La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (n° 2386).
Un événement important, qui peut influer sur le cours de nos débats, vient de se produire. Comme vous le savez, Sa Majesté impériale a reçu la cour, et nous voudrions connaître le message qu'Elle a délivré aux courtisans. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Les mots « respect » et « tolérance » ont-il encore une signification pour vous ?
Je ne vous demande évidemment pas s'il fallait ôter les escarpins avant de poser le pied sur la moquette précieuse (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP),…
…je veux seulement savoir si Sa Majesté a décidé de mettre un terme au bouclier fiscal, ou si Elle continuera, comme le faisaient les fermières de ma Normandie natale avec les poulets, à plumer les Français, pour le plus grand bénéfice de ceux qui en profitent.
Bref, monsieur le président, ce qui a été dit ce soir au Palais peut avoir une influence directe sur nos débats. Je fais confiance au ministre du budget : on connaît son objectivité. N'étant pas courtisan, il est un peu pour le gouvernement actuel ce que le Persan était pour Montesquieu. Qu'il nous révèle donc quel était le vrai message délivré ce soir !
Vous conviendrez avec moi, monsieur Brard, que ce n'était pas un rappel au règlement.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 60 à l'article 4 bis.
La parole est à M. Christian Hutin, pour soutenir cet amendement.
Je ne reprendrai pas les éclairantes explications de Gaëtan Gorce au sujet de l'amendement relatif à la télévision. Afin de reprendre nos débats dans des conditions sereines, je tiens à féliciter M. le ministre du budget pour sa nomination. Nous comprenons bien sûr les difficultés qu'il éprouve à défendre un texte qui ne correspond pas forcément à sa philosophie personnelle. Pour ma part, j'ai de nouveaux arguments à faire valoir pour appuyer le présent amendement, et peut-être d'autres recevront-ils l'acquiescement de la majorité.
Votre nomination, monsieur le ministre, va hélas nous priver de vos commentaires lors de la prochaine coupe du monde de football. Reste que la finesse de vos analyses radiophoniques, sur l'aspect tactique notamment, risquerait, sans cet amendement, de conduire des parieurs à la fortune et des entreprises à la faillite. Cette seule raison – et Dieu sait que nous en développons beaucoup pour rallier la majorité à notre combat – plaide pour l'amendement n° 60 .
La parole est à M. Jean-François Lamour, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement en discussion.
J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer, monsieur le président, que cet avis était défavorable.
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
Même après ce que j'ai dit ? (« Justement ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Valérie Fourneyron ; ensuite nous passerons au vote.
La publicité, par ses effets d'incitation, décuplera le nombre de joueurs ayant des conduites addictives. L'envie de jouer sera en effet irrésistible pour les passionnés du championnat de France de la ligue professionnelle de football ou du tournoi de Roland-Garros.
« Larqué foot », « Le Multiplex de ligue 1 », « Luis attaque ! », « Coach Courbis » : toutes ces émissions radiophoniques si prisées des auditeurs, présentées par des grands noms du football français, incitent à parier sur les sites spécialisés. Bref, de plus en plus de gens imagineront, avec la multiplication des publicités, qu'ils pourront gagner de l'argent facilement alors qu'ils en perdront beaucoup, contrairement aux opérateurs de paris en ligne, qui, eux, s'en mettront plein les poches.
Le mélange des genres entre les émissions consacrées au football et la publicité faite à ces opérateurs est évidemment source de conflits d'intérêts.
Mais, et c'est là le plus important, cette publicité touchera tous les auditeurs qui aiment entendre les commentaires de ces grands noms du football ; ils seront ainsi une nouvelle fois attirés vers les sites de paris en ligne.
(L'amendement n° 60 n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à insérer, après l'alinéa 4, l'alinéa suivant : « 3° bis Interdite dans les programmes d'un service de télévision qui détient tout au partie du capital d'une entreprise opérateur de jeux ou de paris en ligne ; ».
Afin d'éviter un mélange des genres préjudiciable à l'honnêteté de l'information et à la tranquillité du téléspectateur des matchs de tennis, de football, de rugby ou de basket – car l'imagination des sociétés intéressées est sans limite –, il convient d'empêcher des alliances mercantiles entre des sociétés de jeux et de paris en ligne et des groupes de médias audiovisuels, comme c'est le cas actuellement entre la société de Patrick Le Lay, EurosportBet, adossée à SPS Betting – société détenue à parité par Eurosport, filiale à 100 % du groupe TF1, lui-même composé des chaînes TF1, LCI, RMC et NT1 – et par le fonds Serendipity Investment, cofinancé par Bouygues et Artémis, holding de François Pinault. Pardonnez-moi pour la longueur de cette liste, mais je ne l'ai pas inventée : elle correspond à la triste réalité.
Les jeux en ligne vont déclencher une déferlante de publicités sur nos chaînes de télévision à compter du 1er janvier 2010. Le pactole attendu sur les marchés publicitaires associés déchaîne les ambitions et les associations les plus hétéroclites.
Il n'est pas sain qu'au nom de la diversification des activités, la rentabilité prenne le pas sur l'information et la qualité des programmes dans les sociétés de l'audiovisuel…
…et que le téléspectateur soit assimilé à un « temps de cerveau disponible » – vous remarquerez que je ne parle pas de lavage de cerveau – ou à un compte en banque à vider…
Merci.
(L'amendement n° 36 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 37 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Que penseraient nos collègues de la majorité d'un talk-show consacré à la vodka parrainé par Smirnoff ou Martini ? C'est exactement ce que vous proposez : assurer la promotion d'une activité qui fera l'objet de paris en ligne, oubliant que cela entraînera une augmentation considérable des conduites addictives et des joueurs pathologiques. Ce que l'on ne ferait pas pour l'alcool, pourquoi le fait-on pour les paris en ligne ? Les médias assurant une puissante valorisation de l'offre, les joueurs seront de plus en plus nombreux et, pour certains opérateurs, les gains de plus en plus élevés ; surtout, les conduites posant des problèmes de santé publique iront croissant. Notre pays n'en a pas besoin : ces conduites sont déjà suffisamment nombreuses pour que l'on n'en crée pas une nouvelle, fût-ce pour le plaisir d'opérateurs qui, de leur côté, n'ont pas besoin d'argent supplémentaire.
Même avis que la commission.
Vu la qualité des réponses du Gouvernement et de la commission, nous allons prendre un peu de temps pour leur répondre.
Ce que vient de dire Mme Fourneyron est très pertinent, et l'on se souvient de l'excellente loi Évin. Nous ne sommes pas des moralistes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) mais, parfois, le législateur va trop loin. Certains députés champenois de ma connaissance pourraient ainsi protester à juste titre de ce qu'il était interdit à tout vainqueur d'un grand prix de Formule 1 en France d'exhiber la traditionnelle bouteille de champagne, donc d'en assurer une brève publicité mondiale. Tout cela est excessif. Une future campagne publicitaire relative à la lutte contre le tabagisme montrera des photos abominables pour dissuader les fumeurs : de quoi faire fuir le président de notre assemblée, médecin ORL de son métier, qui n'a peut-être jamais vu de tels cas.
Avec le texte dont nous débattons, on est dans l'excès inverse : tout va bien, suggère-t-on ; allons-y gaiement ! J'insiste donc sur l'importance de nos amendements, que vous devriez d'autant plus voter, chers collègues de la majorité, que vous les approuviez lors de la première lecture. Aujourd'hui, une caporalisation vous conduit à les refuser systématiquement. Rien ne justifie un tel revirement entre la première et la seconde lecture, si ce n'est l'urgence pour des intérêts privés ; or c'est précisément ce qui nous ennuie. C'est d'ailleurs la même urgence qui inspire les réponses si succinctes du Gouvernement et de la commission.
Merci, monsieur Hutin.
Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 37 . (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Non, monsieur le président : nous n'avons répondu qu'à la commission !
(L'amendement n° 37 n'est pas adopté.)
Je souhaitais répondre au Gouvernement, dont le silence éloquent appelait au moins un commentaire, pour éviter qu'il ne devienne ambigu…
…et pour m'assurer qu'il valait bien désapprobation de la disposition que nous avons présentée. Si vous ne voulez pas nous laisser défendre nos arguments et, conformément au règlement, nous permettre de répondre à la commission et au Gouvernement, nous serons forcés de demander une suspension de séance pour en discuter avec vous, monsieur le président. Une fois la règle fixée, vous pouvez compter sur nous pour la respecter avec vigilance et sérénité.
Mais le plus vite possible !
C'est bien pourquoi j'ai mis l'amendement aux voix ! Lorsqu'un orateur a défendu un amendement pendant deux minutes, la commission et le Gouvernement donnent leur avis, après quoi il est possible de leur répondre, comme vous l'avez fait.
On doit pouvoir répondre aux deux : d'abord à la commission, ensuite au Gouvernement !
Monsieur le président, je désirerais intervenir !
Quant à l'intervention de M. Gorce, je note qu'il ne s'agissait pas d'un rappel au règlement.
Je rappelle que c'est moi qui préside les débats !
La parole est à M. Alain Néri.
Je veux bien ne faire mon rappel au règlement qu'après que M. le ministre se sera exprimé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Néri, je crois que vous connaissez suffisamment notre assemblée pour savoir que ce n'est pas à vous de décider si le Gouvernement doit ou non s'exprimer. Mais, puisque M. le ministre a demandé la parole, je la lui donne bien volontiers.
Monsieur Néri, nous avons été tous deux vice-présidents de l'Assemblée nationale. Je l'ai été pendant trois ans et, comme vous, dans une forme d'héroïsme obscur,…
…j'ai connu la joie et les délices de débats où, nuitamment, nous allions aussi loin que possible dans le développement de phrases qui finissaient par donner parfois le sentiment de n'avoir pas un sens plein et entier, de ne pas s'approcher totalement du sujet.
Aujourd'hui, mon état d'esprit est celui d'un grand respect à l'égard de l'Assemblée et de la représentation nationale. Toutefois, j'ai le sentiment que, d'une certaine manière, entre hier et aujourd'hui, tout a été dit.
Ne croyez pas que je vous fasse une mauvaise manière si, lorsque j'émets un avis défavorable, la position du Gouvernement est alignée sur celle du rapporteur. Ce n'est pas une marque d'irrespect.
Simplement, lorsqu'on voit ce qui nous a opposés hier –c'est déjà très loin – et ce qui nous rassemble ce soir, on se dit que, peut-être, nous pourrions, les uns et les autres – sans que vous renonciez à défendre vos positions, que nous respectons, mais dans des délais acceptables pour la représentation nationale –, faire preuve de notre sens des responsabilités et avoir un débat serein. Ainsi, peut-être donnerons-nous une meilleure image, plus belle, plus élégante, que nous ne l'avons fait jusqu'à présent sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Néri qui, je l'espère, fera vraiment un rappel au règlement.
J'ai souhaité que M. le ministre puisse s'exprimer avant moi, car cela me paraissait une mesure élémentaire de courtoisie. Nous sommes bien d'accord avec lui : nous devrions pouvoir débattre sereinement. Encore faut-il, pour cela, être deux. Or, après que nous avons défendu l'un de nos amendements, nous avons une réponse très succincte de M. le rapporteur, qui dit : « Défavorable », et du ministre, qui dit « Même avis », puis nous avons affaire aux muets du sérail – pardonnez l'expression, qui n'a rien de péjoratif –, puisque la majorité n'a rien à dire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Dès lors, il n'y a plus de débat, il n'y a plus qu'un monologue. Comme il nous semble que vous n'avez pas bien compris nos explications, nous sommes obligés de les répéter. C'est pourquoi, après que l'un d'entre nous a répondu au rapporteur, un autre doit répondre au Gouvernement.
Nous allons poursuivre ainsi, à moins que, dans le courant de la discussion, M. le rapporteur et M. le ministre, faisant preuve d'un nouvel état d'esprit, prennent nos propositions en considération et acceptent un certain nombre de nos amendements.
Ce serait une preuve de bonne volonté et cela contribuerait à améliorer la qualité du débat.
Ce n'est pas le même groupe, en effet – pas encore.
Jusqu'à présent, monsieur le président, je connaissais les mystères qui, au Moyen Âge, rassemblaient les foules enthousiastes sur le parvis des églises.
Désormais, après l'intervention de François Baroin, nous connaîtrons les mystères de l'exercice de la fonction de vice-président de l'Assemblée nationale. Monsieur le président, vous avez forcément une opinion sur ce sujet. M. le ministre a parlé, en effet, d'« érotisme obscur ». (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
D'« héroïsme obscur » !
Soit j'ai eu un défaut d'audition, soit vous avez eu un défaut d'élocution. J'avais considéré que cela n'était pas obscur, mais, au pire, éclairé, voire illuminé.
Je suis saisi d'un amendement n° 54 rectifié .
La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
Nous proposons d'interdire la publicité pour les opérateurs de paris en ligne « dans les services d'une société de communications électroniques offrant un service de téléphonie mobile qui détient tout ou partie du capital d'une entreprise opérateur de jeux ou de paris en ligne ».
Là encore, il s'agit de diminuer les risques de conflits d'intérêts. Certains grands opérateurs de téléphonie mobile se sont déjà positionnés sur le marché des paris en ligne en nouant des partenariats avec des sites de paris en ligne, des opérateurs sportifs ou des supports médias.
Il est vrai que mes réponses sont assez brèves, mais, comme je l'ai dit dans la discussion générale et lors de la présentation du texte en deuxième lecture, je préfère me concentrer, dans nos échanges, sur les propositions nouvelles. Or les quatre amendements que vous défendez en ce moment ont déjà été rejetés en première lecture : c'étaient les amendements nos 261 et suivants. Je vous avais dit alors quelles étaient les raisons de mon rejet. Je préfère aujourd'hui me concentrer sur d'autres amendements.
Même avis.
Cet amendement concerne particulièrement les groupes de télécommunications. Le téléphone est aujourd'hui le médium le plus utilisé par les jeunes. Nous avons vu développer, chez tous les opérateurs de téléphonie, des applications multiples – pour iPhone et pour d'autres –, qui permettent aux jeunes…
Permettez-moi de vous interrompre une seconde, ma chère collègue.
Sur le vote de l'amendement n° 54 rectifié , je suis saisi d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Veuillez poursuivre, madame Fourneyron.
Les opérateurs de téléphonie, qui ont immédiatement flairé le nouveau marché fort intéressant des paris en ligne, sont donc en train de multiplier les applications. Nous venons ainsi d'assister au rapprochement d'Orange et de la Française des Jeux qui vont mettre en place un nouveau système de paris en ligne par téléphonie mobile.
Cette offre supplémentaire va particulièrement toucher les jeunes. On le sait, le développement de la téléphonie mobile a entraîné du surendettement et des situations difficiles. Devons-nous, en plus, provoquer des difficultés en matière de santé publique ?
Attendez, nous avons des collègues cachés derrière le rideau ! Laissez-leur le temps de sortir !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Assis !
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 54 bis.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 14
Contre 66
(L'amendement n° 54 bis n'est pas adopté.)
Je ne parlerai pour ma part que de l'amendement n° 197 .
L'alinéa 5 de l'article 4 bis interdit la publicité pour les opérateurs de jeux « dans les services de communication au public en ligne à destination des mineurs ». Or, aujourd'hui, chacun sait qu'il est impossible de définir quels sont les sites internet destinés aux mineurs. Ce n'est pas comme pour la presse imprimée. Autrefois, certains magazines étaient destinés aux enfants : Okapi ou Pif Gadget – M. Brard s'en souvient…
…puisque ce magazine avait des liens avec le parti communiste. Certains garçons, en avance sur leur âge, pouvaient acheter Lui ou Playboy, mais ils devaient surmonter l'obstacle que représentait l'acte même de l'achat. Dans le cas d'internet, tout cela a disparu. Notre amendement paraît donc absolument justifié, puisqu'il vise à empêcher que les mineurs puissent avoir accès à des sites leur permettant de jouer en ligne.
, rapporteur. Bien que vous l'ayez modifié, cet amendement a déjà été rejeté en première lecture. Permettez-moi de rappeler quel était son exposé des motifs : « La nécessité de protéger les mineurs rend indispensable la définition d'un dispositif législatif et réglementaire cohérent en matière de publicité sur internet. Si les opérateurs font de la publicité sur internet, tout développement de […] bannières sur des sites dédiés à la jeunesse doit être empêché ». Nous nous étions accordés sur cet objectif et avions voté l'interdiction.
Vous revenez aujourd'hui sur le consensus que nous avions obtenu en première lecture. Je propose donc que vous retiriez cet amendement, afin que je ne sois pas obligé de donner un avis défavorable.
Même position.
Nous avons déjà évoqué ce problème en commission des finances, la semaine dernière : il est impossible de déterminer quels sont les sites réellement destinés aux mineurs, car il est impossible de limiter l'accès des mineurs à internet. Comment voulez-vous empêcher que les mineurs aient accès à la publicité visible sur internet alors même que, souvent, ils sont beaucoup plus habiles que les adultes pour surfer sur les différents sites et pour contourner les dispositifs de contrôle parental mis en place ?
Évidemment, aucun site ne sera inaccessible aux mineurs et ils pourront voir l'ensemble de la publicité sur internet, au risque qu'elle développe dans ces jeunes âmes en formation une appétence pour le jeu qui ne me semble pas correspondre aux critères de l'éducation et de la morale publique partagés, j'en suis certaine, par l'ensemble des députés.
(L'amendement n° 197 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour soutenir l'amendement n° 199 .
Cet amendement concerne, une fois encore, les moyens mis en oeuvre pour augmenter le nombre de parieurs en ligne et, parmi ces moyens, la publicité sur les réseaux sociaux, dont on sait qu'ils sont très prisés par les jeunes. On compte en la matière un très grand nombre d'applications sur Facebook et il suffit d'un ou deux clics pour se retrouver sur un site de paris en ligne. Pire, quand vous parvenez à ce site, on vous propose immédiatement des dispositifs de prépaiement bien huilés auxquels même les mineurs ont accès.
Ainsi que je l'ai démontré dans la motion de renvoi en commission présentée au nom de mon groupe, le texte ne permet pas de contrôler tous les accès aux moteurs de recherche, aux réseaux sociaux tels que Dailymotion ou Yahoo. On peut ainsi très facilement aller sur un site de paris en ligne proposant des dispositifs de crédit de paiement comme ClickandBuy, qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations en matière de protection des mineurs que les dispositifs que nous essayons tous, tant bien que mal, d'introduire dans le texte.
Tentez l'expérience et vous constaterez qu'aucun dispositif ne peut empêcher les mineurs d'aller sur ces sites de paris en ligne. Pire, on leur permet de payer directement. Et je n'évoquerai pas les cartes de prépaiement qu'ils pourront s'acheter sur n'importe quel site.
Même avis.
Les arguments développés par Valérie Fourneyron et Aurélie Filippetti me paraissent très forts dans la mesure où les risques sont considérables.
Sans compter que le terme « Facebook » pourrait être interprété comme « érotiquement obscur », pour reprendre l'observation de M. Brard.
Nous en sommes à un stade très important de la discussion. Au cas où vous vous étonneriez que nous insistions sur cet aspect de la question, rappelez-vous les événements d'hier après-midi et vous comprendrez notre disponibilité, notre attention intellectuelle et l'énergie qui va nous animer tout au long de ce débat pour faire en sorte qu'une clarté totale soit faite sur les enjeux de ce texte.
En termes de mobilisation, vous êtes loin du compte : vous n'êtes que sept !
En l'occurrence, étant donné les risques que représente la publicité sur l'ensemble des réseaux sociaux, nous insistons pour que vous votiez cet amendement.
(L'amendement n° 199 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Christian Hutin, pour soutenir l'amendement n° 198 .
Dans le même esprit que l'amendement que vient de défendre Mme Fourneyron, celui-ci traite plus spécifiquement des réseaux sociaux qui se développent de façon exceptionnelle, en particulier parmi les jeunes. Ceux-ci ne sont du reste pas les seuls concernés puisque j'ai récemment entendu dire que même au cours de réunions politiques fermées, certains députés ont envoyé des informations sur Twitter. (Murmures.)
Si c'est possible dans le cadre de l'Assemblée nationale, dans le cadre d'un cercle fermé, pourquoi des enfants mineurs ne pourraient-ils agir de même ? Il nous semble donc nécessaire de compléter le texte par le biais de cet amendement qui, j'y insiste, concerne spécifiquement les réseaux sociaux.
Même avis.
Je remercie notre collègue Brard de nous avoir, tout à l'heure, permis de clarifier le débat. Honnêtement, en écoutant le ministre, j'avais moi aussi compris : « érotiquement obscur ».
Je n'ai jamais dit cela !
Le service du compte rendu aurait pu s'y tromper et l'intervention de notre collègue a fait toute la lumière sur cette « obscurité » et permis de rétablir « l'héroïsme » dans toute sa splendeur.
La question se pose de la portée de l'interdiction aux mineurs de l'accès aux sites de paris en ligne. J'ai cru comprendre, à travers ses réponses et les avis qu'il nous a donnés, que M. le rapporteur s'en remettait, ce qui reste assez cohérent avec l'idéologie classique de la droite, à la vigilance des parents pour empêcher les mineurs d'accéder à ces sites qui leur sont interdits mais auxquels ils peuvent malgré tout accéder.
Ce raisonnement me conduit à poser une question à M. le rapporteur aussi bien qu'à M. le ministre, qui partage son avis : pour le cas où les parents manqueraient de vigilance et où leurs enfants mineurs accéderaient à ces sites, est-il prévu de supprimer les allocations familiales dont bénéficient ces parents ? J'ai cru comprendre qu'il s'agissait du genre de sanction que la droite affectionnait particulièrement.
La réponse à cette question de la part du Gouvernement et de la part du représentant de la majorité UMP, laquelle a été recadrée ce soir à six heures au Palais de l'Élysée, si j'ai bien compris, et dans une ambiance formidable, m'a-t-on dit (Exclamations)…
Je souhaite que M. le « recadré » ministre ou « recadreur » ministre, puisqu'il fait partie du remaniement-recadrage,…
…clarifie la position du Gouvernement sur la question des sanctions qui, éventuellement, seraient infligées aux parents manquant de vigilance vis-à-vis de leurs enfants accédant à des sites leur étant interdits.
Je reste étonné que ce soient des membres du parti socialiste qui nous proposent des dispositions à la mode du parti communiste chinois.
Vous nous proposez en effet, comme en Chine, de tout bannir des moteurs de recherche. Franchement, vous ne vous grandissez pas. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous me faites penser à ces vieilles bigotes qui souhaitaient barbouiller toutes les statues du Vatican afin de n'offrir aucun sexe au regard des enfants. Nous en sommes là.
On vous a dit que les mineurs devaient déclarer leur identité et que c'est à ce niveau-là qu'il y aurait blocage.
(L'amendement n° 198 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 200 .
Il s'agit de limiter la publicité pour les sites de paris en ligne dans les moteurs de recherche. On sait par exemple que le site Google est en train de conclure des partenariats en ce sens. Il a en effet renoncé à sa politique qui, jusque-là, consistait à ne pas accepter de publicités sur sa page de recherche. Il y a donc désormais fort à parier, pour le coup,…
…que Google va aspirer un certain nombre de publicités pour des paris en ligne.
Monsieur Myard, vous nous traitez de bigotes, mais ce soir les rôles sont inversés. L'érotisme obscur est du côté de la droite et la moralité publique, la préservation de l'enfance, de la jeunesse, sont du côté gauche de l'Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Défavorable.
Les propos de M. Myard sont rares mais, en l'occurrence, inacceptables. On aurait pu les apprécier dans la mesure où ils rompaient avec le silence assourdissant de la majorité, mais si c'est pour qualifier l'opposition de communiste à la chinoise, l'observation va un peu loin.
Elle me paraît surtout, mon cher collègue, partir d'une observation assez inexacte de ce que nous sommes et du contenu de l'amendement.
Nos amendements poursuivent un seul but : interdire sans doute, mais interdire pour protéger. Vous voulez, vous, ouvrir la publicité, la communication publicitaire et commerciale à l'ensemble des réseaux sans considération des risques que cela peut représenter pour notre jeunesse.
Je vous ai connus, à d'autres époques, plus attentifs à l'avenir de la jeunesse. Je comprends que comme vous avez changé progressivement d'avis dans ce débat, vous êtes amenés à vous montrer plus fermes.
Sur le vote de l'amendement n° 200 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Veuillez poursuivre, monsieur Gorce.
Nous tâchons donc de réparer une injustice : celle du rejet, hier, de la motion de renvoi en commission dans des conditions pour le moins contestables et sur lesquelles je n'insisterai pas mais qui nous ont laissé un triste souvenir.
Nous entendons également rappeler qu'au coeur de nos propositions se trouve le refus d'adhérer à une logique essentiellement commerciale.
Vous avez prononcé des paroles d'apaisement, monsieur le ministre, auxquelles je souscris entièrement. Vous avez souhaité que la qualité du débat soit la meilleure possible. Vous pouvez compter sur notre contribution ; encore faut-il que l'on ne caricature pas l'opposition d'une manière aussi brutale, aussi injuste, aussi déplacée que l'a fait M. Myard. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Je comprends qu'il ait envie de participer à la course à la caricature, qu'il soit d'ailleurs doté de quelque talent en la matière, mais nous ne le suivrons pas sur ce terrain et continuerons de privilégier le fond du débat, quitte à le prolonger, tant il importe que toute la lumière soit faite sur les menaces que recèle ce texte.
