Monsieur le président, monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, chers collègues, l'engagement a été pris, durant la campagne présidentielle, de réunir dans un même ministère l'immigration et l'identité nationale, car il est aussi inconscient de croire que l'immigration est sans incidence sur le devenir de notre nation que de penser qu'elle n'a pas contribué à forger notre identité.
Le coeur du projet du Président de la République en matière d'immigration est de reconnaître l'intérêt qu'il y a pour notre pays et pour les pays d'origine à autoriser un certain nombre d'immigrés à s'installer en France, tout en exigeant de ceux-ci qu'ils respectent nos valeurs et en maîtrisant l'ampleur des flux migratoires.
La France doit rester un pays ouvert à l'immigration. Elle doit honorer sa tradition d'accueil des personnes persécutées de par le monde. Elle ne peut que s'enrichir de l'apport de populations étrangères, comme l'a montré toute son histoire. Mais cette immigration doit être compatible avec nos capacités d'accueil et nos grands équilibres sociaux. Pour cela, monsieur le ministre, vous disposez d'un outil majeur : la création d'un ministère dédié à la question des flux migratoires, réunissant sous votre responsabilité l'ensemble des administrations concernées.
La création de la mission « Immigration, asile et intégration » est une suite logique de celle du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. La mission vise à regrouper l'ensemble des crédits concourant à ces politiques, jusqu'alors dispersés entre les missions « Solidarité et intégration » et « Sécurité et action extérieure de l'État ». Ces crédits relevaient également de quatre ministères différents.
La création de la mission vient conforter la cohérence apportée par la mise en place d'un ministère unique regroupant l'ensemble des services concernés : l'ensemble du parcours d'un étranger est désormais suivi dans sa totalité par un seul ministère.
La dotation de la mission dans le projet de loi de finances pour 2008 est de 618 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 609 millions d'euros en crédits de paiement.
La mission comporte deux programmes.
Le premier, « Immigration et asile », doté de 422 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 414 millions d'euros en crédits de paiement, regroupe les crédits relatifs aux centres de rétention administrative, aux reconduites à la frontière, au fonctionnement de l'administration des visas, à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile, et au traitement de leurs demandes par l'OFPRA. Il inclut également 18 millions d'euros de dépenses de personnel, correspondant à 370 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, ainsi que les fonctions supports de la future administration centrale du nouveau ministère.
Le deuxième programme, « Intégration et accès à la nationalité », doté de 195 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, finance l'accueil des étrangers par la voie du contrat d'accueil et d'intégration mis en oeuvre par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, ou par le biais d'associations financées par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSE. Il inclut également les dépenses de personnel relatives à la direction de la population et des migrations, transférée du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité.
Sans détailler davantage la structure de la mission, je voudrais recentrer mon intervention sur mes recommandations concernant la création de l'administration centrale du ministère et les priorités de son action.
La création de l'administration centrale n'est pas encore finalisée à ce jour. Elle s'appuiera en premier lieu sur des personnels transférés en totalité ou en partie d'autres administrations, telles que la direction de la population et des migrations, la DPM, le service des étrangers en France du ministère des affaires étrangères et la sous-direction des étrangers et de la circulation transfrontière du ministère de l'intérieur.
Au total, 489 ETPT sont transférés, auxquels s'ajoutent 120 emplois créés au titre des services du cabinet du ministre et pour les services transversaux du ministère, c'est-à-dire la direction de l'administration générale et le service des affaires internationales et du codéveioppement notamment.
Monsieur le ministre, vous souhaitez regrouper l'ensemble de vos services, à l'exception de la sous-direction des naturalisations de la DPM et d'une partie du service des étrangers en France, qui resteront implantés à Nantes et Rezé. Cette localisation unique me semble certes indispensable pour développer une culture commune, et mieux faire travailler ces services ensemble. J'appelle toutefois votre attention sur le choix de cette implantation. Une localisation dans le centre de Paris présenterait certes l'avantage de la proximité avec le ministère et son cabinet, mais elle renchérirait considérablement le coût de l'opération, qui sera financée par la vente du siège de l'ANAEM, situé dans le 15e arrondissement. Je souhaite vivement que ce sujet fasse l'objet d'un suivi conjoint avec notre collègue Yves Deniaud, rapporteur spécial pour la gestion du patrimoine immobilier de l'État.
J'en viens aux priorités d'action du ministère et à leur traduction budgétaire. Quatre axes me semblent essentiels : la promotion de l'immigration concertée, la lutte contre l'immigration illégale, la garantie de l'exercice du droit d'asile et le renforcement de l'intégration.
La promotion de l'immigration concertée est une priorité fixée par le Président de la République, dont la lettre de mission vous invite, monsieur le ministre, à viser l'objectif que l'immigration économique représente 50 % du flux total des entrées à fin d'installation durable en France, contre 7 % aujourd'hui, ainsi qu'à fixer chaque année des plafonds d'immigration selon les différents motifs d'installation en France et selon les régions d'origine, ce qui nécessitera une révision constitutionnelle.
Je suggère que la priorité accordée au développement de l'immigration économique soit rendue plus visible par l'introduction d'un indicateur de performance relatif à son pourcentage par rapport au flux total. Il conviendra bien sûr, pour ce faire, de mieux définir ce que l'on y inclut : quid, par exemple, des étudiants étrangers ?
Le deuxième axe, la lutte contre l'immigration illégale, fait l'objet de l'action « Police des étrangers » du programme « Immigration et asile », laquelle regroupe les crédits relatifs à la rétention, à l'éloignement ainsi qu'à l'accompagnement social des personnes en rétention, soit 80 millions d'euros en autorisations d'engagement et 79 millions d'euros en crédits de paiement.
Sur ce point, je me permets trois recommandations.
D'abord, que les dépenses d'investissement relatives à la construction ou à la rénovation des centres de rétention administrative, qui sont restées dans la mission « Sécurité », soient transférées vers la mission « Immigration », une fois achevé le plan triennal d'augmentation des places, afin d'aller jusqu'au bout de la logique consistant à regrouper ces dépenses dans une seule mission.
Ensuite, que l'on mette fin à l'éclatement de la gestion des centres de rétention administrative – les CRA – entre la direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale. Une entité unique de gestion des CRA devrait être mise en place au sein du ministère de l'immigration afin de mieux en rationaliser le pilotage.
Enfin, qu'un indicateur relatif au taux d'exécution des mesures d'éloignement prononcées vienne compléter l'indicateur relatif au nombre de reconduites effectives à la frontière. Ce taux est actuellement très faible : seule une mesure prononcée sur cinq est exécutée. Cet indicateur contribuerait à faire progresser la réflexion sur les motifs d'échec des éloignements et sur les réformes devant être engagées. Je suis favorable, sur ce point, à des pressions accrues sur les pays non coopératifs en matière de délivrance des laissez-passer consulaires, ainsi qu'à une unification du contentieux au profit d'un seul ordre juridictionnel, ce qui exigera une révision constitutionnelle, que vous envisagez déjà, monsieur le ministre.
À plus court terme, je recommande que l'État soit systématiquement représenté lors des audiences devant le juge des libertés et de la détention.
Troisième axe : la garantie de l'exercice du droit d'asile. Elle s'appuie sur le regroupement des crédits relatifs à l'accueil, à l'hébergement et au traitement des dossiers des demandeurs d'asile par l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés, la CRR, deux structures qui vont passer de la tutelle du ministre des affaires étrangères à la vôtre ; 72 % des crédits du programme « Immigration et asile », soit 304,5 millions d'euros, y sont consacrés.
Le Gouvernement compte sur une poursuite de la baisse des demandes d'asile, de l'ordre de 10 %. Cette hypothèse n'est pas irréaliste, mais les derniers chiffres disponibles révèlent une décélération de cette baisse qui invite à la vigilance : un palier semble avoir été atteint. Les efforts devront donc être poursuivis afin de réduire encore les délais de traitement des recours par la CRR, notamment grâce à la numérisation des dossiers et à la dématérialisation des procédures. De même, il est important d'écourter la durée de séjour des demandeurs déboutés et des réfugiés dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile, les CADA.
D'autre part, la situation actuelle de la CRR n'est pas satisfaisante. Pour son budget et son personnel, elle est rattachée à l'OFPRA qu'elle contrôle. À ma grande satisfaction, je constate que vous avez décidé d'accorder son autonomie budgétaire à la CRR, appelée à devenir la Cour nationale du droit d'asile lors du prochain exercice budgétaire.
Quatrième axe : le renforcement de l'intégration. Celui-ci repose sur la mise en oeuvre par l'ANAEM du contrat d'accueil et d'intégration, généralisé et rendu obligatoire par la loi du 24 juillet 2006. Il s'appuie également sur l'action de l'Agence nationale de la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSE, qui assure notamment la formation linguistique des étrangers déjà présents sur le territoire français.
Sur ce point, je recommande qu'une réflexion soit engagée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, sur l'articulation entre l'action de l'ANAEM et celle de l'ACSE. Ces deux opérateurs mènent une action similaire de formation linguistique, le partage des compétences entre eux reposant uniquement sur la durée du séjour des étrangers. Ceux qui sont en France depuis moins d'un an relèvent du CAI, donc de l'ANAEM ; les autres dépendent de l'ACSE. Une rationalisation permettrait une meilleure lisibilité du parcours des étrangers, mais aussi des économies d'échelle importantes.
L'intégration sera renforcée par deux mesures figurant dans la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'asile et à l'intégration : la création du CAI familial ; l'évaluation, dans les pays d'origine, de la maîtrise du français et de la connaissance des valeurs de la République par les candidats au regroupement familial et les conjoints étrangers de Français.
Ces mesures devraient générer un coût supplémentaire évalué à 3,6 millions d'euros, qu'il est proposé de financer par une revalorisation de la taxe perçue au profit de l'ANAEM, lors des validations des attestations d'accueil. Cette taxe serait portée de 30 à 45 euros, pour un nombre d'attestations estimé à 250 000 par an. Tel est l'objet de l'article 45 rattaché, sur lequel j'émets d'ores et déjà un avis favorable.
Enfin, monsieur le ministre, je vous adresse tous mes voeux de réussite pour la négociation d'un nécessaire traité multilatéral, qui définira les droits et les devoirs des États membres de l'Union européenne en matière de gestion des flux migratoires. Je vous adresse aussi tous mes encouragements pour mener à bien la lourde tâche qui vous a été confiée à la tête d'un ministère que vous avez la charge de bâtir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)