La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle le vote, selon la procédure d'examen simplifié, sur le projet de loi d'accord France-Brésil de coopération en matière de défense.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République d'Albanie, d'autre part.
La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
La France, vous le savez, est très attachée à l'avenir européen des Balkans occidentaux ; c'est à l'initiative de la présidence française, en 2000, que le sommet de Zagreb a pour la première fois réuni l'ensemble de ces pays et l'Union européenne, et que celle-ci a reconnu leur vocation à rejoindre l'Union, ouvrant ainsi la voie au processus de stabilisation et d'association défini à Thessalonique en 2003. L'ensemble des pays des Balkans disposent aujourd'hui d'une perspective européenne, garante de la stabilité de la région et de son développement tant politique qu'économique. La processus de stabilisation et d'association négocié par l'Union européenne avec chacun de ces pays en est le premier effet concret.
L'accord qui fait l'objet du projet de loi que nous vous proposons aujourd'hui d'adopter procède de ce mouvement. S'agissant de l'Albanie, cette perspective prend tout son sens, et même un sens particulier : c'est le pays de la région qui a le plus souffert de l'enfermement imposé par son régime jusqu'en 1989.
Aujourd'hui, l'Albanie est résolument en route sur la voie de l'Union européenne. Ses remarquables progrès en matière de démocratisation de la vie politique et de réformes économiques, mais aussi de droits de l'homme, ont permis à l'Union européenne de conclure les négociations en signant cet accord le 12 juin 2006. C'est le signe que la volonté et la détermination des responsables politiques albanais leur permettent de dégager les consensus et d'entreprendre les réformes nécessaires. C'est cette détermination que l'Union européenne entend aujourd'hui encourager.
L'entrée en vigueur de l'accord de stabilisation et d'association doit donner un nouvel élan au cheminement de ce pays vers l'Union. Elle constitue, à n'en pas douter, une étape très importante. C'est l'établissement d'une première relation contractuelle avec l'Albanie qui permettra de renforcer notre coopération politique et économique sur des bases solides et durables.
Cet accord repose sur l'idée qu'une perspective européenne crédible est le meilleur levier pour inciter ces pays à réaliser les réformes nécessaires. Outre la partie commerciale, en vigueur depuis 2006, l'accord dresse la liste des différents domaines dans lesquels l'Albanie devra améliorer ses structures et sa législation pour se rapprocher de l'acquis communautaire. Le spectre des domaines abordés est donc très large ; il répond à une volonté de mettre en oeuvre une association complète et transversale avec l'Albanie afin de la soutenir dans son développement politique, économique et social.
Ce processus est en outre encadré par la mise en place de structures de dialogue politique entre l'Union européenne et l'Albanie, qui permettront de faire régulièrement le point sur les avancées réalisées, mais aussi sur les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des obligations de l'accord.
C'est une étape importante pour l'Albanie et pour l'Union européenne, mais ce n'est qu'une première étape. Le chemin sera encore long avant l'adhésion effective de l'Albanie à l'Union. Ce n'est qu'au terme d'une période de mise en oeuvre effective et satisfaisante de cet accord que l'Albanie pourra demander officiellement à entrer dans l'Union. Comme l'a rappelé régulièrement le Conseil de l'Union européenne, le rythme de l'élargissement tiendra de toute façon compte de la capacité de l'Union européenne à intégrer de nouveaux Etats membres, l'Union devant maintenir et approfondir son propre développement.
L'expérience des derniers élargissements – je pense en particulier à la Croatie – montre toutefois que des efforts réalisés en amont de l'adhésion, notamment en matière de justice et d'affaires intérieures, sont payants. Cette relation contractuelle n'est pas seulement l'assurance d'un futur européen et de la prospérité, c'est aussi la base des toute les réformes nécessaires. C'est de cet ancrage que dépend le futur de l'Albanie.
Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord de stabilisation et d'association avec l'Albanie qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre assemblée.
La parole est à Mme Geneviève Colot, rapporteure de la commission des affaires étrangères.
L'Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République d'Albanie, d'autre part.
Ce type d'accord comprend essentiellement des dispositions à caractères technique ; vous en trouverez les grandes lignes dans le rapport que j'ai rédigé au nom de la commission des affaires étrangères. Nous avons été nombreux à souhaiter que cette ratification fasse l'objet d'un débat en séance publique plutôt que d'une procédure d'adoption simplifiée, car ce texte est important ; la présence de M. l'ambassadeur d'Albanie en témoigne.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, un accord d'association marque à la fois la conclusion d'un processus politique et le départ d'une nouvelle étape. Nous constatons le chemin parcouru et pointons le but à atteindre.
L'histoire de l'Albanie est particulière ; elle se caractérise notamment par son isolement complet du reste de l'Europe pendant près de cinquante ans, sous la dictature d'Enver Hodja. Son influence dans les Balkans qui, comme vous le savez, sortent de plusieurs années de guerre civile, est importante.
L'Albanie souffre de son image : les mots qui venaient lorsqu'on l'évoquait étaient pauvreté, corruption, trafics humains, drogue. Nous voulons intégrer ce pays dans l'Union européenne car nous pouvons témoigner des progrès réalisés et d'une volonté de rupture avec ces vieilles habitudes. L'essence même de l'Union européenne est de faire de notre continent un espace de paix, uni par une foi commune dans la démocratie et la liberté et cimenté par des intérêts communs. Nous avons été capables, sur cette base, de reconstruire l'Europe occidentale après la guerre puis d'intégrer par vagues successives d'élargissements toute l'Europe méditerranéenne, puis l'Europe de l'est. Il nous faut maintenant poursuivre cette tâche historique dans les Balkans : nous ne devons jamais oublier que notre avenir comme notre sécurité en dépendent.
Le présent accord de stabilisation et d'association a pour champ d'action l'Albanie, mais il procède d'une stratégie plus vaste au profit de l'ensemble des Balkans occidentaux. Son objectif est d'encourager les réformes institutionnelles et économiques dans ces pays afin de préparer leur adhésion.
L'enjeu pour l'Union européenne est de ramener définitivement la paix dans une région ravagée par plusieurs guerres civiles à la suite de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie.
Chacun se souvient des actes de barbarie – épuration ethnique, génocide, utilisation du viol comme arme de terreur – qui ont été commis au coeur de l'Europe. La plupart des pays des Balkans qui ont été en guerre n'ont pas encore rétabli entre eux des relations normales.
Dans ce contexte difficile, la perspective pour l'Albanie de l'adhésion à l'Union européenne est essentielle pour les populations. Celles-ci attendent de notre part un geste qui va au-delà de l'aide matérielle ou des investissements que l'accord de stabilisation leur apportera. Le vote de notre Parlement, comme celui des autres membres de l'Union européenne, signifie pour l'Albanie son retour dans l'histoire européenne dont elle a été exclue pendant un demi-siècle.
L'Albanie est dans une situation paradoxale. Elle n'a pas directement souffert des guerres civiles qui ont traversé les Balkans mais cinquante années de régime autoritaire ont laissé le pays exsangue. L'économie était délabrée à la mort du dictateur. Le pays souffrait d'isolement politique et de nombreux Albanais vivaient sous le seuil de pauvreté.
Bien que l'Albanie soit sortie du communisme dans les années quatre-vingt-dix, le problème qui se pose à elle encore aujourd'hui est double : il lui faut, d'une part, transformer une économie administrée en une économie de marché, d'autre part, rétablir des contacts normaux avec la communauté internationale.
On mesure mal, dans nos sociétés ouvertes habituées à l'échange des idées et à la critique depuis des siècles, ce que signifie un isolationnisme total. La voix de la France grâce à RFI était, chez eux, le seul vent de liberté. Pendant cinquante ans, faute de contacts extérieurs, l'Albanie a pris un retard considérable dans tous les domaines : équipements, infrastructures, capacité de gestion et d'administration, vie culturelle. Deux générations au moins sont restées à l'écart des évolutions de notre temps. Pour qui voyageait en Albanie il y a peu, l'impression était celle d'un pays figé, dont l'agriculture travaillait comme au XIXe siècle, et dépourvu d'axes routiers dignes de ce nom.
Aujourd'hui, des pôles de développement commerciaux, comme à Tirana et dans quelques stations balnéaires, commencent à émerger. Le peuple albanais a la capacité de se développer pourvu qu'on l'aide à relever ses infrastructures. Souvenons-nous de la Pologne à la chute du rideau de fer et de sa situation actuelle.
Il s'agit bien pour l'Union européenne d'un volontarisme politique, d'un acte de foi envers un peuple lourdement frappé par son histoire.
La reprise des relations avec l'Union européenne puis, désormais, la perspective à moyen ou à long terme d'une adhésion, ont redonné espoir à l'ensemble de la société albanaise. Sachez, mes chers collègues, que l'Albanie attend depuis plusieurs mois le débat que nous tenons aujourd'hui. Nous sommes l'un des derniers États de l'Union à ratifier cet accord. Vingt-deux États ont déjà accompli ce geste. La ratification du Parlement français est attendue avec impatience car l'Albanie est un pays profondément francophile et francophone. Il était primordial que notre ratification intervienne sous la présidence française et je remercie le Gouvernement d'avoir compris la portée symbolique pour l'Albanie de notre débat aujourd'hui.
Les accords de stabilisation et d'association s'inscrivent dans une démarche européenne qui concerne l'ensemble des Balkans.
Cette démarche comporte trois volets : une aide financière et économique, la libéralisation du commerce entre l'Union et les Balkans, et enfin la perspective d'une adhésion, grâce aux accords d'association.
Notre vote aujourd'hui donnera donc à l'Albanie une perspective claire pour les années à venir. Il lui rappellera également que l'entrée dans l'Union européenne exige le respect du principe de conditionnalité et qu'il revient désormais à la société albanaise de conduire les efforts nécessaires pour se moderniser.
Depuis le 21 juillet 2002, la Commission européenne a été autorisée à ouvrir les négociations avec ce pays. Le présent accord d'association a été signé le 12 juin 2006 à Luxembourg. Il conclut un processus politique visant à stabiliser l'Albanie et à préparer son adhésion à l'Union européenne.
La politique envers l'Albanie fait l'objet d'un consensus général au sein de l'Union européenne. En Albanie, l'ensemble des partis politiques considèrent que ce processus est une priorité pour leur pays.
Malgré ce consensus, les négociations ont duré près de quatre ans, en raison de la relative inertie de l'Albanie à mettre en oeuvre les réformes nécessaires en matière de droit et de lutte contre la criminalité organisée. Le gouvernement nommé à la suite des élections de 2005 a donné une véritable impulsion à la mise en oeuvre des réformes, permettant la signature en juin 2006 de l'accord qui nous est soumis.
Le Conseil européen a rappelé à plusieurs reprises que l'Albanie se voyait offrir de véritables perspectives d'adhésion à condition de satisfaire aux critères exigés par l'Union européenne et de résoudre certains problèmes propres à la société albanaise. L'Europe se montre particulièrement attentive à la corruption et à l'existence de puissantes mafias qui se livrent à des trafics d'êtres humains. L'ouverture sur l'Europe ne doit pas faciliter le jeu des mafias ni le blanchiment d'argent. La prostitution constitue également une forte préoccupation car elle touche des femmes vulnérables, généralement peu éduquées, qui s'y adonnent pour faire subsister leur famille.
Le gouvernement du Premier ministre, M. Sali Berisha, s'est attaché à mettre en oeuvre avec un réel succès et un volontarisme affiché un programme de lutte contre la corruption, le crime organisé et les trafics, mais il lui reste beaucoup à faire en ce domaine.
Pour ceux qui sur ces bancs s'interrogent légitimement sur le présent accord en raison de l'état de la société albanaise, je rappelle que la stratégie européenne dans les Balkans exige des pays qui en bénéficient le respect d'une série de conditions politiques et économiques. Les pays sont encouragés à respecter leurs obligations pour accéder au statut de candidat. L'Union européenne peut à tout moment interrompre le programme et geler son aide financière si elle estime qu'un pays ne respecte pas ses engagements.
L'Union européenne évaluera donc les progrès de l'Albanie avant qu'elle n'obtienne le statut de candidat.
Le principal objectif de notre accord aujourd'hui est de renforcer le dialogue politique entre l'Union européenne et l'Albanie. Il porte notamment sur le respect des principes démocratiques des droits de l'homme et de l'économie de marché. Il a par ailleurs pour objet d'opérer un rapprochement entre la législation albanaise et celle de l'Union européenne, notamment concernant la libre circulation des marchandises.
