Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de m'exprimer devant vous pour ce premier budget de mon ministère. Je remercie Béatrice Pavy, rapporteure spéciale de la commission des finances, Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et Éric Diard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la qualité de leurs travaux – ce qui est certes un postulat de départ – et la pertinence des nombreuses propositions formulées dans leurs rapports. Je salue l'établissement par les trois commissions d'un questionnaire commun qui a permis de le traiter à 90 % à la date de parution des rapports, et dans sa totalité aujourd'hui.
La création de la mission « Immigration, asile et intégration » résulte de la volonté conjointe du Président de la République et du Premier ministre et, comme l'a souligné Éric Diard, c'est l'une des innovations les plus importantes du projet de loi de finances pour 2008.
Avant de répondre à chacun des intervenants, je voudrais vous faire part de ma conviction profonde : nous sommes en train d'accomplir un changement essentiel, attendu et voulu par nos concitoyens, de notre politique d'immigration et d'intégration. Pendant des décennies, les gouvernements successifs, quels qu'ils soient, ont négligé, ou traité au coup par coup et de manière cloisonnée, les questions de la maîtrise des flux migratoires, de l'intégration des immigrés légaux, de l'accès à la nationalité et, au-delà, de l'identité nationale.
Nicolas Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'intérieur – Noël Mamère s'en souvient sans doute – a mis fin à ces politiques chaotiques. Le nombre de visas délivrés s'est stabilisé autour de 1,9 million par an ; parallèlement, le nombre de reconduites à la frontière depuis la métropole est passé de 10 000 en 2002 à 24 000 fin 2006. Je vous donne des chiffres révélateurs de la politique que nous entendons mener, s'agissant des immigrés en situation illégale mais aussi de l'intégration de ceux qui sont en situation légale. Depuis 2002, ce sont au total plus de 100 000 étrangers en situation irrégulière qui ont été raccompagnés à partir de la métropole dans leur pays d'origine et le nombre d'interpellations a progressé significativement, pour atteindre 90 000 en 2006. Cette gestion plus rigoureuse de l'immigration a permis en 2005 d'inverser la tendance en matière de délivrance des titres de séjour, puisque nous sommes passés de 201 500 titres accordés en 2003 à 195 000 titres en 2005. En 2006, cette tendance à la baisse s'est confirmée.
Ces bons résultats ne constituent qu'une première étape. Aujourd'hui, le ministère se dote d'un budget propre ; demain – au 1er janvier – il disposera d'une véritable administration centrale. Tant ces moyens budgétaires que ces ressources humaines seront indispensables pour mener à bien les trois missions que m'ont assignées le Président de la République et le Premier ministre.
Le premier objectif est de mener une politique d'immigration concertée, à l'image des grands États occidentaux. J'emploie volontairement le mot « concertée » puisque c'est le souhait d'un grand dirigeant africain, le Président Wade ; le gouvernement français l'a parfaitement compris et nous avons intégré cette préoccupation. Concrètement, il s'agit de rééquilibrer les flux migratoires afin d'atteindre l'équilibre entre immigration économique et regroupement familial. Nous renforcerons également les moyens techniques de lutte contre l'immigration irrégulière grâce à la biométrie et à la création du titre de séjour électronique. Enfin, nous amplifierons la lutte contre les filières d'immigration illégale et de travail clandestin.
L'immigration choisie est indissociable d'un engagement de la communauté nationale en faveur d'une intégration réussie des immigrés légaux. Tel est le sens du projet de loi que nous avons discuté et sur lequel je ne reviendrai pas à ce stade. Parmi les engagements présidentiels – Mme Pau-Langevin et M. Ciotti, se sont exprimés à ce sujet –, figure en bonne place l'émergence d'une nouvelle forme d'aide publique au développement : le codéveloppement. J'ai eu la satisfaction, cet été, d'obtenir la création, au sein de la mission interministérielle « Aide publique au développement », d'un véritable programme consacré au codéveloppement, qui nous permettra, madame Pau-Langevin, d'être plus crédibles dans nos échanges avec les pays sources d'immigration. Les crédits de paiement ont ainsi été portés de 14,5 millions en 2007 à 29 millions cette année, tandis que les autorisations d'engagement, passant de 18,5 millions à 60 millions, progressent davantage encore. Cet accroissement est révélateur des nouveaux moyens dont nous disposons : notre politique portera prioritairement sur la promotion des accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement et sur la contribution au développement des projets individuels ou collectifs portés par les migrants et les diasporas dans leur pays d'origine.
J'en viens à la présentation de la mission « Immigration, asile et intégration ». Comme l'ont indiqué les rapporteurs, les crédits du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française » et du programme 303, « Immigration et asile » s'élèvent à 618,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 609,6 millions en crédits de paiement. Le plafond d'emplois du ministère est fixé à 609 équivalents temps plein travaillé.
Les crédits transférés concernent principalement quatre ministères : le ministère du travail pour 430 millions d'euros ; le ministère de l'intérieur pour 77 millions ; le ministère des affaires étrangères pour 64 millions ; enfin le ministère de la défense pour 2,5 millions : il s'agit essentiellement des centres de rétention administrative gérés par la gendarmerie.
Concernant les emplois, 239 proviennent du ministère du travail, 110 du ministère de l'intérieur et 140 du ministère des affaires étrangères et européennes.
Je voudrais tout particulièrement insister sur la répartition des crédits par grandes politiques publiques.
Le premier poste de dépenses, qui a trait à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile, représente 50 % des crédits de paiement, avec 304,5 millions d'euros.
Le second poste de dépenses concerne l'accueil, la présence et l'intégration des étrangers légaux, avec 29,6 % des crédits, soit 180,5 millions d'euros. Ce projet de budget conforte la politique engagée depuis 2003, en amplifiant le montant des subventions versées à l'ANAEM et à l'ACSE.
Le troisième poste concerne la lutte contre l'immigration illégale. Il reçoit 14 % des crédits de paiement et près de 85 millions d'euros, une dotation qui nous permettra d'assurer la gestion des 2 400 places en CRA attendues fin 2008 en application du plan triennal lancé par le comité interministériel de contrôle de l'immigration en 2005.
Les rapporteurs ont proposé de prolonger ce plan. Nous n'avons pas l'intention de lancer un nouveau plan triennal, mais nous devons nous doter des capacités nécessaires pour mieux prendre en charge la situation des étrangers en attente d'expulsion, notamment en Île-de-France, où, depuis le début de l'année, 1 252 d'entre eux n'ont pu être admis en CRA faute de place, ce qui représente plus de 20 % des éloignements effectués dans cette région. Une telle situation n'est à l'évidence pas acceptable.
Je me réjouis que les trois rapporteurs concluent à la nécessité de regrouper en 2009 l'ensemble des crédits informatiques, y compris ceux de l'application « Réseau mondial visa ». Une particularité de notre ministère est que 42 % des personnels de son administration centrale sont situés en province – essentiellement à Nantes. C'est, et de loin, le taux le plus important pour l'État.
La nouvelle organisation administrative, resserrée, efficace et moderne, sera mise en place au 1er janvier 2008. Un service de la stratégie sera directement rattaché au secrétaire général du ministère, Patrick Stéfanini. Il sera en charge du contrôle de gestion, des statistiques et études mais aussi de la stratégie d'ensemble des systèmes d'information. Jusqu'à présent, nous n'avons jamais pu obtenir des chiffres fiables, et c'est pourquoi, malgré certains débats avec des organismes extérieurs, il me paraît indispensable que le ministère dispose d'un service de la statistique.