Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Henriette Martinez

Réunion du 20 novembre 2007 à 15h00
Accord de cotonou sur le partenariat acp-ce — Discussion de projets de loi adoptés par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenriette Martinez, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme vous le savez, les relations entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, les pays ACP, sont anciennes et étroites. Depuis les deux premières conventions de Yaoundé, puis les quatre conventions de Lomé, ces relations s'inscrivent dans le cadre d'un partenariat global qui met l'accent à la fois sur l'aide au développement et la coopération économique et commerciale.

L'accord de Cotonou a pris la relève de ces conventions en 2000, date à laquelle il a été signé pour une durée de vingt ans. Cet accord contient une clause de révision quinquennale dont la mise en oeuvre a conduit à l'adoption, le 25 juin 2005, de l'accord modifié qui nous est soumis aujourd'hui.

L'accord de Cotonou a pour finalité de « promouvoir et d'accélérer le développement économique, culturel et social des États ACP, de contribuer à la paix et à la sécurité et de promouvoir un environnement politique stable et démocratique ».

Dans cette perspective, il repose sur trois grands volets : le dialogue politique, des préférences commerciales et un programme d'aide publique au développement.

La dimension politique de l'accord est incontestablement renforcée par la première révision quinquennale de 2005. Celle-ci prévoit en effet un rôle accru des acteurs locaux. L'objectif est d'éviter une concentration par les autorités publiques de la mise en oeuvre des projets financés dans le cadre de l'accord, et de renforcer, dans le même temps, les capacités de la société civile. Par ailleurs, l'accord révisé contient désormais une référence à la Cour pénale internationale, qui permet d'affirmer le refus commun aux États parties de toute impunité des crimes contre l'humanité. L'accord modifié comporte également deux dispositions : l'une, confirmant l'engagement des partenaires dans la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme ; l'autre, relative à la prévention des activités des mercenaires. Enfin, la révision de 2005 a permis d'élargir l'accord de Cotonou aux questions de sécurité, en introduisant une référence à la coopération en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive.

En matière d'aide au développement, la première révision quinquennale a apporté une série de modifications aux stratégies sectorielles de développement en accentuant notamment la référence aux OMD, les objectifs du millénaire pour le développement. Je note également avec satisfaction qu'une référence spécifique à la lutte contre les maladies liées à la pauvreté, à la protection de la santé sexuelle et reproductive, ainsi qu'à la promotion des droits des femmes dans les secteurs sociaux, a été introduite dans l'accord. Il me paraît essentiel que cette dimension se traduise par des retombées concrètes dans la politique européenne de coopération. J'aurai l'occasion d'y revenir. L'accord révisé que nous examinons vise par ailleurs à promouvoir une plus grande flexibilité de l'aide. C'est ainsi que les conditions de mise en oeuvre de la facilité d'investissement, gérée par la BEI, la Banque européenne d'investissement, ont été assouplies. Dans le cas des pays concernés par l'initiative en faveur des PPTE, les pays pauvres très endettés, la BEI doit désormais proposer des taux permettant de limiter les risques d'un nouveau surendettement. Enfin, la révision de 2005 a conduit à un assouplissement des procédures d'éligibilité aux ressources du Fonds européen de développement en faveur des parlements nationaux, des acteurs non étatiques, des collectivités locales et des États non-membres du groupe d'États ACP, lorsqu'une initiative commune est envisagée.

Le troisième volet de l'accord de Cotonou, qui n'est pas concerné par la révision de 2005, fait l'objet de négociations difficiles, dont les échéances sont imminentes. Il s'agit du volet commercial du partenariat entre l'Union européenne et les pays ACP. Je rappelle que l'accord de Cotonou a mis fin au régime des préférences commerciales non réciproques et prévoit la mise en place, à partir du 1er janvier 2008, d'accords de partenariat économique. À l'heure actuelle, les négociations ont pris beaucoup de retard, alors que la dérogation dont bénéficie le régime des préférences commerciales en faveur des pays ACP expire à la fin de l'année. Je souligne simplement qu'il me paraît important que ces négociations privilégient, comme notre pays l'a recommandé en début d'année, une ouverture des marchés la plus asymétrique possible, ainsi qu'une période de transition bien supérieure au droit commun. J'ajoute que des mesures d'accompagnement substantielles sont absolument nécessaires dans l'intérêt des pays ACP.

