Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs, je profite de ce débat pour sensibiliser une nouvelle fois le Gouvernement sur les conséquences pour la Guadeloupe, et d'une manière générale pour les régions de l'outre-mer, de la modification du volet commercial de l'accord de Cotonou.
La Guadeloupe, située dans la Caraïbe, se trouve à proximité de pays avec lesquels l'Union européenne négocie des accords de partenariat économique, qui instaureront une relation contractuelle en conformité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce, et notamment avec le principe du libre-échange.
Vous comprendrez bien que l'enjeu pour les départements d'outre-mer est capital, car ce sont leurs marchés qui seront atteints les premiers, et de plein fouet.
L'enjeu est capital, car, je vous rappelle la vulnérabilité de nos micro-marchés insulaires face à la concurrence de pays voisins, dont les coûts de production ne sont en rien comparables aux nôtres.
L'enjeu est capital car sans prise en compte des spécificités des filières agricoles et commerciales des départements d'outre-mer, c'est toute l'économie de ces régions françaises qui sera déstabilisée.
C'est aussi toute la cohérence du soutien communautaire au développement des filières agricoles des départements d'outre-mer qui est ici mise à mal.
La filière canne-sucre de la Guadeloupe en est un exemple criant. Sa spécificité a toujours été prise en compte dans le cadre communautaire, pour répondre à la logique du développement et préserver le marché local. Des dispositifs permettent ainsi de protéger le sucre de canne et autres produits des régions françaises.
Aussi, leur non-reconduction dans le cadre des accords de partenariat pourrait se traduire pour notre archipel par une disparition immédiate de 8 000 tonnes de débouchés commerciaux. Il en va de même des 5 000 tonnes de débouchés pour la Martinique. La perte pour la Réunion se chiffrerait à 16 000 tonnes.
Au total, ce sont les 30 000 tonnes de débouchés commerciaux des DOM qui seraient dissous. Cette situation semblait avoir été comprise en 2005, il y a à peine deux ans.
Le 7 novembre 2007, j'informais M. le ministre de l'agriculture de l'inquiétude de la profession quant aux conséquences de l'ouverture des marchés locaux des DOM au sucre des pays ACP et PMA, dans le cadre des négociations des APE.
Aujourd'hui, la volonté de la Commission européenne de conforter les filières de diversification et de revoir une période transitoire négociée à la baisse ne rassure nullement les professionnels. Car il semble qu'aucune garantie n'ait été apportée.
Il est capital d'éviter la mise en sursis, et je dirai même la mise à mort, de la filière canne-sucre des DOM, en soutenant et en obtenant durablement la clause tarifaire au titre des importations sur leur territoire. Tout autre mécanisme ne permettra pas le maintien durable de ce secteur.
Monsieur le secrétaire d'État, la ratification de la modification de l'accord de Cotonou pose plus généralement le problème de la reconnaissance des spécificités des régions ultrapériphériques.
Il semble qu'il soit de plus en plus difficile de les défendre, alors qu'elles ont été inscrites dans le marbre du traité européen. Le décalage entre les préoccupations de la Commission européenne et celle des DOM semble se creuser. Les problématiques des régions ultrapériphériques sont traitées à la marge. Il importe aujourd'hui de se poser la question de la pérennité des dispositifs essentiels au développement économique des régions françaises qui pourraient être des ponts-avant dans la Caraïbe.
J'appelle aussi votre attention sur l'octroi de mer. Les présidents de chambre de commerce ont envoyé à ce sujet une motion à tous les députés, car l'octroi de mer est une taxe interne qui permet aux entreprises de compenser les surcoûts et les handicaps structurels. Il importe que ce dispositif ne soit pas remis en cause – vous venez d'indiquer, monsieur le secrétaire d'État, que tel ne serait pas le cas – face au risque d'un éventuel alignement des taxes internes appliquées aux produits ACP importés et aux produits locaux identiques.
Si la libéralisation des échanges est un enjeu pour les pays ACP, elle ne doit pas se faire au total détriment des régions ultrapériphériques, qui sont partie intégrante de la République française, c'est-à-dire des DOM.
Mon souci premier est, monsieur le secrétaire d'État, que vous preniez en compte les réalités de nos régions, que vous fassiez entendre la voix des représentants de la filière canne-sucre et de la filière banane des DOM, qui souhaitent le maintien durable des dispositions existantes et l'introduction d'une clause d'exception dans la négociation des accords de partenariat économique. C'est à cette seule condition que je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)