Les cinq minutes réglementaires entre l'annonce du scrutin et le vote ne sont pas écoulées !
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 200 .
Vous avez annoncé le scrutin il y a moins de cinq minutes : nous sommes certes passés à l'heure d'été mais tout de même !
Il ne faut pas priver des collègues de la possibilité de voter !
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 15
Contre 68
(L'amendement n° 200 n'est pas adopté.)
Manifestement, monsieur le président, bien que l'heure ait changé dans la nuit de samedi, vous n'avez pas eu l'occasion d'adapter votre chronomètre et vous avez compté cinq minutes pour deux minutes effectives. Dans ces conditions, pour vous permettre de procéder au réglage indispensable des appareils grâce auxquels vous pouvez mesurer le temps qui sépare le moment où un vote est annoncé et le moment où il doit avoir lieu, conformément aux dispositions du règlement, qui précise que cette durée est de cinq minutes au minimum, je vous suggère de suspendre la séance pour éviter de nouveaux incidents de procédure.
Article 4 bis
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise à vingt-deux heures vingt.)
Je suis saisi d'un amendement n° 8 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Avant de défendre cet amendement, je voudrais faire une remarque à propos de la quasi-déclaration qu'a faite tout à l'heure notre collègue Jacques Myard. Je l'ai senti envieux du parti communiste chinois : organisé, avec un chef, des bataillons nombreux, étoffés, plus qu'à l'UMP.
Notre collègue Jacques Myard ose mettre en cause la gauche. Mais qui a signé récemment un accord avec le comité central du parti communiste chinois, le parti de Mao Zedong et de Hu Jintao ? Eh bien, c'est Xavier Bertrand, le secrétaire général de l'UMP.
L'axe, aujourd'hui, ne relie pas la place Tian'anmen à la place du Colonel-Fabien, mais le siège de l'UMP à celui du comité central du parti communiste chinois.
Oh, mais il y a des souterrains. Comme il y en a d'ailleurs à Pékin, en cas de guerre atomique.
Je pense que Xavier Bertrand n'a pas tout dit à Jacques Myard. Ce qui est extraordinaire, c'est que les membres de l'UMP ont acquis le droit d'aller en pèlerinage place Tian'anmen, et de faire retraite dans un temple à Lhassa.
Ce n'est donc pas nous qu'il faut mettre en cause. C'est la direction de l'UMP.
Monsieur le président, après cette remarque qui valait mise au point historique – parce que l'exactitude, c'est très important –, j'en viens à mon amendement. Et comme j'ai pris un peu sur mon temps de parole, je vais en défendre deux d'un coup, le n° 8 et le n° 7..
Ces amendements portent des propositions de restriction de la publicité en faveur des opérateurs de jeux et de paris.
Comme un grand nombre de nos collègues – pas seulement sur les bancs de l'opposition –, et à la suite de nombre d'associations, nous nous inquiétons de « l'addiction marketing » aux jeux en ligne que favorisera le développement de la publicité en faveur des sites de jeux ou de paris.
Les opérateurs dépensent déjà près de 50 % de leur chiffre d'affaires en communication publicitaire. Il y a fort à parier qu'ils se livreront une guerre marketing pour conquérir des parts de marché dès que ce texte sera promulgué.
Pour des raisons évidentes d'ordre et de santé publics, nous sommes par principe opposés à l'autorisation de la publicité en faveur d'un opérateur de jeux ou de paris agréé.
Je vais conclure, monsieur le président. Mais j'ai dit – vous étiez sans doute occupé – que j'allais défendre deux amendements d'un coup.
Merci de votre mansuétude, monsieur le président. Vous savez d'ailleurs, à ce propos, qu'à Pékin on pratique la mansuétude. Mais M. Myard vous l'expliquera.
Oui, mais grâce à l'accord UMP-parti communiste chinois, il y a des avancées. N'est-ce pas, monsieur Myard ?
Je poursuis.
Dans la mesure où le rôle de toute publicité réside dans l'incitation à consommer, il est irresponsable d'alléguer qu'elle ne fait courir aucun risque à la santé publique. Et il est pour le moins hypocrite, pour ne pas dire cynique, d'arguer qu'elle contrera efficacement l'offre illégale.
Il y a en effet un curieux paradoxe, pour des décideurs politiques, à vouloir, sous couvert de leur protection, exposer les joueurs à une publicité massive, pour écraser une offre pléthorique, et non agréée, de jeux et de paris en ligne.
Alors que la lutte contre les opérateurs illégaux n'a jusqu'alors donné aucun résultat probant en dépit de l'arsenal juridique existant, comment pouvez-vous marteler, monsieur le rapporteur, que la publicité légale asséchera l'offre illégale ?
Pour ces raisons, nous souhaitons que la publicité en faveur des opérateurs de jeux et de paris soit prohibée dans les services de communication au public en ligne, dans les salles de spectacles cinématographiques, ainsi que sur la voie publique, à l'instar de la publicité pour le tabac.
Si, vous avez aussi défendu l'amendement n° 10 , puisque vous avez parlé des salles de spectacles cinématographiques.
rapporteur. Je reconnais bien votre souci de la perfection, mais il frôle l'utopie, monsieur Brard. En gros, vous nous proposez d'interdire toute publicité sur internet, sur la voie publique, dans les salles de cinéma.
S'agissant des salles de cinéma, je vous propose de regarder plus précisément la rédaction du texte, qui prévoit que la publicité est interdite lors de la diffusion d'oeuvres accessibles aux mineurs. Or les films qui sont interdits aux mineurs sont, vous en conviendrez, très peu nombreux, et l'amendement n° 10 est pour ainsi dire satisfait.
S'agissant des amendements nos 8 et 7 , vous proposez une prohibition générale qui me semble excessivement difficile à appliquer. C'est pourquoi nous avons privilégié une interdiction ciblée, qui, à ce stade de la navette entre l'Assemblée et le Sénat, me semble particulièrement équilibrée.
En outre, comme vous le savez, nous avons une clause de revoyure dans dix-huit mois. Cette remarque vaut d'ailleurs pour les amendements précédents. Nous disposerons alors des analyses de l'Observatoire des jeux, ainsi que des conclusions de l'étude qui aura été achevée d'ici là – elle le sera dans seize mois – par l'INSERM. Nous disposerons également de nos propres évaluations. Nous pourrons donc, à ce moment-là, faire le point.
L'interdiction de la publicité, telle qu'elle est prévue par le texte, est ciblée. Elle me semble beaucoup plus efficace qu'une disposition maximaliste et peu opérationnelle sur le terrain.
La commission est donc défavorable aux trois amendements.
Même avis.
Je vois que, d'un mandat ministériel à l'autre, le ministre gagne en densité. Il devient vraiment très concis, jusqu'à devenir lapidaire. Et l'on sait, pour certains, comment cela finit.
Monsieur le rapporteur, vous nous dites que notre proposition est une utopie. Tout en reconnaissant que dans les salles obscures on peut pratiquer l'interdiction de la publicité, vous prétendez que ce n'est pas possible sur la voie publique. Mais qui veut faire une loi interdisant la burqa…
…sur la voie publique ? Vous croyez que c'est beaucoup plus réaliste ? Et pourtant, dans ce cas, la difficulté ne vous arrête pas.
On voit bien que, derrière, il y a autre chose. Il y a des intérêts sonnants et trébuchants. Et pour ceux qui n'en seraient pas convaincus, je les renvoie à la lecture de Banana Poker et du Figaro, que vous lisez plus régulièrement que moi. Il y est question, en particulier, d'une société que certains d'entre nous connaissent bien, qui s'appelle Pokerstars. Je n'irai pas plus loin dans le détail, mais disons que c'est un filon, pour dire les choses avec modération.
Oui. Encore que les filous et les filons, cela se retrouve parfois dans les mêmes endroits. Pour ce qui est de ce cas particulier, c'est un vrai filon. Et des filons comme ça, où les trouve-t-on ? Dans ma bonne ville de Montreuil ? Non. On les trouve plutôt de l'autre côté, vers Neuilly voyez-vous. Et je vous laisse chercher, mes chers collègues, qui peut être intéressé par la mise en oeuvre de cette loi que vous proposez et que défend avec ardeur Jean-François Lamour, même si chacun sait que lui, il le fait simplement par amour de l'art, et non par intérêt personnel.
Le fait qu'il soit sincère dans ses engagements n'empêche pas que cela couvre des intérêts qui poussent les jeunes, en particulier, à des addictions dangereuses pour la santé publique. Il en va de celle-ci comme de l'alcool ou du tabac : nous savons comment on tombe dedans mais, pour en sortir, c'est beaucoup plus difficile.
(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)
Monsieur le président, je sens de votre côté un peu d'insistance. (Sourires.) J'avoue que la discrétion gouvernementale m'inciterait plutôt à recommencer ma démonstration.
Ou je n'ai pas convaincu,…
Non !
Non plus !
Je me souviens d'un autre débat, que je ne citerai pas – il avait un autre mandat ministériel –, où il ne m'avait pas répondu parce qu'il savait que j'avais raison.
J'ai écouté !
Je vois tout à fait, monsieur Brard, le débat dont vous voulez parler.
Je voudrais rappeler que nous sommes en deuxième lecture. Toute cette argumentation a donc été largement, abondamment, profondément, puissamment développée.
C'est par courtoisie à votre égard que nous répétons, monsieur le ministre !
Nous en avons également parlé en commission.
Si d'aventure, au cours de nos débats, il me semblait utile d'apporter un complément de regard du Gouvernement par rapport à l'argumentation du rapporteur, mais nous sommes exactement, si j'ose dire, sur la même ligne, je répondrai ; mais n'attendez pas de moi que je sois, ce soir, extraordinairement bavard.
La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour défendre l'amendement n° 61 .
Je ne sais si je me trompe, mais j'ai cru percevoir que notre rapporteur pouvait avoir un avis un peu différent sur la publicité qui pourrait être diffusée dans les salles de cinéma. J'ai senti une petite ouverture, j'ai envie d'en profiter.
Monsieur le rapporteur, vous voulez cibler les interdits. Il faut donc impérativement cibler la publicité dans les salles de cinéma, car vous savez que les mineurs ne vont pas simplement voir Oui-Oui ou l'Âge de glace.
Les mineurs sont nombreux dans les salles de cinéma Interdire systématiquement toute publicité dans les salles de cinéma prouverait que vous n'êtes pas fanatique de l'augmentation de la publicité dans tous les médias disponibles dans notre société. Nous partageons certaines valeurs, que nous avons envie de porter ensemble : le respect des jeunes en particulier. Il n'est pas concevable de trouver des publicités très agressives sur les paris en ligne dans ces salles de cinéma, où l'on va souvent en famille.
L'AFP indiquait que les opérateurs de paris en ligne envisageaient de dépenser, dans les trois prochaines années, 750 millions d'euros en publicité. Nous ne sommes pas loin du montant du budget annuel du ministère des sports. Cela fait réfléchir !
Vous avez la possibilité, grâce à cet amendement, d'interdire dans un lieu particulier où vont des mineurs, des familles, la publicité des opérateurs de paris en ligne. Cela montrerait que vous êtes attentifs à un certain nombre de pratiques qui risquent de conduire, je le répète, à des addictions. Mme Delaunay avait fort bien défendu ce point en première lecture. Elle est souffrante et je lui souhaite un prompt rétablissement.
Madame Fourneyron, le texte permet déjà de satisfaire l'amendement que vous avez défendu, puisqu'il interdit la publicité dans les salles de cinéma pour tout film accessible aux mineurs. Si l'on inverse la présentation, cette publicité peut apparaître seulement dans les salles qui diffuseraient des films interdits au moins de dix-huit ans. Nous avons déjà évoqué ce point avec Mme Filippetti.
Cela correspond exactement à notre cible. Vous citiez l'Âge de glace 3, film que l'on va voir en famille. Ce type de film ne pourra évidemment pas donner lieu à publicité pour des opérateurs en ligne.
Je souhaite que les amendements nos 10 et 61 soient retirés, car ils sont satisfaits par la rédaction du texte.
Avis identique.
Je voudrais répondre au rapporteur. Tout à l'heure, nous l'avons senti vaciller à un moment sur cet amendement.
Alors que le groupe UMP oscillait hier entre la fébrilité et la fièvre, il semble aujourd'hui, après son séjour à l'Élysée, plutôt sombrer dans l'abattement. Nous avons parfaitement compris, depuis le début de l'examen du texte en deuxième lecture, que le Gouvernement et le rapporteur souhaitaient que le texte soit voté conforme.
Aujourd'hui, il existe très peu de films qui soient, après leur examen par l'organisme de classification, interdits aux mineurs. Si l'on regarde tous les indicateurs économiques , on constate que la croissance plonge, que la consommation des ménages n'avance pas, que les salaires stagnent. Or la presse indique que le cinéma marche bien. Le nombre d'entrées dans les salles de cinéma a augmenté. On a enregistré presque 25 millions d'entrées dans les salles depuis le début de l'année.
Parmi les spectateurs, on trouve énormément de jeunes. Très peu de films sont aujourd'hui interdits aux mineurs. Nous ferions donc oeuvre utile, comme vous sembliez en esquisser la possibilité, monsieur le rapporteur, en interdisant cette publicité dans les salles de cinéma. Les mineurs qui se rendent dans les salles de cinéma n'y vont pas simplement pour voir Jean Mineur planter son piolet ou sa pioche au milieu de la cible. Il faut bien constater que le long tunnel de publicité permet aujourd'hui de toucher ce public jeune. Si nous ouvrons cette publicité aux opérateurs en ligne, …
Je suis saisi d'un amendement n° 62 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
Comme elles sont alléchantes les premières promotions lorsque l'on aboutit sur ces sites de paris en ligne ! On voit bien que la montée d'adrénaline est immédiatement recherchée.
Toutes les études l'ont démontré, les phénomènes d'addiction commencent dès la première offre, dès le premier pari.
Je vais énumérer un certain nombre de bonus proposés sur ces sites de paris en ligne. BetClic offre un premier pari gratuit de 20 euros, Bet770 : 20 euros offerts sur votre premier pari avec un expert à vos côtés, Jean-Michel Larqué. Betway vous offre un pari gratuit d'un montant de 100 % de votre premier pari à hauteur de 50 euros. Un bonus de bienvenue pouvant aller jusqu'à 500 euros vous est offert sur Sportingbet. Parier sur Manchester United Arsenal et Partybet double vos gains. Il est donc absolument indispensable d'encadrer strictement l'ensemble des offres liées au premier gain et toutes les formes promotionnelles qui apparaissent ostensiblement dès que l'on va sur les sites de pari en ligne.
Si nous pouvions limiter, interdire ces premières offres, ces bonus qui vous poussent dans l'engrenage, nous pourrions trouver là un consensus.
Madame Fourneyron, nous avions déjà évoqué ces bonus en première lecture.
Il faut les encadrer.
Le texte a été amélioré par deux fois, tant à l'Assemblée qu'au Sénat. L'ARJEL peut encadrer ces bonus, ou en tout cas fixer un certain nombre de limites au niveau de ces bonus. Le Sénat a adopté une mesure qui me paraît beaucoup plus efficace : les bonus sont intégrés au taux de retour au joueur, ce qui oblige les opérateurs à considérer les bonus comme faisant partie d'un gain et d'établir le TRJ à environ 85 %.
Cela répond mécaniquement à votre demande de limitation de ces offres. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de les interdire. Vous laissiez entendre qu'il fallait limiter ces offres, vous avez raison. Les deux améliorations que je viens de citer me semblent efficaces. La commission est donc défavorable à l'amendement.
Même avis.
Sur le vote de l'amendement n° 62 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Perruchot.
Je m'étonne de l'amendement n° 62 , qui dénonce le fait que soit offert un bonus de 20 euros, ce qui entraînerait une addiction immédiate.
Il y a trois ans, un parti politique français important a proposé une adhésion à vingt euros avec addiction immédiate (Rires), pour préparer l'élection présidentielle. À l'époque – mais cela ne vous dérangeait pas – vous faisiez la même chose.
La publicité était faite à peu près partout.
Vous vous êtes vantés d'avoir eu des dizaines de milliers d'adhérents à vingt euros.
Vous dénoncez aujourd'hui ce que vous pratiquiez hier.
Il est difficile de parvenir à comprendre ce que vous voulez exactement faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Perruchot établit une comparaison avec l'adhésion à vingt euros au parti socialiste. Je pense qu'il y a beaucoup plus de plaisir dans l'adhésion au parti socialiste que dans l'addiction au jeu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
On semble d'ailleurs constater, depuis dimanche dernier, un regain de l'addiction des Français au parti socialiste. C'est plutôt une bonne chose. Contrairement au jeu, cela ne pénalisera pas leur pouvoir d'achat. Beaucoup moins, sans doute, que la politique menée en ce moment par Nicolas Sarkozy, élu, je le rappelle, en 2007 sur le slogan : « Je serai le président du pouvoir d'achat ». On constate aujourd'hui qu'il a vidé les caisses de l'État. Et quand les Français regardent leurs poches, elles sont vides.
L'amendement n° 62 vise à lutter contre l'addiction – M. le rapporteur l'a fort bien compris –, problème qui est au centre de ce projet de loi. L'addiction se met effectivement en place dès la première fois. C'est exactement comme pour la drogue ou la première cigarette. Le joueur va toujours rechercher le plaisir qu'il a éprouvé la première fois qu'il a gagné. Ces mécanismes qui visent à attirer les joueurs la première fois, en faisant une accroche, en leur offrant de l'argent pour qu'ils jouent, sont extrêmement addictifs.
Ils permettront de cibler une grande quantité de nos concitoyens, de les attirer alors qu'ils ne seraient peut-être pas allés spontanément vers le jeu. Ces personnes veulent profiter de l'effet d'aubaine. Toute la littérature nous le prouve. Je pense à la description du joueur parDostoïevski.
C'est la première fois qui compte ! C'est le goût du premier gain que l'on recherche éternellement sans jamais le retrouver, monsieur Perruchot. C'est à ce moment-là que se déclenche l'addiction et c'est la raison pour laquelle cet amendement a toute sa pertinence.
…nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 62 .
Nos collègues sont victimes d'addiction aux scrutins publics !
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l'adoption 16
Contre 57
(L'amendement n° 62 n'est pas adopté.)
(L'article 4 bis est adopté.)
Nous avons constaté, lors des scrutins précédents, qu'il existe un coefficient réducteur du temps particulièrement important, cinq minutes se réduisant à une minute cinquante !
M. Gorce avait à juste titre demandé une suspension de séance pour permettre le réglage du système de chronométrage. Or nous sommes amenés à constater qu'il a dû être effectué dans le mauvais sens, car les cinq minutes réglementaires se sont réduites à une minute vingt-trois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous sommes au regret de dire que le règlement n'est pas respecté, monsieur le président, probablement en raison d'un mauvais réglage. Nous souhaitons vous laisser une chance de vous rattraper. Si tel n'était pas le cas, nous nous verrions dans l'obligation de demander une suspension de séance afin que vous puissiez faire procéder à ce réglage des chronomètres.
Monsieur Néri, vous êtes un grand garçon ! Inutile de raconter des histoires. Vous saisissez ce prétexte pour faire durer les débats, ainsi que vous l'avez déjà fait cet après-midi.
J'ai respecté le temps nécessaire avant de procéder au vote et je vous laisse vous exprimer. Tout le monde gagne à ce que nos débats soient constructifs ; poursuivons dans cette voie.
Nous avons proposé un amendement sur le rapport qui devra être remis pour évaluer les effets de la publicité en faveur des paris en ligne sur l'ensemble de nos concitoyens. Cela me donne l'occasion de revenir sur un point qui a été abordé hier. M. le ministre a communiqué à la commission des finances – qui nous l'a transmis – un document qu'il a présenté comme étant l'étude d'impact préparée par ses services. Ce document m'interroge. En commission des finances, M. le rapporteur nous a dit que le Conseil d'État avait réalisé une étude d'impact. Si le ministre en est d'accord, elle pourra être mise à la disposition de l'ensemble des parlementaires. C'est pourquoi il nous avait invités à retirer notre amendement, ce que nous avions fait.
Je me demande, monsieur le ministre, si le document que vous nous avez remis hier correspond au rapport du Conseil d'État ou s'il s'agit d'un rapport préparé par vos services. Il est daté de février 2010 et ne correspond en rien à une étude d'impact au sens de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 – compte tenu du fait que le texte avait été déposé avant. Néanmoins, depuis 1996, tout avant-projet doit être accompagné d'une étude d'impact destinée à évaluer les effets administratifs, juridiques, sociaux, économiques et budgétaires des mesures envisagées. Cette étude doit accompagner le texte gouvernemental tout au long de la procédure d'élaboration.
Est-ce cela le statut de ce document ? Pour nous, il ne s'agit nullement d'une étude d'impact.
Je ne conclus pas, monsieur le président, car il s'agit d'un élément important.
C'est sur la base de cette étude d'impact que nous avions retiré notre amendement. Hier, M. le ministre a remis cette étude au président de la commission des finances qui en a pris acte et a déclaré que nous allions l'étudier. Pour ma part, je l'ai lue.
Vous nous accusez de ne pas parler du fond ; en l'occurrence, c'est bien du fond qu'il s'agit.
Je n'ai pas parlé du fond de ce document.
Cette pseudo étude d'impact n'aborde en aucune façon l'impact du projet de loi sur deux sujets sociaux fondamentaux : l'addiction et le surendettement.
Madame Filippetti, je suis obligé de vous interrompre.
La parole est à M. Jean Mallot.
Je ne ferai pas de rappel au règlement, monsieur le président – vous noterez que ma bienveillance est grande ce soir –, mais je me permets de vous faire observer que si nous constatons quelques dysfonctionnements dans les mécanismes de décompte du temps qui nous amènent à aller plus vite que ne le prévoit le règlement, cela nous permettra peut-être de rattraper une part du retard que nous avons pris en fin d'après-midi grâce au groupe UMP qui s'est rendu à l'invitation du Président de la République, nous faisant perdre deux heures de séance.
Je le rappelle à ceux qui l'auraient oublié. Je peux comprendre que nos collègues de l'UMP aient tendance à oublier rapidement leur séjour à l'Élysée compte tenu des circonstances mais, pour notre part, nous n'avons pas oublié qu'ils nous ont fait perdre deux heures de travail cet après-midi.
S'agissant de l'article 4 ter A qui prévoit un rapport conjoint du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de l'ARPP sur les conséquences du développement de la publicité en faveur des jeux d'argent et de hasard, il faut rappeler que nous disposons au sein de notre assemblée des outils d'évaluation a posteriori, comme le fameux comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. Le président du groupe UMP, à qui il arrive de faire des apparitions dans l'hémicycle entre deux séances de travail à son cabinet d'avocats, a du reste pris une grande part dans l'instauration de ce comité d'évaluation. Or le sujet dont il s'agit ce soir pourrait opportunément être soumis à évaluation.
Pour ce qui concerne la protection des mineurs, je souhaite que nous prenions le sujet extrêmement au sérieux. En tant que socialistes, nous n'avons pas de leçons à recevoir, ou à donner, d'ailleurs, car nous avons toujours défendu le statut spécifique des mineurs, ce qui ne fut pas le cas à droite.
La légèreté et la désinvolture de votre parti ne sont pas dues au hasard. Selon votre orientation idéologique, toujours la même, les mineurs n'ont qu'à à se comporter comme des adultes, comme des majeurs. Telle n'est pas notre position. Le rapport qui sera demandé au Conseil supérieur de l'audiovisuel permettra d'avancer sur cette question.
Nous avons à juste titre parlé des problèmes d'addiction pour les mineurs. Un autre sujet important, que nous n'avons pas encore abordé bien qu'il soit plus que jamais d'actualité, est celui du surendettement. La publicité ultra-agressive, à des heures de grande écoute, faisant intervenir des personnalités médiatiques du showbiz et du sport, répond à une volonté de tentation. Le message est le suivant : allez-y, enrichissez-vous !
Pour des personnes qui ont des difficultés à boucler les fins de mois – déjà le 20 du mois -, il sera tentant de jouer les quelques euros qui leur restent. Elles seront d'autant plus tentées qu'elles font confiance à toutes ces personnalités qui les y invitent. Les conséquences sont graves pour elles, et les mineurs sont concernés au premier chef lorsque la famille se retrouve en situation de surendettement.
Il est pour le moins illogique de ne pas en débattre alors que nous devons demain ou après-demain – mais nous pourrions parier en ligne pour le savoir – poursuivre le débat sur les crédits à la consommation, qui aboutissent à des situations de surendettement.
Aujourd'hui, avec ce texte, nous amenons les plus modestes à se retrouver dans des situations de surendettement que nous prétendons combattre par le biais d'un autre projet de loi ! Voilà qui est pour le moins paradoxal et dangereux !
Il serait intéressant de conduire une étude consistant à analyser la volatilité des convictions des huit collègues du parti socialiste présents dans l'hémicycle.
Il serait instructif de demander au ministère de l'intérieur le nombre d'interventions de députés socialistes en faveur de maires qui souhaitent des casinos dans leurs circonscriptions.
