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Intervention de François Rochebloine

Réunion du 4 décembre 2008 à 9h30
Accord de stabilisation et d'association avec l'albanie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la signature de l'accord de stabilisation et d'association entre l'Albanie et l'Europe est d'abord une nouvelle marque concrète du dynamisme du projet européen. Pour cette raison, le groupe Nouveau Centre la salue avec une grande satisfaction.

« Stabilisation et association » : c'est, sans doute, une des expressions du riche langage européen. Mais celui-ci aura rarement été aussi proche de la réalité.

L'Albanie a en effet un grand besoin de stabilité. L'histoire s'est tellement accélérée que nous pourrions être tentés d'oublier que ce pays a été éprouvé par cinquante ans d'une forme particulière du communisme et d'un système replié sur lui-même. Seule l'amitié avec la Chine, soutien puissant mais lointain, l'ouvrait vers l'extérieur. L'Albanie était l'un des États les plus secrets du camp socialiste ; on ne pouvait guère la visiter que par solidarité militante. La proclamation de l'athéisme d'État y était le sceau suprême de la mort de la liberté.

Sans relations normales avec des voisins yougoslaves, dont elle dénonçait le révisionnisme, affectée dans sa vie collective par une mentalité d'assiégée, l'Albanie était un pays pauvre. La chute du système communiste la frappa fortement et, d'une certaine manière, la prit au dépourvu, avec des conséquences malheureusement durables.

Le peuple albanais était en effet habitué par le régime déchu à une prise en charge collective, contrepartie des restrictions extrêmes apportées à l'exercice des libertés de chacun. La disparition de la contrainte d'État ne pouvait être suivie magiquement de la restauration immédiate de l'esprit d'initiative.

Il faut du temps pour s'accoutumer à l'exercice de la liberté. Il faut aussi une paix relative. Or la sortie du régime communiste a été dramatique en Albanie, et marquée à plusieurs reprises par de graves troubles économiques qui ont mis en danger l'existence collective de la nation. À l'extérieur des frontières, on s'en souvient, la fin du communisme a réveillé les tensions séculaires dans la région des Balkans, ajoutant aux effets des crises intérieures son triste lot d'incertitudes et de souffrances.

Je ne reviens pas sur les difficultés éprouvées par l'Union européenne dans la décennie précédente pour trouver une réponse politique aux suites du conflit des Balkans, tant dans leur dimension collective que dans leurs conséquences sur chacun des pays de la région. Mme Colot a rappelé que cette réponse politique a été définie par les Conseils européens de Zagreb et de Thessalonique : c'est le processus de stabilisation et d'association, dont l'accord évoqué aujourd'hui est l'une des concrétisations.

Je constate, pour m'en réjouir, que les perspectives ouvertes par l'attitude rénovée de l'Union européenne ont suscité dans les courants politiques qui animent la société albanaise un consensus d'espérance et de dynamisme collectif. On peut, sans excès d'optimisme, attribuer à cet environnement favorable la réussite globale de l'alternance politique lors des élections législatives de 2005.

Cet ensemble de faits témoigne de la pertinence générale du processus d'association défini en 2000 et en 2003. Le contenu de l'accord se fonde sur une appréciation pragmatique de la réalité albanaise caractérisée par un État à reconstruire, une économie à moderniser, et des phénomènes de corruption, de prostitution et de criminalité organisée à éradiquer. Nous ne pouvons que souhaiter une pleine et fructueuse application de ce texte, de sorte que la perspective d'adhésion ouverte à l'Albanie par le Conseil européen de Thessalonique, en 2003, puisse se concrétiser.

En effet, l'intérêt politique de l'Europe lui dicte de prendre toutes les initiatives appropriées pour soutenir le renforcement de la cohérence collective des États de la région balkanique et pour traduire cet objectif en stratégies concrètes de rapprochement. Naturellement, l'effort ne peut et ne doit pas être unilatéral. Les autorités de chaque État impliqué doivent faire preuve d'une disposition politique au rapprochement. Ainsi, nous avons constaté, avec beaucoup de satisfaction, qu'un accord de stabilisation avait été signé avec la Serbie. Il a pu l'être grâce au courage politique du gouvernement serbe, qui a fait preuve d'une réelle intention de coopération dans la recherche des criminels de guerre, au risque de mécontenter une partie de son opinion nationale.

Mais il ne faudrait pas que la poursuite du processus d'association des États balkaniques au projet politique européen soit compromise par la fragilisation des institutions communes de l'Union européenne. Plus l'Europe s'assigne des missions difficiles – mais indispensables, comme cette stratégie d'association –, plus elle a un devoir de cohérence politique et d'efficacité, envers elle-même et envers les partenaires qui frappent à sa porte.

Le groupe Nouveau Centre tire de ce constat un argument de plus en faveur de la rénovation des institutions européennes, à laquelle il est particulièrement attaché. Sous le bénéfice de ces observations, il votera le projet de loi qui autorise la ratification de l'accord entre l'Albanie et les Communautés européennes et leurs États membres. Enfin, pour conclure mon intervention, je salue la présence, ce matin, dans les tribunes, de M. l'ambassadeur d'Albanie.

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