La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'immigration, à l'asile et à l'intégration.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, chers collègues, l'engagement a été pris, durant la campagne présidentielle, de réunir dans un même ministère l'immigration et l'identité nationale, car il est aussi inconscient de croire que l'immigration est sans incidence sur le devenir de notre nation que de penser qu'elle n'a pas contribué à forger notre identité.
Le coeur du projet du Président de la République en matière d'immigration est de reconnaître l'intérêt qu'il y a pour notre pays et pour les pays d'origine à autoriser un certain nombre d'immigrés à s'installer en France, tout en exigeant de ceux-ci qu'ils respectent nos valeurs et en maîtrisant l'ampleur des flux migratoires.
La France doit rester un pays ouvert à l'immigration. Elle doit honorer sa tradition d'accueil des personnes persécutées de par le monde. Elle ne peut que s'enrichir de l'apport de populations étrangères, comme l'a montré toute son histoire. Mais cette immigration doit être compatible avec nos capacités d'accueil et nos grands équilibres sociaux. Pour cela, monsieur le ministre, vous disposez d'un outil majeur : la création d'un ministère dédié à la question des flux migratoires, réunissant sous votre responsabilité l'ensemble des administrations concernées.
La création de la mission « Immigration, asile et intégration » est une suite logique de celle du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. La mission vise à regrouper l'ensemble des crédits concourant à ces politiques, jusqu'alors dispersés entre les missions « Solidarité et intégration » et « Sécurité et action extérieure de l'État ». Ces crédits relevaient également de quatre ministères différents.
La création de la mission vient conforter la cohérence apportée par la mise en place d'un ministère unique regroupant l'ensemble des services concernés : l'ensemble du parcours d'un étranger est désormais suivi dans sa totalité par un seul ministère.
La dotation de la mission dans le projet de loi de finances pour 2008 est de 618 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 609 millions d'euros en crédits de paiement.
La mission comporte deux programmes.
Le premier, « Immigration et asile », doté de 422 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 414 millions d'euros en crédits de paiement, regroupe les crédits relatifs aux centres de rétention administrative, aux reconduites à la frontière, au fonctionnement de l'administration des visas, à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile, et au traitement de leurs demandes par l'OFPRA. Il inclut également 18 millions d'euros de dépenses de personnel, correspondant à 370 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, ainsi que les fonctions supports de la future administration centrale du nouveau ministère.
Le deuxième programme, « Intégration et accès à la nationalité », doté de 195 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, finance l'accueil des étrangers par la voie du contrat d'accueil et d'intégration mis en oeuvre par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, ou par le biais d'associations financées par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSE. Il inclut également les dépenses de personnel relatives à la direction de la population et des migrations, transférée du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité.
Sans détailler davantage la structure de la mission, je voudrais recentrer mon intervention sur mes recommandations concernant la création de l'administration centrale du ministère et les priorités de son action.
La création de l'administration centrale n'est pas encore finalisée à ce jour. Elle s'appuiera en premier lieu sur des personnels transférés en totalité ou en partie d'autres administrations, telles que la direction de la population et des migrations, la DPM, le service des étrangers en France du ministère des affaires étrangères et la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontière du ministère de l'intérieur.
Au total, 489 ETPT sont transférés, auxquels s'ajoutent 120 emplois créés au titre des services du cabinet du ministre et pour les services transversaux du ministère, c'est-à-dire la direction de l'administration générale et le service des affaires internationales et du codéveioppement notamment.
Monsieur le ministre, vous souhaitez regrouper l'ensemble de vos services, à l'exception de la sous-direction des naturalisations de la DPM et d'une partie du service des étrangers en France, qui resteront implantés à Nantes et Rezé. Cette localisation unique me semble certes indispensable pour développer une culture commune, et mieux faire travailler ces services ensemble. J'appelle toutefois votre attention sur le choix de cette implantation. Une localisation dans le centre de Paris présenterait certes l'avantage de la proximité avec le ministère et son cabinet, mais elle renchérirait considérablement le coût de l'opération, qui sera financée par la vente du siège de l'ANAEM, situé dans le 15e arrondissement. Je souhaite vivement que ce sujet fasse l'objet d'un suivi conjoint avec notre collègue Yves Deniaud, rapporteur spécial pour la gestion du patrimoine immobilier de l'État.
J'en viens aux priorités d'action du ministère et à leur traduction budgétaire. Quatre axes me semblent essentiels : la promotion de l'immigration concertée, la lutte contre l'immigration illégale, la garantie de l'exercice du droit d'asile et le renforcement de l'intégration.
La promotion de l'immigration concertée est une priorité fixée par le Président de la République, dont la lettre de mission vous invite, monsieur le ministre, à viser l'objectif que l'immigration économique représente 50 % du flux total des entrées à fin d'installation durable en France, contre 7 % aujourd'hui, ainsi qu'à fixer chaque année des plafonds d'immigration selon les différents motifs d'installation en France et selon les régions d'origine, ce qui nécessitera une révision constitutionnelle.
Je suggère que la priorité accordée au développement de l'immigration économique soit rendue plus visible par l'introduction d'un indicateur de performance relatif à son pourcentage par rapport au flux total. Il conviendra bien sûr, pour ce faire, de mieux définir ce que l'on y inclut : quid, par exemple, des étudiants étrangers ?
Le deuxième axe, la lutte contre l'immigration illégale, fait l'objet de l'action « Police des étrangers » du programme « Immigration et asile », laquelle regroupe les crédits relatifs à la rétention, à l'éloignement ainsi qu'à l'accompagnement social des personnes en rétention, soit 80 millions d'euros en autorisations d'engagement et 79 millions d'euros en crédits de paiement.
Sur ce point, je me permets trois recommandations.
D'abord, que les dépenses d'investissement relatives à la construction ou à la rénovation des centres de rétention administrative, qui sont restées dans la mission « Sécurité », soient transférées vers la mission « Immigration », une fois achevé le plan triennal d'augmentation des places, afin d'aller jusqu'au bout de la logique consistant à regrouper ces dépenses dans une seule mission.
Ensuite, que l'on mette fin à l'éclatement de la gestion des centres de rétention administrative – les CRA – entre la direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale. Une entité unique de gestion des CRA devrait être mise en place au sein du ministère de l'immigration afin de mieux en rationaliser le pilotage.
Enfin, qu'un indicateur relatif au taux d'exécution des mesures d'éloignement prononcées vienne compléter l'indicateur relatif au nombre de reconduites effectives à la frontière. Ce taux est actuellement très faible : seule une mesure prononcée sur cinq est exécutée. Cet indicateur contribuerait à faire progresser la réflexion sur les motifs d'échec des éloignements et sur les réformes devant être engagées. Je suis favorable, sur ce point, à des pressions accrues sur les pays non coopératifs en matière de délivrance des laissez-passer consulaires, ainsi qu'à une unification du contentieux au profit d'un seul ordre juridictionnel, ce qui exigera une révision constitutionnelle, que vous envisagez déjà, monsieur le ministre.
À plus court terme, je recommande que l'État soit systématiquement représenté lors des audiences devant le juge des libertés et de la détention.
Troisième axe : la garantie de l'exercice du droit d'asile. Elle s'appuie sur le regroupement des crédits relatifs à l'accueil, à l'hébergement et au traitement des dossiers des demandeurs d'asile par l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés, la CRR, deux structures qui vont passer de la tutelle du ministre des affaires étrangères à la vôtre ; 72 % des crédits du programme « Immigration et asile », soit 304,5 millions d'euros, y sont consacrés.
Le Gouvernement compte sur une poursuite de la baisse des demandes d'asile, de l'ordre de 10 %. Cette hypothèse n'est pas irréaliste, mais les derniers chiffres disponibles révèlent une décélération de cette baisse qui invite à la vigilance : un palier semble avoir été atteint. Les efforts devront donc être poursuivis afin de réduire encore les délais de traitement des recours par la CRR, notamment grâce à la numérisation des dossiers et à la dématérialisation des procédures. De même, il est important d'écourter la durée de séjour des demandeurs déboutés et des réfugiés dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile, les CADA.
D'autre part, la situation actuelle de la CRR n'est pas satisfaisante. Pour son budget et son personnel, elle est rattachée à l'OFPRA qu'elle contrôle. À ma grande satisfaction, je constate que vous avez décidé d'accorder son autonomie budgétaire à la CRR, appelée à devenir la Cour nationale du droit d'asile lors du prochain exercice budgétaire.
Quatrième axe : le renforcement de l'intégration. Celui-ci repose sur la mise en oeuvre par l'ANAEM du contrat d'accueil et d'intégration, généralisé et rendu obligatoire par la loi du 24 juillet 2006. Il s'appuie également sur l'action de l'Agence nationale de la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSE, qui assure notamment la formation linguistique des étrangers déjà présents sur le territoire français.
Sur ce point, je recommande qu'une réflexion soit engagée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, sur l'articulation entre l'action de l'ANAEM et celle de l'ACSE. Ces deux opérateurs mènent une action similaire de formation linguistique, le partage des compétences entre eux reposant uniquement sur la durée du séjour des étrangers. Ceux qui sont en France depuis moins d'un an relèvent du CAI, donc de l'ANAEM ; les autres dépendent de l'ACSE. Une rationalisation permettrait une meilleure lisibilité du parcours des étrangers, mais aussi des économies d'échelle importantes.
L'intégration sera renforcée par deux mesures figurant dans la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'asile et à l'intégration : la création du CAI familial ; l'évaluation, dans les pays d'origine, de la maîtrise du français et de la connaissance des valeurs de la République par les candidats au regroupement familial et les conjoints étrangers de Français.
Ces mesures devraient générer un coût supplémentaire évalué à 3,6 millions d'euros, qu'il est proposé de financer par une revalorisation de la taxe perçue au profit de l'ANAEM, lors des validations des attestations d'accueil. Cette taxe serait portée de 30 à 45 euros, pour un nombre d'attestations estimé à 250 000 par an. Tel est l'objet de l'article 45 rattaché, sur lequel j'émets d'ores et déjà un avis favorable.
Enfin, monsieur le ministre, je vous adresse tous mes voeux de réussite pour la négociation d'un nécessaire traité multilatéral, qui définira les droits et les devoirs des États membres de l'Union européenne en matière de gestion des flux migratoires. Je vous adresse aussi tous mes encouragements pour mener à bien la lourde tâche qui vous a été confiée à la tête d'un ministère que vous avez la charge de bâtir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Merci, madame Pavy.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant donné la brièveté du temps de parole dont je dispose, et dans la mesure où la rapporteure de la commission des finances a présenté l'ensemble des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », je consacrerai cette intervention aux moyens destinés aux demandeurs d'asile et aux réfugiés, qui sont au coeur des préoccupations de la commission des affaires étrangères.
Le domaine de l'asile est l'un de ceux pour lesquels la création de cette mission est la plus intéressante, puisqu'elle permet de rapprocher des crédits inscrits auparavant sur deux missions : « Action extérieure de l'État » en ce qui concernait la subvention à l'OFPRA ; « Solidarité et intégration » pour la prise en charge des demandeurs et l'aide aux réfugiés. Ce regroupement devrait permettre une meilleure adéquation des moyens aux besoins et une plus grande cohérence.
Comme le nombre de demandeurs d'asile diminue depuis 2005, le ministère a préparé le budget en tenant compte d'une poursuite de cette tendance, et prévu une baisse de 10 % des demandes en 2008. C'est ce qui explique la réduction de la subvention à l'OFPRA votée en loi de finances initiale : 43 millions d'euros pour 2008 contre 45,5 millions d'euros en 2007. Néanmoins, ses effectifs sont stabilisés.
La séparation budgétaire entre l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés, renommée Cour nationale du droit d'asile, devrait être effective dans la prochaine loi de finances, c'est-à-dire en 2009. La Cour nationale du droit d'asile disposera alors de l'autonomie financière qui convient à une juridiction. Je me réjouis de cette évolution, qui n'a pas pu être mise en oeuvre dès 2008, en raison notamment de difficultés relatives à la question du statut de ses personnels. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser le calendrier de cette importante réforme qui doit conduire à la professionnalisation des magistrats de la nouvelle Cour et nous indiquer les solutions qui pourraient être apportées à ce problème statutaire ?
La baisse attendue du nombre de demandeurs d'asile se traduit aussi par la réduction de 38 à 28 millions d'euros de l'enveloppe destinée à l'allocation temporaire d'attente. Certes, l'augmentation du nombre de places dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile – 3 000 de plus entre fin 2005 et fin 2007 – joue en faveur d'un repli du nombre d'allocataires puisque les personnes hébergées ne perçoivent pas l'ATA. Mais l'hypothèse d'une réduction de la durée moyenne de la procédure de demande d'asile à dix mois, alors qu'elle sera encore supérieure à treize mois en 2007, me semble optimiste. Pourriez-vous nous indiquer comment une telle diminution de cette durée pourra être obtenue ?
Malgré la tendance à la baisse des demandes d'asile, deux types de dépenses vont augmenter en 2008. D'une part, les dépenses de fonctionnement des CADA, qui devraient s'établir à près de 193 millions d'euros, du fait du nombre accru de places offertes. D'autre part, les aides aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié : il s'agit non seulement d'assurer le fonctionnement des centres provisoires d'hébergement, mais aussi de renforcer les mesures en faveur de l'intégration des réfugiés, l'accent étant mis sur leur accès à l'emploi et à un logement de droit commun. Je souhaiterais, monsieur le ministre, obtenir plus d'informations sur le dispositif de solvabilisation de la demande de logement, que vous envisagez de mettre en place en 2008.
Après la réforme de 2003, complétée par la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile qui en consolide les excellents résultats, la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » donne à votre nouveau ministère les moyens de mener la politique pour laquelle il a été créé. Si, sur certains points, cette mission peut encore apparaître perfectible en ce qui concerne l'asile, elle regroupe d'ores et déjà l'ensemble des crédits et renforce les actions les plus importantes en faveur de l'hébergement des demandeurs d'asile et de l'aide à l'intégration des réfugiés statutaires. C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères a adopté ces crédits et vous invite à faire de même.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de 1'immigration constitue l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens depuis plus de vingt-cinq ans. Elle a même acquis une dimension européenne et internationale.
La semaine passée, le projet de loi relatif à la maîtrise de 1'immigration, à l'asile et à l'intégration a été définitivement adopté. Aujourd'hui, nous allons nous prononcer sur un autre aspect déterminant de notre politique en la matière, c'est-à-dire sur les moyens budgétaires qui y seront consacrés en 2008.
À cet égard, il convient de nous féliciter de la création d'une mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » dans le projet de loi de finances pour 2008. Traduction budgétaire de la mise sur pied d'un ministère à part entière en charge de 1'immigration, de 1'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, cette mesure constitue l'un des aboutissements de la promesse du Président de la République, au cours de la campagne électorale de 2007.
Je ne m'attarderai pas sur les chiffres, mais j'observe que les quelque 618,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 609,6 millions d'euros de crédits de paiement inscrits à la mission « Immigration, asile et intégration » sont à la hauteur des enjeux.
Parmi les motifs de satisfaction, il m'apparaît important de citer la budgétisation – pour près de 17,5 millions d'euros au total – des mesures de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'asile et à l'intégration : CAI familial, évaluation et formations linguistiques des candidats à l'immigration dans leur pays d'origine.
Je relèverai aussi la poursuite de l'amélioration des capacités des centres de rétention administrative, qui devraient compter 2 390 places fin 2008, conformément aux engagements pris en 2005.
Autre motif de satisfaction : la volonté affichée de privilégier les demandeurs d'asile comme bénéficiaires de l'hébergement en CADA, plus de 25 % des places étant actuellement indûment occupées par des réfugiés ou des déboutés.
Nous nous réjouissons aussi, monsieur le ministre, de constater que vous n'êtes pas tombé dans la solution de facilité consistant à exiger de la nation toujours plus de crédits. Au contraire, vous avez élaboré un projet de budget résolument ambitieux, misant sur des gains de productivité là où cela semble possible, et mettant les moyens là où cela apparaît absolument nécessaire.
Le projet de loi de finances pour 2008 montre, en effet, que l'État ne transigera pas sur les efforts à accomplir s'agissant de la lutte contre l'immigration clandestine et de l'application des mesures d'éloignement prononcées par une autorité judiciaire ou administrative. J'observe que le taux d'exécution de ces mesures a nettement crû depuis 2003, pour atteindre 29,5 % en 2006.
Le projet de loi de finances pour 2008 maintient le niveau des effectifs de l'OFPRA et de la commission de recours des réfugiés, future Cour nationale du droit d'asile. Certes, la subvention de l'État à l'office diminuera de 5 % par rapport à 2007, mais cette réduction repose sur l'hypothèse d'une poursuite de la baisse des demandes d'asile qui, si elle ne se vérifiait pas, pourrait sans doute être surmontée sans que les délais de traitement des dossiers s'en trouvent pénalisés.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je voudrais vous livrer deux réflexions.
En premier lieu, comme ma collègue rapporteure spéciale de la commission des finances, je m'interroge sur la répartition des compétences entre l'ANAEM et l'ACSE, en matière d'intégration des étrangers. Ces deux agences sont chargées de financer une formation linguistique aux étrangers. À mon sens, la revue générale des politiques publiques devrait se pencher sur cette répartition des tâches. À court terme, la mise en place d'une politique de marchés de prestations linguistiques commune aux deux agences, avec un cahier des charges défini conjointement, me semble également indispensable.
En second lieu, comme la remarque vous en a été faite en commission, il est surprenant de constater que les crédits afférents au système d'information « Réseau mondial des visas » relèvent du programme « Français à l'étranger et étrangers en France » de la mission « Action extérieure de l'État ». Il serait plus logique de les rattacher à la mission « Immigration, asile et intégration » ; le Gouvernement devrait y veiller lors de l'élaboration de la prochaine loi de finances.
Nonobstant ces remarques, les dispositions du projet de loi de finances pour 2008 relatives à la mission « Immigration, asile et intégration » sont très satisfaisantes. Elles concrétisent une vision politique au service de la régulation des flux migratoires et de l'harmonieuse coexistence entre nos concitoyens et les populations étrangères vivant sur le sol français. D'autre part, elles s'inscrivent pleinement dans l'esprit de la LOLF et démontrent que la modernisation budgétaire initiée par le Parlement a véritablement pris corps au sein du pouvoir exécutif.
Sur la base de ce constat et conformément à ce que je lui avais suggéré, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits.
La parole est à M. Éric Ciotti.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques mois, le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, que les Français ont voulu, existe. Créé de toutes pièces en peu de temps, il est désormais solidement installé dans notre paysage institutionnel, et l'on peut d'ores et déjà mesurer son utilité et surtout son efficacité. Il était temps que la France, à l'image de nombreuses démocraties occidentales, se dote d'une structure de coordination permettant une plus grande cohérence et une plus forte rationalisation de la politique d'immigration.
Dans cette logique, nous examinons aujourd'hui une mission budgétaire nouvelle, qui traduit l'existence même et la consistance réelle de ce ministère, car nous savons bien que, sans moyens, toute action est vaine. Vous avez obtenu, monsieur le ministre, les moyens pour conduire une politique d'immigration nouvelle et courageuse. Nous vous en félicitons.
Cette politique budgétaire, conformément aux engagements et aux objectifs fixés par le Président de la République, a été construite sur trois piliers fondamentaux : la lutte contre l'immigration clandestine, l'intégration et le codéveloppement.
La lutte contre l'immigration clandestine est pour le Gouvernement et notre majorité un préalable à toute action. Nous nous nous en réjouissons. L'immigration clandestine est en effet inacceptable pour la dignité et le respect de la personne humaine. Il est ainsi inadmissible de voir des étrangers dans des situations de dénuement et de précarité extrêmes, exploités par des esclavagistes des temps modernes. L'immigration clandestine est tout aussi inacceptable pour le respect de notre cohésion sociale, car elle diffuse dans notre pays un sentiment de rejet global de l'étranger, source insupportable de xénophobie et de racisme.
Le Gouvernement a parfaitement saisi l'importance de cette lutte contre l'immigration clandestine qui, avec 85 millions d'euros, représente le troisième poste de dépense de la présente mission budgétaire. Grâce à cette dotation, vous allez pouvoir financer les frais induits par les 26 000 reconduites à la frontière que votre ministère souhaite réaliser en 2008. Le temps des régularisations massives tellement néfastes conduites par les gouvernements socialistes est révolu.
Je forme d'ailleurs le voeu que nous puissions enfin dépasser nos clivages et tous nous retrouver, sur l'ensemble de ces bancs, pour dégager un consensus sur cette volonté d'endiguer l'immigration clandestine – on peut toujours rêver !
Deuxième pilier de ce budget et de ce ministère : l'intégration. La mission « Immigration, asile et intégration » manifeste la mobilisation du Gouvernement en faveur de l'intégration des étrangers, laquelle demeure la clé de voûte de toute politique d'immigration réussie. Vous avez, monsieur le ministre, traduit le caractère prioritaire de l'intégration dans les chiffres en l'érigeant au deuxième rang des postes de dépenses avec 180 millions d'euros. Grâce à cette enveloppe, les actions d'intégration conduites par l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations – l'ANAEM – et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances vont être considérablement renforcées : elles pourront ainsi atteindre leurs objectifs nouveaux, qui découlent de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, notamment pour ce qui concerne l'exécution des contrats d'accueil et d'intégration pour les familles et la réalisation des tests de connaissance de la langue française et des valeurs de la République.
Nous sommes également convaincus de la pertinence de votre politique visant à rééquilibrer les flux migratoires au profit de l'immigration économique. Selon nous, c'est en effet le travail qui constitue la meilleure source et le meilleur vecteur d'intégration : à ce titre, nous nous réjouissons aussi de votre projet, en cours d'élaboration, consistant à définir une liste de métiers qui pourront donner lieu à la fixation d'objectifs précis en matière d'immigration. (« Prudence ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Troisième pilier de cette politique d'immigration : le codéveloppement. Certes, ce programme est rattaché à la mission « Aide publique au développement », mais son pilotage et sa mise en oeuvre vont relever de la compétence du secrétariat général du ministère de l'immigration. Nous savons tous au sein de cet hémicycle qu'une politique maîtrisée de l'immigration passe d'abord et forcément par le développement des pays d'émigration. Aucune barrière ni aucun mur ne pourront endiguer totalement ces flux de population à l'avenir si nous ne traitons pas le problème à la source, et avec une extraordinaire détermination. De ce point de vue, nous nous félicitons de l'annonce faite par le Président de la République à Rabat de la tenue, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, d'une conférence euro-africaine tendant à définir une gestion concertée des flux migratoires entre les deux rives de la Méditerranée.
De même, monsieur le ministre, nous nous félicitons des démarches que vous avez encore récemment entreprises en Afrique. La signature, le 26 octobre dernier au Congo, d'un accord sur la gestion concertée des flux migratoires, ainsi que la signature d'une convention de partenariat entre l'ANAEM et l'ERA – l'association Entreprendre et réussir en Afrique – en faveur de l'aide au retour volontaire des immigrés africains, marquent des avancées fondamentales pour notre pays. Il est en effet de notre responsabilité et de notre devoir d'éviter que des milliers de jeunes ne quittent leur pays d'origine pour rejoindre un pseudo-Eldorado.
Il faut qu'ils puissent vivre dans leur pays et s'y épanouir, notamment par l'éducation et le travail. C'est pourquoi l'augmentation importante – 224 % pour les autorisations d'engagement et 100 % pour les crédits de paiement – du montant des enveloppes destinées à la poursuite de ces actions est particulièrement appréciable.
Enfin, cette mission budgétaire va nous permettre de respecter et de réaffirmer la tradition séculaire de notre pays en matière d'accueil des opprimés et des persécutés. Loin de l'image que certains ont tenté de véhiculer, la garantie du droit d'asile et l'amélioration de l'accueil des réfugiés se placent au coeur des préoccupations du Gouvernement et de la majorité,…
…puisque 50 % des crédits de la mission, c'est-à-dire plus de 300 millions d'euros, y seront consacrés.
Au lieu de systématiquement critiquer et jeter l'opprobre sur ce ministère, chers collègues de l'opposition (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), vous devriez vous réjouir que la prise en charge du fonctionnement des centres d'accueil des demandeurs d'asile se fasse à hauteur de 192 millions d'euros,…
Eh oui !
…ce qui représente 20 700 places, soit 15 000 de plus qu'en 2001, lorsque vous avez quitté le pouvoir.
Soit : en 2001, c'est-à-dire la dernière année avant que nous ayons le plaisir de ne plus vous voir au gouvernement. (Sourires.)
Parallèlement, la diminution des demandes d'asile – de 14 % au cours des neuf premiers mois de 2007 – ainsi que la réduction des délais d'instruction des demandes d'asile ont permis de diminuer sensiblement la subvention versée à l'OFPRA sans pour autant porter atteinte à ses missions. Voilà un exemple de gestion moderne et efficace des fonds publics.
Au total, les montants inscrits dans cette mission démontrent que le Gouvernement adresse un signal fondamentalement nouveau en matière de gestion de l'immigration, un signal marqué par le volontarisme, l'équilibre et l'humanisme. D'un coté, nous réaffirmons notre volonté de mettre en oeuvre une politique d'immigration maîtrisée, nous améliorons l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés et nous renforçons notre politique de codéveloppement ; de l'autre, nous faisons de la lutte contre l'immigration clandestine et illégale un objectif majeur.
C'est incontestablement, monsieur le ministre, un très bon budget : le groupe de l'UMP le votera naturellement avec beaucoup de détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
(M. Marc Le Fur remplace M. Jean-Marie Le Guen au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne vous étonnerez pas que le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche n'ait pas le même enthousiasme que les orateurs précédents.
Le budget qui nous est présenté aujourd'hui nous semble tout à fait singulier, car on ne voit pas la cohérence entre ce qui a été annoncé lors de la création de ce fameux ministère au nom – « identité nationale » – toujours aussi contesté et contestable…
…et les chiffres qui figurent dans les documents qui nous sont remis.
La mission « Immigration, asile et intégration» n'existant pas avant la création de ce ministère,…
…les comparaisons sont difficiles, mais les crédits comparables stagnent voire diminuent : vous aurez ainsi le plus grand mal à faire coïncider vos déclarations martiales avec les moyens que vous entendez mettre en oeuvre pour la lutte contre l'immigration irrégulière et l'insertion des étrangers en France.
Certes, vous devez disposer de services et d'une administration. Mais je partage les recommandations qui vous ont été faites par l'un des rapporteurs : compte tenu de la gravité du sujet, il serait assez déplacé de voir des crédits consommés par des projets immobiliers.
Pour le reste, je me demande comment vous pourrez financer en nombre suffisant des places décentes en centre de rétention – surtout si la durée de celle-ci augmente encore –, de même que les reconduites à la frontière, l'hébergement des femmes ou les soins élémentaires, dans des conditions qui respectent la dignité individuelle.
Je note d'ailleurs, pour répondre aux propos pleins d'allégresse de M. Ciotti, que toute votre politique repose sur le postulat banal selon lequel la limitation des flux à l'entrée permettrait une meilleure intégration, notamment des familles. Or, vous le savez, les experts sont de plus en plus nombreux à s'interroger sur la validité d'un tel raisonnement : en réalité, lorsque vous empêchez la libre circulation des étrangers, ils doivent faire venir leur famille, et vous devez alors recourir à des mesures qui, comme celles que vous avez récemment adoptées, visent à endiguer l'immigration familiale. Il y a donc quelque chose à revoir quant au postulat sur lequel est fondé votre budget.
S'agissant de la lutte contre les entrées irrégulières, le problème est de savoir comment les empêcher et, au cas où on n'a pu le faire, comment on organise les reconduites à la frontière. Je vous invite à relire les rapports de la CIMADE, organisation d'habitude mesurée et en outre mandatée par le Gouvernement, au sujet des centres de rétention : on en a le coeur serré. Elle dénonce les effets dévastateurs de l'industrialisation de la rétention avec la multiplication du nombre et de la capacité des lieux de rétention. Elle montre comment la logique comptable à l'oeuvre confine à l'absurde et génère chaque jour des drames humains. Elle vous rappelle, enfin, comment la généralisation du placement en rétention des familles est inacceptable, dans la mesure où l'exigence de l'expulsion prend le pas sur les principes élémentaires de protection des mineurs.
J'ai moi aussi visité, avec M. Assouline, les centres de rétention de Vincennes et la zone d'attente de Roissy : sans mettre aucunement en cause le professionnalisme et le sérieux des personnels qui y travaillent, j'ai été frappée de voir tant d'enfants dans ce qui reste, quoi qu'on en dise, un univers carcéral. Il y a quelque chose de déplacé dans la présence de jeux d'enfants, comme un toboggan, au sein de ces lieux grillagés. Pour n'évoquer que la zone réservée aux mineurs, il faut l'avoir vue pour comprendre le caractère dramatique de ce lieu qui, malgré ses couleurs vives, est destiné à enfermer des adolescents qui y ont été conduits parce que leurs familles ne pouvaient plus assumer leur éducation.
Voilà où sont les priorités de la politique que vous menez. Et voilà pourquoi des mesures de correction doivent être prises.
Je suis tout autant frappée de stupeur lorsque je vois que les crédits affectés à la prise en charge des demandeurs d'asile diminuent.
Certes ! Mais, dans ce cas, à quoi bon mettre en place des procédures exorbitantes du droit commun ? Vous allez faire ce qui n'avait jamais été fait auparavant : réclamer aux parents des réfugiés les mêmes documents d'identité qu'aux autres étrangers – tout en nous expliquant que le nombre de demandes diminue. Où est la cohérence ?
Par ailleurs, vous avez institué un nouveau recours devant le juge administratif. Très bien !
Oui... enfin, c'est la Cour européenne des droits de l'homme qui vous y a obligés, et puis où sont les crédits qui permettront à ces magistrats de remplir leur nouvelle mission ?
S'agissant des tribunaux, je suis étonnée de la légèreté avec laquelle vous évoquez les problèmes administratifs. Notre droit prévoit des recours devant des juridictions différentes ? Qu'à cela ne tienne, vous mettez en place une juridiction unique. Le juge administratif n'est pas compétent en matière de placement en rétention ? Vous allez modifier la Constitution ! Je m'étonne que vous puissiez ainsi modifier la loi fondamentale à votre convenance !
D'accord, mais on ne va pas réunir le Congrès tous les trois jours !
Ce qui est certain, c'est que nous ne comprenons pas comment vous allez financer des mesures extraordinaires comme la mise en place de tests ADN. D'où vient ce chiffre de 1 000 tests ? Et comment allez-vous financer le tribunal de grande instance de Nantes qui aura à se prononcer en la matière ? Ce que nous montre ce projet de budget, c'est qu'entre les effets d'annonce et la réalité politique, il y a une sacrée marge !
Au fond, et vous l'avez bien compris, ce n'est pas en instaurant des procédures exorbitantes du droit commun que vous réglerez les difficultés.
Trop, c'est trop !
Vous savez bien que l'arrivée massive de migrants à nos frontières s'explique par la situation désastreuse de la paysannerie à travers le monde, due aux effets de la globalisation et à l'écart croissant entre pays riches et pays pauvres, entre pays du tiers-monde et pays européens – plus exactement d'Europe de l'Ouest, car les immigrés les plus en difficulté viennent aujourd'hui d'Europe de l'Est.
Pour lutter contre les risques migratoires, il ne faut pas criminaliser les immigrés, les enfermer et construire des grilles, comme vous le faites, aux frontières de l'Europe, mais lutter contre la globalisation et faire de l'Europe une alliée des pays émergents face à la mondialisation. Ne nous claquemurerons pas dans un bunker, sourds et aveugles à la misère du monde ! (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce qui est caricatural, c'est que pour atteindre vos objectifs de reconduites à la frontière – les préfets se sont fait récemment taper sur les doigts à ce sujet – vous vous en prenez aux Roumains et aux Bulgares ! Sous couvert des aides accordées par l'ANAEM, vous les reconduisez avec brutalité à la frontière : ce sont pourtant des Européens ! L'Europe devrait aider ces populations, depuis toujours privées d'emploi et victimes de discriminations, et mettre en place un véritable plan pour lutter contre une telle injustice.
De tels expédients ne peuvent recueillir notre soutien. Nous allons vous écouter avec beaucoup d'attention, monsieur le ministre, mais ce projet de budget, en l'état, n'est pas crédible.
Ce qu'il y a de moins crédible, c'est votre politique en matière d'aide au développement, que tout le monde pourtant juge essentielle. Les 29 petits millions que vous lui consacrez sont particulièrement dérisoires. Le groupe socialiste ne peut donc voter ce projet de budget tel qu'il nous est présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mon propos, mes chers collègues, sera en effet modéré. Quelques heures avant que nous ne commencions l'examen de votre budget, monsieur le ministre, le ministère de l'intérieur a envoyé des forces de police déloger des immigrés qui s'étaient installés rue de la Banque, en face de la Bourse, des immigrés sans toit condamnés à vivre dans des conditions absolument indignes. Votre méthode en dit long sur la politique d'immigration que vous voulez mener dans notre pays ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La discussion sur le budget de l'immigration intervient dans une période de grande tension marquée par les récents débats sur l'identité nationale, la loi sur la fin programmée de l'immigration familiale et le funeste amendement sur l'ADN (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), le débat sur l'hébergement d'urgence, les rafles des sans-papiers, la mort d'une ouvrière sans-papiers d'origine chinoise, ou encore le récent rapport révélé par le quotidien Libération sur les listes de métiers concernés par les quotas.
Je l'ai trouvé bon !
Il y a comme un climat délétère, pour ne pas dire pestilentiel, dans notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous faites payer chèrement à une certaine catégorie de population, à laquelle vous refusez obstinément le droit de vote, les voix de l'extrême droite qui vous ont permis de gagner les élections au printemps dernier. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce projet de budget pour 2008 du nouveau ministère de l'immigration, de l'identité nationale et du codéveloppement n'a donc rien d'anodin. Son périmètre correspond aux crédits d'accueil et d'intégration, aux crédits de fonctionnement des centres de rétention et de reconduite à la frontière, aux crédits relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi qu'à ceux finançant l'instruction du droit d'asile, l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile, et enfin aux moyens de fonctionnement des services chargés des certificats de naturalisation et des visas de Nantes. Il est donc difficile d'établir des comparaisons avec les années précédentes.
Il s'agit en réalité d'un ministère purement politique, conçu dans le feu de la campagne présidentielle et construit de bric et de broc pour des raisons électoralistes. Les services préfectoraux des visas et des étrangers ne figurent pas dans le périmètre de la mission, pas plus que la coopération et l'essentiel des politiques de codéveloppement, qui dépendent d'un autre ministère.
Le contentieux des étrangers ne pourra qu'exploser sous l'effet des lois successives contre l'immigration que vous avez fait voter par votre majorité. Vous allez créer une surchauffe dans les instances qui dépendent des juges des libertés et de la détention, en portant à plus de 80 % les gardes à vue relatives aux infractions à la législation des étrangers.
Vous avez obtenu pour cette mission une enveloppe de 610 millions d'euros – 195 millions pour le programme « Intégration et accès à la nationalité » et 414 millions pour la mission « Immigration et asile ». Jusqu'à présent affectés à différents ministères, ces crédits ont été redéployés. Ainsi, la mission « Immigration et asile » regroupe, d'une part, les emplois de plusieurs ministères qui étaient chargés des différents aspects de la gestion des étrangers et, d'autre part, les crédits de fonctionnement correspondant à tous les aspects de l'asile et ceux prévus pour la future administration centrale du nouveau ministère.
Les interventions auprès des « vieux migrants » et des stagiaires étrangers se limitent à 8 millions d'euros, ce qui est bien peu quand on connaît la détresse des « chibanis ». Comment ne pas comparer ce chiffre avec le coût de l'instruction d'une seule demande d'expulsion, qui peut aller jusqu'à 1 800 euros ?
La subvention allouée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'est que de 43 millions d'euros, soit 2,5 millions de moins qu'en 2007. Il est vrai que l'OFPRA rejette plus de 92 % des demandes présentées, toutes origines confondues.
En rognant un peu plus encore le droit d'asile, la dernière loi votée aura pour effet d'annuler dans les faits les pouvoirs de la commission de recours, et le phénomène va s'aggraver avec le passage de l'OFPRA sous votre contrôle. Depuis 1952, c'est la première fois qu'un ministère chargé de l'immigration et non des affaires étrangères aura cet organisme sous sa tutelle. Cette OPA du ministère de l'intérieur va accélérer la transformation de cet organisme en annexe des préfectures et des services de police !
Or le décret du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministère de l'identité nationale ne charge pas ce dernier du droit d'asile. Le droit d'asile et le statut de réfugié restent une obligation de l'État, et la convention de Genève ne saurait être remise en cause unilatéralement par la France. Votre ministère ne peut donc être la seule autorité de tutelle de l'OFPRA.
Votre budget, monsieur le ministre, est un budget de chasse à l'étranger ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il est entièrement consacré à organiser l'arbitraire et à renforcer les procédures inquisitoriales. Tous les droits fondamentaux des immigrés sont désormais menacés. Loin de favoriser l'intégration et la diversité, ce budget est celui d'un État qui fiche, pourchasse et stigmatise l'étranger, en alimentant la suspicion à l'égard de tous les immigrés pauvres. Cette criminalisation qui rabaisse les êtres humains et suscite la peur donne une image inquiétante de notre pays, sans rien régler au fond. Dans un an, dans cinq ans, dans dix ans, le nombre d'étrangers en situation irrégulière aura considérablement augmenté. Votre politique ne fera que grever le budget de la France tout en créant un stock permanent de sans-papiers vivant au quotidien dans la peur.
Pour toutes ces raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne votera pas ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » que nous examinons aujourd'hui est le premier présenté par ce nouveau ministère. En créant une mission unique, qui rassemble des actions auparavant éclatées entre plusieurs missions et ministères, le Gouvernement adresse un signal fort démontrant sa volonté de rationaliser l'action publique dans le domaine de l'immigration et de mener une politique coordonnée et réfléchie, à l'opposé de la politique de régularisation massive de 1997, qui a entraîné le quadruplement des demandes d'asile.
La diversité et l'ampleur de la politique d'immigration dans de nombreux domaines de la vie nationale imposent une analyse régulière et attentive de l'action publique. La cohésion nationale dépend en effet, pour une large part, de la réussite de la politique d'immigration, notamment des actions d'accueil et d'intégration. Le Nouveau Centre a donc accueilli favorablement la création d'un grand ministère de l'immigration, capable de répondre à cette logique imparable à laquelle sont confrontées les démocraties occidentales.
Une immigration non maîtrisée, sans anticipation ni capacité d'absorption, ne peut que générer exclusion, pauvreté et précarité.
La France est historiquement une terre d'accueil et elle doit le rester. Mais pour bien accueillir les immigrés, il faut avoir envie, de part et d'autre, de vivre ensemble. Le contrat d'intégration, qui repose sur des fondamentaux comme la maîtrise de la langue française ou la connaissance des moeurs et des valeurs de notre pays, nous paraît donc indispensable.
Cette mission est d'autant plus significative qu'elle consacre l'instauration d'un ministère unique, regroupant l'ensemble des services concernés, en lui donnant clairement les moyens dont il a besoin. Ainsi, le parcours d'un étranger, de son entrée sur notre territoire jusqu'à une éventuelle mesure d'éloignement ou de naturalisation, sera désormais suivi par une seule administration.
Ce budget exprime plusieurs orientations. Tout d'abord, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » reflètent un changement de périmètre de l'action gouvernementale. Telles qu'elles ont été définies dans le décret portant création de votre ministère, vos attributions sont larges, monsieur le ministre, et ce projet de budget traduit bien les priorités définies par la lettre de mission du Président de la République.
Ces priorités ont été en grande partie prises en compte. Des efforts importants ont ainsi été accomplis pour optimiser les dispositifs en faveur de l'hébergement des demandeurs d'asile et de l'insertion des étrangers, pour garantir le fonctionnement des centres de rétention administrative et pour réduire le coût et le délai d'examen de la demande d'asile.
Pourtant, on peut s'interroger sur la portée des moyens alloués, dans ce projet de budget, aux objectifs ainsi définis. On peut également regretter l'absence de certains indicateurs.
Il aurait été logique d'inclure le programme « Codéveloppement » dans la mission « Immigration, asile et intégration », compte tenu de l'importance accordée au codéveloppement dans le cadre d'une politique d'immigration choisie et concertée. Nous pouvons regretter le manque de lisibilité provoqué par ce choix.
Le programme « Intégration et accès à la nationalité », auquel sont alloués 195 millions d'euros, voit son budget diminuer de presque 2 % par rapport à 2007. Ce programme, qui se répartit en cinq actions, marque une certaine orientation donnée à la mission d'intégration des étrangers vivant sur le sol français. L'action «Accueil des étrangers primo-arrivants » fait l'objet d'une diminution de 4,3 %. Or cette action vise précisément à préparer les modalités de la mise en oeuvre de la nouvelle loi relative à l'immigration, à l'intégration et à l'asile – laquelle, il faut le préciser, venait compléter la loi de 2006 relative à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France – ainsi qu'à étendre aux bénéficiaires du regroupement familial le contrat d'accueil et d'intégration. Or cette action n'est pas des moindres, puisqu'elle vise à faciliter l'accès à l'emploi des primo-arrivants, à accompagner les familles dans la compréhension des mécanismes français de responsabilité à l'égard des enfants, à élever le niveau de maîtrise de la langue française et à renforcer les liens entre les acteurs locaux, par le biais des plans départementaux d'accueil des nouveaux migrants.
On peut donc, monsieur le ministre, se demander légitimement comment, à périmètre presque constant, seront financées ces nouvelles mesures qui viennent s'ajouter à celles déjà en place depuis 2006. Cette loi restera-t-elle un voeu pieu, ou bien de réels moyens seront-ils alloués aux services centraux et déconcentrés de votre ministère pour atteindre ces objectifs ?
Par ailleurs, on voit s'esquisser une politique claire en matière d'aide au retour des étrangers. Vous allouez près de 3 millions d'euros à cette action, alors que rien n'était prévu pour 2007. Parallèlement, le Gouvernement n'aurait-il pas tout à gagner à combattre en amont, aux côtés de nos partenaires européens, une immigration clandestine devenue trop importante ?
Porter les flux migratoires d'origine économique de 7 % à 50 % à l'horizon 2012 changera le regard sur les personnes accueillies, leur donnera de véritables perspectives d'avenir et leur permettra de vivre dignement. Pourtant, cette orientation n'apparaît pas clairement dans le projet de budget. Certes, la LOLF invite davantage les administrations à la réalisation d'objectifs de gestion et à l'amélioration de leurs performances qu'à la fixation d'objectifs qualitatifs ; mais votre ministère devrait présenter à notre assemblée les moyens à mettre en oeuvre afin de parvenir à cet objectif, louable, de 50 % d'immigration économique.
Comme l'a souligné le rapporteur, le projet annuel de performances ne comporte qu'un indicateur sur ce sujet, relatif à la durée moyenne d'instruction des recours hiérarchiques dirigés vers des décisions de refus d'autorisation de travail. Nous souhaiterions donc obtenir plus de précisions, ainsi qu'une définition précise de ce que votre ministère entend par « immigration économique », afin que des indicateurs puissent évaluer celle-ci en fonction du flux total.
Ce budget, parce qu'il fixe des objectifs de performance à l'administration en charge de la délivrance des titres de séjours, tente de traiter de la question de la précarité dans laquelle les procédures administratives interminables plongent les personnes en attente de régularisation. Trop d'étrangers ayant noué des attaches personnelles dans notre pays et vivant une intégration de fait, souffrent aujourd'hui d'un manque de considération de la part des pouvoirs publics. Leur détresse fait le lit des marchands de sommeil, des réseaux mafieux et des employeurs malhonnêtes, qui assoient toute une économie sur leur exploitation. Tout doit être mis en oeuvre pour que cela cesse ! La diminution de la durée des procédures éviterait la pérennisation des situations précaires.
Je voudrais encore aborder un sujet qui préoccupe le Nouveau Centre : la nécessité de réformer la France et de moderniser sa structure administrative, qui n'est pas satisfaisante. Les préfets et les maires, par exemple, rencontrent de nombreuses difficultés en matière d'information et de suivi des dossiers. Plusieurs débats à ce sujet n'ont rien changé. Je souhaite que l'action gouvernementale permette enfin de réaliser des progrès sur ce point.
Pour conclure, monsieur le ministre, ce premier projet de budget a pour mérite de mettre en exergue la volonté d'agir de votre ministère et celle de rassembler sous son autorité tous les sujets relatifs à l'immigration. Il installe la politique d'immigration dans une continuité d'action que je salue. Il prolonge et élargit le spectre des mesures mises en place sous la dernière législature et rationalise notre droit d'asile. Le groupe Nouveau Centre souhaite pourtant que vous lui apportiez un éclairage sur les thèmes que j'ai soulevés, afin de mieux comprendre et de mieux cerner, à travers ces données, les orientations qui sont les vôtres.
Mes chers collègues, le Nouveau Centre votera les crédits de cette mission.
La parole est à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de m'exprimer devant vous pour ce premier budget de mon ministère. Je remercie Béatrice Pavy, rapporteure spéciale de la commission des finances, Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et Éric Diard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la qualité de leurs travaux – ce qui est certes un postulat de départ – et la pertinence des nombreuses propositions formulées dans leurs rapports. Je salue l'établissement par les trois commissions d'un questionnaire commun qui a permis de le traiter à 90 % à la date de parution des rapports, et dans sa totalité aujourd'hui.
La création de la mission « Immigration, asile et intégration » résulte de la volonté conjointe du Président de la République et du Premier ministre et, comme l'a souligné Éric Diard, c'est l'une des innovations les plus importantes du projet de loi de finances pour 2008.
Avant de répondre à chacun des intervenants, je voudrais vous faire part de ma conviction profonde : nous sommes en train d'accomplir un changement essentiel, attendu et voulu par nos concitoyens, de notre politique d'immigration et d'intégration. Pendant des décennies, les gouvernements successifs, quels qu'ils soient, ont négligé, ou traité au coup par coup et de manière cloisonnée, les questions de la maîtrise des flux migratoires, de l'intégration des immigrés légaux, de l'accès à la nationalité et, au-delà, de l'identité nationale.
Nicolas Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'intérieur – Noël Mamère s'en souvient sans doute – a mis fin à ces politiques chaotiques. Le nombre de visas délivrés s'est stabilisé autour de 1,9 million par an ; parallèlement, le nombre de reconduites à la frontière depuis la métropole est passé de 10 000 en 2002 à 24 000 fin 2006. Je vous donne des chiffres révélateurs de la politique que nous entendons mener, s'agissant des immigrés en situation illégale mais aussi de l'intégration de ceux qui sont en situation légale. Depuis 2002, ce sont au total plus de 100 000 étrangers en situation irrégulière qui ont été raccompagnés à partir de la métropole dans leur pays d'origine et le nombre d'interpellations a progressé significativement, pour atteindre 90 000 en 2006. Cette gestion plus rigoureuse de l'immigration a permis en 2005 d'inverser la tendance en matière de délivrance des titres de séjour, puisque nous sommes passés de 201 500 titres accordés en 2003 à 195 000 titres en 2005. En 2006, cette tendance à la baisse s'est confirmée.
Ces bons résultats ne constituent qu'une première étape. Aujourd'hui, le ministère se dote d'un budget propre ; demain – au 1er janvier – il disposera d'une véritable administration centrale. Tant ces moyens budgétaires que ces ressources humaines seront indispensables pour mener à bien les trois missions que m'ont assignées le Président de la République et le Premier ministre.
Le premier objectif est de mener une politique d'immigration concertée, à l'image des grands États occidentaux. J'emploie volontairement le mot « concertée » puisque c'est le souhait d'un grand dirigeant africain, le Président Wade ; le gouvernement français l'a parfaitement compris et nous avons intégré cette préoccupation. Concrètement, il s'agit de rééquilibrer les flux migratoires afin d'atteindre l'équilibre entre immigration économique et regroupement familial. Nous renforcerons également les moyens techniques de lutte contre l'immigration irrégulière grâce à la biométrie et à la création du titre de séjour électronique. Enfin, nous amplifierons la lutte contre les filières d'immigration illégale et de travail clandestin.
L'immigration choisie est indissociable d'un engagement de la communauté nationale en faveur d'une intégration réussie des immigrés légaux. Tel est le sens du projet de loi que nous avons discuté et sur lequel je ne reviendrai pas à ce stade. Parmi les engagements présidentiels – Mme Pau-Langevin et M. Ciotti, se sont exprimés à ce sujet –, figure en bonne place l'émergence d'une nouvelle forme d'aide publique au développement : le codéveloppement. J'ai eu la satisfaction, cet été, d'obtenir la création, au sein de la mission interministérielle « Aide publique au développement », d'un véritable programme consacré au codéveloppement, qui nous permettra, madame Pau-Langevin, d'être plus crédibles dans nos échanges avec les pays sources d'immigration. Les crédits de paiement ont ainsi été portés de 14,5 millions en 2007 à 29 millions cette année, tandis que les autorisations d'engagement, passant de 18,5 millions à 60 millions, progressent davantage encore. Cet accroissement est révélateur des nouveaux moyens dont nous disposons : notre politique portera prioritairement sur la promotion des accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement et sur la contribution au développement des projets individuels ou collectifs portés par les migrants et les diasporas dans leur pays d'origine.
J'en viens à la présentation de la mission « Immigration, asile et intégration ». Comme l'ont indiqué les rapporteurs, les crédits du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française » et du programme 303, « Immigration et asile » s'élèvent à 618,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 609,6 millions en crédits de paiement. Le plafond d'emplois du ministère est fixé à 609 équivalents temps plein travaillé.
Les crédits transférés concernent principalement quatre ministères : le ministère du travail pour 430 millions d'euros ; le ministère de l'intérieur pour 77 millions ; le ministère des affaires étrangères pour 64 millions ; enfin le ministère de la défense pour 2,5 millions : il s'agit essentiellement des centres de rétention administrative gérés par la gendarmerie.
Concernant les emplois, 239 proviennent du ministère du travail, 110 du ministère de l'intérieur et 140 du ministère des affaires étrangères et européennes.
Je voudrais tout particulièrement insister sur la répartition des crédits par grandes politiques publiques.
Le premier poste de dépenses, qui a trait à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile, représente 50 % des crédits de paiement, avec 304,5 millions d'euros.
Le second poste de dépenses concerne l'accueil, la présence et l'intégration des étrangers légaux, avec 29,6 % des crédits, soit 180,5 millions d'euros. Ce projet de budget conforte la politique engagée depuis 2003, en amplifiant le montant des subventions versées à l'ANAEM et à l'ACSE.
Le troisième poste concerne la lutte contre l'immigration illégale. Il reçoit 14 % des crédits de paiement et près de 85 millions d'euros, une dotation qui nous permettra d'assurer la gestion des 2 400 places en CRA attendues fin 2008 en application du plan triennal lancé par le comité interministériel de contrôle de l'immigration en 2005.
Les rapporteurs ont proposé de prolonger ce plan. Nous n'avons pas l'intention de lancer un nouveau plan triennal, mais nous devons nous doter des capacités nécessaires pour mieux prendre en charge la situation des étrangers en attente d'expulsion, notamment en Île-de-France, où, depuis le début de l'année, 1 252 d'entre eux n'ont pu être admis en CRA faute de place, ce qui représente plus de 20 % des éloignements effectués dans cette région. Une telle situation n'est à l'évidence pas acceptable.
Je me réjouis que les trois rapporteurs concluent à la nécessité de regrouper en 2009 l'ensemble des crédits informatiques, y compris ceux de l'application « Réseau mondial visa ». Une particularité de notre ministère est que 42 % des personnels de son administration centrale sont situés en province – essentiellement à Nantes. C'est, et de loin, le taux le plus important pour l'État.
La nouvelle organisation administrative, resserrée, efficace et moderne, sera mise en place au 1er janvier 2008. Un service de la stratégie sera directement rattaché au secrétaire général du ministère, Patrick Stéfanini. Il sera en charge du contrôle de gestion, des statistiques et études mais aussi de la stratégie d'ensemble des systèmes d'information. Jusqu'à présent, nous n'avons jamais pu obtenir des chiffres fiables, et c'est pourquoi, malgré certains débats avec des organismes extérieurs, il me paraît indispensable que le ministère dispose d'un service de la statistique.
J'ai bien noté, madame Pavy, votre recommandation d'inscrire les crédits d'investissements des CRA au programme 303. Vous avez raison : ce sera sans doute indispensable pour conduire la programmation au-delà de 2008. Je partage également votre prudence au sujet de la diminution des demandes d'asile, compte tenu de la fragilité de la situation internationale, et je me réjouis de votre soutien pour la réforme de la commission des recours des réfugiés.
Philippe Cochet s'est interrogé sur le calendrier de cette réforme et sur la professionnalisation des magistrats. Nous n'avons pu, faute de temps, mener à bien la réforme dans le présent projet de loi de finances, mais elle sera une priorité pour le budget 2009. Quant à l'objectif de réduire de treize à dix mois la durée de la procédure, conformément à la loi sur la maîtrise de l'immigration, l'asile et l'intégration, nous comptons, pour l'atteindre, sur la réforme de la Commission des recours des réfugiés, qui devient Cour nationale du droit d'asile, ainsi que sur la diminution des demandes – qui ont reculé de 14 % sur les neuf premiers mois de 2007 – et sur la résorption du stock par l'OFPRA et la CRR. Le montant de la subvention accordée en 2008 doit permettre à l'OFPRA de poursuivre cette démarche, engagée dès 2003, de réduction des délais de procédure.
M. Diard a plus particulièrement évoqué l'action des agences en charge de la politique d'intégration, l'ACSÉ et L'ANAEM, et le rattachement des crédits de l'application « Réseau mondial visa ». Comme vous, monsieur le rapporteur, je veux éviter que les immigrés ne se perdent dans les méandres de l'administration. C'est pourquoi les deux agences doivent articuler leurs actions et organiser les parcours personnalisés – notamment l'apprentissage du français – de manière complémentaire. Je demanderai aux deux directeurs généraux de mutualiser la passation des marchés publics, l'organisation des prestations et l'édition de supports de communication, ce qui répond à un souci de rationalité. J'ai en outre demandé que la Révision générale des politiques publiques se saisisse de cette question.
M. Ciotti a évoqué un aspect très intéressant : la dimension internationale de l'action que je m'efforce de conduire. La présidence française de l'Union européenne, au deuxième semestre 2008, sera l'occasion de promouvoir le pacte européen sur l'immigration. Je me trouvais hier à Funchal, pour une réunion des ministres de l'intérieur, des affaires sociales et des questions de l'immigration – une destination un peu lointaine mais, pour des raisons d'équilibre politique, la présidence portugaise voulait une ville de gauche située dans un territoire, Madère, géré par le centre droit. J'ai pu constater que cette idée faisait l'objet d'un accord, ou du moins d'une attente, d'un espoir. Cela suppose d'aborder les questions des régularisations, de l'harmonisation des droits d'asile, des retours. Le commissaire Frattini a proposé d'y inclure l'aide au développement, ce qui me paraît cohérent. Le Président de la République l'avait souligné devant les ambassadeurs : la question des migrations figurera parmi les trois priorités de la présidence française. Éric Ciotti à également fait allusion à la conférence euro-africaine sur l'immigration et le développement que le Président a annoncée lors de son déplacement à Rabat il y a quelques jours.
Je constate, et c'est encourageant, que Mme Pau-Langevin a spontanément apporté son soutien aux suggestions formulées par les rapporteurs. J'en tiendrai donc le plus grand compte.
Restent les points de désaccord. Malgré le contexte budgétaire difficile, et contrairement à ce que vous supposez – faute d'information, probablement –, les crédits de mon ministère progressent par rapport à la somme des crédits des budgets de l'intérieur, des affaires étrangères et des affaires sociales qu'ils regroupent. Cette hausse est de 20 % pour les actions d'intégration des réfugiés, de 6 % pour la gestion des CRA et des procédures d'éloignement, et de 2 % pour l'hébergement en CADA. Ce dernier chiffre peut paraître modeste, mais les demandes d'asile ont diminué de 56 % en trois ans, et nous prévoyons que leur nombre va encore baisser de près de 10 % l'an prochain.
Je ne peux pas vous laisser dire, madame, que les droits des étrangers en situation irrégulière ne sont pas respectés dans les centres de rétention administrative. La durée moyenne de séjour n'y dépasse pas dix jours, alors que, par exemple, dans la Grande Bretagne travailliste – à laquelle, j'imagine, beaucoup de liens vous unissent, ne serait-ce qu'au sein de l'Internationale socialiste –, cette durée est illimitée. J'ai visité il y a quelques jours, en compagnie de mon homologue britannique, M. Lyam Byrne, un centre de rétention situé à proximité de Londres, et j'ai pu constater combien les choses étaient différentes outre-Manche. Je comprends qu'une certaine agitation politique vous paraisse nécessaire, mais il faut rester raisonnable, car notre système de contrôle juridictionnel est particulièrement exigeant. Ainsi, bien souvent, le dossier d'un même étranger est examiné tour à tour par le juge administratif et par le juge des libertés, ce qui, à l'évidence, complique un peu les choses.
Enfin, au sujet des tests ADN, vous avez vous-même rappelé que le dispositif avait un caractère expérimental. Il sera pratiqué pendant dix-huit mois pour un certain nombre de pays dont l'état-civil est défaillant. Il est réaliste de penser qu'un millier de tests seront réalisés en 2008, pour un coût unitaire moyen d'environ 150 euros. Ces 150 000 euros seront imputés sur les crédits de la mission budgétaire dont je suis responsable, le financement étant assuré par l'augmentation des recettes de l'ANAEM prévue à l'article 45 du projet de loi. Les moyens supplémentaires dont pourrait avoir besoin le tribunal de grande instance de Nantes seront affectés par redéploiement des emplois au sein de la Chancellerie.
Monsieur Mamère, nous n'allons pas recommencer le débat que nous avons eu lors de la discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, et dont vous gardez visiblement un bon souvenir. Malgré une intervention que vous avez voulue mesurée – bien que je ne sache pas où, pour vous, commence la mesure –, …
…je ne peux qu'être surpris par la manière dont vous qualifiez la politique du Gouvernement en matière d'asile. Parler d'une « OPA du ministère de l'intérieur » au sujet du changement de tutelle de l'OFPRA est un contresens, car cette décision s'accompagne d'un effort budgétaire important et, surtout, d'une réforme globale. Grâce à nous, pour la première fois depuis cinquante ans, l'instance de contrôle de l'OFPRA, la future Cour nationale du droit d'asile, disposera de l'autonomie budgétaire. Il est dommage que M. Blisko ne soit pas là : il aurait pu témoigner à quel point cette réforme, qui sera applicable dès 2009, était attendue. J'attendais donc des encouragements chaleureux plutôt que des critiques !
Je vous remercie, monsieur Hillmeyer, du soutien que vous avez apporté à la création du ministère. C'était un engagement précis et clair du Président de la République. Je vous rassure, les actions nouvelles en matière d'intégration, qu'il s'agisse du test de français ou de la formation complémentaire, seront financées par une augmentation des ressources propres de l'ANAEM, prévue à l'article 45. Le montant de cette augmentation pourrait atteindre 7,5 millions d'euros.
Ce ministère est une nouveauté, et nous sommes très heureux d'avoir réussi, en quelques mois à peine, à élaborer un budget pour cette nouvelle mission.
Ce budget exprime notre réelle détermination à imaginer une politique nouvelle de gestion des flux migratoires et nous fournit de véritables possibilités d'action.
Je remercie donc, par avance, ceux qui envisagent de l'approuver. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous en arrivons aux questions.
Pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Thierry Mariani.
Je vous prie tout d'abord, monsieur le ministre, de m'excuser de n'avoir pu assister à l'ensemble de votre discours. On m'a en effet demandé de recevoir, au nom d'un parti politique qui nous est cher, des délégués kurdes,
Vous l'avez souligné dans votre intervention, vous êtes aussi le ministre du codéveloppement. Je me félicite, à ce titre, de la création du programme codéveloppement qui marque comme la mission « Immigration, asile et intégration » un tournant dans la maquette du budget général. Ce programme, que notre assemblée examinera la semaine prochaine, est doté de 60 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 29 millions d'euros en crédits de programme et prévoit un certain nombre d'actions fortes en direction des pays source d'immigration. Parmi ces actions figurent surtout, et vous l'avez évoqué, la signature d'accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement, lesquels – je l'ai bien compris – doivent contribuer à servir nos intérêts autant que ceux des pays d'origine, par l'appui aux projets portés notamment par les diasporas.
Pourriez-vous nous préciser la liste des accords de gestion concertée des flux migratoires déjà signés depuis 2007 et de ceux que vous entendez faire aboutir en 2008 ? En quoi consistent-ils ? Qu'en est-il du volet « réadmission et codéveloppement » ? Je pense notamment à celui que vous venez de signer avec le Congo.
Avez-vous l'intention de créer, au sein de votre administration centrale, un service en charge de cette question essentielle pour la crédibilité de notre politique d'aide au développement tant en Afrique que dans certains pays émergents comme le Brésil ou les Philippines ?
Monsieur Mariani, vous soulignez à juste titre un des aspects essentiels de la politique qu'il m'a été demandé de conduire.
En 2006 et 2007, quatre accords ont été signés. Le premier l'a été avec le Sénégal, quand Nicolas Sarkozy était ministre d'État, ministre de l'intérieur. J'ai signé le deuxième accord au mois de juillet avec le Gabon, puis un troisième, voici quelques heures à peine, avec la République du Congo. Je signerai enfin le quatrième dans quelques jours avec le Bénin. Je pense que, l'année prochaine, nous pourrions en signer encore avec cinq ou six autres pays : la Tunisie – où je me rendrai d'ailleurs cet après-midi pour jeter les bases du futur accord –, le Cameroun, le Burkina Faso, ainsi que les Philippines, car nous ne nous limiterons pas au continent africain.
L'accord que je viens de signer avec le Congo a été le révélateur des principes qui guident leur préparation. Je n'entrerai pas dans le détail. Une première partie organise les flux migratoires, une deuxième les retours de ceux qui ne peuvent pas séjourner sur notre territoire. Cette évolution signifie que les responsables de ces pays acceptent le principe du retour, dont il faut, en conséquence, discuter. Des dispositions concernant les salariés sont prises. S'agissant du Congo, j'ai signé un accord concernant la délivrance des cartes « compétences et talents » dont le principe a été évoqué et qui seront concrétisées avant la fin de l'année. Nous avons donc, pour la première fois, fixé un objectif quantitatif. Nous devons également organiser impérativement l'accueil des étudiants qui constitueront la colonne vertébrale de l'organisation administrative, économique et sociale du pays d'origine. Enfin, un volet est consacré au codéveloppement. J'ai ainsi visité une entreprise située à Brazzaville. Elle est dirigée par un Congolais qui, après avoir suivi les cours de l'École centrale à Paris grâce à un système de bourses, est revenu dans son pays d'origine, après ces quelques années passées en France, pour créer cette entreprise qui procure aujourd'hui trente-cinq emplois. Nous essaierons d'expliquer et de médiatiser cet exemple très intéressant et extrêmement symbolique.
Organisation de la gestion des flux migratoires du pays d'origine vers le nôtre, organisation des flux d'immigration économique, dispositions concernant les clauses de réadmission – tel n'était pas le cas jusqu'à maintenant – et, enfin, accord sur le codéveloppement, tels sont les quatre volets de ces accords. J'espère sincèrement que nous pourrons ainsi, petit à petit, en signer avec la plupart des pays du continent africain afin de mener une politique cohérente, juste, efficace et transparente de la maîtrise de ces flux migratoires.
Nous passons aux questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La première est posée par M. Bernard Cazeneuve.
Je voudrais revenir sur la pression migratoire dans les ports transManche, résultant de la présence, essentiellement sur la façade septentrionale, de réfugiés inexpulsables, notamment en provenance d'Irak.
La fermeture de Sangatte n'a pas fait disparaître les réfugiés qui sont aujourd'hui dispersés sur le littoral à Dunkerque, Boulogne, Calais et Cherbourg. À Cherbourg, l'État a quelques difficultés à maîtriser la situation. La nuit dernière, 99 tentatives de passage vers la Grande-Bretagne ont été constatés par vos services et il semble qu'au cours des derniers jours le nombre de réfugiés a augmenté, certains de vos services disent même doublé.
Cette situation pose des problèmes humanitaires et de sécurité. Je vous poserai donc des questions précises sur ces deux volets.
S'agissant tout d'abord de la sécurité, le traité du Touquet prévoyait la mise en place de dispositifs communs de contrôle franco-britanniques dans un certain nombre de ports : les bureaux à contrôles nationaux juxtaposés – BCNJ – situés à Dunkerque et à Calais. Entendez-vous associer les Britanniques à leur installation là où ils ne sont pas encore présents, et notamment à Cherbourg ?
Vous avez accepté d'affecter des moyens de police supplémentaires, il y a de cela quelques semaines, pour dissuader les passeurs d'envoyer des réfugiés vers Cherbourg. Ces forces de police ont amélioré la sécurité sur le port, mais elles sont parties. Envisagez-vous, dans un contexte extraordinairement tendu – les statistiques en témoignent –, de conforter les moyens de sécurisation du port ?
Des travaux très importants ont été réalisés par la concession du port pour assurer la sécurisation et se sont élevés à 1,2 million d'euros en deux ans. Bien que cela ne relève pas de leurs compétences, ils ont été à la charge des collectivités locales. Une grande partie de ces investissements sur le port a été également assurée par la concession. Ne pensez-vous pas qu'il serait normal que l'État, dont le rôle est de contrôler l'immigration sur les places portuaires, assure sur ses propres budgets des financements qui n'ont en aucun cas vocation à relever des collectivités territoriales ?
La situation en matière de sécurité demeure extrêmement tendue. Nous avons besoin de réponses si nous voulons mettre en adéquation objectifs et résultats.
Enfin, du point de vue humanitaire, la situation est tragique. Ces hommes et ces femmes ont pris le chemin de l'exode dans des conditions humanitaires déplorables. Ils ont froid et faim. Les associations humanitaires qui leur viennent en aide sont à bout de souffle. À l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, comptez-vous, en liaison avec le HCR et les pays de l'Union, prendre des initiatives pour que ces réfugiés, inexpulsables du territoire national, puissent être traités autrement sur le territoire de l'Union ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur Bernard Cazeneuve, vous vous en êtes entretenu à plusieurs reprises avec l'un de mes collaborateurs et avec moi : vous mesurez chaque jour la difficulté sur le terrain, donc dans votre ville. L'État a mobilisé des moyens importants, sous la direction du préfet de la Manche, pour que Cherbourg ne devienne pas, aux yeux des migrants clandestins, une porte vers l'Angleterre. C'est là tout l'enjeu. Je comprends et partage, au nom du Gouvernement, votre préoccupation.
Lors d'un précédent débat, je vous avais indiqué qu'une demi-compagnie de CRS serait affectée dans votre commune. Je vous confirme qu'elle sera à nouveau mobilisée. C'est indispensable pour maintenir une forte pression sur les passeurs. Je m'en suis entretenu avec Mme la ministre de l'intérieur. Il n'y a pas d'ambiguïté sur ce sujet. Soyez donc rassuré sur ce point.
La situation d'aujourd'hui ne peut pas être comparée à celle de 2002. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Laissez-moi terminer mon explication !
Vous ne le pouvez pas, puisque je ne me suis pas encore exprimé ! Permettez-moi de vous apporter une précision, que vous pourrez ensuite commenter.
Ainsi, en 2002, 3000 clandestins vivaient à Sangatte. J'avais d'ailleurs à cette époque accompagné Nicolas Sarkozy. Je ne reviendrai pas sur le fait que certains, sous une autre majorité, s'y étaient, reconnaissons-le, assez peu rendus !
C'est une réalité.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Laissez-le tranquille. J'ai cru comprendre qu'il avait déjà beaucoup de soucis ! N'en rajoutez donc pas !
Aujourd'hui, les flux sont de l'ordre de 150 personnes. Cela veut-il dire que le problème ne se pose plus ? Non, mais la proportion indique bien quelle est l'évolution. Selon nos estimations, il y en a une centaine à Cherbourg. Ce n'est pas négligeable mais cela n'a rien de comparable avec ce que l'on connaissait en 2002.
Il va de soi que nous devons travailler main dans la main avec les Britanniques, eux-mêmes très préoccupés par ce problème. Le secrétaire d'État chargé de l'immigration et de l'asile, Lyam Byrne, sera à Paris la semaine prochaine. J'avais pensé que nous pourrions nous rendre dans votre secteur. Malheureusement, pour des raisons d'agenda, ce sera impossible. Je souhaite que nous envisagions ensemble – et il y est plutôt favorable – une mutualisation du fardeau financier. Reconnaissons que chacun doit assumer sa part. Cette mutualisation financière serait engagée pour sécuriser la ville et le port de Cherbourg.
Je vous confirme à nouveau que la demi-compagnie de CRS en poste pendant la période précédente sera à nouveau mobilisée parce qu'il est indispensable de maintenir une forte pression sur les passeurs, si nous voulons obtenir des résultats. Le message doit être clair.
Tels sont les éléments que je tenais à vous apporter, monsieur le député.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les centres de rétention administrative. Les conditions de rétention sont déplorables dans la plupart d'entre eux.
Je constate, dans ce budget, que les moyens nécessités par les centres de rétention administrative sont en augmentation, le coût moyen s'établissant aux alentours de 1000 euros. S'il est évident que tous les efforts pour humaniser et améliorer le confort des centres de rétention sont légitimes, cette hausse ne doit pas signifier un accroissement de la durée moyenne de séjour dans les centres. Permettez-moi d'ailleurs d'être sceptique à ce sujet, car les indicateurs budgétaires en la matière restent pour le moins vagues – passage de 9,6 jours de présence en moyenne à moins de dix – et sous-estimés. Le témoignage de nombreuses ONG, en particulier la CIMADE, n'est pas non plus de nature à nous rassurer.
L'objectif annoncé d'une réduction du coût moyen de la rétention administrative affiché pour les prochains exercices budgétaires risque de signifier non pas une amélioration des conditions, mais la réalisation d'économies d'échelle dans un contexte d'expulsions massives.
L'amélioration et l'extension des locaux ne sauraient être le prétexte à un développement industriel de la rétention.
Nous avons tous dans nos circonscriptions des exemples scandaleux de rétentions. Ainsi, cette famille kazyakhe, avec deux enfants âgés respectivement de quatre ans et de sept mois, qui a passé deux semaines au centre de rétention administrative d'Oissel, dans des conditions de détention déplorables. Les enfants ont gravement manqué de nourriture. Toute la famille reste psychologiquement traumatisée. Autre exemple, la détention d'un couple moldave avec un enfant de trois semaines dans un centre de rétention administrative a été épinglée comme un traitement inhumain par la cour d'appel de Rennes.
Ces cas ne sont pas isolés, la situation est de plus en plus critique dans des centres de rétention surpeuplés et désormais autorisés à accueillir des enfants. Des extensions sont prévues, avec, parfois, l'aménagement de nurseries, mais, soyons clairs, les enfants n'ont pas à être placés en centres de rétention. Le placement d'enfants, parfois même de bébés, en centres de rétention est contraire à la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant et à la loi française, qui précise que l'étranger mineur ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière.
Il n'y a rien dans ce budget pour développer des mesures alternatives au placement en centre de rétention des enfants, des mesures à même de permettre de ne pas séparer les familles. Or il faut privilégier de telles mesures, comme le maintien à résidence. Pourtant, aucun indicateur en la matière, aucun objectif.
Je profite d'ailleurs de cette intervention pour mettre en doute les chiffres de demandeurs d'asile. Effectivement, ils sont en baisse, mais c'est parce que certains demandeurs d'asile sont expulsés avant d'avoir pu présenter leur dossier, notamment faute d'interprète.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer les conditions des personnes placées en centre de rétention, sans surpeuplement ni augmentation de la durée moyenne passée en rétention, dans le contexte d'une politique systématique et aveugle de reconduite à la frontière ?
Vous avez totalement raison, il faut de la transparence. Je vous signale d'ailleurs que la CIMADE bénéficie d'un concours public de la part de l'État de 3,88 millions d'euros.
Pas de proposition législative à ce sujet, monsieur Mariani ! (Sourires.)
Celui-ci lui permet notamment d'assurer une présence dans les centres de rétention administrative.
La durée de rétention n'a pas augmenté significativement, elle est stabilisée autour de dix jours. Comme je l'ai souligné tout à l'heure, c'est tout à fait raisonnable par rapport à d'autres pays.
Certes, il y a des enfants dans ces centres, mais que préconisez-vous ? Voulez-vous qu'on les sépare de leurs parents ? Vous voyez que c'est en réalité assez compliqué. La politique qui est menée, c'est qu'on ne sépare pas les enfants de leurs parents.
Enfin, le contrôleur des lieux de privation de liberté sera présent dans ces centres. C'est une garantie supplémentaire de transparence.
Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, d'exprimer la surprise qui est la mienne d'entendre en ces lieux des interventions qui donnent une image idyllique de votre politique d'immigration. La réalité en est bien éloignée et traduit plutôt un échec tant pour le contrôle et l'accueil que pour l'intégration. Noël Mamère y a fait référence et Manuel Valls en parlera certainement dans quelques instants.
Pour illustrer cet échec, je tiens à souligner combien sont nombreuses les collectivités qui se trouvent confrontées à l'arrivée massive de populations roms. Ce phénomène s'accroît chaque mois. Leur présence pose d'innombrables difficultés.
Le plus souvent, ces populations s'installent dans des lieux dépourvus de toutes commodités, notamment sanitaires.
Ces groupes, formés aussi d'enfants en bas âge et de femmes enceintes, arrivent totalement démunis, dans des conditions juridiques incertaines : les Roms de la nationalité d'un État de l'espace Schengen bénéficient de la libre circulation, pas ceux de la nationalité d'un État hors Union Européenne et hors espace Schengen, et les ressortissants de certains pays comme la Roumanie, régie par un accord international, bénéficient de conditions de circulation à peu près similaires à celles applicables aux ressortissants des États membres de l'Espace Schengen durant une période de trois mois. En revanche, les conditions requises pour bénéficier de cette libre circulation, des moyens de subsistance et l'objet du déplacement, manquent le plus souvent.
Leur présence pose de très délicats problèmes humanitaires : hygiène, état sanitaire, absence de scolarisation des enfants. Elle est par ailleurs souvent à l'origine de tensions avec les populations locales, du fait, notamment, de la généralisation de la mendicité, parfois active.
Les municipalités sont confrontées à des situations extrêmement difficiles à gérer, et la responsabilité des élus est engagée. Ils doivent assurer des conditions d'existence humaines sans prendre le risque de figer cette population sur le territoire et de créer de fait des camps ingérables et pérennes.
L'entrée sur le territoire français des Roms dépasse largement la compétence des collectivités locales, d'autant que leur situation est un sujet sensible, notamment en Roumanie et dans l'Europe des migrations. Par ailleurs, l'initiative de certains eurodéputés d'organiser une conférence spéciale sur les Roms durant la présidence slovène de l'Union ne reçoit qu'un écho très limité, notamment de la part de la France. Comme Mme Pau-Langevin, nous espérons que le Gouvernement prendra des initiatives très marquées en faveur du codéveloppement, en direction notamment de la Roumanie. L'hiver arrive et la situation ne peut perdurer.
Je suis maire de Boulogne-sur-Mer, et j'ai peu apprécié la façon dont vous mettiez en cause mon témoignage sur Sangatte. Je suis à quelques dizaines de kilomètres de Sangatte, je vois au quotidien les conséquences des politiques d'abandon de l'État. Les conséquences humaines sont dramatiques. Elles sont en totale opposition avec la version officielle qui affirme que le problème serait réglé alors que dans les faits, n'en déplaise à l'ancien ministre de l'intérieur devenu Président et peut-être à vous-même, elle ne fait que s'aggraver. Le Gouvernement s'obstine à détourner son regard de la réalité, un peu comme un malade qui casse le thermomètre pour prouver qu'il n'a plus de fièvre.
Le problème des Roms connaîtra-t-il le même traitement qui consiste à jeter un voile pudique sur la réalité, à l'occulter et à laisser les autorités locales et leurs populations seules, sans moyens, essayer d'y faire face ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le député, la question des Roms est un sujet très sensible, tous les gestionnaires locaux le savent. C'est aussi un motif d'inquiétude pour la population concernée par leur présence.
Avec l'aide de nombreuses associations humanitaires, et grâce à l'aide au retour humanitaire, gérée par l'ANAEM, dont j'évoquais le rôle tout à l'heure, nous nous efforçons de les encourager à repartir dans leur pays.
Est-ce totalement satisfaisant ? Naturellement non. On peut progresser. Il y a tout de même une évolution intéressante. En 2007, le nombre des bénéficiaires de l'aide au retour humanitaire va sans doute tripler par rapport à 2006, passant très probablement de 300 à plus de 900.
Vous avez raison, mais c'est la conséquence des textes communautaires.
Aujourd'hui, lorsqu'ils sont interpellés, le motif du retour dans le pays d'origine, c'est l'absence de justification de revenus. L'aide au retour humanitaire, qui n'a rien à voir avec l'aide au retour aux immigrés clandestins autres que communautaires, est de l'ordre de 150 euros à peu près. Ils risquent donc naturellement de revenir dans notre pays. Les reconduites se font d'ailleurs généralement dans d'assez bonnes conditions. Il n'y a pas de drames humains. Cela dit, ce n'est pas totalement satisfaisant. Nous allons désormais utiliser tous les systèmes biométriques, ce qui permettra de mieux identifier les gens et sans doute de mieux suivre les parcours.
C'est une préoccupation pour les populations, vous avez raison. Elle s'exprime assez largement. C'est la raison pour laquelle nous devons l'appréhender de la manière la plus humanitaire possible, avec les collectivités locales bien sûr, et qu'existe ce dispositif.
Concernant Sangatte, je n'ai naturellement pas voulu vous mettre en cause. Je comprends très bien. Vous êtes dans l'opposition et le parti pris de départ, c'est de dire que ce n'est pas satisfaisant.
Depuis de nombreuses années.
La réalité s'impose. Il y avait 3 000 personnes à l'époque,…
…et, aujourd'hui, ces flux se résument à 150. Cela ne veut pas dire que tout est réglé mais c'est un progrès.
Prenez l'autoroute A 16 ! Vous les croiserez, vous verrez qu'ils ne sont pas 150 !
La parole est à M. Noël Mamère, pour groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre, ma question concerne à la fois le périmètre du budget de l'immigration et la dotation des crédits d'urgence.
Le budget de l'immigration est parcellaire et ne regroupe qu'une petite partie des crédits consacrés à la politique de l'immigration. Ainsi, les services des visas et les services des étrangers des préfectures n'y figureront pas. Il est difficile de procéder à des redéploiements de moyens dans ces conditions et de répondre aux besoins que nécessite la politique que vous prétendez porter. L'hébergement d'urgence en fournit l'illustration.
La suppression de l'article 21 du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile a clarifié l'accès des personnes en situation irrégulière à l'hébergement d'urgence, mais, lorsque l'on prend connaissance du projet de budget pour 2008, on constate que la part consacrée à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile est en recul de 5 millions d'euros.
Ce budget est notoirement sous-doté depuis de nombreuses années et dénoncé comme tel par plusieurs rapports comme ceux de l'IGAS et de la Cour des comptes. Il est donc légitime de s'interroger sur la manière dont les services déconcentrés des DDASS vont faire face à l'urgence en 2008, avec 3 510 places financées. Dans la seule ville de Paris, plusieurs milliers de personnes sont hébergées en places d'urgence. On nous dira sans doute que les crédits d'urgence généraliste ont fortement augmenté en 2008. L'hébergement des demandeurs d'asile bénéficie en effet d'une hausse de crédits de 6 millions d'euros, mais on est loin d'arriver au budget exécuté en 2005, qui était de 217 millions d'euros, à comparer avec les 150 millions inscrits en loi de finances pour 2008.
Faute de crédits suffisants, de nombreuses personnes se retrouveront à la rue. La pression sera alors maximale sur les municipalités, comme nous pouvons le voir en ce moment, avec des familles qui sont pourtant en situation régulière en général, rue de la Banque, à Paris.
Si l'on veut que l'abrogation de l'article 21 ait une véritable signification, il faut donc s'attaquer à la sous-dotation chronique des crédits d'hébergement d'urgence votés par le Parlement, et obtenir des indicateurs précis quant aux crédits affectés à l'accueil et à l'intégration des immigrés. Seul le ministère des affaires sociales identifie des lignes budgétaires claires, ce qui a permis à la Cour des comptes d'évaluer à 741 millions d'euros l'aide médicale d'État et le financement de l'allocation d'insertion des demandeurs d'asile en 2004. Pour la même année, les dépenses entraînées par le flux des demandeurs d'asile ont nécessité une rallonge de 108 millions d'euros, toujours selon la Cour des comptes. « Même le Parlement, ajoute la Cour, ne dispose pas d'éléments d'évaluation crédibles. »
Une politique de l'immigration se construit avec un budget cohérent. Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, de montrer que vous avez compris la leçon et de nous donner une réponse claire concernant le montant des crédits pour le droit d'asile en regard de l'hébergement d'urgence.
Comme vous le savez, monsieur le député, mon ministère n'a pas compétence en matière d'hébergement d'urgence de droit commun. Sur le budget qui est le mien, j'assure simplement le financement de l'accueil des réfugiés qui viennent d'obtenir le statut et présentent de graves difficultés d'insertion. Leur prise en charge complète est assurée pendant une période transitoire, en général après leur passage par un centre d'accueil pour demandeurs d'asile, CADA, dans des centres provisoires d'hébergement des réfugiés, où ils peuvent préparer leur intégration. À capacité d'accueil constante, nous avons atteint un niveau suffisant, et le budget consacré à ces centres en 2007 est globalement reconduit, actualisé de 1,51 %.
Cela appelle deux réflexions de ma part. D'abord, monsieur Mamère, ce budget est une première étape. On verra bien en 2009 s'il faut rattacher les bureaux des étrangers des préfectures et les consulats à mon ministère. S'agissant d'un nouveau ministère, nous devons procéder par étapes à sa construction.
Concernant les crédits d'hébergement d'urgence, je vous rappelle d'abord qu'on a tout de même multiplié par quatre la capacité d'accueil des CADA. Il est vrai que certains demandeurs sont encore accueillis en hébergement d'urgence. Je vous indique cependant qu'en 2007, pour la première fois – ça ne s'était jamais vu –, il n'y a pas eu besoin de décret d'avance, puisque les sommes qui avaient été prévues se sont révélées suffisantes.
Cela signifie très concrètement que l'État a moins recours désormais à l'hébergement dans les hôtels, évitant ainsi certains drames. Je vous indique par parenthèse qu'en dépit de ce quadruplement du nombre de CADA, le coût de ces hébergements en hôtel est tout de même de l'ordre de 45 millions d'euros, rien qu'à Paris.
Je pose cette question au nom de mon collègue Jean-Paul Lecoq, député de Seine-Maritime.
Le budget destiné au codéveloppement est infime. Doté d'un budget dérisoire, le ministère ne prévoit aucune action sur le plan international pour s'attaquer aux vraies causes de l'appauvrissement généralisé qui frappe les pays en voie de développement et qui est d'ailleurs la source principale de la migration.
Ce budget fait apparaître les transferts des migrants, flux financier important puisqu'il représente environ 2,5 milliards d'euros, comme partie de l'action de codéveloppement. Cela signifie que le ministère va utiliser ce transfert si important pour les familles des pays d'origine du migrant pour justifier sa politique d'immigration, déguisée en codéveloppement.
Il convient de savoir quelle politique le ministre pense mettre en place, en relation avec le ministère des affaires étrangères, pour que le développement économique et social durable des pays en voie de développement soit garanti par l'arrêt des programmes macroéconomiques imposés par le biais des institutions financières internationales, et par l'annulation de la dette externe, déjà payée plus de dix fois.
Vous anticipez, monsieur Mamère, l'examen du budget de l'aide au développement, qui n'est pas à l'ordre du jour.
Cela précisé, je ne peux pas vous laisser dire ce que vous avez affirmé au nom de votre collègue. Il y a des moyens pour le codéveloppement. Je vous donne simplement l'exemple, que j'ai évoqué tout à l'heure, de l'accord signé avec la République du Congo, où j'étais la semaine dernière. Cet accord, qui concerne les flux migratoires du Congo vers la France, l'accueil des étrangers, notamment de l'immigration de travail, les procédures de réadmission, comporte une partie relative au codéveloppement. Très concrètement, l'accord avec la République du Congo porte sur 1,2 million d'euros pour la période 2008-2010. Il y a donc les moyens de mener cette politique, car je crois vraiment, profondément, à l'utilité du codéveloppement comme un des éléments de gestion et d'appréhension de part et d'autre de la politique des flux migratoires.
Là où vous avez raison – et je terminerai par cela –, c'est qu'auparavant la France pouvait définir cette politique de maîtrise des flux migratoires sans se préoccuper des pays d'origine, et les dirigeants de ces pays étaient parfois assez heureux de voir une partie de la population partir, ce qui les soulageait d'un certain nombre de préoccupations. Je pense sincèrement que cette période est aujourd'hui heureusement révolue. Aujourd'hui, cette politique suppose une concertation entre pays d'accueil et pays d'origine, et je suis convaincu que le codéveloppement, identifié pour la première fois en tant que tel en est un des éléments très utiles et très constructifs.
La parole est à M. Manuel Valls, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, à partir d'un cas concret, que j'ai évoqué rapidement il y a un instant avec vos collaborateurs, et qui illustrera ma question.
J'ai été interpellé ce matin en direct sur une radio – RMC-BFM pour ne pas la citer – sur le cas d'un Nigérian marié à une citoyenne française, qui faisait l'objet d'une décision d'expulsion de la préfecture de l'Essonne, confirmée, semble-t-il, par le tribunal administratif. Cet homme aurait été « convoqué » – avec des guillemets car le cas demande une enquête, et je suis déjà entré en relation ce matin avec la préfecture de l'Essonne – par les services de la préfecture pour se voir délivrer un titre de séjour, et j'ai eu sous les yeux le document en cause. Cette convocation se serait révélée un piège puisque l'homme a été placé en centre de rétention puis expulsé après épuisement des recours.
J'ai deux questions. J'avais cru comprendre que, depuis un arrêt de la Cour de cassation, l'État et ses services ne recouraient plus à ce type de ruse pour se livrer à des expulsions, et c'est une bonne chose : si l'État veut mener une politique claire en matière d'immigration et procéder à des expulsions, ce doit être sur des bases claires, respectueuses de la loi, dans la transparence et conformément – pardon de le dire – à une forme d'éthique. J'aimerais donc savoir, au-delà du cas particulier, si vous avez clairement donné instruction à l'ensemble des préfectures de ne pas recourir à ce type de méthode.
Ma deuxième question porte sur les objectifs chiffrés d'expulsions, et mon collègue Marc Goua y reviendra. Sur quelle base sont-ils décidés ? Quelles sont les consignes que vous donnez aux préfectures ? On sent bien que des pressions sont exercées sur l'administration, notamment depuis que la presse s'est fait l'écho de la convocation, il y a quelques semaines, de certains préfets qui n'auraient pas atteint l'objectif d'expulsions qui leur aurait été assigné. Ces pressions me semblent d'autant plus dangereuses qu'elles pèsent sur des administrations qui font déjà face à des flux très importants et sont confrontées à des problèmes humains parfois terribles, comme les élus le savent. Elles se trouvent du coup acculées, tant la pression est forte de la part de la hiérarchie, au type de comportement que j'ai évoqué.
J'aimerais donc recevoir là-dessus aussi une réponse précise.
Je n'ai pris connaissance que ce matin, monsieur le député – je ne connais évidemment pas tous les cas particuliers –, de l'émotion suscitée dans votre département par l'éloignement, le 13 octobre, d'un ressortissant du Nigeria qui faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire prise en mars dernier par le préfet du Val d'Oise. Je vous précise que l'arrêt de la Cour de cassation de mars 2006 prohibe les interpellations dans les bureaux des préfectures accueillant les demandes.
Nicolas Sarkozy ministre de l'État, ministre de l'intérieur avait alors adressé des instructions écrites aux préfets. Il n'y a donc pas d'ambiguïté : on n'a rien passé sous silence et ce n'étaient pas des instructions orales.
Concernant le cas plus particulier que vous soulevez, j'ai demandé à M. Moisselin, préfet de l'Essonne, un compte rendu portant à la fois sur les faits et sur le droit, d'abord sur les conditions d'interpellation de cette personne à la préfecture, afin qu'on dispose d'éléments précis sur ce sujet, et deuxièmement sur les conditions de son éloignement. Le préfet de l'Essonne m'a assuré que ce compte rendu me serait adressé cet après-midi, et je le porterai très directement à votre connaissance dans les heures qui suivent.
Concernant le chiffre des expulsions, on peut toujours essayer de le commenter, mais il y a une réalité très simple dans notre pays : la loi est faite pour être respectée. On doit quand même en revenir aux principes essentiels, et je sais d'ailleurs que vous considérez que la loi doit être la loi.
Je le dis, je le répète, et je ne transigerai pas sur ce point : un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine, sauf cas particuliers. On peut ainsi tenir compte de considérations humanitaires : je vous rappelle que le Président de la République avait lui-même évoqué cet exemple très concret à l'occasion de la visite qu'il avait rendue à l'association « Coeur de femme » pendant la campagne présidentielle, et j'imagine que nous sommes tous d'accord sur ce point.
Je pense aussi à l'amendement présenté par Yves Jego, Frédéric Lefebvre et Nicolas Perruchot qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, et qui prévoit la possibilité de régulariser certains immigrés en situation irrégulière.
Tous ces cas doivent naturellement être pris en compte, mais la loi est faite pour être respectée, et un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine. Vous le savez très bien, monsieur Valls, pour être directement confronté à ces questions : les étrangers en situation régulière, non seulement comprennent, mais demandent que ce principe soit respecté.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le cas des « ni-ni », les personnes ni régularisables ni expulsables, et sur les injustices de la régularisation au cas par cas – depuis quelques mois il faudrait plutôt parler de non-régularisation, comme l'illustre le cas évoqué par Manuel Valls.
Nous avions prévu, quand nous étions aux affaires, une possibilité de régularisation au bout de dix ans, qui s'intégrait dans une vraie politique de gestion du regroupement familial et d'organisation de l'immigration de travail. Votre majorité est revenue sur ces dispositions en 2003, et vous avez supprimé les outils permettant une régulation intelligente des flux migratoires introduits par la loi dite Chevènement, qui prévoyait un panel de possibilités en la matière.
Depuis la suppression de ces possibilités, que faire de ces gens qui ne sont ni expulsables ni régularisables ? La régularisation globale des sans-papiers, qui viendrait alimenter les filières d'immigration clandestine, n'est évidemment pas souhaitable. Il faut préconiser une régularisation à partir de plusieurs critères : durée de présence en France, attaches personnelles, scolarisation des enfants, possession ou promesse d'un contrat de travail. Il faudrait aussi rétablir le système de régularisation automatique au bout de dix de présence illégale, supprimé par la loi Sarkozy de 2006. Il faut enfin, comme vous l'avez dit, prendre en compte des considérations humanitaires.
En effet, l'expérience quotidienne montre que la seule régularisation au cas par cas n'est pas viable. Elle est d'abord arbitraire, les préfectures accordant ces régularisations en fonction de critères parfois obscurs et incompréhensibles, quand ce n'est pas pour respecter des quotas d'expulsion fixés par Le Gouvernement.
Le cas par cas revient à renoncer à l'élaboration de droits et d'une législation clairs alors qu'il existe une alternative entre régularisation massive et étude au cas par cas. Le cas par cas ne doit rester qu'une solution extrêmement résiduelle, ce ne doit pas être une solution de fond.
La loi de 2006 a abrogé la régularisation de plein droit au bout de dix ans, mais elle a créé un dispositif d'admission exceptionnelle au séjour pour des motifs humanitaires. Or ce dispositif de régularisation est trop arbitrairement appliqué, j'ai pu le constater dans les interventions que j'ai été amené à faire au cours de mon mandat de maire et depuis mon court mandat de parlementaire.
Prenons l'exemple de cette mère turque, soignée au CHU d'Angers pour maladie grave, et de sa fille, qui ont été expulsées alors qu'un recours suspensif avait été déposé par le conseil de la famille au tribunal administratif de Nantes. Après avoir refusé de reconnaître son erreur, la préfecture du Maine-et-Loire vient enfin de les laisser revenir en France !
… celui de ce jeune Malgache atteint d'une maladie handicapante, venu en France pour se faire soigner et se faire poser une prothèse de la hanche. On lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour qui se termine le 10 novembre. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ?
Plus généralement, quelles mesures allez-vous prendre pour l'instauration de critères plus justes et l'homogénéisation de ces critères sur l'ensemble du territoire ?
Monsieur Goua, finalement, votre intervention est très saine, parce que vous rappelez la nécessité qu'il y ait une majorité et une opposition.
Je suis en total désaccord avec ce que vous venez d'exprimer.
Vous proposez en réalité que l'on revienne à la disposition qui permettait d'aboutir à une régularisation après dix ans de présence cachée, honteuse, sans papiers.
Je vous demande de faire très attention. Il n'y a pas un pays dans lequel ce dispositif de prime à la clandestinité existe.
Cela n'existe nulle part.
Laisser espérer un titre de séjour, une régularisation à l'issue d'une période de dix ans dans la clandestinité, c'est en réalité donner une prime à la clandestinité.
Les personnes concernées sont obligées de se cacher, de se planquer, de contourner tous les contrôles possibles.
En réalité, ce que vous proposez, qui est unique au monde, c'est la régularisation indiscriminée.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Les exemples italien, espagnol, qui sont souvent cités n'étaient en aucun cas des régularisations générales.
Les régularisations se fondaient en réalité sur des critères, qui étaient d'ailleurs globalement des critères de travail.
Précisément, en 1997 – je n'ai pas voulu le dire tout à l'heure parce que je pensais qu'il ne servait à rien de relancer la polémique –…
…le gouvernement Jospin a pris la décision de régulariser 80 000 personnes.
Les personnes qui étaient concernées en ont parlé autour d'elles, ce qui est logique, dans leur famille, dans leur village d'origine, dans leur région d'origine, dans leur pays d'origine. Bilan des courses : les demandes d'asile ont été multipliées par quatre.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
C'est-à-dire que ce que vous proposez de bonne foi aboutit en réalité au résultat exactement inverse, à un gigantesque appel d'air. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis heureux d'avoir suscité un peu d'émotion sur les bancs de l'Assemblée ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous avons eu raison de créer, par la loi de 2006, un mécanisme d'admission exceptionnelle au séjour. Ce mécanisme au cas par cas est plus juste, plus fondé, il n'est pas bêtement et injustement mécanique.
Encore une fois, monsieur Goua, je vous remercie d'avoir posé votre question et surtout d'avoir souligné qu'entre la majorité et l'opposition il existait une vraie différence concernant la politique de maîtrise des flux migratoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'appelle les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », inscrits à l'état B.
Ces crédits ne font l'objet d'aucun amendement.
Je les mets aux voix.
(Les crédits de la mission « Immigration, asile et immigration » sont adoptés.)
J'appelle maintenant l'article 45 du projet de loi de finances, rattaché à cette mission.
Cet article ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 45 est adopté.)
Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs à l'immigration, à l'asile et à l'intégration.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008, no 189 :
Rapport, no 276, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan ;
Pilotage de l'économie française :
Rapport spécial, n° 276, annexe 28, de M. Pierre Morel-A-L'Huissier au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
La séance est levée.
(La séance est levée à onze heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton