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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 5 juillet 2010 à 15h00
Action extérieure de l'État — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après engagement de la procédure accélérée

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Pourquoi ? Cela ne vient pas d'un manque de talents : notre pays en regorge. Mais nous manquons parfois d'audace. Et l'État ne dispose pas des moyens adaptés pour fédérer ce foisonnement d'initiatives qui fait l'influence des grandes nations.

Une politique étrangère est un dessein collectif, fondé sur des valeurs communes et nourri d'ambitions partagées. Elle doit résulter des actions cumulées de tous ceux qui se sentent partie prenante au rayonnement du pays, qui véhiculent ses valeurs et qui veulent prolonger son histoire et sa culture.

Nous avons hérité d'un système qui a prouvé son efficacité par le passé. Mais il serait imprudent de nous accrocher à un souvenir ! Je ne veux pas qu'on puisse dire de notre diplomatie culturelle, comme Proust le disait des arguments de M. de Norpois en matière d'art, qu'elle est « sans réplique parce [que] sans réalité ».

Trois changements exigent de notre pays un effort accru.

D'abord, les contenus immatériels de la connaissance, de la culture, de la communication prennent une importance sans précédent. Dans des sociétés où les besoins matériels sont mieux satisfaits, ils sont la clé du développement. C'est vers eux que se déplacent les attentes toujours plus sophistiquées des individus. Ce sont eux qui, de plus en plus, forgent les identités en fonction desquelles se dessinent les rapprochements, mais aussi les clivages. Or notre offre, dans ce domaine, reste insuffisante.

Ensuite, l'espace de la culture, de la communication, de la connaissance s'est mondialisé. Avec le marché et la révolution numérique, les productions de l'esprit ont acquis une fluidité et une ubiquité inédites. Les mots, les images, les musiques, les savoirs, les symboles circulent à une vitesse accélérée dans un espace désormais unique et sans frontières, bientôt accessible – nous l'espérons – à toute l'humanité.

Enfin, dans cet espace mondial émergent de nouveaux acteurs. Les grands pays occidentaux ne sont plus les seuls à créer des images et des concepts, loin s'en faut. De la Chine à l'Inde, en passant par le monde arabe ou l'Amérique latine, de nouvelles puissances cherchent à se doter de médias globaux, à diffuser leurs films et leurs musiques, à influencer l'agenda des idées, à accroître leur attractivité scientifique et universitaire.

Dans ce contexte, la promotion de nos contenus culturels et scientifiques redevient une priorité. Nous avons besoin d'une diplomatie ouverte, c'est-à-dire capable d'associer pleinement à sa démarche l'ensemble de la société française, en particulier les milieux des médias, de l'enseignement, de la recherche, de l'expertise, mais aussi ceux de l'avant-garde culturelle.

Qui a établi ce diagnostic ? À peu près tout le monde. Qui a fait quelque chose ? Pas grand monde. De commission en commission, de ministre en ministre, tous ont fini par se dérober.

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