J'en viens maintenant au deuxième texte qui nous est soumis : l'accord interne entre les États membres de l'Union européenne, qui institue le dixième fonds européen de développement. Le FED est le principal instrument financier de la coopération européenne avec les pays ACP, ainsi qu'avec les pays et territoires d'outre-mer. Il s'agit d'un instrument tout à fait original dans le dispositif communautaire pour trois motifs principaux.

En premier lieu, il relève d'une logique intergouvernementale. Il est en effet alimenté par des contributions volontaires des États membres, négociées tous les cinq ans, dans le cadre d'accords intergouvernementaux. Il n'est donc pas intégré dans le budget de l'Union européenne et échappe, de ce fait, au contrôle du Parlement européen. Depuis de nombreuses années, notre pays est favorable à sa budgétisation, mais cette option ne pourra être évoquée à nouveau que lors de la négociation des prochaines perspectives financières de l'Union pour 2014-2020.

En second lieu, le FED mobilise des ressources financières importantes. L'enveloppe du neuvième FED s'est en effet élevée à 13,8 milliards d'euros, tandis que celle du dixième devrait atteindre 22,6 milliards d'euros. Ce montant prend en compte l'allongement de cinq à six ans de période de référence, ainsi que de la croissance, de l'inflation, et de l'élargissement de l'Union européenne. Il s'agit de montants significatifs : ramenée à notre effort d'aide publique au développement, la part de la contribution française au FED a représenté près de 8 % de notre aide totale en 2005 et 2006.

Enfin, le FED obéit à des mécanismes partenariaux inscrits dans l'accord de Cotonou, dont il ne constitue qu'un des volets.

Comme vous le savez, la gestion du FED a fait l'objet de vives critiques en raison de sa complexité et, surtout, du faible rythme de ses décaissements. Depuis 2000 et la réforme du dispositif de l'aide communautaire, le rythme de ses paiements s'est amélioré pour trois raisons principales : la déconcentration des compétences vers les délégations de la Commission européenne sur le terrain ; un recours accru à l'aide budgétaire, l'objectif de la Commission étant de parvenir à 50 % de l'aide sous cette forme ; enfin, l'obligation d'engager tout le budget du neuvième FED avant le 31 décembre 2007 – il s'agit de la clause dite « de couperet ».

Grâce à ces efforts, la Commission est parvenue à réduire progressivement la durée moyenne d'exécution des opérations financées. Les décaissements ont ainsi progressé, passant de 1,8 milliard d'euros à 2,8 milliards d'euros par an entre 2001 et 2006. Cette amélioration a naturellement un fort impact sur la contribution française, dont la hausse modifie sensiblement la structure de notre aide. Notre contribution au FED est passée d'environ 300 millions d'euros dans les années quatre-vingt-dix à 654 millions d'euros en 2006.

L'accord interne que nous examinons fixe le montant du dixième FED, ainsi que des contributions financières des États membres, sur la période de sa mise en oeuvre. Dans le cadre de cette nouvelle programmation, la contribution de la France s'élèvera à 4,43 milliards d'euros, soit une contribution moyenne annuelle de 739 millions d'euros. Si la France est parvenue à diminuer significativement – de 24,3 % à 19,55 % – son taux de contribution par rapport au neuvième FED, elle reste le premier État membre surcontributeur par rapport à sa clé de financement au budget général. À cet égard, permettez-moi de souligner que les appels à contribution portent, pour l'instant, sur l'enveloppe du neuvième FED, qui ne sera épuisée qu'à la moitié de 2011. La clé de contribution en vigueur restera donc de 24,3 % jusqu'à cette date ; l'enveloppe du dixième FED prendra ensuite le relais. Cette progression des appels à contribution au FED constitue un véritable défi budgétaire.

Cependant, monsieur le secrétaire d'État, j'appelle votre attention sur la nécessité qu'elle ne se fasse pas au détriment de nos autres engagements en faveur du développement, en particulier des moyens de notre aide bilatérale. Il me paraît également important de veiller à une meilleure complémentarité de l'action de la Commission européenne et de la coopération française. Enfin, il me semble que les moyens du FED pourraient être davantage concentrés sur des actions visant à promouvoir la santé, en particulier celle des femmes et des enfants, ainsi que sur l'éducation de base. Sur ces trois aspects, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les orientations privilégiées par le Gouvernement ?

Cela étant, je vous invite, mes chers collègues, à la suite de la commission des affaires étrangères, à voter ces deux projets de loi, qui contribuent à approfondir la coopération européenne en faveur des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion