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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 5 juillet 2010 à 15h00
Action extérieure de l'État — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après engagement de la procédure accélérée

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

L'agence sera chargée de plusieurs missions nouvelles. Car la culture ne se réduit pas aux beaux-arts. La culture, c'est aussi la langue française, bien sûr, et tout ce qu'elle véhicule d'humanisme. Ce sont également les idées, y compris scientifiques.

L'agence exercera ses missions dans le respect des organismes existants, en particulier uniFrance pour le cinéma et le Centre international d'études pédagogiques pour la langue française.

Dans un premier temps, les centres culturels à l'étranger resteront administrativement rattachés aux ambassades. Mais la nouveauté est que l'agence, contrairement à CulturesFrance aujourd'hui, sera associée à la définition des orientations culturelles et au suivi des activités, ainsi qu'à la gestion des moyens financiers, humains et immobiliers du réseau.

Dans dix postes diplomatiques au moins, nous expérimenterons le rattachement direct du réseau culturel à l'agence que nous allons créer avec votre accord. C'est à partir de cette expérimentation que l'on jugera, avant trois ans et en toute connaissance de cause, de l'opportunité de rattacher à l'agence l'ensemble du réseau culturel.

En outre, alors que CulturesFrance était une association loi de 1901, la nouvelle agence aura le statut d'établissement public, ce qui l'ancrera davantage dans la sphère publique. Elle sera plus précisément, comme beaucoup de grandes institutions, un établissement public industriel et commercial. Ce statut lui donnera la souplesse de gestion dont elle a besoin pour évoluer dans un monde qui, y compris en matière culturelle, est concurrentiel. Ainsi, elle pourra faire plus facilement appel à des financements privés, gérés selon une comptabilité privée ; elle pourra également lever des fonds issus de l'Union européenne et des grandes organisations internationales.

L'Institut français oeuvrera sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes. C'est une garantie pour la cohérence de l'action extérieure de l'État. Mais le ministère de la culture sera, je vous l'assure, très étroitement associé au pilotage de cette agence, comme il l'a été d'emblée à la conduite du projet. C'est une condition absolue de la réussite, mais elle n'a guère été respectée jusqu'à présent.

La création de l'Institut français s'accompagne enfin d'une réforme d'ensemble de notre diplomatie culturelle, sans laquelle elle n'aurait pas de sens. Cette réforme est en cours ; l'effort qui la sous-tend est quadruple.

Il est d'abord budgétaire : la rallonge de 20 millions d'euros que j'ai obtenue en 2010 est pérennisée dans le cadre du triennum 2011-2013.

Ensuite, l'effort porte sur la formation. Nous avons ainsi lancé un plan de professionnalisation sans précédent. Quatre mille agents seront concernés ; parmi eux, quelque deux cents sont actuellement formés dans le cadre de ce plan. L'agence a vocation à reprendre la mission de formation de tous les personnels concourant à l'action extérieure de l'État. Les deux cents agents dont je parle sont appelés « nouveaux partants » parce qu'ils viennent d'arriver.

Mais, je le répète, l'ensemble du personnel sera concerné.

Le troisième effort porte sur la définition de priorités stratégiques. On ne peut pas tout faire, partout, de la même manière. Des documents de stratégie seront élaborés secteur par secteur avec les ministères concernés. Ils serviront de feuille de route à l'agence. Un document général indiquant nos dix grands objectifs et nos cibles géographiques sera prochainement rendu public.

Enfin, nous déploierons un effort permanent de mise en cohérence avec le réseau des alliances françaises. Les deux réseaux devront développer les actions communes, rapprocher leur label et rendre leurs cartes parfaitement complémentaires. Nous avons déjà discuté d'un logo commun et avons retenu une proposition. Une convention, la première du genre, sera signée très rapidement entre l'Institut français et les alliances françaises.

La réussite de l'agence culturelle se jouera sur la qualité des liens qu'elle saura nouer, dès le début, avec le réseau des instituts français à l'étranger. Dès avant le rattachement du réseau, et je dirai même malgré l'absence de rattachement immédiat, il faut garantir que l'agence et le réseau travaillent de manière totalement intégrée, mêlant les deux cultures, celle de la diplomatie et celle des réseaux culturels. Cela signifie que ministère de la culture et ministère des affaires étrangères devront partager leurs décisions concernant les hommes, les projets et les moyens, qu'ils soient financiers ou immobiliers, et cela partout, pas seulement dans les dix points d'expérimentation.

Bien sûr, la décision du rattachement de l'ensemble du réseau sera prise plus tard. Je veux encore laisser une chance à nos ambassadeurs de réussir cette révolution intellectuelle à laquelle ils sont prêts à procéder. Toutefois, il ne faut pas attendre pour changer les méthodes de travail. Et changer les méthodes de travail implique de faire travailler ensemble, d'une part, l'agence et le réseau, d'autre part, les ministères, en évitant de laisser le réseau seul en tête-à-tête avec les ambassades.

Ce point est essentiel et il est du ressort de la loi. Il donne sa raison d'être à l'agence. Il garantit que demain, en matière de politique culturelle extérieure, les choses ne seront plus comme avant.

J'en viens à mon deuxième thème : l'expertise et la mobilité.

L'action culturelle extérieure ne résume pas à elle seule notre politique d'influence. Nos dispositifs en matière de mobilité des étudiants, des chercheurs, des experts, manquent eux aussi d'efficacité et de cohérence. Ils ont besoin d'être réformés.

La commission des affaires étrangères de votre assemblée a souhaité distinguer l'expertise internationale de la mobilité des étudiants et des chercheurs, et traiter ces questions séparément. Elle propose de créer un opérateur spécifiquement consacré à la mobilité universitaire, nommé « CampusFrance » et de le placer sous la double tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministère des affaires étrangères. C'est une décision sage dont je me réjouis, monsieur le rapporteur. Il importe toutefois – et je crois que vous en serez d'accord – que la question de l'expertise internationale ne soit pas oubliée et qu'elle trouve elle aussi toute sa place dans le projet de loi.

À côté de l'agence culturelle et de CampusFrance, je propose donc d'inscrire dans la loi la création d'un établissement public pour l'expertise internationale qui permettra de renforcer nos capacités en la matière. Ceux, dont je suis, qui ont cherché des experts pour des missions internationales savent qu'il y a urgence. Actuellement, l'expertise internationale souffre terriblement de son émiettement face à ses concurrents. Une clause de rendez-vous incitera les pouvoirs publics à procéder d'ici à deux ans à une mise en cohérence.

Les enjeux pour notre pays sont considérables. Les besoins des sociétés en développement et en transition ainsi que la multiplication des institutions internationales ont créé une immense demande d'expertise. Sur ce marché mondial, l'offre de la France est clairement insuffisante.

Le contraste est saisissant entre l'offre publique et l'offre privée.

Notre pays dispose d'un tissu dense de bureaux d'études et d'entreprises de conseil, qui figurent au premier rang de ceux qui remportent les marchés de la Commission européenne et qui interviennent un peu partout dans le monde. Sur un total de 36 milliards d'euros de chiffre d'affaires, l'ingénierie française en réalise 10 à l'étranger.

Mais pour ce qui est des opérateurs publics, leur émiettement est une singularité en Europe et constitue un handicap par rapport aux grands pays comparables, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou encore l'Espagne. L'enjeu est également économique : le marché de l'expertise représente plusieurs milliards d'euros et des milliers d'emplois.

Avec les trois agences que seront l'Institut français, CampusFrance et l'opérateur pour l'expertise, notre dispositif sera complet.

Je voudrais cependant ajouter une précision concernant la mobilité universitaire. Nous ne pouvons pas nous satisfaire du maintien de deux guichets pour la gestion des bourses des étudiants étrangers : le CNOUS international et CampusFrance.

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