Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Martine Aurillac

Réunion du 20 novembre 2007 à 15h00
Accord de cotonou sur le partenariat acp-ce — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Aurillac :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre rapporteure, Mme Henriette Martinez, l'a clairement exposé : les deux textes que nous examinons aujourd'hui portent sur la première révision quinquennale de l'accord de Cotonou ainsi que sur la mise en place du 10e FED, mais n'abordent pas directement le volet commercial du partenariat entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. C'est cependant sur ce volet, monsieur le secrétaire d'État, que je voudrais insister, car il fait actuellement l'objet de négociations difficiles et de prises de position fermes – notamment celle du président du Sénégal, M. Abdoulaye Wade, dont nous avons lu avec beaucoup d'intérêt dans Le Monde du 16 novembre dernier –, et sur lesquelles il me paraît important et utile d'apporter un certain nombre de précisions.

Comme vous le savez, l'accord de Cotonou, signé en 2000, prévoit, à partir du 1er janvier 2008, la mise en place d'« accords de partenariat économique », les APE, entre l'Europe et six sous-ensembles régionaux, constitués au sein du groupe des États ACP.

Cette division en six régions a été décidée, d'un commun accord, en octobre 2003, afin de prendre en compte la réalité de niveaux d'intégration et de développement très différents entre les pays du groupe ACP.

Cette approche pragmatique ne vise absolument pas à affaiblir les efforts d'intégration régionale en Afrique, mais bien au contraire à les renforcer en vue de favoriser l'insertion effective des économies du Sud dans les échanges mondiaux.

Cette première observation me conduit à rappeler que le constat d'échec des régimes de préférences tarifaires non réciproques, mis en place par les conventions de Yaoundé puis de Lomé, est aujourd'hui – malheureusement ! – largement partagé. Le bilan de ces conventions fait en effet apparaître trois résultats relevant d'un paradoxe que je n'hésiterai pas à qualifier d'insupportable : tout d'abord, une marginalisation des pays ACP dans le commerce mondial ; ensuite, le maintien d'une dépendance complète vis-à-vis des produits primaires et l'absence de diversification des produits exportés ; enfin, le maintien d'une dépendance vis-à-vis du marché européen, par ailleurs de moins en moins demandeur des produits en provenance des ACP.

Face à ce bilan plus que mitigé, la portée des négociations en cours visant à la conclusion d'accords de libre-échange mérite d'être clarifiée.

Permettez-moi tout d'abord d'insister sur le fait que la libéralisation des échanges ne sera ni totale, ni immédiate : certains produits resteront protégés – il s'agit des produits dits « sensibles » – car ils sont stratégiques pour les économies des pays ACP, ou seront libéralisés plus tard, quand les filières seront plus compétitives et pourront affronter la concurrence européenne. En outre, le processus de libéralisation prend en compte les inégalités des termes de l'échange, en instituant de nombreuses dérogations, comme l'aménagement de longues périodes de transition, qui sont indispensables. Je rejoins sur ce point la position de notre rapporteure.

Je veux également souligner que l'Union européenne, fidèle au partenariat avec les pays ACP, entend naturellement accompagner les réformes nécessaires à l'ouverture des économies du Sud. L'un des principaux défis que ces économies ont à relever réside notamment dans la diminution des recettes douanières, qui implique la conversion d'une « fiscalité de porte » en une « fiscalité intérieure ». L'Union européenne propose, pendant la période de transition, un volet d' « accompagnement », qui devrait permettre des investissements importants en faveur des petites et moyennes entreprises, ainsi que des exploitations agricoles, via des actions de formation ou de modernisation des infrastructures, par exemple.

Dans une tribune commune parue le 26 octobre dernier dans le quotidien Libération, Peter Mandelson et Louis Michel, commissaires européens chargés respectivement du commerce et du développement, ont précisé que les dépenses consacrées par l'Europe à l'aide au commerce devraient passer à 2 milliards d'euros par an, « la priorité allant aux mesures qui contribuent à la mise en oeuvre d'accords de partenariat économique ».

Cette décision démontre que les négociations engagées en vue de parvenir à la conclusion d'« accords de partenariat économique » ne visent évidemment en rien à déstabiliser les structures économiques du Sud, mais, tout au contraire, à tirer les enseignements du passé et à réfléchir ensemble aux moyens de les renforcer efficacement et durablement. J'ajoute que ces négociations s'inscrivent dans le cadre d'un partenariat ancien et étroit, qui privilégie aussi bien le dialogue politique que l'aide au développement afin de prendre en compte l'ensemble des problématiques auxquelles les pays ACP doivent faire face.

Je souhaite également mettre l'accent sur l'instrument financier principal de l'accord de Cotonou, le Fonds européen de développement, créé en 1957 à l'initiative de la France, et qui fait l'objet du deuxième accord soumis à notre approbation.

Outre nos contributions multilatérales, que le président Axel Poniatowski a largement évoquées, et hormis les fonds prélevés sur budget communautaire, c'est en effet par le FED que transite l'essentiel de la coopération européenne avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Les engagements pris dans le cadre de l'accord de Cotonou sont donc mis en oeuvre à travers le FED, qui fait l'objet de négociations intergouvernementales quinquennales.

Sur la période 2000-2007, l'enveloppe du 9e FED s'élève à plus de 13 milliards d'euros, 13,8 milliards d'euros pour être précis. En 2006, les crédits du FED ont principalement été engagés dans le secteur de l'éducation, de la santé et des équipements d'assainissement de base, avec un montant en hausse de 1,16 milliard d'euros.

Le budget du 10e FED s'élèvera à 22,682 milliards d'euros pour la période 2008-2013, soit 0,03 % du PIB européen. Par rapport au 9e FED, ce montant tient compte du passage d'une période de cinq à six ans, de la croissance, de l'inflation, ainsi que de l'élargissement de l'Union européenne.

Au cours des négociations intergouvernementales, la France a obtenu le maintien du financement des pays et territoires d'outre-mer, qui s'élèvera à 286 millions d'euros, en ramenant la contribution française à environ 20 %, comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État.

Cette contribution au 10e FED devrait s'élever à 4,4 milliards d'euros, soit une contribution moyenne annuelle de 739 millions d'euros.

L'accord interne instituant le 10e FED, qui nous est soumis aujourd'hui, témoigne de la permanence de l'engagement de l'Europe en faveur de ce partenariat. C'est la raison pour laquelle je souhaite que les négociations commerciales en cours, loin de la masquer, puissent rétablir la véritable portée de ce partenariat, auquel la France est attachée de longue date, et qui constitue un cadre, unique au monde, de dialogue et de coopération entre États.

Sous le bénéfice de ces observations, le groupe UMP votera bien entendu pour la ratification de ces deux accords. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion