Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le cas des « ni-ni », les personnes ni régularisables ni expulsables, et sur les injustices de la régularisation au cas par cas – depuis quelques mois il faudrait plutôt parler de non-régularisation, comme l'illustre le cas évoqué par Manuel Valls.
Nous avions prévu, quand nous étions aux affaires, une possibilité de régularisation au bout de dix ans, qui s'intégrait dans une vraie politique de gestion du regroupement familial et d'organisation de l'immigration de travail. Votre majorité est revenue sur ces dispositions en 2003, et vous avez supprimé les outils permettant une régulation intelligente des flux migratoires introduits par la loi dite Chevènement, qui prévoyait un panel de possibilités en la matière.
Depuis la suppression de ces possibilités, que faire de ces gens qui ne sont ni expulsables ni régularisables ? La régularisation globale des sans-papiers, qui viendrait alimenter les filières d'immigration clandestine, n'est évidemment pas souhaitable. Il faut préconiser une régularisation à partir de plusieurs critères : durée de présence en France, attaches personnelles, scolarisation des enfants, possession ou promesse d'un contrat de travail. Il faudrait aussi rétablir le système de régularisation automatique au bout de dix de présence illégale, supprimé par la loi Sarkozy de 2006. Il faut enfin, comme vous l'avez dit, prendre en compte des considérations humanitaires.
En effet, l'expérience quotidienne montre que la seule régularisation au cas par cas n'est pas viable. Elle est d'abord arbitraire, les préfectures accordant ces régularisations en fonction de critères parfois obscurs et incompréhensibles, quand ce n'est pas pour respecter des quotas d'expulsion fixés par Le Gouvernement.
Le cas par cas revient à renoncer à l'élaboration de droits et d'une législation clairs alors qu'il existe une alternative entre régularisation massive et étude au cas par cas. Le cas par cas ne doit rester qu'une solution extrêmement résiduelle, ce ne doit pas être une solution de fond.
La loi de 2006 a abrogé la régularisation de plein droit au bout de dix ans, mais elle a créé un dispositif d'admission exceptionnelle au séjour pour des motifs humanitaires. Or ce dispositif de régularisation est trop arbitrairement appliqué, j'ai pu le constater dans les interventions que j'ai été amené à faire au cours de mon mandat de maire et depuis mon court mandat de parlementaire.
Prenons l'exemple de cette mère turque, soignée au CHU d'Angers pour maladie grave, et de sa fille, qui ont été expulsées alors qu'un recours suspensif avait été déposé par le conseil de la famille au tribunal administratif de Nantes. Après avoir refusé de reconnaître son erreur, la préfecture du Maine-et-Loire vient enfin de les laisser revenir en France !