Plus globalement, je considère que notre participation au financement des instruments multilatéraux est essentielle, car elle permet à la France de tenir ses engagements tout en préservant sa capacité d'influence dans les différentes enceintes internationales.
Toutefois, et ce sera mon deuxième commentaire, la part croissante de l'aide multilatérale dans notre effort d'APD – environ 25 % au total – nécessite une vigilance accrue sur l'utilisation des fonds qui sont alloués. Notre rapporteure l'a rappelé, la Commission européenne recourt de manière croissante à l'aide budgétaire globale et entend, dans le cadre du dixième FED, allouer 50 % de l'aide aux pays ACP sous cette forme. Cet instrument a permis à la Commission d'augmenter ses décaissements de manière spectaculaire et de répondre ainsi à ses détracteurs qui lui reprochaient de « dormir sur un tas d'or ». De fait, l'aide budgétaire globale respecte les priorités nationales de développement du pays bénéficiaire, pour un coût de gestion moindre. En revanche, certains regrettent que cette forme d'aide soit trop peu visible, contrairement à la mise en oeuvre de projets, qui permet d'afficher l'origine des fonds utilisés. Pour ma part, je considère que l'aide budgétaire globale représente un outil responsabilisant et moderne, qui répond aux objectifs d'appropriation et de bonne gouvernance, à condition d'être entourée des contrôles adéquats.
En ce qui concerne plus particulièrement les deux projets de loi que nous examinons aujourd'hui, je sais que la notion de « bonne gestion des affaires publiques » est inscrite dans l'accord de Cotonou, dont l'article 97 prévoit que les « cas graves de corruption » peuvent conduire à une suspension de l'aide. J'aimerais cependant que vous nous précisiez, monsieur le secrétaire d'État, les modalités concrètes de mise en oeuvre de cette procédure, ainsi que les cas dans lesquels elle a pu être utilisée.
J'ajoute que l'accord de Cotonou prévoit également, dans son article 96, une procédure de suspension de l'aide en cas de violation des droits de l'homme et des principes démocratiques. Par le passé, les États parties à l'accord ont eu recours à cette procédure dans une dizaine de cas et il semblerait, qu'à ce jour, seul le Zimbabwe reste sous le coup de sanctions européennes.
Sauf erreur de ma part, l'accord révisé de Cotonou prévoit de multiplier les consultations et d' « épuiser toutes les possibilités de dialogue » avant de recourir à des mesures appropriées, notamment à une suspension de l'aide. Là encore, monsieur le secrétaire d'État, il me paraît souhaitable de préciser les conditions de mise en oeuvre de cette procédure ainsi que l'usage qui pourra en être fait à l'avenir, compte tenu des modifications apportées par l'accord révisé.
Toujours en lien avec cette logique du résultat, la Commission européenne réfléchit également, me semble-t-il, à l'idée de contractualiser certains objectifs du Millénaire pour le développement afin d'articuler la prévisibilité de l'aide à la réalisation de ces objectifs. Le système envisagé serait ainsi proche de celui de l'aide budgétaire, moyennant un affinement des critères. Savez-vous, monsieur le secrétaire d'État, où en est la réflexion de la Commission à ce sujet ?
Enfin, je souhaiterais prolonger la question de Mme Henriette Martinez sur la complémentarité de l'action de la Commission européenne avec celle de la coopération française. L'Union européenne – c'est-à-dire la Commission européenne et les États membres – est le premier bailleur de fonds des pays en développement, avec près de 56,6 % du total mondial de l'aide publique au développement. Au sein de cette enveloppe, l'aide communautaire représente une part croissante de l'effort de l'Union européenne, passant de 6,5 milliards d'euros en 2002 à 9,8 milliards d'euros en 2006. Cette place prépondérante appelle une coordination d'autant plus étroite entre la Commission et les États membres, à l'échelle mondiale.
En ce qui concerne la définition des politiques de développement, le Consensus européen pour le développement de 2005 réaffirme le principe de complémentarité tandis que la programmation et la mise en oeuvre de l'aide ont fait l'objet d'un code de conduite sur la complémentarité et la division du travail, adopté par le Conseil européen le 15 mai dernier. Ces efforts me paraissent aller dans le bon sens.
La présidence française de l'Union européenne coïncidera avec deux rendez-vous internationaux majeurs, l'un, à Accra, en septembre 2008, visant à établir un premier bilan de la déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide, l'autre, à Doha, fin 2008, sur le financement du développement. Le Parlement ne peut naturellement rester à l'écart de ces réflexions. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que le groupe de suivi sur la présidence française, qui a été institué au sein de la commission des Affaires étrangères, puisse être régulièrement informé de l'état d'avancement de ces réflexions ainsi que des premiers résultats des efforts engagés visant à assurer une meilleure coordination.
Je ne doute pas que vous aurez à coeur d'associer notre assemblée au suivi de ces travaux afin que nous puissions disposer d'une vue d'ensemble portant sur l'effort de notre pays en faveur de l'aide publique au développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)