Madame la rapporteure, vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole.
Je termine, monsieur le président.
En définitive, l'accord de stabilisation et d'association avec l'Albanie constitue une étape essentielle pour la stabilisation et la modernisation des Balkans occidentaux et bien évidemment pour l'Albanie, qui a un besoin urgent d'investissements. Les problèmes liés à l'intégration de l'Albanie sont clairement identifiés et le gouvernement albanais, soutenu par la Commission européenne, s'emploie à les résoudre. Pour cette raison et suivant ma proposition, la commission des affaires étrangères vous demande de ratifier cet accord, comme l'a fait le Sénat. Il faut apporter un soutien clair au pays le plus pauvre d'Europe.
Cette ratification permettra d'envoyer à l'Albanie, pays à caractère francophile et francophone, je le souligne encore une fois même si je ne peux pas m'étendre plus longuement sur ce sujet puisque M. le président me rappelle à l'ordre, un signal fort, d'amitié, de confiance et de foi en l'avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour autoriser la ratification de l'accord de stabilisation et de coopération signé en 2006 entre l'Union européenne et la République d'Albanie. Cet accord est important et je me réjouis qu'il fasse l'objet d'un débat en séance publique.
Cet accord est important parce qu'il conforte la position de l'Union européenne dans la région des Balkans et qu'il donne à l'Albanie des perspectives, certes encore lointaines, d'appartenir un jour au grand ensemble des nations européennes.
Je ne reviendrai pas sur les différents aspects techniques de cet accord que notre rapporteure, Geneviève Colot, a fort bien décrits. Je souhaite en revanche insister sur la portée de ces accords de stabilisation et de coopération que l'Europe signe avec les différents États des Balkans occidentaux depuis le début des années 2000.
Ces accords répondent d'abord à un engagement, celui que l'Europe a pris dès la fin des années quatre-vingt-dix pour soutenir ces pays meurtris par des années de conflits, de guerres civiles et d'éclatement.
Cet engagement est fondé sur une certitude partagée par l'ensemble des États membres de l'Union : l'Europe ne peut pas avoir sur ses frontières des États en guerre, elle ne veut plus porter sur son sol les germes de conflits multiséculaires.
Les membres de l'Union ont affirmé dès 2000 lors du Conseil européen de Feira que ces États des Balkans occidentaux « bénéficient du statut de candidat potentiel ». Ce statut a été réaffirmé lors du sommet de Thessalonique en juin 2003.
L'Europe s'est donc impliquée rapidement et avec pragmatisme dans cette région : les premiers accords de stabilisation et de coopération ont été signés en 2001 avec la République yougoslave de Macédoine et la Croatie et ces deux pays sont aujourd'hui officiellement candidats à l'Union.
Le pragmatisme a prévalu dans l'élaboration de cette stratégie de stabilisation et de coopération.
Ce processus est fondé sur un grand principe : celui de la conditionnalité. La mise en place et l'amélioration des relations avec les pays de l'Union européenne sont fortement liées aux efforts poursuivis en matière de réformes économiques et politiques. Les spécificités de chaque pays sont prises en compte selon les capacités et l'histoire de chacun : certains États se sont vu, par exemple, imposer des conditions supplémentaires par le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
Nous pouvons mesurer le chemin parcouru par ces pays. Pas plus tard que lundi dernier, le premier ministre monténégrin a annoncé que son pays se porterait officiellement candidat à l'Union européenne avant la fin de l'année.
En tant que président de la délégation française de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et vice-président de cette assemblée – j'en profite pour saluer la présence dans cet hémicycle de trois autres membres de cette délégation –, je peux témoigner de l'extraordinaire volonté de changement qui anime nos collègues de cette région si fragile des Balkans.
L'Europe exerce sur eux une véritable attractivité que nos « vieux » pays européens ont du mal à concevoir tellement l'Europe est devenue pour nous une réalité de tous les jours.
Monsieur le secrétaire d'État, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour regretter publiquement, du haut de cette tribune, la position de la France, qui a décidé de réduire sa participation au budget du Conseil de l'Europe.
Ce désengagement est condamné unanimement par les autres pays membres de la plus vieille institution paneuropéenne. Et je puis vous assurer qu'en tant que vice-président de cette assemblée, je n'étais pas très à l'aise lors de la dernière réunion du bureau, lorsque nous avons appris cette décision. Je trouve tout à fait discourtois de la part de notre ambassadeur permanent à Strasbourg de ne pas avoir prévenu le président de la délégation française de la position du Gouvernement français. Cela m'aurait permis de réagir, avec mes collègues, pour tenter de corriger cette attitude. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)
L'accord que nous examinons aujourd'hui concerne l'Albanie. Ce pays est particulier au sein de l'ensemble des Balkans occidentaux, notre rapporteure, qui le connaît fort bien, l'a rappelé avec beaucoup de conviction ; il est vrai que lorsqu'on a eu la chance de visiter l'Albanie on ne peut pas en parler autrement.
Il reste aujourd'hui le pays le plus défavorisé et le plus pauvre d'Europe. Les problèmes de corruption mais aussi de criminalité organisée y sont particulièrement importants. Les pratiques de justice personnelle, de type « vendetta », y sont encore fréquentes, dénotant l'absence de système judiciaire fiable et un manque de confiance des citoyens albanais dans leurs institutions. La lutte contre la criminalité organisée et contre la corruption, la garantie de la liberté des médias font partie des priorités essentielles à court terme fixées dès l'introduction par l'accord que nous nous apprêtons à ratifier.
En échange des efforts fournis par ce pays, l'Europe participe activement au financement de son développement. Ainsi, dans le cadre du programme d'aide à la pré-adhésion, ce pays recevra plus de 245 millions d'euros pour la période 2008-2010. Plus de 60 millions d'euros ont déjà été versés en 2007.
L'intégration de l'Albanie au libre-échange entre l'Union européenne et les autres pays de la région est une nécessité économique, source de développement socio-économique, et une nécessité politique majeure, étant donné les relations de ce pays avec le Kosovo. Si celui-ci a proclamé son indépendance en février 2008, suivie de sa reconnaissance, dans les jours qui ont suivi, par un certain nombre de pays européens et par les États-Unis, le statut international de l'ancienne province de Yougoslavie reste incertain.
Je regrette que nous soyons parmi les derniers États membres de l'Union à ratifier cet accord. À l'issue de notre vote, dans quelques instants, il ne restera plus que l'Allemagne, la Belgique et la Grèce à ne pas l'avoir fait. J'insiste en toute amitié auprès du Gouvernement sur la nécessité de ratifier rapidement ce type d'accord qui nous engage envers nos partenaires européens, mais surtout vis-à-vis des pays bénéficiaires. Mme Colot ne me contredira pas. Nous savons que nos amis albanais attendaient notre décision avec impatience.
Parce que l'accord de stabilisation et de coopération est un bon accord pour l'Union, qui offre à l'Albanie de vraies perspectives d'avenir dans notre maison européenne commune, le groupe UMP, dont je me fais le porte-parole, votera sa ratification. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, enfin, l'Albanie ! Je dis « enfin », parce que, comme on l'a rappelé, nous sommes un des derniers pays de l'Union européenne à ratifier l'accord de stabilisation qui vient d'être adopté par le Sénat.
Indiquons d'entrée de jeu que le groupe socialiste, radical et citoyen se félicite de la négociation et de la mise en forme d'un traité officialisant le retour de l'Albanie parmi nous, en Europe. Il en a été saisi, comme tous les groupes politiques et le votera sans hésitation.
L'Albanie mérite notre soutien, celui de la France et celui de l'Europe. Ces dernières ont besoin d'une Albanie apaisée et réformée, qui retrouve son environnement naturel. Je ne reviendrai pas sur le contenu de l'instrument diplomatique, qu'a décortiqué notre rapporteure. L'accord a fait l'objet d'un travail d'élaboration long, patient et indispensable. On le comprend. Il s'agissait de poser les fondations d'une Albanie à l'unisson de l'Europe, plus démocratique et mieux organisée.
Le chemin parcouru a pourtant été relativement rapide. Quatre ans d'échanges et de négociations n'étaient en effet pas de trop, après que l'Albanie a vécu, on le sait, quarante ans d'obscurité totalitaire. Rappelez-vous : ce pays et son régime étaient devenus le symbole universel de l'autisme politique, diplomatique, culturel, et de dérives bien connues. La rupture avec ce passé opérée par les Albanais, il y a une quinzaine d'années, a marqué le point de départ d'une nouvelle aventure. Il convenait de penser et d'organiser une Albanie démocratisée, équilibrée, stabilisée, tolérante envers les siens et envers ses voisins.
Le premier mot revenait aux Albanais eux-mêmes. Ils ont pris leurs responsabilités avec courage et détermination. Mais les États membres de l'Union avaient l'obligation politique et morale d'aider ces évolutions. La convention internationale sanctionne un engagement collectif bienvenu : celui de l'Europe à contribuer à la consolidation de l'État de droit en Albanie, et celui des Albanais à saisir l'opportunité de la main tendue par l'Europe pour accélérer les réformes.
Nous avions des préoccupations. Parlons clair, la fin du régime d'Enver Hoxha, avait ouvert une boîte de Pandore porteuse d'instabilité et d'inquiétudes pour l'Albanie comme pour ses voisins et, au-delà, pour tous ceux qui, en Europe, avaient applaudi la fin de la dictature. L'entre-deux, cette zone grise entre un régime autoritaire et une démocratie pas encore installée dans ses murs, avait été occupé par toutes sortes de délinquances. Ici comme ailleurs, le laisser-faire conduisait au désordre. La reconstruction de la société albanaise en était compromise. Le mal menaçait de se propager. Le pays pouvait devenir un foyer d'instabilité préoccupant à juste titre la société internationale : l'instabilité des Balkans a une résonance particulière. Dans son intérêt, comme dans celui de l'Albanie, l'Europe a donc pris les devants. Le groupe socialiste, radical et citoyen s'en félicite.
L'Albanie, comme les pays héritiers de l'ex-Yougoslavie, est partie prenante, depuis vingt ans, d'un réveil géopolitique qui nous a troublés et menacés. La question des Balkans, qui a déstabilisé l'Europe du XIXe siècle, fut l'élément déclencheur de la Première Guerre mondiale. De la Bosnie au Kosovo, de la Macédoine à la Serbie, cette région d'Europe a retrouvé, à la fin des années quatre-vingt, une fébrilité porteuse d'instabilité et de conflits internes ou régionaux. L'Europe et ses États membres devaient réagir. Ils l'ont fait dans l'urgence militaire et sans doute avec un temps de retard en Bosnie et au Kosovo. Les accords de stabilisation et d'association négociés avec tous les États de l'ex-Yougoslavie ont pour objectif de construire un nouvel équilibre. L'accord signé avec l'Albanie s'inscrit dans cette cohérence globale et régionalisée.
Cet équilibre est nécessaire à l'Albanie, comme à la Serbie, à la Croatie et à la Macédoine. Il est aussi incontournable pour l'Europe et ses États membres. Pour avoir visité, à plusieurs reprises, des régions des Balkans durant ces dernières années, j'en connais l'urgente nécessité, les difficultés et les exigences. Il y a un an, rédigeant avec Jean-Michel Ferrand un rapport sur l'avenir du Kosovo, je me suis rendu sur place. Lundi, nous serons en Serbie avec le groupe d'amitié, qui a noué des contacts au plus haut niveau. L'Albanie comme les pays de l'ancienne Yougoslavie sont au coeur de la dynamique européenne actuelle.
Mais chaque réalité nationale a ses spécificités. La reconstruction démocratique d'un État de droit et la réduction des risques doivent les prendre en compte. L'Albanie n'est pas le Kosovo. La Serbie est un cas à part. Cependant, les objectifs – la feuille de route des négociateurs – ont été partout les mêmes. Il s'agissait de construire une relation renforcée avec l'Europe et ses États membres, sur la base d'un dénominateur de plus en plus commun : le respect de la démocratie, des droits de l'homme, des libertés économiques et de la pluralité de l'information, vaste sujet auquel chaque pays de l'Union devrait réfléchir. On ne peut, en effet, donner des leçons de démocratie si on ne les applique pas soi-même. Il est inutile de rappeler le rôle joué par RFI pendant les années difficiles qu'a connues l'Albanie. C'est donc avec tristesse que nous avons appris qu'aux termes de la loi sur l'audiovisuel, cette radio n'émettrait plus en Albanie, comme dans beaucoup d'autres pays. Quel décalage entre les déclarations d'intention du Gouvernement et la réalité ! Je ne suis pas certain qu'il ait choisi la meilleure façon de tendre la main à ce pays ni d'y renforcer la présence de la France, de la francophonie ou de la francophilie. De même, nous n'approuvons pas la diminution des crédits européens. Certes, les temps sont difficiles, mais la réduction budgétaire européenne n'apportera aucun progrès. C'est, au mieux, une erreur ; au pire, une faute politique.
Quoi qu'il en soit, le partage de valeurs démocratiques concrètes et le renforcement des échanges constituent la meilleure des garanties pour la paix et la démocratie. Ce sont là les raisons qui motivent notre vote positif. Bon vent à l'Albanie ! Bon vent à l'État de droit en Albanie !
Toutefois, cette ratification, qui représente une étape importante, n'est pas un aboutissement. Reste à l'Albanie à faire le meilleur usage de cet accord de stabilisation, qui lui ouvrira définitivement, je l'espère, les portes de l'Union européenne. Bienvenue à l'Albanie, sur la route de l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la signature de l'accord de stabilisation et d'association entre l'Albanie et l'Europe est d'abord une nouvelle marque concrète du dynamisme du projet européen. Pour cette raison, le groupe Nouveau Centre la salue avec une grande satisfaction.
« Stabilisation et association » : c'est, sans doute, une des expressions du riche langage européen. Mais celui-ci aura rarement été aussi proche de la réalité.
L'Albanie a en effet un grand besoin de stabilité. L'histoire s'est tellement accélérée que nous pourrions être tentés d'oublier que ce pays a été éprouvé par cinquante ans d'une forme particulière du communisme et d'un système replié sur lui-même. Seule l'amitié avec la Chine, soutien puissant mais lointain, l'ouvrait vers l'extérieur. L'Albanie était l'un des États les plus secrets du camp socialiste ; on ne pouvait guère la visiter que par solidarité militante. La proclamation de l'athéisme d'État y était le sceau suprême de la mort de la liberté.
Sans relations normales avec des voisins yougoslaves, dont elle dénonçait le révisionnisme, affectée dans sa vie collective par une mentalité d'assiégée, l'Albanie était un pays pauvre. La chute du système communiste la frappa fortement et, d'une certaine manière, la prit au dépourvu, avec des conséquences malheureusement durables.
Le peuple albanais était en effet habitué par le régime déchu à une prise en charge collective, contrepartie des restrictions extrêmes apportées à l'exercice des libertés de chacun. La disparition de la contrainte d'État ne pouvait être suivie magiquement de la restauration immédiate de l'esprit d'initiative.
Il faut du temps pour s'accoutumer à l'exercice de la liberté. Il faut aussi une paix relative. Or la sortie du régime communiste a été dramatique en Albanie, et marquée à plusieurs reprises par de graves troubles économiques qui ont mis en danger l'existence collective de la nation. À l'extérieur des frontières, on s'en souvient, la fin du communisme a réveillé les tensions séculaires dans la région des Balkans, ajoutant aux effets des crises intérieures son triste lot d'incertitudes et de souffrances.
Je ne reviens pas sur les difficultés éprouvées par l'Union européenne dans la décennie précédente pour trouver une réponse politique aux suites du conflit des Balkans, tant dans leur dimension collective que dans leurs conséquences sur chacun des pays de la région. Mme Colot a rappelé que cette réponse politique a été définie par les Conseils européens de Zagreb et de Thessalonique : c'est le processus de stabilisation et d'association, dont l'accord évoqué aujourd'hui est l'une des concrétisations.
Je constate, pour m'en réjouir, que les perspectives ouvertes par l'attitude rénovée de l'Union européenne ont suscité dans les courants politiques qui animent la société albanaise un consensus d'espérance et de dynamisme collectif. On peut, sans excès d'optimisme, attribuer à cet environnement favorable la réussite globale de l'alternance politique lors des élections législatives de 2005.
Cet ensemble de faits témoigne de la pertinence générale du processus d'association défini en 2000 et en 2003. Le contenu de l'accord se fonde sur une appréciation pragmatique de la réalité albanaise caractérisée par un État à reconstruire, une économie à moderniser, et des phénomènes de corruption, de prostitution et de criminalité organisée à éradiquer. Nous ne pouvons que souhaiter une pleine et fructueuse application de ce texte, de sorte que la perspective d'adhésion ouverte à l'Albanie par le Conseil européen de Thessalonique, en 2003, puisse se concrétiser.
En effet, l'intérêt politique de l'Europe lui dicte de prendre toutes les initiatives appropriées pour soutenir le renforcement de la cohérence collective des États de la région balkanique et pour traduire cet objectif en stratégies concrètes de rapprochement. Naturellement, l'effort ne peut et ne doit pas être unilatéral. Les autorités de chaque État impliqué doivent faire preuve d'une disposition politique au rapprochement. Ainsi, nous avons constaté, avec beaucoup de satisfaction, qu'un accord de stabilisation avait été signé avec la Serbie. Il a pu l'être grâce au courage politique du gouvernement serbe, qui a fait preuve d'une réelle intention de coopération dans la recherche des criminels de guerre, au risque de mécontenter une partie de son opinion nationale.
Mais il ne faudrait pas que la poursuite du processus d'association des États balkaniques au projet politique européen soit compromise par la fragilisation des institutions communes de l'Union européenne. Plus l'Europe s'assigne des missions difficiles – mais indispensables, comme cette stratégie d'association –, plus elle a un devoir de cohérence politique et d'efficacité, envers elle-même et envers les partenaires qui frappent à sa porte.
Le groupe Nouveau Centre tire de ce constat un argument de plus en faveur de la rénovation des institutions européennes, à laquelle il est particulièrement attaché. Sous le bénéfice de ces observations, il votera le projet de loi qui autorise la ratification de l'accord entre l'Albanie et les Communautés européennes et leurs États membres. Enfin, pour conclure mon intervention, je salue la présence, ce matin, dans les tribunes, de M. l'ambassadeur d'Albanie.
À mon tour, je salue M. l'ambassadeur d'Albanie, présent dans les tribunes, M. Aliçka. Le Gouvernement se réjouit du consensus qui semble régner sur tous les bancs de l'Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les députés, le projet de loi qui vous est soumis ayant déjà été adopté par le Sénat, la ratification de l'accord pourra se faire très rapidement après le vote de l'Assemblée nationale. Au nom du Gouvernement, et compte tenu de l'existence de relations étroites et très chaleureuses entre la France et l'Albanie, je me réjouis de l'avancée de ce processus.
Vive l'Albanie ! Vive les relations entre l'Albanie et la France ! Bienvenue à l'Albanie dans le grand concert des nations européennes.
Je note, avec grande satisfaction, que la mise en oeuvre de ce processus place, d'ores et déjà, l'Albanie dans un cercle vertueux. Nous suivrons très activement les évolutions futures en espérant qu'un jour prochain les capacités d'intégration de l'Europe permettront l'entrée officielle de l'Albanie dans l'Union européenne.
Je remercie les parlementaires de tous les groupes politiques. Ils se sont exprimés ce matin, à la suite de Mme Colot, qui connaît particulièrement bien l'Albanie, de façon très positive. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi, dans le texte du Sénat.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
Article unique
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures vingt, est reprise à dix heures trente-cinq.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (nos 1209, 1267).
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant aux amendements identiques nos 1209%2C1267/169-175">169 à 175 rectifié s à l'article 7, amendements en discussion commune avec l'amendement n° 1209%2C1267/788">788 rectifié .
Je suis donc saisi de plusieurs amendements identiques, nos 169 à 175 rectifié s.
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Merci, monsieur le président, de me laisser défendre mon amendement n° 171 rectifié avant celui de M. Mathus.
Non : Didier Mathus et Michel Françaix sont des personnes de trop grande qualité, de même que Bruno Le Roux, que je remercie de sa présence sur nos bancs ce matin.
Avec cet amendement, vous direz peut-être que je me répète, même si ce n'est pas tout à fait exact. Nous souhaitons que Mme la ministre de la culture, ainsi que la majorité, fassent un geste pour permettre à des parlementaires de l'opposition de siéger au conseil d'administration de la société chargée de l'audiovisuel extérieur de la France, comme c'est déjà le cas, d'ailleurs, dans les sociétés audiovisuelles. Selon le projet de loi, en effet, seuls un député et un sénateur siégeront dans les conseils d'administration des sociétés de l'audiovisuel public. Le sénateur sera toujours de droite ; quant au député, nous ne pourrions qu'espérer qu'il soit issu de l'opposition.
À l'instar du Président de la République, mon cher collègue, vous confondez majorité et unanimité. Cela pose un vrai problème démocratique dans le gouvernement de notre République. Souffrez que 53 % des Français n'équivalent pas à 100 %, que les 47 % qui restent aient aussi des idées et participent à la vie publique. De telles remarques, mon cher collègue, sont donc inconvenantes.
C'est dans cet esprit que je vous sollicite, monsieur le rapporteur de la commission spéciale. Prévoir quatre parlementaires – un de la majorité et un autre de l'opposition dans chacune des deux assemblées –, m'avez-vous déjà répliqué, déséquilibrerait le conseil d'administration. Admettons. En ce cas, pourquoi ne pas y ajouter une ou deux personnalités indépendantes ?
Puisque l'État souhaite seulement demeurer majoritaire dans le capital de la société AEF, d'autres actionnaires pourront siéger au conseil d'administration.
Je termine, monsieur le président.
Dès lors, disais-je, que l'on accepte dans le conseil d'administration d'autres personnes que des représentants de l'État et des personnalités qualifiées, pourquoi refuser qu'un sénateur et un député de l'opposition puissent y siéger ?
Je souscris aux propos de M. Rogemont.
Je souhaite m'écarter un peu de l'amendement.
Je veux seulement rappeler, en tant que membre de la commission spéciale, que 200 à 300 amendements y ont été examinés en seulement vingt minutes, ce qui ne manquait d'ailleurs pas d'étonner certains collègues de la majorité eux-mêmes.
En lisant votre rapport, au demeurant passionnant, monsieur Kert, on a parfois l'impression de tourner des pages blanches. J'ai été frappée par l'absence de démocratie et d'écoute pluraliste au sein de la commission spéciale. Le mode de désignation et de révocation, par le pouvoir exécutif, du président de la société AEF participe du même esprit. Je m'étonne que Mme la ministre de la culture, que j'ai rencontrée dans certaines réunions – au Centre national du livre, par exemple –, cautionne, malgré les valeurs qu'elle défend habituellement, un déni démocratique qui met à mal la représentation nationale. Comme l'a dit M. Rogemont, les députés de l'opposition sont nombreux, et ils représentent eux aussi les Français.
J'ai écouté démocratiquement les débats sans interrompre les orateurs, mon cher collègue : vociférer comme vous le faites est indigne d'un député.
Nous défendons pour la société AEF le même principe que pour France Télévisions et Radio France.
D'après les articles 8 et 9 du projet de loi, le Président de la République pourra désormais nommer par décret les présidents des sociétés de l'audiovisuel public. C'est selon nous une régression démocratique considérable. La moindre des choses est d'imaginer un contrepoids, d'ailleurs très modeste au regard de cette nouvelle disposition, afin d'assurer un pluralisme de la représentation parlementaire au sein des conseils d'administration.
Comme le disait hier soir notre collègue David Habib, c'est ce que nous pratiquons dans l'ensemble des instances de nos collectivités territoriales : l'opposition est représentée au sein des organes de délibération tels que le conseil municipal, mais aussi de toutes les commissions, ce qui apporte l'équilibre et la respiration nécessaires à la démocratie.
Notre demande est extrêmement modeste : il s'agit simplement de permettre qu'un parlementaire de l'opposition apporte l'équilibre par sa présence. À défaut, avec un président nommé par décret et des parlementaires issus de la majorité, vous allez provoquer l'asphyxie démocratique de l'audiovisuel public. L'argument du rapporteur selon lequel le conseil d'administration se trouverait déséquilibré n'est pas justifié, dans la mesure où il suffirait de le rééquilibrer ; nous ne contestons même pas le fait que la présence des représentants de l'État permette d'assurer la majorité au sein des conseils d'administration. L'essentiel, pour nous, est de faire en sorte que l'opposition soit présente afin de permettre d'assurer une respiration démocratique. Admettre ce principe constituerait un geste positif de votre part, qui vous garantirait contre certaines dérives.
La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi et le projet de loi organique relatifs à l'audiovisuel public.
Comme Mme Martinel, enseignante en Haute-Garonne, le sait, la répétition est la base de la pédagogie.
La commission s'est interrogée sur l'opportunité d'ajouter des parlementaires de l'opposition dans la composition du conseil d'administration et, si l'on peut le regretter, elle s'est finalement prononcée contre. La commission est donc défavorable à ces amendements.
Je veux souligner que rien, dans le texte, ne prévoit que les parlementaires désignés doivent forcément être issus de la majorité. Rien n'interdit donc d'envisager que, dans notre infini respect de la démocratie, nous désignions un député de l'opposition pour siéger au conseil d'administration de France Télévisions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je sens bien que vous doutez, mais rien ne permet d'exclure qu'un parlementaire de l'opposition – qui pourrait d'ailleurs aussi bien être un sénateur – soit désigné.
Je ne fais que livrer cette hypothèse à la sagacité de votre propre réflexion.
Par ailleurs, vous revenez sur le coeur de la réforme en proposant que le président du conseil d'administration soit nommé par le CSA, ce qui ne correspond pas non plus à l'esprit du texte et à ce que nous défendons. Vous ne serez donc pas étonnés que la commission ait donné un avis défavorable à ces amendements.
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements pour les raisons que vient d'évoquer M. le rapporteur. Je rappelle que nous parlons d'un conseil d'administration qui va être créé, puisque la société chargée de l'audiovisuel extérieur de la France n'existe pas encore ; le nom par lequel nous la désignons actuellement est d'ailleurs provisoire, peut-être ne sera-t-il pas conservé…
La composition de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France s'est faite sur le modèle de Radio France, avec un conseil d'administration composé du même nombre de membres et comportant les mêmes équilibres entre les différents collèges. Rien ne dit, en effet, que les parlementaires désignés ne pourront pas appartenir à l'opposition. N'est-ce pas le cas du président de la commission des finances de votre assemblée ?
Je veux souligner le fait que la proposition que nous formulons est cohérente à double titre. Il y a quelques jours, lors du débat sur la mise en place de la commission indépendante chargée de veiller au redécoupage des circonscriptions, dont l'existence est désormais consacrée par l'article 25 de la Constitution, nous avons exprimé le souhait que les nominations de parlementaires permettent d'assurer la continuité de la présence de ceux-ci au sein de la commission, afin de garantir le respect des droits de la majorité et de l'opposition. Par ailleurs, il me semble, madame la ministre, que notre proposition s'inscrit dans la continuité des engagements pris par l'exécutif l'été dernier en matière de nouveaux droits de l'opposition.
Ce que nous souhaitons aujourd'hui, c'est qu'il puisse y avoir dans toutes les instances indépendantes, tous les conseils d'administration où l'Assemblée nationale et le Sénat sont représentés, un équilibre démocratique qui ne résulte pas seulement de l'alternance politique. Je ne fais pas confiance à M. Kert lorsqu'il affirme qu'une majorité est capable de se dessaisir de sa prééminence majoritaire pour désigner spontanément un représentant de l'opposition : cela n'arrive jamais. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je le répète, nous ne pouvons pas vous croire, monsieur le rapporteur.
Le meilleur moyen d'assurer la continuité de la représentation de notre démocratie est de mettre en oeuvre, parallèlement aux nouveaux droits accordés à l'opposition, un système de nomination totalement nouveau, qui perturbera moins le fonctionnement des conseils d'administration et des instances indépendantes, dans la mesure où la présence d'un représentant de la majorité et d'un de l'opposition deviendra systématique. À mon sens, madame la ministre, cette proposition s'inscrit dans le droit fil des engagements pris par le Gouvernement lors de la révision constitutionnelle de l'été dernier.
(Les amendements identiques nos 169 à 175 rectifié s ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 788 rectifié , en discussion commune avec les amendements précédents.
La parole est à M. Noël Mamère.
Cet amendement est effectivement proche de ceux que viennent de défendre mes collègues du groupe SRC. Il n'est pas inutile de souligner le risque que l'on fait courir à l'indépendance de l'audiovisuel extérieur en faisant nommer son président par décret pris en conseil des ministres et en permettant qu'il soit révoqué par le Président de la République. Il est difficile de voir dans cette procédure un progrès démocratique : il s'agit d'une involution plutôt que d'une évolution ! Si l'on veut compenser le fait du prince et la dépendance consubstantielle du président de l'audiovisuel extérieur vis-à-vis du pouvoir, il est nécessaire que le conseil d'administration reflète un certain pluralisme.
Depuis le début de cette discussion, il y a de grands oubliés, à commencer par les téléspectateurs ; et si nous nous battons à l'Assemblée, c'est bien pour porter leur parole et leur inquiétude. Nous pensons également aux salariés de l'audiovisuel extérieur, mais aussi de l'ensemble des services de l'audiovisuel public, qui ont jusqu'à présent été traités comme de la valetaille par la majorité et les responsables chargés de l'audiovisuel public. Or une très grande inquiétude pèse actuellement sur les salariés de France Télévisions, soumis aux coups de boutoir quasi quotidiens du porte-parole de l'UMP, qui passe son temps à nous expliquer que les programmes diffusés par France Télévisions ne lui conviennent pas et qu'il conviendrait de mettre en oeuvre des plans sociaux.
Hier soir, mes collègues et moi-même avons évoqué le rapport de l'un de nos collègues sénateurs relatif aux moyens financiers de l'audiovisuel extérieur, qui sont dérisoires. Comment peut-on affirmer sérieusement qu'il va falloir se passer de 450 millions d'euros dans un premier temps, et de près de 800 millions d'euros lorsqu'il n'y aura plus du tout de publicité sur France Télévisions, alors qu'au même moment des entreprises mettent leurs salariés en chômage technique, que nous entrons dans une période de récession et que le Gouvernement continue malgré tout à refuser de partager les richesses et à servir toujours les mêmes ? Comment, dans une période où le Gouvernement augmente chaque jour un peu plus les déficits, peut-on croire à son engagement de combler de manière pérenne le manque à gagner résultant de la suppression de la publicité ?
C'est la raison pour laquelle nous estimons nécessaire de nous battre pied à pied, comme nous le faisons depuis quelques jours. Je suis désolé de devoir vous répéter tout cela, madame la ministre, mais j'espère néanmoins que vous transmettrez nos propos à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement ainsi qu'à M. le président de la commission spéciale – encore que celui-ci ait sans doute trop à faire en ce moment pour s'intéresser à nos débats, occupé qu'il est à tenter de convaincre ses amis de la majorité du bien-fondé de certaines propositions du Président de la République, notamment en matière de travail le dimanche.
Tout ceci montre que nous nous trouvons dans une situation où l'on néglige le Parlement, soumis par ailleurs au mitraillage permanent de l'occupant de l'Élysée, qui nous a fait adopter – pour notre part, nous nous félicitons d'avoir voté contre – le renforcement des droits du Parlement, une loi suivie de peu d'effets puisque nous sommes de plus en plus souvent obligés de bricoler et de travailler en urgence.
Nous proposons par conséquent l'amendement n° 788 rectifié , visant à ce que les salariés de l'audiovisuel extérieur, qui sont jusqu'à présent les grands oubliés du service public de l'audiovisuel, soient justement représentés au sein du conseil d'administration.
Si je me suis permis de vous interrompre, monsieur Mamère, c'est qu'en principe je n'étais pas tenu de vous donner la parole, puisque vous n'étiez pas présent lors de la discussion commune qui a été annoncée précédemment.
Il fallait bien que je défende mon amendement, qui ne faisait pas partie de la série d'amendements identiques !
C'est dans le cadre de la discussion commune que vous auriez dû le défendre.
Contrairement aux précédents amendements, celui-ci ne propose pas de revenir sur les nouvelles modalités de nomination du président du conseil d'administration. Néanmoins, trois dispositions de cet amendement ont conduit la commission à le repousser. Premièrement, il propose d'augmenter le nombre d'administrateurs de la société chargée de l'audiovisuel extérieur ; deuxièmement, il réduit le nombre de représentants de l'État alors que celui-ci détient 100 % de la holding ; troisièmement, enfin, il vise à faire passer de deux à cinq le nombre de représentants du personnel au sein du conseil d'administration.
L'exposé sommaire indique d'ailleurs que « cet amendement vise à mettre en conformité la composition du conseil d'administration », sans qu'il soit précisé avec quoi. En tout état de cause, ce n'est pas avec les conseils d'administration de France Télévisions, Radio France et RFI que cette mise en conformité est censée se faire, puisque ces conseils comportent tous deux représentants du personnel élu.
Par ailleurs, l'article 7 proposé par le Gouvernement permet à l'État de nommer par décret cinq administrateurs sur quatorze membres du conseil, ce qui paraît constituer une proportion très équilibrée. Nous ne partageons pas la volonté des auteurs de l'amendement de supprimer un administrateur représentant de l'État.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission est défavorable à l'amendement n° 788 rectifié .
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement : le nombre de représentants des salariés au sein des conseils d'administration étant fixé à deux dans toutes les sociétés nationales de programme depuis 1982, il n'y a pas de raison de faire un sort particulier à l'audiovisuel extérieur.
Puisque nous sommes dans le cadre d'une discussion commune, j'évoquerai des problèmes qui concernaient également la série d'amendements identiques que nous avons examinés précédemment : d'une part, le nombre de représentants du Parlement, d'autre part, le nombre de représentants du personnel. L'amendement de M. Braouezec présente l'avantage d'assurer une meilleure représentativité du personnel ; ce qui est loin d'être superflu, mais je reviendrai sur ce point.
En ce qui concerne les parlementaires amenés à siéger au conseil d'administration, vous nous dites, madame la ministre, qu'il n'est pas précisé que ces parlementaires appartiendront obligatoirement à la majorité. Comment le croire, alors qu'ils doivent être désignés par le président de chacune des deux chambres constituant le Parlement ? Le même doute s'applique aux personnalités qualifiées nommées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, quand on sait que le président de cette institution a, sortant de son rôle sans aucun souci de la déontologie, appuyé la réforme voulue par le Président de la République. Je ne parle même pas des représentants de l'État, qui garderont évidemment le doigt sur la couture du pantalon. Dans ces conditions, comment croire que la notion de pluralisme pourra être au moins évoquée au sein du conseil d'administration de la société ?
Ce pluralisme est pourtant plus que nécessaire. M. Loncle a évoqué hier les très nombreux licenciements qui ont eu lieu à RFI au cours des dernières semaines. Il a notamment cité le cas de M. Richard Labévière, que j'avais croisé alors que j'accompagnais M. le Président de la République en Syrie. M. Labévière était en reportage, en mission pour son chef de rédaction. Or il a été abusivement licencié pour avoir interviewé le chef de l'État syrien, Bachar el-Assad. Il l'a fait pourtant sous mandat et cette interview est passée à deux reprises sur les ondes de RFI.
M. Labévière est passé hier devant les prud'hommes, en première instance. Mais son affaire a été renvoyée à septembre 2009. Qu'on ne s'étonne pas après de la faible participation aux élections prud'homales…
Tout cela montre que notre inquiétude est justifiée. Loin de faire de l'obstruction, nous manifestons cette inquiétude au nom de la République française et de ses valeurs de liberté et de pluralisme.
(L'amendement n° 788 rectifié n'est pas adopté.)
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 3, de notre règlement.
Dans quelques heures, le Président de la République devrait annoncer un plan de relance. La situation économique de notre pays est en effet très préoccupante. À la crise financière s'ajoute désormais une crise économique et sociale. Nous avons déjà débattu des causes de cette crise qui sont, c'est vrai, très liées à la situation internationale. Mais dans ce contexte difficile, le Président de la République a décidé, avec ce projet de loi, d'alourdir le budget de l'État de 450 millions d'euros pour compenser les pertes de recettes publicitaires de France Télévisions.
Cette décision est particulièrement grave. Or je ne suis pas certain que chacun ait pris conscience de cette gravité. Je souhaite donc que la ministre de l'économie et le ministre du budget viennent nous expliquer comment ils comptent assurer le financement de ces 450 millions d'euros, sans alourdir la dette. Quelle logique y a-t-il en effet à faire payer aux générations futures les programmes de la télévision d'aujourd'hui ? Je m'étonne que ce point n'ait pas été évoqué dans le débat. Comment ne pas voir que ces 450 millions d'euros seraient mieux utilisés s'ils venaient alimenter un plan de relance dont pourraient bénéficier l'ensemble des Français ? Lorsque les caisses de l'État sont vides parce que la politique du Gouvernement les a vidées avec le paquet fiscal, 450 millions d'euros, ce n'est pas rien ! Cela représente un sixième des 3 milliards d'euros que coûterait la baisse d'un point de TVA. Voilà du concret pour les Français ! Le présent texte vient vraiment à contretemps.
Je souhaite donc que la ministre de l'économie et le ministre du budget viennent s'expliquer dans cet hémicycle. En attendant qu'on les contacte, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.
Mon intervention se fonde également sur l'article 58, alinéa 3, du règlement.
Je rejoins totalement le président Ayrault. Au cours de la discussion générale et de la présentation de mon amendement, j'ai évoqué moi aussi la situation économique et sociale de notre pays. Depuis le début de nos travaux, nous n'avons cessé de répéter, comme le rapporteur général du budget, membre de l'UMP, Gilles Carrez, qu'il est inconséquent et irresponsable d'examiner un projet de loi qui va alourdir le déficit de 450 millions d'euros, dans un premier temps, puis de 800 millions d'euros dans les deux années à venir.
Aujourd'hui, tous les indicateurs sont au rouge. Même le conseiller spécial du Président de la République, Raymond Soubie, qui n'a pas pour habitude de dresser un tableau très noir de la situation sociale de notre pays, exprime ses inquiétudes. Des représentants du Conseil d'analyse économique ont déclaré, ce matin encore, que la crise bancaire n'était pas terminée et que les conséquences pour les Français vont être terribles.
Nous sommes face à un Gouvernement de bricoleurs. La ministre de la culture ne répond pas à nos questions et se borne à nous accuser de faire de l'obstruction chaque fois que nous lui demandons comment sera garanti le financement de ces 450 millions.
C'est la raison pour laquelle, le jour même où le Président de la République annonce encore un nouveau plan – un de plus ! – sans avoir rien changé à sa politique, nous demandons à Mme la ministre de l'économie et à M. le ministre du budget de venir nous expliquer comment ils vont procéder. En attendant, je souhaite, comme M. Ayrault, une suspension de séance pour réunir mon groupe.
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures dix.)
Je suis saisi d'un amendement n° 422 .
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
Cet amendement que j'ai déposé avec Françoise de Panafieu vise à faire en sorte que les parlementaires occupant les fonctions, ici ou au Sénat, de rapporteur spécial ou de rapporteur pour avis sur les crédits des missions concernant les médias ne puissent siéger au conseil d'administration.
Il ne nous semble pas souhaitable, en effet, que le parlementaire ayant cette qualité soit juge et partie, puisqu'il aura à rapporter sur l'ensemble des crédits des différentes sociétés visées, et pas seulement d'une seule. Il convient qu'il ne puisse participer à des prises de décision qu'il aura à évaluer dans le cadre de ses fonctions de rapporteur.
On va sûrement me répondre que c'est la loi organique qui permettra de résoudre ces problèmes d'incompatibilité. Et nous y reviendrons dans ce cadre. Mais, au moment où le Parlement veut renforcer son rôle et sa capacité d'évaluation, Françoise de Panafieu et moi-même considérons qu'il importe d'établir une distinction entre la participation au conseil d'administration et la mission de contrôle de l'action dudit conseil et de la société. Je le rappelle, dans les conseils municipaux, nous évitons de faire participer au vote les conseillers municipaux ou les adjoints responsables d'une association, par exemple.
Monsieur Martin-Lalande, je répéterai ce que je vous ai déjà dit en commission puis à l'occasion de la présentation d'un autre de vos amendements : votre proposition pose deux problèmes d'ordre constitutionnel.
D'abord, elle est incompatible avec la souveraineté parlementaire. C'est en effet à l'Assemblée nationale et au Sénat de fixer leurs propres règles de désignation, qu'il s'agisse de leurs représentants dans des organismes extérieurs ou de leurs rapporteurs.
D'autre part, l'article 25 de la Constitution renvoyant la fixation des règles relatives au régime des incompatibilités parlementaires à une loi organique, on ne peut modifier ces règles par une loi ordinaire.
J'aime trop Patrice Martin-Lalande pour qu'il ait à subir l'affront de voir sa proposition déclarée inconstitutionnelle. La commission a donc repoussé son amendement.
Sagesse.
Je remercie Mme la ministre de s'en remettre à notre sagesse. Quant à la réponse du rapporteur, elle portait essentiellement sur la forme.
Sur le fond, je ne vois pas en quoi, comme semble le dire Patrice Martin-Lalande, le fait pour un parlementaire de représenter l'Assemblée nationale dans une instance quelconque pourrait le conduire à une situation de conflit d'intérêts par rapport à son mandat électif. Siéger au conseil d'administration de France Télévisions – si tant est que je puisse y être nommé, car j'ai bien compris que vous ne le souhaitiez pas – et être par ailleurs rapporteur ne m'empêcheraient nullement d'être impartial dans l'exercice de mes missions, car le député n'est jamais guidé que par l'intérêt général.
J'aimerais donc quelques éclaircissements de la part de M. Martin-Lalande ou de Mme de Panafieu, que je cherche du regard…
(L'amendement n° 422 n'est pas adopté.)
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 44 .
Ces deux amendements satisferont, je pense, nos collègues de l'opposition, puisqu'ils précisent que les personnalités qualifiées siègeant au conseil d'administration d'AEF doivent être indépendantes. Ceux d'entre nous qui siègent dans des conseils d'administration d'organismes publics ont pu constater que certains membres de ces conseils pouvaient avoir des liens financiers ou institutionnels avec la société dont ils étaient administrateurs. Nous avons donc tenu à préciser que les administrateurs d'AEF seraient nommés à raison de leur compétence, de manière à garantir leur indépendance.
Ces amendements ont été adoptés par la commission à l'unanimité.
Avis favorable.
Mais de qui se moque-t-on ? Vous savez le respect et l'amitié que j'ai pour vous, monsieur le rapporteur, mais comment osez-vous nous parler d'indépendance, alors que l'article 7 prévoit qu'aucun parlementaire de l'opposition ne siégera au conseil d'administration de l'audiovisuel extérieur, pas plus d'ailleurs que dans les conseils d'administration de Radio France et de France Télévisions !
À l'heure actuelle, l'existence de cinq sociétés, France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO permet aux députés et aux sénateurs de l'opposition de siéger dans les instances dirigeantes des sociétés nationales de télévision. C'en est fini, puisqu'il n'y aura plus désormais qu'une seule entreprise, avec un unique conseil d'administration, et que vous avez systématiquement refusé tous les amendements que nous avons présentés pour que ce conseil comporte quatre représentants du Parlement – deux sénateurs et deux députés, deux représentants de la majorité et deux représentants de l'opposition. Nous ne pouvons accepter que les parlementaires de l'opposition soient systématiquement expulsés des conseils d'administration des sociétés nationales de radio et de télévision !
Par ailleurs, le président de l'audiovisuel extérieur de la France ainsi que le président de Radio France et de France Télévisions seront désormais nommés directement par le Président de la République, ce qui ne vous empêche pas de vouloir nous faire croire, en changeant le mot « qualifié » par le mot « indépendant », qu'après le vote de cette loi ces conseils d'administration seront réellement indépendants, alors que ce seront des organes fermés, réservés à vos amis politiques ! N'est-ce pas déjà le cas pour l'audiovisuel extérieur de la France, dont la personnalité qualifiée qui le dirige – je n'y reviens pas – n'est en rien indépendante ?
Quitte à vous déplaire, nous ne pouvons laisser la majorité se donner bonne conscience à peu de frais en parlant de personnalités indépendantes. Car elles seront évidemment choisies en fonction non pas de leurs qualifications et de leurs compétences mais de leurs affinités politiques, comme les futurs présidents des sociétés nationales de radio et de télévision.
Je suis contre cet amendement pour les mêmes raisons que Patrick Bloche. Nous ne mettons pas en cause la sincérité du rapporteur, mais il y a une manière de provocation à nous soumettre un amendement qui propose que des personnalités indépendantes siègent dans les conseils d'administration, alors que tout est par ailleurs mis en oeuvre dans ce projet de loi pour que ces conseils d'administration ne soient pas indépendants.
Il n'y a qu'à voir comment fonctionne aujourd'hui l'audiovisuel extérieur pour comprendre que nous ne sommes pas très loin de la République des copains. Mais vous voudriez abuser de notre bonne volonté et nous faire croire que la nomination de personnalités indépendantes doit nous satisfaire !
Vous avez refusé tout à l'heure l'augmentation du nombre de salariés siégeant au conseil ; vous allez sans doute refuser dans quelques instants que des représentants des filiales de l'audiovisuel extérieur y siègent, alors que le président de l'audiovisuel extérieur est aussi président des filiales. Cessez donc de prendre les membres de l'opposition pour des naïfs : nous avons vu le piège !
Depuis le début de cette discussion, on nous qualifie de provocateurs et d'adeptes forcenés et obsessionnels de l'obstruction. (« C'est le cas ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes là, nous résistons, nous expliquons nos positions : autant de vertus du débat parlementaire garantes de l'élaboration de bonnes lois, mais que vous avez oubliées en voulant passer en force, en urgence et à toute vitesse.
Pensez-vous réellement que l'on puisse examiner ce projet qui bouleverse le paysage audiovisuel français entre le mois de janvier et le mois de novembre, alors que les Britanniques ont mis quatre ans à réformer leur audiovisuel ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais oui !
Alors, vous avez une drôle de conception de la démocratie ! Nous sommes, nous, favorables au débat, car nous voulons élaborer et voter les lois dans de bonnes conditions. Au lieu de cela, nous subissons mépris et humiliation.
Cet amendement s'inscrit dans la logique de ce que nous avons défendu jusqu'à maintenant et dont je rappelle le contexte : un président de l'audiovisuel extérieur désigné par décret par le Président de la République, ce qui est une atteinte considérable au principe de son indépendance ; une situation d'inceste politique entre le ministère des affaires étrangères et l'audiovisuel extérieur de la France.
La République des copains ne doit pas être légalisée, et nous ne sommes pas là pour cautionner ce genre d'opérations. Notre amendement propose donc que siègent dans le conseil d'administration de l'audiovisuel extérieur de la France des représentants des filiales. Dans la mesure où, je le répète, le président de l'audiovisuel extérieur de la France est également président des filiales, pourquoi exclure ces dernières du conseil d'administration ?
De mauvais coups se préparent au sein de l'audiovisuel extérieur de la France. Notre collègue Gérard Bapt a évoqué ce journaliste qui était hier devant les prud'hommes parce qu'il avait été purement et simplement « jeté » de Radio France Internationale, après avoir eu la mauvaise idée d'interviewer une crapule du nom de Bachar el-Assad, président de la Syrie, à une époque où ce dernier n'était pas encore l'ami du président Sarkozy, lequel ne lui avait pas encore décerné ses brevets de vertu, comme au président Kadhafi.
Patrick Braouezec a parlé de la fermeture du bureau de Moscou et de la suppression de la langue russe à RFI. Mme la ministre de la culture imagine un itinéraire de délestage et nous explique que le web remplira là tous ses offices ! Mais nous savons parfaitement que, dans des pays où la démocratie n'est pas la vertu la mieux partagée, RFI est un outil de propagation des valeurs universelles auxquelles nous croyons tous. Nous ne pensons pas, comme l'avait dit le président Chirac, que les droits de l'homme soient à géométrie variable et qu'ils puissent ou non s'appliquer selon l'endroit où l'on se trouve. Les droits de l'homme sont universels et RFI, qui est l'un des outils de leur promotion, est aujourd'hui menacée.
Enfin, ce n'est pas nous mais un de vos amis politiques, un sénateur, qui, dans son rapport, explique les difficultés actuelles et à venir du budget de l'audiovisuel extérieur de la France.
Nous présentons donc cet amendement n° 791 comme un amendement de repli puisque nous refusons le principe, que nous allons examiner à l'article 8, de la nomination par décret du président de l'audiovisuel extérieur de la France, comme nous l'avons refusé pour le président de France Télévisions et pour celui de Radio France.
Je profite de l'honneur que M. le président de la commission spéciale nous fait de sa visite pour quelques minutes – il est, je crois, pris par des réunions relatives à des projets de loi qui s'annoncent difficiles pour sa majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) –, pour rappeler la demande de Jean-Marc Ayrault.
Je contextualise l'objet de mon amendement, monsieur le président, en rappelant que prévoir 450 millions d'euros de depénses publiques aujourd'hui et 800 millions demain, c'est alourdir un déficit déjà très important. C'est la raison pour laquelle, au moment où le Président de la République annonce un prétendu plan de relance, qui ne sera du reste que le énième, nous désirons obtenir des explications de la part de la ministre de l'économie et du ministre du budget.
L'avis de la commission portera sur l'objet de l'amendement et non sur l'exposé de M. Mamère qui n'avait rien à voir avec celui-ci.
L'image du président el-Assad était encore excellente avant-hier mais, comme nous y avons droit matin, midi et soir depuis une semaine, elle a pris un petit coup de vieux. Monsieur Mamère, peut-être devriez-vous varier les clichés !
Monsieur le rapporteur, je vous demande de bien vouloir revenir à l'amendement.
Je ne l'ai pas quitté, monsieur le président.
Monsieur Mamère, je tiens à vous rappeler que les filiales comme les autres opérateurs du réseau audiovisuel extérieur de la France auront leurs propres organes de gouvernance. S'agissant plus spécifiquement de RFI qui, je l'ai noté, vous tient autant à coeur que le président el-Assad, je vous confirme que le conseil d'administration comprendra des représentants du personnel, élus conformément aux dispositions du titre II de la loi du 26 juillet 1983.
Les sociétés dont la holding en charge de l'audiovisuel extérieur sera l'actionnaire auront donc, je le répète, leurs propres organes de gouvernance.
Je vous rappelle enfin que la loi de 1983 n'interdit pas aux salariés des filiales de se porter candidats au conseil d'administration d'une société holding.
Tels sont, monsieur Mamère, les arguments qui justifient l'avis défavorable de la commission.
Défavorable pour les raisons que le rapporteur a parfaitement exposées.
(L'amendement n° 791 n'est pas adopté.)
(L'article 7, amendé, est adopté.)
Article 7
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures cinquante-cinq.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
Je ne vous cacherai pas mon étonnement face aux nombreuses critiques relatives au nouveau mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programme. Plusieurs solutions étaient envisageables pour améliorer les dispositions en vigueur qui confient au CSA la nomination de ces présidents. Je me réjouis donc de la mise en place, grâce au texte que nous allons voter très rapidement j'imagine, d'une procédure qu'on peut qualifier de codécision puisqu'elle associe l'exécutif, qui nomme par décret, l'autorité indépendante, le CSA, qui rend un avis conforme, et le Parlement, dont les deux commissions des affaires culturelles peuvent émettre un avis défavorable à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.
Cette procédure de codécision apporte le maximum de garanties et renforce considérablement la procédure de droit commun pour la nomination des présidents d'entreprise publique puisque, désormais, deux niveaux complémentaires participent à la décision : l'autorité indépendante et le Parlement, en sus, donc, du pouvoir exécutif, à l'origine, et c'est bien normal, de la nomination. Le droit commun veut en effet que l'exécutif soit à l'origine de toute nomination dans les entreprises publiques.
La procédure proposée constitue, contrairement à ce qu'on a trop souvent entendu ici, un véritable progrès. La codécision est la garantie qu'il y aura trois niveaux d'appréciation du choix du nouveau président, trois occasions de peser les qualités du candidat retenu et éventuellement de bloquer sa nomination. Jamais, dans aucune autre procédure, deux avis successifs n'étaient exigés pour valider ou non le choix de l'exécutif. Cette procédure de codécision constitue donc vraiment un progrès important pour un secteur spécifique comme l'audiovisuel, et je m'en réjouis. Nous aurons fait un pas en avant en votant cette disposition.
L'article 8 est l'un des plus importants du projet puisque c'est celui qui, contrairement à ce que dit avec beaucoup d'humour M. Martin-Lalande,…
…va nous faire accomplir, non un pas en avant, mais un gigantesque bond en arrière de plus de vingt-cinq ans. On s'apprête en effet à revenir sur tout ce qui avait été entrepris dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix pour consolider l'indépendance de l'audiovisuel public.
Tout le monde stigmatise ce formidable retour en arrière, y compris des personnalités qui ne sont pas particulièrement engagées politiquement. Je lisais récemment un entretien de Michèle Cotta, grande professionnelle s'il en est, qui dénonçait cette dérive régalienne du pouvoir.
J'ai parlé l'autre jour de l'équilibre des pouvoirs, citant L'esprit des lois de Montesquieu, qui préconise la pluralité des organes de pouvoir pour que le pouvoir arrête le pouvoir.
Chers collègues de l'UMP, laissez-moi vous reprocher de ne pas tenir compte du principe suivant : dans l'organisation de l'équilibre des pouvoirs, c'est au législatif de protéger les organes d'information des appétits excessifs de l'exécutif et plus particulièrement du Président de la République.
Nous avons tous en mémoire, en effet, ce que M. Sarkozy a récemment déclaré à propos de l'audiovisuel public. Tout le monde a pu voir sur Dailymotion ou sur You Tube, la vidéo en date du 27 juin 2008 montrant le chef de l'État grommeler : « On n'est pas dans le service public, ici, on est chez les manifestants, ça va changer, ça va changer ! » La veille, il tenait ces propos repris par L'Express : « Je vais tout casser du sol au plafond ! C'est pour emmerder Chabot et Carolis, ils sont nuls ! »
Je ne sache pas que ces propos aient été démentis. Il y a un vrai problème dans la conception du pouvoir de M. Sarkozy, qui souhaite occuper les antennes et mettre en laisse dès maintenant l'audiovisuel public pour assurer sa domination au moment de l'élection présidentielle de 2012, comme chacun l'a bien compris.
Ce gigantesque pas en arrière est foncièrement inacceptable. C'est l'une des dérives bonapartistes les plus graves que l'on ait connues dans ce pays depuis des années et des années. La vérité, c'est que l'encadrement qui nous est présenté, et que vient de défendre M. Martin-Lalande sans y croire lui-même, relève de la pure décoration.
Le CSA formulera un avis, nous dit-on. Nous savons quoi penser du CSA et de son président, qui a oublié qu'il était responsable d'une instance de régulation, et qui est d'abord un militant UMP,…
…ancien directeur de cabinet du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Il aurait dû démissionner hier matin, sans attendre, car il a discrédité l'instance de régulation indépendante dont il se réclame.
Deuxièmement, on nous parle de l'encadrement par les commissions parlementaires. Mais qu'en est-il au juste ? Une majorité des trois cinquièmes est nécessaire pour s'opposer à la décision du Président de la République. Or, dans toute l'histoire de la Ve République, jamais on n'aurait pu réunir, lorsque la droite était au pouvoir, une telle majorité pour s'opposer à ses projets. Jamais ! On comprend donc bien que cette disposition a une fonction décorative. C'est un faux-semblant visant à nous faire croire qu'il y a un début d'encadrement.
La vérité, encore une fois, c'est que c'est un retour en arrière sans précédent, de plus de vingt-cinq ans. C'est une dérive très inquiétante du pouvoir et de M. Sarkozy. Depuis maintenant un an et demi, il considère qu'il a table ouverte, studio ouvert dans toutes les chaînes de télévision. On l'a vu parler à l'infini, s'occuper de tout, nommer les journalistes et les animateurs, choisir les programmes. Maintenant, il veut encore plus. Il veut que le président de France Télévisions soit en quelque sorte l'un de ses collaborateurs directs.
C'est une régression extrêmement grave, qui justifie à elle seule le combat que nous avons engagé depuis un peu plus de huit jours. Dans l'histoire démocratique récente, un tel déni est sans précédent.
Inutile de chercher d'autres pays où les choses pourraient se passer ainsi. Chers collègues de la majorité, vous qui êtes d'habitude si prompts à citer nos partenaires en exemple, à nous dire combien ils sont modernes parce qu'ils font ceci ou cela, je vous invite à regarder comment on désigne, partout en Europe, les présidents de l'audiovisuel public. Il n'y a pas un seul pays – pas un seul – où l'on ait pu imaginer une seconde que les patrons de l'audiovisuel public soient désignés par décret du chef de l'exécutif. C'est inimaginable !
Nous sommes donc bien confrontés à une dérive bonapartiste du pouvoir, qui doit être combattue avec vigilance. Je suis extrêmement déçu, je vous le dis, du comportement de députés comme Patrice Martin-Lalande, comme Christian Kert, et d'autres, qui, au cours des dix dernières années, ont essayé de défendre le service public et son indépendance, en illustrant une certaine idée – peut-être héritée du gaullisme – de la télévision publique. Je suis triste de les voir aujourd'hui s'agenouiller aussi indécemment devant l'oukase présidentiel. Je crois que tous les députés, tous les élus du suffrage universel, devraient refuser ce projet du Président de la République.
Je conclurai, monsieur le président, par une citation d'un écrivain extrêmement célèbre :
« Que peut-il ? Tout. Qu'a-t-il fait ? Rien. Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France, de l'Europe peut-être. Seulement voilà, il a pris la France et n'en sait rien faire. Dieu sait pourtant que le Président se démène : il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c'est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide. Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. Il a pour lui l'argent, l'agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. »
Je pourrais continuer.
Vous aurez peut-être reconnu Victor Hugo, parlant de Napoléon le Petit. Cette citation s'applique de façon troublante à la situation actuelle. Elle nous montre que l'abus que vous vous apprêtez à cautionner est la dérive bonapartiste d'un pouvoir personnel absolument inacceptable.
S'agissant de l'article 8, la question est de savoir à qui appartient la télévision publique. C'est évidemment une question forte. (L'orateur brandit un numéro des Dossiers du Canard enchaîné.)
Je vous lirai dans un instant des extraits de cette publication. Il ne s'agit pas de faire de la publicité.
On nous parle de « codécision » en nous expliquant que le Président de la République décidera seul, à la suite de quoi le CSA donnera son avis.
Mais permettez-moi de vous lire ce récit concernant M. Sarkozy. À l'occasion d'un voyage en Israël, il est dans l'avion en compagnie de Serge Moati et Jean-Pierre Elkabbach. « L'un d'entre eux lui demande : “Tout de même, si vous nommez le président de France Télévisions en conseil des ministres, à quoi sert le CSA ?”. Sarkozy sourit et lâche : “À rien.” »
À Rien ! Voilà ce qu'il en est de la « codécision » via le CSA. Voilà, en tout en état de cause, ce qu'en pense le Président de la République.
En général, à l'Assemblée nationale, on se réfère au Journal officiel !
Le Canard enchaîné résume bien en couverture la position du Président de la République : « La télé, c'est moi ! ».
Peut-être penserez-vous que, quand il a dit que le CSA ne servait à rien, ce n'était qu'une toquade. Seulement voilà, il y a cette autre déclaration de M. Sarkozy, dans les locaux de France 3 : « Personne n'est là pour m'accueillir. Toute cette direction, il faut la virer. Je ne peux pas le faire maintenant. Mais ils ne perdent rien pour attendre. Ça ne va pas tarder. » Il n'était alors que candidat à l'élection présidentielle. Et en effet, cela n'a pas tardé, puisque c'est l'objet de la loi qui nous est présentée.
Ce texte est bien l'expression d'un projet politique de M. Sarkozy : faire de la télévision publique sa télévision, chargée de faire sa promotion. Devant cette attitude monarchique, vous qui siégez sur les bancs de la droite, vous n'êtes plus de véritables citoyens mais simplement des sujets. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est à ce titre-là que vous allez, dans quelques instants, voter l'article 8.
Même le président de la télévision publique italienne – Dieu sait pourtant qu'elle est soumise à de fortes pressions – n'est pas désigné par le Président de la République.
Au Royaume-Uni, peut-on imaginer une seconde que Gordon Brown ou la reine Élisabeth nomme le président de la BBC ? Soyons sérieux !
Qui peut penser qu'Angela Merkel pourrait se mettre à nommer elle-même les présidents des chaînes publiques allemandes ? Même le Président de la Bundesrepublik, vous le voyez faire cela ? Ce serait intolérable dans ce pays.
Alors comment se fait-il qu'ici on finisse par l'accepter ? C'est que vous êtes pris d'une frénésie, qui n'est pas seulement une frénésie législative : il faut qu'à tout instant, il se passe quelque chose. C'est comme aux Galeries Lafayette ! Devant l'omniprésence frénétique du Président de la République, vous êtes comme enivrés, au point de ne rien voir de ce qui se passe dans la réalité.
On parlait tout à l'heure d'une forme de bonapartisme. Je parle, moi, de monarchie. Il suffit que, le 8 janvier dernier, au hasard d'une rencontre, le Président de la République dise, comme ça : « Il n'y aura plus de publicité sur les chaînes publiques », et boum, on y va !
À partir de là, on discute dans des commissions pendant plusieurs mois, mais c'est pour apprendre brutalement, au détour d'une conversation, que le Président de la République entend désormais nommer seul le président de France Télévisions.
Je conclus, monsieur le président.
Les chaînes publiques ne sont pas des sociétés du CAC 40. On n'a pas besoin de PDG et d'actionnaires. On a besoin du respect de la citoyenneté, du respect de la démocratie.
Nous sommes en train d'examiner un article essentiel, sans doute l'un des plus importants de ce texte. Des trois dépendances que crée le projet de loi, l'article 8 institue en effet la dépendance politique, celle des présidents de France Télévisions, de Radio France et de l'audiovisuel extérieur de la France.
Sur un sujet aussi essentiel, puisqu'il s'agit manifestement d'un recul démocratique, comme nous nous attachons à le démontrer depuis le début de la discussion sur l'article 8, il est inconvenant, pour ne pas dire méprisant, que le président de la commission spéciale, M. Copé, soit absent de cet hémicycle.
Je demande donc que la séance soit suspendue tant que M. Copé ne sera pas présent pour assister à une discussion essentielle portant sur une disposition qui institue une dépendance politique.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à douze heures quinze.)
Comme viennent de le dire avec force et conviction Didier Mathus et Marcel Rogemont, l'article 8 est un article essentiel de ce projet de loi en ce qu'il bouleverse – le mot est faible – la recherche quasi systématique, depuis une trentaine d'années, de l'indépendance des responsables de l'audiovisuel vis-à-vis du pouvoir politique. Le mouvement a commencé en 1981 sous l'impulsion de François Mitterrand et de son ministre de la communication d'alors, Georges Fillioud. Enfin, les ondes étaient libérées !
Pour éclairer notre assemblée et pour saluer le retour de M. Copé dans l'hémicycle – le rappel au règlement de Noël Mamère avait donc quelque intérêt –, je vais me permettre de lire, la page 36 de son rapport :
« Modalités de désignation du président-directeur général.
« En ce qui concerne la nomination du président-directeur général, France Télévisions doit veiller à se rapprocher du fonctionnement habituel d'une entreprise tout en tenant compte de la spécificité majeure de son activité qui donne au CSA un rôle éminent dans le processus de désignation, comme le Conseil Constitutionnel l'a affirmé.
« Afin d'élaborer une solution respectueuse de ce double impératif, le président-directeur général sera désigné par le conseil d'administration de l'entreprise sur une liste de trois à cinq noms proposée par le CSA.
« Après cette désignation, le PDG deviendra le treizième membre du conseil d'administration.
« Chaque candidat, aussi bien dans le processus de sélection initial de la responsabilité du CSA que dans la désignation finale par le conseil d'administration, devra être en mesure de défendre un projet de mandat qui constituera le cadre général de son plan d'action à cinq ans.
« Le président-directeur général finalement retenu veillera, dès sa désignation, à négocier avec les autorités de tutelle le COM permettant de traduire conventionnellement les objectifs qu'il se sera assignés et qui auront justifié sa désignation par le CSA puis par le conseil d'administration. »
Chers collègues de la majorité, j'ai voulu vous lire intégralement cette page 36 du rapport de la commission Copé pour vous rappeler que le jour même où celui-ci lui a été remis, le 25 juin dernier, au mépris total de votre travail – les parlementaires de l'opposition ayant quitté la commission pour des raisons que nous avons rappelées au cours du débat –, au mépris de ce que vous représentez, au mépris des principes et des valeurs de la République au nom desquels vous aviez, dans cette page 36, rappelé avec force l'indépendance qui devait être celle du président de France Télévisions, le Président de la République, usant du fait du prince, a décidé de prendre l'exact contre-pied de ce que vous proposiez. J'en appelle au sens de l'honneur ou de la dignité, du respect que l'on doit à soi-même et à ses convictions, des parlementaires qui ont participé à la rédaction de ce rapport et de tous les autres, pour rejeter, comme nous, l'article 8 du projet de loi.
Comme mes collègues, je suis choquée que le président de la commission spéciale n'assiste pas à nos débats. (« Il est là ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Sa présence est vraiment exceptionnelle et, comme il n'est pas assis au banc de la commission, je ne l'avais pas vu. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Monsieur le président, j'aimerais que nos collègues de la majorité s'inscrivent dans le débat s'ils ont quelque chose à dire,…
…plutôt que de nous interrompre en permanence. À chaque fois, nous sommes obligés de leur répondre.
S'il n'y avait pas de provocations, il n'y aurait pas d'interruptions. Revenez-en à l'article 8.
Je le veux bien, monsieur le président, mais demandez à mes collègues de me laisser m'exprimer.
Cet article, on en a beaucoup parlé en dehors de l'hémicycle. Il est donc tout à fait légitime d'en parler ici. L'exposé des motifs du projet de loi donne peu de motivations pour cet article, hormis la légitimité qu'aurait l'État actionnaire de nommer le président de France Télévisions.
Avouez que cette assertion mérite débat quand on sait que nulle part ailleurs en Europe et dans l'ensemble des pays anglo-saxons n'existe un tel pouvoir unique du Président de la République. Je m'étonne que nos collègues de la majorité ne soient pas choqués par ce pouvoir de nomination exorbitant de ce qui se constate dans les démocraties avancées.
La présence d'amis du Président de la République dans les médias est bien avérée. Laurent Solis a intégré TF 1 peu de temps après la campagne présidentielle. Et quand on est ami du Président, on se conforme à ses désirs ou on est congédié. Quand on voit le sort qu'ont connu certains membres de l'équipe de campagne du Président de la République, en particulier le regretté David Martinon, on a tout lieu de s'inquiéter de l'indépendance dont pourra jouir le président de France Télévisions à l'avenir.
Oui, nous protestons. Oui, nous sommes résolument contre ce pouvoir de nomination, contre cette dépendance politique, éditoriale et financière qui fera du président de France Télévisions et de ceux des deux autres sociétés de l'audiovisuel public des serviteurs zélés du Président de la République.
Le porte-parole de l'UMP a déclaré que France Télévisions aurait les moyens de « survivre ». Pas de vivre, pas de se développer ni d'atteindre des objectifs ambitieux pour le pluralisme, la créativité, la diversité culturelle : de survivre ! Décidément, cette majorité a une fâcheuse tendance à confondre les programmes de TF 1 et les objectifs de l'audiovisuel public.
Non, le service public de l'audiovisuel, ce n'est pas Koh Lanta. Il faut refuser, par tous les moyens et avec toute notre énergie, de basculer dans une nouvelle ère.
On a beaucoup cité ici Montesquieu et L'esprit des lois.
Si Montesquieu prenait sa plume aujourd'hui, il consacrerait de longues pages à la sanctuarisation du pouvoir médiatique de l'information.
L'indépendance de l'audiovisuel public devrait être une règle, un impératif pour chaque démocrate dans ce pays. Encore une fois, nous nous opposerons avec la dernière énergie à la remise en cause de l'équilibre des pouvoirs, du pluralisme et de la démocratie.
Tout à l'heure, Didier Mathus évoquait le bond en arrière incroyable que représentent les dispositions de l'article 8 relatives à la nomination du président de France Télévisions par le Président de la République. Plutôt qu'un bond de vingt-cinq ans, je considère plus exact de dire qu'il s'agit d'un bond de quarante ans.
C'était l'époque de M. Peyrefitte. La télévision avait alors un service de liaison interministérielle de l'information qui donnait au Gouvernement un droit de regard sur le conducteur du journal télévisé du soir. C'est à peu près ce qui nous attend avec la volonté de contrôle absolu du Président de la République sur les médias.
Patrick Bloche faisait allusion au désaveu, au reniement que constitue l'article 8 au regard de la page 36 du rapport de M. Copé. Pour dénoncer en termes modérés cette disposition, je voudrais citer à mon tour un journal qui n'est pas gauchiste mais qui s'y connaît en culture,…
…et dont les avis sur l'audiovisuel en général sont très pertinents. Ce journal, c'est Télérama…
…qui est probablement lu sur toutes les travées de cet hémicycle. Dans l'édition d'hier soir, le journaliste, après avoir dénoncé les méfaits économiques de ce projet de loi, aborde la question politique centrale qui nous occupe à l'article 8 :
« À cette dépendance économique va s'ajouter une dépendance politique avec la nomination et la révocation du président de France Télévisions par l'exécutif. Le CSA s'est certes trop souvent comporté comme un paravent du pouvoir en place, mais s'appuyer sur son manque d'indépendance » – que M. Boyon vient de démontrer – « pour justifier d'une telle reprise en main, c'est le vice qui se prévaut de ses propres turpitudes. Il fallait réformer le CSA, pas l'émasculer, en faire enfin une autorité vraiment indépendante comme il en existe dans les grandes démocraties européennes. Et, suprême hypocrisie, on nous explique que ce processus de nomination est encadré. » Mes collègues ont fort bien démontré que les paravents du CSA et de l'hypothétique refus des trois cinquièmes des deux commissions parlementaires ne tiennent pas la route. « Qui peut, continue le journaliste, sérieusement croire une seconde que ces paravents iront à l'encontre des choix du Président de la République ? »
La conclusion de l'article sera également celle de mon intervention, à laquelle je vous demande de réfléchir : « Si Nicolas Sarkozy se représente en 2012, la première chaîne privée sera dirigée par un de ses plus proches amis, et les chaînes publiques par l'homme qu'il aura désigné. Belle image d'une démocratie moderne ! La télévision publique est le bien de tous et non pas la propriété de quelqu'un. »
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la désignation directe du président de France Télévisions par le Président de la République ne nous ramène pas seulement – comme le disait M. Baroin il y a quelques jours – vingt-cinq ans en arrière. C'est une profonde régression démocratique par rapport au pluralisme politique qui était né de la Haute autorité. Dans L'Express, l'ancienne présidente de la Haute autorité écrivait ce matin : « Nous retournons à une pratique surannée, de type régalien, à des réflexes que l'on croyait disparus à jamais. Il n'est pas un seul pays démocratique qui se soit risqué à un tel retour en arrière. »
Il s'agit d'une profonde rupture avec tout le mouvement d'émancipation des médias qui s'est développé dans tous les pays démocratiques depuis cinquante ans. Didier Mathus disait qu'aujourd'hui aucun pays démocratique ne désigne le président de la télévision publique de cette façon. Patrick Bloche rappelait que dans de nombreux pays le président est désigné par le conseil d'administration – c'était d'ailleurs une des préconisations du rapport de M. Copé –, sur proposition du conseil supérieur de l'audiovisuel.
Mais vous avez choisi la pire forme de régression, au lieu d'avancer dans le pluralisme. Nous vous avons tendu la main, par le biais de nombreux amendements, en proposant que dans les différents conseils d'administration siègent des représentants de la majorité et de l'opposition, comme c'est le cas dans tous les pays démocratiques. Vous avez refusé ces amendements et vous renouez aujourd'hui, à travers cet article 8, avec le pire étatisme : la mainmise directe du pouvoir politique sur la direction de l'audiovisuel public.
L'audiovisuel public, ce n'est pas une entreprise publique comme les autres, c'est un quatrième pouvoir. On a beaucoup parlé de Montesquieu, mais il n'y a pas seulement à respecter l'équilibre entre les trois pouvoirs, il faut aussi que le pouvoir médiatique, qui fait partie des pouvoirs essentiels dans une démocratie, soit indépendant du pouvoir politique.
Dans ce domaine, le président Nicolas Sarkozy renoue avec les vieux démons qui étaient autrefois ceux d'une partie de la droite : remettre la télévision publique en laisse comme dans les années soixante et soixante-dix.
Madame la ministre, je ne suis pas sûr que, dans quelques années, vous ne regretterez pas d'avoir associé votre nom à cette réforme.
Mes chers collègues de la majorité, je ne suis pas sûr que, dans quelques années, nombre d'entre vous ne regretteront pas d'avoir laissé se produire cette formidable régression démocratique.
C'est pourquoi je vous invite à repousser l'article 8.
Nous voici au coeur d'un sujet important : la nomination par le Président de la République du président de France Télévisions et de l'ensemble de l'audiovisuel public. Certains de mes collègues ont dit qu'il s'agissait d'un recul de vingt-cinq, trente ou quarante ans. Je pense qu'il est bien plus important.
Le Président de la République vous demande de lui permettre de désigner directement le responsable de l'audiovisuel public. Vous ne pouvez pas exaucer son voeu, puisque vous êtes obligés, de par la loi, de proposer que cette nomination soit faite après l'avis du CSA, alors que, pour les autres sociétés nationales, le Président de la République peut décider de la nomination sans prendre l'avis d'une quelconque institution.
Pourquoi ne pouvez-vous pas exaucer le voeu anormal, pour ne pas dire scandaleux, du Président de la République ? Parce qu'il est de jurisprudence constante que le responsable de l'audiovisuel ne peut pas être nommé comme les autres, sachant que prévaut dans notre pays le principe fondamental de la liberté de communication, de la liberté de pensée.
Ce principe a été rappelé en 1989 par le Conseil constitutionnel, qui a reconnu que « la spécificité du mode de nomination du Président de chaque société nationale de programme contribue à garantir l'existence de la liberté de communication, qui est une exigence constitutionnelle ».
Vous auriez pu aussi relire l'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement…» Nous faisons donc un bond dans le passé de 219 ans !
C'est la base de notre démocratie, de notre République. C'est un droit fondamental pour les Français. Voilà pourquoi le législateur, à la demande du Gouvernement, avait proposé que les responsables audiovisuels soient nommés non pas par le pouvoir, mais par le CSA, afin de respecter cette liberté individuelle : la liberté de penser et de communiquer.
Aujourd'hui, vous osez revenir sur cette liberté. Comment pouvez-vous justifier le fait que la France sera le seul pays démocratique qui permettra au responsable politique de l'exécutif de désigner le responsable de l'audiovisuel ? C'est un recul historique.
Le Président vous a demandé de lui permettre de désigner directement les responsables de l'audiovisuel. Vous ne pouvez respecter ce voeu, car la Constitution vous l'interdit. Vous ne pouvez pas faire en sorte que la liberté de communication ne soit pas respectée dans notre pays.
Mes chers collègues de la majorité, si voulez rendre service au Président de la République, essayez de lui éviter la censure du Conseil constitutionnel pour cet article qui est contraire à la Constitution, contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Rendez ce service à Nicolas Sarkozy !
Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 3.
M. Copé nous a fait l'honneur de sa visite pendant quelques minutes. Le voilà déjà reparti !
Plusieurs députés du groupe UMP. Le vice-président de la commission spéciale est présent !
L'article que nous examinons est d'une telle importance qu'il nécessite la présence du président de la commission spéciale. Je demande donc une suspension de séance.
Monsieur Mamère, c'est le quatrième rappel au règlement que vous faites, et c'est le quatrième qui n'a rien à voir avec le règlement.
C'est aussi votre troisième demande de suspension de séance. Je vais vous l'accorder, étant entendu que je souhaite que nos débats se déroulent le mieux possible. Mais le motif que vous invoquez n'est pas recevable.
Il l'est d'autant moins que le président de la commission spéciale ne s'était absenté que quelques instants et que je vais maintenant lui donner la parole.
Monsieur le président, je souhaite en effet prendre la parole quelques instants, avant la suspension de séance.
Je trouve ces remarques répétées à mon endroit extrêmement déplacées. Mon propos s'adresse à M. Mamère et à une autre collègue qui ne s'était pas aperçue que j'étais dans l'hémicycle.
Si vous voulez que nous nous livrions à ce petit jeu, je ne suis pas sûr que vous soyez gagnants. Les uns et les autres, nous allons appliquer le règlement, cela va de soi. Il est prévu, vous le savez, que lorsque le président de la commission est absent quelques instants, ce qui peut lui arriver, le premier vice-président de la commission le remplace. C'est ce que faitM. Patrice Martin-Lalande.
Si je m'amusais à faire l'appel, monsieur Mamère, durant vos propres moments d'absence, je craindrais que l'on ne puisse plus discuter du tout dans l'hémicycle.
Il vous arrive, vous aussi, de vous absenter et je ne voudrais pas que cela bloque la discussion de ce texte, car ce serait au détriment de France Télévisions.
Vous me demandez si je plaisante. Laissez-moi vous dire, alors, que je partage le même sens de l'humour que vous. Nous nous sommes bien compris. Je vous invite donc à trouver d'autres arguments que celui-là.
Dieu sait que vous disposez dans ce domaine d'une réserve inépuisable d'imagination.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à douze heures quarante-cinq.)
Rappel au règlement
Monsieur Mamère, c'est la quatrième ou cinquième fois que vous demandez la parole pour un rappel au règlement qui n'en est jamais un.
Celui-là, comme les précédents, est fondé sur l'article 58, alinéa 3, monsieur le président.
Du reste, Mme la ministre n'est pas là, non plus que le rapporteur et le président de la commission spéciale. Nous ne pouvons donc pas débattre.
Si je fais des rappels au règlement, ce n'est pas pour m'acharner sur la personne de M. Copé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais vous conviendrez, chers collègues de la majorité, que la commission Copé n'avait pas demandé la désignation du président de France Télévisions par le Président de la République.
Elle avait proposé une procédure plus conforme au respect de l'indépendance et du pluralisme. Et vous admettrez qu'il aurait été convenable – c'est un euphémisme – que le président de la commission qui porte son nom vienne nous expliquer pourquoi ce qu'il accepte aujourd'hui, il le refusait hier. Pourquoi ce qui a été balayé d'un revers de main par le Président de la République a perdu toute vertu.
J'entends, à longueur de médias, la majorité prétendre que l'opposition fait de l'obstruction alors qu'elle souhaite s'expliquer sur le fond.
Voilà une bonne occasion de s'expliquer pour le président de la commission spéciale, dont les propositions ont été rayées d'un trait de plume ! Il aurait été intéressant d'entendre sa position.
C'est pourquoi j'ai souhaité sa présence en séance.
La majorité se terre dans un silence accablant, et ce silence en dit long sur sa complicité avec un Président de la République qui est en train de soumettre l'audiovisuel public aux affaires et à l'État. Il s'agit, ni plus ni moins, d'affairisme et de bonapartisme !
Pour la quatrième fois, M. Mamère vient de faire un rappel au règlement qui n'en était pas un.
M. Gérard Bapt non plus. C'est ennuyeux : voilà déjà le troisième ou le quatrième orateur inscrit qui n'est pas présent en séance !
La parole est à Mme Martine Martinel.
Pour ma part, monsieur Kert, je m'en remettrai à l'excellent principe pédagogique de la répétition. Et à l'occasion de la discussion sur l'article 8, j'insisterai sur la régression qu'il représente en termes de démocratie et de mise à mal de l'équilibre des pouvoirs. C'est pourquoi j'en appelle à la conscience des membres de la commission Copé. Je souhaiterais les sensibiliser à une vision plus saine de la démocratie et je les exhorte à faire preuve de cette vivacité intellectuelle qu'ils ont manifestée dans d'autres débats et qui paraît quelque peu éteinte aujourd'hui.
On s'est beaucoup référé à Victor Hugo et à Montesquieu.
Plus modestement, je citerai un petit ouvrage intitulé Matin brun, publié en 1998, mais qui a connu un regain de succès après l'accession de M. Le Pen au second tour de l'élection présidentielle en 2002. Loin de moi l'idée de comparer M. Sarkozy à M. Le Pen. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J'apprécierais que vous me laissiez poursuivre mon propos : ce serait plus courtois, plus démocratique, et cela irait dans le sens du pluralisme que vous mettez sans cesse en exergue !
Avec ce livre qui se situe entre le roman et l'essai, l'auteur nous amène à réfléchir sur les abus du pouvoir. Ses conclusions font frémir. Or, à trop favoriser les appétits excessifs de M. Sarkozy, qui a mis à mal les libertés dans d'autres domaines, je me demande si nous ne finirons pas, nous aussi, par prendre peur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
L'article 8, l'un des plus importants du projet de loi, donne le signal de la reprise en main de l'audiovisuel public : dépendance économique, politique et éditoriale. Vous nous proposez un service public au rabais, car sous-financé, et à la botte du Président de la République et du pouvoir. Telle est votre vision de l'indépendance, comme l'a très justement dit l'un de vos amis politiques qui fut ministre jusqu'à une période récente, M. François Baroin. Pour avoir été journaliste, il connaît bien la presse, il sait aussi ce qu'indépendance veut dire et, selon lui, je le cite : « C'est un retour en arrière de vingt-cinq ans. » Il a même ajouté qu'il s'agissait d'une véritable reprise en main de l'audiovisuel. Pour ma part, je dirai qu'il s'agit d'une caporalisation du service public. On veut caporaliser la télévision tout en la livrant à ses copains. Affairisme et bonapartisme, donc !
L'article 8 place l'audiovisuel public dans la dépendance politique, économique et éditoriale. Je ne comprends pas que nos collègues, qui sont des démocrates, des républicains, des femmes et des hommes politiques responsables attachés au pluralisme – car même à droite, on peut l'être… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – se soient, par un simple coup de baguette magique présidentiel, transformés en godillots ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Et je suis mesuré lorsque je parle de « godillots » (Mêmes mouvements) car accepter qu'un Président de la République fasse légiférer pour pouvoir nommer et révoquer selon son bon plaisir les présidents des sociétés de l'audiovisuel public est une régression, un déni démocratique et une insulte au peuple français. C'est une manière honteuse de le traiter, comme si les Français n'avaient droit qu'à un service public au rabais et à de la télé Sarko ! Les Français méritent mieux que cela ! Ils méritent un service public qui contribue à les instruire, à les informer, à élargir le champ de leurs connaissances. C'est cela un service public digne de ce nom, en aucun cas un service public à la botte et sous-financé qui permet à des sociétés privées de se goinfrer du gâteau – qui est aussi un cadeau – publicitaire !
François Loncle a cité un article du magazine Télérama, qui s'intéresse à l'audiovisuel depuis fort longtemps.
Pour ma part, je citerai un éditorial du journal Le Monde daté du 2 décembre.
On ne peut pas dire que Le Monde soit un journal révolutionnaire, vous en conviendrez !
…à moins que vous n'en doutiez parce qu'il remet en cause la politique de M. Sarkozy et de son gouvernement sur l'audiovisuel, auquel cas vos indignations seraient très sélectives et montreraient votre grand degré de dépendance vis-à-vis du Président de la République et votre grand degré de soumission.
Je vous donne lecture de cet éditorial du Monde titré « Mauvais coup » :
« Dans un mois, une fois adoptée la réforme en discussion au Parlement, l'audiovisuel public sera passé sous le contrôle du pouvoir exécutif. Et de son premier, pour ne pas dire unique, responsable aujourd'hui : Nicolas Sarkozy. Procès d'intention ? Nullement. Deux dispositions clefs donnent la mesure de cette sujétion – de cette régression démocratique. »
« Primo, les présidents de France Télévisions et de Radio France seront nommés en conseil des ministres, et éventuellement révoqués de la même façon. Cette procédure s'appliquera au terme des mandats des actuels titulaires, voire plus tôt s'ils s'avisaient de ne pas filer doux. Quant aux garde-fous invoqués, ils relèvent de la plaisanterie – c'est toujours Le Monde qui parle – :…
…« on voit mal les neuf membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel, tous nommés par la droite, désavouer le chef de l'État, et pas davantage les trois cinquièmes des parlementaires. »
« Conçue à la hussarde – nous ne cessons de le répéter depuis le début de la discussion –, cette réforme est un mauvais coup. » Nous le disons aussi, preuve que nous ne faisons pas d'obstruction !
Preuve simplement que vous êtes sur la même longueur d'onde que ce journal !
« Elle conduit à contrôler étroitement l'audiovisuel public et à renforcer les chaînes privées, dont chacun sait que les patrons sont, pour l'heure, des proches du Président. »
Affairisme, donc, et mise à la botte du service public.
Et l'éditorialiste conclut, à propos des chaînes publiques : « La désignation de leurs patrons est tout sauf un modèle de transparence. Ce n'est pas une raison pour leur casser les reins, les tenir en laisse courte et en faire des médias d'État. Leur rôle est trop important – informer, instruire, divertir les Français – pour en laisser la maîtrise à un seul homme, fût-il Président de la République. »
Pour conclure, monsieur le président, je dirai à nos collègues de la majorité que l'éducation, la santé et la télévision publique constituent le patrimoine de ceux qui n'en ont aucun. La télévision publique est le bien de tous et la propriété de personne, à commencer par le Président de la République !
Et puisqu'on a cité de grands auteurs,…
…je pourrais, après Montesquieu, citer Montaigne, mais je retiendrai plutôt son ami, La Boétie, qui a écrit un très beau texte intitulé De la servitude volontaire, dont je vous recommande la lecture ou la relecture.
Il faut tenir, monsieur Dionis du Séjour ! Nous, nous sommes toujours là.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma