. Les populations qui y vivent, les cultures qui s'y expriment, les sociétés qui s'y développent sont toutes nées de la rencontre du continent africain avec l'Europe, l'Asie et les Amériques. La Caraïbe, c'est une mer et une périphérie territoriale composée d'un chapelet d'îles et de territoires continentaux. Mes chers collègues, même les phénomènes climatiques donnent une cohérence à la Caraïbe. Il suffit d'observer la trajectoire d'un cyclone comme Dean ou Hugo pour appréhender les tourmentes de l'espace Caraïbe. La Caraïbe, c'est un Derek Walcott, un Aimé Césaire, un Gabriel Garcia Marquez, un Léon-Gontran Damas, un Guy Tirolien. C'est un tout éparpillé que lient une mer, une culture, une histoire commune et des mémoires partagées.

La Caraïbe, c'est « l'Antillanité », d'un Édouard Glissant qui caractérise les hommes et les femmes qui appartiennent à cette région par une faculté d'adaptation au monde et une aptitude à résister.

Si j'estime que nos économies domiennes sont capables de s'adapter et de s'intégrer pleinement dans leur environnement régional, je dois néanmoins vous faire part des raisons qui m'amènent encore à résister à la ratification en l'état de l'accord de Cotonou, lequel ne peut lever cette inquiétude.

Incontestablement, la Guadeloupe est partie authentique de l'espace Caraïbe. Indubitablement, la Guadeloupe est une composante de la France, et de ce fait, la Guadeloupe est manifestement une frontière extérieure de l'Europe, aux portes des Amériques : c'est à l'évidence une région ultrapériphérique.

Par référence à l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, vous comprendrez que j'ai quelque difficulté à accepter les incohérences de la Commission européenne : d'un côté, elle propose aux régions ultrapériphériques « un plan d'action pour le grand voisinage » qui vise à décloisonner les politiques communautaires ; de l'autre, elle prétend éliminer, au titre de l'OMC, tous les droits et contingents d'importation pour les pays ACP sans aucune garantie de réciprocité. Et tout cela, sans associer ni même consulter les départements français d'Amérique, régions ultrapériphériques de l'Europe.

En effet, au 1er janvier 2008, la Commission européenne et Cariforum vont signer un accord de partenariat économique se fixant quatre objectifs : améliorer les politiques sociales et la lutte contre la pauvreté ; promouvoir le développement et l'intégration régionale ; stimuler la croissance économique des pays membres du Cariforum en développant leur compétitivité ; enfin, dans une optique purement libérale, intégrer les règles de l'OMC.

Monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, permettez-moi de vous faire part de trois préoccupations, au-delà de l'incohérence que j'ai relevée dans la démarche de la Commission européenne lorsqu'elle négocie avec les ACP en évinçant les RUP, sans que la France ne défende avec détermination les intérêts de la Guadeloupe, en matière de production de banane, de sucre, de pêche et de délimitation des zones économiques exclusives.

Ces préoccupations sont très largement partagées par les présidents des chambres de commerce et d'industrie des départements, collectivités et pays d'outre-mer réunis en conférence permanente à Papeete, le 13 novembre dernier, à propos des APE.

Ma première préoccupation concerne la non-réciprocité de l'ouverture des marchés ACP, puisque le dispositif des « negative lists » est prorogé de douze ans. Bref, une production des États de la Caraïbe qui entre sur notre territoire ne pourra être taxée qu'à un taux maximum de 20 %, alors que nos exportations à destination de la Caraïbe pourront l'être à 100 %.

Ma deuxième inquiétude concerne l'avenir de l'octroi de mer, taxe interne qui permet de compenser les surcoûts supportés par les entreprises des RUP, contribue sensiblement aux finances des collectivités locales, et compense partiellement les handicaps structurels de ces régions. En effet, les ACP pourraient, à terme, considérer cette taxe de manière hostile et en demander la neutralisation.

Mon ultime source d'inquiétude concerne les incertitudes qui pèsent tant sur les dispositifs mis en place par la loi de programme pour l'outre-mer, que sur les mesures à venir dans le cadre de la zone franche globale d'activité – mesures très attendues par les socioprofessionnels et la société civile de l'outre-mer. Or cela sera difficilement applicable si les APE n'intègrent pas les préoccupations de nos RUP.

Monsieur le secrétaire d'État, la France est le deuxième contributeur au FED après l'Allemagne. À ce titre, nous détenons 196 voix au comité du FED. Il faut que vous preniez ici, devant la représentation nationale, des engagements pour désigner, pour siéger au sein de ce comité, les présidents des régions d'outre-mer, ainsi que des parlementaires de ces RUP. À défaut d'avoir été associés ou consultés pour l'élaboration des APE qui seront, bon gré mal gré, signés, nous pourrions au moins contrôler l'utilisation des ressources de ce fonds.

Donnez de la cohérence à l'action communautaire en impliquant davantage les RUP à une véritable politique de grand voisinage ! Par ailleurs, j'ai deux autres propositions à soumettre à votre sagacité : l'une qui ne dépend pas de vous, mais de l'Assemblée nationale. L'autre qui relève de votre autorité politique. Je commencerai donc par celle-ci.

Monsieur le secrétaire d'État, à l'occasion de la conférence des ambassadeurs qui se tient annuellement à Paris, il serait à mon sens opportun d'organiser, avec la représentation nationale, une table ronde animée par les ambassadeurs en poste dans la région Caraïbe et de prévoir une rencontre annuelle avec tous les ambassadeurs des pays appartenant au Cariforum, dans l'une des régions ultrapériphériques de ce bassin,

S'agissant de l'Assemblée nationale, je crois qu'il serait opportun de créer une organisation pilote des groupes d'amitié, ayant vocation à devenir un pôle régional du bassin caribéen à même de traiter tous les sujets de la coopération régionale, bilatérale et multilatérale. J'en fais la proposition à tous mes collègues et au président de notre assemblée, car il faut donner de la synergie à la coopération avec les États de cette zone qui m'est chevillée au corps.

Monsieur le secrétaire d'État, je ne veux pas adopter une posture non constructive sur ces deux projets de loi. En évoquant à nouveau Paul Niger, je veux vous dire « Allons, la nuit déjà achève sa cadence, j'entends chanter la sève au coeur du Flamboyant ». En effet, je veux que la coopération au sein de la Caraïbe réussisse avec nous, guadeloupéens, martiniquais et guyanais, car ni les ACP, ni l'Union européenne n'attendront les RUP pour continuer à tisser des liens d'échange et de commerce.

Il me tarde de voir les zones d'ombre s'estomper grâce la détermination du Gouvernement de la France à faire avancer et à défendre les intérêts des quatre RUP, qui sont les frontières atlantiques de la France et de l'Europe.

Monsieur le secrétaire d'État, je ne veux pas bloquer le dispositif d'aide. Mais, pour préserver l'intérêt des RUP, je m'abstiendrai. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Notre débat a été extrêmement riche sur un sujet qui engage le développement et l'avenir de plusieurs de nos partenaires et celui de nombre de nos territoires comme cela vient d'être souligné à l'instant par Mme Marc.

Je répondrai tout d'abord aux interrogations du président de la commission des affaires étrangères et de Mme la rapporteure. Sur le plan budgétaire, nous avons un défi à relever. L'engagement de la France est important, et cela dans un contexte budgétaire difficile. Mais notre volontarisme en la matière se traduit par la part de la France dans le financement de la politique européenne de développement.

En ce qui concerne l'articulation des aspects bilatéraux et multilatéraux, un tiers de l'aide publique au développement transite par le canal multilatéral, dont 18 à 19 % par le canal européen. La part bilatérale représentant encore un peu plus des deux tiers de notre aide au développement, l'on ne peut considérer que c'est marginal. En outre, les crédits alloués à l'Agence française de développement, opérateur de notre aide multilatérale, augmentent de plus de 20 millions d'euros en autorisations d'engagement et 67 millions d'euros en crédits de paiement.

L'équilibre entre les instruments bilatéraux et les multilatéraux est une question récurrente. Un code de répartition du travail est nécessaire. Les ministres européens du développement ont d'ailleurs, en mai dernier, mis en oeuvre ce code de façon à assurer une meilleure coordination et une meilleure complémentarité des aides. De plus, nous avons obtenu de la Commission l'engagement que les contributions au FED évolueraient de manière régulière, sans à-coups, de manière prévisible, afin d'éviter tout effet d'éviction de l'aide communautaire et des concours du FED sur l'aide bilatérale.

Le président Poniatowski m'a également interrogé sur les questions de gouvernance. Une fois la révision définitivement ratifiée, la suppression des sanctions automatiques est prévue au profit d'une procédure de dialogue et de consultation renforcée, encadrée par des délais précis. Aucune aide ne sera suspendue avant qu'un dialogue ait pu s'engager.

Dans un certain nombre de pays, cette politique a porté ses fruits : la République centrafricaine, la Guinée-Bissau, la Guinée-Conakry, le Togo, la Mauritanie. Au titre de l'article 96 de l'accord de Cotonou, des consultations sont encore en cours avec le Zimbabwe et les Fidji.

Sachez, par ailleurs, que la procédure de consultation prévue à l'article 97 en cas de corruption grave continuera à s'appliquer dans le cadre de l'accord révisé.

Vous avez également mis l'accent, monsieur le président de la commission, sur la nécessaire coopération à mettre en oeuvre pour la préparation des sommets d'Accra et de Doha, dans le cadre de la présidence française, À cet égard, je tiens à remercier votre commission d'avoir mis en place un groupe de suivi. Soyez assuré que nous nous attacherons à vous donner des informations régulières tant sur la pertinence des affectations que sur la visibilité, l'efficacité et la complémentarité des aides.

S'agissant des objectifs sociaux, évoqués par Mme Martinez et M. Mamère, je précise que l'accord de Cotonou prévoit la prise en compte systématique du principe de l'égalité entre hommes et femmes, en particulier dans le domaine de la santé. Le développement social et humain constitue l'un des piliers de la stratégie de réduction de la pauvreté promue par cet accord, à travers des politiques sociales dans des secteurs comme l'éducation et la santé. Cette dernière constitue d'ailleurs l'un des thèmes sur lesquels nous souhaitons mettre l'accent durant la présidence française de l'Union européenne : nous y apporterons un soin tout particulier dans le cadre de la politique de développement.

Comme l'ont souligné M. Rochebloine et Mme Aurillac, au travers de ces accords et de la mise en place de ces partenariats, c'est toute la question de l'adaptation à la mondialisation et aux règles de l'Organisation mondiale du commerce qui est posée. C'est la raison pour laquelle nous devrons mener une réflexion sur les conditions de réciprocité dans les relations commerciales internationales et sur l'ordre économique mondial, nous y veillerons très scrupuleusement dans le cadre de la présidence française. Des problèmes se posent en effet dans certains cas, non pas du fait de ces accords mais des condamnations de l'OMC, qui ont mis l'Europe dans une position délicate. Toutefois, comme l'a indiqué Mme Aurillac, la libéralisation n'est ni totale, ni globale : des dérogations et des dispositifs transitoires sont prévus. Cela dit, je comprends les interrogations de M. Loncle et de M. Mamère à ce sujet.

À M. Loncle, je répète que nos priorités dans le domaine du développement iront à l'accès aux soins médicaux, notamment au bénéfice des femmes, grâce à la généralisation de la couverture maladie.

Pour ce qui est de la gouvernance, je précise qu'une plus grande décentralisation est prévue, notamment pour l'organisation du dixième FED. Par ailleurs, les accords donnent un rôle plus important aux élus locaux des pays partenaires de l'Union européenne. Leur implication sera le thème dominant des Journées européennes du développement prévues à Strasbourg en novembre 2008, pendant la présidence française.

J'ai bien entendu les différentes observations à propos de l'inégalité des échanges avec l'Afrique. Mais je précise que tous les pays n'ont pas adopté le tarif extérieur commun. C'est pourquoi, dans le cadre des accords intérimaires et des accords de partenariat économique complet, nous veillerons tout particulièrement à ce que les mécanismes d'intégration régionale, tels ceux de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, ne soient pas mis à mal. Du reste, vous trouverez des réponses à vos interrogations lors du prochain sommet Union européenne - Afrique des 8 et 9 décembre prochains, qui fait suite à celui organisé en 2000. Ce rendez-vous important permettra d'établir un partenariat politique et économique entre l'Union européenne et l'Afrique. Ce sera aussi l'occasion de prendre en compte les difficultés rencontrées par les dirigeants africains dans le cadre des partenariats existants, qu'il s'agisse du commerce ou de la prévention des conflits, ainsi que les problèmes liés au dumping social et environnemental.

Je précise, à l'adresse de M. Mamère, que nous avons l'intention de lancer une réflexion sur la portée des mécanismes de découplage entre montant des aides et volumes de production, dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune que nous établirons lors de la présidence française. Compte tenu de la hausse des prix des matières premières et des produits agricoles, nous verrons également dans quelle mesure il est possible de réduire le montant des subventions dans certains secteurs, de façon à assainir la situation.

Pour répondre à Mme Marc et à Mme Louis-Carabin, j'indique que le nouveau traité comportera des bases juridiques élargies, susceptibles de mieux prendre compte la situation des régions ultra-périphériques. Soyez, par ailleurs, assurées, mesdames, que nous n'oublierons pas les filières en difficulté. Pour le sucre, il n'y a pas de clause d'exemption en tant que telle, mais la clause de sauvegarde existante, très efficace, sera maintenue jusqu'en 2015 et pourra même être prolongée dix ans de plus. Pour la banane, nous avons obtenu un compromis : si les volumes ne provenant pas des départements d'outre-mer dépassaient les contingents institués, des mécanismes d'alerte se déclencheraient et nous prendrions les mesures de sauvegarde qui s'imposent.

En ce qui concerne l'octroi de mer, je renvoie à la réponse que j'ai faite à M. Mamère à propos de la question préalable qu'il a défendue.

Par ailleurs, nous sommes favorables à la tenue de réunions avec les représentants des pays des Caraïbes concernés car elles ne pourront que contribuer à intensifier le dialogue dans le cadre de la conférence des ambassadeurs. Inutile de rappeler que la République étant une et indivisible, nous prendrons en considération au comité du FED l'ensemble des intérêts de ses territoires, y compris ceux de l'outre-mer.

Enfin, il me semble que la proposition faite par M. Poniatowski sur le comité de suivi nous permettra d'avoir des échanges plus nourris sur ces accords et sur la préparation des sommets. Je proposerai également au commissaire Louis Michel un dialogue plus régulier entre les représentants de la Commission européenne et les responsables et élus des départements d'outre-mer sur les filières en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

J'appelle en premier lieu l'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'accord de Cotonou entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la Communauté européenne.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant le financement des aides de la Communauté pour la période 2008-2013.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier (no 285) ;

Rapport (no 406) de M. Franck Riester, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Jean-Pierre Carton