commission Élargie
(Application de l'article 120 du Règlement)
Mardi 25 octobre 2011
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.
projet de loi de finances pour 2012
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ; Développement agricole et rural
Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche , de la ruralité et de l'aménagement du territoire, je suis heureux, avec M. Serge Poignant, président de la Commission des affaires économiques, de vous accueillir. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2012.
Comme vous le savez, la procédure de la commission élargie est destinée à permettre de privilégier les échanges entre les ministres et les députés et, pour cela, de donner toute la place, non pas aux exposés mais aux questions et, naturellement, aux réponses que vous y apporterez.
Cette année, les débats seront chronométrés afin de respecter la durée préalablement arrêtée par la conférence des présidents. Pour la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », le temps de parole total a été fixé à trois heures trente. Je rappelle à nos collègues que le temps de parole des rapporteurs a également été limité à cinq minutes pour poser leurs questions, et celui des autres députés à deux minutes. Les auteurs de questions disposeront le cas échéant d'un droit de suite en cas de réponse incomplète.
Le caractère stratégique et géopolitique de l'agriculture s'est imposé cette année au coeur du paysage européen et mondial. Comme les autres, monsieur le ministre, votre ministère est soumis à l'obligation de réduction de la dépense publique. De quelles marges de manoeuvre disposez-vous pour accompagner les mutations qui s'imposent ?
, rapporteur spécial pour les politiques de l'agriculture et le développement agricole et rural. Avec 3,1 milliards d'euros, le budget de la mission « Agriculture » pour 2012 est, comme le montre le rapport spécial, d'une très grande stabilité. Du fait de l'inflation, cependant, cette stabilité équivaut à une baisse. Les efforts réalisés ces dernières années font néanmoins du ministère de l'agriculture un modèle en matière de respect de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de réorganisation.
Je poserai six questions précises.
Tout d'abord, depuis le dépôt du présent projet de loi de finances, il a été décidé de réaliser 1 milliard d'euros d'économies supplémentaires. La part du ministère de l'agriculture dans ces économies sera de 26 millions d'euros au total, dont 22 millions d'euros pour la mission « Agriculture » – la politique des territoires et l'enseignement scolaire y contribuant respectivement pour 3 millions et 1 million d'euros.
Comment comptez-vous répartir les 22 millions d'euros sur un budget déjà calculé au plus serré ? Compte tenu des efforts déjà réalisés ces dernières années, des économies sont-elles encore possibles ? Le ministère de l'agriculture ne sera-t-il pas amené à abandonner certaines missions au profit de nouvelles ?
En deuxième lieu, notre assemblée a adopté une taxe sur les boissons sucrées qui a permis de dégager une marge de manoeuvre nécessaire pour financer la baisse générale des charges sur les salariés permanents en agriculture. Cette mesure, chiffrée à 210 millions d'euros, a été annoncée par le Président de la République à Aubusson en octobre dernier et sera applicable en 2012 – un amendement sera d'ailleurs déposé en ce sens après la présente réunion.
Vos services ont-ils déjà chiffré les retombées potentielles, en termes d'activité et d'emploi, de cette mesure très importante pour notre compétitivité ? Pensez-vous que cela suffira à combler l'écart de compétitivité de notre pays, en particulier dans le secteur des fruits et légumes, avec les pays d'Europe du Sud et l'Allemagne ? Pouvez-vous nous donner des précisions encourageantes quant à cette mesure offensive qui est dans le budget de votre ministère le principal point de différence par rapport à l'année dernière ?
En troisième lieu, nous devons adopter un taux d'augmentation de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti, couramment appelée « taxe pour frais de chambres d'agriculture ». Les chambres d'agriculture ont demandé cette année un effort particulier car elles doivent continuer à assumer des transferts de charges et de fonctions à la demande de l'État. Elles doivent aussi réaliser des efforts qui supposent des investissements supplémentaires temporaires dans le cadre de la RGPP (révision générale des politiques publiques) – car, pour économiser à terme, il faut d'abord investir. Elles doivent encore organiser leurs élections l'année prochaine. Tout le monde s'accorde sur une augmentation de 0,45 %, mais quel taux le ministère et Bercy souhaitent-ils atteindre ? J'ai moi-même proposé 1,75 % alors que les chambres d'agriculture demandaient 2,25 % ? Quel est votre sentiment ?
En quatrième lieu, alors que le budget prévoit une subvention supplémentaire de 46 millions d'euros pour l'ONF (Office national des forêts), j'ai pour ma part calculé un montant de 39 millions d'euros. Pourriez-vous nous donner des précisions à cet égard ?
Je souhaiterais également connaître votre sentiment sur le montant de 2 euros par hectare prévu dans le cadre des efforts réalisés en partenariat avec la Fédération des communes forestières, au titre d'un contrat d'objectifs signé avec l'ONF, qui permet d'augmenter significativement la collecte de bois dans les forêts communales. Ce budget, qui représente un tournant, rend à l'ONF des perspectives et de la stabilité, mais il appelle quelques précisions.
Où en sont, par ailleurs, les négociations entre la France et ses partenaires, ainsi qu'entre les pays européens et la Commission européenne, sur la préparation de la nouvelle PAC (politique agricole commune), pour laquelle la Commission a formulé des propositions. Il importe de répondre à l'incertitude et aux inquiétudes du monde professionnel.
Pour ce qui concerne enfin l'industrie agroalimentaire, on observe chaque année un tassement des crédits et une dégradation de notre solde commercial et de notre position d'exportation, alors que notre pays était champion voilà encore quelques années. Comment le Gouvernement entend-il réagir face à cette évolution négative – notamment par rapport à l'Allemagne, qui nous a largement dépassés ?
, rapporteur spécial pour la sécurité alimentaire. Au cours des dix dernières années, la nutrition et l'alimentation sont devenues un enjeu de santé publique majeur. À la suite de nombreuses crises sanitaires, la traçabilité des aliments est devenue une exigence partagée. Les crédits demandés s'élèvent à 494 millions d'euros, ce qui correspond à 0,13 % des dépenses de l'État. C'est le prix à payer pour une alimentation sûre et saine.
Guidé par la révision générale des politiques publiques, cet approfondissement du mouvement engagé vers un État plus efficient est indispensable et il faut demeurer intransigeant. La Direction générale de l'alimentation s'emploie avec efficacité à concilier les compressions de personnel avec l'accroissement du volume de ses missions. Des coupes supplémentaires ne risquent-elles pas d'entamer l'exercice de ses fonctions régaliennes ?
De fait, l'épidémie due à la bactérie Escherichia coli O104 : H4, qui s'est répandue en Allemagne et en France en mai et en juin 2011, a provoqué près de cinquante décès en Allemagne et touché plusieurs milliers de personnes. En France, cette crise a été gérée avec sang-froid et professionnalisme et il importe d'en tirer des enseignements.
D'abord, la dimension européenne de l'événement a fait prendre conscience à nos concitoyens du degré d'interpénétration qui existe entre les circuits alimentaires nationaux à l'intérieur de l'Union européenne, mais aussi par-delà ses frontières communes. Les premiers soupçons se sont en effet portés en Allemagne sur des importations espagnoles et une piste égyptienne serait aujourd'hui privilégiée.
Je voudrais attirer une fois de plus votre attention sur le problème des importations en provenance de pays tiers à l'Union européenne, sur lequel j'ai déjà insisté l'année dernière. La surveillance des frontières extérieures dans le domaine de la sécurité alimentaire ne me paraît pas avoir encore atteint le niveau optimal. Aucun de nos concitoyens ne veut d'une Europe à la carte dans ce domaine. Il est urgent que l'Union européenne impose une harmonisation des critères de contrôle à l'importation aux frontières. Les producteurs français sont soumis à des obligations très strictes. Il faut maintenant qu'il en aille de même pour les importations.
Comment l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) peut-elle peser au sein du réseau des agences sanitaires européennes pour que le même niveau d'exigence soit toujours respecté ?
L'autre leçon de la crise de l'Escherichia coli porte sur la nature des produits alimentaires pouvant être à l'origine des crises sanitaires. Contrairement à certaines idées reçues répandues chez les consommateurs, des végétaux, en l'occurrence très certainement des graines germées, peuvent être aussi à l'origine d'intoxications alimentaires très graves. Il faut regretter à ce sujet que les mêmes services ne soient pas toujours compétents pour contrôler les denrées alimentaires, selon qu'elles sont d'origine animale ou végétale.
Alors qu'au début du mois, les débats sur le projet de loi de protection du consommateur ont laissé émerger dans notre assemblée l'idée que la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) ne remplissait peut-être plus toujours l'ensemble de ses attributions correctement, ne faudrait-il pas la décharger partiellement et confier à la Direction générale de l'alimentation la surveillance de l'ensemble de la chaîne alimentaire, de la fourche à la fourchette, c'est-à-dire de la production à la commercialisation, qu'il s'agisse d'aliments d'origine végétale ou d'origine animale ? Une direction unique de la sécurité alimentaire devrait voir le jour et garantirait une organisation centralisée et plus efficiente du contrôle des denrées alimentaires. C'est une proposition que j'avais déjà formulée l'an dernier, mais ce projet me semble plus que jamais d'actualité.
Enfin, il me semble que l'ANSES ne pourrait qu'éclairer le législateur lors de l'examen de textes tels que la récente proposition de loi visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.
Ne pensez-vous pas que les assemblées parlementaires devraient pouvoir saisir l'ANSES, comme elles saisissent la Cour des comptes, pour les assister dans l'exercice de leur fonction financière ?
Enfin, j'ai abordé dans mon rapport l'opération « Un fruit à la récré », dont l'importance peut paraître anecdotique, mais qui révèle en réalité un vrai blocage dans l'application des textes dès que la coopération ne joue pas pleinement au niveau interministériel. Il s'agit d'assurer, avec les collectivités territoriales volontaires, la distribution de fruits dans les écoles et les centres de loisirs associés à l'école, avec un accompagnement pédagogique. Ce programme de distribution, mis en place à titre expérimental depuis la rentrée de 2008, puis étendu à l'ensemble du primaire en 2009, a été généralisé en 2010 à tous les collèges et lycées. En revanche, la collation du matin est supprimée dans de nombreuses écoles. Les dernières mesures de lutte contre l'obésité requerraient pourtant d'agir contre le grignotage, et cela peut sembler remettre en cause l'opération.
À quel niveau, monsieur le ministre, vos services peuvent-ils coopérer le plus efficacement avec ceux de l'éducation nationale pour que le bon sens l'emporte dans l'application des textes ? Ceux-ci doivent en effet, me semble-t-il, pouvoir supporter des adaptations dans la pratique, ainsi qu'une prise en compte des spécificités locales.
rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques. Les crédits en faveur de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 affichent, avec 3,5 milliards d'euros, une grande stabilité, respectant en cela les plafonds du budget triennal portant sur la période 2011-2013. Il faut saluer le fait qu'en ces temps difficiles le Gouvernement donne les moyens à l'agriculture française de relever le défi agricole mondial qui l'attend.
Un certain nombre de priorités retenues par le ministre de l'agriculture contribuent à soutenir le revenu des agriculteurs. En contrepartie, puisque nous évoluons dans un cadre budgétaire contraint, les principales dépenses de fonctionnement de l'administration et des établissements publics subissent une réduction de 7,5 % par rapport à 2010, conformément à l'objectif de maîtrise des dépenses publiques décidé par le Gouvernement.
Ces priorités illustrent la nécessité d'apporter des solutions à la situation économique compliquée de certaines filières, mais aussi celle de renforcer la compétitivité de l'agriculture française. Je citerai seulement deux exemples qui me tiennent particulièrement à coeur : le maintien des plans stratégiques de développement des filières, avec 60 millions d'euros en 2012, qui permettent notamment de financer la modernisation des bâtiments d'élevage, et la stabilité des compléments nationaux aux soutiens communautaires, avec 17 millions d'euros pour la prime herbagère agroenvironnementale, 248 millions d'euros pour les indemnités compensatoires de handicaps naturels et 165 millions d'euros pour la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante.
Je pourrais aussi évoquer l'importance de la sanctuarisation des crédits en faveur de l'installation des jeunes agriculteurs, avec 167 millions d'euros, auxquels s'ajoutent les retours communautaires pour atteindre un total de 350 millions d'euros, ou de la reconduction des mesures d'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale des travailleurs occasionnels du secteur agricole, pour un montant de 490 millions d'euros.
Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, ce budget est très fortement consacré à des allégements de charges destinés à surmonter la crise et à renforcer la compétitivité de nos agriculteurs face à la concurrence européenne et mondiale.
Conformément à l'engagement pris par le Premier ministre voici quelques jours lors du congrès de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles), à Saint-Malo, les cotisations sociales sur les salariés permanents des exploitations agricoles vont être réduites de 210 millions d'euros afin d'« améliorer leur compétitivité ». Cette mesure sera financée par une taxe sur les sodas et une réduction de l'avantage fiscal sur le fioul domestique. Pouvez-vous nous présenter plus avant l'économie de ce dispositif très attendu par nos agriculteurs ?
Nous avons par ailleurs eu connaissance, après la publication du projet annuel de performance, d'un « rabot » de 22 millions d'euros sur le budget de la mission. Nous avons sous les yeux la répartition des différents postes affectés, mais je souhaiterais connaître les raisons qui vous ont conduit à réduire ces dépenses plutôt que d'autres.
La sécheresse de ce printemps et de cet été a durement touché les exploitants agricoles, notamment les éleveurs, qui manquent de fourrage pour leurs bêtes. Dans des départements comme le mien, la Lozère, cela représente parfois plus de 50 % de pertes par exploitation. Plusieurs mesures ont été annoncées par le Président de la République et par vous-même pour leur venir en aide et l'ensemble des services de l'État se sont mobilisés. Ces dispositions se sont traduites en propre par une dotation de 200 millions d'euros du Fonds national de gestion des risques en agriculture pour permettre le versement d'une avance aux agriculteurs, par l'aménagement des échéances de prêts contractés par les éleveurs ou par le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti pour les agriculteurs situés dans les zones sinistrées.
Il fallait avant tout gérer l'urgence, et vous l'avez fait. Malgré ces dispositions, certains agriculteurs dont les exploitations ont été touchées par cette sécheresse sont dans une situation extrêmement difficile. À l'heure actuelle, seul le versement d'une aide rapide et à la hauteur des pertes subies permettra de sauver ces exploitations. Que pouvez-vous nous en dire ?
Plus largement, plusieurs études parues récemment s'accordent sur le fait que des événements climatiques tels que celui que nous avons connu cette année sont amenés à se répéter. En une décennie, certaines régions ont connu sept années de sécheresse. Celle-ci n'est plus un événement exceptionnel, mais elle devient un fait ordinaire. Quelles mesures, notamment budgétaires, peuvent-elles être prises afin de prévenir ces crises plutôt que de les subir ? Ne pourraient-elles pas s'inscrire par exemple dans des mesures liées aux handicaps naturels, qui prévoient déjà les zones sèches ?
Pourriez-vous en outre nous éclairer sur les raisons qui ont présidé à la décision de consentir cette année un effort exceptionnel de 46 millions d'euros en faveur de l'Office national des forêts ?
Enfin, malgré les efforts que vous avez déployés afin d'assurer la pérennité du Programme européen d'aide aux plus démunis, les discussions semblent aujourd'hui dans l'impasse. Si aucune solution européenne ne pouvait être trouvée, quel serait l'impact de la renationalisation de ce dispositif sur le budget français ?
La France, qui était numéro un en termes de compétitivité de l'industrie agroalimentaire, se classe désormais au troisième rang, derrière l'Allemagne et les Pays-Bas. Quelles sont les perspectives en la matière, maintenant qu'une mesure semble devoir être adoptée ?
Cette mesure étant financée par une taxe supplémentaire et par des modifications de la fiscalité du fioul domestique, les agriculteurs pourraient être amenés à payer davantage de charges pour le carburant. Avez-vous estimé la part que représenterait cette charge, qui pèsera dans le sens inverse de la taxe instaurée sur les sodas justement pour alléger les charges ?
L'allégement des charges sur les salariés permanents devrait soutenir l'activité des exploitations, mais qu'en est-il des 630 000 actifs familiaux qui composent 71 % de la main-d'oeuvre des exploitations professionnelles ? Cet allégement permettra-t-il l'embauche et soulagera-t-il les agriculteurs, dont le travail est très difficile ? Cette mesure est-elle suffisante ?
J'ai grand plaisir à vous présenter ce budget, qui me donne aussi l'occasion d'évoquer avec vous la situation agricole française et de répondre à des questions essentielles pour nos concitoyens et pour le monde agricole.
Monsieur Poignant, je suis profondément convaincu que l'avenir de l'agriculture ne se jouera pas sur l'augmentation ou la baisse du budget du ministère de l'agriculture. Il faut certes maintenir des crédits pour assurer les fonctions essentielles du ministère, mais la clé est dans la modernisation des exploitations, dans les gains de compétitivité, dans l'innovation en matière d'agroalimentaire, dans la défense du budget de la politique agricole commune, vitale pour nos exploitations et sur laquelle nous avons eu gain de cause après deux ans de bataille, ainsi que dans la maîtrise de la spéculation sur les matières premières à l'échelle mondiale – à laquelle nous nous employons dans le cadre du G20.
Ne laissons pas croire aux paysans français que c'est sur les crédits du ministère que se joueront leur compétitivité et leur capacité à réussir demain ! Nous sommes entrés dans un monde totalement nouveau sur le plan économique et européen, mais aussi au niveau agricole. S'il est une chose que je retiens de cette année de la négociation de la PAC et de la négociation du G20 avec le Brésil, l'Inde et la Chine, c'est qu'il nous faut ouvrir les yeux sur la réalité du monde. L'agriculture mondiale est devenue un enjeu de puissance majeur. Nous avons à cet égard tous les atouts pour réussir, et pour réussir beaucoup mieux que les autres, mais cela suppose de prendre certaines décisions économiques courageuses. Ces décisions commencent à apparaître dans ce budget.
Monsieur Forissier, le coup de rabot demandé par le Premier ministre sur l'ensemble des budgets des ministères, représente pour la mission « Agriculture », comme vous l'avez indiqué, 22 millions d'euros. J'ai décidé de faire porter 15 millions d'euros de ces économies sur le programme « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires », qui est celui qui permet de réaliser le plus facilement des économies de fonctionnement, ne serait-ce que par la modernisation de certains outils, comme la télédéclaration de la PAC, qui progresse plus rapidement que prévu. 3,1 millions d'euros sont également prévus sur les crédits « Forêt », en particulier parce que certains crédits prévus à la suite de la tempête Klaus ne pourront pas être dépensés l'année prochaine. Enfin, 2,4 millions d'euros d'économies sont également prévus sur le programme « Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation ». Ces économies résultent des états généraux du sanitaire que nous avons réunis voilà un peu plus d'un an et qui ont conclu à la possibilité de transférer aux agriculteurs une partie des responsabilités vétérinaires – certains des actes les plus simples –, déchargeant ainsi les services publics. Cette mesure ne remet pas en cause la qualité de la sécurité sanitaire en France.
En ce qui concerne le coût du travail, évoqué également par le président Cahuzac et par M. Saint-Léger, il me semble que nous devons tous prendre un peu de recul. Notre principal concurrent en Europe est l'Allemagne – elle l'est désormais dans le domaine de l'agriculture comme elle l'a été auparavant pour les services et pour l'industrie. La réunification allemande, le remembrement des exploitations et l'ouverture de l'agriculture de l'Allemagne de l'Est ont en effet donné à ce pays un poids agricole considérable par rapport à la situation antérieure.
La compétitivité agricole allemande tient à la fois à la taille des exploitations, à un mode de production très différent du nôtre, en raison de cette très grande taille, et à des coûts de production plus faibles, du fait que le secteur agricole allemand n'applique pas de salaire minimum et qu'il embauche massivement des salariés venus des pays de l'Est. Le coût horaire du travail dans l'agriculture est ainsi compris entre 6 et 8 euros en Allemagne, alors qu'il était en France de l'ordre de 12,30 euros – avant les décisions que nous avons prises en la matière depuis 2009.
Je rappelle en outre que, dans l'économie agricole, le coût du travail représente une part considérable du coût de production final. À la différence de l'industrie hautement qualifiée, où il représente 12 % ou 14 % du coût final, le coût du travail compte pour 60 % pour une pomme et pour 55 % pour un cochon. Notre capacité à faire varier le coût du travail a donc une incidence directe sur la compétitivité de notre agriculture dans son ensemble.
Nous avons commencé par exonérer totalement de charges le coût du travail occasionnel, afin de permettre aux exploitations produisant des fruits et légumes – qui sont les plus menacées du fait de la difficulté d'assurer la qualité et d'organiser la production, et auxquelles plusieurs d'entre vous sont très attachés – de combler l'écart de compétitivité.
Comme je l'ai toujours indiqué, l'exonération totale de charges sur le seul travail occasionnel ne suffira pas ; l'exonération devra aussi concerner le travail permanent, comme l'ont demandé Jean Dionis du Séjour et Bernard Reynès à qui nous avons confié une mission. Pour rattraper le retard de compétitivité, notre objectif est la réduction du coût du travail permanent dans l'agriculture française, au 1er janvier 2012, de 1 euro au niveau du SMIC. Cela est conforme à l'engagement pris par le Premier ministre au congrès de la FNSEA à Saint-Malo.
L'objectif est d'exonérer l'ensemble des cotisations conventionnelles, les cotisations légales dues au titre du fonctionnement du service de santé et de sécurité au travail, la contribution de solidarité et la cotisation due au titre du Fonds national d'aide au logement. Cette exonération s'appliquera à un maximum de vingt salariés par entreprise. Elle sera complète pour les salariés rémunérés jusqu'à 1,1 SMIC, puis dégressive, pour s'annuler à partir de 1,4 SMIC. C'est une mesure importante qui devra permettre, là encore, de rattraper le défaut de compétitivité de l'agriculture française. Elle coûtera 210 millions en année pleine et, comme vous l'avez décidé, elle sera financée par le doublement de la taxe sur les boissons sucrées créé par l'article 46 du projet de loi de finances pour 2012 et par un relèvement de la taxe intérieure de consommation prévue par l'article 265 du code des douanes, applicable au gazole utilisé comme carburant diesel. En réponse à la remarque du président Cahuzac, je précise que le coût supplémentaire lié à l'augmentation de cette dernière taxe sera, pour une exploitation moyenne, de l'ordre de 90 euros par an. J'estime que c'est minime et que cela ne posera aucun problème aux exploitations agricoles françaises. Le bénéfice d'une telle mesure, en termes de compétitivité, sera largement supérieur à son incidence sur les coûts de production d'une exploitation moyenne.
Cela dit, la bataille de la compétitivité ne se livre pas seulement sur un dossier. Nous ne pourrons la gagner uniquement en réduisant le coût du travail, même si cette réduction est une obligation. Il faut aussi innover, structurer les filières, moderniser les exploitations, valoriser les produits et monter en gamme. C'est en effet avec des produits de qualité que nous pourrons faire la différence par rapport à nos voisins, aux Allemands notamment. C'est donc une bataille de tous les instants et qui ne doit pas être livrée uniquement par les agriculteurs. L'ensemble de la filière doit en effet faire des efforts en matière de compétitivité. Je pense non seulement aux industriels de l'agroalimentaire et aux PME, notamment, qui ne sont pas suffisamment performantes et sont trop atomisées dans ce secteur, mais aussi à la distribution, qui ne peut s'exonérer de ces efforts de compétitivité et systématiquement tordre le cou des paysans en leur payant moins bien leurs produits parce qu'ils n'auraient pas eux-mêmes consenti les efforts de compétitivité nécessaires pour que leur modèle économique soit plus rentable.
Enfin, il n'est pas question non plus de faire du dumping social. Toute la difficulté est d'arriver à gagner en compétitivité sans pour autant nous rallier à un modèle qui ne serait pas le nôtre. Il n'est pas question d'avoir, en France, des personnels qui travaillent dans les abattoirs pour 6 ou 7 euros de l'heure, comme c'est le cas en Allemagne. L'objectif est d'amener les Allemands à réfléchir à un système différent pour l'organisation de leur production. Chacun doit faire un pas vers l'autre.
Quant à la taxe pour frais de chambres d'agriculture, j'estime que l'augmentation de 1,5 % est suffisante. On ne peut en effet demander à l'État de réduire ses dépenses de fonctionnement, voire certaines de ses dépenses d'investissement, et laisser les taxes augmenter de façon déraisonnable pour certains organismes consulaires, chambres ou autres. Avec cette augmentation de 1,5 %, les chambres seront en mesure de financer l'organisation de leurs élections et d'exercer les responsabilités qui sont les leurs. Je rappelle aussi que cette taxe est financée par une augmentation de la contribution additionnelle à la TFNB (taxe foncière sur le non-bâti), ce qui a une incidence sur la compétitivité des agriculteurs.
S'agissant de l'ONF, nous allons consacrer 46 millions de plus à son fonctionnement avec un objectif stratégique : le développement de la filière bois. Je suis en effet persuadé que cette filière peut être une source importante d'emplois et de création de richesses. Il faut donc réorganiser l'ONF et le soutenir sur le plan budgétaire comme nous le faisons. S'agissant de la contribution demandée aux communes forestières, je précise que la taxe additionnelle sera de 2 euros à l'hectare alors que, selon les documents initiaux, elle devait être comprise entre 2 et 4 euros.
Quant à la négociation de la politique agricole commune, nous avons progressé par étapes. En 2009, la Commission européenne avait proposé une baisse de 30 à 40 % du budget de la politique agricole commune. Nous nous sommes battus, sur la base d'une position commune franco-allemande, pour que ce budget soit maintenu, et il l'est désormais à l'euro près dans le document de travail de la Commission. C'est, pour nous Français, une victoire majeure. Je suis le premier à dire que les paysans doivent pouvoir vivre de leurs prix, mais ils leur faut aussi des primes étant donné tout ce qu'on leur demande en matière de respect des règles environnementales ou sanitaires.
Au cours du dernier Conseil des ministres de l'agriculture, nous avons ouvert la discussion sur plusieurs sujets, au premier rang desquels se trouve le verdissement de la PAC. J'ai toujours dit que j'étais favorable à celui-ci, et je le répète, mais verdissement doit rimer avec simplification. Or, il nous est aujourd'hui proposé une complexification de la PAC qui n'est pas acceptable. Ensuite, le verdissement doit être incitatif et rémunérateur pour les paysans : il ne doit pas les stigmatiser comme c'est le cas aujourd'hui. Enfin – troisième point de divergence avec la Commission –, il nous paraît excessif que 30 % des aides dépendent du verdissement. Il faudrait revenir à un taux plus raisonnable.
J'aurai l'occasion de reparler de la convergence nationale et européenne des aides.
La question du solde commercial est majeure, car la richesse de notre pays, la création d'emplois dépendent de notre capacité à aller chercher des parts de marché à l'exportation. Or, la balance commerciale extérieure française accuse un déficit de plus de 70 milliards d'euros en 2011 alors que celle de l'Allemagne est excédentaire de plus de 100 milliards d'euros. Mais ce tableau plutôt sombre recèle un élément positif : l'excédent commercial de l'industrie agroalimentaire – plus 18 % sur les sept premiers mois de 2011. En 2011, nous allons probablement revenir au niveau de 2009, c'est-à-dire regagner les places que nous avions perdues. Prendre des parts de marché à l'exportation a toujours été une priorité pour moi. Je rappelle qu' en 2011 nous avons repris la place de premier exportateur mondial de vins en valeur, alors que nous avions été relégués à la troisième position. Le seul solde commercial extérieur qui soit à peu près rassurant est celui de l'industrie agroalimentaire. Cela dit, monsieur Cahuzac, je ne m'en contente pas et je pense que, sur le long terme, nous devons être plus offensifs en ce domaine. Nous avons ainsi mis en place un plan de compétitivité, qui n'a pas encore donné tous ses résultats, pour réorganiser les PME, les filières, permettre une prospection plus offensive à l'exportation.
S'agissant des crédits de la sécurité sanitaire, monsieur Vigier, des économies sont réalisées à partir des résultats des états généraux du sanitaire qui doivent nous permettre de transférer certaines responsabilités directement aux opérateurs agricoles.
Sur la crise de l'E. coli, j'ai fait, au précédent conseil des ministres de l'agriculture, des propositions pour une meilleure surveillance sanitaire européenne, s'agissant notamment du croisement des données épidémiologiques humaines avec la traçabilité des aliments fruits et légumes qui n'existe pas aujourd'hui, ce qui explique que nous ayons mis autant de temps à retrouver l'origine de la bactérie.
L'opération « Un fruit à la récré » n'est pas anecdotique : c'est un sujet majeur. Comment fait-on pour garantir que, en France, nous ayons la meilleure alimentation au monde ? Certes, on peut toujours faire mieux, mais nous sommes, parmi les pays développés, celui qui a le moins de problèmes d'obésité. C'est une bataille à la fois sanitaire et culturelle : sanitaire parce que, améliorer la qualité nutritionnelle des aliments, c'est allonger l'espérance de vie ; culturelle parce que c'est la diversité des produits, leur connaissance, le goût qui sont en cause. Sans reprendre l'ensemble des dispositifs créés depuis deux ans, je rappellerai que nous avons pris le décret sur les règles nutritionnelles dans les cantines, qui sont maintenant obligatoires alors qu'elles ne l'étaient pas auparavant – tous les enfants vont donc manger mieux, plus équilibré, moins sucré, moins salé, moins gras. Nous avons également pris le décret sur les circuits courts : pour la première fois, les collectivités locales seront exonérées du seul critère de prix et pourront choisir le critère de la proximité de la production pour passer commande d'un produit alimentaire. En Normandie, par exemple, une collectivité locale pourra donc choisir les pommes normandes même si elles sont légèrement plus chères que les pommes chiliennes. Cette remise en cause du droit de la concurrence européen n'a pas été une bataille facile à livrer.
Toutes les opérations du genre « Un fruit à la récré » n'ont qu'un objectif : faire en sorte que la France reste le pays où l'on mange le mieux au monde, avec la plus grande sécurité sanitaire et la meilleure qualité gustative possible !
Oui, monsieur Saint-Léger, j'ai fait le maximum pour maintenir l'ensemble des dispositifs : prime à la vache allaitante, indemnité compensatrice de handicap naturel ou prime herbagère agroenvironnementale. Ce n'est pas par clientélisme, pour faire plaisir aux uns ou aux autres : simplement, cela correspond à une vision de long terme de l'agriculture française. Si nous voulons conserver une agriculture diversifiée, avec des productions présentes partout sur le territoire, notamment dans les zones de montagne, les agriculteurs doivent toucher ces primes. Il ne s'agit pas de subventions : en effet, cela coûte plus cher de produire dans ces zones. Les modalités de production à l'herbe seront toujours plus coûteuses que celles des exploitations industrielles. Et ces « externalités positives » – pour employer une expression barbare –, il faut bien les payer d'une façon ou d'une autre, et elles ne le seront pas exclusivement par le prix.
C'est une bataille politique majeure que nous livrons à l'échelle européenne. Certains États européens voudraient nous faire croire qu'il suffirait de s'aligner sur le prix. Dans une exploitation argentine de 5 000 hectares, où les conditions de production et les règles sanitaires sont différentes de ce qu'elles sont en Europe, le prix du kilogramme de viande serait alors 50 centimes d'euro moins cher que dans le Massif central, les Vosges ou les Pyrénées. Cela signifierait la fin pure et simple des exploitations d'élevage dans certaines zones en France, ce qui serait une erreur stratégique majeure.
En matière d'élevage, nous sommes le premier producteur européen. Ce secteur représente des dizaines de milliers d'emplois et une création de richesses majeure pour notre pays. Il faut donc maintenir les aides, parallèlement au relèvement des prix !
Pour ce qui est de la sécheresse, nous avons déjà versé, le 15 septembre, un acompte de 100 millions d'euros au titre de l'indemnisation des calamités agricoles. Le solde sera versé début 2012, conformément à l'engagement que j'ai pris devant les éleveurs de Saône-et-Loire. Nous avons également versé par anticipation 3,7 milliards d'euros des aides de la PACS, ce qui soulage la trésorerie des éleveurs. Nous avons aidé au transport des fourrages et garanti la gratuité des péages pour celui-ci. Mais, comme je l'ai dit très clairement aux éleveurs, je ne mettrai pas un euro sur des mesures d'indemnisation supplémentaires immédiates, allégements de trésorerie ou autres, parce que je n'ai pas cet argent et parce que ce n'est pas une solution.
Je me suis battu pour ouvrir des parts de marché à l'exportation pour les éleveurs français en Turquie, en Russie, en Amérique centrale et en Afrique du Nord. Résultat : le prix payé à l'éleveur pour un kilogramme de viande en France a augmenté de 30 centimes d'euro en huit mois, soit la plus forte augmentation enregistrée depuis huit ans. Donc, c'est la bonne stratégie ! Ce qui fera la richesse de nos éleveurs, viticulteurs et producteurs de fruits, c'est leur capacité à s'organiser pour prendre des parts de marché à l'exportation et à vendre des produits qui soient les meilleurs au monde.
Et cela ne vaut pas simplement pour le Champagne, qui obéit à des règles très particulières.
Enfin, les discussions sur le PEAD (Programme européen d'aide aux plus démunis) sont dans l'impasse et les raisons de ce blocage sont politiquement intéressantes. Le PEAD a été créé en 1987 par Jacques Delors et Coluche sur la base de la redistribution des stocks alimentaires excédentaires européens. Comme nous avons réussi à réunir les stocks excédentaires, nous avons transformé cette aide matérielle en aide financière. Depuis des années, certains États s'opposent à cette aide financière pour les associations caritatives comme les Restos du coeur ou les banques alimentaires au motif que de telles actions devraient relever exclusivement de la solidarité nationale. Ils ont donc déposé un recours auprès de la Cour de justice européenne qui a estimé que les crédits que nous avions votés – 500 millions d'euros par an – étaient illégaux et que nous devions trouver une nouvelle base légale pour ce programme.
La Commission a donc proposé une nouvelle base légale pour pouvoir maintenir ces crédits sur les deux dernières années – 2012 et 2013 –, mais cette base légale est refusée par une minorité de blocage composée de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la Suède, du Danemark et de la République tchèque. J'essaie de casser cette minorité de blocage depuis plusieurs mois mais je ne vous cache pas que je me heurte à un mur en dépit du soutien de vingt et un États européens sur vingt-sept, de la Commission européenne et de son président, ainsi que de 85 % des parlementaires européens. Je ne conçois pas que l'on puisse, en pleine crise économique et, pour certains pays, en pleine crise sociale, arrêter de financer les associations caritatives qui délivrent des repas à ceux qui n'ont pas de quoi s'en payer un par jour. Je trouve cela scandaleux et je suis révolté que les pays de l'Union européenne ne parviennent pas à trouver un compromis sur ce point. Je me suis rendu trois fois à Berlin où j'ai négocié avec mon homologue allemand. Je suis allé au Danemark, en République tchèque, dans tous les pays de la minorité de blocage. Je suis intervenu devant tous leurs parlements pour expliquer notre position, mais certains États européens estiment désormais que c'est le « chacun pour soi » ! Nous avons jusqu'au 31 décembre pour trouver une solution, mais je ne me résignerai jamais à ce que l'Europe soit celle du « chacun pour soi » : ce doit plutôt être l'Europe de la solidarité !
Mes chers collègues, vous êtes très nombreux à vouloir intervenir et je vous demande de limiter votre intervention à deux minutes, faute de quoi nous ne pourrons terminer l'examen de ce budget dans la matinée.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir affirmé votre volontarisme pour notre agriculture française s'agissant de la sécurité alimentaire comme de la diminution du coût du travail.
En ce qui concerne le PEAD, je tiens à souligner que, à part l'Italie, les autres pays ne semblent pas se préoccuper beaucoup du problème. Nous avons donc beaucoup à faire ensemble pour les convaincre de la nécessité de cette action.
Je vais vous raconter une anecdote. Au bout de deux heures de discussion sur le PEAD, l'un de mes homologues a fait cette remarque lapidaire qui en dit long sur l'état d'esprit européen aujourd'hui : « À chacun ses pauvres ! » Moi, j'estime qu'il ne sert à rien de construire l'Europe si c'est pour en arriver là ! Le jour où de vraies crises sociales éclateront un peu partout en Europe, cela sera, pour tous, la crise politique européenne. Je trouve irresponsable que nous n'arrivions pas à trouver un compromis pour maintenir ce programme sur deux années. Nous allons donc continuer à discuter pour essayer d'obtenir gain de cause.
Quant au coût du travail, j'ai fait une erreur : quand je dis que cela représente de 50 à 60 % du coût de production des filières, je pense évidemment aux filières des fruits et légumes, pas aux filières d'élevage, pour lesquelles c'est le coût de l'alimentation qui représente ce montant, notamment l'alimentation porcine.
Si j'ai bien compris, monsieur le président, les orateurs ne disposent que de deux minutes de temps de parole !
Je vous renvoie aux règles fixées par le président de l'Assemblée nationale, qui a la responsabilité d'organiser ce type de débats, sous le contrôle de la conférence des présidents. Á ma connaissance, le temps de parole des orateurs est fixé à deux minutes, mais nous allons vérifier, et il sera, le cas échéant, allongé.
Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez est fondé sur une politique forte. Il s'inscrit dans le cadre de l'exigence de maîtrise des dépenses publiques. Plusieurs mesures visent à renforcer la compétitivité de l'agriculture française : la maîtrise des coûts de production, l'investissement en faveur de la modernisation des élevages, les dispositifs de soutien à l'installation des jeunes agriculteurs, le respect de l'environnement, le développement de la forêt.
J'aborderai plus particulièrement le volet de la pêche. L'indispensable modernisation de la pêche impose deux programmes : les « navires du futur » et l'organisation de la filière. J'ai constaté, grâce à la mission que m'a confiée M. le Premier ministre, combien ces deux projets étaient attendus, le premier pour assurer la sécurité des équipages et l'efficacité dans le respect de la ressource, le second pour pérenniser le marché.
La réorganisation de la filière impose, à travers l'association France Filière Pêche, une restructuration de toute l'interprofession. Quelles seront les modalités de participation de l'État pour satisfaire cet impératif ?
Les programmes du milieu agricole ou de la pêche sont parfois cofinancés par l'Union européenne. Le groupe d'études de la mer que je préside vient, conjointement à son homologue du Sénat, d'auditionner Mme Damanaki, commissaire européenne chargée des affaires maritimes et de la pêche, dont le point de vue s'oppose au nôtre. Cette audition nous consterne, car elle laisserait penser que la protection du poisson prévaudrait sur celle de nos marins.
La profession, par le biais du Conseil d'orientation scientifique et technique, assure le renouvellement des espèces. Respectueuse des droits de pêche, la filière attend un avenir pour ses marins, des navires sécurisés et adaptés, une vision économique du marché de la pêche française.
Le Français consomme de plus en plus de poissons : sa consommation est passée de 28 à 35 kilogrammes en dix ans. L'arrêt de la pêche française ne protège pas la ressource, le poisson pêché et importé constituant 80 % de notre consommation. Comment les crédits s'articuleront-ils avec ceux de Bruxelles, nos positions étant contradictoires – nous l'avons vu avec l'atteinte du rendement maximum durable, avec l'interdiction totale des rejets et, surtout, avec les quotas transférables ?
Avant de poursuivre, je vais vous donner lecture du relevé de décisions pris sous la présidence de Bernard Accoyer :
« Le principe de ces commissions élargies est conservé.
« Il est demandé au ministre de renoncer à toute intervention liminaire.
« L'intervention des rapporteurs est limitée à cinq minutes. Pour les autres orateurs, elle est de deux minutes. Et il sera fixé une durée globale au débat pour permettre au ministre de mieux s'organiser.
« Pour autant, il va de soi que c'est la liberté des présidents de séance que d'accorder un temps de parole plus important, le cas échéant, aux présidents de groupe. »
Je vous indique simplement que, outre les représentants de chaque groupe, quarante orateurs sont inscrits. Si Charles de Courson, que je remercie de bien vouloir me remplacer pendant la Conférence des présidents, l'estime possible, il peut naturellement aller jusqu'à accorder cinq minutes aux porte-parole des groupes, mais la durée du débat étant limitée à trois heures trente, je crains que tous les inscrits ne puissent s'exprimer.
Je précise à M. Gaubert, que je ne fais là que traduire la décision de la Conférence des présidents.
(M. Charles de Courson, vice-président de la Commission des finances, et M. Jean Gaubert, vice-président de la Commission des affaires économiques, remplacent respectivement M. le président Jérôme Cahuzac et M. le président Serge Poignant.)
Monsieur le ministre, alors que nous examinons le dernier budget de l'agriculture de la législature, je voudrais vous dire, au nom du groupe socialiste, combien nous avons apprécié votre travail, votre engagement, votre sincérité et votre écoute. Cela étant, nous n'avons pas partagé vos orientations en matière de politique agricole.
Au cours des dix dernières années, notre pays a perdu 26 % de ses exploitations agricoles. L'INRA (Institut national de la recherche agronomique) prévoit que l'hémorragie sera pire encore : en 2020, il ne restera selon elle que 260 000 exploitations agricoles contre 326 000 aujourd'hui. La politique menée depuis dix ans ne va donc pas dans le bon sens. Elle pousse à la concentration des exploitations, à la destruction des emplois sur nos territoires et à l'affaiblissement de l'agriculture française puisque nous sommes passés du premier au troisième rang des pays exportateurs.
Certes, ce n'est pas directement de votre responsabilité, mais au cours de ces dernières années, la France a entériné la fin définitive des quotas laitiers. Elle a voté la disparition de la réglementation des droits de plantation en matière viticole – votre prédécesseur, Michel Barnier, a signé au nom de la France.
En matière laitière, nous voulons nous faire l'écho des producteurs qui se savent condamnés pour une grande part. Là encore, les chiffres de l'INRA sont édifiants : on passerait de 90 000 à 40 000 exploitations laitières en quelques années. Je peux même affirmer sans caricaturer que le Sud est condamné. C'est inacceptable.
De la même façon, la déréglementation des droits de plantation en matière viticole entraînera des catastrophes dans peu de temps.
Un mot sur l'absurdité du dossier de la tabaculture : chaque fois que nous augmentons le prix des cigarettes, quelques centaines de millions vont dans les caisses de l'État, une centaine dans les poches des industriels, quelques dizaines de millions dans celles des distributeurs, mais il n'y a rien pour les producteurs. L'Europe, qui ne produit aujourd'hui que 25 % du tabac qu'elle consomme, devra importer 100 % de sa consommation demain. Il ne nous restera que les fumeurs et les chômeurs.
Depuis cinq ans, l'enseignement agricole a été extrêmement maltraité.
Vous avez placé le budget sous le signe de la diminution du coût du travail, mais cette mesure est-elle euro-compatible ? Non, aviez-vous répondu à nos collègues du Nouveau Centre.
Enfin, je regrette que, pendant ces cinq ans, nous n'ayons pas pu appliquer la loi que nous avions votée à l'unanimité en 2002. Elle consistait à créer un régime complémentaire obligatoire de retraite pour les agriculteurs, et à porter à 75 % du SMIC la retraite des chefs d'exploitation. La MSA nous a indiqué que nous n'en étions qu'à 71 %.
Je m'associe assez largement à l'analyse du ministre. Pour les centristes, la solution est, non pas dans le protectionnisme, mais dans la compétitivité de l'agriculture française alors que la mondialisation ne fera que s'accroître.
Oui, monsieur le ministre, la compétitivité est multifactorielle : énergie, organisation commerciale, innovation dans l'industrie agroalimentaire. Mais, pour nous, la priorité absolue reste le coût du travail. Tel était le sens de la proposition de loi que Charles de Courson et moi-même avons présentée le 14 avril 2010. Elle a engendré un débat de fond dont vous vous êtes pleinement saisi. Vous avez ainsi nommé Bernard Reynès parlementaire en mission et, au final, la démarche a débouché sur un ensemble d'exonérations d'un montant de 210 millions d'euros.
L'ensemble des exonérations sur le travail saisonnier s'élève à 491 millions d'euros, ce qui est considérable. Il faut y ajouter, en outre, l'exonération partielle des charges permanentes de 210 millions d'euros. Nous saluons ce bilan et votre action en ce domaine, monsieur le ministre.
Cela étant, le coût du travail permanent restera de l'ordre de 11,50 euros de l'heure contre de 6 à 8 euros en Allemagne. La transformation structurelle du financement de la sécurité sociale est donc pour nous une priorité politique absolue. Il faut remplacer les charges pesant sur le travail par des charges sur la TVA ou la CSG. Quelle est la bonne stratégie à moyen et à long terme pour le ministre de l'agriculture ?
En ce qui concerne l'eau, Germinal Peiro vient de condamner les départements du Sud. Je ne me résoudrai jamais pour ma part à un tel verdict. Les états généraux de l'agriculture dans mon département ont montré que l'eau était devenu un facteur limitant dans les filières d'avenir, et pas seulement pour les grandes cultures. Je pense par exemple à la filière de la noisette, devenue très porteuse. Certes, il faut être économe de la ressource, mais il faut aussi créer des ressources nouvelles grâce aux retenues d'eau collinaires et sur les rivières moyennes. Or je n'ai pas noté d'évolution des crédits budgétaires concernant le soutien à la création de ressources nouvelles. Quelle est la réalité de votre budget sur ce point important ?
Monsieur le ministre, je salue moi aussi votre écoute, votre disponibilité et votre pugnacité. Mais je constate qu'une fois encore, vous nous présentez un budget lourdement amputé : une diminution de 1,5 % en crédits de paiement à périmètre constant.
Vous vous félicitez d'avoir tenu le cap des coupes budgétaires décidées dans le cadre de la programmation 2011-2014. En 2012, il y aura donc 71 millions d'euros en moins pour les agriculteurs, les pêcheurs, les forestiers, qui vivent pourtant tous de plus en plus mal, quand ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité depuis l'année dernière. La clé n'est pas dans les crédits, venez-vous de nous expliquer.
Le contraste est grand entre vos propos et la réalité de l'agriculture dans notre pays. Selon le dernier recensement général agricole, la France a perdu 26 % de ses exploitations entre 2000 et 2010, et 22 % des emplois liés au secteur. Elle compte désormais moins de 500 000 exploitations. À ce rythme, qui ne cesse de s'accélérer, le rêve des libéraux de voir une France avec 100 000 agrimanagers, spécialisés et aptes à concourir sur les marchés mondiaux, est désormais à portée de main – une quinzaine d'année.
C'est bien vers cet objectif que vous vous tournez en réaffirmant dans la présentation budgétaire que « ce budget doit permettre aux agriculteurs français de se moderniser, d'investir et de gagner en compétitivité ». Enfermé dans l'obsession de la seule compétitivité, vous n'avez pas un mot sur leurs difficultés ni sur la disparition, chaque année, de milliers d'exploitations familiales.
Ainsi, le programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » perd à lui seul 44 millions d'euros par rapport à la loi de finances précédente avec, comble du comble, une diminution de 11 millions d'euros de crédits sur l'action « Gestion des crises et des aléas de la production ». C'est un joli pied de nez aux centaines de milliers d'agriculteurs de notre pays qui ont dû faire face cette année à une sécheresse dramatique ! C'est un drôle de symbole pour les producteurs de fruits et légumes menacés de disparition faute de décisions politiques courageuses en matière de prix !
Que dire également du recul – mais c'est devenu une habitude – des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », alors que nous vivons désormais au rythme des « scandales » sanitaires, et que la crise dite « du concombre » avec la bactérie E.coli a plongé sans raison toute une filière dans le désarroi ? N'est-il pas indispensable de renforcer les moyens dans ce domaine, notamment pour éviter toute peur panique injustifiée de nature à fragiliser des producteurs déjà à bout de souffle ?
Je ne rentrerai pas dans le détail des actions des différents programmes pour vous dire que ce budget, plus encore que les précédents, n'est vraiment pas à la hauteur de la situation de la France agricole.
Sur le principal besoin des agriculteurs, à savoir la question des prix et des revenus, vous vous refusez toujours à prendre les mesures indispensables à la survie des exploitations. Pourtant, certaines d'entre elles n'auraient aucune incidence budgétaire, tel l'encadrement des prix et des marges à travers l'application d'un coefficient multiplicateur. C'est une urgence et vous aurez, à cet égard, à vous prononcer sur ma proposition de loi dont nous discuterons le 1er décembre prochain.
Monsieur le ministre, face au libéralisme, vous avez fait le choix du renoncement et vous abandonnez ainsi les paysans. On peut pourtant refuser cette chronique d'une mort annoncée de notre agriculture et de ceux qui la font vivre. Il faut pour cela s'attaquer à la question centrale de la répartition de la valeur ajoutée et de la rémunération du travail paysan. Vous avez choisi une autre voie en vous entêtant dans la seule recherche de la compétitivité et dans la sauvegarde du « grisbi » de la grande distribution. Allez-vous enfin prendre le virage nécessaire ?
Le débat sur l'agriculture est plus que jamais un débat de société, un débat sur la place de l'humain dans cette société.
Monsieur le ministre, vous avez en charge un département ministériel fondamental. L'agriculture, c'est produire pour nourrir l'homme, c'est encore, au XXIesiècle, être capable de produire pour lutter contre la faim dans le monde. En France, c'est un secteur important pour notre économie et le maintien de nos territoires. Sans nos agriculteurs, que serait notre balance commerciale, qui souffre mais qui, heureusement, bénéficie de l'excédent du secteur agroalimentaire ? Que seraient nos paysages ?
Je complèterai cette introduction en vous remerciant pour votre ténacité à défendre l'agriculture française, le maintien du budget de la PAC et la réduction du coût du travail. J'appuie également votre engagement visant à maintenir le régime des droits de plantation, indispensable pour préserver la viticulture familiale et de qualité qui caractérise la France.
Je relèverai enfin que la France a réussi à imposer l'agenda du G20 s'agissant notamment de la lutte contre la volatilité du prix des matières premières agricoles.
Je terminerai par deux questions :
Comment accompagnerez-vous la lutte contre la sécheresse ? Les agriculteurs demandent qu'on leur facilite la vie et qu'on allège les réglementations particulièrement pour la création de retenues collinaires.
Les conchyliculteurs souffrent de la mortalité précoce des naissains. Quel accompagnement ce budget permettra-t-il ?
Ma première question portera sur le différentiel du coût du travail entre la France et l'Allemagne.
Dans certains Länder, on est à 4 euros l'heure dans des conditions de travail indignes de l'Union européenne. On m'a ainsi rapporté hier qu'il existait dans le Palatinat de véritables camps de Roumains entourés de barbelés – accords de Schengen obligent – desquels on ne laissait sortir les gens que pour aller travailler, et qu'à l'abattoir de Rheda, c'était Zola revisité par les Allemands. La crise financière interdit de dire un certain nombre de choses, mais de telles pratiques sont inadmissibles. Nous finirons tous par payer cette course à la main-d'oeuvre moins chère.
En outre, le système de diminution du coût du travail que vous mettez en place a ses limites. Ainsi, des agriculteurs légumiers que j'ai récemment rencontrés et qui paient au-dessus de 1,4 SMIC leurs salariés permanents ne pourront pas en bénéficier. Vous allez donc instaurer une nouvelle trappe à bas salaires. Certes, il y a urgence. Mais les employés qualifiés seront les premières victimes du sytème.
Par ailleurs, vous avez peu évoqué les dernières propositions du commissaire européen à l'agriculture, qui ont été vivement attaquées par le syndicat majoritaire en France. Quelle est votre première analyse ?
Monsieur le ministre, pour affronter les changements en profondeur qui affectent la vie des agriculteurs et, au-delà, des territoires ruraux, la formation est essentielle.
Dans ce cadre, comptez-vous garantir la nécessaire originalité des classes de quatrième et troisième de l'enseignement agricole ?
Comptez-vous développer dans les territoires, au plus près des besoins recensés, des formations supérieures en prolongement de la réforme du baccalauréat professionnel agricole ?
Envisagez-vous de favoriser le développement des formations de services à la personne pour l'ensemble du territoire, et pas seulement les espaces ruraux ?
Compte tenu de ces différents sujets de préoccupation, comment concevez-vous la participation des (MFR) Maisons familiales rurales à cette mission de formation professionnelle tout à fait essentielle pour l'avenir de la jeunesse et le développement local ?
Je tiens à souligner toute la pertinence de l'offre de formation de ce réseau particulièrement bien implanté dans un grand nombre de régions et l'intérêt que l'on peut retirer d'un partage d'expérience avec les MFR pour atteindre les objectifs que je viens de citer.
Les crises agricoles ont malheureusement marqué une nouvelle fois l'année – sécheresse, crise des producteurs de fruits et légumes – dans un contexte international des plus difficiles. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, pour votre action tendant à mettre fin aux distorsions de concurrence avec nos voisins, notamment en répondant aux demandes d'allégement du coût du travail de la profession.
Mes questions porteront aujourd'hui sur l'enseignement agricole qui a toujours montré son excellence dans la formation des futurs professionnels de l'agriculture et du monde rural, ainsi que dans l'accueil de jeunes en voie de déscolarisation. La part des effectifs d'élèves, d'apprentis, d'étudiants et d'adultes en formation agricole ne cesse de croître. L'enseignement agricole valorise brillamment la participation à l'animation et au développement des territoires. La politique de formation, d'insertion et d'innovation prépare ces jeunes à relever les défis majeurs de demain en matière d'agriculture, d'alimentation, de développement durable et d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, ces filières ont cette qualité propre de n'engendrer que très peu d'inactivité, grâce à une adéquation remarquable entre les offres de formation et les attentes des professionnels.
Néanmoins, les communautés éducatives s'inquiètent grandement des conditions dans lesquelles se préparent les prochaines rentrées. L'enseignement agricole n'a pas été épargné ces derniers temps par les réductions de postes, et celles prévues en 2012 pourraient poser de graves difficultés de gestion aux établissements. Dans le privé, chaque enseignant étant devant des élèves, supprimer des postes revient à supprimer des classes.
Face aux différentes inquiétudes ressenties, il est capital, monsieur le ministre, que vous puissiez assurer à l'enseignement agricole que le budget de 2012 leur permettra de poursuivre qualitativement leurs missions.
S'agissant de la forêt, l'article 48 du projet de loi de finances prévoit la création d'une nouvelle taxe comprise entre 2 et 4 euros. Certes, vous venez de nous dire qu'elle serait fixée à 2 euros. C'est néanmoins une révolution pour les communes forestières notamment lorsqu'elles ont des forêts vacantes sur leur territoire. Dans l'Ariège, par exemple, un tiers des 40 000 hectares de surface de communes forestières est constitué d'espaces vacants. Or les communes concernées seront taxées comme celles qui pourront vendre leur bois. Que vont-elles devenir ? Il s'agit souvent de petites communes, qui connaissent d'importantes difficultés. Ne risquent-elles pas de sortir du régime forestier et, donc, de déstructurer les services de l'ONF sur le terrain ? Cette mesure va remettre en cause le principe de solidarité entre les communes forestières et la péréquation prévue par l'ancien système.
Par ailleurs, le contrat d'objectifs 2012-2016 conclu entre l'État et l'ONF prévoit, à terme, la suppression de 700 postes. Pouvez-vous nous en dire plus ? Compte tenu du malaise qui règne à l'ONF et alors que vingt-six forestiers se sont suicidés ces cinq dernières années, dont quatre cet été, pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur les mesures sociales prévues dans le contrat ?
S'agissant de la filière « bio », le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique a été divisé par deux. Le budget passe de 32 millions d'euros pour 2011 à 18 millions pour 2012 avec 9 255 demandes prévues contre 8 400 l'an dernier. À cela s'ajoute la diminution de la dotation au fonds Avenir Bio géré par l'Agence Bio, qui passe de 3 millions à 2,9 millions d'euros. Pourquoi un tel revirement, monsieur le ministre ?
Enfin, nous ne voyons aucune ligne en faveur des circuits courts. Pourquoi ?
Hier après-midi, dans le cadre du vote de la première partie de la loi de finances, une enveloppe de 210 millions d'euros a été ouverte sur le budget de l'agriculture pour permettre le vote d'un amendement visant à baisser d'un euro de l'heure le coût des salaires des salariés en CDI dans la limite de vingt salariés par entreprise et de 1,4 SMIC. Avec mes collègues Reynès, Dionis du Séjour, Poignant et Remiller, entre autres, nous en présenterons un ce matin. Pouvez-vous confirmer, monsieur le ministre, que cette mesure, élaborée en étroite concertation avec la Commission européenne et vous-même, est compatible avec le droit communautaire ?
S'agissant des biocarburants, le coût estimé de la mesure d'exonération plafonnée de TIC (taxe intérieure de consommation) sur les biocarburants est de 250 millions d'euros pour 2012, soit 30 % de moins qu'en 2010, où elle atteignait 366 millions. En outre, cela ne tient pas compte des recettes de TGAP et de TVA supplémentaires qui réduisent ce coût de moitié et qui l'annulent, voire l'inversent, sur la partie bioéthanol. Certaines dispositions prendront cependant fin en 2013. Ces agréments seront-ils renouvelés ? Plus largement, quelle est la politique du Gouvernement à moyen terme en la matière ?
Les crédits dévolus au secteur de la pêche sont en diminution de 1,2 % en autorisations d'engagement, diminution que vous expliquez par la fin de l'attribution des crédits nécessaires à la mise en place de journaux de bord électroniques et aux plans de sortie de flotte. Les 58 millions prévus en autorisations d'engagement permettront-ils de relever les défis de la pêche, de l'aquaculture, de la conchyliculture – je pense au renouvellement et à la modernisation de la flottille, à la sécurité à bord, à la formation aux métiers, à l'attractivité du secteur, à la valorisation des produits de la mer, à la mortalité des naissains d'huîtres, bref, à la vitalité de nos économies littorales ? Je n'en suis pas certaine.
Pour 2012, 11 millions sont consacrés à un plan de sortie de flotte contre 12 millions en 2011. Il s'agit d'adapter la capacité de pêche à la ressource sur des stocks sensibles. Lesquels ?
De même, 11 millions sont affectés à la casse des navires et 600 000 euros seulement sont destinés à aider la flottille à se moderniser. C'est bien peu de choses au regard des besoins d'une flottille dont la moyenne d'âge est supérieure à vingt ans, qui doit être remise aux normes, qui doit parvenir à faire des économies d'énergie et à attirer les jeunes.
Je note que 10 millions sont réservés aux contrats bleus. Est-il exact, monsieur le ministre, qu'aucun versement n'aurait encore été effectué au titre de 2010 ?
La profession regrette aussi le manque de soutien aux structures professionnelles. La réforme se met en place dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture, mais la question de leur financement n'a pas été abordée. Je pense notamment aux comités régionaux des pêches, et plus particulièrement au comité régional de Bretagne, qui se trouvent écartés de tout financement public. Or leurs missions ne cessent d'augmenter. Je pense ainsi à la demande de gardes-jurés dans les 12 milles pour contrôler les prélèvements de la ressource.
L'an dernier, vous aviez annoncé l'affectation de 20 millions d'euros au programme « Navire du futur » dans le cadre de l'appel à projets de l'ADEME et au titre du grand emprunt. Où en sommes-nous ?
Enfin, l'avenir de la pêche et de l'ostréiculture dépendra beaucoup de la PCP (politique commune de la pêche). Or, dans sa forme actuelle, le projet de réforme proposé par la Commission européenne est totalement inacceptable : il ne prépare en rien un avenir durable pour la pêche et les activités maritimes françaises. Quand aurons-nous l'occasion d'en parler ?
(M. le président Serge Poignant remplace M. Jean-Gaubert, vice-président de la Commission des affaires économiques.)
Je souhaite relayer les attentes des retraités agricoles, anciens chefs d'exploitation, dont la situation financière est souvent précaire.
Monsieur le ministre, vous menez depuis plusieurs années une politique volontariste de revalorisation des pensions, qui s'est traduite par la création, en 2009, d'un minimum de pension pour les retraités du régime non salarié agricole. Toutefois, la moitié des chefs d'exploitation justifiant d'une carrière complète perçoivent moins de 68 euros de retraite par mois. À ce montant de pension peu élevé, il convient d'ajouter les augmentations de leurs dépenses de santé ou d'énergie.
Une des solutions qui permettrait d'augmenter la retraite des non-salariés agricoles serait de modifier son mode de calcul, et de prendre en compte, comme cela se fait pour les salariés du régime général, les vingt-cinq meilleures années.
Cette mesure d'équité permettrait d'atténuer les aléas de revenus qui impactent fortement le montant de la retraite, mais également de simplifier le système de calcul, puisque la pension serait proportionnelle au niveau de contribution, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Je sais que vous vous êtes montré ouvert à cette demande légitime du monde agricole, et la dernière loi portant réforme des retraites à prévu l'élaboration d'une étude sur la faisabilité de l'application de la règle des vingt-cinq meilleures années.
Monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de porter à la connaissance de la représentation nationale les conclusions de cette étude ainsi que les orientations qu'elles vous inspirent ?
Les crédits du plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE) sont fondamentaux pour l'avenir de nos territoires ruraux. Cette politique se concrétise par des appels à projets. Je vous épargne l'historique des problèmes rencontrés par certains jeunes agriculteurs ou exploitants, mais je constate que les délais d'instruction des dossiers sont longs, difficilement explicables, et qu'ils peuvent remettre en cause une installation. Compte tenu des engagements à prendre et des commandes à passer lors de la constitution d'un cheptel, il arrive qu'après un refus lors d'un premier appel à projets, on peine à réinstruire un dossier, ce qui est la source de vraies difficultés. Pourrait-on simplifier l'instruction de ce dispositif ?
Je salue le contrat d'objectifs et de performance entre l'État, l'ONF et la Fédération nationale des communes forestières. Il était nécessaire. Néanmoins, comment améliorer la compétitivité de la filière bois, notamment dans le secteur de la transformation du bois et des scieries ? Cette filière a bénéficié des allégements de charges sociales sur les heures supplémentaires. Cela va poser un réel problème sur nos territoires qui sont en concurrence avec des scieries européennes, voire suisses pour ce qui concerne le Jura.
Je salue pour finir votre implication après ces deux années de bataille dans la négociation de la PAC.
Les crédits de paiement de l'action 12 – « Gestion des crises et des aléas de production » – avaient enregistré un recul l'an passé. Les crises ont conduit à les faire passer de 43 à 58 millions d'euros. Mais pour 2012, seuls 37 millions sont inscrits.
En ce qui concerne la sécheresse, les attentes sont fortes. La quasi-totalité de mon département de l'Aveyron est reconnue au titre des calamités. Il semble que le système retenu – informations et suivi objectif des prairies (ISOP) – ne soit pas adapté aux zones d'altitude. Le problème des estives est également posé, car elles ne sont pas répertoriées. La demande des agriculteurs porte sur la trésorerie et l'aide au transport pour l'approvisionnement en paille. Quelle réponse pouvez-vous leur apporter alors que les crédits de paiement sont insuffisants ?
Ma deuxième question concerne le plan de performance énergétique. Vous avez dit qu'en dehors des aides, la clé était la modernisation des exploitations. Or ce programme est en baisse constante, avec 12 millions d'euros en 2011 et 9 millions en 2013. Comment justifiez-vous cette baisse, en contradiction avec l'objectif du Grenelle, comme avec vos affirmations ?
Je souhaite également vous interroger sur les signes officiels de qualité. Aucune enveloppe n'étant consacrée au développement et à la promotion de ces produits, quelle est votre volonté en la matière ?
Je regrette enfin la réduction drastique des moyens de l'enseignement agricole – 280 postes en moins – dont chacun connaît l'excellence.
Je salue ce budget. Il faut reconnaître que malgré un printemps peu favorable du fait de la sécheresse, l'année 2011 aura été globalement bonne, voire très bonne pour les céréaliers et les éleveurs de ma région – les témoignages que j'ai recueillis lors des comices agricoles en attestent.
Vous ne serez pas surpris qu'à la suite de Mme Dalloz, j'évoque à mon tour le PMBE. Dans ma région, on enregistre à peu près une installation pour un départ. Le nombre de dossiers est donc très important, et seuls la moitié peuvent être étudiés. La chambre d'agriculture de mon département suggère donc d'instaurer un plafonnement pour répondre à l'ensemble des demandes. J'évoquerai pour ma part quelques dossiers de mise aux normes portés par de jeunes agriculteurs qui risquent de ne pas être retenus pour des questions de délais – difficiles à tenir dans le cadre d'une installation – et qui faisaient jusque-là l'objet d'une certaine tolérance de l'administration. Les installations sont primordiales pour nos régions : il faut continuer de les soutenir !
S'agissant de la réduction du coût du travail, je voudrais, au nom de la filière fruits et légumes, vous remercier, monsieur le ministre, pour avoir été à notre écoute et saluer le travail accompli par notre collègue Bernard Reynès.
Je vous poserai deux questions complémentaires : quelles autres mesures prenez-vous, en particulier pour aider les arboriculteurs à lutter contre la sharka ? Quelles informations pouvez-vous nous donner sur la répartition des 210 millions d'euros entre les différentes filières agricoles ?
(M. Yves Censi, vice-président de la Commission des finances, remplace M. Charles de Courson.)
Insensible à l'effondrement des prix, la grande distribution continue de réaliser des marges très confortables – entre 30 % et 50 % – sur le dos des agriculteurs. Dès lors, ne faudrait-il pas limiter le pouvoir des grands intermédiaires et des distributeurs face aux producteurs en réformant les conditions des marchés français et du rôle des intermédiaires, en instaurant un contrôle des marges contrôlé chaque année par le Parlement et en mettant en place une taxation spécifique sur les surprofits de certaines entreprises, qui abusent de leur position aux dépens des producteurs et des consommateurs ?
Vous avez par ailleurs annoncé le 7 septembre un plan d'aide de 25 millions d'euros pour les producteurs de fruits et légumes, qui se trouvent confrontés à une grave crise. Si l'on peut saluer l'initiative, ce plan demeure insuffisant : tout d'abord, il pèse peu face aux pertes réelles des producteurs ; ensuite, il est très partiel puisque les aides d'urgence ne concernent que les exploitations spécialisées pour au moins 50 % dans la pêche-nectarine, le concombre ou la tomate. Pourquoi écarter les exploitations spécialisées dans la pomme, la prune ou le chasselas, nombreuses dans mon département du Tarn-et-Garonne, qui connaissent elles aussi de grandes difficultés ? Quelles solutions leur proposez-vous ?
Seule une vraie politique nationale de la gestion de l'eau permettrait d'apporter une solution durable aux crises successives de la sécheresse. Il y a urgence en matière d'irrigation, où les agriculteurs attendent du concret. Lors de sa visite à Lauzerte en mars dernier, où vous l'accompagniez, le Président de la République s'est engagé sur le sujet. Où en est-on ?
Enfin, quelle sera l'attitude de la France face au refus du Conseil européen de reconduire le programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD)?
La diminution du nombre des agriculteurs, que l'on explique par une urbanisation accrue et une crise des vocations, trouve aussi son origine dans la difficulté des jeunes à accéder à la reprise des exploitations familiales. Dans une situation budgétaire contrainte, vous avez su inscrire 167 millions d'euros au budget, lesquels seront complétés par des avantages fiscaux et des crédits européens. Des efforts supplémentaires doivent néanmoins être entrepris si nous ne voulons pas que la désertification de nos campagnes s'amplifie.
J'insiste plus particulièrement sur les mesures en faveur de la transmission des exploitations agricoles et viticoles. Il s'agit là d'un véritable enjeu pour nos campagnes. Pour prendre un exemple, le modèle champenois – qui repose essentiellement sur des exploitations familiales, où le vigneron est à la fois l'exploitant et le propriétaire du foncier – est aujourd'hui en recul, pour de multiples raisons. Dans ce contexte, l'installation de jeunes vignerons dans notre région se heurte à des difficultés certaines. Aussi vous demanderai-je de nous préciser les avantages fiscaux et les crédits européens qui seront mis en oeuvre pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs et viticulteurs. Si le foncier a une certaine valeur ; la libéralisation des droits de plantation aboutira à un effondrement, non seulement de celle-ci, mais aussi du produit. Quelles avancées avez-vous obtenues ces derniers jours de vos homologues européens sur le dossier de la régulation des droits de plantation ?
Je vous félicite enfin pour la mesure sur le coût du travail agricole. Sur le fond, c'est une bonne décision, même si je regrette que certaines exploitations n'en bénéficient pas, tout en payant la taxe.
Depuis 2008, une violente crise frappe le monde ostréicole. Elle se manifeste par des taux de mortalité très élevés des naissains – jusqu'à 90 %. Vous avez toujours été aux côtés de la filière ostréicole, et je vous remercie d'avoir su mobiliser les aides de l'État à travers des aides directes, des allégements de charges, ou encore l'exonération des redevances d'occupation du domaine public maritime.
Dans le budget de 2012, ce sont 2 millions d'euros qui sont prévus pour le programme de recherche relatif à la sélection génétique des huîtres. Ce programme en cours vise à identifier des souches résistantes aux agents pathogènes. Il est accompagné de travaux sur les pratiques culturales et le lien entre qualité de l'eau et comportement de l'huître. Pouvez-vous nous éclairer sur l'état d'avancement de ces recherches sur la sélection génétique ?
Permettez-moi de revenir sur la contribution supplémentaire annuelle de 2 euros à l'hectare dont les communes devront s'acquitter pour participer aux frais de garderie de l'ONF. Cette taxe aura pour effet d'augmenter les déficits de la gestion forestière des forêts, en particulier des forêts de montagne, c'est-à-dire celles qui sont les moins productives. Or compte tenu des difficultés liées aux contraintes physiques et au relief, les coûts d'exploitation des forêts en zone de montagne sont supérieurs à ceux constatés en plaine.
Les communes de montagne en régime forestier seront-elles taxées de la même manière que les autres, ou prévoyez-vous une modulation ? Ne faudrait-il pas, au contraire, mettre en place des aides pour diminuer ces coûts d'exploitation, par exemple en favorisant la desserte forestière ?
Ma deuxième série de questions concerne les jeunes agriculteurs. On nous explique en page 34 du « bleu » budgétaire de 2012 que 250 000 exploitants ont bénéficié de la DJA (dotation d'installation aux jeunes agriculteurs) depuis 1973, phrase qui figure également à la page 27 du « bleu » de 2008. En cinq ans, il n'y aurait donc eu aucune évolution ? Que signifie une telle présentation ? Seules 13 300 installations nouvelles ont été enregistrées en 2009, soit une baisse de 17 % par rapport à 2008. Quelles mesures spécifiques comptez-vous prendre en faveur de l'installation des jeunes ?
S'agissant enfin de l'agriculture de montagne, le montant des aides spécifiques à la mécanisation reste modeste, alors que les besoins des exploitants en montagne sont réels. Quelles mesures prendrez-vous pour leur permettre d'y recourir, comme ils le souhaitent, plusieurs fois au cours d'une même période quinquennale, tout en étant éligibles tous les dix ans au renouvellement de leur parc de matériel ?
Une fois encore, l'agriculture française a été durement frappée par la sécheresse au printemps dernier. Des mesures exceptionnelles ont été prises pour venir en aide aux exploitations sinistrées. Dans le cadre du programme 154 – « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » – l'action 12 regroupe les soutiens financiers prévus pour accompagner les exploitations touchées par les crises ou les calamités agricoles.
Avec les aléas du changement climatique, les épisodes de sécheresse sont devenus récurrents. Il est donc préférable d'adapter notre agriculture, voire d'anticiper ces situations.
Nous devons rendre notre agriculture plus compétitive et lui permettre de relever les défis de demain que sont notamment la sécurité alimentaire, la sécurité de l'approvisionnement, la protection de l'environnement et les mutations démographiques.
Au printemps dernier, 58 départements – dont le Maine-et-Loire – ont fait l'objet de mesures restrictives limitant l'usage de l'eau, qui ont impacté durablement les cultures fourragères.
Le stockage des eaux hivernales apparaît comme une solution adaptée pour pallier les problèmes d'approvisionnement en eau, maintenir le niveau des nappes phréatiques et assurer l'irrigation des cultures en période de sécheresse. Le 9 juin dernier, le Président de la République, en déplacement en Charente, a annoncé la mise en place d'une politique de stockage de l'eau, par le biais de la création ou du rétablissement d'ouvrages de gestion de l'eau sur cinq ans, afin de prévenir les prochaines sécheresses. Où en est ce projet ?
Par ailleurs, le plan d'action pour la filière fruits et légumes que vous avez présenté le 7 septembre ne concerne que les pêches et les nectarines. Proposerez-vous des mesures pour soutenir les autres filières maraîchères impactées par le manque d'eau ?
La France a connu en début d'année des températures élevées et des déficits de précipitations importants. Cette situation n'a pas été sans conséquence sur la gestion des exploitations, tout particulièrement pour les éleveurs. Une réponse conjoncturelle lui a été apportée avec un plan de soutien exceptionnel, de même qu'une réponse européenne dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Une réponse structurelle est par ailleurs prévue, avec la mise en place de plans de développement.
Nous devons cependant préparer l'avenir et anticiper le risque de sécheresses récurrentes pour faire face au réchauffement climatique. Parmi les orientations prioritaires figure le développement des investissements en matière de retenues d'eau et de retenues collinaires. Stocker l'eau lorsqu'elle tombe en hiver pour pouvoir l'utiliser en été en cas de besoin paraît de bon sens. Un plan d'investissement et de création de retenues a été annoncé. Où en est-on ? Quelles seront les lignes budgétaires sollicitées ? Est-il prévu une contractualisation avec les collectivités locales ?
Je sais vos contraintes, vos efforts et vos grandes qualités, monsieur le ministre ; mais je déplore un budget en stagnation, voire en baisse comme l'ont relevé les rapporteurs Nicolas Forissier et Philippe Vigier.
En ce qui concerne la PHAE (prime herbagère agroenvironnementale) et le renouvellement ou la prolongation des contrats sortants de 2010, 2011 et 2012, quid des nouveaux installés en 2012 ?
S'agissant des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), le classement de certaines zones à plus fort handicap n'entraînera t-il pas – à budget constant – une baisse pour les autres zones ?
D'autre part, pourquoi une baisse du budget de l'assurance récolte ?
Quelles sont les recettes attendues de la taxe sur les terrains agricoles ? Quelle utilisation en ferez-vous, notamment pour l'installation ?
Permettez-moi une observation sur l'inadaptation de la réponse des pouvoirs publics à la sécheresse. On a connu un feuilleton inacceptable sur le transport SNCF, totalement inadapté, et sur le transport militaire, avec des porte-chars chargés de huit boules ! J'ai bien noté que vous aviez débloqué 100 millions d'euros, et que vous attendiez début 2012 pour débloquer le reliquat. C'est tard : je crains qu'un certain nombre d'exploitations ne puissent attendre. Des demandes avaient été faites sur le soutien à l'année blanche, et une solidarité exigée entre les différentes régions agricoles. Les prêts bonifiés ne sont plus une réponse adaptée. Je souhaite donc qu'un effort supplémentaire soit réalisé dès à présent.
Le Président de la République avait parlé de réserves collinaires. C'est un processus délicat compte tenu des obligations réglementaires. Nous essayerons de travailler à faire adapter cette réglementation dans le cadre de la mission sur les problèmes liés aux normes en milieu rural qui m'a été confiée.
S'agissant de la pêche, monsieur Guédon, ma priorité est de financer le plan sur les navires du futur. Cela nous permettra d'avoir des bateaux qui consomment moins de carburant, sachant que le coût de celui-ci représente aujourd'hui près de 40 % du coût final du poisson pêché, ce qui est très excessif, et d'améliorer le confort et la sécurité des marins – tous ceux qui ont participé un jour à une campagne de pêche savent à quel point leurs conditions de vie sont difficiles, voire dangereuses.
Ce sont 20 millions d'euros du grand emprunt qui sont consacrés à ce projet : c'est un signe de notre volonté de continuer à développer une flottille plus performante et plus sûre.
La consommation de poisson augmente. Si c'est heureux pour la qualité de notre alimentation, je ne me résigne pas à ce que 80 % du poisson consommé en France soient importés. La solution réside dans le maintien d'une flotte de pêche performante et dans le développement de l'aquaculture dans des conditions plus respectueuses de l'environnement qu'elles ne le sont dans certains pays asiatiques. On rejoint ici la question du développement de nos propres filières.
Nous avons lancé avec l'INRA des programmes de développement de l'aquaculture, avec une consommation de farines de poisson bien moindre que ce qui se pratique dans d'autres pays. Tout cela est très prometteur et mérite d'être développé. Je recommande à cet égard à tous les amoureux du Pays basque la visite de la station de l'INRA à Saint-Pée-sur-Nivelle, qui a développé un programme très intéressant sur l'engraissement des salmonidés.
Sur la politique commune de la pêche, je vous confirme que je ne suis pas d'accord avec les premières orientations fixées par Mme Damanaki : certaines sont pour nous de vraies lignes rouges. Je suis ainsi fermement opposé à l'idée de quotas individuels transférables, qui marqueraient une victoire de la pêche industrielle sur la pêche artisanale. Les pêcheurs artisans vendraient en effet leurs quotas aux industriels, et on aboutirait à une concentration de la pêche très éloignée du modèle français. Je suis également opposé à l'idée d'arriver à zéro rejet dans des délais aussi réduits que ceux indiqués par la Commission : les contraintes techniques et matérielles ne nous le permettront pas.
Les pêcheurs font de leur mieux. Ils ont fait des efforts sur la sélection et la limitation des rejets, mais on ne peut pas leur demander l'impossible !
En ce qui concerne le rendement maximum durable, écoutons la voix des pêcheurs et des scientifiques, et pas seulement celle de personnes qui n'ont pas nécessairement compétence pour le définir ! Bref, veillons à ne pas céder à l'idéologie en matière de pêche européenne.
Si nous voulons vraiment que la pêche soit compatible avec le reste de l'environnement, nous devons aussi tenir compte des contraintes matérielles et économiques des pêcheurs. Sinon, nous tuerons l'ensemble des activités de pêche en Europe, sans pour autant avancer sur la préservation de la ressource.
Je suis sensible à votre compliment, monsieur Peiro. Je ne sais qui défendra le budget de l'agriculture l'an prochain, mais je souhaite qu'il soit l'occasion de dépasser les clivages partisans : sauver et renforcer notre agriculture est une priorité stratégique nationale. La Chine, l'Inde, le Brésil, l'Argentine, les États-Unis l'ont compris, et la France également. Malheureusement, il subsiste encore en Europe un courant pour qui se fournir en produits agricoles auprès de pays qui produisent moins cher est la meilleure solution. C'est à mon avis une erreur historique.
Beaucoup d'entre vous ont évoqué l'évolution de la sociologie agricole. C'est un bouleversement considérable pour notre nation que de voir la population active agricole se réduire à 987 000 actifs, alors qu'elle représentait encore la majorité de la population au début du vingtième siècle. Cela ne signifie pas que l'agriculture soit sur la voie du déclin. Jamais nous n'avons eu autant besoin des agriculteurs, jamais nous n'avons eu autant besoin de productions agricoles. Nous ne savons pas comment nourrir la planète : qui nous dit que dans dix, quinze ou vingt ans, nous ne serons pas dans la situation de ne plus pouvoir nourrir notre population, faute d'avoir pris les bonnes décisions ?
Je rappelle que les deux seuls secteurs dont la balance commerciale est excédentaire sont l'aéronautique et l'agroalimentaire. Dans un monde où il faut prendre des parts de marché et profiter de la croissance des pays émergents, renoncer à l'agriculture serait une hérésie, et je me réjouis qu'il existe un consensus à cet égard.
Le rajeunissement et la féminisation de la population agricole constituent par ailleurs des signes positifs, tout comme la forte augmentation du niveau de qualification moyen des agriculteurs. Ce sont autant de signes d'espoir pour la profession agricole. Bref, l'agriculture est un secteur d'avenir !
Je tiens à redire à quel point je suis opposé à un modèle agricole qui aboutirait à la concentration dans un nombre limité de points du territoire d'exploitations de taille industrielle. Nous devons conserver la diversité de nos exploitations et leur présence partout sur le territoire. Cela suppose le maintien d'un certain nombre d'aides comme la PHAE ou les ICHN.
J'insiste sur un dernier élément : nous sommes tous responsables. Si nous n'ouvrons pas un vrai débat sur la question de l'utilisation du foncier en France, nous créerons des difficultés majeures à tous les agriculteurs, notamment aux jeunes qui s'installent.
J'ai mis en place une taxe, ainsi qu'un observatoire des terres agricoles. Nous avons commencé à ouvrir le débat. La question de l'utilisation des terres agricoles est une question majeure, qui se pose à l'échelle planétaire quand les Chinois achètent des dizaines de milliers d'hectares de terres agricoles en Afrique, mais aussi chez nous, quand nous autorisons la construction de lotissements sur les terres les plus fertiles ou l'implantation de grandes surfaces sur les terres arables les meilleures, parce que nous estimons que la terre agricole ne vaut rien.
J'en viens à la PAC et à la question des quotas. Si j'ai accepté de renoncer aux quotas laitiers, c'est pour deux raisons très simples.
La première est qu'il est difficile, voire impossible, d'expliquer à de petits pays comme le Danemark ou les Pays-Bas, qui sont d'importants producteurs de lait, que la quantité de lait qu'ils ont le droit de produire dépend de leur population. Cela reviendrait à dire à la Suède qu'elle ne peut produire que peu de voitures parce que sa population est peu nombreuse ! Un pays produit s'il est capable de produire, de vendre et de rémunérer ses producteurs. C'est une question de justice européenne.
La deuxième raison est stratégique. Renoncer aux quotas laitiers en faveur de la régulation du marché est l'un des points qui m'ont permis d'obtenir un accord avec l'Allemagne sur le maintien du budget de la PAC. J'ai estimé – et je l'assume – que c'était là une priorité absolue. Faut-il rappeler qu'à mon arrivée, la proposition de la Commission était de baisser ce budget de 30 % à 40 % ? Pendant toute l'année 2009-2010, mon obsession a été de remporter cette victoire. Pour cela, il a fallu faire des concessions.
Enfin, la régulation agricole figure dans le projet de PAC 2014-2020. Introduite à la demande de la France, elle constitue un renversement complet de perspective. Ce que propose la Commission reste à ce jour insuffisant. Je souhaite un renforcement des outils d'intervention en cas de crise. Je demande aussi une nouvelle fois le maintien des droits de plantation, ainsi que le maintien des quotas sucriers jusqu'en 2020.
S'agissant de la tabaculture, je rappelle que neuf millions d'euros ont été dégagés pour l'aide à la qualité du tabac. Ce n'est pas un dossier facile car les aides à l'hectare ont été très importantes. Je crois néanmoins essentiel de se battre pour maintenir une activité tabacole dans notre pays. Là encore, ne cédons pas à l'idéologie. Ce serait un mauvais calcul que de condamner la culture du tabac au motif que celui-ci est nocif si on devait dans le même temps en importer et, partant, laisser détruire des emplois dans le secteur en France.
En ce qui concerne la retraite obligatoire des agriculteurs, on peut toujours dire qu'il faudrait faire plus. Il n'en reste pas moins que nous avons au cours de la législature consacré 130 millions d'euros à la revalorisation des petites retraites.
Monsieur Dionis du Séjour, je sais et je salue l'énergie avec laquelle vous avez défendu l'amélioration de la compétitivité de l'agriculture française par la réduction du coût du travail. Je n'ignore pas que le Lot-et-Garonne –Agen m'est chère à moi aussi – fait partie des régions les plus concernées par ce sujet. Pour les producteurs de noisettes, de pruneaux, de pêches nectarines, la réduction du coût du travail est vitale. Nous allons y procéder. Mais il convient de s'assurer auprès de la Commission européenne de l'eurocompatibilité de la mesure. Bernard Reynès s'est déjà rendu, avec plusieurs d'entre vous, à Bruxelles pour avoir un premier éclairage sur le sujet. Je formulerai de nouveau la demande à la Commission et j'ai bon espoir que nous obtiendrons son feu vert, à tout le moins un nihil obstat. En aucun cas, nous ne prendrons de mesure susceptible d'être ultérieurement sanctionnée. Je le dis d'autant plus librement que je suis le ministre de l'agriculture qui a « hérité » du plus d'aides illégales octroyées par ses prédécesseurs. Je ne suivrai pas cette voie. Accorder aux paysans français des aides illégales, c'est leur mentir et les placer dans des difficultés insurmontables lorsque, quelques années plus tard, elles doivent être récupérées.
Pour le reste, je refuse catégoriquement d'engager l'agriculture française dans la voie du dumping social et d'une réduction des coûts qui aboutirait à payer les salariés à un tarif tout simplement indigne. Il faut gagner la bataille de la compétitivité. Cela exige un effort sur le coût du travail. Mais, sur ce point, je rejoins totalement votre analyse, monsieur Gaubert : nous n'avons pas à nous aligner sur des pratiques sociales attentatoires à l'honneur même des salariés. Deux autres batailles essentielles doivent aussi être livrées, que nous sommes d'ailleurs en train de gagner. Celle tout d'abord de la qualité, de la diversité et de la valorisation de nos produits. Nos viticulteurs et nos éleveurs l'ont engagée – la filière des agneaux de France s'est ainsi relevée grâce à une stratégie de qualité et de différenciation. Celle ensuite de l'exportation, où il nous faut gagner des parts de marché.
S'agissant des retenues collinaires, sujet que plusieurs d'entre vous ont abordé, il faut savoir ce que l'on veut. Soit on cède à l'idéologie de la décroissance totale en imposant toujours davantage de normes et de règles, à notre agriculture comme à notre industrie d'ailleurs, beaucoup plus strictes que celles en vigueur chez nos voisins européens, et il faut alors assumer la mort de nos entreprises industrielles, de nos exploitations agricoles et des paysans qui ne pourront pas lutter à armes égales. Je suis, pour ma part, totalement opposé à ce qu'on continue d'édicter des règles aussi strictes et d'accorder des droits de recours aussi larges alors qu'on a besoin des retenues collinaires. Nous nous apprêtons à simplifier les dispositifs : chacun prendra ses responsabilités au moment du vote. Si on entend maintenir l'agriculture, notamment dans le Sud, il faut des retenues et une simplification administrative massive s'impose – c'est la position que je défends. Si on refuse les retenues, au motif qu'elles peuvent poser des problèmes dans la gestion de l'eau, il faut accepter que les exploitations mettent la clé sous la porte. Il n'y a pas d'autre alternative. Et de grâce, ne laissons pas croire qu'on pourrait avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière en sus ! On ne pourra pas maintenir l'agriculture avec des règles administratives ultra-compliquées et une protection de l'eau dix fois plus poussée que dans les autres pays européens. (Plusieurs commissaires du groupe de l'UMP applaudissent). Nous engageons 120 millions d'euros sur cinq ans pour ces retenues collinaires, dont 15 millions au titre du Fonds européen agricole pour le développement rural – FEADER – et 75 millions au titre des agences de l'eau. La bataille ne se jouera donc pas sur les moyens financiers mais bien sur la simplification administrative.
Monsieur Chassaigne, vous dites qu'on a renoncé face au libéralisme. Je rêve que vous m'accompagniez un jour à Berlin. Vous y constateriez que je suis considéré par nos amis allemands comme un dangereux gauchiste souhaitant faire intervenir l'État partout et instaurer de la régulation là où il faudrait laisser jouer le marché, et que, pour eux, la France est décidément incorrigible. Ce que vous qualifiez de libéralisme est perçu outre-Rhin comme une intolérable régulation des marchés. Il faut que nous parvenions à nous accorder avec l'Allemagne, notre principal partenaire, sur ce que l'on entend par libéralisation, régulation et organisation du marché. Pour ma part, je suis favorable à une économie de marché régulée. Cela signifie lutter contre la spéculation financière – inacceptable – sur les marchés agricoles, et c'est ce que nous faisons à l'échelle du G 20. C'est aussi conserver des capacités d'intervention en cas de crise, y compris économique. Il faut que la Commission européenne puisse intervenir sur les marchés pour faire remonter les prix et éviter que certains paysans ne se retrouvent en très grande difficulté. Ce dernier point reste difficile à faire valoir auprès de nos partenaires allemands. C'est enfin s'assurer du respect du principe de réciprocité. Les normes que nous imposons aux paysans européens, qu'il s'agisse d'environnement, de bien-être animal ou de droits sociaux, doivent être appliquées de la même façon par les Argentins, les Brésiliens, les Chinois, les Indiens et, bien sûr, les Américains. Si tel n'est pas le cas, des tarifs douaniers doivent compenser la différence. Voilà la position qui me fait passer pour un gauchiste auprès de 26 États sur 27 dans l'Union, et disant cela j'exagère à peine !
Monsieur Lecou, je vous redis mon opposition totale à la libéralisation des droits de plantation. Cette mesure a été décidée fin 2008 au niveau européen dans un contexte particulier – c'est d'ailleurs pourquoi je ne jette la pierre à personne – mais ce serait une erreur pour tous nos viticulteurs. Dans votre région où ceux-ci ont fait des efforts considérables d'arrachage de plants et de montée en gamme des vins, on ne peut décemment, après dix années d'efforts en matière de recherche de la qualité et de structuration de l'offre, leur expliquer qu'on va laisser « pisser la vigne » partout en France et en Europe.
Je vous répondrai tout à l'heure sur le sujet de la conchyliculture, abordé par plusieurs orateurs.
Monsieur Gaubert, comme je l'ai déjà dit, je partage votre analyse sur le coût du travail. J'ai entamé des discussions avec nos partenaires allemands sur le sujet : je serai demain à Berlin, comme presque chaque semaine en ce moment. Je m'entretiendrai avec mon homologue allemande et j'interviendrai devant la Konrad Adenauer Stiftung pour expliquer qu'il n'y aura d'entente possible entre nos deux pays que si chacun fait un pas vers l'autre. Ma conviction profonde est qu'aucun modèle national ne peut à lui seul convenir dans une perspective européenne et que c'est de l'addition équilibrée des avantages respectifs des différents modèles nationaux que naîtra le modèle économique européen de demain. Pendant des années, la France a voulu imposer le sien à l'Europe. Elle n'y est pas parvenue. Certaines de nos idées ont certes progressé, mais d'autres ont été rejetées. Ce n'est pas pour adopter maintenant le modèle allemand, qui a certes ses vertus mais aussi ses défauts. L'Allemagne a certes mieux réussi que la France dans la mondialisation, a gagné en compétitivité et accru ses parts de marché à l'exportation, mais elle compte aussi beaucoup plus de travailleurs pauvres. Les conditions sociales y sont plus difficiles pour un certain nombre et il n'y existe pas de salaire minimum. Notre pays doit faire un gros effort pour renforcer sa compétitivité, exporter davantage et réussir la mondialisation. Il en a les moyens. Pour autant, ce que nous avons réussi à mettre en place en matière de salaire minimum et de protection des salariés mérite d'être défendu. C'est sur cette voie étroite qu'il faut trouver un chemin. Je ne vous cache pas que c'est difficile aujourd'hui car la crise conduit au raidissement des positions de chacun et à un repli sur soi qui n'est bien évidemment pas porteur pour l'Europe.
Des propositions de la Commission, je retiens trois points clés. Je mets de côté le budget global, si ce n'est pour dire qu'il faudra se battre sans relâche pour que nul ne réintroduise de possibilité de baisse de ce budget, qui fera inévitablement l'objet de convoitises.
Le verdissement des aides tout d'abord. Il est excessif que 30 % du total de ces aides en dépendent. Il faut revenir à un taux plus raisonnable : sinon nos agriculteurs n'y arriveront pas. Deuxième difficulté : l'attribution de ces aides est subordonnée au respect simultané de trois critères, chacun extrêmement compliqué. En résultera une ingénierie technocratique incompréhensible pour les paysans et ingérable pour les administrations nationales. Au lieu de simplifier, on va complexifier. S'il y a bien un point sur lequel les 27 sont d'accord, c'est qu'il reste beaucoup à faire pour simplifier ce verdissement !
La convergence ensuite, avec tout d'abord la convergence européenne. La France s'est la première déclarée prête à renoncer aux références historiques pour parvenir à une répartition plus équitable des aides européennes. Il est en effet difficilement imaginable que l'aide moyenne à l'hectare puisse demeurer de 350 euros en France contre seulement 110 en Hongrie. Nous sommes en revanche totalement opposés à un montant unique – flat rate – d'aide à l'hectare pour l'ensemble des pays. Ce serait profondément injuste : en effet, un euro dans l'agriculture ne représente pas la même chose en France qu'en Pologne ou en Hongrie. Rapprochement oui, égalisation non. Il y a ensuite la convergence des aides entre les différentes filières à l'échelle nationale. Je suis prêt à l'engager mais le délai donné de cinq ans n'est pas tenable. Il faut se donner plus de temps. À vouloir aller trop vite, on risque de finir dans le fossé !
Enfin, dernier point : la régulation. Il n'a pas été simple d'inclure ce sujet dans la négociation. Nous avons réussi, mais les instruments proposés demeurent très insuffisants.
Monsieur Rochebloine, votre question sur l'enseignement agricole rejoint celle de M. Decool. S'il y a bien 280 équivalents temps plein supprimés, les réformes engagées, notamment celle du baccalauréat professionnel, doivent permettre d'absorber cette diminution. L'enseignement agricole, public et privé, demeure une priorité. Dans les réductions d'effectifs que mon ministère, comme tous les autres, a dû programmer, j'ai veillé à le préserver. Comme vous l'avez dit tous deux, les maisons familiales rurales – j'en ai encore visité une il y a peu – constituent un remarquable outil : l'alternance y fonctionne très bien, avec 85 % des élèves trouvant un emploi à la sortie. C'est un modèle à suivre.
Madame Massat, si on demande une cotisation de deux euros à l'hectare aux communes forestières, c'est dans l'objectif d'exploiter davantage la ressource bois. Pour cela, les communes forestières, comme l'État, doivent se mobiliser. Je comprends bien que dans votre département, l'utilisation du bois est moins rentable que dans d'autres, mais toutes les communes forestières doivent faire un effort. L'État ne s'en dispense pas lui-même qui alloue 46 millions d'euros à l'Office national des forêts. Nos forêts, qui occupent un tiers du territoire national, sont sous-utilisées alors même qu'il existe des opportunités exceptionnelles d'utilisation de cette matière première, pour la construction comme pour le chauffage. Autant faire appel à nos propres ressources plutôt que de continuer comme aujourd'hui à importer massivement du bois !
S'agissant du « bio », nous avons augmenté le plafond de 2 000 à 2 500 euros dans la loi de finances rectificative, pour répondre aux attentes et permettre aux exploitations « bio », y compris les plus petites d'entre elles, de continuer de bénéficier de ce soutien.
Vous regrettez qu'il n'y ait pas de soutien financier pour les circuits courts. La meilleure manière d'aider leur développement est de permettre aux collectivités locales de s'exonérer de la contrainte de prix dans les appels d'offres. Nous avons réussi à l'obtenir après un an de négociations avec la DGCCRF et le commissaire européen à la concurrence, M. Almunia, qu'il a fallu convaincre de la priorité à donner à l'approvisionnement de proximité. Le niveau a été fixé à 10 %. Je souhaiterais, pour ma part, qu'on aille beaucoup plus loin dans les années à venir et que cet approvisionnement devienne la règle, alors qu'aujourd'hui les produits qui composent les assiettes de nos enfants ont en moyenne parcouru deux mille kilomètres, ce qui est absurde.
Monsieur de Courson, j'ai déjà répondu sur le sujet de l'eurocompatibilité. Je n'ai pas le feu vert définitif mais Bernard Reynès a beaucoup fait avancer les choses en se rendant avec vous à Bruxelles. Nous allons poursuivre le travail avec la Commission. Les garde-fous que nous avons mis en place devraient la rassurer. S'agissant de la défiscalisation partielle des biocarburants, j'ai demandé au ministre des finances le renouvellement des agréments. J'attends sa réponse.
Madame Le Loch, je redis que l'une des priorités pour la pêche est le renouvellement de la flotille. Vingt millions d'euros y sont réservés et un appel à projets a été lancé pour des bateaux de nouvelle génération. Nous espérons que les premiers projets de modernisation pourront commencer à partir de mars prochain. Je ne reviens pas sur la réforme de la politique commune de la pêche – PCP. La discussion est très difficile. Je ne suis pas d'accord avec la philosophie globale de cette réforme. On donne en effet le sentiment d'avoir renoncé à une pêche européenne. Or, ma priorité va au maintien et même au développement des activités de pêche en France comme dans les autres pays européens, de façon que l'approvisionnement soit d'abord national. Va-t-on une nouvelle fois transformer la France et l'Europe en parcs d'attractions pendant qu'on importera massivement le poisson en provenance de pays dont on ne contrôlera ni les capacités ni les modalités de capture ? Si tel devait être le cas, personne ne serait gagnant.
Monsieur Favennec, pour ce qui est du calcul des retraites agricoles sur les vingt-cinq meilleures années, un rapport est en préparation sur le sujet. J'en attends les conclusions avant de me prononcer. Il était en effet apparu lors du débat sur les retraites que cela pouvait présenter des avantages, mais aussi de très lourds inconvénients pour une partie du monde agricole.
Madame Dalloz, je suis prêt à simplifier les règles et à raccourcir les délais d'instruction des demandes d'aide à la modernisation des bâtiments agricoles. Dès lors que, de toute façon, nous n'avons plus les moyens budgétaires d'augmenter ces aides – nous les maintenons seulement –, c'est la simplification des procédures qui entretiendra la dynamique. C'est vrai pour les bâtiments d'élevage comme pour les retenues collinaires ou le verdissement. Simplifier massivement nombre des règles administratives actuellement en vigueur dans l'agriculture ferait immédiatement gagner en compétitivité, sans que cela ne coûte un euro au budget de l'État, donc aux contribuables.
Madame Marcel, nous avons maintenu une enveloppe de 9 millions d'euros en 2013 pour le plan de performance énergétique. Nous avons aligné le tarif de rachat du biogaz sur celui pratiqué en Allemagne. Cela devrait favoriser le développement de la méthanisation dans notre pays, où l'on dénombre à peine une vingtaine d'exploitations la pratiquant, contre plus de 4 000 outre-Rhin. C'est une source de revenu direct pour les agriculteurs en même temps que cela contribue à la préservation de l'environnement.
Monsieur Binetruy, l'installation des jeunes agriculteurs demeure une priorité pour le Gouvernement. L'intégralité de l'enveloppe a été maintenue, soit 350 millions d'euros si on additionne crédits européens et crédits nationaux. Au-delà, comme chacun d'entre nous peut le constater sur le terrain, la clé de l'installation des jeunes, c'est le prix du foncier. L'action des maires et des conseillers généraux pour que le foncier demeure accessible est donc de la plus grande importance.
Monsieur Remiller, je ne reviens pas sur le coût du travail.
S'agissant de la sharka, voilà près dix ans que l'on cherchait à lancer un plan national de lutte contre ce virus. Un accord a pu être trouvé au printemps dernier et un plan enfin lancé, financé à 65 % par l'État et 35 % par les professionnels.
Madame Pinel, vous avez évoqué les marges de la grande distribution. Je souhaite que le nouvel Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires puisse faire la transparence totale sur les marges dans toutes les filières agricoles. C'est le meilleur moyen de restaurer davantage d'équité. Les grands distributeurs ont par ailleurs signé un accord sur la répercussion de l'augmentation des coûts de production. Je les ai rappelés à l'ordre il y a quelques jours sur le sujet. Cet accord doit maintenant être respecté.
Vous avez également appelé notre attention sur la menace planant sur le programme européen d'aide aux plus démunis. Je me bats pour que soit maintenue l'intégralité des crédits de ce programme, ou du moins la plus large partie, en 2012 et 2013. Mais, comme le Premier ministre l'a déjà indiqué, si d'aventure nous n'obtenions pas gain de cause, l'État français compenserait à l'euro près les crédits manquants pour les associations comme les Restos du coeur ou les banques alimentaires, ce qui ferait 72 millions d'euros à trouver. La suppression de ces crédits européens constituerait une défaite politique pour l'Europe tout entière. D'une part, il serait incohérent de charger la barque des budgets nationaux au moment où on demande aux États de faire des économies, et ce alors même que les sommes en question sont disponibles sur le budget européen. D'autre part, si la France peut parvenir à trouver une telle somme, il n'est pas certain que l'Espagne, par exemple, trouve, elle, les 105 millions qui lui seraient nécessaires. Soit on se moque de ce qui arrive dans chaque pays et on laisse faire, mais ce « chacun pour soi » n'est pas ma conception de l'Europe. Soit on se sent directement concernés par ce qui se passe en Espagne, en Italie, en Grèce ou en Allemagne, et solidaires avec l'ensemble des pays européens, et il serait alors plus sage de maintenir ces crédits.
Monsieur Philippe-Armand Martin, un mot sur le foncier. C'est une question prioritaire. La taxe mise en place devrait rapporter 2,5 millions d'euros dès la première année puis son produit monter progressivement en puissance.
La libéralisation des droits de plantation constituerait une faute politique majeure, tant pour la qualité des produits, notamment ceux issus de votre région, que pour notre capacité à exporter.
Monsieur Grall, je vais vous répondre un peu plus longuement sur la conchyliculture. Le sujet me tient en effet à coeur, parce que je le trouve emblématique du choix qui s'offre pour notre agriculture. On peut accepter de ne conserver que les très grandes exploitations, de production bovine, porcine, céréalière ou de fruits et légumes, et condamner toutes les exploitations plus petites ou spécifiques. Qu'on ne compte pas sur moi pour s'engager dans cette voie. On peut aussi se battre pour préserver chaque filière, même celles qui ne représentent pas beaucoup d'emplois parce qu'on considère que sont en jeu notre intérêt économique mais aussi l'identité de nos territoires. Si on fait ce choix-là, et vous aurez compris que c'est le mien, il faut dégager les moyens nécessaires pour la conchyliculture. Nous l'avons fait et je l'assume pleinement car je n'imagine pas la France sans la production des huîtres de Marennes Oléron, de l'étang de Thau et tant d'autres encore. Cela fait partie de notre culture, comme les parcs à huîtres font partie de nos paysages côtiers. Au motif qu'une maladie frappe les élevages, on ne va pas baisser les bras et se résigner à importer nos huîtres. Avec le maintien de cette activité, il en va aussi de la qualité de nos paysages et de toute une vie locale. Deux pistes ont été explorées. Celle de l'importation de naissains japonais a été abandonnée car, introduisant dans nos parcs de nouveaux agents pathogènes exotiques, elle créait plus de problèmes qu'elle n'en résolvait. La deuxième piste était celle d'une sélection génétique permettant d'obtenir des huîtres plus résistantes. Cela a permis de réduire la surmortalité des juvéniles de moins d'un an, de 10 % à 20 % dès la première année et sans doute de 50 % l'année prochaine. Il vaut donc la peine de poursuivre dans cette voie. Depuis 2008, le secteur de la conchyliculture a bénéficié de trois fois 40 millions d'euros sous forme d'exonérations ou d'allégements de charges et d'exonérations de redevance domaniale. Nous avons aidé le secteur à passer un cap difficile et une solution commence à se dessiner qui permettra de limiter les pertes économiques pour les conchyliculteurs.
Madame Robin-Rodrigo, je redis que la taxe forestière de deux euros l'hectare ne sera pas modulée, l'objectif étant de relancer l'exploitation, sous l'effort conjugué des communes forestières et de l'État.
Monsieur Bossé, je pense avoir déjà répondu sur l'irrigation et le stockage des eaux hivernales. Pour ce qui est de l'aide aux secteurs des fruits et légumes ayant beaucoup souffert, nous avons donné la priorité aux pêches nectarines, aux tomates et aux concombres. Il n'est pas exclu que l'aide puisse être étendue à d'autres productions mais pour l'heure, nous nous concentrons sur celles qui ont été les plus touchées par la crise.
Monsieur Morisset, j'ai déjà répondu sur les retenues collinaires.
Monsieur Pierre Morel-à-l'Huissier, je souhaite souligner l'effort considérable consenti pour maintenir l'intégralité des primes pour les éleveurs installés dans des zones difficiles ou qui s'engagent dans des modes de production plus respectueux de l'environnement : nous avons maintenu l'intégralité de la prime herbagère agro-environnementale et je vous confirme que les nouveaux contrats 2012 en bénéficieront également. Nous maintenons aussi l'intégralité de l'indemnité compensatrice de handicap naturel et l'intégralité de la prime à la vache allaitante.
Toutefois, comme je l'ai dit aux éleveurs, il n'y aura pas de mesure du type « année blanche ». Une telle mesure coûterait entre 500 à 700 millions au budget de l'État et ce serait de l'argent donné à fonds perdus. Cela a été fait pendant de très nombreuses années, sans que l'on pense ni aux exportations, ni à la restructuration de la filière, ni au GIE Export. J'ai choisi un autre cap, que j'assume : je maintiens l'intégralité des aides nationales et européennes spécifiques à la filière, l'intégralité des aides pour l'élevage en zone de montagne parce que je considère qu'il faut aider ces zones. Mais je me refuse aux aides de trésorerie, qui consistent à puiser dans le budget de l'État à fonds perdus sans que suive aucune restructuration de la filière. Je n'aide qu'en cas de crise grave, comme en 2009 ; pour le reste, je demande à la filière de se structurer.
Cette politique a commencé de porter ses fruits. Qu'est-ce qui a amélioré les revenus des producteurs depuis quelques mois sinon l'augmentation des prix, elle-même due à l'ouverture des marchés, que j'ai réussi à obtenir depuis plus d'un an, après des heures de discussion avec les responsables russes, turcs, kazakhs et de plusieurs pays d'Afrique du Nord ? C'est ce que demandent les éleveurs.
Puis, s'agissant de la trésorerie, je souhaite que les banques fassent davantage. Pourquoi l'État devrait-il prendre à sa charge tout problème de trésorerie, d'étalement ou de restructuration de la dette des éleveurs ? Il suffit ! Je réunirai prochainement les banques pour leur demander de participer à l'effort collectif. Je pense d'ailleurs que les éleveurs sont d'accord avec cette stratégie : ils ont compris que l'année blanche n'est pas la bonne solution et que les banques doivent jouer leur rôle.
Autre élément capital : la question des règles relatives au retournement des prairies et à la gestion des prairies permanentes. Plutôt que de verser des fonds publics sur les comptes de fonctionnement des exploitations, la meilleure aide, et la plus efficace, que l'État peut apporter aux éleveurs de votre région, c'est de simplifier les règles en vigueur, qui leur coûtent cher.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses précises à cette première série de questions. Elles traduisent votre engagement en faveur de notre agriculture et de notre pêche.
L'examen des crédits de la mission interministérielle de l'enseignement agricole aura lieu mercredi soir. Aussi vous poserai-je aujourd'hui deux questions à ce sujet. En premier lieu, le programme 143 avait suscité l'année dernière de nombreux débats relatifs aux défaillances de la coordination entre le ministère de l'agriculture et celui de l'Éducation nationale. Avez-vous pu l'améliorer ?
Par ailleurs, le financement des remplacements « temps plein » dans l'enseignement agricole privé pose problème, l'État ne les remboursant qu'au-delà du 90ème jour d'absence. La question suscite des tensions dans de nombreux établissements. Il faut améliorer le financement de ces remplacements en réduisant le délai de carence à une période raisonnable. J'aimerais, monsieur le ministre, une réponse précise à cette question.
Monsieur le ministre, je salue votre engagement et votre action à la tête de ce ministère et je me félicite que dans ce budget contraint par la nécessaire maîtrise de la dépense publique, le choix fort ait été fait d'alléger, à hauteur de 210 millions d'euros, les charges pesant sur les salaires de l'effectif agricole permanent. Pour ce qui est toutefois du soutien à la filière des biocarburants, le projet de budget donne un signal négatif. Les crédits diminuent de plus de 10 % passant de 280 à 250 millions d'euros. Si cette baisse devait se poursuivre, la pérennisation de la filière pourrait être menacée. Qu'en est-il par ailleurs des agréments au-delà de 2013 ?
D'autre part, la fixation dans le projet de loi de finances de la taxe pour frais de chambre d'agriculture prévue par le code rural est une modalité devenue inadaptée. Ce dispositif, parce qu'il comporte un taux pivot et un taux maximal, ne favorise pas une gestion rationnelle et responsable des chambres d'agriculture, mon expérience d'ancien président de chambre me permet d'en témoigner. La plupart des chambres ne fixent pas le taux en fonction de leurs besoins ou de leurs programmes : elles choisissent d'office le taux maximal autorisé. De plus, parce que l'augmentation permise est calculée en pourcentage, les chambres qui ont été les moins vertueuses par le passé bénéficient de ressources fiscales plus importantes que leurs homologues. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
La France, grâce à son climat, ses sols et ses hommes, a la chance extraordinaire d'avoir une agriculture très performante. Pourtant, l'excédent commercial agricole et agro-alimentaire diminue depuis trois ans. Cette perte de compétitivité s'explique par des distorsions de concurrence. Ainsi, l'Allemagne, qui est désormais notre principal concurrent, est très en avance sur nous dans le domaine des bioénergies et singulièrement de la méthanisation. Ce procédé y est très répandu et, semble-t-il, facile à mettre en oeuvre – six mois suffisent à monter une unité de méthanisation. Ne devrions-nous pas favoriser cette filière ? Si vous en êtes d'accord, quelles mesures comptez-vous prendre pour que cette source d'énergie soit développée ?
Mes questions porteront en premier lieu sur l'évolution des financements alloués au programme national pour l'alimentation. Si l'axe « Mieux manger en situation précaire » voit ses crédits augmenter, d'autres actions subissent des baisses : moins 52 % pour l'axe « Prendre de bonnes habitudes alimentaires dans le cadre scolaire et périscolaire » ; moins 68 % pour l'axe « Mieux manger dans les établissements de santé » ; moins 49% pour l'axe « Améliorer la santé des seniors ». Cette baisse des crédits ne laisse pas d'inquiéter.
Dans un autre domaine, la crise de l'E. coli a eu de graves conséquences pour les légumiers français, bretons en particulier, et le scepticisme règne sur le montant réel de l'indemnisation qu'ils percevront. Dans ce contexte difficile et pour favoriser la compétitivité de ce secteur, il serait indispensable d'alimenter en gaz naturel les exploitations légumières non raccordées au réseau à ce jour ; quelle est votre position à ce sujet ? Du reste, sachant que les coûts énergétiques peuvent représenter jusqu'au tiers du coût de production des légumes, la hausse de 60 % en cinq ans du prix du gaz n'est pas le moindre des paradoxes. Quelles solutions préconisez-vous ?
Dans un budget général pour 2012 très contraint, le budget de l'agriculture doit beaucoup à l'engagement du Président de la République et aussi, monsieur le ministre, à votre implication personnelle en faveur de la sauvegarde de l'agriculture française, ce compris au niveau européen. Deux exceptions toutefois dans ce budget : l'enveloppe destinée aux bâtiments d'élevage est réduite, et les crédits d'accompagnement sont en forte baisse alors qu'il y a une grande diversité des porteurs de projets.
J'aimerais savoir quelle place peut encore espérer l'élevage en zone de montagne dans la réforme de la politique agricole commune.
Par ailleurs, l'élevage bovin a été durement frappé ces dernières années : chute des prix, mévente, décapitalisation des cheptels avec perte... Pourtant, on assiste au glissement des élevages de production laitière vers la production de viande bovine. C'est l'abandon d'une activité certes astreignante mais qui fournit des revenus mensuels. Qu'en pensez-vous ? Est-ce là une tendance affirmée ? Alors que de plus grandes exploitations se créent en Europe et en Afrique du Nord, l'exportation de viande bovine peut-elle être une perspective d'avenir ?
En ma qualité de député de Marennes-Oléron, je reviens sur la situation des conchyliculteurs, que la mortalité massive des naissains a plongé dans une crise sans précédent. Depuis 2008, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts pour soutenir, la profession, mais le phénomène perdure. Aussi les ostréiculteurs demandent-ils la reconduction en 2012 de l'exonération des cotisations patronales et salariales de la mutualité sociale agricole et de l'Établissement national des invalides de la marine ; le remboursement des redevances domaniales ; la prise en charge des intérêts d'emprunts par le fonds d'allégement des charges ; le réaménagement des échéances des emprunts et l'extension du dispositif de prêts bonifiés.
Par ailleurs, le Fonds national de gestion des risques en agriculture a fixé les nouveaux taux de la contribution additionnelle applicable aux exploitations conchylicoles à un niveau tel que les cotisations d'assurance s'envolent, au point d'avoir triplé ces dernières semaines. Je vous serais reconnaissant de me faire savoir si vous envisagez de revoir ces taux. J'ajoute que la référence au chiffre d'affaires dans la fixation de ces taux provoque de fortes inégalités entre les allocataires d'indemnités pour calamités agricoles selon l'activité de l'entreprise. Une concertation devrait se tenir dans les plus brefs délais à ce sujet pour définir un mode de calcul spécifique à la profession.
Une situation exceptionnelle appelle des réponses exceptionnelles. Quelles mesures entendez-vous prendre, monsieur le ministre, en faveur des conchyliculteurs ?
En dépit de votre écoute, réelle, monsieur le ministre, votre projet de budget suscite de multiples interrogations, notamment au regard de la situation très difficiles de nos éleveurs, déjà rappelée et que je constate dans l'Allier. Plus généralement, l'agriculture française est confrontée à un défi crucial : il lui faut assurer l'avenir et pour cela disposer d'une filière d'enseignement agricole utile aux élèves et à notre pays. Or le projet de budget prévoit la baisse des crédits alloués à l'enseignement supérieur à périmètre constant, et la suppression de 280 postes cette année, après que 145 l'ont été l'an dernier. Le lycée agricole de Lapalisse est l'un de ceux qui subissent les effets de cette paupérisation.
Avec des effectifs d'élèves en hausse et des postes supprimés, comment comptez-vous installer le double flux et ouvrir les sections et les classes promises par certaines directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ? Comment pourra-t-on maintenir un service public d'enseignement agricole étant donné la place qu'y occupe le premier groupe de filières professionnelles désormais entièrement rénovées mais auquel l'administration a refusé l'ouverture de filières de certificats d'aptitude professionnelle agricole tout en concédant cette autorisation à l'enseignement privé ?
Enfin, quand va-t-on « déprécariser » ce secteur ? Les 300 postes proposés à cet effet sont bien loin de suffire à résorber l'effectif des contractuels précaires –5 000 dans le secondaire et cent dans l'enseignement supérieur.
L'irrigation est un sujet majeur en Midi-Pyrénées. Vous le savez, puisqu'il a été évoqué en votre présence devant le président de la République en Tarn-et-Garonne. Grâce à lui et à vous, les normes relatives aux réserves en eau en Midi-Pyrénées ont été simplifiées ; je vous en remercie. Le protocole d'accord qui va bientôt être signé avec le préfet de région prévoit de confier la création et la gestion de ces réserves aux chambres d'agriculture ; je vous en remercie vivement. Par ailleurs, l'État s'est engagé à financer à 70% la constitution de ces réserves. Quelle part des deux milliards d'euros du budget des agences de l'eau y sera consacrée ? Je souhaiterais que Mme Sylvie Pinel, députée PRG de Tarn-et-Garonne et membre de la majorité régionale présidée par M. Martin Malvy – par ailleurs président de l'agence de l'eau Adour-Garonne –, incite celui-ci à financer les 30 % restants.
Pour favoriser le partenariat entre les établissements publics fonciers et les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, j'ai cosigné avecM. Michel Diefenbacher un amendement tendant à créer un fonds alimenté par le produit de la taxe spéciale d'équipement et destiné à être mis à la disposition des SAFER ; a-t-il une chance de prospérer ?
Enfin, j'ai cosigné les amendements du groupe d'études sur les fruits et les légumes qui portent sur l'allègement du coût du travail agricole. Étant donné l'élargissement de l'assiette de la taxe sur les boissons sucrées, ces amendements pourront-ils prospérer ?
Ce projet de budget, avec près de 5,5 milliards de crédits, constitue une excellente synthèse entre l'objectif d'une politique agricole forte et l'indispensable maîtrise des finances publiques. Je salue l'effort accompli pour réduire le coût, notamment salarial et social, du travail agricole. La crise estivale de la filière fruits et légumes a de nouveau montré que notre agriculture est confrontée à une concurrence particulièrement forte des pays du Sud de l'Union européenne et à celle de nombreux pays extra-communautaires. Cette situation vaut pour toutes les productions, animales et végétales. Les 491 millions d'euros consacrés à l'exonération des charges patronales pour l'embauche de travailleurs occasionnels et les 210 millions consacrés à la même exonération pour le travail permanent constituent des progrès très significatifs. Mais ces mesures n'auront de portée que si elles sont pérennisées. Quels engagements pouvez-vous prendre à cet égard ?
Pouvez-vous faire un bilan d'étape de la contractualisation prévue dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche ? Le concept est séduisant, mais il ne faudrait pas que, du fait de l'inégalité économique et juridique des co-contractants, la contractualisation ait pour conséquence d'aliéner davantage encore le sort des producteurs au secteur de la transformation.
La préservation des terres agricoles demeure un problème préoccupant en Outre-mer. Chaque année, la seule Martinique perd 1 000 hectares de ses terres agricoles et pas moins de deux exploitations agricoles mettent la clé sous le paillasson chaque jour. Dans le même temps, les jeunes agriculteurs réclament des terres pour pouvoir travailler. Ils craignent, que, sans mesures contraignantes, nos terres agricoles, déjà insuffisantes, ne soient livrées aux spéculateurs fonciers, ce qui serait fort dommageable pour l'économie domienne et martiniquaise en particulier.
Face à cette situation critique, ils se sont dernièrement mobilisés pour manifester leur inquiétude et se sont entretenus avec le directeur de la DAAF pour obtenir des renseignements sur l'installation de la commission chargée du classement des terres agricoles. Il leur a été répondu que le décret d'application créant cette instance n'est pas promulgué. Dans un territoire caractérisé par un fort taux d'importation de produits alimentaires, tout doit être mis en oeuvre pour favoriser une plus grande autosuffisance.
Monsieur le ministre, compte tenu de la situation difficile dans laquelle se trouvent les jeunes agriculteurs, en Martinique et en Outre-mer, et avec tous les désagréments que l'on connaît – pollution au chlordécone, intempéries...– il est urgent d'agir. Pourriez-vous nous indiquer quand ce texte, qui aura pour effet, vous le savez, de protéger cette activité économique ô combien importante pour nos territoires, sera promulgué ?
Ce projet de budget est un budget de crise. On ne saurait en effet considérer la crise agricole comme terminée – la diminution du nombre d'exploitations le montre. Monsieur le ministre, je salue votre connaissance parfaite des sujets dont vous avez la responsabilité, votre dynamisme, votre motivation et votre travail acharné pour défendre notre agriculture au plan européen. Le projet que vous nous avez présenté traduit la volonté constante du Gouvernement de conserver à notre agriculture une place privilégiée. Dans un contexte financier très difficile, nous considérons tous que les agriculteurs doivent être justement rémunérés pour un travail qui, au delà de l'autosuffisance alimentaire, est essentiel pour notre commerce extérieur et pour l'entretien et l'aménagement de notre territoire.
Aussi, je souhaite appeler votre attention sur la situation dramatique des arboriculteurs du Sud du Vaucluse et du Nord des Bouches-du-Rhône. Ils ne comprennent pas devoir vendre 10 centimes un kilo de pommes quand il leur en coûte 40 centimes à la récolte. Nos agriculteurs qui, il y a quelques années encore, travaillaient avec deux ans de trésorerie d'avance doivent désormais survivre avec un trou de deux ans de trésorerie.
Notre travail conjoint visant à mettre en place la dotation au titre de l'exonération des charges patronales pour l'embauche de travailleurs occasionnels et celui portant sur l'allégement des charges sur le travail agricole permanent constituent un grand bond en avant, et la mesure a rencontré un écho très favorable ; mais encore faut-il que les exploitants ne soient pas contraints de déposer le bilan en cette fin d'année 2011. C'est pourquoi j'ai évoqué avec vous la possibilité d'une mesure d'exemption semblable à celle à laquelle les pouvoirs publics espagnols, italiens, néerlandais et allemands semblent recourir régulièrement afin de rendre possibles, dans le cadre européen, les aides destinées à compenser des pertes dues à des aléas climatiques. Une enveloppe à cette fin pourrait-elle être intégrée dans ce projet de budget ?
Monsieur le ministre, j'apprécie votre mobilisation sur les droits de plantation.
Dans le programme 154, des mesures agro-environnementales sont prévues, avec des crédits qui aideront les exploitants à se diriger vers une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Chacun connaît l'impact de la réforme de 2008 et la nécessité de tenir jusqu'en 2015. Vous avez, dès cet été, accordé 8 millions d'euros à la filière, ce qui n'est pas négligeable, mais pour passer le cap d'ici à 2015 et préserver les emplois agricoles, d'autres outils spécifiques sont nécessaires. Plusieurs de mes collègues vous ont parlé de l'aménagement du régime de déduction des cotisations sociales payées par anticipation. Pour aider les exploitants à prendre une décision éclairée, permettre la déduction de l'à-valoir au titre d'un exercice si les cotisations correspondantes sont versées au plus tard à la date de dépôt de déclaration serait un progrès incontestable. Pour éviter toute utilisation abusive du dispositif, la déduction devrait n'être possible qu'en cas de résultat imposable et dans la limite de 20 %. Le dispositif ainsi cadré aiderait considérablement nos agriculteurs.
Enfin, vous l'avez dit à juste titre, nous devons partager une vision à long terme de l'agriculture française. Se pose donc la question de la transmission des terres agricoles. Ne faut-il pas considérer les exploitants agricoles comme des entrepreneurs à part entière et, pour cela, leur appliquer le dispositif qui vaut pour les autres entrepreneurs et qui consiste à distinguer patrimoine personnel et patrimoine professionnel ? La question ne peut évidemment être réglée au détour de l'examen du projet de budget mais une réflexion globale devrait s'engager à ce sujet.
Votre engagement en faveur de l'agriculture a été souligné ; il ne se dément pas pour la pêche, et je tiens à vous dire mon inquiétude à propos du projet de réforme de le politique commune des pêches. J'ai participé la semaine dernière à Bruxelles à une réunion au cours de laquelle Mme Maria Damanaki, commissaire européenne aux affaires maritimes et à la pêche, a présenté sa politique aux parlementaires nationaux . Elle ne m'a pas paru très à l'écoute sur les sujets tels que les rejets ou le rendement maximum durable. Le projet de PCP doit évoluer, tout comme les quotas individuels transférables. Nous sommes à la croisée des chemins : le même volume de pêche peut être atteint avec de gros bateaux emmenant peu d'hommes ou avec une vaste flottille de petits bateaux avec beaucoup d'hommes à bord. Il faut évidemment privilégier la seconde solution. Le projet de nouvelle PCP contient certes des dispositions favorables à la pêche artisanale mais le problème tient à ce qu'elle y est très mal définie : on se limite à parler de bateaux de moins de 12 mètres. Si l'on reste là, aucun des pêcheurs de ma circonscription ne pourra bénéficier de ces dispositions.
On note par ailleurs la volonté de protéger la pêche côtière, mais la segmentation opérée me semble très dangereuse. Quel est votre position à ce sujet ?
Enfin, le projet de PCP ne dit rien du navire de pêche du futur. J'ai remis au Gouvernement un rapport à ce sujet qui me semble extrêmement important et je maintiens qu'il faut stimuler la recherche et l'innovation. Je me félicite que le dispositif ISF-PME ait évolué la semaine dernière. Reste la question des normes, de la jauge et des aides éventuelles à la construction de navires, aides ciblées sur l'achat de moteurs économes en carburant, une meilleure sécurité ou de meilleures conditions de vie à bord.
La filière bois-énergie n'est pas assez bien organisée pour répondre à une demande croissante. C'est notamment le cas dans mon département, où la forêt appartient à 80 % à des propriétaires privés et où la production ne suffit pas à satisfaire la demande de plaquettes et de granulés.
Pourrait-on envisager des mesures incitatives afin de développer l'industrie de transformation du bois et d'encourager les propriétaires forestiers privés qui souhaitent le développement économique de leur patrimoine ? Il s'agirait de pousser les propriétaires à exploiter et à reboiser leurs parcelles et de pérenniser la démarche de ceux qui le font déjà.
Le morcellement de la propriété forestière française handicape lourdement la gestion forestière et la mobilisation des bois. Rappelons que la surface moyenne par propriétaire est de 3 hectares en France, contre 15 en moyenne en Europe.
Afin de résoudre ce problème et d'atteindre les objectifs du Grenelle de l'environnement – qui vise à accroître la récolte de 20 millions de mètres cube d'ici à 2020 –, les organismes de la forêt privée ont oeuvré en faveur du regroupement foncier ; d'importants efforts ont été consentis pour développer les outils de regroupement. Depuis dix ans, ces actions connaissent un grand succès.
Mais ce travail a été remis en cause par le décret du 17 février 2011 relatif à l'augmentation des rémunérations des notaires, qui, en réévaluant les frais dits de notaire, les a rendus disproportionnés par rapport au prix d'achat des parcelles, surtout des petites parcelles. Ainsi, les frais d'acte ont globalement doublé et atteignent 232 à 514 euros pour des parcelles d'une valeur de 150 à 200 euros.
De ce fait, les propriétaires renoncent massivement à leurs projets d'acquisition, selon les associations qui les représentent. Un pan entier de la politique de regroupement foncier est mis à bas, à l'opposé des préconisations du Grenelle. Serait-il possible de réduire ces frais, notamment pour les petites parcelles ?
Merci, monsieur le ministre, de votre mobilisation pour la réforme des droits de plantation, comme sur de nombreux autres fronts en matière d'agriculture.
Lors de l'examen des crédits de la mission « Agriculture » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, je vous avais interrogé sur les moyens que le Gouvernement comptait employer pour accélérer la recherche sur l'esca et les « maladies du bois », lesquelles affectent gravement notre viticulture. Vous m'aviez alors confirmé que l'effort de recherche sur la maladie du bois serait poursuivi.
Permettez-moi de vous poser trois nouvelles questions à ce sujet.
Premièrement, par quels moyens la loi de finances pour 2012 développera-t-elle le financement de la recherche au niveau national ?
Ensuite, quelle action le Gouvernement a-t-il menée pour obtenir au niveau européen un effort financier supplémentaire en faveur de cette recherche et une meilleure coordination des programmes nationaux de recherche ?
Enfin, dans le cadre de la double présidence française du G20 et du G8, comment s'emploiera-t-on à mieux organiser au plan international la coordination des moyens de recherche ? Ces deux derniers points sont essentiels si l'on veut gagner la course qui nous oppose à ces maladies dévastatrices.
Je me réjouis par ailleurs que l'Assemblée nationale ait voté dans la nuit de jeudi à vendredi le maintien du taux réduit de TVA sur les activités équestres, en adoptant l'amendement que j'ai cosigné avec Jean-François Lamour, Marie-Hélène Thoraval et plusieurs autres collègues. Je pense que vous y êtes également favorable, monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, avant de vous donner la parole pour répondre à nouveau aux orateurs, j'aimerais vous demander pour ma part quelques précisions sur ce que vous attendez des banques, dont vous avez évoqué tout à l'heure la mise à contribution, à propos notamment du report d'annuités.
Je commencerai par répondre à cette dernière question.
En ce qui concerne les filières d'élevage, bovin ou porcin, notre stratégie est très claire. Premièrement, maintenir toutes les aides européennes aux pratiques d'élevage à la française, notamment les aides aux zones de montagne et à l'herbe, auxquelles s'ajoutent les contrats PHAE dont j'ai parlé tout à l'heure en réponse à la question de Pierre Morel-A-L'Huissier.
Deuxièmement, conquérir des parts de marché à l'exportation : la consommation de viande bovine dans le monde est en train d'exploser ; pourquoi laisserions-nous ces marchés aux Brésiliens ou aux Argentins alors que nous avons les moyens de les prendre ? Les responsables que j'ai rencontrés en Turquie et en Russie m'ont assuré que notre viande bovine était de loin la meilleure.
Enfin, plusieurs d'entre vous l'ont souligné, les éleveurs ont été confrontés à de très graves difficultés financières qui les ont plongés dans la détresse, en particulier l'année dernière. Nous avons donc lancé des plans de soutien incluant des aides à la trésorerie. Simplement, je ne peux pas faire plus. C'est aux banques de faire des efforts, en matière de délais de paiement, de restructuration des remboursements des emprunts ou de taux. Nous sauvons les banques ; que les banques aident à leur tour l'économie réelle. Pourquoi le budget de l'État serait-il systématiquement mis à contribution ?
Monsieur de Courson, nous continuons de défendre la fiscalité applicable aux biocarburants. Je l'ai dit, nous avons adressé la demande de renouvellement des agréments au ministère de l'économie et des finances, dont nous attendons la réponse. Je souhaite personnellement que l'on ne revienne pas sur la défiscalisation votée, prévue jusqu'en 2013, ni sur les montants de 14 euros l'hectolitre pour l'éthanol et de 8 euros l'hectolitre pour le biogazole. Rien n'est pire en effet, j'en suis convaincu, que ces modifications incessantes de la fiscalité pour les investisseurs et les industriels, dont elles perturbent les calculs d'investissement et de rentabilité.
Monsieur Censi, je salue votre défense sans relâche de notre enseignement agricole : c'est un combat légitime. J'ai signé avec Luc Chatel le 8 septembre dernier une convention de partenariat qui doit permettre de tirer profit de nos complémentarités au sein de la mission « Enseignement scolaire » : il est temps de mettre fin au débat qui n'a cessé d'opposer nos deux ministères et qui n'est guère constructif. Cette convention devrait déboucher fin 2011 sur un plan d'action dont les deux axes principaux seront la carte des formations et la mutualisation des moyens.
En ce qui concerne les remplacements, tous les représentants d'établissements privés que j'ai rencontrés m'ont fait part des difficultés financières auxquelles ils sont confrontés du fait du non-remboursement des frais de remplacement des enseignants à partir du quatre-vingt-onzième jour d'absence. Comme vous me le demandez, monsieur Censi, je débloquerai donc une enveloppe particulière sur les moyens du programme afin d'améliorer la gestion financière du remplacement des enseignants du privé temps plein.
Madame Dubois, au lieu de nous couvrir la tête de cendres – contrairement à nos partenaires –, nous devrions nous réjouir de ce que nous avons réussi à faire au cours de l'année écoulée. Nous sommes redevenus les premiers exportateurs mondiaux de vin en valeur, alors que nous avions notablement régressé dans ce domaine au cours des dernières années. Dans le secteur de l'industrie agro-alimentaire, notre excédent commercial a augmenté de 18 % au cours des six premiers mois de l'année : c'est un très beau résultat ! Voilà qui montre que nous avons les moyens de gagner la bataille des parts de marché à l'exportation.
Oui, je crois à la méthanisation. L'objectif visé est de mille installations au cours des prochains mois, afin de rattraper le retard que nous avons pris sur l'Allemagne. À ceux qui critiquent notre politique de soutien à l'amélioration de la performance énergétique des exploitations, je rappelle que l'alignement du tarif de rachat du biogaz sur le tarif allemand coûtera 600 millions d'euros : il s'agit d'une aide massive.
Madame Erhel, je salue l'organisation des légumiers de Bretagne, qui pourrait servir de modèle à bien des secteurs en France : elle montre qu'il est possible de mettre ses produits sur le marché dans les meilleures conditions possibles, qui assurent la meilleure rémunération possible aux producteurs.
Sans ouvrir un débat sur la politique énergétique française, le problème du prix du gaz confirme qu'il faut préserver une filière nucléaire afin de maintenir les tarifs de l'électricité à un niveau peu élevé. Car le jour où nous serons entièrement dépendants de l'approvisionnement en gaz de la Russie ou de l'Algérie, je crains que le contribuable et les exploitants agricoles ne le paient au prix fort.
Enfin, la question du raccordement au gaz naturel mérite d'être étudiée, et j'examinerai volontiers les propositions concrètes que vous pourriez me soumettre sur ce point.
Monsieur Proriol, je vous ai répondu à propos des bâtiments d'élevage. Je l'ai dit au congrès de l'association nationale des élus de la montagne, nous devons maintenir les aides spécifiques aux zones de montagne. Sur les zones défavorisées simples, en particulier, nous devons obtenir de la Commission qu'elle modifie ses propositions de zonage.
En ce qui concerne la répartition entre élevage et production laitière, je rappelle que nous avons débloqué 40 millions d'euros d'aide à la collecte du lait de montagne dans le cadre du bilan de santé de la PAC porté par mon prédécesseur, Michel Barnier.
Je le répète, je suis convaincu que les deux filières ont un avenir en France. Il n'est pas nécessaire d'être un grand économiste pour constater que la production de viande bovine est l'un des seuls secteurs où la demande explose. Si les Européens se demandent s'ils ne devraient pas manger moins de viande, les pays en développement, soucieux d'améliorer la qualité nutritionnelle de leur alimentation, veulent au contraire en consommer. Les marchés existent donc ; il faut les prendre, et, pour cela, structurer les filières.
J'ai bon espoir que nous parvenions début novembre à un accord définitif sur la constitution d'un groupement pour l'exportation de la viande bovine française, ce qui permettra, pour la première fois dans l'histoire de notre élevage, de structurer nos exportations de viande bovine. Nous ne devons plus connaître la situation proprement ubuesque à laquelle j'ai été confronté lorsqu'il a été impossible de trouver les deux mille bêtes que nous étions tenus de fournir à la Russie aux termes d'un premier contrat !
Quant à la filière laitière, qui s'est fortement restructurée au cours des derniers mois, elle repose sur une qualité de fabrication et de collecte unique au monde. Comme le disait un penseur célèbre, « quand je m'examine, je m'inquiète, quand je me compare, je me rassure » : la Chine ou le Brésil ne sont pas près de nous concurrencer en ce qui concerne la collecte du lait, la structuration des filières, la maîtrise de la chaîne du froid et la qualité sanitaire des produits. La tâche leur sera moins facile que dans certains secteurs industriels où ils sont parvenus à nous rattraper. Nous avons de très bons producteurs et une production très diversifiée, des commodities – poudre ou sérum – au lait à très haute valeur ajoutée produit dans les circonscriptions de Jean-Marie Binetruy, où je me suis rendu il y a peu, ou de Marie-Christine Dalloz. Dans ce domaine aussi, soyons fiers de nous : notre industrie laitière est la plus performante au monde. Le monde nous envie Sodiaal, Lactalis, Danone et nos grandes coopératives laitières : les Italiens ne se réjouissent guère du rachat de Parmalat par Lactalis, qui conforte notre position mondiale.
Je confirme à Didier Quentin que nous maintiendrons les aides à la conchyliculture à leur niveau actuel et, surtout, que nous tiendrons les promesses faites aux conchyliculteurs pour lutter contre la surmortalité des juvéniles. Tous les engagements contractés auprès d'eux ont été honorés, et ils le savent. Il y a deux ans, il n'était pas facile de venir discuter avec eux dans votre département !
Aujourd'hui, de nouvelles perspectives s'offrent à eux ; j e m'en réjouis, car ils le méritent.
Je crois avoir répondu à M. Charasse à propos des éleveurs et de l'enseignement. En ce qui concerne la déprécarisation, nous allons procéder à quatre à cinq cents titularisations dès 2012. Mais les collectivités régionales ont leur part de responsabilité dans les chiffres que vous avez cités : en la matière, chacun doit faire un effort.
Je vous l'ai dit, madame Barèges, à propos des retenues collinaires et de la gestion de l'eau, l'essentiel est à mes yeux la simplification, notamment par la délégation aux chambres de l'agriculture de la maîtrise d'ouvrage. Le financement sera de 15 millions d'euros pour le FEADER et de 75 millions pour les agences de l'eau. La simplification des règles comme des recours doit être la plus poussée possible.
En ce qui concerne enfin l'élargissement de l'assiette de la taxe sur les sodas, ma préoccupation est d'honorer mes engagements ; or j'ai promis aux agriculteurs un euro d'allégement de charges sur le travail permanent au 1er janvier 2012. Je n'ai pas l'habitude de m'engager à la légère. Quant à l'extension aux boissons édulcorées de la taxe sur les sodas, que vous avez votée, c'est aux parlementaires et au ministre de la santé qu'il appartient d'en évaluer l'opportunité.
Monsieur Huet, 83 des 93 articles de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche sont déjà appliqués : le bilan est satisfaisant. Quant aux contrats, leur conclusion demande du temps, car il s'agit d'une pratique nouvelle. Mais contrairement à ce que je lis ici ou là, notamment dans la filière laitière, la situation progresse bien.
Pourquoi constate-t-on ponctuellement des blocages ? Nous avons obtenu une modification du droit européen de la concurrence qui permettra aux producteurs de lait de se regrouper en bien plus grand nombre afin de bénéficier d'un rapport de forces favorable lorsqu'ils négocieront les contrats avec les industriels. De nombreux producteurs attendent donc l'adoption de cette disposition européenne pour négocier. Pour ma part, tout en reportant le délai, qui était initialement fixé à la fin septembre, je les ai incités à progresser dans la négociation, afin d'éviter de donner à la Commission l'impression que nous revenons sur le dispositif. Celui-ci fonctionne, il progresse, et il représente une solution d'avenir.
Cela vaut des filières, mais aussi des contrats interfilières. Dans la filière de l'élevage, par exemple, le bénéfice d'une augmentation du prix payé au producteur pour chaque kilogramme de viande sera perdu si le coût de l'alimentation continue d'augmenter de 10, 15 ou 20 % par an, pesant d'autant sur le coût de production. La contractualisation interfilières est donc indispensable pour sécuriser le coût de production, et en particulier le coût de l'alimentation pour les filières animales.
Monsieur Manscour, la question des terres agricoles est encore plus importante outre-mer qu'en métropole. Un décret qui devrait vous satisfaire est en cours d'examen par les collectivités locales concernées ; je ne saurais trop vous conseiller de l'étudier sans tarder afin qu'il soit transmis pour examen et signé au plus vite. Aux termes de ce décret, dans les départements d'outre-mer, l'avis rendu par les autorités administratives n'est pas consultatif, comme en métropole, mais conforme : les autorités soucieuses d'éviter un déclassement des terres agricoles auront bien plus de pouvoir pour le faire. C'est le meilleur moyen de préserver les terres agricoles dans les DOM et d'y développer l'autonomie de production, ce que nous souhaitons tous.
Monsieur Bouchet, je suis disposé à étudier une amélioration de la compensation des aléas climatiques. Je sais que vous avez beaucoup étudié ce sujet, et je vous propose que nous continuions de travailler sur l'aspect technique avec mes services. Cela étant, nous avons déjà beaucoup dépensé et beaucoup fait pour les producteurs de fruits et légumes concernés. Nous en avons parlé lors de ma récente visite dans votre circonscription.
Mme Vautrin m'a demandé si la transmission des terres agricoles pourrait être comptabilisée comme celle d'un patrimoine entrepreneurial plutôt que familial. C'est une question importante qui mérite d'être étudiée, même si nous ne pourrons le faire dans le cadre du présent projet de loi de finances. Un rapport pourrait lui être consacré. Le problème est que la valeur des terres agricoles varie considérablement d'une région à l'autre : elle n'est pas du tout comparable dans votre circonscription et dans le Centre, par exemple.
Monsieur Fasquelle, la proposition de réforme de la politique commune des pêches présentée par Maria Damanaki ne convient pas au gouvernement français, et ce pour plusieurs raisons fondamentales.
Premièrement, l'instauration des quotas individuels transférables ferait disparaître la pêche artisanale au profit des grandes pêches industrielles. Le dispositif reconduit la logique de baisse systématique du prix au détriment de la qualité et des emplois.
Deuxièmement, la proposition fixe à 2015 l'objectif d'atteinte du rendement maximum durable pour l'ensemble des stocks alors que c'est la date de 2020 qui a été arrêtée lors de la conférence internationale de Nagoya. Or, si l'échéance est avancée de cinq ans, les pêcheurs ne disposeront pas de stocks suffisants pour vivre et pour rentabiliser leur navire de pêche.
Troisièmement, les mesures relatives aux concessions transférables ne vont pas dans le bon sens.
Le combat sera donc difficile, mais nous ne sommes pas seuls. Vous avez trouvé, monsieur Fasquelle, que Maria Damanaki n'était « pas très à l'écoute » : je reconnais bien là votre sens de la litote !
En ce qui concerne l'organisation de la filière bois, madame Pons, monsieur Heinrich, nous avons tout fait pour encourager les propriétaires fonciers privés à se regrouper. Il faut en effet lutter à tout prix contre l'émiettement des parcelles et nous efforcer d'accroître la surface moyenne par propriétaire. Des progrès sont en cours. Je suis tout à fait d'accord pour accélérer l'organisation de la filière et le regroupement forestier. Quant au problème de l'augmentation des frais de notaire, je vous avoue que je n'en étais pas conscient. Je suis tout à fait disposé à en parler avec les notaires : pourquoi cette augmentation au moment même où l'on cherche à hâter le regroupement des parcelles ?
Monsieur Martin-Lalande, je sais combien l'esca vous préoccupe ; vous avez beaucoup travaillé sur cette maladie de la vigne qui expose bien des viticulteurs français à de grandes difficultés. Nous avons accordé des budgets de recherche importants à l'INRA et à l'institut de la vigne et du vin – 500 000 à 1 million d'euros selon les années. En outre, nous organiserons le 8 décembre prochain un colloque national sur les maladies de la vigne et en particulier sur l'esca, afin de faire le point sur l'état d'avancement des recherches et d'identifier les besoins complémentaires de manière à accélérer les travaux dans ce domaine. Naturellement, vous êtes cordialement invité à ce colloque, monsieur Martin-Lalande.
La réunion de la commission élargie s'achève à douze heures trente.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Michel Kerautret© Assemblée nationale