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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 25 octobre 2011 à 9h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires économiques, commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le ministre, je salue moi aussi votre écoute, votre disponibilité et votre pugnacité. Mais je constate qu'une fois encore, vous nous présentez un budget lourdement amputé : une diminution de 1,5 % en crédits de paiement à périmètre constant.

Vous vous félicitez d'avoir tenu le cap des coupes budgétaires décidées dans le cadre de la programmation 2011-2014. En 2012, il y aura donc 71 millions d'euros en moins pour les agriculteurs, les pêcheurs, les forestiers, qui vivent pourtant tous de plus en plus mal, quand ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité depuis l'année dernière. La clé n'est pas dans les crédits, venez-vous de nous expliquer.

Le contraste est grand entre vos propos et la réalité de l'agriculture dans notre pays. Selon le dernier recensement général agricole, la France a perdu 26 % de ses exploitations entre 2000 et 2010, et 22 % des emplois liés au secteur. Elle compte désormais moins de 500 000 exploitations. À ce rythme, qui ne cesse de s'accélérer, le rêve des libéraux de voir une France avec 100 000 agrimanagers, spécialisés et aptes à concourir sur les marchés mondiaux, est désormais à portée de main – une quinzaine d'année.

C'est bien vers cet objectif que vous vous tournez en réaffirmant dans la présentation budgétaire que « ce budget doit permettre aux agriculteurs français de se moderniser, d'investir et de gagner en compétitivité ». Enfermé dans l'obsession de la seule compétitivité, vous n'avez pas un mot sur leurs difficultés ni sur la disparition, chaque année, de milliers d'exploitations familiales.

Ainsi, le programme 154 « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » perd à lui seul 44 millions d'euros par rapport à la loi de finances précédente avec, comble du comble, une diminution de 11 millions d'euros de crédits sur l'action « Gestion des crises et des aléas de la production ». C'est un joli pied de nez aux centaines de milliers d'agriculteurs de notre pays qui ont dû faire face cette année à une sécheresse dramatique ! C'est un drôle de symbole pour les producteurs de fruits et légumes menacés de disparition faute de décisions politiques courageuses en matière de prix !

Que dire également du recul – mais c'est devenu une habitude – des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », alors que nous vivons désormais au rythme des « scandales » sanitaires, et que la crise dite « du concombre » avec la bactérie E.coli a plongé sans raison toute une filière dans le désarroi ? N'est-il pas indispensable de renforcer les moyens dans ce domaine, notamment pour éviter toute peur panique injustifiée de nature à fragiliser des producteurs déjà à bout de souffle ?

Je ne rentrerai pas dans le détail des actions des différents programmes pour vous dire que ce budget, plus encore que les précédents, n'est vraiment pas à la hauteur de la situation de la France agricole.

Sur le principal besoin des agriculteurs, à savoir la question des prix et des revenus, vous vous refusez toujours à prendre les mesures indispensables à la survie des exploitations. Pourtant, certaines d'entre elles n'auraient aucune incidence budgétaire, tel l'encadrement des prix et des marges à travers l'application d'un coefficient multiplicateur. C'est une urgence et vous aurez, à cet égard, à vous prononcer sur ma proposition de loi dont nous discuterons le 1er décembre prochain.

Monsieur le ministre, face au libéralisme, vous avez fait le choix du renoncement et vous abandonnez ainsi les paysans. On peut pourtant refuser cette chronique d'une mort annoncée de notre agriculture et de ceux qui la font vivre. Il faut pour cela s'attaquer à la question centrale de la répartition de la valeur ajoutée et de la rémunération du travail paysan. Vous avez choisi une autre voie en vous entêtant dans la seule recherche de la compétitivité et dans la sauvegarde du « grisbi » de la grande distribution. Allez-vous enfin prendre le virage nécessaire ?

Le débat sur l'agriculture est plus que jamais un débat de société, un débat sur la place de l'humain dans cette société.

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