Jamais ? Je vous prends au mot.
Il serait également intéressant de connaître le nombre de ceux qui ont écrit au président de la Française des Jeux ou du PMU lorsque ces sociétés veulent fermer ou refusent d'ouvrir un point de vente de jeux dans leur circonscription. Je peux vous garantir que ces interventions se comptent par centaines.
Je suis saisi d'un amendement n° 68 .La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
Je vais poursuivre mon propos sur l'étude d'impact, monsieur le président, puisque vous m'avez interrompue.
C'est le même sujet. Nous demandons un rapport qui étudie les impacts de la publicité sur l'addiction et le surendettement de nos concitoyens.
On nous a fait valoir que tout était contenu dans cette étude « Éléments d'évaluation de l'impact » remise par le ministre au président de la commission des finances. Dans ce document, il n'y a rien sur l'évaluation de l'impact sur l'addiction et le surendettement des ménages de l'ouverture des marchés de paris en ligne.
Il ne s'agit donc pas d'une étude d'impact.
En revanche, certains éléments confirment nos analyses comme l'arrêt Santa Casa de septembre 2009. L'arrêt Santa Casa reconnaît la liberté des États membres de poser des restrictions à la libre prestation de services. Il y a également des notations intéressantes sur le dumping fiscal auquel se livre le Gouvernement. Pour aligner la fiscalité sur les paris en dur et en ligne, on est amené à supprimer la CSG et la CRDS sur les paris hippiques et les paris sportifs. À la page vingt-cinq de l'étude, on peut lire que la baisse des taux de la fiscalité sera compensée par une augmentation de l'assiette, ce qui signifie que l'on s'attend à une augmentation du nombre de joueurs et donc à une augmentation des risques d'addiction et de surendettement. J'invite M. le rapporteur, qui prétend que la légalisation permettra d'assécher l'offre illégale, à lire la page 26 : l'élargissement de l'assiette fiscale a été estimé de façon prudente. Des taux prudents ont été appliqués…
…sur la base de l'estimation de ce marché gris : près de 80 % pour le marché des paris hippiques, entre 50 et 60 % pour les paris sportifs, entre 40 et 50 % pour le poker. C'est un aveu. Cela signifie qu'il n'y aura pas d'assèchement de l'offre illégale.
Avis défavorable.
Madame Filippetti, je vous rappelle que nous n'étions pas obligés d'appliquer à ce texte la révision constitutionnelle qui exige que toute politique publique fasse préalablement l'objet d'une étude d'impact. Nous ne nous situons pas dans ce cadre.
Vous le reconnaissez vous-même, et je vous en remercie.
Néanmoins, et conformément à l'esprit dans lequel le ministère du budget a abordé ce texte, il a été procédé à une véritable étude d'impact, comportant plusieurs étapes. On ne peut donc affirmer sérieusement que l'on ne dispose d'aucun élément nouveau permettant de mieux évaluer et de mieux cibler le dispositif, notamment en association avec le ministère de la santé, comme nous souhaitions tous le faire.
Permettez-moi de m'appuyer sur l'annexe 2, qui analyse la corrélation entre taux de reversement et addiction au jeu : tout y est dit. Naturellement, il faudra également voir à l'usage : l'évaluation de l'impact a priori ne peut figer un système, d'autant qu'il s'agit d'un schéma nouveau.
Je veux également dire à la représentation nationale que le ministère lance une opération très vaste, impliquant 30 000 joueurs et visant à étudier, à des fins de méthode, l'impact du taux de retour au joueur non seulement en termes de santé, mais d'un point de vue budgétaire. Nous devrons procéder à cette étude d'impact en permanence. Ainsi, le moment venu, nous adapterons le cas échéant ce texte au fur et à mesure, en lui donnant la précision et la pertinence nécessaires.
Je ne peux donc vous suivre, madame Filippetti : il me semble que ce document, que j'ai lu moi aussi, constitue une étape satisfaisante et témoigne d'une volonté de contribuer à la poursuite de tous les objectifs définis par le texte : la lutte contre le blanchiment, la protection des mineurs, la lutte contre l'addiction et une évolution du retour financier propre à éviter une dérive qui aboutirait à une faillite personnelle.
L'annexe 2 est en effet la seule partie du rapport qui analyse la corrélation entre le taux de retour au joueur et l'addiction au jeu.
Mais notre amendement insistait sur le risque que présente la téléphonie mobile : grâce au système du live betting, les joueurs peuvent jouer en direct sur leur téléphone portable, ce qui accroît considérablement les risques d'addiction. Or le rapport n'en dit rien, se limitant à des considérations générales.
Nous sommes tous d'accord : le taux de retour au joueur est constitutif de l'addiction. Nous en avions du reste discuté en commission. Néanmoins, ce constat n'étant pas mis en rapport avec les dispositions du projet de loi, rien n'atteste précisément que celui-ci limitera les risques d'addiction.
En défendant ce texte, vous reconnaissez que le nombre de joueurs va augmenter et que l'offre illégale ne sera ni supprimée ni asséchée, mais côtoiera l'offre légale. Le rapport de l'INSERM, dont cette étude d'impact fait explicitement le fondement de la loi, conclut pourtant que la limitation de l'offre est le meilleur moyen de prévenir l'addiction. Mais ce texte, loin de limiter l'offre, procède à sa légalisation, organisant ainsi une coexistence entre offre légale et offre illégale qui ne fera que démultiplier l'offre de jeu, donc les risques d'addiction.
(L'amendement n° 68 n'est pas adopté.)
Cet article est particulièrement intéressant. L'addiction, on le sait, ne touche pas seulement les mineurs. Sur ce sujet, les études d'impact sont essentielles.
Je citerai l'exemple d'un jeu très populaire de la Française des Jeux, très répandu dans les cafés : le Rapido.
On a constaté que ceux qui y jouaient y engloutissaient leur sandwich du déjeuner, voire leur paie de la journée, jusqu'à se surendetter. La Française des Jeux a donc ralenti le rythme afin d'éviter ces débordements.
L'amendement n° 65 tend à préciser que c'est d'abord l'impact de la publicité sur l'addiction qui doit être évalué, et non l'impact de la publicité sur l'image que se font les jeunes – et même les moins jeunes – des jeux en ligne. Nous devons être extrêmement prudents et vigilants sur ce point.
Nous proposons donc d'insérer, après le mot « évalue », les mots « , en premier lieu en matière d'addiction, », au nom du principe de précaution auquel nos concitoyens sont de plus en plus attachés.
Nous en appelons à la réflexion de nos collègues de la majorité, que nous remercions d'être venus nombreux ce soir, et dont nous espérons qu'ils vont prendre part encore plus activement au débat.
Monsieur Néri, nous devons nous fonder sur certaines études.
La première étude de l'INSERM, à laquelle vous faisiez référence, madame Filippetti, était parcellaire ; il s'agissait, sinon d'un pré-rapport, du moins d'un rapport de prospection.
En revanche, le rapport en cours de rédaction, qui sera remis dans environ dix-huit mois et concernera quelque 30 000 joueurs, comme le disait M. le ministre, sera particulièrement précieux pour définir les différents types de jeux, de la pratique ludique ordinaire au jeu excessif et à l'addiction.
Je souhaite en outre vous répondre sur deux points.
D'une part, vous avez proposé de ramener à dix mois le délai de remise du rapport. Vous nous reprochez souvent de vous avoir soumis ce texte en urgence. Je vous demande à mon tour de nous laisser ces dix-huit mois d'étude, de réflexion et d'observation, notamment auprès du Comité consultatif des jeux, de sorte que nous puissions ensuite faire valoir la clause de rendez-vous en toute connaissance de cause. Cela suppose que tous ces documents convergent.
D'autre part, monsieur Néri, votre amendement me paraît très restrictif. Ainsi, à propos du rapport du CSA, vous ne parlez que du lien entre la publicité et l'addiction, alors que le CSA pourra prendre d'autres éléments en considération.
Je suggère donc que nous conservions la rédaction actuelle. En revanche, monsieur le ministre, peut-être le Gouvernement pourrait-il demander au CSA d'être particulièrement attentif au lien entre publicité et addiction.
Même avis.
Monsieur le rapporteur, je ne vois aucun inconvénient au principe d'une lettre ministérielle au CSA sur la question précise du lien entre publicité et addiction. Naturellement, on peut déjà faire l'hypothèse que le développement de la publicité aggrave la dépendance. C'est bien le but de la publicité ; voilà du reste pourquoi il faut l'encadrer.
Je précise que l'amendement n° 65 émane de Mme Delaunay, malheureusement souffrante. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement.
En première lecture, cet amendement avait été analysé de manière intéressante et très pointue, en particulier par un psychiatre membre du groupe UMP.
L'atmosphère est beaucoup plus triste ce soir : on est bien taiseux sur les bancs de la majorité.
Dans un rapport publié récemment, M. Delevoye, médiateur de la République, indiquait que, pour 15 millions de personnes, les fins de mois se jouent à 40 ou 140 euros près. À peu près au même moment, M. Le Lay indiquait qu'il souhaitait que les familles consacrent aux jeux d'argent l'équivalent d'un ou deux abonnements payants à Canal Plus, par exemple. Cela montre la gravité des conséquences que pourrait entraîner un combat trop irrésolu contre l'addiction.
À l'heure où l'on parle d'abus de crédits à la consommation ou de risques de précarisation, nos amendements sont tout à fait raisonnables.
Ils ne choquent personne, et je ne comprends pas que la forme d'assentiment dont l'amendement n° 65 a fait l'objet en première lecture disparaisse en deuxième lecture.
Plusieurs députés du groupe SRC. Nous voulons répondre au Gouvernement !
(L'amendement n° 65 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°66 .
La parole est à M. Christian Hutin.
Je note que la possibilité d'une réponse au Gouvernement vient d'être écartée.
L'amendement n° 66 tend à ramener de dix-huit à six mois le délai de remise du rapport du CSA à l'Assemblée nationale.
Ce texte nous a été soumis avec une exceptionnelle rapidité. Il est vrai qu'étant donné les difficultés sociales que connaissent nos concitoyens, il est extrêmement urgent de légiférer sur les paris en ligne… Quoi qu'il en soit, au regard de cette urgence, dix-huit mois semblent un peu longs. D'autre part, quelques études d'impact seront nécessaires après la Coupe du monde de football et avant celle de rugby.
Nous proposons donc de ramener le délai à six mois, puis de procéder à ces études, afin d'établir une comparaison qui paraît pertinente.
Même avis.
Il nous paraît important de disposer d'une étude évaluant ce qui se sera passé pendant la Coupe du monde de football. On nous dit qu'il faut absolument ouvrir le marché à ce moment ; nous aurons donc une formidable occasion d'expérimenter directement le dispositif lors d'un événement sportif important.
Pourquoi étendre indéfiniment le délai de remise de ce rapport ? Nous devrions au contraire pouvoir en disposer au moment où le commissaire européen Michel Barnier consultera les parlements nationaux à propos de la rédaction du Livre vert, qui exposera la nouvelle philosophie européenne en matière de jeux en ligne.
D'autre part, monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu quant au statut du document que vous avez remis hier au président de la commission des finances.
(L'amendement n° 66 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°67 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
M. Michel Barnier, commissaire européen, a appelé de ses voeux un Livre vert, et le rapporteur a fait état hier soir de l'importance qu'il accordait à ce type de document en en raillant les différentes couleurs.
Je souhaite pour ma part évoquer un rapport suédois sur le coût de l'addiction aux jeux de hasard, publié sous la présidence française de l'Union européenne. En voici les conclusions : l'étendue du problème et ses conséquences ne sont pas totalement connus ; les effets de l'addiction sont la perte de rendement consécutive au chômage, de la dépression nerveuse et le coût de son traitement, la criminalité et le coût que représente pour l'État la lutte contre ce fléau. Selon ce rapport, la dépense globale atteindrait, pour la seule Suède, 215 à 420 millions d'euros par an, soit 1585 à 3080 euros par « accro » au jeu.
Après les déclarations de l'INSERM, il y a quelques mois, selon lesquelles 1 à 3 % des joueurs posent problème, et alors que cette loi va permettre une explosion de la publicité, donc de l'offre de paris, on mesure la nécessité de véritables études d'impact sur les conséquences en termes de santé publique, d'un point de vue social et pour la sécurité sociale d'une loi que le Gouvernement veut une fois de plus faire voter en urgence à cause de l'ouverture de la Coupe du monde de football.
Défavorable.
Je répondrai à Mme Fourneyron que je n'ai pas voulu caricaturer le Livre vert commandé par M. Barnier, j'ai simplement souligné qu'après le Livre vert, il y aurait un Livre blanc et puis peut-être des livres d'autres couleurs, évocation qui a prêté à sourire. Il ne s'agissait pas pour moi de mettre en cause la Commission européenne, contrairement à vous qui le faites souvent, surtout s'agissant de sa position au sujet des jeux. Je vous rappelle que vous avez eu des mots assez durs à l'égard du précédent commissaire, M. McCreevy même si vous semblez à présent avoir une autre position à l'égard de M. Barnier. Je visais non le contenu du Livre vert et du Livre blanc mais les délais nécessaires pour la rédaction de ces documents. On sait qu'au niveau de la Commission européenne, la procédure est excessivement longue.
C'est là où je vous rejoins, madame Fourneyron. Des centaines de milliers de joueurs évoluent aujourd'hui sur la toile sans aucune sécurité et sans aucune protection. Il est temps pour notre pays de légiférer. M. Barnier sera bien heureux de disposer d'un texte comme celui-ci pour commencer à travailler à la rédaction de son document.
Toutefois, il importe de prendre le temps nécessaire à la convergence des rapports avec une clause de revoyure à dix-huit mois, afin d'être certain que, lorsque nous aurons de nouveau à débattre, nous pourrons le faire en toute connaissance de cause, avec des éléments concrets et objectifs, pour ensuite – pourquoi pas ? – faire évoluer le texte, notamment les dispositions relatives à la protection du joueur.
Même avis.
Je dois dire que je suis surpris – enfin pas entièrement, car nous sommes habitués depuis maintenant huit ans à la très mauvaise qualité de gestion de cette majorité. Mais, tout de même, lorsqu'on est à la tête d'un pays, il faut s'efforcer de bien gérer l'argent public. Or les déficits augmentent d'année en année, ce que vous ne pouvez pas nier, et la crise est loin d'être la seule responsable.
Le présent projet de loi va contribuer à accroître l'addiction au jeu – cela a été parfaitement démontré –, avec les coûts importants pour la santé publique que cela implique alors que l'on annonce un déficit des comptes sociaux encore plus important pour 2011.
Si vous êtes pressés d'examiner ce projet, si votre majorité est aussi silencieuse – particulièrement ce soir, où elle semble abattue après une rencontre qui n'a pas peut-être pas été aussi heureuse que prévue –, c'est que vous voulez être prêts pour la Coupe du monde de football afin de faire des cadeaux à quelques copains et fils de copains.
L'année prochaine aura lieu la Coupe du monde de rugby. Il serait intéressant qu'elle fasse l'objet d'une analyse en amont et que l'on ne laisse pas deux événements majeurs dans le flou et l'incertitude.
(L'amendement n° 67 n'est pas adopté.)
(L'article 4 ter A est adopté.)
N'étant pas interdite par l'article 4 bis, la publicité pour les jeux d'argent et de hasard, assimilables par l'addiction qu'ils génèrent à l'alcool, au tabac et aux drogues, va malheureusement être autorisée dans la presse et par voie d'affichage, médias et supports auxquels les mineurs auront accès de la même façon que les adultes.
Comment les opérateurs de jeu d'argent ou de hasard pourront-ils faire obstacle à la participation des mineurs aux activités de jeu ou de pari qu'ils proposent si leurs publicités s'affichent dans les rues sur des panneaux de 12 à 16 mètres carrés, sur des autobus et des trains, dans les journaux quotidiens, dans les hebdomadaires ou les magazines tout public ?
Si M. le rapporteur et M. le ministre avaient donné un avis favorable à notre amendement n° 7 visant à interdire la publicité pour ces jeux sur la voie publique, nous n'aurions pas été amenés à défendre cet amendement. La commission et le Gouvernement devraient accepter certaines de nos propositions, cela nous ferait gagner du temps et nous permettrait d'être plus efficaces.
Afin de protéger les mineurs de la tentation du jeu d'argent ou de hasard, nous estimons qu'il convient de soumettre à la même amende que les publicités émises ou diffusées les publicités publiées ou affichées qui sont non conformes à l'esprit de l'article 3.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, en donnant un avis favorable à cet amendement, vous avez une occasion de vous rattraper, de nous faire faire un grand pas en avant et de détendre un peu le débat.
Même avis.
Puis-je faire observer que M. Copé est en retard ? Il n'est toujours pas là alors qu'il est 23 h 20 !
Je voudrais simplement renouveler auprès de M. le ministre ma demande d'explication sur le statut du document qui nous a été transmis. Invoquant Du Bellay, on pourrait dire :
« France, France, réponds à ma triste querelle.
Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix. »
Monsieur le président, nous reconnaissons bien là l'agrégée de lettres qu'est Aurélie Filippetti et son évocation poétique est tout à fait appropriée au caractère répétitif et insistant de sa sollicitation. Je vais y répondre une fois pour toutes afin qu'on n'en parle plus.
Ce document n'a pas le même statut qu'une étude d'impact au sens de la révision constitutionnelle. C'est une étude effectuée par les services du ministère du budget pour nourrir nos travaux, dotée d'une valeur juridique à plusieurs titres : elle engage le ministère sur la validité de ses analyses ; elle a été transmise au Conseil d'État ; elle sert de point de référence s'agissant de la poursuite des études d'impact que nous serons amenés à développer.
J'espère, madame Filippetti, avoir pleinement satisfait votre demande.
(L'amendement n° 141 n'est pas adopté.)
L'amendement n° 120 vise à renforcer les sanctions à l'encontre de ceux qui enfreindraient les règles fixées par la future loi en matière de publicité et de communication commerciale, à destination notamment des mineurs. Il nous semble en effet que l'amende de 100 000 euros actuellement prévue est insuffisante. Pour qu'elle ait un véritable effet dissuasif, il faudrait qu'elle soit au moins égale au quadruple du montant des dépenses publicitaires concernées, sinon il serait trop facile d' « acheter » l'infraction à la loi.
Par ailleurs, nous aimerions apprécier l'impact de cette proposition car, comme vous l'avez dit à plusieurs reprises, mes chers collègues, il est essentiel de connaître l'effet des mesures que nous examinons. C'est pourquoi, en application de l'article 98-1 du règlement, je demande que nous disposions d'une appréciation de l'impact de cet amendement. Il est précisé à cet article qu'un amendement fait l'objet d'une évaluation préalable, soit à la demande du président ou du rapporteur de la commission saisie au fond s'il s'agit d'un amendement de la commission, soit à la demande de l'auteur de l'amendement et avec l'accord du président de la commission saisie au fond.
Afin de pouvoir apprécier l'efficacité du dispositif que nous proposons, il me semble utile d'appliquer cette nouvelle disposition de notre règlement, sur laquelle j'aimerais avoir le point de vue de notre rapporteur comme celui du président de la commission des finances.
Vous voyez que nous sommes particulièrement constructifs : d'une part, nous voulons mettre en oeuvre le nouveau règlement – adopté pour une large part contre notre avis ; d'autre part, nous voulons assurer l'efficacité de cette loi en veillant à ce que les propositions que nous faisons soient les plus appropriées, les plus adaptées et les plus efficaces possible.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est, je crois, la première fois qu'il est demandé d'appliquer l'article 98-1 de notre nouveau règlement, article puisé aux meilleures sources, puisqu'il avait pour but de revaloriser le rôle du Parlement et de veiller à ce que les députés puissent voter en toute connaissance de cause, en étant éclairés sur les conséquences que l'adoption d'un amendement pourrait emporter.
L'article 98-1 précise clairement que son application n'empêche pas la discussion de l'amendement concerné ; il est muet, en revanche, sur la possibilité qu'aurait notre assemblée de le voter. J'en conclus – mais ce n'est qu'un avis personnel – que le vote est possible. Si l'on avait voulu le rendre impossible, il me semble que le règlement aurait été explicite puisqu'un principe constant de notre droit veut que les interdictions ne soient pas implicites.
Toutefois, comme c'est la première fois que l'application de cet article est demandée lors d'une séance publique, je crois nécessaire que les services de l'Assemblée nationale précisent ce qu'il en est.
À cet égard, l'article 146-6 du règlement dispose qu'il revient au comité d'évaluation et contrôle, saisi en urgence, de déterminer, d'une part, si l'étude demandée au titre de l'article 98–1 peut être réalisée dans les délais requis et, d'autre part, si elle est nécessaire en préalable à l'adoption ou au rejet de l'amendement concerné.
Comme il nous est impossible, tout le monde en conviendra, de trancher, aujourd'hui et à cette heure, à la fois le débat juridique – le vote peut-il ou non avoir lieu ? – et la question de fond – cette évaluation préalable est-elle nécessaire ou non à la délibération de notre assemblée ? –, je demande la réserve du vote sur cet amendement jusqu'après l'article 58, ce que vous comprendrez, je l'espère. Cela laissera le temps aux uns et aux autres de réfléchir. Par voie de conséquence, je demande également la réserve du vote sur l'article 4 ter, étant entendu que demander la réserve du vote sur un amendement amène obligatoirement à demander la réserve du vote sur l'article concerné.
Si je me permets de suggérer cette solution que, soit le rapporteur, soit le ministre aurait pu proposer en mes lieu et place, c'est que je ne crois pas utile pour notre assemblée de débattre maintenant et de la question juridique, et du fond, puisque ni les uns ni les autres ne disposeraient des éléments pour ce faire.
Plutôt que d'être confrontés à un éventuel incident de séance, il me paraît sage de s'en tenir à la réserve qui, au demeurant, est de droit, dès lors que vous l'accepteriez, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre. Cela nous laisserait jusqu'à demain pour trancher le problème juridique et pour apprécier l'importance de cette évaluation.
Enfin, j'ajoute qu'il m'est impossible – et chacun le comprendra sur quelque banc qu'il siège – de refuser par principe l'évaluation d'un amendement demandée par des collègues. Ce serait, je crois, contraire à l'esprit du nouveau règlement qui, je le rappelle, avait pour finalité de renforcer les droits du Parlement.
La réserve du vote sur l'article demandée par le président de la commission est de droit.
J'ajoute qu'il n'y a pas de problème juridique quant à la demande d'évaluation. Il découle en effet de l'article 98-1 du règlement qu'une évaluation préalable peut être demandée sur un amendement avant, mais non pas durant la séance publique.
Cela étant, monsieur le président de la commission, je vais faire droit à votre demande en réservant la suite de la discussion et le vote sur l'article 4 ter.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, l'alinéa 4 de l'article 98-1 du règlement m'amène à la même conclusion que vous : dès lors qu'une étude d'évaluation sur un amendement ne fait pas obstacle à la mise en discussion publique, elle ne peut pas faire non plus obstacle au vote. C'est un constat d'évidence. Nous pourrions donc parfaitement poursuivre nos travaux.
Cela dit, compte tenu de l'état d'esprit qui a présidé ce soir à nos délibérations et de la suggestion du président de la commission des finances ès qualités, je propose une suspension de séance de quelques minutes afin que nous puissions discuter de ce point.
Demande d'application de l'article 98–1 du règlement
La séance est suspendue pour cinq minutes.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.)
Nous ne pouvons que nous réjouir que le texte conserve la forme mutuelle des paris hippiques. Cela dit, je souhaite affirmer à quel point nous sommes opposés à l'ouverture de ces paris à la concurrence.
Cette ouverture permettrait aux opérateurs européens tels que Zeturf d'investir le secteur des paris hippiques en ligne, faute de pouvoir le faire par l'entremise d'un réseau en dur de points de vente dûment contrôlés.
Or la jurisprudence européenne n'oblige en rien la France à ouvrir à la concurrence les activités de jeux d'argent et de hasard. C'est la raison pour laquelle nous sommes opposés au développement d'une concurrence, fût-elle limitée, notamment en ce qui concerne les courses de chevaux. En effet, la dématérialisation des procédures peut durablement affecter l'ensemble de cette activité économique.
Dans notre pays, la filière équine induit directement et indirectement environ 70 000 emplois et comporte de nombreux métiers intéressant particulièrement les jeunes. La croissance de ces métiers a été de 10 % en quatre ans. Les activités que suscite cette filière constituent un facteur essentiel d'équilibre économique dans de nombreuses localités. J'ajoute qu'il s'agit d'activités non délocalisables.
La France compte 247 hippodromes, ce qui en fait le plus grand parc d'Europe et 68 départements ont au moins un hippodrome. C'est dire que l'activité hippique est répartie sur l'ensemble du territoire ; elle concerne les villes où sont organisées des courses mais aussi les communes où sont élevés des chevaux de race.
N'oublions pas non plus les entreprises cultivant les plantes destinées au fourrage ou celles fabriquant les selles et harnais, ni la médecine vétérinaire, tous secteurs qui doivent beaucoup à l'existence d'une filière largement financée par les mises des joueurs de courses hippiques. Nous avons ainsi préservé l'élevage de plusieurs races, en particulier de trait, qui auraient probablement disparu sans les ressources tirées des courses.
