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Intervention de Jean-Pierre Dufau

Réunion du 4 décembre 2008 à 9h30
Accord de stabilisation et d'association avec l'albanie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Dufau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, enfin, l'Albanie ! Je dis « enfin », parce que, comme on l'a rappelé, nous sommes un des derniers pays de l'Union européenne à ratifier l'accord de stabilisation qui vient d'être adopté par le Sénat.

Indiquons d'entrée de jeu que le groupe socialiste, radical et citoyen se félicite de la négociation et de la mise en forme d'un traité officialisant le retour de l'Albanie parmi nous, en Europe. Il en a été saisi, comme tous les groupes politiques et le votera sans hésitation.

L'Albanie mérite notre soutien, celui de la France et celui de l'Europe. Ces dernières ont besoin d'une Albanie apaisée et réformée, qui retrouve son environnement naturel. Je ne reviendrai pas sur le contenu de l'instrument diplomatique, qu'a décortiqué notre rapporteure. L'accord a fait l'objet d'un travail d'élaboration long, patient et indispensable. On le comprend. Il s'agissait de poser les fondations d'une Albanie à l'unisson de l'Europe, plus démocratique et mieux organisée.

Le chemin parcouru a pourtant été relativement rapide. Quatre ans d'échanges et de négociations n'étaient en effet pas de trop, après que l'Albanie a vécu, on le sait, quarante ans d'obscurité totalitaire. Rappelez-vous : ce pays et son régime étaient devenus le symbole universel de l'autisme politique, diplomatique, culturel, et de dérives bien connues. La rupture avec ce passé opérée par les Albanais, il y a une quinzaine d'années, a marqué le point de départ d'une nouvelle aventure. Il convenait de penser et d'organiser une Albanie démocratisée, équilibrée, stabilisée, tolérante envers les siens et envers ses voisins.

Le premier mot revenait aux Albanais eux-mêmes. Ils ont pris leurs responsabilités avec courage et détermination. Mais les États membres de l'Union avaient l'obligation politique et morale d'aider ces évolutions. La convention internationale sanctionne un engagement collectif bienvenu : celui de l'Europe à contribuer à la consolidation de l'État de droit en Albanie, et celui des Albanais à saisir l'opportunité de la main tendue par l'Europe pour accélérer les réformes.

Nous avions des préoccupations. Parlons clair, la fin du régime d'Enver Hoxha, avait ouvert une boîte de Pandore porteuse d'instabilité et d'inquiétudes pour l'Albanie comme pour ses voisins et, au-delà, pour tous ceux qui, en Europe, avaient applaudi la fin de la dictature. L'entre-deux, cette zone grise entre un régime autoritaire et une démocratie pas encore installée dans ses murs, avait été occupé par toutes sortes de délinquances. Ici comme ailleurs, le laisser-faire conduisait au désordre. La reconstruction de la société albanaise en était compromise. Le mal menaçait de se propager. Le pays pouvait devenir un foyer d'instabilité préoccupant à juste titre la société internationale : l'instabilité des Balkans a une résonance particulière. Dans son intérêt, comme dans celui de l'Albanie, l'Europe a donc pris les devants. Le groupe socialiste, radical et citoyen s'en félicite.

L'Albanie, comme les pays héritiers de l'ex-Yougoslavie, est partie prenante, depuis vingt ans, d'un réveil géopolitique qui nous a troublés et menacés. La question des Balkans, qui a déstabilisé l'Europe du XIXe siècle, fut l'élément déclencheur de la Première Guerre mondiale. De la Bosnie au Kosovo, de la Macédoine à la Serbie, cette région d'Europe a retrouvé, à la fin des années quatre-vingt, une fébrilité porteuse d'instabilité et de conflits internes ou régionaux. L'Europe et ses États membres devaient réagir. Ils l'ont fait dans l'urgence militaire et sans doute avec un temps de retard en Bosnie et au Kosovo. Les accords de stabilisation et d'association négociés avec tous les États de l'ex-Yougoslavie ont pour objectif de construire un nouvel équilibre. L'accord signé avec l'Albanie s'inscrit dans cette cohérence globale et régionalisée.

Cet équilibre est nécessaire à l'Albanie, comme à la Serbie, à la Croatie et à la Macédoine. Il est aussi incontournable pour l'Europe et ses États membres. Pour avoir visité, à plusieurs reprises, des régions des Balkans durant ces dernières années, j'en connais l'urgente nécessité, les difficultés et les exigences. Il y a un an, rédigeant avec Jean-Michel Ferrand un rapport sur l'avenir du Kosovo, je me suis rendu sur place. Lundi, nous serons en Serbie avec le groupe d'amitié, qui a noué des contacts au plus haut niveau. L'Albanie comme les pays de l'ancienne Yougoslavie sont au coeur de la dynamique européenne actuelle.

Mais chaque réalité nationale a ses spécificités. La reconstruction démocratique d'un État de droit et la réduction des risques doivent les prendre en compte. L'Albanie n'est pas le Kosovo. La Serbie est un cas à part. Cependant, les objectifs – la feuille de route des négociateurs – ont été partout les mêmes. Il s'agissait de construire une relation renforcée avec l'Europe et ses États membres, sur la base d'un dénominateur de plus en plus commun : le respect de la démocratie, des droits de l'homme, des libertés économiques et de la pluralité de l'information, vaste sujet auquel chaque pays de l'Union devrait réfléchir. On ne peut, en effet, donner des leçons de démocratie si on ne les applique pas soi-même. Il est inutile de rappeler le rôle joué par RFI pendant les années difficiles qu'a connues l'Albanie. C'est donc avec tristesse que nous avons appris qu'aux termes de la loi sur l'audiovisuel, cette radio n'émettrait plus en Albanie, comme dans beaucoup d'autres pays. Quel décalage entre les déclarations d'intention du Gouvernement et la réalité ! Je ne suis pas certain qu'il ait choisi la meilleure façon de tendre la main à ce pays ni d'y renforcer la présence de la France, de la francophonie ou de la francophilie. De même, nous n'approuvons pas la diminution des crédits européens. Certes, les temps sont difficiles, mais la réduction budgétaire européenne n'apportera aucun progrès. C'est, au mieux, une erreur ; au pire, une faute politique.

Quoi qu'il en soit, le partage de valeurs démocratiques concrètes et le renforcement des échanges constituent la meilleure des garanties pour la paix et la démocratie. Ce sont là les raisons qui motivent notre vote positif. Bon vent à l'Albanie ! Bon vent à l'État de droit en Albanie !

Toutefois, cette ratification, qui représente une étape importante, n'est pas un aboutissement. Reste à l'Albanie à faire le meilleur usage de cet accord de stabilisation, qui lui ouvrira définitivement, je l'espère, les portes de l'Union européenne. Bienvenue à l'Albanie, sur la route de l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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