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Intervention de Hervé Féron

Réunion du 5 juillet 2010 à 15h00
Action extérieure de l'État — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron :

Vous offrez à notre action culturelle extérieure un bon véhicule, mais sans carburant et sans pilote.

Désengagement de l'État, manque de moyens, absence d'objectifs structurants et de perspectives pour les agents de l'État. Vous auriez dû donner une réelle indépendance aux 154 services de coopération et d'action culturelle des ambassades ainsi qu'aux 144 centres culturels français à l'étranger. Vous auriez dû leur donner de la cohérence en assurant la complémentarité des missions, des moyens et des savoir- faire. Mais, pressé par Bercy, qui fait de l'action extérieure de la France, comme de la culture ou de l'éducation nationale, une variable d'ajustement budgétaire, pressé aussi par le corps diplomatique, craignant une perte de pouvoir, vous n'avez pas osé.

Ce projet de loi rend encore plus illisible l'action du réseau culturel français. Qui va faire quoi ? Avec qui ? Comment ? Comment va se coordonner l'action des instituts français, des services culturels, des ambassades, des centres culturels ? Quelles relations avec les alliances françaises ? Où est la logique dans tout cela ? Quel lien avec l'AEFE, puisque, à l'article 6, alinéa 9, une des missions de cet EPIC pour l'action culturelle extérieure est « la promotion, la diffusion et l'enseignement à l'étranger de la langue française » ?

Croyez-vous qu'avec un nouveau logo et quelques gadgets de ce genre, vous allez réellement redonner du sens à cette politique ?

En créant vos EPIC – ces établissements publics à caractère industriel et commercial –, vous ne résolvez rien. C'est une bien triste conception de la culture que de l'aborder par l'industrie et le commerce pour la marchandiser ! J'aurais préféré que l'on privilégie l'indépendance, la créativité, l'imagination.

C'est votre politique qui est épique, voire pathétique. La création d'un EPIC est un signe avant-coureur. Il signifie désengagement politique et désengagement financier de l'État. L'EPIC ne permettra pas d'intégrer dans des conditions satisfaisantes en termes de statut les nombreux fonctionnaires du ministère des affaires étrangères. Vous utilisez cet argument pour reporter l'échéance à trois ans. Pourquoi attendre trois ans et un énième nouveau rapport sur la diplomatie d'influence pour envisager le rattachement du réseau culturel de la France à l'étranger à l'établissement public pour l'action culturelle extérieure ? Pourquoi ne le faites-vous pas dès maintenant ? Vous évoquez des difficultés techniques mais, dans trois ans, ce sera la même chose ! N'êtes-vous pas là en train de découvrir que les orientations que vous proposez sont malheureuses ?

Il y aura des difficultés techniques, mais bien avant trois ans, et des répercussions humaines sur les femmes et les hommes agents de l'État, que vous n'avez pas appréhendées dans votre projet de loi.

Vous ouvrez à la marchandisation la culture extérieure avec un bel habillage, qui vous permet de masquer le désengagement considérable de l'État. Il est par exemple ahurissant que nous ayons dû attendre que le Sénat amende le texte pour voir revenir les dotations de l'État dans les ressources de la future agence !

« Externalisation de l'action culturelle française » : voilà comment aurait dû s'intituler votre projet de loi ! Qui ne fait que confirmer ce que votre politique démantèle déjà au quotidien : les crédits consacrés au programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État » ont baissé de 10 % entre 2005 et 2008, de 13 % en 2009 et de 11 % en 2010. Je le dis, cela dérange, mais c'est la triste vérité !

Et les programmes arrêtés ! Et les 750 000 euros pour la modernisation des médiathèques supprimés ! La moitié des centres culturels ont fermé en Allemagne, la même tendance se profile en Italie, en Inde, en Grèce et en Afrique francophone.

L'action culturelle extérieure de la France croule sous le poids de la diplomatie et, dans le même temps, perd ses moyens ! Quand il s'agit de libéraliser les services publics ou l'énergie, votre gouvernement sait citer en exemples certains pays européens ! Mais là, alors que tous les autres pays ont compris l'énorme enjeu de l'action culturelle à l'étranger, alors qu'ils augmentent sensiblement les crédits qui y sont consacrés, vous agissez à l'inverse !

Preuve de votre précipitation, vous avez omis d'inclure le CNOUS. Vous avez corrigé cela – il faut se souvenir qu'il s'agissait d'une proposition de loi de Mme Monique Cerisier Ben-Guiga, sénatrice – en incluant le CNOUS à l'article 5. Mais faute d'un accord entre votre ministère et celui de l'enseignement supérieur, nous avions toujours un doublon entre les CROUS et les délégations régionales d'Égide, dans la gestion des bourses et l'accueil des étudiants étrangers. Ils font exactement le même travail sur le même territoire !

Puisque nous parlons des étudiants étrangers accueillis en France, je ne peux passer sous silence ce qui se produit. Nos universités se privent d'étudiants et de chercheurs de haut niveau parce que votre collègue ministre de l'intérieur refuse bien trop de visas, ayant comme seule politique globale la suspicion.

Je veux parler aussi du profond découragement des agents du réseau culturel à l'étranger. Là encore, quand les autres pays européens permettent de faire carrière dans les réseaux culturels, ce texte laisse présager un avenir sombre et incertain pour les agents de l'État. Il ne crée aucun vrai métier, ce qui ne fera qu'amenuiser encore le souffle qui reste à votre politique extérieure.

Le manque d'ambition va jusque dans la dénomination. Monsieur le ministre, vous militiez pour « Institut Victor Hugo ». Le Sénat a préféré « Institut français ». Nous avions proposé, pour souligner l'attachement à la nation, mais aussi traduire notre exception culturelle, la dénomination « Institut français Victor Hugo ». Nous referons cette proposition. J'espère que vous ne la refuserez pas par simple réflexe d'ostracisme. L'Espagne a l'Institut Cervantès, l'Allemagne le Goethe Institut, le Portugal l'Institut Camões, la Chine l'Institut Confucius, la Pologne l'Institut Adam Mickiewicz.

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