C'est aussi pour cette raison que nous commençons à disposer d'un véritable secteur du loisir équestre qui se démocratise.
Ce sont bel et bien tous ces emplois destinés à l'entretien des 500 000 têtes du cheptel équin français qui sont en jeu avec le maintien du régime mutuel de paris hippiques et leur exclusion du champ de l'ouverture à la concurrence.
Vous aurez bien compris les conséquences de l'ouverture à la concurrence et du manque à gagner, notamment pour le PMU, qui alimente la filière équine.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 133 .
Nous en revenons au fond du débat : est-il vraiment nécessaire de légiférer et d'ouvrir à la concurrence le secteur du pari hippique ?
Rappelons l'évolution de la jurisprudence européenne. Il y a d'abord eu l'arrêt Gambelli en 2003, qui prévoyait que les États membres pouvaient maintenir un monopole. Puis, en septembre 2009, l'arrêt Santa Casa a précisé que les États membres étaient libres de maintenir des monopoles à condition que leur politique publique en matière de jeux poursuive un objectif d'intérêt général et soit mise en oeuvre de façon cohérente et systématique.
L'arrêt Santa Casa, relatif au Portugal qui a mis en place une politique très sévère de lutte contre l'addiction, le jeu compulsif, a paru aux juristes et à nous-mêmes conforter la possibilité non pas d'en rester au statu quo, ce que nous n'avons jamais défendu, mais d'améliorer la situation existante en maintenant le monopole sur les paris hippiques et les jeux tel qu'il existe dans la législation.
L'arrêt Santa Casa a été renforcé par l'évolution concomitante de la Commission européenne en matière d'infractions.
Le commissaire européen Michel Barnier a précisé que la politique de la Commission en matière d'infractions à l'encontre des États membres allait être modifiée afin de respecter les objectifs de lutte contre l'addiction et la criminalité transfrontalière.
Dans ce cadre, il nous semble important d'améliorer la situation de monopole accordée au PMU en matière de paris hippiques, mais sûrement pas de la déréguler…
Nous revenons en effet au débat de fond que nous avons déjà eu en première lecture.
L'arrêt Santa Casa a quelque chose de miraculeux, si je puis dire, car chacun – vous et nous – y trouve son compte. On peut lui faire dire tout ce que l'on veut.
Il faut néanmoins reconnaître qu'il sert de point de repère. En tout cas, il avait mis un frein à quelques excès évoqués par le précédent commissaire européen, M. McCreevy, qui voulait à tout prix libéraliser ce secteur sans aucune contrainte. Ce n'est pas ce que nous souhaitons faire avec ce texte de loi. Au contraire, nous contraignons les opérateurs. Nous ne faisons pas comme en Angleterre où il n'existe aucune règle, sauf peut-être pour l'accès à la publicité.
L'arrêt Santa Casa est donc un repère, comme le sera notre loi, en particulier pour l'analyse préalable au Livre vert que M. Barnier sera amené à faire rédiger. Lui-même a indiqué qu'il s'inspirerait des projets et dispositifs existant dans les pays de l'Union européenne, voire ailleurs.
Madame Filippetti, il se trouve que j'ai gardé des contacts avec mon ancien collègue portugais ministre des sports, qui m'a indiqué que l'arrêt Santa Casa n'avait rien changé au problème du jeu illégal, qui s'est même amplifié au Portugal en raison de la publicité faite autour de cet arrêt. Certes, on pourrait considérer qu'il s'agit d'un très bel arrêt et qu'il faut garder le monopole, fermer les écoutilles, mais le jeu illégal continue de prospérer au Portugal. C'est ce que nous voulons éviter en France. Voilà pourquoi il faut ouvrir le monopole du PMU comme celui de la Française des jeux.
Rappelons d'ailleurs que le président du PMU et celui de la Française des jeux se satisfont parfaitement de cette ouverture, le patron du PMU, M. Germond, ayant même le projet de s'ouvrir aux paris sportifs. Ils sont donc en train de s'adapter. Je crois que l'ouverture est satisfaisante : maîtrisée, régulée et, en particulier, protectrice de toutes celles et tous ceux qui, aujourd'hui, évoluent sur des sites illégaux.
La commission émet donc un avis défavorable à la suppression de l'article 6.
Même avis, monsieur le président.
Je ne peux pas laisser caricaturer par M. le rapporteur les explications données sur les alternatives possibles à ce texte.
Nous avons entendu deux types d'argumentations. D'une part, ce serait l'Europe qui nous imposerait un tel changement ; or vous venez de rappeler, monsieur le rapporteur, que la position de l'Europe avait évolué. D'autre part, nous n'aurions pas d'autre solution pour être efficace.
Eh bien si, il existe une troisième solution ! Elle ne consiste évidemment pas à conforter la Française des jeux et le PMU dans leurs pratiques actuelles, que tous les gouvernements ont – sans doute à tort – encouragées, pratiques qui poussent à la consommation et à la pratique des jeux pour procurer à l'État de nouvelles ressources budgétaires. J'ai rappelé hier que c'était la raison pour laquelle nous avions affaire, au cours de ce débat, au ministre du budget, non à celui de la santé, des affaires sociales ou des sports ; c'est d'ailleurs dommage.
Si nous demandons et obtenons de la Française des jeux, particulièrement, et du PMU, éventuellement, une réforme en profondeur de leur organisation, de leur stratégie, de leur politique commerciale, nous pouvons effectivement espérer un changement.
Deux aspects doivent être pris en compte, monsieur le rapporteur, pour assurer le respect du monopole et de cette réglementation.
D'une part, l'attitude de M. Barnier laisse ouverte la possibilité de mettre en place des dispositifs de coopération judiciaire, ce qui paraissait difficile auparavant, et d'adapter une sorte de jurisprudence européenne, c'est-à-dire de nous mettre d'accord sur la façon dont chaque législation nationale serait appliquée, l'Europe la faisant ensuite respecter. M. McCreevy ne voulait pas en entendre parler ; M. Barnier nous propose, au contraire, d'ouvrir cette discussion. Vous ne nous répondez cependant pas sur ce point.
D'autre part, s'agissant non pas des opérateurs installés dans un pays européen, contre lesquels nous pourrions agir sur le fondement des dispositifs juridiques que l'Union européenne pourrait mettre en place, mais de ceux qui ont leur siège en dehors de l'Union européenne, généralement dans les paradis fiscaux, une action est résolument engagée – si j'ai bien compris ce que font le Président de la République et d'autres – pour que, dans le cadre des conventions fiscales que nous négocions avec eux, lesdits paradis fiscaux se soumettent aux règles communes. Pourquoi ne pas exiger que ces règles communes concernent également le respect des législations sur les jeux et le démantèlement d'éventuels opérateurs qui seraient installés de manière irrégulière ? Ce ne serait tout de même pas trop charger la barque.
Voilà deux chances qui nous sont offertes et que vous laissez passer. Ne caricaturez donc pas, s'il vous plaît, nos positions.
Je voudrais rappeler à M. le ministre et à M. le rapporteur que le problème de fond est celui des conséquences sur la filière équine. L'ouverture du marché entraînera, pour cette filière, une baisse de revenus aux lourdes conséquences.
Comment le PMU va-t-il pouvoir rétablir l'équilibre ? Peut-être en accroissant la publicité, en ouvrant davantage de paris ou en organisant davantage de courses, je l'ignore.
Il faut en tout cas être conscient du fait que cette filière, qui représente 70 000 emplois et concerne l'ensemble du territoire, bénéficiera d'un moindre retour financier. J'ouvre les paris : les conséquences, inévitables, de cette ouverture à la concurrence seront graves pour nos territoires.
Il ne faut pas exagérer.
Premièrement, les sociétés de courses, comme l'a rappelé M. le rapporteur, approuvent cette modification.
Deuxièmement, il ne faut pas renverser l'économie du système : dans le dispositif qui sera mis en place, tous les opérateurs de jeu agréés devront reverser de l'argent à la filière, ce qu'ils ne font pas aujourd'hui. C'est donc, monsieur Chassaigne, exactement le contraire de ce que vous venez d'annoncer qui va se passer.
(Les amendements identiques nos 11 et 133 ne sont pas adoptés.)
(L'article 6 est adopté.)
J'aurais souhaité faire ce rappel au règlement à la reprise de la séance, mais votre rapidité dans le décompte des minutes de suspension, monsieur le président, m'en a empêché. Je précise donc maintenant trois points : brièvement, rassurez-vous.
Premièrement, j'ai bien compris que la discussion et, par conséquent, le vote sur l'amendement n° 120 étaient reportés. Cependant, à la suite de la demande d'application de l'article 98-1 du règlement, vous avez indiqué, si j'ai bien compris, que la demande d'évaluation de cet amendement aurait dû être formulée avant l'examen de ce dernier en séance. Or, dans la lettre de l'article 98-1 comme dans l'esprit de ses rédacteurs – on peut se reporter aux débats de l'époque –, aucune contrainte de ce genre ne pèse, et l'on peut effectivement demander une étude d'impact pendant la séance. Le besoin d'une telle étude peut en effet apparaître au cours de la discussion.
Deuxièmement, M. le ministre, interprétant l'alinéa 4 de cet article, selon lequel « le défaut de réalisation, d'impression ou de distribution d'une évaluation préalable sur un amendement ne peut faire obstacle à sa discussion en séance publique », a indiqué qu'il fallait considérer que ledit défaut ne pouvait pas non plus faire obstacle au vote sur l'amendement. Je m'inscris en faux contre cette interprétation. On peut poursuivre la discussion, mais on ne peut procéder au vote. Sinon, pourquoi aurait-on rédigé ainsi l'alinéa 4 ? Si l'on avait voulu que le défaut de réalisation, d'impression ou de distribution d'une évaluation préalable sur un amendement ne puisse faire obstacle au vote de l'amendement en question, l'article 98-1 n'aurait comporté que les trois premiers alinéas.
Troisièmement, l'article 146-6 dispose que « le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques est saisi pour réaliser l'évaluation préalable d'un amendement d'un député ou d'un amendement de la commission qui a été demandée conformément à l'article 98-1 ». Il se trouve, mes chers collègues, que vous m'avez confié, par vos votes, le rôle de vice-président de ce comité, honneur que je partage notamment avec mon collègue Claude Goasguen du groupe UMP. Claude Goasguen et moi-même sommes précisément chargés de travailler sur ces questions d'études d'impact. Je veux simplement préciser que nous sommes à la disposition de l'Assemblée nationale, du moins le suis-je, pour procéder aux convocations nécessaires, sous l'autorité bien sûr du président Accoyer, de manière à procéder réellement à l'étude d'impact demandée, qui me paraît tout à fait opportune.
Je me suis certainement mal exprimé tout à l'heure, monsieur Mallot. Je le redis donc : bien entendu, la demande d'évaluation peut être faite en séance, il n'y a aucun problème à cet égard.
Je vous expliquais simplement que cet article avait été conçu pour que l'évaluation puisse être demandée avant la séance publique. Si, néanmoins, la demande est présentée pendant la séance publique, le président peut, pour sa part, décider de poursuivre la discussion de l'amendement. Je crois, cette fois-ci, m'être bien fait comprendre.
Cela étant, le président de la commission des finances a demandé la réserve de l'article. Cette réserve est de droit.
Je l'ai donc accordée, en précisant simplement que la demande d'évaluation ne posait pas de problème juridique. Cela semble, soit dit en passant, une remarque de bon sens.
L'article 7 offre une caricature de ces régimes dérogatoires qui sont l'un des traits par lesquels la loi française aime à se distinguer. En soi, la technique n'appelle pas de critique particulière. Cependant, cet article, légalisant ce qui est aujourd'hui illégal, oublie l'intérêt général au profit de certains intérêts particuliers.
Il déroge à la loi du 21 mai 1836 et à celle de 1983 sur les jeux de hasard en permettant aux opérateurs aujourd'hui illégaux de se blanchir et de vendre du rêve et des illusions dans un cadre dérégulé.
Il permet aux opérateurs de paris mutuels d'avoir recours à des mécanismes d'abondement des gains sans réel garde-fou, si ce n'est cette mention pour le moins vague : « sous réserve que cette pratique demeure ponctuelle et n'ait pas pour effet de dénaturer le caractère mutuel des paris ».
Enfin, il légalise le pari à cote fixe, grande nouveauté dans le paysage des jeux de hasard et d'argent. C'est sur ce dernier point que je souhaite insister. Avec plusieurs de mes collègues, nous avons évoqué, depuis le début de nos discussions, les dimensions sociales, politiques et morales que recouvre la politique d'un État en matière de jeu. Jusqu'à présent, le pari à cote fixe était prohibé en France, son éthique même étant discutable. Contrairement au pari mutuel, dans lequel l'opérateur est présumé désintéressé et où le volume des gains est redistribué entre les joueurs en fonction du volume des mises, le pari à cote fixe est un pari des joueurs contre un opérateur, dont l'intérêt est de voir perdre les parieurs afin de ramasser leurs pertes.
L'autorisation des paris à cote fixe constitue un réel danger à plusieurs titres.
En termes de santé publique, les gains étant souvent plus attrayants que pour le pari mutuel, le potentiel incitatif du pari à cote fixe est plus important que celui des paris mutuels.
En termes de préservation de l'ordre public et de l'éthique du sport, le risque de fraude, de trucage de matchs et de corruption est accru. Il est intéressant de noter que des dizaines d'États américains ont interdit cette forme de pari et que le Royaume-Uni connaît régulièrement des cas de fraude liés à la prise de paris à cote fixe, qui entachent le monde du sport et mettent en cause la sincérité des grandes compétitions.
Votre temps de parole sur l'article est écoulé. Défendez donc maintenant votre amendement n° 12 , monsieur Chassaigne.
Je le défendrai en partant d'une proposition de loi déposée le 7 mai 2008, visant à interdire toute forme de pari à cote fixe sur les événements sportifs.
Cette proposition de loi, extrêmement intéressante, a été déposée par M. Jacques Myard. Son exposé des motifs le précise : « Les paris à cote fixe présentent les risques de fraude les plus élevés. En effet, ce type de pari oppose par définition le prestataire à ses clients, leurs intérêts étant contradictoires. » Sur plusieurs pages d'exposé des motifs, M. Myard montre et démontre à quel point il importe que de tels paris soient interdits par notre législation. Sans doute n'a-t-il pas changé d'avis.
Certes, le président du PMU, le président de la Française des jeux peuvent être d'accord avec les modifications prévues, mais comment ne pas être d'accord lorsqu'on a un pistolet sur la tempe ?
Alors, monsieur Myard, voterez-vous aujourd'hui cet amendement et resterez-vous ainsi fidèle au texte que vous avez déposé ? Autrement dit, conservez-vous votre éthique ou bien avez-vous dû vendre votre âme pour manger quelque plat de lentilles ?
Suivant ce débat depuis un certain temps, je ne peux m'empêcher d'établir un certain nombre de parallèles.
J'avais cru comprendre – comme vos électeurs – que la droite représentait la loi et l'ordre. S'agissant de la loi, c'est assez extraordinaire : depuis un certain temps, on ne fait plus que légaliser ce qui est illégal. J'en veux pour preuve les lois Hadopi, la loi de modernisation de l'économie et celle sur l'ouverture des commerces le dimanche. Tel est le leitmotiv de ce débat : puisque nous ne pouvons pas empêcher les pratiques qui sont illégales, légalisons-les. Voilà qui est assez extraordinaire, et je ne suis pas sûr que cela vous fera regagner votre électorat traditionnel – mais c'est votre problème, non le nôtre.
Je voudrais aussi revenir à un fait qui a été évoqué lorsque nous avons examiné l'article 4 : la publicité a des conséquences sur l'addiction. Ce n'est pas pour rien que nous avons limité la publicité sur le tabac et l'alcool, comme vous le savez, même si vous n'étiez pas majoritaires à l'époque où nous avons introduit la législation limitant cette publicité. Ce n'est pas pour rien non plus qu'après ce débat sur les jeux est prévu théoriquement, si nous en avons le temps, celui sur le crédit à la consommation.
En cette matière, Mme Lagarde, bien qu'elle ne veuille pas aller aussi loin que nous, convient qu'il faut aussi être très prudent et limiter la publicité.
S'agissant du jeu en ligne, vous proposez à l'inverse de tout laisser aller à vau-l'eau. Vraiment, si vous continuez d'agir ainsi, je ne crois pas que votre électorat renouera avec vous avant longtemps.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 117 .
La parole est à Mme Valérie Fourneyron.
J'en reviens au thème évoqué par André Chassaigne ainsi qu'à la proposition de loi de M. Myard. Je citerai également l'un de nos collègues de la majorité, Louis Giscard d'Estaing, qui s'est prononcé en première lecture contre le pari à cote.
Louis Giscard d'Estaing a rappelé en première lecture que le modèle français du jeu était le pari mutuel et a mis en évidence les risques et conflits d'intérêts inhérents au pari à cote fixe. Le pari mutuel est le meilleur système pour prévenir tous les conflits d'intérêts et c'est pourquoi près de 130 pays dans le monde l'ont adopté pour les courses hippiques. Aussi proposons nous d'en faire le modèle français – voire européen – et de refuser la logique du pari à cote fixe, dont vous connaissez les conséquences.
J'ajoute que quarante-six états des États-Unis, dont on dit que c'est un pays libéral…
…ont eux aussi refusé le pari à cote. Celui-ci, vous le savez, est à l'origine d'un grand nombre de paris et de matchs truqués. La dernière affaire, avec plus de 200 matchs truqués, en grande partie en Turquie, mais aussi en Allemagne, à la fin de l'année 2009, était liée à cette pratique.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter notre amendement, ainsi qu'à tenir compte de la proposition de loi de Jacques Myard et de la défense du pari mutuel faite par Louis Giscard d'Estaing.
Défavorable.
Sur le vote de l'amendement n° 117 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
L'introduction du pari à cote présente de nombreux risques. Je m'étonne que, dans le document - objet littéraire non identifié - provenant des services de Bercy, il n'y ait rien sur l'évaluation de l'introduction du pari à cote. C'est une lacune dans ce qui nous est présenté comme une étude d'impact.
Je ne sais si ce document a subi une transmutation ou une transsubstantiation mais, lorsque nous en avons parlé en commission des finances, M. le rapporteur, suite à une question de Mme Delaunay, a dit que le Conseil d'État avait réalisé une étude d'impact qui pourrait, si le ministre en était d'accord, être mise à la disposition de l'ensemble des parlementaires et que, dans ces conditions, Mme Delaunay serait invitée à retirer son amendement. M. le ministre a répondu qu'il ne verrait aucun inconvénient à ce que l'étude d'impact du Conseil d'État soit transmise aux parlementaires.
Or ce document n'est pas l'étude d'impact du Conseil d'État, puisque vous nous avez dit, monsieur le ministre, qu'il émanait de Bercy. Où est donc l'étude d'impact du Conseil d'État ?
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 117 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 55
Nombre de suffrages exprimés 53
Majorité absolue 27
Pour l'adoption 19
Contre 34
(L'amendement n° 117 n'est pas adopté.)
Nous proposons que les paris ne portent que sur le résultat, non sur les événements qui vont se dérouler durant la compétition, afin d'éviter les risques de fraude inhérents à ce genre de pratique.
Défavorable.
Cet amendement portant sur le résultat final me permet de faire part de mes interrogations. Sur quoi allons-nous parier ? Sur l'ensemble des actifs que vont pouvoir posséder les opérateurs de paris en ligne, lesquels actifs seront ceux transférés, ou plutôt autorisés par les propriétaires de ces actifs, c'est-à-dire les fédérations françaises et les sociétés sportives. Vous indiquez dans votre texte que vous pourriez transférer les actifs incorporels.
Sur quoi allons-nous pouvoir parier ? J'aimerais, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, avoir à cette occasion une réponse sur l'ensemble. Nous souhaiterions en effet que ce soit uniquement sur le résultat final d'une compétition. Mais que peut-il y avoir dans ces actifs incorporels que vous allez permettre aux opérateurs de paris en ligne de mettre sur le marché ? Y aura-t-il les marques, les logos, les contrats de joueurs, qui font partie des actifs incorporels, les probabilités de transferts de joueurs, la propriété des droits télévisuels ? Bref, sur quoi les opérateurs vont-ils pouvoir inviter les joueurs à parier ? Car, derrière le résultat final de la compétition, derrière les compétitions sportives, il y a beaucoup d'autres éléments dans les actifs incorporels. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner une explication ?
(L'amendement n° 116 n'est pas adopté.)
(L'article 7 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 131 .
La parole est à M. Christian Hutin.
Notre amendement, qui est de précision, vise à insérer, à l'alinéa 2, les mots « et avantages » après le mot « lots ».
Cette disposition est simple, logique et légitime. Elle va dans le sens où nous essayons d'entraîner nos collègues du groupe UMP. Nous aurions pu la voter à l'unanimité en première lecture. Mais, comme d'habitude, elle sera repoussée !
Monsieur le député, votre amendement est satisfait par la rédaction du Sénat qui intègre déjà les bonus dans le calcul du taux de retour au joueur. L'avis de la commission est donc défavorable, à moins que vous ne retiriez l'amendement.
Je vais maintenant répondre à Mme Fourneyron, car il y a apparemment une incompréhension portant sur l'utilité des actifs incorporels. On ne pourra parier que sur des phases de jeu, s'agissant du football, par exemple, c'est-à-dire sur ce qui se passe entre le premier et le dernier coup de sifflet de l'arbitre. Sont exclus tous autres types de paris : vous avez cité les transferts de joueurs, on pourrait aussi parler de la couleur de leurs chaussettes. Sont également exclus tous types de gestes négatifs : un coup franc ou une faute ne peuvent faire l'objet d'un pari.
L'actif incorporel tel qu'il est précisé – je pense que vous faites référence à l'article 52 – permet à des clubs de protéger leurs actifs par rapport à ce que la ligue professionnelle, peut-être un jour détentrice du droit au pari, pourra commercialiser auprès d'un opérateur. Un décret définira ce que sont ces actifs. Mais tout cela n'a rien à voir avec les supports de jeu.
Défavorable.
(L'amendement n° 131 n'est pas adopté.)
Afin de relancer l'attrait des casinos terrestres, il est nécessaire de leur permettre d'exploiter des salles équipées de terminaux sur lesquels les clients pourraient accéder à l'offre internet légale.
La concurrence des jeux en ligne – activité aujourd'hui illégale – a un fort retentissement sur les casinos en dur.
On constate une perte du produit brut des jeux qui peut atteindre 20 à 30 %, voire davantage.
La mesure que nous proposons peut être intégrée dans la loi ou faire l'objet d'un décret. Je voulais, par cet amendement, appeler l'attention sur la situation des casinos en dur, qui jouent un rôle de locomotive pour le tourisme français, secteur important de l'économie. En outre, vous cherchez des recettes, monsieur le ministre du budget. Enfin, ce secteur est également important pour l'emploi. Par conséquent, notre proposition mérite d'être regardée de près.
M. Boënnec a raison de soutenir les casinos, dont l'activité a pignon sur rue et qui sont la propriété d'actionnaires très souvent cotés sur le marché public. Ils sont aussi sous surveillance et rendent des comptes. L'opposition vit dans le passé, me semble-t-il. Dieu merci, la société française a évolué !
Il est vrai que les casinos sont des acteurs économiques et constituent des éléments du développement touristique des cités qui ont la chance de les accueillir. Nombre d'élus aimeraient avoir un casino sur leur territoire.
Lorsqu'un nouveau texte est présenté, il est parfaitement légitime de s'interroger sur les moyens de préserver cette activité économique. Et il n'est pas contestable que l'État serait très heureux d'avoir des recettes supplémentaires. Mais nous sommes dans un cadre strictement réglementé.
Cela étant, vous reconnaîtrez, monsieur le député, qu'il est difficilement concevable de donner une autorisation immédiate aux casinos en dur, alors que nous demandons à la Française des jeux et au PMU de solliciter un agrément auprès de l'ARJEL. Il faut assurer un parallélisme des formes entre les casinos, la Française des Jeux et le PMU, qui sont des acteurs majeurs.
Dans le texte, tous les éléments apportés sont de nature à protéger cette activité économique. Mais, vous le savez, il y a une clause de revoyure. Nous pourrons, dans dix-huit mois, constater l'évolution de la situation. Ma conviction profonde, dans ce cadre réglementaire, est que ce ne sera pas le même marché. On ne joue pas en ligne comme on se rend au casino. Aller au casino est une attitude, un état d'esprit, un élément de convivialité. Le jeu en ligne n'a pas le même impact psychologique. Il y aura peut-être des correspondances de la part de certains joueurs, mais très vite, le marché fera sa répartition différenciée. La clause de revoyure nous permettra d'en reparler.
Je vous demande donc, monsieur le député, de bien vouloir retirer ces amendements, faute de quoi j'émettrais un avis défavorable.
Je voulais simplement appeler l'attention du Gouvernement sur cette question. Compte tenu de la clause de revoyure, monsieur le ministre, je retire mes deux amendements.
Prochaine séance, jeudi 1er avril, à neuf heures trente :
Suite du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence des jeux d'argent en ligne ;
Projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 1er avril, à zéro heure quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma