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Séance en hémicycle du 5 juillet 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'action extérieure de l'État (n°s 2339, 2513, 2505).

La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, depuis dix ou vingt ans, combien de discours ont été prononcés sur le rayonnement de la France dans le monde ? Aujourd'hui, pour la première fois, l'occasion nous est donnée de faire plus qu'un discours : grâce à vous, nous pouvons faire changer les choses.

Le diagnostic est connu et, je crois, largement partagé : il y a dans le monde un immense besoin de culture française, d'expertise française, de formation, de création, d'échanges, de débats. Mais notre offre, l'offre de la France, n'est pas toujours à la hauteur de la demande.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Pourquoi ? Cela ne vient pas d'un manque de talents : notre pays en regorge. Mais nous manquons parfois d'audace. Et l'État ne dispose pas des moyens adaptés pour fédérer ce foisonnement d'initiatives qui fait l'influence des grandes nations.

Une politique étrangère est un dessein collectif, fondé sur des valeurs communes et nourri d'ambitions partagées. Elle doit résulter des actions cumulées de tous ceux qui se sentent partie prenante au rayonnement du pays, qui véhiculent ses valeurs et qui veulent prolonger son histoire et sa culture.

Nous avons hérité d'un système qui a prouvé son efficacité par le passé. Mais il serait imprudent de nous accrocher à un souvenir ! Je ne veux pas qu'on puisse dire de notre diplomatie culturelle, comme Proust le disait des arguments de M. de Norpois en matière d'art, qu'elle est « sans réplique parce [que] sans réalité ».

Trois changements exigent de notre pays un effort accru.

D'abord, les contenus immatériels de la connaissance, de la culture, de la communication prennent une importance sans précédent. Dans des sociétés où les besoins matériels sont mieux satisfaits, ils sont la clé du développement. C'est vers eux que se déplacent les attentes toujours plus sophistiquées des individus. Ce sont eux qui, de plus en plus, forgent les identités en fonction desquelles se dessinent les rapprochements, mais aussi les clivages. Or notre offre, dans ce domaine, reste insuffisante.

Ensuite, l'espace de la culture, de la communication, de la connaissance s'est mondialisé. Avec le marché et la révolution numérique, les productions de l'esprit ont acquis une fluidité et une ubiquité inédites. Les mots, les images, les musiques, les savoirs, les symboles circulent à une vitesse accélérée dans un espace désormais unique et sans frontières, bientôt accessible – nous l'espérons – à toute l'humanité.

Enfin, dans cet espace mondial émergent de nouveaux acteurs. Les grands pays occidentaux ne sont plus les seuls à créer des images et des concepts, loin s'en faut. De la Chine à l'Inde, en passant par le monde arabe ou l'Amérique latine, de nouvelles puissances cherchent à se doter de médias globaux, à diffuser leurs films et leurs musiques, à influencer l'agenda des idées, à accroître leur attractivité scientifique et universitaire.

Dans ce contexte, la promotion de nos contenus culturels et scientifiques redevient une priorité. Nous avons besoin d'une diplomatie ouverte, c'est-à-dire capable d'associer pleinement à sa démarche l'ensemble de la société française, en particulier les milieux des médias, de l'enseignement, de la recherche, de l'expertise, mais aussi ceux de l'avant-garde culturelle.

Qui a établi ce diagnostic ? À peu près tout le monde. Qui a fait quelque chose ? Pas grand monde. De commission en commission, de ministre en ministre, tous ont fini par se dérober.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Pourquoi ? Parce que, trop souvent, le conservatisme règne. Avons-nous suffisamment pris la mesure des changements qui bouleversent le monde ? Je ne le crois pas ; c'est particulièrement vrai dans le domaine de la culture.

Mesdames et messieurs les députés, les blocages qui ont trop longtemps retardé la réforme que nous proposons sont révélateurs des obstacles qui conduisent notre pays à s'enfermer dans les souvenirs et qui l'empêchent de jouer le rôle qui lui revient.

Cette réforme égratigne peut-être quelques conservatismes. Mais, grâce à elle, la France affirmera mieux ses positions à l'extérieur, pour le bien de tous, et d'abord des Français. Ce qui est en jeu dans cette réforme, ce ne sont pas seulement les intérêts, politiques et économiques, de notre pays ; ce n'est pas seulement notre « influence » – terme que l'on met toujours entre guillemets. Ce sont aussi des valeurs auxquelles sont attachés nos compatriotes. C'est la paix, car la paix se construit d'abord dans l'esprit des hommes…

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

…, par l'éducation, par la science, par la culture. Ce sont les droits de l'homme, principes inscrits au coeur même du message culturel de la France dans le monde. C'est la solidarité, car notre diplomatie culturelle et scientifique a aussi pour mission fondamentale d'aider les pays en développement à prendre la place qui leur revient dans la société mondiale de la culture et de la connaissance.

Le diagnostic est partagé. L'intérêt est partagé. Ne nous laissons pas diviser par des querelles d'appartenance ! Nous avons mieux à faire. Commençons maintenant de rénover notre politique d'influence. Tel est le sens du projet de loi qui vous est soumis.

Ce texte, voulu par le Gouvernement, a été largement inspiré par le Sénat, qui en a tracé les grandes lignes, puis par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée. Je tiens à saluer leur travail, qui ne donne au projet que plus de force et de légitimité. Je veux aussi saluer l'esprit de coopération constructive dans lequel il a été constamment mené. Je remercie en particulier votre rapporteur, Hervé Gaymard, les présidents des commissions des affaires étrangères et des affaires culturelles, Axel Poniatowski et Michèle Tabarot, ainsi que le rapporteur pour avis, M. Gilles d'Ettore.

Ce projet de loi, vous le savez, crée des opérateurs modernes et efficaces pour accroître la puissance de nos idées, de nos contenus culturels, de nos savoirs. Mais il comporte également d'autres volets : il permet de rénover le cadre juridique de l'assistance technique internationale, de prendre davantage en considération les conjoints de diplomates, de responsabiliser nos compatriotes face aux prises de risque à l'étranger.

Mais je renvoie, s'agissant de ces dispositions, au débat que nous aurons tout à l'heure, afin de me concentrer sur le coeur même du projet de loi : l'Institut français.

En effet, pour mettre en oeuvre cette diplomatie ouverte dont notre pays a besoin, le projet de loi qui vous est soumis crée un nouvel acteur, l'Institut français. Cet établissement a vocation à s'appuyer sur les quelque cent quarante établissements culturels français à l'étranger, qui lui serviront de relais et auxquels il donnera son nom. La diplomatie publique française disposera ainsi de la marque unique qui lui fait aujourd'hui défaut.

La nouvelle agence ne se contentera pas de reprendre les missions de l'association CulturesFrance – accompagner et promouvoir à l'étranger la création artistique et les industries culturelles françaises –, à laquelle elle se substitue. Je profite de l'occasion pour rendre hommage au travail accompli par CulturesFrance, et en particulier par Olivier Poivre d'Arvor.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

L'agence sera chargée de plusieurs missions nouvelles. Car la culture ne se réduit pas aux beaux-arts. La culture, c'est aussi la langue française, bien sûr, et tout ce qu'elle véhicule d'humanisme. Ce sont également les idées, y compris scientifiques.

L'agence exercera ses missions dans le respect des organismes existants, en particulier uniFrance pour le cinéma et le Centre international d'études pédagogiques pour la langue française.

Dans un premier temps, les centres culturels à l'étranger resteront administrativement rattachés aux ambassades. Mais la nouveauté est que l'agence, contrairement à CulturesFrance aujourd'hui, sera associée à la définition des orientations culturelles et au suivi des activités, ainsi qu'à la gestion des moyens financiers, humains et immobiliers du réseau.

Dans dix postes diplomatiques au moins, nous expérimenterons le rattachement direct du réseau culturel à l'agence que nous allons créer avec votre accord. C'est à partir de cette expérimentation que l'on jugera, avant trois ans et en toute connaissance de cause, de l'opportunité de rattacher à l'agence l'ensemble du réseau culturel.

En outre, alors que CulturesFrance était une association loi de 1901, la nouvelle agence aura le statut d'établissement public, ce qui l'ancrera davantage dans la sphère publique. Elle sera plus précisément, comme beaucoup de grandes institutions, un établissement public industriel et commercial. Ce statut lui donnera la souplesse de gestion dont elle a besoin pour évoluer dans un monde qui, y compris en matière culturelle, est concurrentiel. Ainsi, elle pourra faire plus facilement appel à des financements privés, gérés selon une comptabilité privée ; elle pourra également lever des fonds issus de l'Union européenne et des grandes organisations internationales.

L'Institut français oeuvrera sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes. C'est une garantie pour la cohérence de l'action extérieure de l'État. Mais le ministère de la culture sera, je vous l'assure, très étroitement associé au pilotage de cette agence, comme il l'a été d'emblée à la conduite du projet. C'est une condition absolue de la réussite, mais elle n'a guère été respectée jusqu'à présent.

La création de l'Institut français s'accompagne enfin d'une réforme d'ensemble de notre diplomatie culturelle, sans laquelle elle n'aurait pas de sens. Cette réforme est en cours ; l'effort qui la sous-tend est quadruple.

Il est d'abord budgétaire : la rallonge de 20 millions d'euros que j'ai obtenue en 2010 est pérennisée dans le cadre du triennum 2011-2013.

Ensuite, l'effort porte sur la formation. Nous avons ainsi lancé un plan de professionnalisation sans précédent. Quatre mille agents seront concernés ; parmi eux, quelque deux cents sont actuellement formés dans le cadre de ce plan. L'agence a vocation à reprendre la mission de formation de tous les personnels concourant à l'action extérieure de l'État. Les deux cents agents dont je parle sont appelés « nouveaux partants » parce qu'ils viennent d'arriver.

Mais, je le répète, l'ensemble du personnel sera concerné.

Le troisième effort porte sur la définition de priorités stratégiques. On ne peut pas tout faire, partout, de la même manière. Des documents de stratégie seront élaborés secteur par secteur avec les ministères concernés. Ils serviront de feuille de route à l'agence. Un document général indiquant nos dix grands objectifs et nos cibles géographiques sera prochainement rendu public.

Enfin, nous déploierons un effort permanent de mise en cohérence avec le réseau des alliances françaises. Les deux réseaux devront développer les actions communes, rapprocher leur label et rendre leurs cartes parfaitement complémentaires. Nous avons déjà discuté d'un logo commun et avons retenu une proposition. Une convention, la première du genre, sera signée très rapidement entre l'Institut français et les alliances françaises.

La réussite de l'agence culturelle se jouera sur la qualité des liens qu'elle saura nouer, dès le début, avec le réseau des instituts français à l'étranger. Dès avant le rattachement du réseau, et je dirai même malgré l'absence de rattachement immédiat, il faut garantir que l'agence et le réseau travaillent de manière totalement intégrée, mêlant les deux cultures, celle de la diplomatie et celle des réseaux culturels. Cela signifie que ministère de la culture et ministère des affaires étrangères devront partager leurs décisions concernant les hommes, les projets et les moyens, qu'ils soient financiers ou immobiliers, et cela partout, pas seulement dans les dix points d'expérimentation.

Bien sûr, la décision du rattachement de l'ensemble du réseau sera prise plus tard. Je veux encore laisser une chance à nos ambassadeurs de réussir cette révolution intellectuelle à laquelle ils sont prêts à procéder. Toutefois, il ne faut pas attendre pour changer les méthodes de travail. Et changer les méthodes de travail implique de faire travailler ensemble, d'une part, l'agence et le réseau, d'autre part, les ministères, en évitant de laisser le réseau seul en tête-à-tête avec les ambassades.

Ce point est essentiel et il est du ressort de la loi. Il donne sa raison d'être à l'agence. Il garantit que demain, en matière de politique culturelle extérieure, les choses ne seront plus comme avant.

J'en viens à mon deuxième thème : l'expertise et la mobilité.

L'action culturelle extérieure ne résume pas à elle seule notre politique d'influence. Nos dispositifs en matière de mobilité des étudiants, des chercheurs, des experts, manquent eux aussi d'efficacité et de cohérence. Ils ont besoin d'être réformés.

La commission des affaires étrangères de votre assemblée a souhaité distinguer l'expertise internationale de la mobilité des étudiants et des chercheurs, et traiter ces questions séparément. Elle propose de créer un opérateur spécifiquement consacré à la mobilité universitaire, nommé « CampusFrance » et de le placer sous la double tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministère des affaires étrangères. C'est une décision sage dont je me réjouis, monsieur le rapporteur. Il importe toutefois – et je crois que vous en serez d'accord – que la question de l'expertise internationale ne soit pas oubliée et qu'elle trouve elle aussi toute sa place dans le projet de loi.

À côté de l'agence culturelle et de CampusFrance, je propose donc d'inscrire dans la loi la création d'un établissement public pour l'expertise internationale qui permettra de renforcer nos capacités en la matière. Ceux, dont je suis, qui ont cherché des experts pour des missions internationales savent qu'il y a urgence. Actuellement, l'expertise internationale souffre terriblement de son émiettement face à ses concurrents. Une clause de rendez-vous incitera les pouvoirs publics à procéder d'ici à deux ans à une mise en cohérence.

Les enjeux pour notre pays sont considérables. Les besoins des sociétés en développement et en transition ainsi que la multiplication des institutions internationales ont créé une immense demande d'expertise. Sur ce marché mondial, l'offre de la France est clairement insuffisante.

Le contraste est saisissant entre l'offre publique et l'offre privée.

Notre pays dispose d'un tissu dense de bureaux d'études et d'entreprises de conseil, qui figurent au premier rang de ceux qui remportent les marchés de la Commission européenne et qui interviennent un peu partout dans le monde. Sur un total de 36 milliards d'euros de chiffre d'affaires, l'ingénierie française en réalise 10 à l'étranger.

Mais pour ce qui est des opérateurs publics, leur émiettement est une singularité en Europe et constitue un handicap par rapport aux grands pays comparables, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou encore l'Espagne. L'enjeu est également économique : le marché de l'expertise représente plusieurs milliards d'euros et des milliers d'emplois.

Avec les trois agences que seront l'Institut français, CampusFrance et l'opérateur pour l'expertise, notre dispositif sera complet.

Je voudrais cependant ajouter une précision concernant la mobilité universitaire. Nous ne pouvons pas nous satisfaire du maintien de deux guichets pour la gestion des bourses des étudiants étrangers : le CNOUS international et CampusFrance.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Si nous mettons en place un opérateur pour la mobilité étudiante, il faut le faire vraiment, ce qui implique de lui rattacher les activités internationales du CNOUS afin de disposer d'un guichet unique.

Les enjeux sont connus. La dispersion ne nous aidera pas à attirer davantage d'étudiants, et de bons étudiants, dans nos universités. Elle ne nous aidera pas à guider les étudiants désireux de venir chez nous. Qui ne voit que l'enseignement supérieur est devenu concurrentiel ? Des millions d'étudiants franchissent chaque année les frontières de leur pays pour se former à l'étranger. Et que voulons-nous proposer ? Des structures empilées héritées du passé ? Ou bien un opérateur unique, lisible, efficace ?

Mesdames et messieurs les députés, ces opérateurs que vous êtes appelés à créer devront être régis par des règles constitutives communes, lesquelles garantiront leur efficacité ainsi que l'unité de l'action de l'État à l'étranger. Ces règles sont définies dans le titre Ier de la loi qui crée une nouvelle catégorie d'opérateurs : les établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France.

Le défi que nous avons à relever est de réussir le pilotage des politiques publiques que ces opérateurs ont vocation à mettre en oeuvre.

Réussir le pilotage, cela veut dire d'abord instaurer à Paris une tutelle efficace. C'est le chantier auquel s'attelle la direction générale de la mondialisation, que j'ai créée au sein du ministère.

Cela veut dire ensuite obtenir un juste dosage entre représentativité et efficacité dans la composition du conseil d'administration des agences et dans les conseils d'orientation stratégique de ces dernières.

Cela veut dire enfin que chacun des acteurs locaux devra trouver sa place et exercer son rôle. Les relais à l'étranger de la nouvelle catégorie d'opérateurs – et c'est là leur caractéristique centrale – seront placés sous l'autorité de l'ambassadeur et feront partie intégrante des missions diplomatiques. Il reviendra donc aux ambassadeurs de coordonner la gestion des opérateurs et d'animer leur expression sur place.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

L'Agence française de développement – permettez-moi d'insister sur ce point – n'appartiendra pas, quant à elle, à la nouvelle catégorie d'opérateurs car c'est une banque – c'est d'ailleurs notre réussite à tous – et, à ce titre, il importe de préserver sa tutelle très particulière. Le débat sur l'AFD a eu lieu et vous savez quel a été mon engagement : j'ai obtenu la création d'un conseil d'orientation stratégique, que je préside, et qui a précisément pour vocation de coordonner l'action des ministères de tutelle.

Localement, l'AFD n'échappe pas non plus totalement au regard de l'ambassadeur, tout au contraire, puisque celui-ci est invité à émettre des avis sur chacun des projets, y compris les engagements par prêts. Mais nos ambassades n'ont pas vocation à accueillir une banque en leur sein.

Je le sais, l'AFD n'est pas une simple banque, c'est une banque de développement. C'est pourquoi son actionnaire principal, l'État, garde un droit de regard sur son activité. Mais n'affaiblissons pas le rôle que les ambassadeurs seront appelés à jouer auprès de l'agence culturelle, sous prétexte de vouloir englober l'AFD dans la nouvelle catégorie d'opérateurs.

Je ne reprendrai pas en détail les dispositions du titre III qui crée l'allocation au conjoint d'agent expatrié. Elle fait largement consensus. Sachez néanmoins que j'y tiens beaucoup : grâce à cette loi, une allocation sera désormais versée directement aux conjoints. C'est la première étape vers la création d'un véritable statut du conjoint que le Président de la République a appelé de ses voeux.

Pour finir, je voudrais dire un mot du titre IV. Il concerne une question qui, si elle n'est pas délicate en soi, fait l'objet d'informations erronées. Il s'agit du remboursement des frais engagés par l'État à l'occasion des opérations de secours à l'étranger. Vous savez que j'ai créé au sein de ce somptueux ministère un centre de crise où cinquante personnes travaillent jour et nuit. Je sais ce dont je parle : personne n'a été négligé et personne ne le sera. Nous ne limitons pas nos engagements, ni en termes humains ni en termes financiers, et nous continuerons ainsi.

Nos compatriotes sont attachés au secours apporté par l'État. Dans la communauté des nations, seule la France mène une politique de ce type. À l'autre extrémité de la planète, souvent dans des conditions périlleuses, nous intervenons toujours pour que soient libérés nos compatriotes. Pourtant il n'existe, en droit international comme en droit français, aucune obligation de secours de l'État envers ses ressortissants à l'étranger en dehors de l'assistance consulaire prévue par la convention de Vienne, d'une portée bien évidemment très limitée.

Forts de cette confiance, nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à s'exposer à un danger immédiat, dans des pays notoirement dangereux et déconseillés, notamment dans la fameuse rubrique « Conseils aux voyageurs » du site Internet du ministère des affaires étrangères.

Que se passe-t-il alors ? Les services de l'État peuvent avoir à supporter des dépenses s'élevant à plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d'euros.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Les professionnels du tourisme, des transports et de l'assurance sont eux aussi tentés de s'en remettre à l'État pour le rapatriement de leurs clients, même lorsque la situation de force majeure n'est pas véritablement constituée. Récemment, la crise de Bangkok ou l'éruption volcanique en Islande ont provoqué une considérable mobilisation du centre de crise des affaires extérieures et du Gouvernement dans son entier.

Avec ce projet de loi, l'État aura les moyens d'exiger des personnes qui se seront mises en danger délibérément – « sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d'une situation d'urgence » – le remboursement de tout ou partie des frais directs ou indirects induits par des opérations de secours à l'étranger.

L'État aura, d'autre part, les moyens d'exercer une action récursoire à l'égard des opérateurs défaillants – transporteurs, voyagistes ou compagnies d'assurance –, qui n'auront pu fournir la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus et qui ne seront pas en mesure de mettre en évidence un cas de force majeure.

Entendons-nous bien, l'objet de cette mesure n'est pas de limiter la liberté de voyager ou d'exercer une profession, mais d'inciter les voyageurs à mieux mesurer les prises de risques inutiles.

La formulation retenue est volontairement générale car considérée comme plus protectrice que l'énumération démagogique de telles ou telles catégories.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Si on précise les catégories, on en oublie toujours et on limite donc l'action.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Pas du tout ! En ne précisant pas les catégories, vous en visez moins.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Non ! Nous en avons débattu au Sénat, au sein des commissions et avec les juristes : la formule retenue à l'article 13 est beaucoup plus protectrice : « L'État peut exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu'il a engagées ou dont il serait redevable à l'égard de tiers à l'occasion d'opérations de secours à l'étranger au bénéfice de personnes s'étant délibérément exposées, sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d'une situation d'urgence, à des risques qu'elles ne pouvaient ignorer. »

Pouvez-vous imaginer que je ne sache pas que les journalistes doivent prendre des risques et que les humanitaires en prennent en permanence ? Ceux-là sont exclus. Mais je maintiens qu'il serait illusoire de prétendre dresser une liste exhaustive.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Nous en oublierions toujours. Par exemple, un journaliste qui, dans une équipe, n'aurait pas sa carte de presse, ne serait pas journaliste ? Voyons !

Je ne vise ici, je vous l'affirme, ni les journalistes ni les humanitaires, ni les humanitaires ni les journalistes : c'est tout à fait clair et cela a été confirmé par tous les juristes.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

La demande de remboursement demeure une simple faculté et non une obligation.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Elle ne pourra s'appliquer qu'en l'absence d'un motif légitime : je tiens à cette réserve qui vise à préserver par exemple le cas des journalistes intervenant en zone de crise au nom de la liberté d'information et, bien sûr, celui des volontaires humanitaires.

La formulation globale retenue est donc bien plus protectrice, je le répète, qu'une énumération démagogique – on oublie toujours quelqu'un ou il y a toujours quelqu'un qui ne correspond pas à la liste, et à qui on ne pourrait alors légitimement porter secours ?... De toute façon, on porte secours dans tous les cas, nous n'avons jamais barguigné là-dessus.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi porte une marque. Vous l'aurez reconnue, c'est la marque d'une diplomatie ouverte, capable de fédérer, d'organiser, d'amplifier les initiatives des sociétés civiles. C'est la marque d'une diplomatie prête à se réinventer elle-même pour rester fidèle à l'exigence qui la fait vivre. C'est la marque d'un État qui sait se réformer et qui se modernise, pour donner à la France les moyens de donner le meilleur.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Quelle bonne idée ! (Sourires.)

Pour toutes ces raisons, mesdames et messieurs les députés, je vous invite à voter ce projet de loi… anonyme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Hervé Gaymard, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Il faut vous remercier, monsieur le ministre, de nous donner l'occasion, à la faveur de l'examen de ce texte, de considérer trois politiques publiques majeures relevant de l'action extérieure de l'État : la politique de la culture et de la langue ; la politique de l'expertise et de la coopération internationale ; la politique d'attractivité de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Il faut vous féliciter de votre opiniâtreté à voir aboutir ce texte, notamment pour ce qui concerne la politique culturelle extérieure, car la question de son organisation et de son déploiement, qui se pose de longue date, a toujours été oblitérée par des priorités jugées plus urgentes.

Il faut saluer enfin votre disponibilité, ainsi que votre capacité d'écoute et votre souci de prendre en compte les suggestions du Parlement. Permettez-moi néanmoins de déplorer – mais vous n'y êtes pour rien – que l'urgence ait été déclarée pour un texte aussi important, car cela nous prive d'une seconde lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

L'empreinte culturelle extérieure d'un pays résulte de trois facteurs : le rayonnement intrinsèque de ses créateurs dont la combinaison des inspirations et des talents forme une culture globale ; les moyens budgétaires ; l'organisation de ses outils d'intervention.

On ne traitera pas ici de la question du « déclin » de la culture française dans un monde globalisé, débat récurrent, qui toucherait tout autant nos grands classiques que les penseurs enrôlés, d'ailleurs à leur corps défendant, dans la french theory, et qui concernerait tout autant les formes traditionnelles que plus contemporaines d'expression culturelle. Marc Fumaroli, Julia Kristeva, Antoine Compagnon, Bernard Faivre d'Arcier, Frédéric Martel nous ont apporté des éclairages passionnants, complémentaires et contradictoires. Retenons seulement que le rayonnement d'une culture connaît des « moments » de grâce, fruits du hasard, de l'empathie avec l'époque, de la synergie, parfois, avec le succès des armes, de la diplomatie ou de l'économie. Regrettons seulement, sans se mêler au coeur des pleureuses, que nous ne vivons pas le meilleur moment de notre rayonnement culturel à quelques exceptions près.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Ayons l'humilité enfin de reconnaître que ce n'est pas du haut de cette tribune, que l'on soit ministre ou parlementaire, qu'une déclaration définitive ou qu'un divin décret changera quoi que ce soit à la puissance créatrice de nos contemporains, qui reste un merveilleux mystère.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Il est cependant deux domaines dans lesquels nous pouvons agir.

Les moyens budgétaires, tout d'abord. Chacun sait que, depuis trop longtemps, ils sont en constante diminution, même s'il faut vous savoir gré, monsieur le ministre, d'avoir récemment stoppé cette évolution. Sur ce sujet comme sur d'autres, nous sommes pris entre des exigences contradictoires qui peuvent confiner à la schizophrénie : il faut, d'une part, lutter contre les déficits générateurs d'une dette mortifère ; d'autre part, maintenir un engagement public significatif, qui pourrait d'ailleurs être souvent plus efficient.

L'organisation de nos outils d'influence, ensuite. C'est l'objet principal du projet de loi que vous nous soumettez. Et nous vous soutenons sans états d'âme, monsieur le ministre, dans votre intuition.

Oui, il fallait prendre cette initiative et ne pas laisser perdurer l'émiettement actuel qui nuit à l'efficacité.

Oui, il fallait créer cet Institut français, qui fédère et démultiplie.

Oui, il fallait construire ce partenariat avec les alliances françaises, sans prétendre vouloir les intégrer, compte tenu de la singularité de leur statut.

Oui, il fallait cette approche progressive et expérimentale, plutôt qu'une fusion hâtive et mal conduite. Mais nous avons souhaité, par notre vote en commission, qu'une expérimentation soit conduite dans une dizaine de pays, avec une clause de rendez-vous précise, afin de ne pas rester sur un horizon incertain et glissant.

Monsieur le ministre, autant nous apprécions globalement votre projet en ce qu'il concerne l'action culturelle extérieure, autant nous étions réservés, vous le savez, vis-à-vis de votre proposition initiale de créer une Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales, pour deux raisons : d'une part, parce qu'il n'est pas de bonne politique de mêler, dans le même établissement public, deux politiques publiques, l'expertise et l'attractivité universitaire, dont les liens ne sont certes pas inexistants mais sont ténus ; d'autre part, parce que, s'agissant de l'attractivité universitaire, ce qui nous est proposé est en retrait par rapport aux missions actuelles du GIP CampusFrance, faute d'associer le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et la section internationale du CNOUS.

Lors de son examen en commission, cette partie du projet de loi a donc été réaménagée, pour lui assurer davantage de cohérence et d'efficacité.

Nous proposons, à la place de l'AFEMI, de créer un établissement public dont la dénomination serait « CampusFrance » et dont la mission serait de mettre en oeuvre la politique d'attractivité universitaire de la France : prospection, transport, accueil, hébergement, suivi. Cet établissement intégrerait à terme, outre l'association Égide, la section internationale du CNOUS, et serait donc sous les tutelles conjointes des ministères des affaires étrangères et de l'enseignement supérieur. Cette solution nous semble préférable à la cote mal taillée qui nous était proposée, fruit sans doute de subtils arbitrages interministériels.

Cela étant, il faut avoir une grande ambition pour la politique d'expertise internationale, comme le préconise à juste titre M. Nicolas Tenzer dans son rapport. Il faut donc que le GIP France Coopération Internationale soit transformé en EPIC, et que le Gouvernement impulse une politique ambitieuse en ce domaine. Faute de pouvoir, compte tenu des règles de recevabilité financière, proposer nous-mêmes cette transformation, nous serons ouverts, monsieur le ministre, aux propositions que vous pourriez faire en ce sens, comme vous venez de nous l'annoncer.

Nous serons vigilants pour que ces nouveaux opérateurs n'évincent pas les opérateurs privés, qui jouent un rôle très important. Ils doivent les fédérer, leur donner leur chance et ne pas leur faire subir des effets de distorsion de concurrence qui ne seraient pas acceptables.

Permettez-moi avant de conclure, monsieur le ministre, de dire un mot d'une disposition de ce projet qui n'a pas suscité beaucoup de débat – c'est sans doute bon signe – mais qui montre le grand souci que vous avez de la situation personnelle des agents de votre ministère. Je veux parler de cette avancée réelle, concrète, que constitue l'allocation au conjoint d'agent expatrié.

Ce n'est certes pas encore tout à fait le statut du conjoint tant attendu, et par ailleurs la loi de finances devra compléter ce dispositif. Mais c'est aussi par des gestes comme celui-là que pourra se maintenir l'universalité de notre réseau diplomatique, consulaire et culturel dans le monde. Ce réseau, ce sont des hommes et des femmes qui le font exister au quotidien. Merci pour eux.

Je voudrais enfin, comme vous-même, évoquer la disposition de votre projet de loi qui concerne les opérations de secours à l'étranger. Vous savez qu'elle suscite des inquiétudes chez les journalistes, inquiétudes dont je me fais l'écho. Vous nous aviez pleinement rassurés en commission, et vos propos à l'instant ont été également très clairs. Mais un paragraphe de l'étude d'impact de juillet 2009 focalise les inquiétudes :

« S'agissant des professionnels, la demande de remboursement de tout ou partie des frais de secours engagés ne pourra s'appliquer que lorsque le professionnel ne dispose pas d'un motif légitime l'ayant conduit à se placer dans la situation dangereuse ayant motivé l'intervention. Cette réserve est susceptible par exemple de réserver –—“ réserve ”, “ réserver ”, ce n'est pas très clair – le cas des journalistes intervenant en zone de crise au nom de la liberté d'information. »

Cet alinéa est très mal rédigé et surtout n'est surtout pas clair juridiquement. Je pense, monsieur le ministre, que, dans la suite de notre discussion, au-delà de ce que vous nous avez dit et dont nous vous créditons, il faudrait que les choses soient précisées et que, peut-être, l'étude d'impact soit explicitement évacuée du corpus juridique de cette loi.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Une loi, c'est la loi, et les débats en séance sont ce que les juristes appellent l'intention du législateur. Le statut juridique des études d'impact est, lui, moins clair – une étude d'impact n'est pas l'intention du législateur. Au minimum faudrait-il que cette étude d'impact soit délibérément éliminée. Cela clarifierait la situation et je suis sûr que, sous cette réserve, les polémiques inutiles entre responsables politiques de bonne volonté et de bonne foi cesseraient.

Voilà, monsieur le ministre, les quelques réflexions que je souhaitais vous livrer en vous remerciant de nous avoir permis de nous exprimer sur la politique extérieure de la France, politique dont nous mesurons tous l'importance. Gouvernement et Parlement ont réalisé un bon travail législatif que nous allons poursuivre, après la discussion générale, en examinant les amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Gilles d'Ettore, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles d'Ettore

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État, dont la commission des affaires culturelles et de l'éducation s'est saisie pour avis est, à l'évidence, important et nécessaire. La réforme qu'il prévoit vise en effet à mettre fin au morcellement de notre représentation culturelle à l'étranger et à améliorer la cohérence de notre diplomatie d'influence.

En outre, les domaines concernés par le texte – la promotion et la diffusion de notre langue, de notre culture et de nos savoirs, l'accueil des étudiants et des chercheurs étrangers, l'expertise technique internationale –, représentent pour notre pays des enjeux considérables dans un univers de plus en plus mondialisé.

À mon tour, je souhaite vous remercier, monsieur le ministre, pour votre sens de l'écoute ; je remercie également notre rapporteur, Hervé Gaymard, pour le travail considérable qu'il a fourni et qui a permis d'aboutir à ce beau texte de coproduction législative.

Les dispositions qui ont plus particulièrement retenu l'attention de notre commission sont naturellement celles qui ont trait à la création de deux agences constituées sous forme d'établissement public à caractère industriel et commercial.

En ce qui concerne l'agence culturelle – débaptisée puis rebaptisée Institut français –, je ne m'attarderai pas sur sa dénomination qui a suscité de longs débats en commission, mais j'évoquerai trois aspects : ses missions, sa gouvernance et le rattachement du réseau culturel.

L'Institut français reprendra les missions de CulturesFrance sans empiéter sur celles des organismes intervenant dans des domaines spécifiques, tels uniFrance dans le domaine du cinéma ; il est utile de préciser ce point compte tenu des craintes exprimées ici ou là. L'établissement public sera également doté de nouvelles missions, dont une, qui concerne la formation des personnels, me semble primordiale parce qu'elle conditionne leur professionnalisation. L'effort financier consenti à cette occasion par le Gouvernement – en particulier par votre ministère –, mérite d'être salué.

En matière de gouvernance, la tutelle unique, confiée au ministère des affaires étrangères et européennes, doit aller de pair avec la mise en oeuvre, notamment au sein du conseil d'administration, d'une collaboration étroite avec les autres ministères, en particulier celui de la culture. J'insisterai également sur le rôle du président de l'agence, décisif pour faire exister le nouvel établissement.

Quant au rattachement à l'agence du réseau des 143 centres culturels, la méthode proposée, affinée en commission au Sénat et à l'Assemblée nationale, me paraît pertinente parce qu'elle est progressive. Elle consiste à installer l'agence au niveau national et à créer un label identifiable au niveau mondial, à fixer une clause de rendez-vous et à procéder, dans l'intervalle, à des expérimentations réversibles dans un petit nombre de pays cibles.

En revanche, la mise en place d'une agence unique pour la mobilité et l'expertise internationale qui figurait dans le projet de loi initial a suscité davantage de scepticisme de notre part, puisqu'elle revenait à confier à un même établissement la gestion de deux politiques publiques, essentielles mais distinctes.

La commission des affaires étrangères a choisi à juste titre de recentrer le futur opérateur sur l'attractivité de l'enseignement supérieur français en l'excluant de l'EPIC France coopération international, chargé de l'expertise, et en fusionnant les seuls Égide et CampusFrance, sous la marque Campus France que nous conservons.

Compte tenu de la forte implication du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche dans ces questions, nos deux commissions ont souhaité que ce ministère partage avec le ministère des affaires étrangères et européennes la tutelle du nouvel établissement. Elles ont également souhaité que la Conférence des chefs d'établissement de l'enseignement supérieur soit représentée au conseil d'orientation placé auprès de l'opérateur, en raison du rôle essentiel que jouent les universités en matière d'accueil et de mobilité des étudiants et des chercheurs, à côté des collectivités locales.

La création de l'agence Campus France appelle deux remarques supplémentaires.

En premier lieu, la configuration de l'opérateur remet à l'ordre du jour la question des bourses destinées aux étudiants étrangers, dont la gestion demeure éclatée entre Égide et le CNOUS international. Il semblerait cohérent que cette gestion soit unifiée au sein de l'agence, une fois évaluées les modalités et les conséquences de cette démarche, ainsi que le prévoit la nouvelle rédaction de l'article 5 ter adoptée par la commission des affaires étrangères.

En outre, l'expertise internationale, désormais exclue du champ de compétence de l'agence Campus France, doit cependant faire l'objet d'une véritable politique publique – et si nous avons retenu le nom « France expertise », monsieur le ministre, je m'en réjouis. Je pense qu'il importe de mettre fin à la dispersion des opérateurs et de permettre à notre pays de prendre toute sa place dans un secteur qui constitue un marché immense et recèle, en termes d'influence, un potentiel très élevé. C'est pourquoi je soutiendrai l'amendement n° 9 de notre collègue Hervé Gaymard. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Les rapporteurs et vous-même, monsieur le ministre, avez largement présenté le contenu du projet de loi et les améliorations que la commission des affaires étrangères a souhaité y apporter.

J'articulerai mon intervention autour de quatre points qui appellent, le cas échéant, quelques prolongements. Ces quatre points concernent l'économie générale du texte, le rôle des opérateurs privés dans la promotion de l'influence française à l'étranger, l'attractivité de l'enseignement supérieur français et l'expertise technique internationale.

Ce projet de loi, dont nous discutons depuis près d'un an, devait à l'origine répondre à une grande ambition : la création d'une grande agence culturelle à laquelle serait rattaché l'ensemble du réseau culturel français à l'étranger. La dimension aujourd'hui retenue est plus modeste.

J'exprimerai ici un regret : nous savons, monsieur le ministre, que vous auriez souhaité aller d'emblée plus loin dans la réforme. Nous l'avons souhaité avec vous et nous le souhaitons encore. La sagesse nous amène à procéder par étapes sans prévoir dès à présent le basculement de l'ensemble du réseau sous l'autorité de l'agence culturelle.

Je salue néanmoins ce premier pas, ce premier jalon de la réforme, même si l'objectif final demeure. C'est pour cette raison que la commission des affaires étrangères a particulièrement insisté, comme elle en a la faculté, sur la notion d'expérimentation détaillée à l'article 6 ter du texte. Que, dans dix ambassades représentatives de la diversité du réseau, on expérimente pendant trois ans le rattachement à l'agence culturelle, voilà qui indique clairement le but à atteindre. Il reviendra à M. Xavier Darcos de mettre en oeuvre cette expérimentation, en lien étroit avec le Département et les postes diplomatiques. Je suis persuadé qu'ainsi chacun mesurera le bien-fondé de la réforme ; les commissions des affaires étrangères de l'Assemblée et du Sénat pourront s'en rendre compte périodiquement.

Le deuxième point concerne le rôle des opérateurs privés dans la promotion de l'influence française à l'étranger. En effet, le projet est centré sur les établissements publics concourant à l'action extérieure de la France, et en particulier sur les deux EPIC qu'il crée. Or nous savons tous qu'il existe de très nombreux opérateurs qui, sans avoir de statut public et sans recevoir une quelconque subvention, oeuvrent à l'influence de la France, par exemple dans le domaine de la promotion de l'enseignement supérieur, mais cela vaut aussi pour l'expertise technique internationale.

Nous savons également – et c'est très regrettable –, que ces opérateurs privés, parfois simplement associatifs, se sont vu, pour certains, refuser le soutien de nos postes à l'étranger, sans motif légitime. Non seulement cela ne doit plus se produire, mais le contexte nouveau de l'apparition d'un EPIC Campus France doit nous inciter à redoubler de vigilance sur ce point : en aucun cas l'EPIC ou ses relais à l'étranger ne sauraient être placés en position de monopole pour bénéficier de l'appui des ambassades. J'espère que les dirigeants de l'EPIC, votre collègue chargée de l'enseignement supérieur et vous-même, monsieur le ministre, y veillerez.

S'agissant, en troisième lieu, de l'attractivité de l'enseignement supérieur français, le texte issu des travaux de la commission des affaires étrangères crée les conditions d'un renforcement de cette politique, sous la houlette d'un EPIC Campus France. En appelant l'attention sur le recul de l'influence française dans ses zones de présence historique, je voudrais souligner que cette nouvelle agence Campus France devra, au nombre de ses missions prioritaires, se fixer l'objectif de redresser cette situation préoccupante de déclin, en déterminant sans tarder des priorités géographiques.

Je conclurai mon propos en évoquant l'expertise internationale. Hervé Gaymard l'a clairement indiqué : il s'agit d'un sujet majeur pour l'influence française dans le monde d'aujourd'hui. La commission des affaires étrangères en est évidemment consciente ; il serait par conséquent erroné de croire qu'en retirant le GIP France coopération internationale du projet de loi, elle a voulu minimiser la place de l'expertise en général. Si elle a adopté cette position, c'est simplement parce qu'il lui semblait que le projet de loi apportait, tel qu'il était construit, une réponse insuffisante à un vrai problème. En diluant le champ de l'expertise technique internationale dans un ensemble plus vaste, qui comprenait également la mobilité étudiante, le texte risquait fort de manquer sa cible.

Cela étant, le sujet reste plus que jamais d'actualité. Je sais, monsieur le ministre – et vous venez de le confirmer –, que vous n'avez pas l'intention de l'abandonner. Je vous en sais gré et vous bénéficierez du soutien actif de la commission des affaires étrangères pour oeuvrer à la rationalisation du dispositif français de l'expertise internationale, trop éparpillé à l'heure actuelle. Sur ce point encore, le projet aura permis d'ouvrir et de nourrir le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Rochebloine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il y a huit mois, presque jour pour jour, nous débattions ici même des moyens consacrés à notre diplomatie culturelle et, plus largement, à notre diplomatie d'influence. Nous examinions en effet les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010. Nous nous retrouvons aujourd'hui pour parler à nouveau de diplomatie d'influence et d'action extérieure de l'État, à l'occasion de l'examen, cette fois, d'un projet de loi qui traite, entre autres, de ce thème.

Cette occasion est assez rare, monsieur le ministre, pour être saluée. Elle est assez rare pour ne pas être gâchée. Je dis cela pour que nous ne perdions pas plus de temps qu'il n'en faut, au cours du présent débat, à évoquer, par exemple, le nom de l'agence culturelle créée par le texte. Pour ma part, au nom du groupe Nouveau Centre, je m'attacherai à l'essentiel.

Il y a huit mois, en présentant mon avis budgétaire, vous vous en souvenez peut-être, j'avais conclu mon propos par quelques mots sur un projet de loi qui n'avait pas encore été examiné par le Sénat. J'avais alors insisté sur ce qu'il ne contenait pas, en déplorant que, contraint et forcé, vous repoussiez à l'horizon de trois ans l'éventuel rattachement à l'agence du réseau culturel français à l'étranger. J'avais alors cité une fable de La Fontaine où il est question de montagne et de souris. Je pourrais aujourd'hui évoquer le Tour de France.

J'avais cependant pris soin de dire que je connaissais votre volonté personnelle d'aller plus loin et que j'espérais, à ma modeste place, vous apporter tout le soutien nécessaire. C'est pourquoi je me réjouis que, sur ce point, la commission des affaires étrangères, grâce à l'excellent travail de son rapporteur Hervé Gaymard, soit parvenue à inscrire dans le texte non seulement le principe d'une expérimentation du rattachement du réseau à l'agence, mais au-delà, l'ensemble des éléments requis pour que cette expérimentation soit conforme aux prescriptions de l'article 37-1 de la Constitution. Sont en outre mentionnées les modalités de l'expérimentation, avec un souci de sécurité juridique qui, je le crois, honore le travail parlementaire.

Entre le dernier débat budgétaire et notre séance d'aujourd'hui, la mission d'information de la commission des affaires étrangères sur le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture – mission que j'ai eu l'honneur de présider – a adopté un rapport d'étape et un rapport final, non sans vous avoir rencontré au préalable, monsieur le ministre. Nous avons pu, à cette occasion, échanger sur le projet de loi.

Permettez-moi de rappeler brièvement les principales conclusions et recommandations de la mission à propos du réseau culturel et de notre diplomatie d'influence, et la traduction que j'ai essayé de leur donner dans le texte du projet, lorsque celui-ci s'y prêtait.

La mission a tout d'abord préconisé de lever sans délai les obstacles juridiques à la généralisation, qui est en cours, du modèle de l'unique établissement à autonomie financière par pays, destiné à regrouper en une seule structure juridique l'ensemble des centres et instituts culturels qui y sont installés.

De façon préalable à toute réforme supplémentaire, la mission a appelé à la définition d'une stratégie pour l'action culturelle, précisant à la fois les buts à atteindre, les moyens humains et matériels pour le faire et les responsabilités de chacun dans le pilotage et la mise en oeuvre. Ce sera, espérons-le, le rôle que jouera le conseil d'orientation de l'agence culturelle, une fois votée la loi que nous examinons aujourd'hui. C'est par la volonté du Parlement que cette mention particulière a été inscrite dans le projet de loi ; il faudra donc veiller à ce que la définition d'une stratégie ne reste pas un voeu pieux ou un slogan.

Une fois établie la stratégie de l'action culturelle extérieure, la mission a recommandé d'engager, pour la mettre en oeuvre à l'échelon local, une fusion des réseaux des centres et instituts culturels – regroupés en un seul EAF –, d'une part, et des alliances françaises, d'autre part, sous le label des Alliances. C'est là, monsieur le ministre, une proposition phare de la mission, et elle n'est d'ailleurs pas passée inaperçue dans le réseau, ni parmi les syndicats du ministère. J'ai également noté que vous-même et le président de la Fondation Alliance française n'aviez jamais plaidé aussi ostensiblement que ces dernières semaines pour un rapprochement entre les deux réseaux.

Pour la mission que j'ai présidée, ce rapprochement ne doit pas se faire pour solde de tout compte. C'est bien plutôt un encouragement à aller plus loin. C'est pourquoi j'ai déposé en commission, et de nouveau en séance, un amendement proposant une expérimentation sur ce point.

À ce stade, je voudrais préciser les choses afin que cette proposition ne soit pas mal comprise ni balayée d'un revers de main comme si elle était juridiquement impossible.

Il ne s'agit pas de licencier du personnel et de rechercher d'abord et avant tout des économies budgétaires. Il ne s'agit pas non plus de supprimer tout un réseau pour le faire absorber « en bloc » par un autre.

Il s'agit de reconnaître la valeur inestimable des alliances françaises, de leur marque et de leur modèle de fonctionnement associatif local, en partenariat étroit avec les pouvoirs publics français. Il s'agit de chercher à généraliser, partout où cela est pertinent, la constitution d'un relais d'influence de la France, de sa langue et de sa culture, qui fonctionnerait sous la marque inégalable d' « Alliance française », avec un conseil d'administration présidé par une personnalité locale, et avec l'appui de personnels français, y compris en position de détachement ou de mise à disposition. Cet établissement financièrement autonome donnerait des cours de langue et organiserait des manifestations culturelles tout à la fois.

Ne me dites pas que cela n'est pas possible – mais je vois que vous opinez du chef, monsieur le ministre, et cela me rassure –,…

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

J'opine, mais je n'approuve pas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

…car au moins un exemple de cette fusion existe, et je peux en témoigner, comme d'ailleurs notre collègue Didier Mathus, membre de la mission. Il s'agit de celui, très brillant, de l'Alliance française de Buenos Aires, dont je souhaiterais que l'on s'inspire partout où cela est possible.

Enfin, je vous le dis d'ores et déjà, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, il est faux de prétendre que mon amendement n'est pas acceptable pour des raisons de droit ou de statut. Je propose une expérimentation au sens de l'article 37-1 de la Constitution : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. » Par conséquent, je ne vois aucun obstacle à l'adoption de cet amendement.

Parmi les autres préconisations de la mission d'information sur le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture, figurait encore celle demandant de mieux former les agents du réseau culturel, en formation initiale et en formation continue. Nous avons noté avec grand intérêt l'accent que vous avez mis vous-même sur cette question, monsieur le ministre, avec un déploiement de moyens qu'il faut saluer, en espérant – et je souligne ce mot trois fois – qu'ils perdurent effectivement.

Nous en reparlerons probablement lors du prochain débat budgétaire, et je rappellerai à cette occasion que la mission d'information a elle aussi plaidé pour que soit marqué un coup d'arrêt à la constante et alarmante diminution des moyens d'intervention du réseau culturel, qu'a d'ailleurs rappelée notre rapporteur, Hervé Gaymard.

Enfin, la mission n'a pas pu, autant qu'elle l'aurait voulu, traiter de l'outil audiovisuel et de sa place, évidemment essentielle, dans la diplomatie d'influence au sein du monde actuel. Mais elle n'en est pas moins convaincue que l'audiovisuel extérieur doit, d'une façon ou d'une autre, être inclus dans la loi que nous élaborons aujourd'hui.

C'est la raison pour laquelle plusieurs des membres de la mission ont souhaité amender le texte en ce sens, et je me réjouis que la commission des affaires étrangères nous ait suivis sur ce point. L'ajout est modeste, certes. Il concerne le rôle et la composition du conseil d'orientation de l'agence culturelle. Mais au moins le message est-il clair. J'espère que le ministère et l'agence, sous la houlette de Xavier Darcos, sauront l'entendre !

J'ai salué tout à l'heure l'expérimentation du rattachement du réseau culturel. J'estime que le rapporteur mérite un deuxième coup de chapeau, si je puis m'exprimer ainsi, pour la modification substantielle du périmètre de la deuxième agence créée par le projet de loi. Le texte initial, inchangé sur ce point au Sénat, mêlait les problématiques, fort différentes, de la promotion de l'enseignement supérieur français, d'une part, et de la projection de l'expertise française sur la scène internationale, d'autre part. Le rapporteur Hervé Gaymard a eu le courage de dire que l'attelage n'était pas cohérent, et la commission des affaires étrangères a eu la lucidité de le suivre.

Continuons donc de réfléchir à une meilleure projection internationale des experts français, mais concentrons l'opérateur, désormais dénommé Campus France, sur les étudiants et sur l'attractivité de la France à leur égard.

Pour aller plus loin sur ce thème, j'ai déposé, avec des membres de la mission d'information que je présidais, notamment avec Martine Aurillac et Robert Lecou, un amendement que la commission a incorporé dans le texte que nous examinons, à l'article 5 ter. Il s'agit d'aller, plus nettement encore que le Sénat ne l'avait souhaité, dans le sens d'un renforcement de ce nouvel opérateur dans le domaine de l'accueil en France des étudiants étrangers, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même rappelé, monsieur le ministre.

Le CNOUS et son réseau territorial sont aujourd'hui associés à cette politique dans le cadre du GIP CampusFrance. Demain, il devra en être de même lorsque l'EPIC Campus France sera opérationnel.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en définitive, parmi les amendements que j'avais déposés avec d'autres membres de la mission, trois ont été adoptés ou satisfaits, et un ne l'a pas été, celui proposant une expérimentation qui associe les alliances françaises.

J'espère bien sûr qu'en séance cet amendement sera adopté mais, au-delà, permettez-moi, en conclusion, de replacer ce texte, qui n'est qu'un premier pas, dans un contexte plus vaste et plus ambitieux, celui de notre diplomatie d'influence au sens le plus large.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Qu'est-ce que la présence culturelle française dans la mondialisation ? S'agit-il d'abord d'implantations ou bien de contenus, de messages, d'idées, de valeurs ? Faut-il repérer, attirer, former des individus, ou faut-il préférer toucher les masses ?

A-t-on bien mesuré qu'il s'agit aujourd'hui de dépasser, dans le débat sur la définition et le sens de l'action culturelle de la France à l'étranger, l'opposition caricaturale entre « culture au service de la diplomatie » et « diplomatie au service de la culture » – via le soutien aux artistes français à l'international ?

Par ailleurs, la langue française est-elle la base de tout ? L'action culturelle en est-elle dissociable, et si oui, faut-il néanmoins mener de front les deux missions ? Où, dans le monde, s'agit-il de faire porter l'effort en priorité ? L'universalité est-elle une donnée incontournable ? Faut-il privilégier les grands pays émergents au sein desquels la voix de la France porte peu ? Quel traitement réserver aux zones d'influence historique ?

Enfin, faut-il plutôt mettre en priorité l'avant-garde et la création – mais gare au parisianisme – ou privilégier les valeurs sûres et la tradition – mais gare aux clichés ?

Ces questions redoutables, la mission d'information sur le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture a tenté d'y apporter quelques éléments de réponse.

Ces questions ambitieuses, l'agence culturelle et ses dirigeants devront les aborder, une fois dépassée la petite agitation concernant le nom de l'EPIC ou la composition exacte de son conseil d'administration.

Je souhaite bon courage à M. Xavier Darcos et à ses équipes pour y répondre et pour disposer de moyens qui soient à la mesure de l'enjeu.

C'est en ne perdant pas de vue cette perspective ambitieuse que le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce projet de loi.

Pour conclure, vous me permettrez, monsieur le ministre, de regretter que nous soyons aussi peu nombreux pour débattre d'un texte aussi important, comme cela avait d'ailleurs été le cas lors du débat qui précédait le Conseil européen, alors que nous sommes tous pour l'Europe. Voir une assistance aussi peu nombreuse, c'est quand même un peu regrettable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

La qualité supplée la quantité !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

« Le monde a un immense besoin de français, le monde a un immense besoin de France » : c'est en ces termes qu'il y a quelques jours, le 24 juin dernier, s'exprimait le président Abdou Diouf lors du colloque organisé à l'Assemblée nationale par le président Bernard Accoyer. C'est dire, monsieur le ministre, que le projet que vous nous présentez aujourd'hui vient à propos pour répondre à cet appel, avec un objectif : promouvoir le rayonnement de la France et nos valeurs, renforcer l'influence et la visibilité de nos réseaux à l'étranger – ils en ont besoin, et la Cour des comptes s'en était d'ailleurs émue –, tout en tentant de les simplifier, de les réorganiser et de mutualiser nos moyens. Il s'agit d'adapter les structures et le mode de fonctionnement, de créer une sorte de cadre en amont, une architecture ambitieuse, pour permettre ensuite de rénover l'action extérieure de l'État, processus qui – pourquoi le cacher ? -– avait suscité chez quelques-uns d'entre nous une certaine perplexité.

Nos rapporteurs, et notamment Hervé Gaymard, au terme d'un travail important, précis et particulièrement utile, nous ont présenté l'économie générale de ce projet, de retour du Sénat, en l'ayant d'ailleurs assez largement remanié. Je n'y reviendrai donc que très brièvement.

L'établissement public à caractère industriel et commercial devient le statut de base des établissements visés par la loi. C'est une forme juridique en effet appropriée. Deux grands volets se partagent le texte : d'une part, le réseau culturel donnera naissance à l'Institut français succédant à CulturesFrance ; d'autre part, notre commission, à la demande du rapporteur, a dissocié la « mobilité » proprement dite, part importante de l'attractivité de notre pays, des opérateurs appartenant au champ de l'expertise internationale, qui ont besoin de coordination. Et votre souhait, exprimé tout à l'heure, monsieur le ministre, y répondra.

L'allocation au conjoint d'agent expatrié et le remboursement des frais de secours engagés par l'État à l'étranger ne posent pas de difficultés majeures. Vous nous avez d'ailleurs rassurés sur ce dernier point.

S'agissant de la mobilité internationale et de la promotion de l'enseignement du français, elles seraient regroupées au sein de Campus France – et pourquoi, effectivement, ne pas y inclure le CNOUS ? –, sans porter atteinte, bien sûr, aux organismes privés, qui font souvent du bon travail.

S'agissant de l'Institut français, nous avons souscrit au principe de l'expérimentation, qui permet de prendre du recul et de fournir ainsi une évaluation pertinente à partir de l'expérience de quelques pays, une dizaine, sur trois ans. Il est vrai que, compte tenu de l'extrême diversité des pays concernés, le transfert de plusieurs milliers de personnels exige adhésion, formation, donc financement – vous y pourvoyez, monsieur le ministre –, et adaptation des statuts. Un logo commun avec les alliances françaises, autonomes, permettra aussi une meilleure visibilité.

Voilà donc l'essentiel de l'architecture. Des amendements supplémentaires seront d'ailleurs apportés.

Qu'il me soit maintenant permis de rappeler un certain nombre d'observations.

La première est de souligner le rôle irremplaçable de l'ambassadeur, qui est le meilleur relais des établissements à l'étranger, le meilleur support s'il sait s'investir dans cette mission, et le meilleur coordinateur et animateur de la coopération, mais qui ne peut, bien sûr, être responsable de l'AFD, laquelle relève du code monétaire et financier.

La seconde est qu'il faut aussi reconnaître le rôle joué par les collectivités locales.

Par ailleurs, ce projet serait incomplet si on négligeait la place de plus en plus importante de l'audiovisuel extérieur. C'est désormais un outil, comme la culture numérique, dont notre politique culturelle ne peut plus se passer.

Quatrièmement, il ne faut pas oublier que l'influence de la France doit s'exercer aussi dans le cadre de la diversité culturelle.

Enfin, s'agissant des étudiants, l'articulation avec l'enseignement supérieur doit être approfondie et, à cet égard, la tutelle conjointe du ministre qui en est chargé me paraît indispensable. Il ne s'agit pas d'alourdir, mais de donner à nos bourses une logique indispensable, sans omettre de réserver un meilleur accueil aux étudiants étrangers en termes d'hébergement et de suivi.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai en conclusion que nous est proposé aujourd'hui un projet évolutif et riche de potentialités. Le recul de notre diplomatie d'influence – avec les conséquences que l'on sait – n'est pas inéluctable. Nos atouts – acteurs de qualité, agences et opérateurs – ont simplement besoin de cohérence et de lisibilité. Mais, en matière d'influence culturelle, la meilleure des réformes ne saurait se passer de l'essentiel, c'est-à-dire une vraie stratégie, pérenne, et des moyens.

Sur ce dernier point, je sais, monsieur le ministre, que la RGPP ne permet pas tous les rêves, et qu'il nous faudra, sur le nécessaire redéploiement, être particulièrement vigilants.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Nous saurons l'être. Nous disposons désormais d'un cadre cohérent.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Sous le bénéfice de ces observations, le groupe UMP votera bien volontiers votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

« La culture,… ce qui a fait de l'homme autre chose qu'un accident de l'univers », disait André Malraux. C'est donc avec déception, monsieur le ministre, que nous abordons ce projet de loi pourtant attendu depuis si longtemps. Il y avait là matière à avoir de l'ambition. Malheureusement, ce n'est pas le cas, malgré toute l'autosatisfaction qui est aujourd'hui la vôtre.

Auditionné en commission, vous disiez : « La stratégie culturelle de la France était très imprécise. » Avec ce texte, on passe de l'imprécision au flou artistique. Il était urgent de poser des actes. Mais celui que vous posez est un acte manqué. Acte manqué, parce que vos annonces, les conclusions du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, le travail des rapporteurs et des commissions de nos deux assemblées nous laissaient présager une forte ambition pour notre politique extérieure. Mais vous n'avez pas osé.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Vous offrez à notre action culturelle extérieure un bon véhicule, mais sans carburant et sans pilote.

Désengagement de l'État, manque de moyens, absence d'objectifs structurants et de perspectives pour les agents de l'État. Vous auriez dû donner une réelle indépendance aux 154 services de coopération et d'action culturelle des ambassades ainsi qu'aux 144 centres culturels français à l'étranger. Vous auriez dû leur donner de la cohérence en assurant la complémentarité des missions, des moyens et des savoir- faire. Mais, pressé par Bercy, qui fait de l'action extérieure de la France, comme de la culture ou de l'éducation nationale, une variable d'ajustement budgétaire, pressé aussi par le corps diplomatique, craignant une perte de pouvoir, vous n'avez pas osé.

Ce projet de loi rend encore plus illisible l'action du réseau culturel français. Qui va faire quoi ? Avec qui ? Comment ? Comment va se coordonner l'action des instituts français, des services culturels, des ambassades, des centres culturels ? Quelles relations avec les alliances françaises ? Où est la logique dans tout cela ? Quel lien avec l'AEFE, puisque, à l'article 6, alinéa 9, une des missions de cet EPIC pour l'action culturelle extérieure est « la promotion, la diffusion et l'enseignement à l'étranger de la langue française » ?

Croyez-vous qu'avec un nouveau logo et quelques gadgets de ce genre, vous allez réellement redonner du sens à cette politique ?

En créant vos EPIC – ces établissements publics à caractère industriel et commercial –, vous ne résolvez rien. C'est une bien triste conception de la culture que de l'aborder par l'industrie et le commerce pour la marchandiser ! J'aurais préféré que l'on privilégie l'indépendance, la créativité, l'imagination.

C'est votre politique qui est épique, voire pathétique. La création d'un EPIC est un signe avant-coureur. Il signifie désengagement politique et désengagement financier de l'État. L'EPIC ne permettra pas d'intégrer dans des conditions satisfaisantes en termes de statut les nombreux fonctionnaires du ministère des affaires étrangères. Vous utilisez cet argument pour reporter l'échéance à trois ans. Pourquoi attendre trois ans et un énième nouveau rapport sur la diplomatie d'influence pour envisager le rattachement du réseau culturel de la France à l'étranger à l'établissement public pour l'action culturelle extérieure ? Pourquoi ne le faites-vous pas dès maintenant ? Vous évoquez des difficultés techniques mais, dans trois ans, ce sera la même chose ! N'êtes-vous pas là en train de découvrir que les orientations que vous proposez sont malheureuses ?

Il y aura des difficultés techniques, mais bien avant trois ans, et des répercussions humaines sur les femmes et les hommes agents de l'État, que vous n'avez pas appréhendées dans votre projet de loi.

Vous ouvrez à la marchandisation la culture extérieure avec un bel habillage, qui vous permet de masquer le désengagement considérable de l'État. Il est par exemple ahurissant que nous ayons dû attendre que le Sénat amende le texte pour voir revenir les dotations de l'État dans les ressources de la future agence !

« Externalisation de l'action culturelle française » : voilà comment aurait dû s'intituler votre projet de loi ! Qui ne fait que confirmer ce que votre politique démantèle déjà au quotidien : les crédits consacrés au programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État » ont baissé de 10 % entre 2005 et 2008, de 13 % en 2009 et de 11 % en 2010. Je le dis, cela dérange, mais c'est la triste vérité !

Et les programmes arrêtés ! Et les 750 000 euros pour la modernisation des médiathèques supprimés ! La moitié des centres culturels ont fermé en Allemagne, la même tendance se profile en Italie, en Inde, en Grèce et en Afrique francophone.

L'action culturelle extérieure de la France croule sous le poids de la diplomatie et, dans le même temps, perd ses moyens ! Quand il s'agit de libéraliser les services publics ou l'énergie, votre gouvernement sait citer en exemples certains pays européens ! Mais là, alors que tous les autres pays ont compris l'énorme enjeu de l'action culturelle à l'étranger, alors qu'ils augmentent sensiblement les crédits qui y sont consacrés, vous agissez à l'inverse !

Preuve de votre précipitation, vous avez omis d'inclure le CNOUS. Vous avez corrigé cela – il faut se souvenir qu'il s'agissait d'une proposition de loi de Mme Monique Cerisier Ben-Guiga, sénatrice – en incluant le CNOUS à l'article 5. Mais faute d'un accord entre votre ministère et celui de l'enseignement supérieur, nous avions toujours un doublon entre les CROUS et les délégations régionales d'Égide, dans la gestion des bourses et l'accueil des étudiants étrangers. Ils font exactement le même travail sur le même territoire !

Puisque nous parlons des étudiants étrangers accueillis en France, je ne peux passer sous silence ce qui se produit. Nos universités se privent d'étudiants et de chercheurs de haut niveau parce que votre collègue ministre de l'intérieur refuse bien trop de visas, ayant comme seule politique globale la suspicion.

Je veux parler aussi du profond découragement des agents du réseau culturel à l'étranger. Là encore, quand les autres pays européens permettent de faire carrière dans les réseaux culturels, ce texte laisse présager un avenir sombre et incertain pour les agents de l'État. Il ne crée aucun vrai métier, ce qui ne fera qu'amenuiser encore le souffle qui reste à votre politique extérieure.

Le manque d'ambition va jusque dans la dénomination. Monsieur le ministre, vous militiez pour « Institut Victor Hugo ». Le Sénat a préféré « Institut français ». Nous avions proposé, pour souligner l'attachement à la nation, mais aussi traduire notre exception culturelle, la dénomination « Institut français Victor Hugo ». Nous referons cette proposition. J'espère que vous ne la refuserez pas par simple réflexe d'ostracisme. L'Espagne a l'Institut Cervantès, l'Allemagne le Goethe Institut, le Portugal l'Institut Camões, la Chine l'Institut Confucius, la Pologne l'Institut Adam Mickiewicz.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Ces instituts sont, depuis plusieurs années, en plein essor, parce qu' ils sont accompagnés par les budgets nécessaires et identifiés par un nom, un homme, une histoire, des valeurs qui portent haut et transcendent l'image donnée au monde de leurs pays respectifs.

Pour appuyer mon propos, je citerai deux grands hommes que vous ne démentirez pas, j'en suis sûr, monsieur le ministre. « C'est blesser un peuple au plus profond de lui- même que de l'atteindre dans sa culture et sa langue. » : François Mitterrand. « La culture est l'âme de la démocratie. » : Lionel Jospin. (« Pour ce qu'ils ont faits ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Enfin, après les mesures indigentes de ce projet de loi, arrivent – on peut se demander pourquoi – l'article 13 et les dispositions relatives au remboursement des opérations de secours à l'étranger. Où l'on retrouve la suspicion… Nous souhaitons exclure clairement certaines professions : les journalistes, les professionnels des médias et leurs collaborateurs, les intervenants humanitaires, les chercheurs, les universitaires, de ces dispositions inquiétantes.

Il n'y a pas si longtemps, de hauts responsables ont dénoncé les coûts générés par des rapatriements de journalistes. Que signifierait une démocratie où le journaliste , par exemple, aurait le devoir de se justifier « d'un motif légitime tiré de son activité professionnelle parce qu'il se serait délibérément exposé à des risques qu'il ne pouvait ignorer » ?

Si, comme je le crois, monsieur le ministre, nous sommes d'accord sur le fond, convenez que cela ne va pas sans le dire, ni sans l'écrire. D'autres ministres vous succéderont. Quelle sera leur attitude ? Quelles politiques appliqueront-ils ? Sous l'aspect anodin d'un texte dont l'article 13 sera discuté par quelques députés un lundi soir de juillet, peuvent apparaître de graves conséquences pour la démocratie et la liberté de la presse.

Aujourd'hui, lundi 5 juillet 2010, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, journalistes de France 3, sont retenus en otages depuis 188 jours, plus de six mois, depuis le 30 décembre 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Si, par bonheur, ils sont libérés prochainement, leur sera-t-il demandé, pour les rapatrier, de justifier les motifs pour lesquels ils se seraient délibérément exposés au danger ? (Vives protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Dans ce contexte inquiétant, je ne veux pas utiliser une actualité douloureuse, mais je demande de la décence. Au nom de la dignité qu'elle implique, j'espère que notre amendement sera voté à l'unanimité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

En résumé, on nous propose un projet de loi malheureux, vide de sens, alors qu'une grande réforme de l'action extérieure était nécessaire et attendue. Votre objectif, peut-être même votre mission, monsieur le ministre, est d'aller vers la diminution, voire la suppression, des financements publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Alors qu'Hillary Clinton parle de la diplomatie dite de l'intelligence en investissant dans l'action extérieure, je vous laisse deviner comment sera qualifiée notre future politique extérieure si ce texte n'évolue pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, nous aurions aimé entendre les mêmes protestations de votre part lorsque le chef d'état-major, le général Georgelin et le secrétaire général de l'Élysée, M. Guéant, ont dit à nos confrères de France 3 Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier qu'ils n'avaient rien à faire là où ils trouvaient.

Nous savons aujourd'hui pertinemment que le journaliste est victime de ce que l'on pourrait appeler l'effet réverbère, c'est-à-dire qu'on veut l'amener là où il y a de la lumière et l'empêcher d'aller là où il n'y en a pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Le devoir du journaliste peut être comparé à celui du médecin. M. le ministre des affaires étrangères doit savoir ce que cela signifie, puisqu'il réclamait, il y a de longues années, le droit d'ingérence…

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Et je continue !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

… et qu'il a créé l'une des plus grandes associations humanitaires de ce pays. Il sait bien que lorsque l'Organisation des Nations unies, lorsqu'un État, un régime autoritaire empêche les journalistes et les médecins de faire leur métier, ils doivent aller au-delà et désobéir. Dans ces conditions, bien souvent, ils peuvent être pris en otages.

La rédaction de l'article 13 pourrait être acceptée, à une différence près, soulignée par M. Féron : lorsque l'on parle de « motif légitime » ou de « responsabilisation financière », ces termes sont tellement vagues et si peu précis qu'ils pourront être interprétés dans des circonstances politiques que nous ne connaissons pas et qui pourraient laisser la porte ouverte à une restriction de la liberté de la presse et du devoir d'informer, de même que de la responsabilité d'accomplir un travail humanitaire et non un travail militaro-humanitaire.

C'est la raison pour laquelle nous soutenons l'amendement proposé par M. Féron. Nous pensons que si l'article 13 n'est pas pétri de mauvaises intentions et d'arrière-pensées, il est en tout cas truffé d'erreurs et à tout le moins très maladroit. Il n'a donc pas de raison d'être dans ce texte sur l'action extérieure de l'État, parce qu'il est dangereux et porteur d'imprécisions. Les imprécisions dans un texte peuvent entraîner des interprétations dangereuses. Je ne me référerai pas à quelques textes votés récemment – je pense aux applications du Grenelle et à quelques petites crapuleries qui y ont été introduites. Nous pouvons dire la même chose de cet article 13 qui n'a absolument pas sa place dans un projet sur l'action extérieure de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce n'est pas un procès d'intention. On ne peut pas venir nous donner des leçons lorsqu'on a demandé à France Télévisions de se taire sur la situation de nos confrères. Vous pouvez le dénier pour votre part, monsieur le ministre des affaires étrangères, mais il y a au-dessus de vous un Président de la République et un secrétaire général de l'Elysée qui ont donné des ordres au président de France Télévisions. Nous ne pouvons pas accepter qu'on laisse dans l'ombre la situation de collègues qui ont essayé de faire leur travail.

Contrairement à ce qui a été dit à l'Assemblée, il ne s'agit pas, en Afghanistan, d'une participation au maintien de l'ordre, il s'agit d'une guerre, dans laquelle un certain nombre de militaires français ont perdu la vie. Quand il y a une guerre, il faut dire tout ce qui se passe. Le principe du journalisme, c'est d'aller jusqu'au bout, y compris en enfer, mais à condition de dire que l'on est en enfer et de pouvoir y pénétrer.

Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier sont allés au coeur de cet enfer, ce qui leur fut reproché au motif qu'ils prenaient des risques et qu'ils faisaient dépenser beaucoup d'argent à l'État : 10 millions d'euros selon le chef d'état-major de l'armée. C'est indécent au sens orwellien et cela relève de l'obscénité politique. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je n'hésite pas à l'affirmer très clairement : M. Guéant et M. Georgelin auraient mieux fait de s'abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je souhaite maintenant, monsieur le ministre, aborder l'aide au développement, absente de votre projet de loi, mais qui mériterait que nous en discutions.

Avec l'AFD, nous possédons un bras séculier, dont il n'est évidemment pas fait mention. Au lieu de déposer un texte sur la coopération solidaire qui structurerait fortement l'intervention dans ce secteur, qui lierait la coopération décentralisée, celle de la société civile, à l'action européenne et aux projets soutenus par l'AFD, que voit-on ? Une fois de plus, la nomination d'un ami du Président.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ce dernier a choisi M. Dov Zérah, un énarque de cinquante-cinq ans, issu de l'administration du Trésor, qui fut, entre autres, le directeur de cabinet de Michel Roussin à la coopération.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Au sein même de l'agence appelée à orchestrer les engagements financiers de la France, notamment en Afrique, le choix élyséen est perçu comme l'énième camouflet infligé aux partisans d'une rénovation volontariste de la relation entre Paris et la sphère subsaharienne. Où sont les déclarations du Président de la République en janvier 2007 sur la République irréprochable et sur son engagement de mettre fin aux réseaux de la Françafrique ?

D'autant que M. Zérah, par ailleurs conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine, a été vigoureusement soutenu par l'avocat Robert Bourgi, conseiller officieux de la présidence et « marabout en chef » des réseaux de la Françafrique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il n'y a pas eu que lui : M. Guy Penne aussi était marabout en chef ! Il y a une continuité au-delà des appartenances partisanes et des gouvernements qui exercent le pouvoir dans notre pays.

Certains cadres de l'AFD redoutent en outre les fonctions éminentes – vous m'excuserez de poser les questions qui fâchent – de M. Dov Zérah. Son engagement dans les affaires politiques nationales et internationales est bien connu : conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine,…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…et secrétaire général adjoint de la fondation France-Israël. Or les fonctions de directeur général de l'AFD supposent une parfaite neutralité, surtout en matière diplomatique. On dit souvent que la politique de coopération est définie au siège de l'AFD plutôt qu'au ministère. Les ONG, vent debout, qui n'ont pas eu l'honneur d'être reçues par le Président de la République à la veille du G20, remplacées au dernier moment par le joueur de football Thierry Henry, critiquent cette nomination liée aux milieux de la Françafrique. Il est évident qu'en matière d'influence, l'AFD, agissant sur tous les continents, a plus de capacité de rayonnement que les services d'action extérieure que ce projet de loi réduit encore un peu plus.

Ces services, monsieur le ministre, parlons-en : de fait, conformément à la politique du Gouvernement, le choix du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial pour l'agence chargée de la coopération culturelle, est un tremplin vers la privatisation et, à terme, la disparition programmée d'une agence par définition non rentable. La formule de l'établissement public à caractère administratif aurait été une solution plus conforme à la vocation de cet établissement. Ce statut aurait permis en outre de rassurer les personnels, dont l'adhésion est indispensable à la bonne conduite du rattachement du réseau culturel à la future agence.

De même, l'avenir des financements consacrés par l'État à la diplomatie d'influence, énoncé clairement dans l'exposé des motifs du projet de loi, est compromis par ce changement de statut, qui a en réalité pour objectif de réduire la part des subventions de l'État et de faire en sorte que ces établissements retirent une part significative de leurs ressources du produit de leurs propres prestations.

Le projet de loi n'évoque à aucun moment les relations entre l'agence et le réseau des centres et instituts culturels français à l'étranger.

L'absence de toute disposition relative à la formation professionnelle et à la gestion des carrières des agents du réseau culturel accentue cette impression d'abandon progressif de notre réseau. Or les fortes inquiétudes des agents quant à leur rattachement à l'agence chargée de la coopération culturelle, au regard de la pérennité de leur statut, de leur rémunération et de leurs perspectives de carrière, mettent en danger l'application du projet ; leur adhésion est en effet indispensable pour réaliser ce rattachement.

Même si l'on partage l'objectif de renforcement des instruments au service de la diplomatie d'influence, ce projet de loi, de nature très technique, reste insuffisant au regard des ambitions affichées et des enjeux. Même du point de vue technique, il est imprécis, s'agissant du fonctionnement des deux nouveaux opérateurs et des moyens dont ils disposeront.

Par ailleurs, l'argument avancé par le Gouvernement selon lequel le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial permettrait à cet opérateur de lever davantage de financements est fallacieux. Il est possible pour les établissements publics administratifs de recourir au mécénat…

Il est nécessaire de préciser le périmètre d'intervention des deux opérateurs, leur pilotage stratégique, ainsi que leurs relations avec le réseau diplomatique.

Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'en l'état le texte du projet de loi ne peut recueillir l'approbation des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Les députés Verts voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Bourg-Broc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France possède une tradition d'influence culturelle. Comme le disait Marc Fumaroli en 1991, dans son essai L'État culturel, le réseau culturel français « fut d'abord un rêve d'intellectuels, s'éprenant d'un État fort. Ce fut ensuite une compensation officielle à la défaite de 1940, puis à la retraite de l'Empire et un rempart contre la contagion des moeurs et des loisirs américains. » Ce sont des explications, mais il en est d'autres aujourd'hui.

Notre diplomatie d'influence fait partie des atouts dont nous avons le devoir d'assurer la protection, la pérennité. Alors que le monde est globalisé, que les connaissances sont transmises dans l'instantanéité et que la culture tend à devenir un bien de consommation, le réseau culturel français a l'obligation de s'adapter à de nouveaux défis. En examinant aujourd'hui ce texte, nous avons la certitude que la France, forte de ses atouts, est prête à prendre le tournant du XXIe siècle.

À n'en pas douter, il existe une « demande de France ». Qu'il s'agisse de la vitalité de notre création artistique, de notre langue, de nos traditions ou de nos coutumes, la France est un pays admiré, comme en témoignent les plus de 750 000 étudiants étrangers inscrits à des cours de français dans les instituts et centre culturels.

« La France a une civilisation dont elle n'est pas propriétaire, mais dont elle est responsable devant l'univers », disait Jean Giraudoux. Mais à quoi sert d'être admirés si nous n'avons pas les moyens de faire valoir notre culture à sa juste valeur à l'étranger ? Les acteurs de notre action culturelle sont nombreux, divers, et nous ne doutons pas de l'apport de chacun à ce grand édifice, jamais achevé, celui de notre influence. Toutefois, nous ne pouvons que constater avec regret le peu de cohérence et d'ambition – assurément un manque de cohérence – dont est doté, à l'heure actuelle, notre réseau culturel.

Le projet de loi tente de répondre à ces nouvelles problématiques, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques – qui ne permet pas la réalisation de tous les rêves, comme le disait Martine Aurillac – et dans le sens du Livre blanc de la politique étrangère et européenne remis au ministre des affaires étrangères en juillet 2008 par Alain Juppé.

Nous répondons aussi aux nombreuses critiques qui avaient déjà été émises, notamment par la Cour des comptes, sur le statut associatif de certains opérateurs. La formule de l'établissement public garantit l'autonomie administrative et financière et une certaine souplesse, tout en mettant l'organisme sous un contrôle étroit de l'autorité de tutelle. Les articles du titre Ier fixent le cadre juridique dans lequel seront insérés l'Institut français et Campus France. À terme, pourront se retrouver dans cette catégorie l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger, UBIFRANCE ou l'Agence française de développement, autant d'organismes dont nous connaissons le sérieux et l'apport dans une multitude de domaines.

La fusion de CampusFrance, d'Égide et de France coopération internationale sous la forme d'un établissement public industriel et commercial, correspond à notre ambition de développer des synergies tout en clarifiant des compétences trop souvent dispersées et illisibles. Les étudiants étrangers doivent savoir, et sauront désormais, quel est l'organisme auquel ils doivent s'adresser afin d'effectuer des études dans nos campus et profiter de l'expertise de nos professeurs d'université.

Afin, encore une fois, de clarifier un système peu compréhensible, je souhaite que l'intégration à Campus France des activités du CNOUS se réalise rapidement après la remise du rapport prévu à l'article 5ter du projet de loi. L'obtention d'une bourse universitaire, en ce qu'elle conditionne bien souvent la venue ou non d'un étudiant étranger sur notre sol, doit se doter d'un fonctionnement simple, opérationnel et irréprochable.

Dans le monde d'aujourd'hui, notre réseau culturel n'est rien s'il n'est pas visible ou plutôt s'il n'acquiert pas les conditions de sa visibilité. Le projet de loi prévoit enfin de faire passer CulturesFrance, qui ne cesse de gagner de l'importance, du statut d'association loi de 1901 à celui d'EPIC. À présent, la culture française aura un centre. À l'instar de l'Institut Goethe ou de l'Institut Cervantès, la France possèdera désormais son Institut. Il devra, et c'est prévu, travailler étroitement avec l'Alliance française…

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Bourg-Broc

…qu'il faut, monsieur le ministre, continuer à aider et soutenir. En raison de sa diversité, elle constitue un réseau qui, grâce à des appuis locaux forts et à sa capacité d'imagination, est des plus efficaces.

Le projet de loi que nous examinons est la première pierre d'un édifice dont nous souhaitons qu'il soit ambitieux, durable et porteur d'une véritable vision pour notre pays et l'influence de notre culture à l'étranger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La séance est reprise.

La parole est à M. Didier Mathus.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d'emblée à saluer le travail accompli par la mission Rochebloine et par le rapporteur. Ces deux approches ont permis de préciser un certain nombre de points et d'améliorer ce texte.

Lorsque l'on parle de l'action extérieure de la France, on est très vite saisi par la fièvre sémantique, et cela n'a pas manqué aujourd'hui encore. « Diplomatie d'influence », « besoin de France » : nous nous grisons assez vite de grands mots, et nos vieux travers prennent vite le dessus : une certaine arrogance parfois, le goût des tirades un peu pompeuses et l'envie d'entendre claquer le drapeau au vent.

Essayons de rester sobres mais lucides. Incontestablement, la plupart des élites des pays développés témoignent d'un intérêt, d'une sympathie, d'un respect pour la culture et la langue françaises, et pour ce qu'elles ont incarné dans l'histoire. Au fil des voyages, on est d'ailleurs parfois étonné de cette réelle reconnaissance, même s'il est clair qu'elle n'irrigue malheureusement plus les nouvelles générations.

Nous avons aussi le sentiment que nous exploitons peu ce potentiel et que nous laissons tarir cette exceptionnelle richesse sans prendre les mesures nécessaires.

On connaît les chiffres : 8 700 agents au total, plus de 300 établissements français à l'étranger, dont 160 SCAC, plus d'un millier d'alliances françaises, avec des statuts divers. Force est de constater que cet important déploiement, dont les moyens se raréfient d'année en année, donne le sentiment de n'avoir pas de prise sur la grande bataille de la domination intellectuelle et culturelle, qui est l'une des clés du monde d'aujourd'hui.

Ce dispositif semble passer à côté de l'essentiel, campé dans des postures et des schémas d'un autre temps, alors que la culture anglo-saxonne impose sa loi au monde par le biais de la globalisation des industries culturelles.

De tous les diagnostics posés au fil des multiples rapports et ouvrages divers, chacun a bien compris, et c'est au fond l'un des postulats de ce projet de loi, même s'il est inabouti, la nécessité de découpler la diplomatie et l'action culturelle. La sujétion du travail culturel aux intérêts de la diplomatie et de nos postes à l'étranger ne peut être qu'un handicap.

La création de l'agence est de ce point de vue un progrès, petit progrès mais progrès tout de même. Cela dit, quelle déception ! Après les annonces tonitruantes de 2009, c'est la montagne qui accouche d'une souris. En lieu et place d'un grand opérateur autonome pilotant l'ensemble des stratégies culturelles, nous voilà avec un simple substitut de CulturesFrance, sans autorité réelle sur le réseau à l'étranger.

Surtout, quel crédit accorder à une initiative qui s'inscrit dans le cadre d'une baisse constante des crédits d'intervention depuis huit ans ? Chacun connaît les chiffres de ce désengagement, et chacun en connaît les causes. L'action culturelle a été utilisée quasi mécaniquement comme variable d'ajustement pour permettre à notre diplomatie d'atteindre les objectifs de réduction des dépenses qui lui étaient fixés par la RGPP, et c'est bien compréhensible. Il n'y a pas beaucoup de crédits variables dans les postes et ceux-là en sont.

Dans ce contexte, il sera bien difficile de redonner confiance à l'ensemble des personnels, et le crédit de l'agence sera bien mince sur la scène internationale.

L'autonomisation de notre réseau culturel à l'égard du réseau diplomatique aurait été une condition nécessaire pour renverser la tendance, pour remettre notre stratégie culturelle au coeur des enjeux d'aujourd'hui.

Les ambassadeurs ne sont pas nécessairement en cause, même s'ils paraissent bien souvent prisonniers d'une approche des questions culturelles très typée sociologiquement, les intérêts politiques et nationaux qu'ils ont la charge de défendre ne les placent tout simplement pas dans la meilleure situation pour dynamiser la diffusion des références culturelles les plus pertinentes dans le monde d'aujourd'hui. Le goût de nos élites diplomatiques pour les beaux-arts, pour respectable qu'il soit, n'est plus tout à fait de saison à l'heure où les industries culturelles sont devenues une véritable machine de guerre pour assurer la domination anglo-saxonne sur les esprits et les comportements.

Quelques observations sur d'autres aspects de ce texte.

Tout d'abord, je regrette vivement que l'on ne mette pas l'accent sur ce qui paraît à l'usage l'une des principales faiblesses de notre dispositif, la gestion des carrières. Alors que les agents sont parfois très efficaces dans leur mission et en tout cas souvent investis de façon tout à fait satisfaisante, les contrats étant de trois ans dans le meilleur des cas, il n'y a pas de continuité dans l'action entreprise et l'on sent une sorte de découragement général. Nous aurions pu faire des efforts dans ce domaine. Ce sera sûrement dans les années qui viennent l'une des conditions centrales pour redynamiser notre action à l'étranger. Tant que nous n'aurons pas réglé la question du statut de nos agents dans le réseau culturel, en leur assurant de véritables carrières, nous ne pourrons pas progresser. Il est frappant de voir, par exemple, que les universités françaises forment des centaines et des centaines de cadres de l'action culturelle et que ces jeunes filles et ces jeunes gens se retrouvent bien souvent au chômage alors que l'on pourrait exploiter plus intelligemment leurs compétences.

Il y a bien sûr le coût de toutes ces mesures : on n'a pas l'argent nécessaire dans cette période de RGPP, de restriction, de recherche d'argent public un peu partout. Je rappelle que la gratuité des frais de scolarité à l'étranger a un coût considérable et que, pour à peu près tous ceux qui ont étudié la question, François Rochebloine peut en témoigner, ce n'est pas une bonne mesure. Elle ne profite à personne, sinon à quelques grandes entreprises, qui n'avaient d'ailleurs pas demandé ce petit pourboire, si j'ose dire. Il y a là une ressource possible sur laquelle nous pourrions travailler, cela permettrait d'aiguiller quelques flux financiers vers la dynamisation du réseau culturel.

Sur l'enseignement supérieur, nous approuvons le fait que, sous l'impulsion du rapporteur, suivi par le Gouvernement, le texte ait scindé les deux missions, l'enseignement supérieur et l'expertise. Cela va dans le bon sens. L'attelage proposé était disparate et un peu incompréhensible. Il venait souligner au fond ce qui est l'une de nos faiblesses, la faible attention que nous avons malheureusement accordée aux étudiants étrangers dans notre enseignement supérieur.

Il manque dans ce texte la nécessité d'assurer le suivi des étudiants étrangers dans les universités. Quand on y réfléchit, c'est tout de même un réseau formidable de diffusion de l'influence et de la culture françaises dans de nombreux pays. Nous sommes aujourd'hui incapables de le valoriser puisqu'il n'y a même pas de relevé précis du suivi de nos étudiants. On pourrait progresser à peu de frais en essayant d'avoir une approche un peu méthodique, un suivi régulier des étudiants ayant fait leurs études en France, qui ont un lien avec l'enseignement supérieur français et qui, bien souvent, dans leur pays d'origine, exercent des responsabilités politiques, économiques ou intellectuelles.

Un mot sur les journalistes, puisque c'est ce qui focalise l'attention, la leur en tout cas, et c'est bien compréhensible. Le texte me fait penser à ces dessins dans les revues d'enfants où l'on peut voir deux images différentes suivant l'angle. Je ne doute pas de la bonne foi du ministre dans cette affaire, mais force est de constater que, tel qu'il est rédigé, l'article 13 peut laisser place à l'arbitraire, et c'est bien là que le bât blesse. S'il n'y avait pas eu les déclarations du vice-président de la République, pourrait-on dire, M. Guéant, et du chef d'état-major des armées, on y aurait bien sûr prêté moins d'attention et il n'y aurait pas eu de procès d'intention, mais elles ont malheureusement été faites, et l'on a raison d'être particulièrement vigilant.

Enfin, la plus grosse carence du texte, c'est l'absence totale de lien – ou il est en tout cas extrêmement ténu – avec l'organisation de l'audiovisuel extérieur de la France. Je l'ai déjà déploré en commission : il me paraît totalement étonnant, saugrenu, que, dans un texte prétendant déployer l'action culturelle de la France à l'étranger, on fasse l'impasse sur ce qui est aujourd'hui le principal vecteur de diffusion des idées, des comportements culturels, je veux parler bien sûr de la télévision, de la radio, et donc de l'organisation de l'audiovisuel extérieur de la France.

On connaît la problématique : la tentative de réorganisation a connu quelques déboires, et le tableau de l'audiovisuel extérieur français n'est pas forcément réjouissant. RFI est dans une crise profonde, avec plus de 200 départs volontaires, et d'autres personnes souhaiteraient partir. Ce n'est jamais très bon signe dans une radio, dans un organisme, quand on a plus de candidats au départ qu'on n'est prêt à financer de licenciements. France 24 ne décolle pas et c'est un échec, il faut bien le reconnaître. TV5 Monde est plutôt une bonne télévision, et c'est la seule télévision généraliste à l'échelle du monde. Elle mériterait donc un peu d'attention, mais on sent bien qu'il y a eu une profonde indifférence des autorités françaises à son destin.

Nous voilà donc face à un paysage un peu particulier. On aurait pu imaginer qu'il y ait un travail précis, particulier, sur le lien avec les trois grandes structures de l'AEF. Malheureusement, ce lien n'existe pas, et c'est à peu près incompréhensible. Comment imaginer que l'on puisse avoir une politique de présence culturelle ambitieuse à l'étranger si l'on fait l'impasse sur le principal vecteur de développement des comportements culturels ? C'est une lacune et, de ce point de vue, le projet n'est pas abouti.

Encore une fois, si l'on s'en tenait au texte lui-même, il n'y aurait pas beaucoup de problèmes. Je l'ai dit, c'est un petit progrès mais un progrès. Malheureusement, il y a le contexte : la baisse des crédits, les interrogations sur les déclarations des plus hauts responsables de l'État sur la question des journalistes et le remboursement des frais, et ces questions nous interrogent tout autant que le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de tous les pays, la France est celui qui dispose du plus grand réseau culturel à l'étranger.

Ce réseau est l'oeuvre d'hommes et de femmes qui, au fil des siècles, n'ont cessé de promouvoir partout dans le monde les valeurs, les connaissances et les créations de notre peuple.

Ce réseau est un héritage d'une prodigieuse richesse, du fait de son histoire, de son ancienneté, de sa diversité. Nous avons le devoir de le préserver, à défaut d'avoir les moyens, dans la conjoncture actuelle, de le développer.

C'est notre devoir, mais c'est aussi notre intérêt. Sans doute la culture française a-t-elle perdu une partie de son influence face au big bang culturel de la mondialisation, et, pour relever ce défi, il fallait un pilotage stratégique cohérent, porté par une vision politique. C'est bien ce que vous nous proposez, monsieur le ministre, et je vous en suis personnellement reconnaissant.

Ce projet, vous l'avez rappelé, est la troisième étape de la réforme destinée à doter notre administration d'opérateurs modernes et efficaces. Il prévoit la création de trois agences, dont l'une, l'Institut français, serait chargée de promouvoir notre culture et nos idées, en s'appuyant sur les 143 centres culturels, qui seront ses relais dans le monde, en liaison, pour l'enseignement de notre langue, avec le réseau des alliances françaises, dont vous préservez l'autonomie. La deuxième agence aurait pour mission de favoriser la mobilité internationale des étudiants et la troisième de gérer l'intervention de nos experts.

Cette réorganisation a aussi pour objet de redéfinir les priorités de l'action extérieure de la France et de répondre aux questions majeures pour l'avenir de notre présence dans le monde : que peut faire notre pays dans la bataille mondialisée de la culture et de l'information, et de quels moyens peut-elle disposer pour y parvenir ?

Pour ma part, je crois préférable, dans le contexte budgétaire d'aujourd'hui, et la RGPP aidant, de renforcer notre présence dans les pays où nous sommes déjà influents, en attendant que des jours meilleurs nous permettent d'investir plus fortement dans les grands pays émergents.

Par ailleurs, je suis convaincu que, si l'influence culturelle d'un pays se mesure le plus souvent à son poids économique, c'est-à-dire aux moyens dont il dispose et au mode de consommation qu'il impose, l'inverse est aussi vrai, car chacun sait aujourd'hui que, contrairement à ce que pensait Marx, les superstructures, c'est-à-dire les cadres culturels, déterminent les infrastructures, c'est-à-dire les modes de production, au moins autant que le contraire.

Je dirai juste quelques mots de l'accueil des étudiants étrangers, en notant qu'avec plus de 260 000 étudiants étrangers dans ses établissements d'enseignement, la France est l'un des premiers pays d'accueil au monde en matière d'enseignement supérieur ; un étudiant sur huit séjournant hors de son pays d'origine poursuit ses études dans notre pays. Ce retour à des niveaux de fréquentation qui étaient ceux des années soixante-dix et quatre-vingt n'est pas le fruit du hasard, mais celui d'une politique volontariste de l'État.

Il faut, me semble-t-il, poursuivre et amplifier cet effort. L'attrait de notre pays pour les étudiants étrangers est un des facteurs principaux du rayonnement de la France dans le monde, c'est bien connu. C'est un facteur majeur de diffusion de la langue de notre pays, de sa culture, de sa place dans les réseaux du savoir, de son influence et de son attractivité pour les chercheurs, les ingénieurs et les cadres de l'économie de la connaissance. C'est aussi l'un des plus forts supports du transfert de savoir-faire vers les pays en développement et, pour notre pays, un investissement à moyen et long termes, par ailleurs extrêmement rentable pour nos entreprises.

Je souhaite enfin aborder, très rapidement, l'expertise technique internationale, qui est une autre donnée essentielle de notre influence à l'échelle mondiale. Sur ce sujet, je me félicite, monsieur le ministre, que vous ayez accepté de disjoindre les dispositions relatives à l'expertise de celles concernant l'enseignement supérieur, et de confier à un seul EPIC, dénommé Campus France, la totalité de la chaîne de la mobilité universitaire. D'une part, en effet, l'unicité de métier eût été difficile à établir entre les étudiants et les experts. D'autre part, l'Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales n'aurait pas pu recouvrir la totalité de la mobilité étudiante ni la totalité de la sphère de l'expertise. L'expertise technique internationale requiert en effet une capacité de mobilisation et de disponibilité que la création d'une trop lourde machine administrative aurait contrariée.

En conclusion, permettez-moi de me réjouir de l'importance des mesures contenues dans ce texte pour relever le défi du rayonnement culturel et technique de notre pays. Je voterai ce texte – vous vous en doutez –, en étant convaincu qu'il est à la hauteur de ce que nous avons de plus précieux à apporter au monde, même si cette dernière considération peut paraître à certains de nos collègues caractéristique de l'arrogance dont nous autres Français pouvons nous rendre coupables. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État que vous nous soumettez, monsieur le ministre, signe, à côté de beaucoup d'autres, la conversion de la France sarkozyenne à la philosophie libérale, et amplifie l'abandon des principes qui avaient inspiré la politique extérieure de notre pays ces dernières années et nous avaient dotés parallèlement d'une représentation diplomatique forte. Nous avançons vers l'État minimal, l'État modeste et impécunieux, résultant d'une politique budgétaire sans ambition, caractérisée notamment par le bouclier fiscal.

Je sais qu'une conception plus haute de la place de la France dans le monde trouve peu d'écho dans les modes de pensée de votre gouvernement. On peut le constater avec regret si cela doit aboutir, comme nous le craignons, à l'affaiblissement de notre représentation internationale.

Vous avez choisi pour instruments de notre politique diplomatique deux agences dotées du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, tant pour l'expertise et la mobilité internationales que pour l'action culturelle extérieure. Le choix du statut d'EPIC, plutôt que celui d'établissement public administratif, est une manière pour le Gouvernement de se désengager financièrement, le but étant la réduction des subventions de l'État et l'autofinancement des agences. Le statut d'EPIC soumis au droit privé est moins rigoureux et moins protecteur du personnel. S'agissant d'un établissement public chargé d'une mission culturelle, le statut d'EPA était donc préférable eu égard à la garantie des financements consacrés par l'État.

La diplomatie culturelle française fait face à trois défis importants, auxquels le projet de loi ne trouve aucune réponse. Ces défis sont le manque d'une stratégie claire et définie, la baisse des moyens et le découragement des agents français présents à l'étranger.

Concernant l'Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales, et plus particulièrement l'accueil des élèves boursiers étrangers, le Gouvernement n'avance pas puisque aucun accord n'a été décidé avec le ministère de l'enseignement supérieur. Le gouvernement français ne relève donc pas le défi de la politique d'attractivité.

La responsabilisation des ressortissants est une autre manière pour le Gouvernement de se désengager financièrement et de réduire considérablement les subventions accordées à l'action extérieure de l'État.

Le projet de loi du Gouvernement manque cruellement d'ambition puisqu'il prévoit une réduction progressive des moyens, tant dans la formation de son personnel à l'étranger – on ne trouve aucune amélioration à ce sujet dans le projet de loi – qu'à travers la délégation de son action à des opérateurs extérieurs. L'État abandonne ainsi son rôle important de pilotage de l'action extérieure.

Cette déresponsabilisation de l'État entraînera un transfert progressif en direction de structures inspirées des fondations à l'américaine. Notre grand pays, fort de son histoire, risque d'être entraîné à solliciter par trop l'argent privé et les grandes fortunes, qui promettent beaucoup aujourd'hui mais ouvriront leur porte-monnaie avec parcimonie. De plus, ces donateurs auront un droit de regard sur l'action internationale de la France. À quand notre Halliburton français ?

Arrêtons-nous un instant sur la rédaction, sans ambiguïté, de l'article 3 : « Les ressources des établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France comprennent : les dotations de l'État ; les recettes provenant de l'exercice de leurs activités ; les subventions et contributions d'organisations internationales et européennes, de collectivités territoriales et de tous les organismes publics. » Jusque-là rien que de très normal. Mais avec l'alinéa suivant – « Le revenu des biens meubles et immeubles ainsi que le produit de leur aliénation » – on pousse à l'échelle internationale la vente de l'argenterie du ménage déjà expérimentée à l'échelle nationale !

Suivent deux alinéas beaucoup plus inquiétants : « Les recettes issues du mécénat » et « Les dons, legs et recettes diverses ». Comme je vous le disais, monsieur le ministre, là où l'État est défaillant, on fait appel à l'argent privé, aux donations. Je ne suis pas sûr que cet argent sollicité de donateurs privés reste gratuit du point de vue politique. L'avenir nous le dira.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Les socialistes ne peuvent souscrire à la marchandisation d'une fonction régalienne de l'État, soumise de surcroît à la procédure accélérée, alors qu'une telle évolution aurait mérité plus de réflexion et de prudence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Après des siècles de certitudes, vous avez bien compris, monsieur le ministre, que la France peut et doit à juste titre, en ce début de XXIe siècle, se poser la question qui fâche : Quid du rayonnement culturel et diplomatique de notre pays ?

Certains esprits chagrins n'hésitent pas à écrire la chronique de la mort annoncée de la France, en perte de vitesse dans trop de domaines. Donald Morisson, journaliste et Américain de Paris, censé être corrigé mais en fait plutôt relayé par Antoine Compagnon, universitaire, se demande ce qui reste de la culture française, en exceptant du constat de ce marasme quelques domaines : la mode, la cuisine, la muséographie, l'architecture. Ouf ! Mais la chute est d'autant plus rude, car la conclusion est sans appel ; je cite Antoine Compagnon : « La France est une puissance culturelle moyenne reléguée en deuxième division planétaire. » Voire !

La mondialisation galopante a sans doute précipité la dégradation de ce que, peut-être trop imbus de nous-mêmes, nous pensions être inaltérable : le rayonnement de notre pays. La crise économique, financière et morale mondiale que nous connaissons, les révolutions technologiques et numériques, auxquelles s'ajoutent chez nous les indispensables réformes de fond tous azimuts entreprises par le Président de la République et son gouvernement, dans le cadre drastique de la RGPP, ont appuyé là où ça fait mal. Le texte que nous étudions aujourd'hui est sans conteste non seulement la traduction d'une prise de conscience mais aussi et surtout la mise en place de solutions. L'important, c'est l'action, la réaction, n'en déplaise à certains de ceux qui m'ont précédée ici même.

Notre commission, sous l'impulsion de son président, et bénéficiant du talent de notre rapporteur, a montré toute notre implication dans ce domaine et amélioré le texte initial en soulignant la nécessité de la transversalité des actions de l'État – affaires étrangères, culture, éducation, université et recherche –, la nécessité de faire rimer économie et efficacité.

Permettez-moi d'évoquer la création de Campus France. Soyons attentifs à redonner tout son attrait au cursus universitaire et à la recherche français. Les étudiants étrangers ne sont-ils pas – que le corps diplomatique me pardonne – nos meilleurs ambassadeurs ? Ayons à l'esprit la formule du Conseil économique, social et environnemental relayée par Julia Kristeva : « La culture n'a pas d'autre sens que celui de rendre partageables les incommensurables différences. » C'est tout l'intérêt de la création de l'Institut français, dont les missions vont de l'accompagnement à l'étranger de notre culture à la promotion de la langue française, en passant par la diffusion du patrimoine cinématographique, celle des idées et savoirs de la culture scientifique française, et le soutien des écrits, oeuvres et auteurs, en particulier francophones. La volonté réalisée est là, et c'est tant mieux.

Enfin, un mot des articles 13 et 14, qui nourrissent la polémique – une de plus, oserai-je dire. Ces articles, tels qu'ils nous sont proposés, permettront à l'État de se faire rembourser tout ou partie des frais engagés pour sauver ou libérer un Français en mauvaise posture à l'étranger, à condition que les motifs de cette personne ne soient pas légitimes, les uns et les autres l'ont fort bien rappelé. Il est évident que les journalistes et leurs équipes ne sauraient être concernées, et je salue à cette occasion nos deux compatriotes retenus en Afghanistan. La liberté de la presse est fondamentale et la légitimité du motif – notre collègue Mamère est parti, bien entendu –…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

…est tout à fait définie. Quel sens aurait en effet notre action extérieure si nous limitions la capacité des journalistes français à nous informer de ce qui se passe en dehors de nos frontières, là où leur métier est le plus dangereux, certes, mais où il est le plus nécessaire ? Un homme averti en vaut deux, dit l'adage. Cette garantie de l'information est la condition de la survivance et du triomphe de nos démocraties. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Lecou

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État est un texte important. Il va permettre de rénover en profondeur et pour longtemps les instruments de notre action extérieure.

Il est en effet primordial que notre pays, qui a toujours rayonné dans le monde, améliore et renforce sa capacité à exister hors de ses frontières pour défendre nos valeurs et nos intérêts en rationalisant nos moyens et l'action de nos opérateurs.

Membre de la mission d'information sur le rayonnement de la France pour l'enseignement et la culture, et appelé parfois à me déplacer à l'étranger, j'ai toujours pu constater que l'image de la France à l'extérieur est encore belle et bonne.

Que l'on soit en Inde, en Afrique ou en Pologne, la France est connue notamment par sa culture, sa défense des droits de l'homme, sa langue. Mais il ne fallait pas s'endormir sur nos lauriers.

Ce texte était donc attendu, très attendu depuis longtemps. Il vient enfin en débat, et c'est à mettre à votre actif, monsieur le ministre. Merci de cette bonne initiative. Je souhaite associer à ce satisfecit le président Axel Poniatowski, qui permet à notre commission de jouer son rôle d'influence en utilisant tous les leviers à sa disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Lecou

Il fallait le dire, mon cher collègue. Cette réforme est donc nécessaire dans un contexte marqué par la mondialisation, l'émergence de nouvelles puissances, le risque de l'uniformisation et de la standardisation, et, bien entendu, pour permettre à la France de maintenir sa place dans le monde. Nous ne pouvions pas prendre le risque de l'immobilisme.

Avec ce projet de loi, nous adaptons notre outil diplomatique et l'ensemble des opérateurs extérieurs pour qu'ils puissent mieux relever les défis de demain, pour conforter la présence de notre pays dans le monde et pour y défendre ainsi nos intérêts économiques, ce qui générera de la croissance et de l'emploi ; il s'agit également de diffuser un modèle auquel nous sommes tous très attachés, fondé sur les droits de l'homme, la francophonie, la culture française. L'Institut français, nouvellement créé, et Campus France seront de bons outils aptes à favoriser cette démarche. Le développement de la langue française, le rayonnement de la culture française et 1'affirmation de l'expertise française seront ainsi mieux défendus, et l'attractivité de notre enseignement supérieur en bénéficiera. En outre, monsieur le ministre, je relève que vous associez à votre démarche les ministères de la culture et de l'éducation nationale.

Votre texte va dans le bon sens, et je vous en suis reconnaissant. Il y va d'autant plus que les apports dus à l'excellent travail des rapporteurs, notamment du rapporteur au fond, Hervé Gaymard, l'améliorent efficacement.

Avant de terminer mon propos, je souhaite évoquer deux aspects de l'action extérieure de la France qui me tiennent à coeur.

Le premier m'amène à solliciter votre avis, monsieur le ministre, sur la présence de la France à l'étranger grâce aux moyens de communication, notamment audiovisuels. En effet, le projet de loi n'aborde pas ce sujet. Il est pourtant essentiel que les chaînes francophones soient mieux diffusées à l'étranger et n'apparaissent pas, comme c'est souvent le cas, dans les derniers numéros, loin derrière les chaînes anglo-saxonnes ou même d'autres chaînes de pays européens.

Sur le second aspect, à savoir l'article 13, je rejoins tout à fait M. Hervé Gaymard. Sa lecture de cet article m'amène à me poser d'autant plus de questions qu'elle est éclairée par l'étude d'impact de votre texte, qui a été rendue publique et commentée. Aussi, je défendrai un amendement visant à apporter plus de précisions et plus de clarté s'agissant des opérations de secours des Français à l'étranger, notamment les journalistes, les humanitaires, les universitaires et les chercheurs.

Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux rendre hommage aux agents de nos postes diplomatiques et consulaires ainsi qu'aux expatriés et aux salariés de nos opérateurs qui assurent chaque jour, et en tous lieux du monde, ce rôle essentiel qu'est la représentation de notre pays ; ils le font avec une ambition pour la France que nous devons saluer ; ils sont nos vigiles les plus avancés pour l'image de la France et son rayonnement. Je souhaite ardemment que ce texte leur offre de nouveaux moyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Je vous ai écouté, monsieur le ministre, défendre, avec l'éloquence qui vous caractérise, le rôle éminent que doit jouer la culture dans le développement de notre diplomatie d'influence. Je n'ai nulle raison de douter des ambitions qui vous animent, ni de l'énergie que vous consacrez à défendre cette conviction que je sais sincère et qui rejoint, vous le savez, les préoccupations de la représentation nationale par-delà les clivages politiques.

La République est en effet d'abord un projet culturel, et c'est ce qui nous réunit – même si cette conception a été mise à mal par le débat sur l'identité nationale. Elle vise à l'universalité. Elle aspire tout à la fois à se nourrir des influences de l'ensemble de ceux qui se reconnaissent en elle et en partagent les valeurs, et à faire rayonner ces valeurs de progrès dans le monde. Ce n'est pas un hasard si la République, si la France, a toujours représenté un carrefour et un lieu de liberté pour les penseurs et pour les créateurs, comme ce n'est pas un hasard si elle fut la première à créer, au XIXe siècle, un réseau des alliances et si elle dispose, encore aujourd'hui, du réseau culturel le plus dense à l'étranger.

Mais, nous le savons tous, la promotion de notre langue et de notre culture est aujourd'hui en panne. Les signaux d'alarme sont nombreux : chute spectaculaire de l'utilisation du français dans les documents européens et internationaux ; baisse de l'apprentissage et de l'usage de notre langue, y compris jusque dans nos zones traditionnelles d'influence dans les Balkans, au Maghreb ou en Afrique occidentale ; faiblesse récurrente de notre capacité d'attraction des étudiants étrangers, notamment dans les pays à forte croissance d'Asie où les dirigeants et les cadres de demain auront principalement une culture anglo-saxonne. Il y a, personne ne le conteste, urgence à moderniser et à donner un nouveau souffle au rayonnement de la culture française et plus largement francophone.

Mais comme vos convictions sont sincères, le texte que vous présentez aujourd'hui ne peut être le vôtre. Ce n'est pas un nouveau souffle puisqu'il n'a pas même l'audace de mettre un pilote à la tête du réseau. C'est une restructuration à l'économie, qui dresse l'acte du désengagement de l'État, précarise les personnels et conduira à définir nos priorités culturelles à la hauteur de leur rentabilité commerciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

C'est un texte qui ne répond en rien aux ambitions que vous défendez avec passion, mais qui porte la marque de l'Élysée. Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement dans le contexte budgétaire d'aujourd'hui ? Comment oublier que les crédits du rayonnement culturel et scientifique ont été amputés de 11 % en 2010 – mon collègue Hervé Féron l'a souligné –, après une réduction de 13 % en 2009 et une baisse moyenne de 10 % de 2005 à 2008 ? Comment ignorer que ces restrictions conduisent à des baisses d'engagement qui atteignent dans certains pays près de 30 %, que les subventions aux alliances françaises ont reculé de 20 % et que près de la moitié des bourses d'apprentissage du français ont été brutalement supprimées ? Comment ignorer, mon collègueDidier Mathus l'a rappelé, que la promesse démagogique de gratuité de l'AEFE…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

…a été réalisée au détriment de sa mission d'influence auprès des élèves étrangers et des investissements structurels dont les établissements ont besoin ? Comment imaginer qu'une privatisation rampante et que l'appel aux partenaires commerciaux suffira à reprendre pied dans la compétition mondiale pour l'influence culturelle lorsque le Royaume-Uni, l'Espagne ou l'Allemagne font, eux, le choix de consolider financièrement leurs interventions culturelles extérieures ?

Monsieur le ministre, je veux, pour conclure, témoigner de notre inquiétude : le manque de moyens pèse, et conduit nos représentants à déployer des trésors d'inventivité pour faire vivre le rayonnement de notre culture. Le recours ponctuel au partenariat avec des opérateurs locaux est légitime et souvent pertinent pour assurer la promotion des opérations. Mais nos représentants évoquent aussi les contraintes que ceux-ci font peser sur leurs choix, leur sentiment de ne plus toujours maîtriser leurs orientations stratégiques et de ne pas se battre totalement avec les mêmes armes que d'autres. Je vous en conjure, ne transformez pas notre réseau diplomatique en leveurs de fonds qui consacreraient leur énergie à boucler leurs tours de table plutôt qu'à définir la programmation de leurs actions. N'engagez pas la France dans la voie de la privatisation et de la marchandisation de ses actions extérieures, qui ne pourrait alors être que celle du moins-disant culturel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce qui nous rassemble aujourd'hui est plus fort que ce qui nous sépare : nous constatons tous la demande de plus de France partout dans le monde, un monde en très grande mutation.

Pour renforcer notre présence dans le monde, trois points sont essentiels : la culture et la langue ; l'attractivité à l'égard des étudiants étrangers ; l'expertise technique internationale.

Ce projet de loi doit permettre de rassembler des forces trop dispersées, des femmes et des hommes qui ne travaillent pas assez ensemble, comme vous le dites vous- même, monsieur le ministre. Je m'associe à mes collègues pour féliciter notre rapporteur pour son travail approfondi sur une situation complexe…

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

…et pour ses propositions importantes – même si elles peuvent paraître parfois disparates.

Pour concourir à l'action extérieure de la France, il y aura désormais des établissements publics à caractère industriel et commercial, missionnés par l'État. Ils pourront bénéficier de ressources diverses provenant de l'État, de legs, de dons, de recettes d'organisations internationales et d'établissements publics d'importance. À cet effet, trois établissements sont créés : l'Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales, l'Institut français, Campus France. Chaque opérateur aura des missions précises pour répondre aux défis et aux enjeux de notre présence dans le monde.

Je concentrerai mon propos sur l'expertise technique internationale, qui fait l'objet du titre II, et sur le nouveau cadre de la prise en charge des frais engagés à l'occasion des opérations de secours à l'étranger des ressortissants français – le titre IV.

S'agissant de l'expertise technique internationale, avec la réforme en cours de l'aide publique au développement, il devenait urgent de revoir le statut des coopérants, qui date des lois de 1972 et de 1998. Si la revalorisation des fonctions de coopérant est nécessaire, il faut en plus, pour le nouvel expert technique international, des capacités renforcées. Nous voulons permettre à nos ressortissants d'affirmer notre présence dans tous les domaines techniques, scientifiques, sociaux et culturels. Or désormais, les appels d'offres des fonds globaux, des organisations internationales ou mondiales nécessitent de pouvoir répondre avec une réelle expertise technique internationale. Ce nouveau statut doit permettre de renforcer notre présence à tous les niveaux, notamment s'agissant des organisations internationales et des missions qu'elles confient. Vous proposez une vraie évolution : désormais, les missions d'expertise seront limitées à six ans pour favoriser le maintien d'un réel vivier d'experts. Ces personnels civils de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d'États étrangers pourront être recrutés par des personnes publiques, des organismes internationaux, des instituts de recherche indépendants étrangers.

En outre, l'ouverture du recrutement aux salariés du privé ainsi qu'aux fonctionnaires des pays de l'Union européenne et aux fonctionnaires parlementaires constitue un symbole pour l'avenir. À l'article 11, la prise en compte de la situation des experts techniques internationaux non fonctionnaires permettra d'éviter les contentieux avec l'État par rapport à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique.

Enfin, l'expérience acquise par les experts techniques internationaux leur donnera désormais accès aux concours internes des fonctions publiques. C'est une vraie valorisation pour tous, très attendue, et une ouverture réciproque du public et du privé.

Au titre V – articles 13 et 14 –, vous proposez un nouveau cadre pour la prise en charge des frais engagés à l'occasion des opérations de secours à l'étranger des ressortissants français. Cette proposition, comme vous le dites vous-même, prend en compte l'honneur et la fierté de la France, qui est d'agir, quand elle le peut, en faveur de tous. Vous proposez une démarche pédagogique à travers le principe du remboursement par les particuliers concernés des frais de secours engagés par l'État lorsque ces dépenses auraient pu être épargnées au contribuable. C'est justice pour tous les contribuables, à partir du moment où cet article exclut de fait les journalistes et les humanitaires.

À écouter les radios ce matin, monsieur le ministre, je pense qu'il faut davantage expliquer et rassurer nos concitoyens sur ces nouvelles modalités qui ne concernent ni les journalistes, ni les humanitaires, ni les situations exceptionnelles, comme vous l'avez dit et répété tout à l'heure.

En conclusion, ce texte va permettre de doter le ministère de moyens modernes, efficaces et visibles. Il est très attendu compte tenu de la situation actuelle, caractérisée par l'existence d'opérateurs divers et trop dispersés.

Le sens de ce texte est très important et il correspond à nos valeurs : la paix, les droits de l'homme, la solidarité. Les plus critiques étant souvent ceux qui n'ont rien réformé, je vous affirme que, pour ma part, je voterai en faveur de votre projet de loi qui apporte un réel progrès pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La discussion générale est close.

La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie tous de votre participation, de vos interventions et même de vos critiques.

Pour ne pas retarder l'approbation – je l'espère – de ce projet de loi, je ne vais intervenir que sur un point : l'étude d'impact. Je remercie Hervé Gaymard, car cette étude d'impact, je l'avais complètement oubliée. Elle n'a aucune valeur juridique.

Ne vous fiez pas à la hâte administrative qui a conduit à son élaboration. Je la renie complètement. Il n'est pas question que ce soit la règle qui prévale, même dans son ambiguïté, que vous avez raison de dénoncer.

Puisque ce n'est pas clair, je vous le dis clairement, et de nombreuses années de ma vie plaident pour ma sincérité. Me voyez-vous interdire aux humanitaires de faire leur métier ? D'ailleurs, ce n'est pas un métier.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

C'est une vocation ; il n'y a pas de carte d'humanitaire.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Qu'est-ce que cela signifie ? L'urgence la définit.

Nous avons discuté de ce point avec tous les juristes, puis au Sénat et en commission à l'Assemblée, messieurs les rapporteurs. Il est très clair que cette phrase sur les professionnels, l'engagement et l'urgence protège beaucoup plus qu'une liste qui aurait évidemment oublié certaines catégories et n'aurait pas protégé ceux qui n'étaient pas encartés.

L'intention de ce texte n'est pas du tout de ne pas protéger ceux-là. Lorsque nous parlons de motifs légitimement tirés notamment de leur activité professionnelle, nous englobons toutes les catégories que vous mentionnez. Journalistes, professionnels, collaborateurs occasionnels des médias, intervenants humanitaires, chercheurs et universitaires sont concernés.

Depuis le début, je vous l'ai dit, nous avons précisé cela. Nous apportons une réponse juridique à toutes vos inquiétudes.

En outre, je vous rappelle que l'État peut demander un remboursement, mais il s'agit d'une simple faculté. Ce n'est ni automatique ni obligatoire.

Je vous en prie ! Compte tenu de notre engagement – y compris de nos engagements personnels – en faveur de tous les otages, ne dites pas que nous avons favorisé en quoi que ce soit la prolongation du séjour de nos compatriotes dans des geôles impossibles ! En créant ce centre de crise, nous nous sommes acharnés à trouver une réponse.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Et j'espère, monsieur Féron, qu'une bonne nouvelle viendra très vite…

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

…vous rappeler que vous avez été excessif.

Je voulais donc dire clairement que les dispositions de cette étude d'impact sont obsolètes.

Pour le reste, j'enregistre certaines critiques. Ce texte n'est pas d'or pur ; il est imparfait. Mais son élaboration a duré trois ans et demi, ne me dites pas que nous sommes dans l'improvisation ! C'est le temps qu'il a fallu pour venir à bout des résistances et, croyez-moi, il en reste encore où vous l'imaginez et même ailleurs !

Nous n'avons pas fait passer d'un seul coup 8 000 agents culturels de l'autre côté, si j'ose dire, de cette barrière. Nous les avons maintenus, pour un temps. Pendant au plus trois ans, ils ont la possibilité de s'occuper de tout le réseau dans une agence.

Dernier point : vous me reprochez de ne pas avoir suffisamment de financements. Comme si je ne le savais pas ! Savez-vous quel est le financement d'État du British Council ? C'est 223 millions d'euros. Et celui du Goethe Institut ? C'est 250 millions d'euros. Savez-vous quelle est la contribution financière de l'État au réseau français ? Elle s'élève à 350 millions d'euros.

Ne me dites pas que nous n'avons pas fait de progrès : voilà les chiffres !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Ils ne démontrent pas que vous avez fait des progrès !

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Si, cela démontre que nous avons fait des progrès, je ne vous laisserai pas dire le contraire !

Depuis 2000 le budget culturel était en baisse, et nous avons arrêté cette baisse. Il y aurait bien des choses à vous répondre mais, pardonnez-moi, je ne veux pas allonger le débat.

Comme vous l'avez demandé, la commission sera associée, de même que l'audiovisuel, par un représentant au conseil d'administration, mais pas celui que vous imaginez d'ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. Jacques Myard, inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues et néanmoins amis, effectivement, nous devons saluer ce texte qui met en cohérence divers outils de notre politique extérieure, notamment en matière culturelle et de coopération internationale.

Plusieurs orateurs l'ont souligné, il s'agit pour la France d'accroître et de rendre plus efficace sa politique d'influence, sur le thème bien connu des publics policies – une fois n'est pas coutume, je vais employer l'anglais – des Américains qui, en matière d'efficacité, sont, eux, en cohérence avec leurs objectifs.

Je ne peux que saluer ce texte et je l'approuve. Néanmoins, monsieur le ministre, il faut bien comprendre une chose : nous ne devons nous en prendre qu'à nous-mêmes si notre pays perd de son influence, ce dont nous parlons beaucoup et ce que certains regrettent à juste titre. Pourquoi ? Nous voyons bien que cette influence dépend des outils – que vous allez améliorer – mais surtout de l'esprit et de la politique conduite.

Or, à mes yeux, l'influence de la France tient en un mot : son indépendance totale dans tous les domaines. Quand on est indépendant, on agace, on irrite. Tant mieux ! On n'agace pas, on n'irrite pas quand on rentre dans le rang et qu'on se met à l'aune du consensus mou, surtout de certains pays européens. Il ne faut donc pas hésiter à être indépendant et à en garder les moyens.

On a aussi parlé du déclin du français. C'est très simple : nous n'avons à nous en prendre qu'à nous-mêmes ! Quand, à Paris, des universitaires n'ont de cesse de vouloir ânonner un sabir, un globish international et distillent la culture française dans un idiome barbare qui n'est pas le nôtre, il ne faut pas s'étonner de la perte d'influence du français !

On a parlé depuis longtemps déjà avec Julien Benda de La trahison des clercs. Croyez-moi, nous n'avons qu'un retour bien mérité, alors que certains hauts fonctionnaires et l'ensemble du patronat français, dans les cénacles européens, ânonnent le globish au lieu d'employer la langue de Molière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Regardons cela en face. L'indépendance tant de l'esprit que de notre langue est la clef de notre réussite.

On me rétorquera : nous ne sommes plus une hyperpuissance. Monsieur le ministre, regardez-moi bien : il n'y a aucune corrélation entre la taille et la puissance ! (Rires sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Nous avons la capacité de faire bouger les lignes, car nous avons la capacité d'entraîner les autres. L'histoire internationale et de l'humanité est faite de pays de notre force mais qui avaient une cohésion interne et une volonté politique axée sur une stratégie bien définie leur permettant d'entraîner les autres et de faire bouger les lignes.

C'est cela qui est en cause, beaucoup plus encore que les moyens budgétaires – certes capitaux – et les outils qui sont nécessaires. C'est l'esprit d'indépendance qui doit primer.

Nous devons aussi privilégier les relations bilatérales. À force de se fondre, à longueur de temps, dans des actions multilatérales, la capacité de la France devient anonyme, elle fond au sein de cénacles que nous ne pouvons plus contrôler. En conséquence, nous perdons de l'influence.

L'avenir est au multibilatéral et non pas au multilatéral et à la fuite en avant dans des cénacles incontrôlés et incontrôlables.

Nous devons aussi être persuadés d'une chose : nous ne devons jamais faire confiance à une alliance avec un puissant ; c'est à nous de défendre nos intérêts, au quotidien, grâce au réseau diplomatique que nous avons et que nous devons toujours garder. Nous devons cesser de nous fondre dans un service extérieur européen qui ne sert à rien !

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Pour ceux qui ne sont pas habitués au Myard sans peine, je voulais traduire et préciser que M. Myard visait l'Europe.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur Myard, je vous le dis avec beaucoup d'affection et d'amitié : vous êtes très bon sur les chaînes de télévision anglaises et américaines.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Quand vous employez ce langage barbare que vous dénonciez, vous êtes également très clair !

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 20 .

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Je propose, à la première phrase de l'alinéa 5, de supprimer les mots : « sur leur demande ». En effet, c'est à l'État que revient la faculté d'apprécier si les bureaux de ces établissements doivent faire partie ou non des missions diplomatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Je ne vais pas faire affaire de cet amendement. J'y serais plutôt défavorable et il n'a d'ailleurs pas été adopté en commission.

Je comprends bien le souci du ministre. Cela étant, à partir du moment où l'on crée un établissement public doté de l'autonomie administrative et financière, c'est tout de même à lui qu'il revient de savoir s'il préfère être ou ne pas être dans les locaux de l'ambassade.

Je n'en fait pas une question de principe, monsieur le ministre. Je pense que l'on passe beaucoup de temps sur un sujet qui ne le mérite pas vraiment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Désolé pour notre cher rapporteur, mais je suis tout à fait d'accord avec le ministre : le fait d'inscrire tel ou tel service sur une liste diplomatique est une fonction régalienne par essence. On ne peut pas introduire la notion de demande de l'intéressé. C'est l'État qui doit le faire.

Je me souviens du jour où des représentants de La Poste – régie et service public – ont voulu s'installer à Pékin. Nous les avons fait rentrer dans le rang : ils ont été inscrits dans les actions diplomatiques de l'État. C'est à l'État – et en l'occurrence au Gouvernement – de le dire et à personne d'autre.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Surtout Jacques Myard !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

… je vais m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.

(L'amendement n° 20 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 14 , qui fait l'objet de deux sous-amendements du Gouvernement, nos 21 et 22.

La parole est à M. Hervé Gaymard.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Avant de les examiner, je paraphraserai un grand auteur écrivant dans un idiome : c'est peut-être beaucoup de bruit pour rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Vous l'avez très bien dit, monsieur Myard.

Sur ce sujet, je voudrais faire une remarque concernant l'Agence française de développement qui, d'ailleurs, n'est pas dans le texte.

Nous sommes sur l'article 1er du titre Ier.

L'amendement, que le Gouvernement a sous-amendé, vise à régler un problème qui, de l'avis général, ne devrait pas se poser.

Vous avez, monsieur le ministre, déposé un amendement au Sénat pour exclure l'AFD des établissements publics concourant à l'activité extérieure de la France, au motif que cette agence relève du code monétaire et financier ; cette question, d'ailleurs, pourrait se poser avec tout autre établissement relevant du même code. Nos collègues sénateurs ont rejeté votre amendement, sous-entendant ainsi qu'à leurs yeux l'AFD doit faire partie de la nouvelle catégorie d'établissement public instituée par le texte.

Dès lors, deux questions se posent : la première concerne le rôle de l'ambassadeur dans son pays de résidence, et la seconde l'AFD. Je ne crois pas trahir l'opinion de mes collègues en résumant nos débats en commission de la façon suivante : si nous sommes d'accord pour réaffirmer l'autorité de l'ambassadeur – notamment selon les termes du décret de 1979, et au besoin avec un peu d'emphase pour marquer clairement qu'il est le patron –, les établissements relevant du code monétaire et financiers doivent selon nous être exclus de sa tutelle, dans la mesure où leurs activités ne relèvent pas de l'action administrative dont il a la charge. Le Gouvernement et le Parlement s'accordent, je pense, sur ces deux points.

Pourquoi l'amendement que je présente a-t-il été ainsi sous-amendé ? J'avoue que je m'interroge un peu.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

C'est une façon d'approuver l'amendement ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Je suis désolé, monsieur le président, d'avoir été un peu long, mais je pense que c'était nécessaire.

L'amendement n° 14 est un compromis entre la position qui semble être celle du Sénat, celle de l'Assemblée telle qu'elle s'est exprimée en commission, et enfin celle que je crois être la vôtre, monsieur le ministre. Il permettrait de réaffirmer l'autorité de l'ambassadeur dans son pays de résidence tout en ménageant le cas particulier de certains établissements contribuant à l'action extérieure de la France, tels que l'AFD ou tout autre établissement régi par le code monétaire et financier. Pour ce faire je propose de rédiger comme suit la fin de l'alinéa 5 : « sous l'autorité des chefs de mission diplomatique, dans le cadre de la mission de coordination et d'animation de ces derniers et sans préjudice des particularités de leur action relevant des dispositions du code monétaire et financier. »

J'ajoute, pour terminer, que l'expression : « mission de coordination et d'animation » fait explicitement référence au décret de 1979, que nous renforçons par les mots : « sous l'autorité des chefs de mission diplomatique ».

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. le ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 14 et défendre les sous-amendements nos 21 et 22 .

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Je suis entièrement d'accord avec vous sur le fond, monsieur le rapporteur : l'autorité de l'ambassadeur ne peut s'exercer sur un établissement bancaire tel que l'AFD. Si les mots : « sous l'autorité des chefs de mission diplomatique » me conviennent tout à fait, l'expression : « dans le cadre de la mission de coordination et d'animation de ces derniers » me semble définir l'autorité de l'ambassadeur de façon trop réductrice. Cette autorité, en effet, s'étend théoriquement à l'ensemble des activités qui concernent notre pays. Je vous mets donc en garde : l'amendement tend à suggérer que l'AFD se coordonne et s'anime mais ne se dirige pas ; d'où le sous-amendement n° 21 .

Quant au sous-amendement n° 22 , il vise à supprimer les mots : « des particularités de leur action relevant ». C'est en effet l'ensemble des activités de l'AFD qui doivent être exclues du champ soumis à l'autorité de l'ambassadeur. Pardon d'avoir été un peu long ; mais, je le répète, nous sommes d'accord sur le fond : il n'est pas question de placer l'AFD sous l'autorité de l'ambassadeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Je ne souhaite pas non plus m'appesantir sur la question, d'autant que nous n'avons pas de divergences sur le fond.

Le sous-amendement n° 21 ne me pose pas de problème de principe, monsieur le ministre, mais si l'on pousse votre logique jusqu'au bout, il faudrait abroger le décret de 1979, dont je n'ai fait que reprendre les termes – « coordination » et « animation » – à la lettre.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Je le répète, je propose de renforcer ce décret par l'expression : « sous l'autorité des chefs de mission diplomatique », qui n'y figure pas. Mon amendement ne doit pas être lu à contresens : les termes « coordination » et « animation » ne relativisent pas le mot « autorité » ; c'est le mot « autorité » qui renforce au contraire le rôle de l'ambassadeur.

Je n'ai pas non plus d'objection majeure contre le sous-amendement n° 22 . J'appelle néanmoins votre attention, monsieur le ministre, sur le fait qu'une part des activités de l'AFD relèvent tout de même d'autre chose que de l'activité bancaire, du moins telle qu'on la définit habituellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

C'est si vrai qu'une convention entre l'AFD et l'État, régulièrement révisée – la dernière fois, ce fut en juin ou juillet 2009 –, précise les sujets qui concernent directement l'ambassadeur et ceux sur lesquels il est seulement informé.

Soustraire l'ensemble des activités de l'AFD – y compris celles qui relèvent de l'État souverain – à l'autorité de l'ambassadeur affaiblirait un peu celle-ci, je le crains. Reste que ce n'est pas un sujet majeur et, compte tenu de vos remarques, monsieur le ministre, je m'en remets à la sagesse de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je veux appuyer l'amendement du rapporteur. Le sujet a été longuement débattu en commission, et je regrette d'ailleurs que nous entamions l'examen des articles par le point le plus dur : si nous approuvons la plupart des amendements du Gouvernement, notre position, sur ce point précis, est légèrement divergente.

Je dirai même, monsieur le ministre, que vos sous-amendements me troublent. M. le rapporteur a rappelé la genèse de cette affaire, dont chacun a bien compris qu'elle concernait en réalité l'AFD – ce qu'explicitait l'amendement n° 25 , même si l'on m'apprend à l'instant que vous l'avez retiré –, agence que le Sénat souhaitait voir rester sous le contrôle de votre ministère. Sur ce point, nous pensons, comme vous, que la Haute assemblée est allée trop loin : placer l'AFD sous l'entière autorité des ambassadeurs l'empêchera de réaliser toutes ses opérations habituelles, notamment les emprunts sur les marchés et les prêts qu'elle octroie aux États étrangers. Tout cela nécessite une certaine confidentialité, d'ailleurs logiquement exigée par ces États.

En revanche, nous voulons vous aider.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Je vous en remercie ! J'avais compris, d'ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Nous souhaitons en effet que vous conserviez une certaine autorité, une certaine influence sur l'AFD, dont vous ne pouvez pas nous dire qu'elle échappe complètement à l'autorité de votre ministère : ses missions relèvent, au moins en partie, de l'action extérieure de l'État. Or, si nous adoptions vos sous-amendements, vous-même et les ambassadeurs n'auriez qu'une très faible autorité sur cet établissement.

Je ne sais pas très bien d'où viennent ces sous-amendements, et je ne suis pas sûr qu'ils sont de votre fait. Par conséquent, j'approuve l'amendement du rapporteur : je le répète, nous souhaitons que vous gardiez, sinon une autorité complète, du moins une influence forte sur l'AFD. Nous ne pouvons donc pas souscrire à vos sous-amendements. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Ce qu'a dit Axel Poniatowski est très juste. La politique d'aide publique au développement, qui passe notamment par l'AFD, est centrale dans la stratégie et la politique françaises ; elle est conduite non seulement dans l'intérêt des pays qui en bénéficient, mais aussi du nôtre. Conserver cette autorité directe sur l'AFD est donc indispensable.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Je comprends le grand intérêt de ces débats, et je souscris à vos propos, monsieur le président de la commission. Néanmoins, nous avons perdu de vue que l'établissement visé est l'Institut français, et non l'AFD, au sujet de laquelle on peut en effet parler sans fin. Je suis toutefois d'accord avec M. le rapporteur, et m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.

(Les sous-amendements nos 21 et 22 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L'amendement n° 14 est adopté.)

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 3 .

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

Il paraît important qu'un membre de l'Assemblée des Français de l'étranger siège aux conseils d'administration des établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France. C'est pourquoi nous souhaitons compléter l'alinéa 5.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Défavorable. Cette question ne relève pas du domaine de la loi. Du reste, je me suis engagé à ce qu'un membre de l'Assemblée des Français de l'étranger siège au conseil d'administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Si vous vous êtes engagé à le faire, monsieur le ministre, pourquoi ne pas l'inscrire dans la loi ? Les ministres changent, les points de vue aussi. Il serait utile d'écrire cela dans la loi.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Je le répète, cela n'est pas du niveau de la loi, mais du niveau réglementaire, et je me suis engagé à le faire.

(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 2 .

La parole est à Mme Pascale Crozon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Crozon

La loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public prévoit que le nombre de représentants des salariés doit être égal au moins au tiers du nombre des membres du conseil d'administration. Nous souhaitons maintenir cette disposition et ne pas réduire la représentation du personnel dans le conseil d'administration. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'alinéa 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Cet amendement a été examiné et rejeté en commission, afin de ne pas alourdir la composition du conseil d'administration.

(L'amendement n° 2 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 17 .

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Il s'agit, à l'alinéa 1, de substituer aux mots : « de la Conférence », les mots : « des conférences ». Il existe en effet plusieurs conférences des chefs d'établissement de l'enseignement supérieur et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Au-delà du cas d'espèce, il faut reconnaître que nous nous heurtons à quelques difficultés de précision juridique. Il est dommage de devoir consacrer du temps à de telles questions dans l'hémicycle. Une loi du 10 août 2007 – ce qui n'est pas si vieux – a ainsi modifié l'article L. 233-1 du code de l'éducation : « La Conférence des chefs d'établissements de l'enseignement supérieur est composée des responsables des écoles françaises à l'étranger, des directeurs des instituts et des écoles extérieurs aux universités ainsi que des membres de deux conférences constituées respectivement :

« – des présidents d'université, des responsables des grands établissements et des directeurs d'écoles normales supérieures ;

« – des responsables d'établissements d'enseignement supérieur, d'instituts ou écoles internes à ces établissements habilités à délivrer le diplôme d'ingénieur et des directeurs des écoles d'ingénieurs, autres que celles relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur, ayant, le cas échéant, reçu l'approbation de leur autorité de tutelle. »

Une loi de 2007 précise donc que la Conférence – avec un grand C – inclut tout : les universités, les grandes écoles, les écoles d'ingénieur. Et nous avons ici un amendement qui nous dit qu'il ne faut plus faire référence à ce texte. Nous sommes dans le juridisme pur, j'en suis désolé. C'est la question de la qualité de la rédaction de nos textes qui se pose ici. Je suis donc défavorable à votre amendement, quoique je n'aie pas envie de vous faire de la peine. (Sourires.)

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

On n'a jamais vu un débat aussi amical. Cet amendement vient du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui, sans doute sait ce que cette correction signifie. Comme vous nous avez proposé la cotutelle et que nous l'avons acceptée, vous allez me brouiller avec Mme Pécresse ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Monsieur le rapporteur, je ne me permettrai pas de vous faire une suggestion.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Dans ces conditions, ne croyez-vous pas qu'il serait plus simple de vous en remettre à la sagesse de l'Assemblée ?

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Merci, monsieur le rapporteur !

(L'amendement n° 17 est adopté.)

(L'article 5 bis, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Je suis saisi d'un amendement n° 24 rectifié , qui fait l'objet de deux sous-amendements.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Cet amendement vise à entériner le rattachement de toutes les activités internationales du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires à l'établissement public Campus France, sur la base d'un rapport qui en précisera le calendrier et les modalités et que le Gouvernement remettra au Parlement au plus tard un an après la promulgation de la loi.

Je vous rappelle que Campus France est appelé à être l'acteur de la mobilité étudiante internationale. Il devra en particulier gérer les bourses du Gouvernement français pour les étudiants étrangers, dont vous avez beaucoup parlé dans vos interventions. Or, aujourd'hui, une partie de ces bourses – environ la moitié – est gérée par le CNOUS. Autrement, dit, il existe deux guichets et j'ai demandé, tout à l'heure, qu'il n'y en ait plus qu'un seul. C'est pourquoi cet amendement est important.

Il est ainsi rédigé : « Toutes les activités internationales du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires sont intégrées à l'établissement public “Campus France” selon des modalités et un calendrier prévus par un décret à l'issue d'un rapport remis par le Gouvernement, au plus tard un an après la promulgation de la présente loi, aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

« À la date d'intégration des activités internationales du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires à l'établissement public “Campus France”, les biens, droits et obligations liés à ces activités sont transférés de plein droit et en pleine propriété à l'établissement public sans perception d'impôts, de droits ou de taxes. »

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 24 rectifié et présenter les sous-amendements nos 27 et 28 .

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

La commission a adopté cet amendement gouvernemental, mais souhaite y apporter des précisions, qui font l'objet de deux sous-amendements.

Le premier, n° 27, concerne le premier paragraphe de la nouvelle rédaction de l'article 5 ter. Il n'est en effet pas possible de subordonner dans la loi un tel transfert de personnel et d'activités à un calendrier que fixerait un simple rapport administratif. Je propose donc que la loi précise que le rapport devra être remis avant le 1er juin 2011, c'est-à-dire dans moins d'un an.

Le second amendement, n° 28 , vise à prévoir une date butoir, le 31 décembre 2011, pour que cela prenne effet au cours de l'année budgétaire 2012.

Sur le fond, on parle ici des activités internationales du CNOUS, mais, en réalité, ce sont localement les CROUS, les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, qui mettent en oeuvre l'accueil des étudiants étrangers. Dès lors, les relais locaux d'Égide qui seront intégrés dans le nouvel EPIC risquent de faire doublon. Ils sont d'ailleurs en général plus coûteux que les CROUS, d'après ce que nous apprend la comptabilité analytique. Le rapport qui est prévu doit étudier cette dimension territoriale, puisque c'est là que les choses se font, dans les facultés gérées par les CROUS.

Enfin, on parle toujours des boursiers, mais 90 % des étudiants étrangers en France ne sont pas boursiers. Il ne faut donc pas être réducteur. La question ne concerne pas seulement les étudiants boursiers, mais tous les étudiants étrangers en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements ?

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. Nous supprimons les relais régionaux d'Égide. Vous avez raison, il faut songer à équilibrer cela. Le Gouvernement est d'accord avec le premier sous-amendement, et s'en remet à la sagesse de l'Assemblée pour le second.

(Les sous-amendements nos 27 et 28 , successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L'amendement n° 24 rectifié , sous-amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Tony Dreyfus

En conséquence, ce texte devient l'article 5 ter.

(Mme Danielle Bousquet remplace M. Tony Dreyfus au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n° 9 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 19 .

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Dans l'esprit du rapport de M. Nicolas Tenzer mais dans le contexte nouveau créé par la présente loi, cet amendement vise à demander au Gouvernement de se saisir à bras-le-corps du thème de l'insuffisante coordination de l'expertise technique internationale mise en oeuvre par de nombreux organismes publics français. Le Parlement souhaiterait y voir plus clair en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Je suis favorable à l'amendement n° 9 de M. Gaymard, sous réserve de la substitution des mots : « un an » aux mots : « deux ans ».

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Favorable.

(Le sous-amendement n° 19 est adopté.)

(L'amendement n° 9 , sous-amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n°4 .

La parole est à M. Hervé Féron.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Nous proposons de donner pour intitulé au chapitre III « L'Institut français Victor-Hugo ». Il s'agit de donner plus de visibilité à notre action culturelle extérieure. En effet, si l'adjectif « français » figure dans la dénomination d'un grand nombre d'organismes de toutes sortes, quelle peut être la visibilité d'un organisme simplement dénommé « institut français » quand existent par ailleurs l'Alliance française, Atout France, les centres culturels français, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, etc. ?

Nous proposons donc d'accoler à la dénomination « institut français » le nom de Victor Hugo, auteur le plus célèbre à l'étranger, de surcroît emblématique d'un certain nombre de belles valeurs françaises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il était contre la peine de mort ; moi, je suis pour !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Le nom de Victor Hugo permettra d'identifier cette action culturelle extérieure.

Ainsi que je l'ai dit dans la discussion générale, il me semble important de regarder ce qui se fait également à l'étranger. Un certain nombre de pays ont opté pour des dénominations reprenant le nom d'un grand homme qui représente les valeurs du pays. Grâce à cela et à un accompagnement budgétaire adéquat, les instituts de tous ces pays sont en plein essor. Cela n'est pas le cas des instituts français.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles d'Ettore

À l'époque où nous avons débattu du sujet en commission des affaires culturelles, cher Hervé Féron, nous n'avions pas connaissance de l'ensemble d'un texte dans lequel figureront également les dénominations « Campus France » et « France Expertise ».

Le nom « Institut français » donne une visibilité plus forte. Nous nous sommes tous plaints du morcellement de l'action française à l'étranger, mais le mot France est aussi un beau mot, porteur d'un message universel et évocateur du pays des droits de l'homme. « Campus France », « France Expertise » et « Institut français » forment ainsi un bloc relativement homogène. Faisons donc attention.

En outre, s'il existe des instituts Goethe et Cervantès, n'oublions pas le British Council. Si certains pays retiennent le nom d'un auteur célèbre, d'autres retiennent le seul nom de leur nation. Aussi prestigieux soit Victor Hugo, est-il bon de réduire l'action extérieure de l'État à un seul auteur français ?

Nous pouvons donc nous interroger sur l'opportunité d'un tel amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Je vous donnerai simplement les noms de baptême d'un certain nombre de centres culturels qui existent déjà : Blaise-Cendrars à Douala ; André-Malraux à Brazzaville ; Arthur-Rimbaud à Djibouti ; Saint-Exupéry à Libreville ; Alexandre-Dumas à Tbilissi ; Alcibiade-Pommayrac à Jacmel ; Galliera à Gênes ; Romain-Gary à Jérusalem-Ouest ; Albert-Camus à Tananarive ; Charles-Baudelaire à Rose-Hill ; Jean-Rouch à Niamey ; Charles-Nodier à Ljubljana ; etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Il me semble que le terme générique d'Institut français est approprié pour synthétiser la diversité ainsi exprimée.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Ce n'est pas moi blâmerai M. Féron, car j'approuvais l'idée qu'il vient de défendre. Je crois même que c'est moi qui l'ai émise.

Dans les sondages que nous avons pratiqués, le nom de Victor Hugo apparaissait en tête de ceux susceptibles d'être retenus pour désigner nos instituts culturels. S'il n'était pas extraordinairement loin devant celui qui le suivait,…

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

…il n'en arrivait pas moins en tête.

Depuis lors, nous avons beaucoup travaillé avec les alliances françaises. C'est pourquoi ma position est désormais proche de celle exprimée par M. le rapporteur pour avis. Nous avons vraiment créé une synergie entre les alliances françaises et l'Institut français, dont le fruit est un logo commun, décliné en deux couleurs différentes, que vous pouvez voir sur les panneaux que je vous ai apportés. Ne le trouvez-vous pas ravissant, mesdames, messieurs les députés ?

J'approuve donc l'idée exprimée par les rapporteurs d'une appellation générique « Institut français ».

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre, vous avez votre avis, nous avons le nôtre, et vous êtes majoritaires, dont acte ; mais, de grâce, monsieur le rapporteur, lorsque vous citez tous ces noms, ne parlez pas de « noms de baptême » !

(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n° 10 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Cet amendement vise à préciser les relations entre le ministère des affaires étrangères, ses partenaires –notamment le ministère de la culture, évoqué tout à l'heure par M. le ministre des affaires étrangères –, la nouvelle agence culturelle et le réseau culturel français à l'étranger.

(L'amendement n° 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n° 16 .

La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Je propose de supprimer, à l'alinéa 9, les mots « en partenariat avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger », car celle-ci n'est pas le seul organisme actif dans le domaine de la promotion du français à l'étranger et il n'est pas possible de les citer tous. Or j'estime que, si nous n'en citons qu'un, nous faisons mauvaise route.

(L'amendement n° 16 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

En application de l'article 95, alinéa 5, du règlement et dans le souci d'un bon déroulement des débats, la discussion de l'amendement n° 11 est réservée jusqu'après l'amendement n° 12 .

Nous passons donc à la discussion de l'amendement n° 12 .

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Cet amendement vise simplement à préciser les relations entre la nouvelle agence culturelle et le réseau culturel français à l'étranger.

(L'amendement n° 12 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Nous en venons à l'amendement n° 11 , qui avait été précédemment réservé.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Il s'agit de ce que l'on appelle un amendement de conséquence, conséquence inversée en l'occurrence.

(L'amendement n° 11 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 6, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. François Rochebloine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Par cet amendement, comme je l'ai indiqué tout à l'heure au cours de la discussion générale et comme le permet l'article 37-1 de la Constitution, je propose une expérimentation, dans cinq pays étrangers au moins, du regroupement en un unique établissement à autonomie financière des implantations du réseau culturel français à l'étranger et des alliances françaises présentes localement, et ce pendant trois ans, sur avis conforme de la Fondation Alliance française.

Le Gouvernement rendrait compte de cette expérimentation chaque année, devant les commissions permanentes compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Cet amendement reprend une proposition phare de la mission que j'ai eu l'honneur de présider sur le rayonnement de la France à l'étranger. Je précise que, contrairement à ce que certains ont prétendu, cette proposition ne se heurte à aucun obstacle juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Cet amendement m'intéresse mais me rend quelque peu perplexe.

La mission Rochebloine, à laquelle je rends hommage, a accompli un travail remarquable, tout à fait cohérent avec le projet dont nous débattons cet après-midi. Cependant, les auditions auxquelles nous avons procédé à l'occasion de l'examen de ce projet de loi nous ont conduits à rencontrer le président de l'Alliance française, qui nous a expliqué – je le dis sous le contrôle de M. le ministre – que chaque alliance française avait un statut différent, toujours de droit local, et donc de droit privé.

En tant que législateur, j'aurais donc, en adoptant cet amendement, le sentiment de stipuler pour autrui et de nationaliser, pour ainsi dire, des établissements privés.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Il s'agirait, j'ai bien compris, d'une expérimentation, mais, même pour une expérimentation, toutes les parties doivent être d'accord. Or je ne sais pas si le réseau des alliances souscrit aujourd'hui à l'idée d'une telle expérimentation.

Je précise qu'il existe déjà une relation entre le réseau culturel public à l'étranger et les alliances françaises. Certains directeurs sont déjà nommés par le ministère des affaires étrangères, qui prend en charge certaines rémunérations.

J'approuve tout à fait l'idée d'aller plus loin dans les synergies. En revanche, je crains que l'adoption d'une telle proposition ne soit perçue par les alliances comme l'expression d'une volonté d'hégémonie, alors qu'elles tiennent à leur indépendance, signalée notamment par le statut de droit local privé, et alors que la plupart d'entre elles tirent leurs ressources de financements extra-budgétaires locaux.

En somme, je comprends bien l'idée qui fonde cet amendement – j'y souscris en partie – mais je crains que son éventuelle adoption ne soit mal interprétée.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Le rapporteur s'est pratiquement exprimé en mon nom : je pense la même chose que lui.

Notre dialogue avec les alliances françaises et M. Jean-Pierre de Launoit est extrêmement précieux, et je ne veux pas y porter atteinte. Laissons donc faire les choses.

En outre, je pense que l'exemple de Buenos Aires sur lequel vous vous appuyez, monsieur Rochebloine, présente un caractère fort conjoncturel, non juridique. Il s'agit d'une collaboration entre les établissements à propos de leçons de français. Bien entendu, une telle collaboration est tout à fait envisageable, mais cela justifie-t-il une ingérence – certes, de mon point de vue, le mot n'est pas uniquement péjoratif – dans un pays étranger ? Cela me paraît en tout cas délicat, et ce serait perçu effectivement comme l'expression d'une volonté hégémonique.

En tout cas, cela marche bien. Nous allons signer une convention et, grâce à vous, si je comprends bien, nous pourrons avoir cette agence qui commencera par un exemple, puis deux, trois ou je ne sais combien de projets que nous mènerons à bien ensemble, avec les alliances françaises et les instituts. Ce sera notre façon de démarrer dès que l'agence sera réalisée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Je comprends les arguments du rapporteur et du ministre. Mais je suis un peu déçu, car je proposais une expérimentation. Certes, vous avez développé vos arguments et je les comprends, mais j'estime que votre refus est regrettable. Avec mes collègues ici présents qui ont participé à la mission d'information, nous nous sommes rendus dans différents pays où nous avons pu apprécier le travail mené par les alliances.

Il nous avait semblé que notre proposition était réalisable. Cela étant, même si je montre de l'obstination dans ma démarche, monsieur le ministre, je ne suis pas têtu et, tenant compte de vos remarques et de celles du rapporteur, je retire cet amendement.

(L'amendement n° 1 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n° 23 .

La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Cet amendement concerne le chapitre III du titre Ier. La commission des affaires étrangères a exclu la politique de l'expertise internationale du champ de l'opérateur de mobilité. Or la projection de notre expertise à l'étranger revêt une importance majeure. Nous avons tous accepté l'idée nécessaire du renforcement de nos capacités.

Je propose donc de renforcer le pôle public d'expertise technique internationale qu'est France Coopération Internationale en le transformant en un établissement public industriel et commercial, ce qui donnera une plus grande souplesse de gestion.

Dans l'amendement n° 23 , je propose d'insérer, après l'article 6 ter, un article 6 quater, ainsi rédigé : « Il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé « France Expertise Internationale », placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et soumis aux dispositions du chapitre premier du titre premier de la présente loi. » Ayant lu l'essentiel de cet article, je vous laisse découvrir la suite dans le texte de l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

La commission est très favorable à cet amendement et salue l'inventivité de notre rapporteur pour avis, Gilles d'Ettore, qui avait imaginé ce nom de baptême républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je tiens, moi aussi, à vous féliciter, monsieur le ministre, de cette initiative. Après que les commissions ont retiré l'expertise internationale d'un seul EPIC, le fait que vous preniez l'initiative d'en créer deux est considéré comme une disposition extrêmement positive par l'ensemble de la commission.

(L'amendement n° 23 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Les articles 7 à 12 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je vais les mettre aux voix successivement.

(Les articles 7, 8, 9, 9 bis A, 9 bis, 10, 11 et 12, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie de deux amendements, nos 15 et 8 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Robert Lecou.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Lecou

Monsieur le ministre, je partage votre démarche consistant à responsabiliser celles et ceux qui, ne prenant pas en compte les communications de votre ministère, se déplacent imprudemment dans des pays où il est difficile de voyager sans prendre de risques.

D'autant que certains professionnels du voyage, prenant ces risques pour leurs clients, se tournent ensuite vers l'État au titre de la responsabilité pécuniaire. Votre démarche qui consiste à responsabiliser les imprudents mérite donc d'être accompagnée.

Toutefois, l'écriture de l'article 13, cela a été souligné dans les interventions liminaires, peut donner lieu à interprétation. L'étude d'impact précise que certains milieux professionnels tels que les journalistes ou les grands reporters pourraient y voir une entrave à l'exercice de leur profession, même si la notion de « motif légitime » peut, dans une certaine mesure, justifier leur présence dans des zones dangereuses.

Pour ma part, la lecture de l'article 13 tel qu'il est rédigé m'inquiète. Parmi les libertés fondamentales, la liberté de circuler et la liberté d'expression me paraissent essentielles. Or la liberté d'expression passe par la possibilité, pour tous les journalistes, d'aller sur tous les théâtres d'opérations du monde.

Je pense aussi à un certain nombre de Français qui, en se déplaçant à l'étranger, qu'il s'agisse d'archéologues, d'universitaires, de chercheurs, se sont parfois retrouvés dans des situations difficiles qui peuvent en effet amener la France à intervenir. Et, dans ces cas de figure, c'est l'honneur de la France d'intervenir.

Ces libertés fondamentales me semblent nécessiter une écriture plus précise. C'est pourquoi je propose un amendement n° 15 qui vise à ne pas écarter celles et ceux qui se déplacent pour leur travail et à préciser plus particulièrement ceux qui ont une activité très ciblée, comme « les journalistes et les travailleurs des médias, les intervenants humanitaires, les chercheurs et universitaires, en mission, ainsi que toute autre personne ayant pris des risques dans le cadre de son activité professionnelle ou dans une situation d'urgence ».

Monsieur le ministre, là est ma préoccupation. L'étude d'impact a posé le problème. Je ne voudrais pas que le juge administratif saisi puisse mal interpréter un texte dont vous nous avez dit tout à l'heure que l'objectif n'était pas de viser ces catégories de personnes, mais seulement de responsabiliser les inconscients qui prennent des risques inconsidérés. Or mon amendement précise que les catégories citées sont totalement exclues du dispositif. En outre, contrairement à l'amendement n° 8 , la rédaction que je propose exclut également du dispositif les personnes ayant pris des risques dans le cadre de leur activité professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Je reviendrai d'abord à ce que vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre. Je crois que vous vous trompez ou que vous avez mal entendu mes propos. À aucun moment, bien sûr, je n'ai voulu insinuer que vous n'aviez pas fait tout ce que vous pouviez pour avancer le plus rapidement possible, s'agissant de la situation des deux journalistes. (« Ah ! tout de même ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Féron

Je vous engage à lire mes propos dans le compte rendu. Vous étiez nombreux à vociférer, mais relisez mon intervention et vous constaterez que je n'ai rien dit de tel.

Par contre, s'il suffit d'être en désaccord avec vous et de faire référence à l'actualité pour être jugé comme étant excessif, c'est regrettable ! Je suis d'accord avec M. Lecou : ce texte est intéressant dans son approche des touristes qui prennent des risques inconsidérés. Il est à l'évidence nécessaire d'instaurer un dispositif, mais votre texte est insuffisant et flou. L'étude d'impact a fait surgir quelques inquiétudes. Les propositions de M. Guéant et du général Georgelin en suscitent d'autres. Enfin, dans le texte, l'essentiel n'est pas dit.

C'est pourquoi nous proposons d'insérer l'alinéa suivant : « Les journalistes, les professionnels et collaborateurs occasionnels des médias, les intervenants humanitaires, les chercheurs et universitaires, en mission, sont exclus du champ d'application de la disposition prévue au premier alinéa. » Car, contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, cela ne figure pas dans le texte et ces personnes ne sont pas exclues du dispositif. Lorsque vous dites que, dans notre proposition, nous excluons seulement des professionnels, vous vous trompez, car nous proposons d'exclure, certes, des journalistes et des professionnels, mais aussi des collaborateurs occasionnels des médias. Nous pensons à ceux qui n'auraient pas la carte dont vous avez parlé. Nous excluons également les intervenants humanitaires, car il s'agit d'une activité, et l'on est loin du champ professionnel. Le texte, quant à lui, précise seulement : « sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ». Les intervenants humanitaires ne tirent pas de motif légitime de leur activité professionnelle puisqu'ils ne sont pas en situation professionnelle.

Ces personnes doivent, au nom de la liberté d'expression et de la liberté de la presse, pouvoir travailler et mener leur activité dans de bonnes conditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

J'ai évoqué cette question dans mon propos liminaire. Il faut distinguer, d'une part, les faits, d'autre part, leur interprétation.

S'agissant d'abord des faits, la rédaction de l'article 13, très large, englobe toutes les professions. Je le cite : « L'État peut exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu'il a engagées ou dont il serait redevable à l'égard de tiers à l'occasion d'opérations de secours à l'étranger au bénéfice de personnes s'étant délibérément exposées, sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d'une situation d'urgence, à des risques qu'elles ne pouvaient ignorer. Les conditions d'application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'État. »

L'article 13 me semble avoir une portée très large.

Toujours dans les faits – je l'ai dit dans mon propos liminaire –, il y a l'étude d'impact. Il est vrai que l'alinéa de l'étude d'impact que j'ai lu à la tribune est extrêmement contestable. J'estime qu'il faut rayer cet alinéa de l'étude d'impact, car il donne prétexte à une interprétation juridique ou politique.

S'agissant ensuite de l'interprétation des faits, nous avons tous un devoir de responsabilité dans notre expression. Dans le cadre du travail que vous m'avez confié comme rapporteur, j'ai demandé à recevoir les syndicats et les organisations de journalistes. Nous avons évoqué très librement ces questions et précisé que l'article 13 ne s'opposait pas au travail des journalistes.

Mais j'ai reçu ce matin un appel téléphonique au cours duquel on me demandait de réagir, sur une chaîne de radio nationale, « sur les otages qui devraient payer leurs frais de libération » !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Voilà comment est interprété l'article 13 en dehors de notre hémicycle !

En revanche, la presse ne m'a posé aucune question sur la politique culturelle extérieure, la politique de l'expertise ou la politique d'attractivité universitaire, qui sont partie intégrante du texte. La seule question portait sur l'article 13 et l'on m'a accusé de vouloir faire payer leur libération aux otages !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Il faut raison garder, et ne pas se laisser impressionner ni tyranniser par des informations qui ne sont pas vraies.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gaymard

Puisqu'il s'agit, je le rappelle, d'un texte issu du Gouvernement et non du Parlement, le ministre pourra vous le dire lui-même. L'article 13 me semble extrêmement large ; l'étude d'impact est quant à elle sujette à caution, j'en conviens, et je l'ai dit à la tribune.

Peut-être, monsieur le ministre, pouvons-nous trouver une solution qui permette de clarifier définitivement la situation, si plusieurs acteurs de ce dossier, au-delà même de cet hémicycle, ne veulent pas perdre la face. Je dis les choses comme je le pense.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Mesdames, messieurs les députés, je comprends et je partage votre sentiment de malaise. Ce que nous avons voulu faire, ce que nous faisons tous les jours et toutes les nuits, c'est porter assistance à nos concitoyens lorsqu'ils sont en danger, ou tenter de les libérer lorsqu'ils sont pris en otage. Nous le faisons sans compter notre temps et sans présenter la note.

Mais – pardonnez-moi de le dire – il ne faut pas les confondre avec ceux qui nous mettent dans l'embarras parce qu'ils ne peuvent rentrer de vacances à cause d'une grève, d'un empêchement, d'une révolution, ou parce qu'ils ne peuvent se rendre à l'aéroport, et que nous devons payer puisque, par extension, et alors même qu'ils ne sont pas en danger de mort, les citoyens français – à la différence de presque tous les autres – se révoltent si leur gouvernement ne les rapatrie pas. Cela n'a rien à voir avec la situation qui nous met mal à l'aise !

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Du reste, au ministère des affaires étrangères, nous recevons très souvent les représentants d'agences de voyage, avec lesquels nous dialoguons en permanence et auxquels nous communiquons les informations dont nous disposons sur les pays à risque où ils proposent d'emmener des groupes importants de touristes, voire, jouant sur le danger, de petits groupes que celui-ci attire.

Nous leur enjoignons alors de faire très attention ; nous leur indiquons qu'à un moment donné, nous ne pourrons plus les aider et nous les prévenons qu'une assurance sera nécessaire pour que leurs clients voyagent en toute sécurité, car nous leur demanderons des comptes.

Je le répète, cela n'a rien à voir avec la situation dont nous parlons. Le texte que nous avons rédigé, et que Hervé Gaymard vient de lire, est particulièrement large. Il a été écrit par des juristes, jusqu'au Conseil d'État, afin d'être interprété de la façon la plus humaine possible. Il n'est pas question de recourir automatiquement à une juridiction particulière pour que l'on nous rembourse.

D'autre part, j'ai bien compris la demande de votre rapporteur. Mais l'article dispose que « les conditions d'application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret en conseil d'État ». Faites-nous donc confiance ! Nous n'avons pas l'intention de retarder ou d'empêcher de quelque manière que ce soit le départ des journalistes ou des humanitaires, bien au contraire. Voilà pourquoi nous avons expressément mentionné les situations d'urgence. L'article parle d'un motif « tiré notamment de leur activité professionnelle » : l'adverbe montre combien le texte est large.

Ne me reprochez pas de tenter d'empêcher les autres de faire ce que j'ai fait toute ma vie. Ce n'est tout simplement pas vrai ! Je vous demande de faire preuve d'un peu d'indulgence à l'égard de cette rédaction extrêmement méticuleuse, et de nous prier d'être très attentifs à la rédaction du décret en Conseil d'État.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles d'Ettore

Monsieur Féron, peut-on reprocher à un texte de loi d'être général ? Pourquoi devrait-il mentionner des professions particulières ? Si nous venions à en oublier une, nous serions coupables si un Français qui l'exerce était ensuite fait prisonnier à l'étranger.

Ensuite, doit-on exonérer les journalistes de toute responsabilité ? Puisque l'on parle de liberté d'information, à quel titre ne serions-nous pas librement informés du coût de la libération de journalistes ? Je vous retourne votre question.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles d'Ettore

On se plaint de ce qu'un général ait déclaré que la libération des journalistes otages coûterait plusieurs millions d'euros. Certes, tout sera fait pour les libérer ; mais le contribuable ne doit-il pas disposer de cette information ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles d'Ettore

Vous avez vous-même évoqué cette question. Pour ma part, comme contribuable français, je souhaite savoir combien coûtera cette libération.

Cela ne signifie pas que je dénie aux journalistes la liberté de faire leur travail ! Mais qu'ils le fassent en connaissance de cause. Je le répète, je ne vois pas à quel titre un journaliste serait exonéré de la responsabilité à laquelle tout citoyen est tenu.

Que l'article reste général, cela me semble parfaitement cohérent eu égard à toutes les catégories de population. Nous sommes donc favorables au maintien de sa rédaction. Monsieur Lecou, a-t-on jamais vu l'État français refuser de tout faire pour libérer un journaliste détenu à l'étranger ?

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Le débat qui nous oppose montre qu'il y a malheureusement ambiguïté…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

…et l'intervention du rapporteur pour avis ne fait qu'alimenter le trouble. L'anecdote rapportée par Hervé Gaymard confirme du reste que, si ce texte n'est pas compris comme il doit l'être, c'est qu'il pose un problème.

Je ne soupçonne ni le ministre, ni le Gouvernement, ni même la majorité de mauvaises pensées. Mais, je le disais tout à l'heure, il y a le texte et il y a le contexte. Le contexte, on le connaît, et M. Féron l'a rappelé tout à l'heure : il s'agit des déclarations de MM. Guéant et Georgelin, auxquelles s'ajoute le climat qui entoure certaines affaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Toute l'argumentation du ministre repose sur la bonne foi que nous devrions lui supposer.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Et sur le texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Nous lui faisons sans problème crédit de sa bonne foi. Mais vous avez dit mot pour mot, monsieur le ministre, que vous aviez tout fait pour que le texte puisse être interprété de la façon la plus humaine possible.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Or c'est bien là le problème : le texte peut être interprété de la façon la plus humaine possible, mais il peut aussi ne pas l'être.

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Voilà ce qui nous dérange et nous conduit à nous interroger.

Je le répète, nous ne vous faisons aucun procès, monsieur le ministre, mais il nous semble qu'une rédaction plus précise aurait été souhaitable. Du reste, vous le reconnaissez en quelque sorte en spécifiant que « les conditions d'application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret en conseil d'État ».

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Cette phrase montre bien que le texte est imprécis et ambigu.

Pour notre part, nous ne défendons pas à tout prix telle ou telle rédaction ; je trouve même que celle proposée par notre collègue Lecou est un peu meilleure que la nôtre, et nous sommes prêts à nous y rallier.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Quoi qu'il en soit, tout ce qui vient d'être dit, y compris les arguments censés défendre la rédaction actuelle, montre qu'il y a ambiguïté. Puisque nous sommes tous d'accord quant au fond, du moins je l'espère, nous devrions nous efforcer de parvenir à une rédaction un peu plus précise.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Lecou

Monsieur le ministre, vous avez dit que les commentaires contenus dans l'étude d'impact étaient obsolètes. Cet éclaircissement est important : l'étude d'impact n'est donc pas un texte de référence, et seuls servent de référence les propos que vous tenez dans cet hémicycle – les mêmes, au demeurant, que ceux que vous avez tenus lors de vos auditions devant la commission des affaires étrangères. Je préfère cela.

Je vous donne acte de votre volonté de fournir tous les moyens nécessaires pour sauver ceux qui se trouvent dans des situations difficiles. Sur ce point, on ne peut intenter de procès à qui que ce soit. Vous l'avez dit : les journalistes et les humanitaires sont exclus du champ d'application de l'article. Mais il fallait que cela soit dit.

J'en reviens à la rédaction que j'ai proposée. C'est la restriction « sauf motif légitime, etc. » qui est sujette à interprétation. Voilà pourquoi je suggérais de la remplacer par les mots « sauf les journalistes et les travailleurs des médias, les intervenants humanitaires, les chercheurs et universitaires, en mission, ainsi que toute autre personne ayant pris des risques dans le cadre de son activité professionnelle ou dans une situation d'urgence ». Nous nous accordons tous à dire que la rédaction du texte peut poser un problème. Celle que je propose est-elle contestable ?

Quant au fond, je le répète, nous sommes tous d'accord : aucun procès n'est intenté à personne ; en excluant certaines catégories et en précisant que les commentaires de l'étude d'impact sont obsolètes, vous avez franchi une étape qui devait l'être dans cet hémicycle, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

L'article 13 est ce que l'on pourrait appeler un cavalier : il n'a aucun rapport avec ceux qui le précèdent. Or M. Gaymard l'a suffisamment souligné : à propos de ce texte, les médias se focalisent sur le seul article 13.

Vous ne pourrez plus les en empêcher, sauf en retirant cet article…

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

…, et peut-être en examinant à nouveau cette question dans d'autres circonstances. Mais si vous le maintenez, vous ne pourrez empêcher que l'on commente le travail accompli aujourd'hui par l'Assemblée en se focalisant sur ce seul article, dont certaines dispositions sont effectivement porteuses de graves dérives susceptibles de restreindre la liberté d'informer.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Ces commentaires ne seront donc pas gratuits. Mais vous passez par pertes et profits tout votre travail, uniquement parce que vous vous accrochez à cet article et à la seule interprétation qu'en donnent le Gouvernement et le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Mes chers collègues de l'opposition, on voit bien que cette affaire est en train de devenir politique et que c'est à des fins politiques que vous cherchez à exploiter cet article. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Tout le monde reconnaît que nous avons besoin d'un article ainsi libellé, parce que nous vivons dans une société où de plus en plus de personnes prennent des risques et qu'il nous faut les responsabiliser, ainsi que les voyagistes et les transporteurs.

Pour le reste, en ce qui concerne ceux qui ont un motif légitime de s'exposer à des risques du fait de leur activité professionnelle, la rédaction ne pourrait être meilleure. Nous versons là dans un débat sémantique ; mais je puis vous dire que plus la rédaction est simple, plus la portée du texte est générale et vaste.

Au contraire, à vouloir trop entrer dans les détails, cher monsieur Lecou, on exclurait de nombreuses personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Et les chercheurs, et les explorateurs ? On peut ainsi exclure toute une catégorie professionnelle. En revanche, tous ceux que je viens de citer ont un « motif légitime » de prendre un risque, un motif « tiré de leur activité professionnelle ».

Ainsi, pour notre part, et contrairement à ce que vous prétendez, nous ne voulons exclure personne. Voilà pourquoi nous voulons voter cet article en l'état. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Merci, monsieur le président de la commission ; merci à tous.

Je rappelle que le passage de l'étude d'impact que le rapporteur a lu et sur lequel il s'est attardé n'a aucune valeur juridique. Ce qui a valeur juridique, ce sont nos débats d'aujourd'hui, tels qu'ils seront rapportés, et la loi, telle qu'elle sera votée.

Nous avons retourné le problème dans tous les sens, et toutes les professions qu'il faudrait citer peuvent se retrouver dans une situation difficile, une situation de risque ou d'urgence.

Bien sûr, le monde est ainsi fait. Mais il n'est pas dans notre pensée de vouloir exclure quiconque, en particulier des personnes comme moi qui ont été arrêtées trente fois au cours de leur vie et qui l'ont risquée vingt-cinq fois ou bien comme les parlementaires qui se mettent en danger pour se rendre compte de certaines situations. Votre liste est inimaginable tellement elle est vaste.

Nous avons donc préféré nous en tenir à une rédaction visant la situation générale des personnes qui, pour des raisons professionnelles ou en situation d'urgence…

Debut de section - PermalienBernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Eh bien, je vous laisse avec vos arguments ! Ayant consacré ma vie à forcer des blocus et ayant créé deux centres de crise au sein de mon ministère, je pense avoir la conscience absolument tranquille. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Cela n'a rien à voir avec la question !

(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Je suis saisie d'un amendement n° 13 .

La parole est à M. Robert Lecou.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Lecou

Je retire cet amendement, madame la présidente.

(L'amendement n° 13 est retiré.)

(L'article 13 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

N'étant saisie d'aucune demande d'explication de vote, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Prochaine séance, mardi 6 juillet à neuf heures trente :

Discussion du projet de loi , adopté par le Sénat, tendant à l'élimination des armes à sous-munitions ;

Discussion du projet de loi relatif à la reconversion des militaires.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma