Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, d'exprimer la surprise qui est la mienne d'entendre en ces lieux des interventions qui donnent une image idyllique de votre politique d'immigration. La réalité en est bien éloignée et traduit plutôt un échec tant pour le contrôle et l'accueil que pour l'intégration. Noël Mamère y a fait référence et Manuel Valls en parlera certainement dans quelques instants.
Pour illustrer cet échec, je tiens à souligner combien sont nombreuses les collectivités qui se trouvent confrontées à l'arrivée massive de populations roms. Ce phénomène s'accroît chaque mois. Leur présence pose d'innombrables difficultés.
Le plus souvent, ces populations s'installent dans des lieux dépourvus de toutes commodités, notamment sanitaires.
Ces groupes, formés aussi d'enfants en bas âge et de femmes enceintes, arrivent totalement démunis, dans des conditions juridiques incertaines : les Roms de la nationalité d'un État de l'espace Schengen bénéficient de la libre circulation, pas ceux de la nationalité d'un État hors Union Européenne et hors espace Schengen, et les ressortissants de certains pays comme la Roumanie, régie par un accord international, bénéficient de conditions de circulation à peu près similaires à celles applicables aux ressortissants des États membres de l'Espace Schengen durant une période de trois mois. En revanche, les conditions requises pour bénéficier de cette libre circulation, des moyens de subsistance et l'objet du déplacement, manquent le plus souvent.
Leur présence pose de très délicats problèmes humanitaires : hygiène, état sanitaire, absence de scolarisation des enfants. Elle est par ailleurs souvent à l'origine de tensions avec les populations locales, du fait, notamment, de la généralisation de la mendicité, parfois active.
Les municipalités sont confrontées à des situations extrêmement difficiles à gérer, et la responsabilité des élus est engagée. Ils doivent assurer des conditions d'existence humaines sans prendre le risque de figer cette population sur le territoire et de créer de fait des camps ingérables et pérennes.
L'entrée sur le territoire français des Roms dépasse largement la compétence des collectivités locales, d'autant que leur situation est un sujet sensible, notamment en Roumanie et dans l'Europe des migrations. Par ailleurs, l'initiative de certains eurodéputés d'organiser une conférence spéciale sur les Roms durant la présidence slovène de l'Union ne reçoit qu'un écho très limité, notamment de la part de la France. Comme Mme Pau-Langevin, nous espérons que le Gouvernement prendra des initiatives très marquées en faveur du codéveloppement, en direction notamment de la Roumanie. L'hiver arrive et la situation ne peut perdurer.
Je suis maire de Boulogne-sur-Mer, et j'ai peu apprécié la façon dont vous mettiez en cause mon témoignage sur Sangatte. Je suis à quelques dizaines de kilomètres de Sangatte, je vois au quotidien les conséquences des politiques d'abandon de l'État. Les conséquences humaines sont dramatiques. Elles sont en totale opposition avec la version officielle qui affirme que le problème serait réglé alors que dans les faits, n'en déplaise à l'ancien ministre de l'intérieur devenu Président et peut-être à vous-même, elle ne fait que s'aggraver. Le Gouvernement s'obstine à détourner son regard de la réalité, un peu comme un malade qui casse le thermomètre pour prouver qu'il n'a plus de fièvre.
Le problème des Roms connaîtra-t-il le même traitement qui consiste à jeter un voile pudique sur la réalité, à l'occulter et à laisser les autorités locales et leurs populations seules, sans moyens, essayer d'y faire face ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)