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Intervention de Christian Bataille

Réunion du 5 juillet 2010 à 15h00
Action extérieure de l'État — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Bataille :

Le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État que vous nous soumettez, monsieur le ministre, signe, à côté de beaucoup d'autres, la conversion de la France sarkozyenne à la philosophie libérale, et amplifie l'abandon des principes qui avaient inspiré la politique extérieure de notre pays ces dernières années et nous avaient dotés parallèlement d'une représentation diplomatique forte. Nous avançons vers l'État minimal, l'État modeste et impécunieux, résultant d'une politique budgétaire sans ambition, caractérisée notamment par le bouclier fiscal.

Je sais qu'une conception plus haute de la place de la France dans le monde trouve peu d'écho dans les modes de pensée de votre gouvernement. On peut le constater avec regret si cela doit aboutir, comme nous le craignons, à l'affaiblissement de notre représentation internationale.

Vous avez choisi pour instruments de notre politique diplomatique deux agences dotées du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial, tant pour l'expertise et la mobilité internationales que pour l'action culturelle extérieure. Le choix du statut d'EPIC, plutôt que celui d'établissement public administratif, est une manière pour le Gouvernement de se désengager financièrement, le but étant la réduction des subventions de l'État et l'autofinancement des agences. Le statut d'EPIC soumis au droit privé est moins rigoureux et moins protecteur du personnel. S'agissant d'un établissement public chargé d'une mission culturelle, le statut d'EPA était donc préférable eu égard à la garantie des financements consacrés par l'État.

La diplomatie culturelle française fait face à trois défis importants, auxquels le projet de loi ne trouve aucune réponse. Ces défis sont le manque d'une stratégie claire et définie, la baisse des moyens et le découragement des agents français présents à l'étranger.

Concernant l'Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales, et plus particulièrement l'accueil des élèves boursiers étrangers, le Gouvernement n'avance pas puisque aucun accord n'a été décidé avec le ministère de l'enseignement supérieur. Le gouvernement français ne relève donc pas le défi de la politique d'attractivité.

La responsabilisation des ressortissants est une autre manière pour le Gouvernement de se désengager financièrement et de réduire considérablement les subventions accordées à l'action extérieure de l'État.

Le projet de loi du Gouvernement manque cruellement d'ambition puisqu'il prévoit une réduction progressive des moyens, tant dans la formation de son personnel à l'étranger – on ne trouve aucune amélioration à ce sujet dans le projet de loi – qu'à travers la délégation de son action à des opérateurs extérieurs. L'État abandonne ainsi son rôle important de pilotage de l'action extérieure.

Cette déresponsabilisation de l'État entraînera un transfert progressif en direction de structures inspirées des fondations à l'américaine. Notre grand pays, fort de son histoire, risque d'être entraîné à solliciter par trop l'argent privé et les grandes fortunes, qui promettent beaucoup aujourd'hui mais ouvriront leur porte-monnaie avec parcimonie. De plus, ces donateurs auront un droit de regard sur l'action internationale de la France. À quand notre Halliburton français ?

Arrêtons-nous un instant sur la rédaction, sans ambiguïté, de l'article 3 : « Les ressources des établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France comprennent : les dotations de l'État ; les recettes provenant de l'exercice de leurs activités ; les subventions et contributions d'organisations internationales et européennes, de collectivités territoriales et de tous les organismes publics. » Jusque-là rien que de très normal. Mais avec l'alinéa suivant – « Le revenu des biens meubles et immeubles ainsi que le produit de leur aliénation » – on pousse à l'échelle internationale la vente de l'argenterie du ménage déjà expérimentée à l'échelle nationale !

Suivent deux alinéas beaucoup plus inquiétants : « Les recettes issues du mécénat » et « Les dons, legs et recettes diverses ». Comme je vous le disais, monsieur le ministre, là où l'État est défaillant, on fait appel à l'argent privé, aux donations. Je ne suis pas sûr que cet argent sollicité de donateurs privés reste gratuit du point de vue politique. L'avenir nous le dira.

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