…les comparaisons sont difficiles, mais les crédits comparables stagnent voire diminuent : vous aurez ainsi le plus grand mal à faire coïncider vos déclarations martiales avec les moyens que vous entendez mettre en oeuvre pour la lutte contre l'immigration irrégulière et l'insertion des étrangers en France.
Certes, vous devez disposer de services et d'une administration. Mais je partage les recommandations qui vous ont été faites par l'un des rapporteurs : compte tenu de la gravité du sujet, il serait assez déplacé de voir des crédits consommés par des projets immobiliers.
Pour le reste, je me demande comment vous pourrez financer en nombre suffisant des places décentes en centre de rétention – surtout si la durée de celle-ci augmente encore –, de même que les reconduites à la frontière, l'hébergement des femmes ou les soins élémentaires, dans des conditions qui respectent la dignité individuelle.
Je note d'ailleurs, pour répondre aux propos pleins d'allégresse de M. Ciotti, que toute votre politique repose sur le postulat banal selon lequel la limitation des flux à l'entrée permettrait une meilleure intégration, notamment des familles. Or, vous le savez, les experts sont de plus en plus nombreux à s'interroger sur la validité d'un tel raisonnement : en réalité, lorsque vous empêchez la libre circulation des étrangers, ils doivent faire venir leur famille, et vous devez alors recourir à des mesures qui, comme celles que vous avez récemment adoptées, visent à endiguer l'immigration familiale. Il y a donc quelque chose à revoir quant au postulat sur lequel est fondé votre budget.
S'agissant de la lutte contre les entrées irrégulières, le problème est de savoir comment les empêcher et, au cas où on n'a pu le faire, comment on organise les reconduites à la frontière. Je vous invite à relire les rapports de la CIMADE, organisation d'habitude mesurée et en outre mandatée par le Gouvernement, au sujet des centres de rétention : on en a le coeur serré. Elle dénonce les effets dévastateurs de l'industrialisation de la rétention avec la multiplication du nombre et de la capacité des lieux de rétention. Elle montre comment la logique comptable à l'oeuvre confine à l'absurde et génère chaque jour des drames humains. Elle vous rappelle, enfin, comment la généralisation du placement en rétention des familles est inacceptable, dans la mesure où l'exigence de l'expulsion prend le pas sur les principes élémentaires de protection des mineurs.
J'ai moi aussi visité, avec M. Assouline, les centres de rétention de Vincennes et la zone d'attente de Roissy : sans mettre aucunement en cause le professionnalisme et le sérieux des personnels qui y travaillent, j'ai été frappée de voir tant d'enfants dans ce qui reste, quoi qu'on en dise, un univers carcéral. Il y a quelque chose de déplacé dans la présence de jeux d'enfants, comme un toboggan, au sein de ces lieux grillagés. Pour n'évoquer que la zone réservée aux mineurs, il faut l'avoir vue pour comprendre le caractère dramatique de ce lieu qui, malgré ses couleurs vives, est destiné à enfermer des adolescents qui y ont été conduits parce que leurs familles ne pouvaient plus assumer leur éducation.
Voilà où sont les priorités de la politique que vous menez. Et voilà pourquoi des mesures de correction doivent être prises.
Je suis tout autant frappée de stupeur lorsque je vois que les crédits affectés à la prise en charge des demandeurs d'asile diminuent.